1. Les comptables agréés s’organisent !
Vieux de plus de 10 ans, le débat entre experts-comptables et comptables
agréés trouve enfin un terrain d’entente. La profession de comptable agréé va se
réglementer mais en se dotant d’une organisation plutôt que d’un ordre.
Par : Mounia Kabiri Kettani
Les comptables agréés peuvent enfin lâcher un grand ouf ! Après de longues années
de bataille, ils auront enfin leur organisation OCA qui défendra leur cause et
permettra de réglementer la profession. C’est l’objet d’un projet de loi déposé par la
Direction des entreprises publiques et de la privatisation DANC/DNIC relevant du
ministère de l’Économie et des Finances pour commentaire au secrétariat général du
gouvernement (SGG). « Le projet a été présenté à l’ère Mezouar et a fini comme
d’autres dans les tiroirs. Espérant que cette fois, avec le nouveau gouvernement,
sera la bonne », souhaite El Ghali Khadir, président de l’Association des comptables
agréés du Maroc (ACAM). En effet, le cadre réglementaire en vigueur souffre
d’insuffisances relatives, notamment face à l’absence de définition des actes
professionnels réservés aux comptables agréés, des modes d’exercice de la
profession, des obligations, incompatibilités et des interdictions et sanctions relatives
à l’exercice de la profession. D’où la création d’une organisation à l’instar de l’ordre
des experts-comptables (OEC). Dans ce qui semble être « un sursaut » de dernière
minute, l’ordre des experts-comptables, réticent au départ, a fini par donner son
accord. « Ce n’est pas le fait qu’on veuille réglementer cette profession qui nous
dérangeait, mais la manière dont cette réglementation se déroule. On n’était pas
d’accord sur le principe de création d’un ordre pour les comptables agréés. Car une
confusion régnerait entre celui-ci et le nôtre », déclare cet expert-comptable diplômé
d’État, qui exerce son activité à Casablanca. « Les experts-comptables ont choisi de
se retirer de la table des négociations, estimant que la création d’un ordre des
comptables agréés sèmerait la zizanie dans le secteur », rajoute Khadir. Maintenant
la situation semble être débloquée et les négociations ont abouti à la création d’une
organisation plutôt que d’un ordre. « On devait avancer donc on a opté pour une
organisation, sinon on serait resté dans un blocage éternel », nous confie El Ghali
Khadir. Ainsi, l’OEC a émis un avis favorable sur le principe de doter les comptables
agréés d’une organisation, tout en formulant des observations qui ont été prises en
considération lors de l’élaboration du projet de loi. Quoi qu’il en soit, ce projet de loi,
qui a engendré tant de discorde et de divergences entre les deux catégories de
2. comptables, sera examiné au conseil du gouvernement et au conseil des ministres.
Aujourd’hui il est entre les mains du SGG.
Vers un assainissement de la profession
Le projet de loi offre un cadre légal à la profession. Il crée, une vraie profession
comptable au Maroc avec des prérogatives et des sanctions. La profession pour de
nombreux observateurs, ressemble à un moulin à vent : on y entre comme on veut
et quand on veut. La scène est aujourd’hui occupée par trois catégories de
professionnels : les experts-comptables (environ 400), organisés dans un ordre et
disposant du monopole de l’audit et de la certification ; les comptables agréés, au
nombre de 500, regroupés dans une association et s’occupant de la tenue de la
comptabilité, en concurrence avec les experts-comptables ; et enfin, les comptables,
le plus gros de la troupe (plus de 2 000), regroupés eux aussi dans des ass ociations,
coiffées par une fédération et pouvant aussi offrir des prestations de tenue de
comptabilité. La profession d’expert-comptable est régie par une loi (loi 15/89), celle
de comptable agréé par un décret (n° 2.92.837 du 3 février 1993), tandis que celle
des comptables n’est soumise à aucun texte. Or, en l’état actuel des choses, rien
n’interdit à un particulier sans compétences particulières d’exercer la profession
libérale de comptable, d’ouvrir un cabinet et de vendre des prestations de tenue de
comptabilité. Une situation qui n’est pas sans risque pour les entreprises, clientes de
ces entités. L’avantage du texte de loi est qu’il intègre tous les professionnels via les
conditions dérogatoires. Une manière de mettre le holà à ceux qui jouent avec la loi
et qui, sur justification d’une simple patente pendant dix ans, créent des cabinets
fiduciaires à la réputation peu crédible. Le président de l’Association des comptables
agréés reconnaît l’existence de cette frange de comptables peu scrupuleux, qui se
comptent par milliers. « En adoptant ce projet de loi, les portes seront verrouillées »,
estime-t-il. D’ailleurs selon la même source, sur les 140 demandes enregistrées cette
année, seules 43 répondant aux critères ont été acceptées.
« Le projet de loi va nous protéger contre ceux qui parasitent la profession »
Entretien avec El Ghali Khadir, président de l’Association des comptables
agréés, qui explique comment le projet de loi, longtemps retardé sur les
comptables agréés va assainir la profession, tout en lui fixant un cadre.
En quoi consiste concrètement ce projet de loi pour lequel vous avez bataillé
pendant longtemps ?
Ledit projet de loi définit la profession de comptable agréé, fixe les conditions
d’inscription à l’OCA et arrête ses modalités d’organisation et de fonctionnement. En
3. matière d’attributions, l’OCA dispose de pouvoirs disciplinaires et de sanctions à
l’égard des professionnels ayant commis des fautes professionnelles ou toute
contravention aux dispositions législatives et réglementaires auxquelles le comptable
agréé est soumis. Le projet de loi prévoit également des dispositions transitoires
d’inscription à l’OCA pour les professionnels qui exercent actuellement la profession
de comptable à titre libéral. Il se subdivise en deux parties. La première partie définit
la profession de comptable agréé et les modes d’exercice de la profession. À cet
effet, le comptable agréé est défini comme celui qui a pour profession habituelle de
tenir, centraliser, ouvrir, arrêter, suivre, superviser, redresser les comptabilités des
entreprises et organismes qui font appel à ses services et auxquels il n’est pas lié par
un contrat de travail. La deuxième partie du projet de loi porte sur le fonctionnement
de l’Organisation des comptables agréés, les modalités d’inscription et les
attributions de l’organisation en matière de discipline ainsi que des dispositions
transitoires pour les professionnels qui exercent avant la publication de ladite loi.
Comment cette loi va assainir l’activité ?
Ce projet de loi réglementant la profession et instituant une organisation des
comptables agréés va nous protéger contre ceux qui parasitent la profession. Il la
dotera d’un texte clair qui précise les conditions d’accès à la profession. Nul ne peut
porter le titre de comptable agréé et exercer la profession à titre libéral s’il n’est pas
inscrit au tableau de l’Organisation des comptables agréés institué par la présente
loi. Les professionnels exerçant actuellement doivent remplir certaines conditions
avant d’être inscrits au tableau des comptables agréés. La loi n’exclut personne. Tout
le monde y trouve son compte. Tous les professionnels du métier seront recensés et
ceux qui ne répondent pas à certains critères auront le droit de passer un test pour
avoir le statut, et ce pendant dix ans.
Jusque-là l’ordre des experts comptables bloquait cette initiative, par
crainte, selon certains, de perdre des parts de marché…
Aucun risque de concurrence avec les experts-comptables n’existe. Le comptable
agréé ne peut nullement se substituer à l’expert-comptable. Sur le plan de l’activité,
les comptables agréés et les experts-comptables ont des points communs, à savoir la
tenue de la comptabilité et le conseil juridique et fiscal pour le compte d’entreprises.
La seule différence réside dans le fait que les experts-comptables exercent, en plus
de ces deux activités, le commissariat aux comptes et l’audit légal, deux obligations
pour les sociétés anonymes, et les SARL, dont le chiffre d’affaires dépasse les 50
millions de dirhams. Nous sommes presque 500 aujourd’hui. Et si la loi passe, on
sera à peu près 1 200, puisque même les fiduciaires seront intégrés. Le Maroc
compte 400 experts comptables.
4. En Algérie il y a 2 000 comptables agréés et 1 500 experts-comptables, le besoin est
énorme. Et il y a de place pour tout le monde.