1. Histoire et influence
du centre d’architecture
Arc en rêve à Bordeaux
Mémoire de première année
Master Recherche en Histoire de l’art et archéologie
Marcela Garcia Martinez
Sous la direction de M. Marc Saboya
Université de Bordeaux III, Michel de Montaigne
Année 2011
3. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
Table des matières
Avant-propos .............................................................................................................. 4
Introduction ................................................................................................................. 6
État de la question ..................................................................................................... 8
a) Le travail d’Anne-Sophie Métais ............................................................................. 9
b) Le travail de Doïna Zgureanu................................................................................ 10
c) Le travail de Laure Augereau ................................................................................ 11
d) Le travail d’Aurore Rousset ................................................................................... 12
e) Rapport de stage de Julie Maigret........................................................................ 14
f) Bordeaux : la conquête de la modernité .............................................................. 15
g) Conclusions des chercheurs ................................................................................. 16
Première partie : Arc en rêve, pour lui-même ....................................................... 18
a) Contexte de la création du centre ......................................................................... 18
b) Organisation et activités ........................................................................................ 21
c) Localisation ............................................................................................................. 22
Deuxième partie : Arc en rêve pour les architectes .............................................. 29
a) L’enseignement de l’architecture en France à l’actualité.................................... 31
b) La formation des architectes et la question du rapprochement au public ......... 35
c) Arc en rêve pour les étudiants d’architecture à Bordeaux.................................. 36
d) Collaborations d’Arc en rêve avec l’École des Beaux-arts de Bordeaux .......... 39
e) Le rapprochement au public pour les architectes................................................ 40
Troisième partie : Arc en rêve pour le public ......................................................... 42
a) L’atelier pédagogique............................................................................................. 42
Les origines de l’atelier pédagogique ............................................................... 42
Le Bois de Rivière .............................................................................................. 44
L’atelier pédagogique dans l’actualité .............................................................. 49
b) Les expositions d’Arc en rêve ............................................................................... 51
c) Interventions d’Arc en rêve dans le domaine de la maison individuelle ............ 59
L’état de la maison individuelle en France ....................................................... 60
La participation des architectes dans le marché du logement individuel ...... 61
36 modèles pour une maison ............................................................................ 62
Collaboration d’Arc en rêve avec Domofrance ................................................ 64
Autres activités ................................................................................................... 68
2
4. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
Quatrième partie : Arc en rêve pour la ville de Bordeaux .................................... 71
a) Les échanges en expositions et les ouvrages ..................................................... 71
b) L’exposition « Mutations » ..................................................................................... 74
c) Arc en rêve comme outil de médiation pour les autorités de la ville.................. 75
Collaborations entre Arc en rêve et Chaban-Delmas...................................... 75
Un nouveau maire : une nouvelle dynamique.................................................. 77
Le projet urbain pour Bordeaux......................................................................... 78
Le moment historique de l’installation du tramway.......................................... 80
d) L’influence d’Arc en rêve dans l’aménagement des quais de la Garonne et de
la rive droite .................................................................................................................... 82
Un antécédent de l’appel d’idées de 1989 : Regards et fictions sur la ville .. 82
Le projet pour la Bastide de Ricardo Bofill ....................................................... 85
L’appel à idées d’Arc en rêve ............................................................................ 87
Le Projet des Deux Rives de Dominique Perrault ........................................... 91
Conclusions .............................................................................................................. 96
Bibliographie............................................................................................................. 98
Travaux d’étudiants : ..................................................................................................... 98
Ouvrages ........................................................................................................................ 98
Ouvrages produits par Arc en rêve .............................................................................. 99
Articles de périodiques spécialisés .............................................................................. 99
Articles de presse quotidienne.................................................................................... 101
ANNEXES 1: IMAGES .......................................................................................... 102
Première partie: Localisation ...................................................................................... 102
Deuxième partie : Arc en rêve pour les architectes .................................................. 104
Troisième partie : Arc en rêve pour le public ............................................................. 105
Quatrième partie : Arc en rêve pour la ville de Bordeaux ........................................ 110
ANNEXES 2 ........................................................................................................... 113
ANNEXES 3 ........................................................................................................... 127
Table des images................................................................................................... 130
Table des images annexes ................................................................................... 131
Table des graphiques ............................................................................................ 132
3
5. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
Avant-propos
Lors du choix d’un sujet pour l’élaboration de ce mémoire de première
année de Master en Histoire de l’art, nous avons eu deux objectifs. Le
premier était de nous pencher sur une thématique qui nous obligerait à
étudier le développement urbain et la production architecturale
contemporaine de Bordeaux. Le deuxième était de trouver dans cette
thématique des propositions qui pourraient être développées dans
d’autres villes, surtout dans des pays où l’architecture n’est pas autant
valorisée ni protégée qu’en France. Le centre d’architecture Arc en rêve
se trouvait exactement à la croisée de nos inquiétudes et l’étudier en
profondeur nous a paru donc un choix naturel.
La rédaction de ce mémoire coïncide avec la célébration du trentième
anniversaire du centre, un moment idéal pour regrouper la
documentation qui a été produite à son sujet, mais aussi pour faire un
bilan de l’institution d’un point de vue détaché qui puisse, nous espérons,
garder une distance scientifique et mettre en question ses fonctions et
contributions.
Nous voulons également montrer les responsabilités des architectes
vis-à-vis la société, qui dépassent le fait de dessiner et construire
correctement. Leur contribution doit s’étendre à la sensibilisation des
publics, des autorités et même de ses collègues, à une architecture qui
reflète notre identité et qui nous offre une meilleure qualité de vie. Par le
biais de ce mémoire nous voulons exprimer que la coupure entre les
architectes et le public est non seulement désavantageuse pour les
premiers comme professionnels, mais dangereuse pour le public qui
n’est pas dans la capacité de réclamer des productions de qualité et une
ville avec un fonctionnement harmonieux, parce qu’il n’a pas été éduqué
pour le faire.
4
6. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
Pour les élus et les autorités de nos villes, nous voulons montrer que
l’architecture, l’urbanisme et la culture sont des facteurs de
développement. Quand elle est dirigée de manière adéquate,
l’architecture est une source de tourisme, elle attire les investissements,
elle dynamise l’économie. Mais pour cela doit exister un consensus entre
les pouvoirs et les citoyens : une institution comme Arc en rêve se pose
comme le médiateur entre ces deux instances et c’est la raison pour
laquelle il est impératif que des centres de ce type se mettent en place
en France et dans d’autres pays.
Nous avons découvert, au fur et à mesure que la recherche avançait,
que nous partageons avec les membres d’Arc en rêve les aspirations et
la foi dans les possibilités que l’architecture peut offrir, non seulement
d’un point de vue esthétique, mais surtout humain et civique. Notre
propre parcours comme étudiante en architecture et ensuite comme
professionnelle de cette discipline nous a montré les répercussions
négatives des constructions sans architecture et sans recherche
plastique qui se mettent en place surtout dans les pays émergents où les
villes continuent à s’élargir sans projet urbanistique et dont les bâtiments
sont des copies de modèles étrangers. Nous espérons pouvoir contribuer
à la valorisation du centre en montrant sa participation dans la
construction de la ville de Bordeaux depuis sa création et en le mettant
comme un exemple à suivre pour d’autres villes en France et pourquoi
pas, ailleurs.
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7. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
Introduction
Ce mémoire vise à retracer l’histoire d’Arc en rêve, depuis ses origines
comme une association, son atelier pédagogique et son établissement
en centre d’architecture contemporaine à Bordeaux. Pour ce faire, nous
commençons par l’état de la question en faisant un aperçu de travaux
faits par des étudiants qui ont déjà travaillé sur le centre avant nous, en
plus de l’ouvrage par des historiens de l’art qui a inspiré notre recherche.
La première partie décrit sommairement son évolution, son organisation,
ses activités et sa localisation à Bordeaux. Ensuite, nous avons choisi de
structurer le travail à partir des différentes dimensions d’influence du
centre sur son environnement. Le public le plus proche et le plus
concerné par les thématiques d’Arc en rêve sont naturellement les
architectes, mais nous avons porté une attention particulière aux
étudiants en architecture et à l’enseignement qu’ils reçoivent
actuellement en France.
Par la suite, nous nous interrogeons sur l’utilité d’un centre
d’architecture pour le public en général et nous avons trouvé que les
activités qui le concernent le plus sont l’atelier pédagogique, les
expositions dans les galeries et les interventions dans le marché de la
maison individuelle. Mais le centre d’architecture accomplit d’importantes
fonctions aussi à une échelle supérieure, celle de la ville, que nous
analysons dans la dernière partie, en mettant l’accent sur la promotion
de Bordeaux à travers des expositions, des ouvrages ou des
évènements de grande envergure, son rôle de conseil et de médiateur
avec les élus de la municipalité et les expérimentations qui ont aidé à
façonner le paysage urbanistique de Bordeaux dans les dernières trente
années.
6
8. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
Notre recherche a été principalement bibliographique et nous avons
pris comme références des travaux faits par des étudiants, des articles
de la presse quotidienne et spécialisée, des ouvrages sur les
transformations récentes de Bordeaux et bien sûr, les ouvrages produits
par Arc en rêve. Nous avons essayé de prendre ces derniers avec une
certaine prudence et dans la mesure du possible nous les avons
questionnés par rapport aux impressions décrites par la presse.
Finalement, nous avons eu la possibilité de rencontrer M. Michel
Jacques, directeur artistique du centre, dont les réponses à nos
interrogations, posées lors d’un entretien, se trouvent disséminées dans
tout le travail.
7
9. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
État de la question
Comme nous avons expliqué précédemment, une de nos sources ont
été quelques rapports de stage faits par des étudiants. Ce type de
travaux nous a permis de comprendre la dynamique et le fonctionnement
de l’institution et nous ont montré les aspects qui n’ont pas été jugés
essentiels ou étudiés du tout dans le passé. Cependant, ces travaux ont
dû être pris avec une certaine distance car ils ont été conçus avec des
objectifs particuliers en suivant une méthodologie propre. Pour chacun
de ces chercheurs nous essaierons donc de discerner ces contributions
et limitations.
Une première source ont été les mémoires de deux étudiantes de
l’Institut d’Études Politiques de Bordeaux, Anne-Sophie Métais et Doïna
Zgureanu, qui ont réalisé des stages à Arc en rêve dans les années 1999
et 2000. Il a prouvé intéressant d’avoir eu accès à ses témoignages car
ils sont éloignés de l’architecture et de l’histoire de l’art et offrent donc un
point de vue différent à celui que nous aurions privilégié à sa place. Les
années de ces stages correspondent à une période d’une relevance
particulière à cause de l’organisation de l’exposition « Mutations ». Celle-
ci a été une manifestation de grande ampleur qui a montré le large et
important réseau du centre et lui a valu une reconnaissance au niveau
local et international. Ensuite nous verrons en détail les travaux de deux
étudiantes en architecture, Laure Augereau de l’École nationale
supérieure d’architecture de Nantes et Aurore Rousset, de l’École
nationale d’architecture de Paris-La Villette. De manière plus brève, nous
verrons les apports de l’étudiante Julie Maigret avec son rapport de
stage. Et finalement, nous allons exposer comment l’ouvrage Bordeaux :
la conquête de la modernité, des historiens de l’art Robert Coustet et
Marc Saboya, nous a servi de point de départ pour notre recherche.
8
10. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
a) Le travail d’Anne-Sophie Métais
Le rapport d’Anne-Sophie Métais a été réalisé suite à son stage de huit
mois dans le centre. C’est un mémoire pour l’obtention de son Diplôme
d’études supérieures spécialisées (DESS) en « Management des
organisations et entreprises de service public » et il a été présenté en
l’année 2000. À travers son travail, elle a voulu poser des interrogations
sur le centre pour qu’un autre étudiant puisse les développer en
profondeur dans une recherche postérieure 1. Elle s’est intéressée à
l’organisation du centre et l’environnement culturel dans lequel il travaille,
pour évaluer les conditions et les résultats des interactions entre les
deux. Pour cela elle a étudié comment le centre agit sur son milieu et le
phénomène inverse. Elle a donc mis en relation Arc en rêve avec des
aspects plus généraux de la société comme la culture et la place
dévouée à l’architecture dans celle-ci. Dans son analyse, Arc en rêve se
profile comme une institution qui doit trouver une balance entre le loisir et
la pédagogie, car il est en même temps une source de récréation mais
aussi de réflexion. Elle attire aussi notre attention sur le rapport de
l’architecture avec les instances du pouvoir et les élites.
Son étude nous renseigne surtout sur l’organisation interne du centre,
mais ne propose aucune réflexion sur les différents services que celui-ci
offre. Au vu de ce fait, nous avons choisi de concentrer ce travail sur les
activités et nous n’avons pas donné suite à ses observations sur la
manière dont le centre gère ses employés. Néanmoins, dans son travail,
Métais s’est interrogée sur la légitimité du centre et des activités qu’il
développe « en dehors des réseaux qu’il connaît et maîtrise »2. Nous
avons donc pris cette problématique comme point de départ pour cette
recherche en nous interrogeant si Arc en rêve est simplement un centre
d’expositions d’architecture contemporaine ou s’il vise à provoquer des
changements dans la ville où il est installé.
1
MÉTAIS Anne-Sophie, Arc en Rêve centre d’architecture, Mémoire du Diplôme d’Études
Supérieures Spécialisées « Management des organisations et entreprises de service public »,
Institut d’Études Politiques de Bordeaux, Bordeaux, 2000, p. 3
2
Ibid., p. 22
9
11. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
b) Le travail de Doïna Zgureanu
L’étudiante en DESS de Gestion Publique de l’Institut d’Études
Politiques de Bordeaux, Doïna Zgureanu, a intitulé son mémoire Mise en
place et gestion du projet d’une grande manifestation culturelle : arc en
rêve organise « Mutations »1. Elle l’a réalisé après avoir complété son
stage entre octobre 1999 et avril de l’année suivante. Les deux objectifs
principaux de ce travail étaient d’étudier le fonctionnement d’Arc en rêve
comme une association et de décrire l’organisation de l’évènement
« Mutations ».
Dans son rapport, Zgureanu a défini les associations et a expliqué ses
caractéristiques juridiques pour mieux comprendre la structure d’Arc en
rêve. Elle a donné une liste des employés à l’époque et de leurs
différentes conditions de travail, comme par exemple leurs types de
contrats. Elle a fait une analyse des statuts de l’association et a
approfondi sur le partenariat entre celle-ci et la ville de Bordeaux.
Entre ses contributions ont trouve les réflexions qu’elle a faites sur le
style de management de l’association et sur les contraintes que celle-ci
impose. Son travail a permis de comprendre comment le centre a
ressenti le passage de la mairie dirigée par Jacques Chaban-Delmas à
celle d’Alain Juppé. Et elle a donné un aperçu exceptionnel de
l’organisation d’une importante exposition comme « Mutations » en
décrivant son évolution à travers le temps et les ressources humaines et
financières qui ont été disponibles pour la faire.
Quant à son influence sur ce travail, elle a posé aussi la question sur
l’impact et l’influence du centre, surtout en vue de la nature abstraite de
sa mission de changer le rapport des individus à leur environnement.2
1
ZGUREANU Doïna, Mise en place et gestion du projet d’une grande manifestation
culturelle : Arc en rêve organise « Mutations », Rapport de stage du Diplôme
d’Études Supérieures Spécialisées de Gestion Publique, Institut d’Études Politiques
de Bordeaux, Bordeaux, 2000
2
Ibid., p. 38
10
12. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
c) Le travail de Laure Augereau
L’ouvrage de Laure Augereau, Cultures architecturales ? L’éveil à
l’espace chez l’enfant à travers son expérience sensible 1, constitue son
travail de fin d’études de l’École Nationale Supérieure d’architecture de
Nantes. Dans celui-ci, elle a voulu répondre à la question de savoir si la
sensibilisation à l’architecture doit être une mission de l’architecte et
quelles sont les institutions qui mènent des actions de ce type, surtout
dirigées vers les enfants.
Pour ce faire, elle a transcrit des données sur la perception du public
sur l’architecture. Ensuite, elle a fait une recherche sur les programmes
de sensibilisation à l’architecture développés dans les écoles, par des
associations comme la Maison de la Culture de Loire-Atlantique ou Arc
en rêve, ainsi que par l’atelier des enfants dans le Centre Georges
Pompidou. Elle a analysé les techniques d’animation de toutes ces
institutions et elle a mis en place ses propres démarches individuelles.
Son travail est intéressant car il met en rapport la formation des
architectes et leur pratique professionnelle avec l’image de l’architecture
auprès du public. Nous avons donc voulu poursuivre ses interrogations
sur ce sujet pour comprendre comment elles ont évolué depuis son
mémoire, présenté il y a onze années. Son analyse de l’atelier
pédagogique pour les enfants mis en place par Arc en rêve est très
intéressante car il demeure un des points forts du centre, mais notre
étude ne vise pas à questionner ces types d’activités ni leur efficacité
quant à la réussite de leurs objectifs.
1
AUGEREAU Laure, Cultures architecturales ? L’éveil à l’espace chez l’enfant à travers son
expérience sensible, École Nationale Supérieure d’architecture de Nantes, 2000
11
13. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
d) Le travail d’Aurore Rousset
L’étudiante de l’École d’architecture de Paris-La Villette, Aurore
Rousset, a travaillé comme stagiaire à Arc en rêve pendant dix mois au
terme desquels elle a réalisé son mémoire1. Ses interrogations portent
surtout sur la sensibilisation à l’architecture en général. Elle a voulu
étudier quelle est la place d’Arc en rêve dans le système établi en France
pour promouvoir les œuvres et le métier de l’architecte. Tout cela pour
présenter un projet architectural consistant en structures temporaires
mobiles appelés « Mobilo » qui pourraient être disposées à Bordeaux
pour élargir la présence du centre dans la ville et ainsi attirer plus de
public.
Elle a commencé par faire un état des lieux des institutions et
associations qui se préoccupent de sensibiliser à l’architecture à
Bordeaux et ailleurs en France. Pour cela elle a conduit une série
d’entretiens avec les principaux intervenants de ces organisations. Elle a
également interrogé tous les employés d’Arc en rêve à l’époque pour
essayer de comprendre leur point de vue quant aux avantages et
désavantages du centre et de sa structure. Elle termine son travail avec
un film où un super-héros parcourt Bordeaux en se posant des questions
sur la sensibilisation à l’architecture. Les réponses sont abordées par les
membres d’Arc en rêve et les autres personnes avec qui elle a eu des
discussions.
Son projet d’expositions temporaires répandues dans la ville constitue
une proposition intéressante pour le centre et son état des lieux montre
Arc en rêve comme une institution unique en France, mais surtout en
dehors de Paris.
1
ROUSSET Aurore (Sous la direction de Jacques BOULET et Marc BOUDIER), Arc en rêve,
un centre d’architecture à Bordeaux, École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-La
Villette, Paris, 2004
12
14. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
Dans l’inventaire des institutions qu’elle a réalisé, Rousset montre qu’il
n’existe pas un centre d’architecture en province qui puisse se comparer
en ressources, réseau relationnel ou en parcours à celui qui existe à
Bordeaux. En fait, même par rapport aux centres parisiens, Arc en rêve
jouit d’une reconnaissance similaire sinon supérieure et avec des
moyens plus réduits.
D’un autre côté, Rousset montre qu’Arc en rêve se développe comme
une institution isolée, dans le sens qu’il n’y a pas de véritable
coordination régionale ou nationale entre les institutions vouées à
l’architecture et pose ainsi deux problématiques qui pourraient être
développées par d’autres chercheurs : approfondir l’état de la
sensibilisation à l’architecture en France (car dans son travail elle se
limite à l’exposition et description des institutions sans faire une
comparaison entre elles ou sans donner un avis critique à ce sujet) et la
comparer à celle qui est menée dans d’autres pays.
Dans ce mémoire, Rousset s’interroge sur les problèmes d’avoir un
centre d’architecture dans le même bâtiment où se trouve un musée d’art
contemporain, ainsi que sur les contraintes imposées par l’Entrepôt
Lainé, d’un point de vue symbolique comme spatial. De notre part, nous
allons étudier en profondeur cet aspect qui est récurrent dans la
littérature disponible sur le centre et nous allons essayer de tirer nos
propres conclusions.
13
15. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
e) Rapport de stage de Julie Maigret
Un autre mémoire dont nous avons eu accès a été celui de l’étudiante
en Master de Métiers du patrimoine monumental et mobilier, Julie
Maigret1. Son travail date de l’année 2008, lorsqu’elle a travaillé comme
stagiaire assistante au commissariat d’exposition sous la direction de
Michel Jacques, pour ensuite intégrer le centre comme une de ses
employées. Son rapport contient un bref état de la question des
politiques patrimoniales en France, afin d’introduire les dilemmes autour
du patrimoine architectural contemporain dont Arc en rêve se charge de
diffuser. Maigret décrit plusieurs aspects du centre dont notamment
l’origine de ses ressources et sa stratégie de communication. Mais son
travail se détache par la description exhaustive des activités qui ont été
organisées lors de son stage qui a coïncidé avec l’organisation de
l’exposition « Collectif, nouvelles formes d’habitat en Europe »2. Elle
donne un aperçu de l’organisation d’une exposition et de la publication
qui l’accompagne : elle entre détail sur la sélection des œuvres, les
rapports établis avec les différents acteurs (les agences d’architecture
par exemple), la scénographie et surtout ce qui entoure l’élaboration de
l’ouvrage, qui a été son domaine principal.
1
MAIGRET Julie (Sous la direction de Michel JACQUES), Assistante au
commissariat d’exposition, Master II Métiers du patrimoine monumental et mobilier,
arc en rêve centre d’architecture, Université Michel de Montaigne, Bordeaux III,
Talence, 2008
2
Montrée du 4 juillet 2008 au 4 janvier 2009.
14
16. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
f) Bordeaux : la conquête de la modernité
Dans leur ouvrage, Bordeaux : la conquête de la modernité1, les
historiens de l’art Robert Coustet et Marc Saboya ont fait un état des
lieux des principales productions architecturales et urbanistiques faites à
Bordeaux entre les années 1920 et 2003. Par ce biais, ils ont montré
l’ambivalence de cette ville qui se débat constamment entre le poids de
sa tradition et de son héritage bâti du XVIII siècle et ses essais pour
construire son identité architecturale contemporaine.
L’ouvrage nous a donné des indices dans plusieurs domaines qui ont
servi à façonner notre recherche. Par exemple, le fait que les auteurs
s’interrogent sur l’impact qu’Arc en rêve a pu avoir sur les architectes à
Bordeaux2, nous amena à considérer dans une partie de ce travail quel
est le rôle du centre pour les professionnels de l’architecture. Également,
les auteurs font mention d’autres aspects du centre que les étudiantes
dans leurs mémoires avaient laissé de côté, comme les incursions dans
le marché de la maison individuelle et l’appel à idées « Bordeaux, Port
de la Lune » en 1989. Ceci nous a conduit à considérer que le centre a
pu avoir une influence, plus ou moins directe, dans la construction
urbanistique de Bordeaux dans les trente dernières années, une intuition
que nous voulons développer tout au long de ce travail.
1
COUSTET Robert, SABOYA Marc, Bordeaux : la conquête de la modernité, architecture et
urbanisme à Bordeaux et dans l’agglomération de 1920 à 2003, Éditions Mollat, Bordeaux,
2005
2
Ibid., p. 320
15
17. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
g) Conclusions des chercheurs
Même en prenant en compte les différences propres aux travaux de
nos prédécesseurs, il y a certains points sur lesquels tous semblent
s’accorder. Le premier est l’importance du « noyau » d’Arc en rêve, ses
membres fondateurs. Le centre serait né et aurait persisté pendant tout
ce temps grâce au fort engagement de ses membres et le réseau qu’il a
créé. Mais, quoique Arc en rêve soit une association avec une structure
bien définie qui va au-delà de ses membres fondateurs, le « noyau »
reste la seule instance qui prend les décisions, dont même le président
de l’association reste seulement informé 1.
Les étudiantes qui ont fait leur stage dans le centre ont toutes fait
mention que les employés en dehors des fondateurs ressentent un
manque de participation et d’influence sur les choix de l’association, et
ne sont pas satisfaits des conditions de travail qui ne sont pas optimales
comme des contrats précaires et des rémunérations basses. Il existerait
aussi un isolément des différents services qui constituent la structure du
centre, comme l’atelier pédagogique, le service graphique, le secrétariat,
etc.
Tous les chercheurs citent les bonnes relations de l’association avec le
Maire Chaban-Delmas et des réductions dans les subventions faites par
la Mairie de Bordeaux après l’arrivée d’Alain Juppé en 1995. D’autres
points en commun seraient la localisation apparemment désavantageuse
du centre à l’Entrepôt Lainé et la perception d’élitisme autour du contenu
des expositions et l’hermétisme du centre vis à vis d’autres institutions.
Également, tous sont d’accord sur le fait que c’est une mission des
architectes de faire des échanges avec le public qui puissent changer
l’image élitiste imposée par les médias et le « star system » des
architectes les plus célèbres du monde. Le public doit être plus
familiarisé avec les compétences des architectes si ces derniers veulent
provoquer des changements dans la profession.
1
MÉTAIS, op.cit., p.21
16
18. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
Par rapport à l’héritage des chercheurs qui se sont penchés sur Arc en
rêve avant nous, nous voulons donc considérer le centre dans une autre
dimension que son rapport à la culture ou à la sensibilisation à
l’architecture, pour nous concentrer sur son utilité ou influence sur les
différents acteurs de son environnement, comme nous l’avons expliqué
précédemment.
17
19. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
Première partie : Arc en rêve, pour lui-même
Comme nous avons expliqué, nous considérons que l’impact du centre
se fait à plusieurs niveaux qui s’élargissent à mesure qu’on les étudie,
mais nous sommes obligés de commencer notre analyse par l’existence
même du centre. Pour cette raison, dans cette première partie, nous
voulons étudier la naissance d’Arc en rêve, son fonctionnement et les
activités qu’il développe. En commençant par comprendre le contexte
des années de sa création.
a) Contexte de la création du centre
Depuis les années 1970 s’est mise en place toute une structure
gouvernementale qui veille pour la qualité des constructions et favorise la
recherche et l’innovation en architecture. Cette structure est formée par
des institutions telles que le Plan Urbanisme, Construction et
Architecture (PUCA), créé en 1971 ; les concours des Programmes
d’architecture nouvelle de 1972 ; les Conseils d’architecture, urbanisme
et de l’environnement (CAUE) de 1977 ; la Mission interministérielle pour
la qualité des constructions publiques et notamment pour les propos qui
concernent ce travail, l’Institut Français d’Architecture, créé en 1981. Ce
centre pourrait être considéré le prédécesseur d’Arc en rêve, dans le
sens qu’il a été créé avec des objectifs similaires, cependant, ses
activités sont limitées à Paris et n’incluent rarement des échanges avec
les autres villes du pays.
On peut aussi considérer comme un facteur qui a favorisé l’ouverture à
l’architecture contemporaine la série de grands projets commandés par
l’État français dans les années 1980. L’ambition du Président François
Mitterrand de rattacher son nom à des importantes constructions n’est
pas un fait inusuel chez les personnages de la sphère politique, mais à
travers son choix d’architectes d’une réputation internationale il a fait de
la France le réceptacle d’importantes œuvres de la production
contemporaine mondiale1.
1
Quelques œuvres produites à cette époque par des architectes qui ont été exposés par la
suite à arc en rêve incluent : l’Institut du Monder Arabe, de 1987 par Jean Nouvel et l’agence
18
20. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
La promotion et l’éducation à propos de cette architecture s’avère
nécessaire dans un pays très fier de son patrimoine historique et montre
aussi un engagement vers la modernité pour situer la France au même
niveau que d’autres pays plus habitués aux initiatives contemporaines,
comme les États-Unis.
Ces deux facteurs au niveau national, l’exemple de l’IFA et la
construction de projets de grande magnitude, ce sont rajoutés à une
condition locale pour la création du centre: l’inspiration fournie par
l’action pédagogique du futur colocataire d’Arc en rêve, le Musée d’art
contemporain1. Cependant, le choix de Bordeaux pour l’implantation
d’Arc en rêve s’est fait en dépit de la réticence de ses habitants vis-à-vis
l’architecture du XX siècle, car le fort attachement au patrimoine de la
ville constitue parfois un blocage pour promouvoir le contemporain2.
Au niveau personnel, l’engagement des membres fondateurs de
l’association est perçu déjà depuis leur époque comme étudiants. Dans
des entretiens, Michel Jacques a exprimé la rupture qu’il a éprouvée
avec la profession d’architecte quand il était encore en formation. Il était
conscient de l’abîme qui séparait la profession et la société, une
incompréhension mutuelle issue du manque d’espaces pour encourager
les rencontres ou les débats. Son objectif comme architecte n’a donc pas
été de devenir un maître d’œuvre mais il voulait, d’une autre façon, agir
sur l’aménagement de la ville3.
Architecture Studio ; le site de Tolbiac de la Bibliothèque Nationale de France, par
Dominique Perrault, inauguré en 1994 ; le siège à Paris-Bercy du Ministère de
Finances, fait entre 1981 en 1988 par Paul Chemetov et Borja Huidobro et la
commande de la Cité de la Musique faite à Christian de Portzamparc et ouvert en
1995, entre autres.
1
Le Musée d’art contemporain était dirigé à l’époque par Jean-Louis Froment.
2
D’après un entretien avec Michel Jacques du 21 mars 2011.
3
DARROQUY José, « L’archi sans chichi », Spirit, #27, février 2007, p. 4 - 5
19
21. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
Après avoir obtenu leurs diplômes de l’École d’architecture de
Bordeaux, en 1980, les frères Michel et Philippe Jacques ont rencontré
l’éducatrice spécialisée en psycho-sociologie, Francine Fort, avec
laquelle ils ont commencé à réaliser les premiers ateliers pédagogiques
centrés sur des notions d’espace.
Cette même année, le Ministère de l’Environnement et du cadre de vie,
dirigé par Michel d’Ornano, a fait appel à des idées dans le cadre de
l’action « 100 jours pour l’architecture ». Pour la région de l’Aquitaine, les
futurs partenaires du centre d’architecture ont proposé une étude-
animation pour l’aménagement des écoles de Bordeaux, projet qui a été
retenu et a reçu une subvention de 10 000 francs. Ceci a donné
naissance à l’association Arc en rêve en mai 19801, ayant comme
membres fondateurs Michel et Philippe Jacques, Francine Fort et
Martine Alzonne, elle aussi éducatrice spécialisée 2.
Les activités de l’association ont démarré le 6 janvier 1981, avec un
projet intitulé « Atelier public d’architecture, d’urbanisme et de
l’environnement à l’usage des enfants » et ses installations à l’Entrepôt
Lainé ont été ouvertes au public depuis le 30 janvier de la même année.
En ce qui concerne les subventions, en 1982, elles provenaient de la
Ville de Bordeaux, de la Région d’Aquitaine, du Ministère de l’Urbanisme
et du logement et du Ministère de la Culture3.
1
ZGUREANU, op. cit., p. 17
2
Mme. Alzonne ne travaille plus à arc en rêve.
3
En attendant la ville avec les enfants, action 82, arc en rêve, atelier public
d’architecture, urbanisme et de l’environnement, Bordeaux, 1982, p. 43
20
22. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
Pour sa création et pour sa permanence dans le temps, l’association a
bien bénéficié de l’avis favorable de la Mairie de Bordeaux, dirigée entre
1947 et 1995 par Jacques Chaban-Delmas, qui voulait faire avancer
Bordeaux dans la même direction que celle des grandes métropoles
européennes et qui était conscient du pouvoir médiatique des architectes
prestigieux et des projets de portée internationale.
L’atelier pédagogique a été la principale activité d’Arc en rêve jusqu’à
1985 lorsqu’il adopta le nom « centre d’architecture » pour montrer ainsi
qu’une plus grande attention serait portée aussi à ses expositions. Une
exposition avait déjà été organisée en 19821 et deux en 19832, mais
elles ont été plus régulières à partir de 1984. Arc en rêve a valu à
Francine Fort et à Michel Jacques l’obtention du Grand Prix National de
la Promotion architecturale en 1993 et à l’association la médaille de
l’Académie de l’Architecture en 19953.
b) Organisation et activités
Le centre d’architecture est structuré sur la base de quatre services. Le
premier est dirigé par Michel Jacques, il s’agit de celui de Programmation
et production. Il est chargé des activités de la Galerie d’architecture et du
Laboratoire d’architecture. Le deuxième, l’atelier pédagogique, est
intégré par Eve Mathieu, historienne de l’art, Vanessa Leydier,
paysagiste et Violaine Lubin, architecte. Il a été dirigé par Philippe
Jacques jusqu’à l’année 2008. Il est suivi par le service administratif qui
est le responsable de l’administration et gestion du personnel.
Il était conduit à l’origine par Martine Alzonne. Et finalement, le service
de relations publiques est chargé de la presse.
1
« Enfants & Construction, Images urbaines », entre le 3 décembre 1982 au 14
janvier 1982
2
« La Construction Moderne », entre le 2 et le 21 mai 1983 et « In-Cohérences,
Environnement quotidien et folie », entre le 9 décembre 1983 et le 14 janvier 1984.
3
MAIGRET Julie, op. cit., p. 6
21
23. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
Les activités du centre se divisent par rapport à trois axes. La Galerie
d’architecture propose des expositions, des conférences, colloques, des
animations telles que les visites guidées en ville ou d’un bâtiment en
particulier, les cafés de l’architecture (discussions ouvertes au public sur
l’architecture menées dans différents cafés de la ville de Bordeaux) et
elle s’occupe aussi des publications. Le deuxième axe est celui du
Laboratoire d’architecture et d’urbanisme. Il mène des activités
expérimentales, des formations proposées à la maîtrise d’ouvrage, des
consultations et des appels d’idées. L’atelier pédagogique, de son côté,
propose des animations pour les enfants et les adultes, qu’ils soient du
public ou des enseignants. Il est important de souligner qu’aucune de
ces initiatives n’a comme but de former des architectes ou de proposer
une introduction aux aspects techniques de la profession, mais plutôt
d’éveiller la curiosité et le goût pour l’architecture, ainsi que pour
l’urbanisme et le design.
c) Localisation
Dans les premières années de création de l’atelier pédagogique, il était
prévu qu’il serait installé dans une maison située dans un terrain à
Tauzin, propriété de la ville de Bordeaux. L’atelier devait mettre en place
une étude et une animation pour l’aménagement de la maison et du
terrain, pour ensuite occuper les lieux, mais le projet n’a pas été réalisé1.
L’étude a été reportée au Bois de Rivière et à partir de 1981 la Mairie a
assigné des espaces de l’Entrepôt Lainé à l’association. Ce bâtiment,
situé à la rue Ferrère a été construit par l’ingénieur Claude Deschamps
en 1822 pour déposer les marchandises qui provenaient des colonies et
qui arrivaient au port de Bordeaux. Il a pris comme nom l’Entrepôt Réel
des Denrées Coloniales (image 1) et le chantier a été achevé en 1824.
1
Étude – animation : Bois de Rivière, Bordeaux, Direction Régionale de
l’Équipement, Aquitaine, arc en rêve centre d’architecture, Bordeaux, 1993, p. 6
22
24. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
Image 1: Entrepôt Réel des Denrées Coloniales, Fonds Iconographique des Archives
Municipales, cote: XXI G 3, 1845
Lors de l’installation des hangars sur les quais (Annexes 1, image 1),
l’Entrepôt a perdu son utilité et il a été fermé en 1960. Son inscription aux
Monuments Historiques a été faite le 25 janvier 1973, la même année de
son acquisition par la ville de Bordeaux. Après avoir été occupé par
plusieurs associations, le Centre d’arts plastiques contemporains (CAPC)
s’y est installé en 1974 (il est devenu en 1984 un musée d’art
contemporain) et Arc en rêve l’a rejoint sept ans plus tard. Le bâtiment a
été réhabilité en trois phases : en 1979, 1984 et 1990, conduites par les
architectes Jean Pistre et Denis Valode de l’agence Valode & Pistre et
par l’architecte d’intérieur André Putman. Leur concept pour la rénovation
a été de respecter le plus possible la structure originale revêtue à
l’intérieur par de la pierre provenant de Bourg-sur-Gironde, de la brique
d’argile et du pin d’Oregon, et extérieurement par de l’appareil (Image 2).
Il conserve donc son aspect du XIX siècle si ce n’est-ce que par les
parois blanches qui couvrent la partie basse des murs et qui peuvent être
enlevées. Par ce fait, le bâtiment crée un fort contraste entre les œuvres
contemporaines du musée et le centre d’architecture (Annexes 1, image
2).
23
25. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
Image 2 : Vue extérieure de l’accès principal de l’Entrepôt Lainé, façade latérale, cl.
Marcela Garcia, 2011
Le musée occupe la grande nef de l’Entrepôt (Annexes 1, image 3),
l’espace le plus important de celui-ci, et des galeries du rez-de-
chaussée. Pour ce qui est d’Arc en rêve, il dispose d’espaces
administratifs et de locaux pour l’atelier pédagogique, aussi dans le rez-
de-chaussée (image 3) et à l’étage (image 4), une grande galerie de 500
m² (appelée Galerie d’architecture) et une petite galerie de 150 m²
(nommée Galerie blanche) pour les expositions de plus courte durée
(Annexes 1, images 4 et 5). Dans le bâtiment on trouve aussi une
bibliothèque/centre de documentation, un auditorium et un café et
restaurant situé sur les terrasses du deuxième étage, appelé Andrée
Putman comme la designer responsable de son aménagement.
24
26. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
Image 3 : Plan du Rez-de-chaussée de l’Entrepôt Lainé, d’après les plans pour la troisième
tranche d’aménagement, Archives Municipales, cote : 1073 W 289, 1987, signalisation des
espaces par Marcela Garcia
Image 4 : Plan du premier étage de l’Entrepôt Lainé, d’après les plans pour la troisième
tranche d’aménagement, Archives Municipales, cote : 1073 W 289, 1987, signalisation des
espaces par Marcela Garcia
25
27. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
La localisation d’Arc en rêve à l’Entrepôt Lainé présente des avantages
indéniables. Le bâtiment est placé en centre ville, dans la partie
touristique la plus importante de Bordeaux. Il jouit d’une facilité d’accès
par transport public –un arrêt de tramway se trouve très proche- et par
voie piétonne, car, à proximité des quais, il est dans un lieu populaire
pour les promenades. Le fait de partager la même structure avec le
Musée d’art contemporain a favorisé des collaborations entre les deux
entités comme ce fut le cas pour « Cities on the Move 2, art et
architecture en Asie »1, « Yona Friedman, architecte, Paris, Tu ferais ta
ville »2 et plus récemment, « Insiders »3. D’une autre part, les personnes
qui viennent à l’Entrepôt pour fréquenter le musée peuvent se rendre au
centre aussi, car le droit d’entrée donne la possibilité de voir les deux
lieux dans une seule visite. Le nombre de ces visiteurs n’est pas
insignifiant : un article4 cite 99 100 personnes venues au CAPC pendant
l’année 2007. Un autre avantage est celui de la disponibilité de la grande
nef pour l’organisation d’évènements de grande magnitude pour Arc en
rêve, dont on peut citer l’exposition « Mutations » et la célébration de son
trentième anniversaire, la « Yellow night », le 7 avril 2011 (image 5).
1
Présentée entre le 4 juin et le 8 novembre 1998.
2
Ouverte au public entre le 15 février et le 1er juin 2008
3
Du 9 octobre 2009 au 7 février 2010.
4
QUÉHEILLARD Jeanne, « Bordeaux sort de sa réserve », Intramuros, n°135,
mars/avril 2008, p. 62 - 72
26
28. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
Image 5: vue intérieure de la grande nef de l’Entrepôt Lainé lors de la célébration du
trentième anniversaire d’Arc en rêve centre d’architecture, « Yellow Night », cl. Marcela
Garcia, 2011
Cependant, l’Entrepôt Lainé impose quelques contraintes à Arc en
rêve. En termes d’espace, l’auditorium s’avère insuffisant pour accueillir
la quantité de public qui se présente lors des vernissages des
expositions ou des conférences avec des personnalités importantes.
Occuper le même bâtiment du CAPC crée une confusion entre celui-ci et
le centre d’architecture1, surtout parce que le musée occupe la plus
grande partie du bâtiment, il est plus connu par le public que le centre et
il est donc identifié à l’Entrepôt Lainé, parfois en tant que le seul
occupant. Comme l’accès au bâtiment permet de visiter les expositions
du CAPC et d’Arc en rêve, ce dernier n’a jamais fait un recensement de
la quantité de visiteurs qu’il reçoit. Et finalement, l’association entre art
contemporain et architecture ne serait pas nécessairement positive2 car
elle donne une image que l’architecture peut être aussi élitiste et
incompréhensible que certaines œuvres de l’art contemporain.
L’association a voulu à plusieurs reprises quitter l’Entrepôt, mais les
possibilités ne se sont jamais réalisées.
1
ROUSSET, op. cit., p. 47
2
Ibid., p. 47
27
29. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
Nous trouvons que la localisation d’un centre d’architecture
contemporaine dans un bâtiment du XIX siècle et dans le centre d’une
ville très protectrice de son patrimoine ancien atteste de cet attachement.
Cependant, cette situation paradoxale est très intéressante : par le biais
d’une structure ancienne il est possible de connaître la production de
notre génération. Mais il y a aussi dans ce phénomène une sorte de
détachement : à Bordeaux on peut voir les créations contemporaines,
mais en fin de compte, c’est l’héritage historique qui aura toujours la
priorité.
28
30. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
Deuxième partie : Arc en rêve pour les architectes
Une des considérations que nous avons eues pour comprendre le
contexte dans lequel se développe arc en rêve est celui du statut général
de l’architecture en France. Notre première idée a été de chercher
comment est diffusée la profession envers les étudiants qui s’interrogent
sur la valeur et les exigences de cette formation quand ils décident la
poursuivre. Les guides1 disponibles adressés aux étudiants français,
regroupent les architectes dans la catégorie des « artistes du cadre de
vie », avec les architectes d’intérieur et les paysagistes, pour les
différencier des artistes plasticiens comme les sculpteurs, les peintres ou
les photographes et ceux de la création visuelle (designer-graphiste,
infographiste, maquettiste, illustrateur, etc). Et l’image décrite dans ces
guides n’est pas encourageante. Si l’étudiant réussit à compléter sa
formation il aura principalement deux champs d’intervention : celui des
immeubles d’habitation, les bureaux et les équipements collectifs et celui
des maisons individuelles quand elles dépasseront les 170 m².
Cependant, il devra se confronter à quelques contraintes : son domaine
de travail sera limité, car la surface moyenne des habitations
individuelles est de 95 m² ; les architectes ne sont pas obligatoires du
point de vue légal pour l’aménagement des espaces intérieurs et le
nombre de diplômés augmente avec le temps, ce qui n’est pas le cas
avec le marché du travail. Les solutions qui lui sont proposées sont la
spécialisation dans des domaines différents de la maîtrise d’œuvre,
comme le conseil, l’urbanisme et le paysage2.
1
Nous prenons comme exemple: BUCHWALTER Véronique, PIRAT Emmanuelle,
SABIA Virginie, Les métiers de la création, Architecte, designer, graphiste…,
L’Étudiant, Paris, 1997, collection Les Guides de l’Étudiant)
2
Ibid., p. 34 - 37
29
31. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
Dans leurs travaux, Aurore Rousset et Laure Augereau, étudiantes en
architecture à l’époque où elles les ont rédigés, sont parties des mêmes
constats pour développer leur recherche. Les deux citent une
incompréhension du public vis-à-vis l’architecture et le fait qu’elle est
perçue comme une profession élitiste.
Elles expliquent que les enjeux de cette séparation sont les difficultés
croissantes d’accès à la demande pour les jeunes architectes, et les
complications qu’ils éprouvent pour se faire comprendre par leurs futurs
clients. Elles se posent donc la même question : est-ce que la
sensibilisation à l’architecture dirigée vers le public en général devrait
être une mission des architectes ou elle concerne uniquement le
système d’éducation nationale ? De notre point de vue, nous pensons
que ce sont les architectes qui peuvent mieux expliquer aux autres les
détails pertinents à leur métier. En effet, ils ont tout à gagner : une
meilleure communication entre l’architecte et le public entraîne la
possibilité de meilleurs résultats dans les œuvres construites, un
élargissement du marché, un meilleur niveau d’exigences demandé par
les clients, l’ouverture de nouvelles possibilités de travail et même, la
possibilité d’agir sur les autorités et sur la construction des villes,
justement les fonctions qu’a voulu développer Arc en rêve. Nous
étudierons donc l’enseignement de l’architecture pour comprendre
comment elle conditionne la production éventuelle de ses élèves, et de
ce fait, le statut du métier en général.
30
32. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
a) L’enseignement de l’architecture en France à l’actualité
L’année 1968 a marqué le début d’une nouvelle étape dans
l’enseignement universitaire qui inclut celui de l’architecture. Suite aux
manifestations de cette année menées par les étudiants, l’architecture a
été séparée des écoles de Beaux-arts, dont celle de Paris était la seule
ayant le droit de donner des diplômes ou des récompenses de prestige,
tels que le Grand Prix de Rome. L’isolement des architectes par rapport
à la société est une constante dans l’histoire de leur métier, dans le
système de formation et dans la distance entre les objectifs des
architectes de l’École des Beaux-arts et le reste de la société qui
continuait à évoluer sans eux. C’est pour cela que les étudiants en
architecture ont dû réclamer une nouvelle place pour eux. Ils exigeaient
l’ouverture de l’architecture vers d’autres disciplines, surtout celles des
sciences humaines ; l’introduction de projets de logements sociaux dans
le cursus et un approfondissement dans les techniques de construction.
Leur objectif principal était de se débarrasser de l’image d’un
architecte/artiste qui l’éloignait des autres professions. Ils voulaient
ancrer l’architecture dans le développement des villes et en ultime
instance, dans la vie quotidienne des hommes1.
Le résultat de ces revendications a été reflété dans le décret du 6
décembre 1968. L’architecture n’a pas pu être rattachée à l’université,
mais a été séparée des Beaux-arts dans vingt-et-une Unités
pédagogiques, dont neuf étaient à Paris. Le modèle restait quand même
universitaire, avec un enseignement dispensé en trois cycles de deux
ans et un travail personnel de fin d’études qui se présentait devant un
jury, à la fin de la dernière année. Les cours ont été divisés en cinq
domaines : l’architecture, les arts plastiques, les sciences de la
construction, les sciences exactes et les sciences humaines et
juridiques.
1
Sur l’évolution de la profession d’architecte en France voir : RINGON Gérard,
Histoire du métier d’architecte en France, Presses universitaires de France, Paris,
1997 ; ainsi que TAPIE Guy, Les architectes : mutations d’une profession, Éditions
L’Harmattan, Paris, 200
31
33. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
Le système a été reformé en 1984, lorsque les Unités pédagogiques
sont devenues Écoles d’architecture, avec deux cycles de formation. Les
premières deux années donnaient lieu à la remise d’un Diplôme d’études
fondamentales en architecture (DEFA) et après cinq années
supplémentaires on devenait Diplômé par le Gouvernement (DPLG),
avec la possibilité de construire en nom propre. Une spécialisation
additionnelle était possible par le biais d’un Certificat d’études
architecturales approfondies (CEAA). Les réformes commencées en
2002 dans tout le système supérieur d’enseignement français ont
rapproché l’architecture de la structure universitaire et ont rendu la
formation transférable en Europe. Avec l’institution du modèle Licence,
Master, Doctorat, les cours ont une quantité déterminées d’unités
d’enseignement et le Master se termine avec le Projet de fin d’études
(PFE).
Au contraire, cette formation n’aboutit plus à la possibilité d’exercer la
maîtrise d’œuvre ou à l’inscription à l’Ordre des architectes (organisme
qui date de 1940 et dont la fonction principale est le rassemblement des
professionnels qui peuvent exercer légalement le métier). Pour cela il est
nécessaire de faire un stage rémunéré de six à douze mois afin d’obtenir
l’Habilitation à la maîtrise d’œuvre en nom propre (HMONP). Autres
parcours alternatifs sont la poursuite d’un doctorat en architecture,
obtenu en trois ans, ou bien, le Diplôme de spécialisation et
approfondissement en architecture, avec une durée d’entre un et trois
ans. La formation a élargi la profession vers l’urbanisme, l’ingénierie, la
réhabilitation et la conservation du patrimoine, mais d’une autre part, elle
est jugée par beaucoup comme plus généraliste.
32
34. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
Un autre débat autour de cette formation est le fait que les étudiants
doivent choisir entre la pratique professionnelle ou la recherche, chaque
parcours avec ses propres avantages et contraintes. Ce choix s’opère en
détriment de la profession qui désormais sépare les architectes capables
de construire mais qui ne s’intéressent pas autant à la théorisation qui
doit accompagner les projets, et de l’autre côté les architectes qui
maîtrisent l’histoire et la théorie de l’architecture mais qui ne peuvent pas
l’appliquer concrètement1.
Le statut de l’architecte est en train de changer aussi : si
traditionnellement l’architecture est une profession libérale, elle est plus
rentable lorsqu’elle est exercée par des salariés au sein d’une agence.
La maîtrise d’œuvre est une des fonctions de l’architecte (où d’ailleurs
c’est rare s’il est en contrôle total ou même en position dominante du
projet2), mais c’est seulement une activité dans un spectre qui englobe
depuis quelques années le travail de conseil auprès des collectivités
locales, le design, le dessin informatisé, entre autres. Cette
diversification est perçue par quelques-uns comme une adaptation de la
profession aux difficultés économiques des dernières décennies, mais
pour d’autres personnes elle résultera dans un anéantissement du
métier3.
À Bordeaux, la seule institution où se forment les architectes est l’École
Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage (ENSAP, image 6).
Elle est située à Talence, à proximité de, mais sans aucun rapport, avec
le campus universitaire qui s’étend entre cette ville et Pessac.
1
À ce sujet, voir: SOULEZ Juliette, WEBER Julie, « Dossier thématique :
l’enseignement de l’architecture en France », Archistorm, #38, septembre – octobre
2009, p. 58 – 68.
2
TAPIE, op. cit., p. 302
3
RINGON, op. Cit., p.115
33
35. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
De cette école sont issus les architectes Michel et Philippe Jacques,
deux des fondateurs d’arc en rêve, qui ont présenté en 1979, en
collaboration avec l’étudiant à l’époque Alain Charrier, un travail de fin
d’études autour des rives de la Garonne1. Interrogé sur l’actuelle
formation des architectes, Michel Jacques a exprimé qu’elle est en déficit
et qu’elle ne constitue plus un gage de qualité. D’une part, la formation
est plus courte, il y a moins d’exigences de la part des enseignants et au
final, le cadre actuel de l’enseignement ne forme pas les étudiants à une
maîtrise d’œuvre qui est actuellement plus complexe et pluridisciplinaire.
Cependant, les réformes qui rapprochent les écoles d’architecture avec
l’université et qui les inscrivent dans un cadre partagé avec les autres
pays d’Europe sont positives, mais ne sont pas suffisantes pour faire
avancer la profession2.
Image 6 : Vue extérieure de l’École Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage
de Bordeaux, Talence, cl. Marcela Garcia, 2011
1
CHARRIER Alain, JACQUES Michel, JACQUES Philippe, Les rives de la Garonne
à Bordeaux, Regards et fictions sur la ville, (Réalisation à partir d’un travail personnel
de troisième cycle à l’Unité Pédagogique d’Architecture de Bordeaux en mai 1979),
Talence, octobre 1979
2
Entretien avec Michel Jacques du 21 mars 2011
34
36. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
b) La formation des architectes et la question du rapprochement
au public
Partout où il est question de la formation des architectes, le dilemme
des interactions avec le public et la maîtrise d’ouvrage ne se pose à
aucun moment, d’où les différences entre les langages que chacun
utilise et qui est souvent évoquée par les architectes. Ceci est un
obstacle qui pourrait être surmonté en grande partie pendant la période
d’études en encourageant les étudiants à partager avec des personnes
en dehors du cercle des écoles d’architecture. Le fait même d’avoir des
écoles d’architecture physiquement et psychologiquement isolées du
reste du système universitaire ne les incite pas à faire des efforts pour
diffuser leur travail à d’autres étudiants de l’université.
La rupture entre le public et l’architecte commence déjà au sein du
système éducatif quand ce serait justement le moment idéal pour les
rapprocher. N’oublions pas que l’étudiant en architecture est justement
en train d’apprendre les outils de son métier et que cet éloignement a
des conséquences directes sur la manière dont il va exercer son travail
par la suite. Il prendre en compte que la recherche en architecture ne suit
pas nécessairement le goût du public, ce qui impose à l’architecte,
surtout à celui qui vient de s’intégrer au marché du travail, deux
alternatives : soit il impose son point de vue, un parti que que tout le
monde n’est pas en mesure de prendre, soit il se soumet aux exigences
des clients. L’optimum serait d’apprendre à dialoguer dans un terrain
commun où des échanges entre les architectes et le public peuvent être
possibles.
35
37. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
c) Arc en rêve pour les étudiants d’architecture à Bordeaux
Une autre question surgit par rapport à l’École d’architecture de
Bordeaux : quels sont les liens qu’elle a avec Arc en rêve ? Il est
indéniable qu’un centre d’architecture contemporaine constitue une
ressource de grande valeur pour les architectes en formation. Il les
expose aux architectes et aux œuvres locales, mais aussi aux
architectes de renommée internationale, qui non seulement montrent
leurs œuvres mais viennent aussi pour donner des conférences ou
participer à des colloques. Dans ce sens, le centre d’architecture est un
excellent complément à la formation des futurs professionnels. Les
étudiants en architecture sont donc un des principaux publics du centre,
où d’ailleurs, plusieurs étudiants ont déjà travaillé comme stagiaires.
Parallèlement, Michel Jacques assure une centaine d’heures de vacation
par an à l’École d’architecture de Bordeaux, dans le champ d’Histoire et
cultures architecturales.
Mais la collaboration la plus remarquable entre Arc en rêve et l’École
d’architecture reste jusqu’à présent l’exposition organisée entre le 13
octobre et le 6 novembre 1994, intitulée « 7 travaux de fin d’études à
l’École d’architecture de Bordeaux ». Les élèves qui ont participé à cet
évènement ont été : Christophe Bouriette, Sophie Courrian, Gaspard
Joly, Jean-Philippe Lanoire, Paul Mario, Laurent Portejoie et Pierre-Yves
Portier. D’après Michel Jacques1, l’exposition a été faite par la volonté et
l’obstination d’Arc en rêve qui, sans trouver une opposition de la part des
professeurs, n’a pas eu de mobilisation ou une position active de leur
part, ce qui expliquerait qu’elle ait été une expérience isolée.
1 Entretien avec Michel Jacques du 21 mars 2011
36
38. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
Les architectes qui ont été sélectionnés pour cette exposition ont tous
eu des parcours très intéressants et actifs dans le développement de
Bordeaux. Christophe Bouriette est enseignant à l’École d’architecture de
Bordeaux dans le champ de Géographie et paysages. Il a été un des
auteurs de la modification de la pyramide de l’école en 19961. Il a fondé,
avec l’architecte Marion Vaconsin, l’agence Bouriette & Vaconsin en
2004. Gaspard Joly (image 7) a rejoint en 2009 l’équipe d’Architecture
Studio comme un des douze architectes associés à cette agence qui
possède des bureaux à Paris, Venise, Shanghai et Beijing. Pierre-Yves
Portier, qui avait collaboré avec Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal
pour le projet de la Maison de la culture Japonaise à Paris en 1990 et
pour la première étude de la renommée Maison Latapie en 1992,
travaille comme architecte indépendant à Bordeaux.
Image 7 : Projet de Gaspard Joly : « New York, un gratte-ciel… hôtel à Manhattan »,
Dépliant de l’exposition « 7 travaux de fin d’études à l’École d’architecture de Bordeaux »,
arc en rêve centre d’architecture, 1994
1
Travail collectif en collaboration avec Christian Bardin, Laurent Vilette, Isabelle
Mathieu et Aline Rodrigues. D’après COUSTET, SABOYA, op.cit., p. 260
37
39. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
Paul Mario, Laurent Portejoie et Jean-Philippe Lanoire ont été à
l’origine de l’atelier « King-Kong » en 1991, qui est devenu une agence
d’architecture trois ans après, quand il a été complété par les architectes
Jean-Christophe Masnada et Frédéric Néau. Ils sont les responsables de
l’aménagement de la place Pey-Berland fait en 20041. De son côté,
Jean-Philippe Lanoire s’est associé avec Sophie Courrian (image 8 ;
pour projets des autres étudiants, voir annexes 1, images 6 à 10) et ont
fondé Lanoire & Courrian architectes, en 1996. Ils sont reconnus à
Bordeaux notamment pour la réhabilitation du Hangar 142 en 1997 qui
leur a valu le prix de la Première œuvre du Moniteur en 2000 et pour être
les lauréats du concours pour le design du tramway de Bordeaux en
19983. Le projet global du tramway de Bordeaux a été exposé entre le 4
et le 27 juillet 2003 dans « La ville dessus dessous, Attention tramway ! »
et entre le 4 juillet et le 21 décembre de la même année dans
« Tramway, l’exposition, urbanisme/architecture/design/ingénierie ».
L’agence a eu par la suite sa propre exposition intitulée « Lanoire &
Courrian, Le pôle agricole de Chasse-Spleen »4 qui était composée en
deux parties : la première centrée autour du projet du château viticole
Chasse-Spleen et l’autre de dix-neuf autres projets des architectes. Cette
exposition avait pour but, non seulement de mettre en avant le travail de
l’agence mais aussi, d’après les propriétaires du château, d’inciter les
autres viticulteurs à s’éloigner des pastiches des constructions des XVIII
et XIX siècles lorsqu’ils décident de faire des nouvelles constructions
pour adopter le contemporain5. L’architecte Courrian a participé
récemment dans un café de l’architecture6 intitulé « « Styles de ville
métropolitain », organisé dans le quartier Saint-Michel. Son intervention
portait sur le travail de son agence autour des logements conçus pour
l’ilot Saint-Julien, de ce même quartier.
1
Avec l’architecte Francisco Mangado
2
Avec l’agence Flint.
3
Fait en association avec Absolut Design.
4
Entre le 6 décembre 2007 et le 17 février 2008
5
DELHOUNEAU Olivier, « L’audace à la vigne », Sud-ouest, 6 décembre 2007
6
Le café de l’architecture a eu lieu le 7 juin 2011.
38
40. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
Image 8 : Projet de Sophie Courrian : « Un observatoire à coucher de soleil à Alcatraz »,
Dépliant de l’exposition « 7 travaux de fin d’études à l’École d’architecture de Bordeaux »,
arc en rêve centre d’architecture, 1994
d) Collaborations d’Arc en rêve avec l’École des Beaux-arts de
Bordeaux
Il semble qu’au fil du temps, il a existé une collaboration plus étroite
entre Arc en rêve et les écoles de Beaux-arts, celle de Bordeaux et
d’autres villes. La première date de 1996, lors d’une tentative similaire à
celle qui avait été faite avec l’École d’architecture : une exposition sur
sept travaux de fin d’études d’élèves de l’école des Beaux-arts de
Bordeaux1. En 1998, l’exposition « Shalom l’artiste »2 a montré les
affiches faites par les étudiants pour la saison d’Israël en France. En
1999, les élèves de l’école des Beaux-arts de Bordeaux et de
Casablanca ont présenté « Limites Non Garanties »3, de manière
simultanée à « Casablanca, Naissance d’une ville moderne sur le sol
africain »4. Mais il a fallu attendre douze ans pour que se répète cette
association entre le centre et l’école des Beaux-arts de Bordeaux. Entre
le 27 janvier et le 13 février 2011 l’exposition « Langage commun, une
lecture d’objets » a montré le travail du designer Oscar Diaz avec des
étudiants de cette institution.
1
Montrée du 6 décembre 1996 au 12 janvier 1997.
2
Du 19 novembre au 13 décembre 1998
3
Du 15 octobre au 28 novembre 1999
4
Du 1er octobre au 28 novembre 1999
39
41. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
Le fait que les liens entre Arc en rêve et l’École d’architecture de
Bordeaux ne soient pas exploités d’avantage est vraiment préoccupant
et amène à se demander si à Bordeaux ils ne sont pas conscients de
l’avantage qu’ils ont par rapport aux écoles d’architecture d’autres villes
qui n’ont pas accès direct à un centre d’architecture contemporaine.
C’est un phénomène qui ne se produit pas avec l’École des Beaux-arts
qui a déjà participé à quatre expositions contre une seule de l’École
d’architecture dans les trente ans du centre. Michel Jacques affirme que
le champ expérimental avec les étudiants pourrait se développer, mais
nous regrettons que l’expérience de l’exposition des travaux d’étudiants
en architecture n’ait pas eu de résonance ou de continuité avec les
nouvelles générations. La possibilité de montrer ses travaux dans un
centre avec la reconnaissance d’Arc en rêve pourrait être une source de
motivation pour les élèves si les deux institutions se mettaient d’accord
pour organiser des expositions ensemble, au moins une fois par an.
e) Le rapprochement au public pour les architectes
Après avoir vu les interactions entre les étudiants en architecture et le
centre, il ne reste qu’à s’interroger sur celles qui s’opèrent entre les
professionnels et le public en général. Le public aurait une perception
des architectes très limitée, qui leur attribue seulement la maîtrise
d’œuvre et l’aménagement urbain1 et l’association entre la profession
d’architecte et le statut d’artiste ne bénéficie pas tellement aux
architectes. D’une part, beaucoup d’entre eux ne valorisent pas tellement
les projets qui seraient d’un intérêt direct pour le public (comme ceux de
maisons individuelles) pour persister dans l’attente de commandes plus
prestigieuses ou d’une rémunération plus importante. Ce rapprochement
entre les deux serait d’autant plus difficile après la loi du 3 janvier 1977
qui a déterminé qu’un architecte est nécessaire pour la conception de
bâtiments neufs non-agricoles, à partir de 170 m² et agricoles de 800 m²,
des réhabilitations qui résultent dans des modifications des façades du
bâtiment ou entraînent un changement d’activité de celui-ci.
1
AUGEREAU, op. Cit., p. 11
40
42. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
Le public aurait donc tendance à croire que l’architecte travaille surtout
pour l’État ou pour de grandes entreprises privées mais pas
nécessairement pour le citoyen commun. Il se sentirait alors hors du
champ de travail de l’architecte et ne s’intéresserait pas non plus à son
travail.
À travers sa participation dans des projets de différentes échelles de
magnitude, Arc en rêve serait donc un véhicule qui montrerait les
possibilités d’intervention des architectes dans la société. Il propose
aussi une plateforme pour des débats entre la maîtrise d’œuvre et
d’ouvrage et expose les différents aspects de l’architecture comme un
art, une technique, mais surtout comme un service à la société et au
citoyen commun.
41
43. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
Troisième partie : Arc en rêve pour le public
Comme nous avons vu précédemment, Arc en rêve est d’une grande
utilité pour les étudiants en architecture et les architectes à Bordeaux,
mais ils sont loin de constituer un public si nombreux qui justifierait la
durée dans le temps du centre. Quoique des fois il soit jugé trop
« élitiste », « pour les initiés » ou « fermé sur lui-même »1, en réalité, Arc
en rêve organise beaucoup d’activités pour inclure le public qui n’a aucun
rapport direct avec l’architecture. Entre celles-ci on peut faire mention de
son atelier pédagogique, dirigé surtout vers les enfants ; ses expositions
et aussi ses efforts pour proposer des innovations dans le champ de la
maison individuelle, le sujet qui traditionnellement a éloigné les
architectes du reste de la société et qui à travers ses changements peut
les rapprocher le plus.
a) L’atelier pédagogique
Les origines de l’atelier pédagogique
« Arc en rêve » suggère les concepts « architecture enfant rêve »2 et il
désigne en même temps un centre d’architecture et une association.
Cependant, il ne faut pas oublier qu’à son origine se trouvait un atelier
pédagogique. Nous voyons donc dans les changements en termes du
nom l’évolution et l’expansion des objectifs des membres de
l’association.
L’histoire de l’atelier pédagogique commence au début des années
1980, lorsque Francine Fort travaillait avec des enfants malades et des
jeunes filles en difficulté sociale. Elle voulait réunir ces enfants avec
d’autres de milieux différents pour les faire travailler ensemble dans des
activités centrées sur leur saisie de l’espace.
1
ROUSSET, op. cit., p. 47
2
DE LAAGE Dominique, « Les rescapés de l’Entrepôt », Sud-ouest, 6 janvier 2006
42
44. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
Pour cela elle a rencontré les architectes Philippe et Michel Jacques et
avec Martine Alzonne ils ont créé l’association arc en rêve en 1980.
L’atelier Arc en rêve s’est défini dans ses premières années comme un
espace pédagogique et de recherche1. La pédagogie avait comme but la
sensibilisation des enfants à l’environnement, l’architecture et
l’urbanisme à travers des situations d’exploration de l’espace, comme
par exemple la manipulation de matériaux ou la construction d’objets.
Une autre partie importante de cette formation était destinée aussi aux
professionnels de l’éducation, les enseignants et les travailleurs sociaux.
L’atelier était dirigé pour les enfants de tous les rangs d’âge. Sa
démarche était définie comme la mise en place d’animations sur les
différents lieux de vie des enfants : l’école, la rue, le quartier et la ville.
Deux étapes auraient confronté le travail de l’atelier : aider les enfants et
les adultes à exprimer leurs besoins quant aux transformations
souhaitées pour les espaces qu’ils occupent et ensuite, les traduire dans
des propositions concrètes pour diriger ces espaces2.
1
En attendant la ville avec les enfants, op. cit., p. 43. Il faut souligner que dans cette
brochure, les membres de l’équipe d’arc en rêve qui sont listés sont : Francine Fort,
Michel Jacques, Philippe Jacques, Martine Alzonne, Anne Lacaton, François
Castillon, Anne Chatelier, José Mas et Maryvonne Wadier.
2
En attendant la ville avec les enfants, op. cit., p. 45
43
45. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
Le Bois de Rivière
Une des premières interventions à grande échelle de l’atelier Arc en
rêve a été l’étude – animation dirigée dans le Bois de Rivière, un parc à
Bordeaux, entre 1982 et 19851. En 1981, l’atelier avait été sollicité pour
une étude sur l’aménagement d’une maison, un jardin et les ateliers de
décor du Grand Théâtre, propriété de la Ville de Bordeaux au Tauzin,
près de l’hôpital Charles Perrens. Lorsque la réalisation du projet n’a pas
été possible il a été transposé au parc de Rivière.
Dans ce terrain, situé à proximité du Parc Bordelais et du Jardin Public
(image 9), se trouve le Château Larivière qui date du XVII siècle. Après
plusieurs modifications, ses derniers occupants ont été les membres de
la famille Cruse, qui l’ont quitté en 1974 et l’ont mis en vente l’année
suivante. Il a été acheté par la ville en 1979, qui d’ailleurs a commandé
un projet d’aménagement du jardin et d’une partie des bâtiments aux
architectes Philippe Carles et Olivier Brochet. Cependant, le projet a été
repoussé car la municipalité a décidé que le public devait occuper le parc
avant l’aménagement. Il a été inauguré en juin 1982, et lors du discours
le Maire l’a nommé « Bois de Rivière » pour transmettre une image du
terrain comme un espace de liberté.
1
Sur cette intervention voir : FORT Francine, JACQUES Philippe, LACATON Anne,
PENA Michel, RATHIER Francis, Le Bois de Rivière, d’une propriété privée à un
équipement public, Rapport d’une étude-animation, Arc en rêve, atelier public
d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement, Bordeaux, septembre 1984, ainsi
que : Étude – animation : Bois de Rivière, Direction Régionale de l’Équipement,
Aquitaine, Arc en rêve centre d’architecture, Bordeaux, 1993
44
46. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
Image 9 : Localisation du Bois de Rivière, Étude – animation : Bois de Rivière, Bordeaux,
Direction Régionale de l’Équipement, Aquitaine, arc en rêve centre d’architecture, Bordeaux,
1993, p. 9
L’intervention d’Arc en rêve commence après la session du Conseil
Municipal du 23 juillet 1982, quand l’atelier pédagogique a été chargé
pour réaliser une étude – animation qui devait donner comme produit
final un programme d’aménagement. La subvention pour l’étude a été de
300 000 F, dont deux tiers ont été fournis par la Ville et le reste par l’État,
à travers la Direction de l’Urbanisme et des Paysages. L’animation a été
suivie par un comité directeur dont les membres faisaient partie de la
collectivité locale et des administrations1. Le projet a eu une durée de
dix-huit mois grâce au fait que l’aménagement du parc n’était pas perçu
comme urgent et que l’observation et l’analyse de l’endroit et des
pratiques qui s’y déroulaient nécessitaient du temps. Il a été commencé
en automne de 1982.
1
Pour la collectivité : le Directeur des Espaces Verts, M. Ponzo ; le Directeur des
Relations Publiques, M. Lavigne ; un ingénieur des Services Techniques, M. Pouguet
et une personne détachée élue spécialement pour cette opération : Mme. Desplats.
Comme représentants des administrations : M. Staquet de la Direction
Départementale de l’Équipement ; Mme. Closier de la Direction de l’Urbanismet et
des Paysages et Mme. Cotlenko de la Délégation Régionale de l’Architecture et de
l’Environnement.
45
47. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
L’étude avait plusieurs facteurs d’intérêt, d’un côté le paysager et d’un
autre le social. La présence de l’atelier pédagogique a apporté comme
innovation le fait d’observer les relations entre ces deux domaines et
avoir la possibilité d’agir sur les interactions. Pour cela, une des
caractéristiques principales était d’avoir une équipe pluridisciplinaire. Le
travail a été conduit par deux architectes, Philippe Jacques et Anne
Lacaton ; un paysagiste, Michel Pena ; un sociologue, Francis Rathier et
Francine Fort, éducatrice spécialisée.
Pour ce qui est du domaine architectural et paysager, l’équipe a dû faire
un état des lieux des équipements qui se trouvaient dans le parc et
réaliser un diagnostic de ceux-ci. Ensuite, des propositions ont été faites
sur l’aménagement qui englobait les mobiliers, les qualités et traitements
du sol, l’état de la végétation, le repérage des climats à l’intérieur du
terrain, les possibles restaurations des bâtiments et des
recommandations sur la gestion et l’entretien du parc. Le produit final de
ce travail d’analyse a été un projet paysager complet (image 10), avec un
inventaire des lieux divisés en quatre pôles (nature embellie, nature
sauvage, culture et une aire de loisirs et de spectacles) où se distinguent
douze zones distinctes (Annexes 1, image 11) chacune avec sa
description, des travaux et plantations à réaliser et des mesures
d’entretien. L’ensemble avait un calendrier des activités et d’interventions
à réaliser pendant toute l’année.
Image 10 : Plans du projet paysager, Étude – animation : Bois de Rivière, Bordeaux, Direction
Régionale de l’Équipement, Aquitaine, arc en rêve centre d’architecture, Bordeaux, 1993, p.
24
46
48. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
Du point de vue social (image 11), plusieurs conditions du parc ont été
étudiées. En commençant par son histoire et les enjeux qui tenaient à ce
que son usage passait d’être une propriété privée à un espace public. En
outre, une attention spéciale a été portée à la présence de deux
populations de milieux différents. Le terrain du parc est situé à la croisée
entre un quartier de classes moyenne et supérieure et un ensemble HLM
de classes populaires. La confrontation entre ces deux groupes a été
enregistrée dans les rapports faits par l’atelier, qui d’ailleurs attestent de
son intervention positive sur ces confrontations par le biais d’animations
appelées « chantiers ».
Ces chantiers étaient ouverts aux usagers, mais aussi aux groupes
d’écoles, des associations ou de centres sociaux. Il s’agissait d’activités
où le public participait à l’élaboration d’objets, dont quelques-uns
pouvaient être utilisés dans le parc. Ils étaient un moyen d’interagir avec
les usagers, leur signaler que des transformations s’opéraient dans le
parc et qu’ils pouvaient faire partie de ces changements. De la même
manière, ils donnaient la possibilité d’attirer l’attention sur des actes de
vandalisme comme des vols de matériaux ou des dégradations des
bâtiments qui se sont produits lorsque l’atelier était présent.
47
49. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
Image 11 : Image du Bois de Rivière, Étude – animation : Bois de Rivière, Bordeaux, Direction
Régionale de l’Équipement, Aquitaine, arc en rêve centre d’architecture, Bordeaux, 1993, p.
14
Autres types d’activités développées dans le parc ont été des entretiens
faits par le sociologue avec les usagers, l’élaboration d’un album – photo
qui montrait l’évolution des pratiques dans le terrain ainsi que la
fréquentation du public dans celui-ci, et une enquête – animation sur les
thèmes de représentation du lieu, faite séparément avec des personnes
retraitées appartenant au quartier et avec la classe de 6 ème du Collège
Grand Parc. La dernière grande animation sur le lieu a été une
exposition sur l’étude et les propositions faites pour le parc. Elle a été
inaugurée deux mois avant la fin de l’étude, le 9 mai 1984 et a été
présentée jusqu’au 17 juin 1984. Celle-ci était le premier évènement
réalisé par tous les habitants du quartier et la première fois où une
promotion à travers des médias a été faite afin d’inviter des gens qui
n’habitaient pas la zone. Des membres de l’atelier, en permanence trois
jours par semaine, assuraient des visites commentées dans le parc et un
parcours commenté a été fait pour le Maire de Bordeaux, le comité
directeur de l’étude ainsi que pour la presse.
48
50. Histoire et influence du centre d’architecture Arc en rêve à Bordeaux
Les chantiers, qui au début ont été envisagés pour être poursuivis au-
delà de l’étude par d’autres institutions, n’ont pas été repris quand
l’animation s’est terminée. D’une part à cause du manque de moyens,
mais il est aussi mentionné le risque d’appropriation du parc par les
associations qui auraient pu continuer avec les activités. Les propositions
sur l’aménagement du terrain, qui ne semblaient plus une priorité ni pour
la Ville ni pour les usagers, ont été réalisées dans une faible proportion :
un travail a été fait uniquement sur cinq des douze zones prévues pour le
parc et le plan d’entretien et de gestion ne s’est pas mis en place1.
L’atelier pédagogique dans l’actualité
Actuellement, l’atelier pédagogique est un des trois axes d’activités du
centre, avec la Galerie et le Laboratoire d’architecture. Il offre des
animations qui peuvent être développées à l’Entrepôt Lainé, dans des
écoles ou ailleurs dans la ville. Il est possible d’adapter ces animations
aux publics de tous les âges -aux enfants, les jeunes ou les adultes- et
appartenant à différents environnements : du milieu scolaire depuis la
maternelle à l’université, des centres sociaux ou de loisirs et à d’autres
types d’institutions. L’atelier a également mené des expériences dans
des quartiers, des milieux psychiatriques ou pénitentiaires. Et même si
ces interventions constituent un argument très fort contre l’image
d’élitisme que les autres auteurs ont décrit du centre, nous devons
signaler que les activités dans ces institutions ne se réalisent plus de
manière fréquente2.
Les animations sont structurées autour de sujets comme
l’architecture, l’urbanisme et le design graphique ou industriel. Elles sont
dirigées par des architectes ou des historiens de l’art3, qui cependant
doivent être capables de s’extraire de leur statut professionnel pour
1
Etude – animation : Bois de Rivière, op. cit., p. 32
2
Entretien avec Michel Jacques du 21 mars 2011.
3
Actuellement, l’atelier pédagogique est dirigé par Eve Mathieu, historienne de l’art ;
Vanessa Leydier, paysagiste et Violaine Lubin, architecte.
49