3. 3
Á moi. L’histoire d’une de mes folies.
Depuis longtemps je me vantais de posséder tous les paysages possibles,
et trouvais dérisoires les célébrités de la peinture et de la poésie modernes.
J’aimais les peintures idiotes, dessus de portes, décors, toiles de saltimbanques,
enseignes, enluminures populaires ; la littérature démodée, latin d’église, livres
érotiques sans orthographe, romans de nos aïeules, contes de fées, petits livres
de l’enfance, opéras vieux, refrains niais, rythmes naïfs.
Je rêvais croisades, voyages de découvertes dont on n’a pas de relations,
républiques sans histoires, guerres de religion étouffées, révolutions de mœurs,
déplacements de races et de continents : je croyais à tous les enchantements.
J’inventai la couleur des voyelles ! - A noir, E blanc, I rouge, 0 bleu, U vert. -
Je réglai la forme et le mouvement de chaque consonne, et, avec des rythmes
instinctifs, je me flattai d’inventer un verbe poétique accessible,
un jour ou l’autre, à tous les sens. Je réservais la traduction.
Ce fut d’abord une étude. J’écrivais des silences, des nuits, je notais
l’inexprimable.
Je fixais des vertiges.
Arthur Rimbaud, Délires II - Alchimie du verbe, extrait du livre
Une saison en enfer (1873)
4. 4
3
5
Déjà vu
44 Brève histoire du te
m
ps
46 Plus je regarde
51 Pétroglyphe
s
68 Quand je marche
71 Ves(r)tige
7
8
L i g n e s
9
1
Artothèque
9
7 Jupe
4 Prélude
64 Traversée des habitudes
55 L’Odyssé
e
-
Vo
y
a
g
e
s
Numériques
8
4
T
r
a
verser les espaces
SOMMAIR
E
6 Fictions
14 Rencontrez Grégory
Valton
17 Fragments
24 Night not recordin
g
5. 5
1
06 Tartans 110 Ping-po
n
g
118 Remerc
i
e
m
e
n
ts
65 Journal de b
o
r
d
102 Levers de sol
e
i
l
6. 6
École...
L’école municipale d’arts plastiques a
rejoint en 2017 le conservatoire à rayonnement
départemental (musique, danse et théâtre) au
sein du pôle culturel « le CYEL ».
Ce lieu a pour missions l’enseignement, la
création et la diffusion artistiques.
Environ cinq cents élèves fréquentent l’école
d’art à l’année.
On y pratique la photographie et les arts
numériques, le dessin, la peinture, le volume
et la céramique, l’illustration, l’estampe, l’édition,
et l’histoire de l’art.
On propose aussi des projets pédagogiques
aux écoles à travers différents dispositifs
d’éducation artistique et culturelle : « L’art aux
enfants », pour les enfants de la maternelle
au cycle élémentaire, «Graphèmes»et«Voyages
numériques»pourlesélèvesducycleélémentaire,
«Correspondance(s)»,pourleslycéens.
Édition...
L’école a développé depuis de
nombreuses années une spécialité autour des
techniques artistiques de l’impression (dont
l’axe « art-livre-jeunesse »), qui figurait comme
un des points forts à son projet d’établissement.
Cette spécialité l’a renforcée avec un projet
d’éducation connecté aux autres dimensions
de l’apprentissage notamment par le rapport
aux langages.
Cela nourrit à ce jour un projet pédagogique
qui favorise le décloisonnement des pratiques
artistiques et envisage l’édition comme un
champ privilégié d’expérimentation, tant
pédagogique qu’artistique. Elle permet aussi un
partenariat avec l’enseignement supérieur et le
département Information et Communication de
l’IUT de La Roche-sur-Yon. Pour la création de
Bruire, ce lien se concrétise à travers un atelier
éditorial hebdomadaire intégrant six étudiantes
en projet tuteuré de DUT.
Expérience...
Larésidenced’artisteoulesworkshops
organisés par l’école impulsent des axes de
recherches transversaux, structurants pour
l’ensemble des projets pédagogiques.
La rencontre directe avec les artistes et leur
travail se répercute dans les différents cours
et ateliers à la manière d’un effet papillon...
L’espace d’une revue est envisagé comme un
champ d’expérimentation commun, vivant,
mobile, qui cristallise les expériences faites
à l’école.
Par une approche subjective et instinctive
des lieux qu’il traverse, Grégory Valton, artiste
plasticien, développe une oeuvre liée à la
photographie, la vidéo, la performance et
l’édition.
Ses projets l’amènent à voyager, à enquêter
sur des lieux et des histoires. Ils engagent tant
la confrontation de son corps à des paysages,
que l’étude de différentes archives. Ancrée dans
la littérature et la notion d’exploration, cette
démarche crée des liens entre univers plastiques
et littéraires pour chercher des signes de la
mémoire.
La résidence de Grégory Valton a eu lieu de
décembre 2020 à juin 2021 et a inspiré les axes
de travail suivants : archiver et traverser.
Ces mots ont impulsé des recherches
communes à toute l’école et donné un fil rouge
à Bruire #1. Chaque enseignant a pu développer
un projet selon cette orientation, abordée
librement avec ses élèves, sous l’angle de son
choix. Cette revue naît ainsi des contributions
des enseignants, des élèves et des partenaires
ayant répondu au projet transversal.
Prélude
7. 7
Énergie...
Mûri depuis janvier 2020, ce projet a
débuté en septembre 2020.
L’énergie collective a été maintenue malgré la
crise sanitaire que nous connaissons, et avec
les contraintes d’échanges à distance.
Cette période a donné lieu à de nombreuses
correspondances entre élèves, artistes,
enseignants, partenaires. Elle a généré des
tactiques diverses pour continuer ensemble
nos projets : ballets d’enveloppes de dépôts en
retraits, flux ininterrompus de messages écrits,
enregistrés, copiés/collés et même gravés... des
rendez-vous suspendus à des connexions plus
ou moins bien établies, des coups de folie, de
fatigue, des rencontres, des révélations.
Avoir fabriqué quelque chose ensemble donne
un peu de sens à l’étrangeté de cette année
de crise. Ce singulier contexte d’émergence
marque sans doute profondément le contenu
de Bruire #1.
Et voilà Bruire...
Bruire : verbe intr. Littéraire.
Faire entendre un bruit prolongé, fait de multiples petits bruits :
le vent bruit dans la forêt.
Larousse.
Saliha
Ghernaout,
2020
8. 8
Les élèves de ce cours se sont inspirés de l’œuvre de Grégory Valton
intitulée Nos châteaux en Écosse. Dans celle-ci, il part d’une cassette
vidéo retraçant le voyage de son grand-père en Écosse pour établir
toute une généalogie, une histoire de famille.
Partant de ce même point de départ, les élèves ont eu à choisir un
objet. Les raisons ont pu être très différentes : un objet qui leur rappelle
quelque chose, un moment de leur vie ; un objet intéressant par sa
forme, sa matière, sa signification, sa dimension symbolique…
L’essentiel était que cet objet raconte quelque chose, qu’il soit porteur
d’une histoire personnelle ou non.
Ainsi, les élèves se sont intéressés à l’histoire de leur objet pour la
détourner, la modifier, en imaginer une nouvelle… créant ainsi une fiction.
Les réalisations ont été diverses allant de la prise de note, du croquis
aux dessins, collages, photos ou encore mises en situation.
Les références artistiques faites au travail de Gabriel Folli et de Caroline
de Chiara ont pu étayer et guider leur travaux.
Au total, ils ont réalisé dix compositions qui pour certaines se suivent,
pour d’autres sont complètement indépendantes. Elles ont été
regroupées pour en faire un livret venant renforcer la fiction.
Fictions
Fictions
Fictions
15. 15
« J’ai une vision très romantique du voyage, pas
très moderne : le train, la marche, les livres,
la photographie, les lieux chargés d’Histoire.
Grégory Valton, mars 2021
»
16. 16
Si vous étiez une typographie, laquelle
seriez-vous ?
Aïe, ça commence mal. Je ne connais pas bien
les typos et j’ai toujours du mal à choisir. Arial
peut-être, simple, droite, sans fioritures.
Si vous étiez une de vos photos ?
La photographie a été prise depuis le
TransMongol, quelque part en Russie. C’est
une image très classique mais qui est liée à
un voyage particulier. Je suis parti de Paris
pour rejoindre Pékin en train, suite au décès
brutal de ma mère. Cette image reflète ce qui
aurait pu être mon père devant et ma mère
qui est en train de me chercher. Tout autour
il y a des fleurs, c’est l’été et l’herbe doit sentir
bon. Le bruit du train n’a pas l’air de déranger
ces passants. Étrangement, le paysage est
flou et eux sont nets alors qu’ils sont en train
de marcher. Il y a comme un inversement des
rôles. Le point de vue, un peu du dessus, donne
l’impression que je
Si vous étiez un poème ?
Alphabet de Paul Valéry. Chaque heure de la
journée correspond à une lettre de l’alphabet,
qui commence un poème. C’est court, visuel
et musical.
Si vous étiez une couleur ?
Le jaune vif du mimosa.
Si vous étiez une discipline artistique ?
La danse. C’est dommage que l’école ne nous
enseigne pas cette discipline, pour connaitre
les limites de notre corps, bouger avec lui,
Si vous étiez un livre ?
Requiem d’Antonio Tabucchi. À d’un
arbre, un homme lit Pessoa. Puis s’endort. Il
s’endort et rêve qu’il erre au hasard des rues
dans une Lisbonne déserte, et rencontre des
vivants et des morts, qui dialoguent entre
eux et avec le narrateur. C’est un roman sur
la nostalgie, sur la nourriture, sur le passé, où
rêve et réalité se confondent.
Si vous étiez une citation / un mantra ?
Umberto Ecco, La Guerre du faux. Cela introduit
mon projet Nos châteaux en Écosse, sur une
mythologie familiale construite par mon grand-
père, comme quoi nous descendons des rois
d’Écosse. Il a fabriqué des tas d’objets, dessiné
des arbres généalogiques, mais nous n’avons
toujours pas de château...
Si vous étiez une plante ?
Tout ce qui pousse au mois de mars (surtout
les arbustes).
Si vous étiez un souvenir ?
Un ami anglais photographe, John Nesbitt,
appelle son chat « Monkey ». Ça m’a toujours
amusé.
Grégory Valton
flotte.
danser, s’exprimer par les gestes.
l’ombre
« La vérité n’est pas historique
mais visuelle. Tout semble vrai,
donc tout est vrai. »
G
r
é
g
o
r
y
V
a
l
t
o
n
18. 18
Si vous étiez une destination, un voyage ?
La ville de Trieste, ou Lisbonne, qui sont des
lieux dans lesquels je suis allé quelques fois et
qui restent. Ça doit être à cause de la littérature
(Tabucchi, Svevo, Joyce, Pessoa, Rilke). Je crois
que ma pratique du voyage s’apparente à la
littérature, à cette idée que je peux me faire
d’un lieu par les mots, avant d’y aller. Et ces
villes offrent des multitudes de points de vues,
avec la mer, les pêcheurs. Elles se ressemblent
un peu.
J’ai une vision très romantique du voyage, pas
très moderne : le train, la marche, les livres,
la photographie, les lieux chargés d’Histoire.
Si vous étiez un bruit, lequel seriez-vous ?
Un ruisseau dans les montagnes. Quelque
chose de paisible, de c a l m e.
Si vous étiez un film, lequel seriez-vous?
Smoke (1995) de Wayne Wang sur un scénario
de Paul Auster. C’est un film que j’ai revu il
n’y a pas longtemps. Le personnage principal
est une personne (Harvey Keitel) qui tient un
bureau de tabac au coeur de Brooklyn. Dans
ce coin de rue se croisent pleins d’histoires : un
écrivain en panne d’inspiration, un vol, un père
démissionnaire qui se retrouve amputé, un
morceau de Peggy Lee (Fever), des cigarettes,
un conte de Noël qui ne ressemble à aucun
autre, un morceau de Tom Waits, un coin de
rue dans Brooklyn, de photographie, de la
cigarette qui se consume à l’image de notre
vie... C’est un poème urbain, avec une multitude
de personnages et d’histoires singulières. C’est
drôle car il restait des sous à la fin du film et
ils ont décidé de faire un film de copains (Lou
Reed, Jim Jarmusch, Madonna, Michael J. Fox,
Roseanne,...) qui s’appelle Brooklyn Boogie,
sorte de suite à Smoke. J’avoue avoir hésité
avec Buffalo 66 de Vincent Gallo, où le cadrage
construit littéralement le film.
Si vous deviez vous résumer à un trait de
caractère, lequel serait-ce?
Têtu, têtu et têtu. Ça me fatigue.
Si vous étiez une émotion ?
L’étonnement pour tout ce qui est nouveau.
Si vous deviez être quelqu’un d'autre, qui
aimeriez-vous être ?
Moi, en mieux.
Grégory Valton, Mars 2021
19. 19
« […] secousse sismique travaillant l’épaisseur d’une lentille de cristal, cette fin du monde de poche s’exprimait tout entière dans
la syllabe fragm, identique de “diaphragme” à “fragment”, comme une paillette pierreuse qu’on retrouve pareille à elle-même
dans des roches de structures diverses mais dont les éléments principaux, de l’une à l’autre, demeurent constants ».
Michel Leiris, Biffures, Editions Gallimard, 1948
« Fragm »
20. 20
Google street view (GSV) est un service
de navigation virtuelle lancé en 2007, pour
quelques villes américaines, étendu à des
dizaines de pays. Il permet de visualiser des
panoramas 360° de lieux situés sur des voies
urbaines ou rurales, sur lesquelles un véhicule
équipé de caméras aura enregistré des vues.
L’application Photosphere reprend ce procédé,
mais confie à des photographes amateurs la
représentation de lieux non répertoriés par
GSV, contribuant au projet par des clichés
personnels.
Attentif aux caractéristiques particulières de ces
images, aux bugs graphiques, aux zones floues
présentes à l’écran, aux différents phénomènes
de détérioration qu’ils présentent, liées à leur
nature ou aux propriétés de cadrages, de
zoom propres à l’outil GSV, Grégory a choisi
de travailler à partir d’images préexistantes,
sans créer de nouvelles photographies. Des
processus de fabrication et de diffusion des
images singulières motivèrent donc ce projet.
21. 21
En empruntant les voies virtuelles de GSV
et Photosphere, Grégory s’est construit un
itinéraire fictif à travers les États-Unis, jusqu’à
la ville de Twin Peaks.
Il a collecté sur ce parcours un répertoire de
250 images au format carré, que nous avons
désignées comme des fragments, tout au long
du projet. Chaque participant a reçu 4 de ces
images, transmises sous formes numérique
et imprimée. Vues aériennes, indices
topographiques, documentaires ou narratifs,
ces clichés ont fait l’objet d’appropriations, de
questionnements sur leur statut et leur devenir
au gré de leur circulation.
Chacun s’est livré à des interventions
diverses : nouvel objet, écriture, détournement,
manipulation numérique, recouvrement etc.
Les productions ont été assemblées pour former
60 posters de 30 cm x 30 cm (12 séries de 5
exemplaires numérotés), imprimés sur un papier
Munken Lynx 150g et façonnés à l’école d’art
en avril 2021.
24. 24
Cours d’édition avec la participation de
Maryse Poirier, Michèle Lenoir, Robert Lugand,
Séverine Babeau, Annette Renoul, Pamela Yaya,
Véronique Lusset, Marlène Combaud, Geneviève
Legros, Marie-Françoise Masson, Clause Palun.
Sur une proposition de Grégory Valton, Sonia
Campos et Lisa David.
25. 25
Tout commence par une page blanche,
Un moment suspendu où, au milieu de nos pensées, nous sommes perdus.
Et puis, le tourbillon de la création nous entraine.
26. 26
«Photographes, arrêtez vos
productions excessives
et insensées, et recyclez ce qui
existe déjà.»
Joachim Schmid
Night not-recording prolonge ma fascination pour l’outil
Google Street View (GSV). Dans cette période de confinement,
fermeture des frontières, état d’urgence, couvre-feu, c’est un
peu mon tour-operator. L’outil qui me sert « d’appareil à voir » est
Photo-Sphère, fonction interne à GSV qui offre aux utilisateurs la
possibilité de poster leurs propres vues immersives : vue de nuit, vue
de drone, vue informative… Je fouille, de manière instinctive, dans
un méandre d’images, à la recherche d’éléments purement formels
(point de vue, lumière) et de sujets empreints de fiction. J’extrais de ces multiples représentations, des formats
carrés, au cadrage hermétiquement clos n’offrant nulle ouverture et nulle perspective. Comme sur un monitor de
surveillance, le spectateur n’a d’autre choix que ce qu’il regarde. Les artefacts numériques (bruit, vues pixelisées,
floues, dégradées) nous font basculer dans un univers dérangeant et inquiétant. Le fait de travailler à partir d’images
produites par quelqu’un d’autre fait écho à la citation en exergue, dont le concept « d’écologie visuelle » des artistes
appropriationnistes1
, traverse mon travail récent.
Mes errances virtuelles me guident naturellement aux US. Je projette dans ce voyage immobile une Amérique
disséquée depuis longtemps par les écrivains et les réalisateurs, et dont je me suis nourri. Comme la ville de Twin
Peaks qui n’existe pas, mais qui est un conglomérat de différents lieux, décors et histoires.
Je me glisse dans les interstices troubles et déroutants de ce flot d’images. Mon avancée, parfois méthodique,
parfois aléatoire, me fait remonter les fleuves, les cours d’eau secondaires, fureter dans les petites villes américaines,
les espaces déserts. Je me laisse « glisser » - c’est ce mot qui me vient pour parler du déplacement si particulier de
Pegman sur la carte (le bonhomme jaune de GSV) - et me laisser porter par les noms hors du temps des villages
traversés : Lynx, Carthage, Alexandria.
À mon tour, je compose avec ces espaces-temps photographiques pour tenter d’entrevoir un semblant de réponse
à notre époque. L’accumulation de mes images forme un magma d’informations partielles, de signes à déchiffrer,
à reconstituer. Ces éléments prennent la forme d’une carte de format carrée, et pliée de telle manière à ce que les
images ne se dévoilent que parcellairement. Au spectateur de composer sa propre dystopie visuelle pour fabriquer
un récit étrange.
Grégory Valton
1 Joan Fontcuberta, Raoul Haussam, Robert Heineken, Hannah Höch, Erik Kessels, Sherrie Levine, Richard Prince, Joachim Schmid, John Stezaker,…
Night
not-recording
35. 35
Images de Grégory Valton (atelier de fabrication «Night not recording»,
école d’art, avril 2021).
36. 36
Tout commence par une page blanche,
Un moment suspendu où, au milieu de nos pensées, nous sommes
perdus.
Et puis, le tourbillon de la création nous entraine.
Les mains s’activent au rythme des idées,
Elles écrivent, dessinent, raturent, effacent...
Elles inscrivent une trace.
37. 37
Déjà vu
Archiver, traverser : ces deux verbes
convoquent à la fois le temps et
l'espace, la mémoire. Le dessin offre toutes
sortes de libertés, celle de traverser les murs,
faire jaillir des espaces, faire naître quelque
chose avec presque rien, ou faire exister des
mondes et des temporalités différentes au
sein d'une même page.
Passages, effacements, transformations,
superpositions, organisation de ces
passages, cadrages et composition furent
au centre de nos préoccupations.
Les œuvres de Denis Roche, Frédéric Malette, Massinissa
Selmani, Coraline de Chiara, Éléonore False ou encore
l'histoire du théorème de Néfertiti traversèrent
leséchanges. Il fallut d'abord réaliser une photographie
en noir et blanc qui deviendrait un sujet de dessin, puis
écrire et beaucoup dessiner.
Déjà vu
Déjà vu : n.m.inv.
1- Ce qui n'est pas nouveau, ce qui est
banal, sans originalité.
2- Trouble de la mémoire donnant au
sujet l'impression soudaine et intense
d'avoir déjà vécu dans le passé la
situation présente.
(Larousse)
42. 42
Bonjour,
Voici mon dessin initial, terminé.
Je suis sur le second dessin, mais, même si je pense avoir saisi l’idée du diptyque, je
me perds une fois de plus dans des « recherches » qui n’en finissent pas , avec des
photocopies, des photographies, des ébauches de dessins qui s’empilent, qui s’empilent...
D’ailleurs , j’entends depuis deux jours des gens qui me cherchent dans ma maison, mais
qui ne me trouvent pas sous les tonnes de papiers qui m’ensevelissent....
Je pense pourtant en être sortie pour le vendredi 19 mars prochain, et bien sûr participer
à la discussion sur « Discord ». D’ici là, je me lance , j’ose...
et je sors quelque chose !!!
Bonne reprise à toi,
Cordialement,
Emmanuelle F.
envoyé le jeudi 11/03/2021 à 16h25
De Emmanuelle
À... Lisa
Objet : Dessin
Bonjour,
Alors voilà mon dessin sur le thème « Déjà vu ».
Il représente le reflet des nuages et des arbres de mon jardin dans la vitre d’un sous-verre
qui protège un poster de Dali. (Femme à la fenêtre).
En fait, cette image contient pour moi la pluralité des espaces et des différents temps
traversés dans mon histoire. L’Espagne, les voyages, la peinture de Dali, et toutes les
peintures, la mer, les arbres, mon jardin... le rêve et la réalité confondus, vus de ma
fenêtre.
Emmanuelle F.
envoyé en mars-avril 2021
De Emmanuelle
À... Lisa
Objet : Dessin bis
45. 45
«Déjà vu»
Avec Claudine Cantet, Pierre Lebrun, Isabelle Braems, Julie Badeau,
Jean-François Deruy, Emmanuelle Fauchart, Sylviane Gerdy, Christiane
Fruchet, Nicole Boudeau, Bernard May, Saliha Ghernaout.
Sur une proposition de Lisa David.
47. 47
Point de départ.
Proposition artistique de L.
Je suis déconcertée.
Recherches dans mes archives
photographiques. ARCHIVER. Pourquoi garder
autant de clichés ? Autant de traces ?
Ah ! tiens ! DÉJÀ VU ! Je m’arrête
sur une photo prise en 2017 au Musée Guimet,
Musée des Arts asiatiques, Paris. SOUVENIR.
DÉJÀ VU. Ce jour-là le musée est habité par
les éléments d’une installation de la jeune
plasticienne Prune NOURRY (Tiens ! elle a
presque le même nom que moi… Raison de plus !
Hasard ?) Ces éléments sont les morceaux d’un
gigantesque bouddha fragmenté. Ils renvoient à
la destruction des monumentaux Bouddhas de
Bâmiyân en mars 2001.
La question des traces, de la trace
est posée. Devenir. Transmission. Traces d’une
culture. Traces d’une histoire. Traces religieuses.
Religion. « RELIGERE » ? « RELIGARE ».
RELIRE ? RELIER ? Relire pour relier, relier
pour relire… Je suis reliée, donc j’existe !
Cette exposition interroge sur le devenir de
l’humanité. De la monumentale exhibition à
mon vagabondage existentiel, il n’y a qu’un trait
et mon crayon trace la trace de ma méditation.
Texte et dessins d’Isabelle Braems, « Brève histoire du temps»,
Mars 2021.
Mars 2001, Afghanistan – Bâmiyân – 2017
Musée Guimet, Paris – mars 2021, mon petit
atelier – Vendée. Bâmiyân, Ve
– XIIIe
siècle ?
Vertige !
« Crois-tu donc au hasard qui coule au sablier ? »
Et c’est Apollinaire qui s’invite à ma table à
dessin, s’allie et se relie au fil du trait et stimule
ma rêverie. Mes crayons, gommes et estompes,
mes doigts, mes mains qui tracent et effacent
« Une brève histoire du temps ».
Oui ! voilà ! c’est ça ! DÉJÀ VU ! Le titre
de l’ouvrage du physicien Stephen Hawking
s’impose. Je l’emprunte, ce sera le titre de
mon diptyque. Je le relie à ce questionnement
sur la trace, sur les traces… Galilée, Newton,
Einstein… Un autre fil se mêle, s’emmêle à ce que
je m’amuse à nommer mon « ArchéOnirisme »
Au cours de ce travail, j’ai appris le décès du
magnifique poète Philippe Jaccottet. Un article
qui lui rendait hommage débutait par cette
citation extraite du recueil Paysages avec figures
absentes :
« Je n’ai fait que passer, accueillir. J’ai vu des
choses qui elles-mêmes, plus vite ou au contraire
plus lentement qu’une vie d’homme, passent »
Memento mori. DÉJÀ VU !
49. 49
Plus je regarde… par Philippe Forest
Plus je regarde et moins je comprends.
Moins je comprends et mieux je vois.
Ce que montre la photographie de Denis Roche
prise par lui le 23 février 1985, chacun l’identifie
au premier coup d’œil : Gizeh, le sphinx et deux
des trois pyramides. Parmi les plus célèbres au
monde, un site touristique comme ceux devant
lesquels le premier venu sort son appareil, au
pied de la Tour Eiffel ou de la statue de la Liberté,
du Colisée ou du Parthénon. Un spectacle comme
ceux dont on faisait autrefois les cartes postales.
Du « déjà vu » par excellence. Celui qui prend
une pareille image n’ignore pas sa nature éculée
de « cliché ». D’ailleurs, sur une autre image
prise en ces mêmes lieux, Roche, photographiant
encore l’une des pyramides, place devant son
objectif une reproduction du monument devant
lequel il se tient et qui, dans le cadre, figure donc
deux fois : au premier plan sous la forme d’une
image qui elle-même prend place dans l’autre
image où, au second plan, l’on aperçoit la réalité
à laquelle elle renvoie. Ceci, sans doute, pour
produire la preuve que le monde n’existe jamais
qu’à la manière d’une représentation dont il n’est
guère loisible à personne de faire autre chose
que d’en fabriquer une représentation seconde :
l’image d’une image.
50. 50
Mais Roche ne photographie pas le monument lui-même.
En réalité : il fixe le reflet qu’il fait dans la vitrine d’un restaurant
assez banal, destiné à accueillir les touristes sur le site très fréquenté
qu’ils visitent, une cafétéria dont on aperçoit en transparence les tables
délaissées, les chaises vides, le comptoir auquel s’accoudent quelques
rares clients. Comme si le prestigieux passé dont l’image porte témoignage
n’existait plus qu’en vertu de la façon dont le réfléchit le pauvre présent
qui lui sert de miroir. L’image photographique a cette fois la valeur d’une
ruine romantique ou bien d’une nature morte, d’un memento mori, d’une
vanité. Elle nous montre ce que le temps a fait du monument sur lequel
il a passé et qui, s’il lui a survécu, ne subsiste plus que sous la forme un
peu dérisoire qu’il revêt désormais pour ceux qui, semblables à nous,
suivant le circuit hâtif qu’a conçu à leur intention un tour-operator, lui
rendent un hommage somnambulique et routinier.
Par un tel artifice, l’image superpose à sa surface deux plans distincts et
avec eux deux espaces qui, dans la réalité, se font face (le monument et
le restaurant) et qui appartiennent à deux temporalités que des siècles
séparent (le passé et le présent).
Elle capte ainsi dans le cadre qu’elle forme des éléments du visible, de la
sorte archivés, que le spectateur autrement n’aurait pas pu saisir ensemble
et qu’elle entasse tout en les donnant à voir en même temps. La vitre que
vise l’œil laisse voir en transparence à travers elle (le restaurant) tout en
réfléchissant ce qui se trouve en face de ce qu’elle montre (les pyramides)
et, tournant le dos au monument dont il contemple le reflet, celui qui
arrange la scène et procède à l’opération (le photographe).
L’image ainsi se dédouble. En son sein, elle convoque deux pans de l’espace
et, avec eux, deux moments du temps. Elle se fait en même temps miroir
et fenêtre - selon les deux modèles à l’aide desquels on a toujours envisagé
l’œuvre d’art, modèles qui ici se contredisent et se compliquent pourtant
d’être ainsi sollicités ensemble. C’est son côté « baroque » - comme on dit.
Le miroir se fait fenêtre tout comme la fenêtre se mue en miroir. Au lieu
de s’effacer derrière ce qu’elle montre, de disparaître discrètement au
profit du vraisemblable spectacle qu’elle offre et auquel l’œil pourrait se
laisser prendre sans se poser de question ni de problème, la photographie
se désigne elle-même comme construction et comme composition, ne
laissant aucunement oublier la mise en scène qui l’a rendue possible.
L’image se surcharge de signes qui, rapprochés comme ils le sont, affichent
leur manque absolu et assumé de naturel. Le trompe-l’œil réaliste exhibe
son caractère théâtral et dénonce l’illusion sur laquelle il repose.
Le visible se démultiplie et démontre qu’il ne coïncide jamais avec l’idée trop
simple et univoque que l’on s’en fait souvent : chaque chose vue en recèle
une autre sans que l’on puisse dire laquelle est de l’autre la copie, toutes
prises dans le mouvement sans fin d’un regard qui convertit toute vérité
en mensonge - inversement aussi - et montre à quelles métamorphoses,
à quels miroitements le monde est soumis, qui soulignent l’éphémère
nature de tous les phénomènes.
51. 51
J’ai dit deux images et j’ai omis l’essentiel. Car sur la vitre avec la
surface de laquelle se confond celle de la photographie apparaissent deux
silhouettes supplémentaires aux allures d’ombres chinoises, flottant dans
l’espace intermédiaire qui sépare les deux espaces opposés et superposés
que le cadre réunit. Sur la droite, malaisément identifiable, comme un
coin d’ombre mangeant l’un des bords, on devine plus qu’on ne voit
celle de l’homme qui fixe la scène. Il signe moins son autoportrait - son
visage, on ne le voit pas - qu’il n’insère obscurément à l’intérieur de la
représentation le spectacle même de cette représentation dans l’instant
où elle s’opère. Comme si - et c’est bien le cas -, sur le mode d’une
sorte de mise en abyme, un photographe, se photographiant en train de
photographier, ne photographiait jamais que la photographie qu’il fait.
Mais il y a davantage et au centre, on aperçoit très distinctement le profil
de la femme vers laquelle l’homme tourne son objectif, la tête tournée
sur le côté vers le sphinx que, pourtant, situé derrière elle, elle ne voit
pas - pas plus qu’elle ne peut voir les deux pyramides entre lesquelles son
reflet se dresse, érigeant son apparence souveraine entre leurs géométries
symétriques.
Comme si - et c’est encore le cas- elle (je veux dire : cette femme) constituait
le vrai sujet de la photographie, en un sens son seul sujet possible, laissant
s’organiser autour d’elle tout le spectacle des apparences qui, de part et
d’autre de son corps, se distribuent et se déploient.
L’artiste et son modèle, le couple amoureux qu’ils composent, selon une
tradition au sein de laquelle l’image s’inscrit et dont elle revendique de
lui appartenir mais d’après un protocole très particulier qui s’apparente
à ce que Roche a nommé « antéfixe », prélèvement pris sur le réel par
l’opération de la machine à écrire ou de l’appareil
photographique, entassement de formes et de signes que leur
accumulation rend difficilement déchiffrables, peut-être définitivement
illisibles mais dont la profusion vaut à la manière d’une célébration,
celle de deux êtres que le temps réunit, fût-ce fugitivement, en raison du
désir qu’ils se portent et dont l’image, même s’il ne se trouvait personne
pour la regarder, leur survivrait cependant. Plus qu’une élégie chantant
douloureusement le temps qui passe, mieux qu’une ode à l’instant qu’il
n’efface pas, davantage qu’un hommage aux Muses qui inspirent l’artiste,
une sorte d’épithalame servant à louer les noces perpétuelles de ceux qui
s’aiment, qui se sont aimés, qui s’aiment puisqu’ils se sont aimés.
J’ai l’air d’expliquer la photographie prise par Denis Roche le 23 février
1985, d’essayer sur elle des interprétations successives afin d’en proposer
enfin le commentaire qui soit le plus adapté. Disons : celui qui me va
le mieux. Mais je n’oublie pas le sphinx qui trône au centre de l’image,
entre les deux pyramides, et vers lequel, sans le voir, la femme tourne son
profil comme pour indiquer que c’est dans sa direction qu’il convient de
regarder. Les Egyptiens le considéraient comme une créature bienveillante.
Les Grecs en firent un monstre au visage de femme, détenteur d’une énigme
et dévorant le voyageur incapable de la résoudre. La prudence invite donc,
devant la question qu’il pose, à réserver sa réponse.
52. 52
Quant aux pyramides entre lesquelles il s’allonge, dans Surlendemains du style, un texte de 1981
qu’il consacre à certaines des premières images qu’il fit du site de Gizeh, Roche rapporte une autre
tradition, venue d’Inde, qui les associe au sexe féminin et qui, au Népal, les consacre à l’adoration
de la « Dame de l’Intime Secret », conférant du coup à son image une signification érotique qu’on
ne lui soupçonnait pas forcément tout en la liant à un mystère que, naturellement, il ne révèle pas.
Mais cette dernière hypothèse ne vaut pas davantage que toutes celles qui précèdent. Elle présente
juste l’avantage de les suspendre toutes, laissant entendre qu’aucune ne dit plus vrai qu’une autre.
Dans Le Boitier de mélancolie, commentant l’une des deux mille photographies qu’Henri Maccheroni
prit du sexe d’une femme, Roche fait remarquer à quel point certaines images - mais il en va ainsi
de toute image vraie - donnent irrésistiblement envie de parler d’elles tout en interdisant d’en dire
quoi que ce soit : « Le rhéteur - l’amateur d’éloquence - qui croyait s’en tirer, devant ce sexe de
femme pour une fois immortel, par quelque allusion au visage de Méduse et au clin d’œil de saurien
roublard qu’elle lui lance ici, se fait tout petit devant l’épreuve, il ramasse ses papiers et remballe
ses affaires, il ne peut que redescendre l’escalier et se perdre au dehors. »
Il me reste à faire de même et à prendre congé du lecteur. Devant un autre site, celui de Carnac,
dans un texte plus ancien (il date de 1969), observant « le défilé d’incongruités pierreuses » d’un
monument breton pas moins mystérieux que son homologue égyptien, Roche se présente, dit-il,
comme « un homme dépourvu de sens devant un monument d’où le sens, d’où toutes sortes de sens
détalent continuellement. » Menhir ou sphinx, dolmen ou pyramide, quelle que soit l’apparence
qu’on lui trouve, et la signification qu’on lui donne, le monde a toujours la même valeur d’énigme
dont il tire sa force de fascination enchantée.
Plus on le regarde et moins on le comprend.
Moins on le comprend et mieux on le voit.
« Plus je regarde... »Philippe Forest
sur une photographie de Denis Roche. 17 mai 2021.
53. 53
Préhistoire, art aztèque, civilisations anciennes et archéologie :
les influences de ce projet sont nombreuses.
Pour un projet titré « petits collectionneurs », les jeunes faussaires
ont réalisé un ensemble de faux objets de collection et d’archéologie.
Colliers d’os et gemmes de pâte fimo, statuettes fétiches ont constitué
leur butin. La création de carnets d'archives pour l’ensemble de ces
objets est venue parfaire l'illusion.
L’idée du second projet était d'appréhender la technique de l'empreinte
frottée à la manière d'un relevé archéologique qui permet de collecter et
d'archiver pétroglyphes, formes gravées et bas-reliefs. Les pétroglyphes
sont des dessins symboliques gravés sur de la pierre et appartenant à
l’art rupestre. Le terme vient du grec πέτρος, pétros (« pierre ») et γλυφή,
gluphḗ (« gravure »). Les formes gravées restituées ont été créées en
impactant la matière du papier avant de le recouvrir de poudre de
graphite.
Vestiges du passé ou purs produits de notre imagination ? La différence
est bien mince et plus l’on contemple ces œuvres, moins la réponse
est évidente.
Pétroglyphes
et petits collectionneurs
56. 56
Avec les élèves des cours Dessin/collège et l’atelier primaire du samedi après-midi (cycle 3),
sur une proposition d’Adélaïde Gaudéchoux.
57. 57
Le miel doré coulait de la bouteille si lourdement,
Si lentement que l'hôtesse put dire :
Ici, dans la triste Tauride où le sort nous a jetés,
Nous ne savons ce qu'est l'ennui - en regardant par-dessus son épaule.
Partout l'office de Bacchus, comme s'il n'y avait au monde
Que des gardes et des chiens - on va sans voir personne
Les jours tranquilles roulent comme de lourds tonneaux.
Des voix au loin, dans une cabane - on ne comprend ni ne répond.
Après le thé, nous sommes sortis dans l'immense jardin brun,
Les sombres stores baissés aux fenêtres comme des cils.
Passées les colonnes blanches, nous sommes allés voir la vigne
Où les montagnes endormies se couvrent de verre aérien.
J'ai dit : la vigne est pareille à une bataille d'autrefois
Où des cavaliers crépus s'affrontent en ordre bouclé.
Depuis la Tauride caillouteuse l’art de l’Hellade - et voici
Des hectares dorés les nobles rangées sous la rouille.
Oh ! dans la chambre blanche, le silence comme un rouet.
Cela sent le vinaigre, la peinture, le vin frais de la cave.
Te souviens-tu, dans la demeure grecque : l’épouse aimée de tous
Non pas Hélène, l’autre - tout ce temps qu’elle a brodé ?
Toison d’or, où donc es-tu, Toison d’or ?
Pendant tout le trajet les lourdes vagues ont grondé
Et, quitté le vaisseau lassant sa toile sur les mers,
Ulysse est revenu, plein d’espace et de temps.
1917
Ossip Mandelstam, traduit du russe par Philippe Jaccottet, p.36 de Simple promesse
(La Dogana, deux éditions, 1994 et 2012)
59. 59
Les classes de piano de Raoul Jehl et
Christophe Laparre au Conservatoire, ont
créé les pièces musicales présentées sous
le titre Improvisations sur Ulysse. Dans les
récits les inspirant le plus, les musiciens ont
cherché des éléments sur lesquels construire
une improvisation : mouvement, atmosphère,
personnages... Ils y ont trouvé des latitudes
musicales à faire varier : équilibre entre les
voix, structure de la pièce, intensité, densité.
Ils ont structuré leurs recherches sur des
consignes simples, modes, bourdons, jeu
sur des cordes frottées, percussions. Leurs
enregistrements ont été partagés avec les
élèves de l'école d'art et ont accompagné leur
projet d'arts plastiques pour créer une forme
mêlant théâtre, dessin et cartographie.
Á l'heure d'internet et des réseaux sociaux
ce périple aura aussi permis la découverte
d'un texte magnifique vieux de 3000 ans, et
d'envisager sa traversée de plusieurs siècles
jusqu'à nous.
Ce dispositif d’éducation artistique et culturelle s’adresse aux écoles
élémentaires. Pour sa 4ème
édition intitulée L'Odyssée, les enfants
des classes de CE1 et Cliss à l'école Rivoli, les CE2 de l'école Montjoie
ainsi que les CE1/CE2 et CM1 de l'école Jean-Roy sont partis sur les
traces d'Ulysse.
En partageant la lecture des feuilletons de Muriel Szac (La myhologie
grecque en cent épisodes, Bayard Jeunesse), ils ont traversé des mers
déchaînées, arpenté des îles inquiétantes et suivi Polyphème le cyclope,
Circé la magicienne, Pénélope, les sirènes...
Ulysse
Voyages
Numériques
65. 65
Avec les élèves des écoles Jean Roy, Émilie Boutonnet et Benoît Lafficher, les élèves de l'école Rivoli et Céline Le Liboux, les élèves
de l'école Montjoie et Laurent Clochard.
Sur une proposition de Sophie Pouchain et Sonia Campos pour l'école d'art, Christophe Laparre et Raoul Jehl pour le Conservatoire.
Musiciens : Aliénor Dugast (violon), Moïse Norman-Nomary (guitare), Arthur Fiat (guitare électrique), Paul Gautier et Sylwenn
Brillouet (piano solo).
Pénélope
66. 66
Une photo signet
d’un livre abandonné
à la fin des vacances
de l’été 2001
glisse d’entre les pages
les couleurs restent vives
Les bords immaculés
La photo est jolie
Où tu ris de bonheur
à côté d’un garçon
qui te touche l’épaule
et ne sait pas encore
qu’il écrira ces lignes
dans une autre lumière.
Karel Logist « La Traversée des habitudes » paru aux éditions Tetras Lyre, 2015.
67. 67
Ce projet prend sa source dans l’oeuvre de
Grégory Valton, « La furtive ». Ce projet
photographique rassemble quelques traces
d’une marche de deux cents kilomètres
de Terezin (République Tchèque) à Flöha
(Allemagne). C’est l’itinéraire à rebours de la
« marche de la mort » effectuée par le poète
Robert Desnos et ses compagnons d’infortune
du 14 avril au 8 mai 1945.
Les élèves ont exploré la notion d’espace
à travers une recherche plastique tenant
compte des lieux qu’ils traversent dans leur
quotidien. Ceux-ci peuvent être aussi bien
intérieurs qu’extérieurs, naturels, urbains,
banals, extraordinaires, petits, grands…
Journal de bord
janvier – mars 2021
Cette recherche a abouti à la création de
fragments pouvant suggérer des déplacements
mais aussi un intérêt particulier pour une chose
saisissante rencontrée sur leur chemin.
Cette chose peut être aussi bien belle que laide,
intéressante, intrigante, inhabituelle, furtive…
Des références artistiques ont aussi été faites au
travail de Gabriel Folli et de Caroline de Chiara.
Les techniques utilisées ont été propres à
chacun : dessins, croquis, photos, collages mais
aussi tracés cartographiques.
Les éléments imaginés forment un corpus
rendant compte de la perception singulière
que nous avons de notre environnement. Il
donne à voir un rapport à l’espace très différent
selon les œuvres et forme ce que l’on appelle
un journal de bord.
68. 68
Dans le cours Construire les espaces.
Avec Didier Hamel, Eva Herr, Michèle Lenoir, Stéphanie Poupeau,
Maëva Rocheron, sur une proposition d'Hélène Delépine.
70. 70
70
Quand je marche
Oulah, faut que j'envoie ces lettres
Faut que je rappelle mon père, d'abord
Faut que je prévoie cette fête
Que j'ai promis de faire pour le disque d'or
Faut que je pense à l'été
Trouver des colos pour les gamins
Me demander quand est-ce que je les ai
Et puis pour qu'ils voient leurs cousins
Faut que je sache c'que mes sœurs ont prévu
Elles vont dire qu'elles m'l'ont déjà dit
J'vais répondre, oui mais que j'sais plus
Puis faudra qu'je pense à samedi
J'aimerai les emmener à la mer
Loin de ces humeurs grisâtres
Et dimanche, on ira voir mon père
On regardera le match tous les quatre
Pour ça faut qu’j’l’appelle d’abord lui
Puis cette fille à qui j’avais promis
Déjà y’a cinq jours que demain
J’la contacterai, c’est certain
Et que j’lui donnerai mon avis
Sur ce truc là qu’elle a sorti
Un podcast sur les interdits
Que j’ai trouvé d’ailleurs très bien
Et puis faut qu'je poste un beau contenu
J'sais pas un truc nouveau
Et vu le temps qu'je passe dessus
Beaucoup trop peu pour qu'ce soit beau
Ça va être nul et le pire
C'est que j'vais réussir à trouver un autre que moi
À qui en vouloir pour ça
ça y est, j'arrête de penser
J'vais courir, j'vais marcher
allé, j'arrête d'me presser
J'vais courir, j'vais marcher, j'vais
sourire
allé, j'arrête d'me presser
J'vais courir, j'vais marcher, j'vais
sourire
ça y est, j'arrête de penser
J'vais courir, j'vais marcher
Stop, allé, j'arrête d'me presser
J'vais courir, j'vais marcher,
j'vais sourire
J’vais m’relever
STOP
STOP
STOP
STOP
72. 72
Tout commence par une page blanche,
Un moment suspendu où, au milieu de nos pensées, nous sommes
perdus.
Et puis, le tourbillon de la création nous entraine.
Les mains s’activent au rythme des idées,
Elles écrivent, dessinent, raturent, effacent...
Elles inscrivent une trace.
Petit à petit, l’œuvre prend forme,
Encre, peinture, crayon, collage, photographie...
Tous les moyens sont bons.
73. 73
R
Semblable à un recueil de poèmes végétaux. Quelques bribes de nos
intimités. Des souvenirs, des visages, des odeurs, des couleurs voilà ce que
nous inspirent la rose blanche, le koru, l’orchidée blanche, le coquelicot, la
passerose et la pâquerette. Les fleurs traversent le temps d’une manière
si singulière. À leur façon, elles ont influencé les époques et pourtant elles
ont inlassablement disparu. Dans le bouquet d’un amour de jeunesse,
dans les champs sous la douce chaleur du printemps, sous le vent des
dunes, dans les mains du plus précautionneux des jardiniers, sur les
murs d’une maison de vacances, une par une, les fleurs ont fané laissant
derrière elles le souvenir des temps passés. Nous nous sommes alors
lancées à corps perdu dans une folle entreprise. Faire exister ces fleurs
à tout jamais, les ancrer dans le passé, le présent et le futur.
V E S T I G E
74. 74
When they come back — if Blossoms do —
I always feel a doubt
If Blossoms can be born again
When once the Art is out —
When they begin, if Robins may,
I always had a fear
I did not tell, it was their last Experiment
Last Year,
When it is May, if May return,
Had nobody a pang
Lest in a Face so beautiful
He might not look again?
If I am there — One does not know
What Party — One may be
Tomorrow, but if I am there
I take back all I say —
Further poems of Emily Dickinson,
Emily Dickinson.
75. 75
Quoi de plus simple que d’offrir un petit bouquet
de pâquerettes cueilli dans un jardin. Symbole
de “l’attachement”, “la joie d’aimer” ou encore
“la tendresse” elle respire la simplicité.
J’ai toujours aimé l’orchidée. Je pense pouvoir
dire que c’est ma fleur préférée car je trouve que
c’est une plante très belle et qui a toujours été
présente chez moi.
Léa, l’orchidée blanche Mado, la pâquerette
76. 76
Omniprésentes à l’île d’Oléron, ces fleurs me
plongent instantanément dans des souvenirs
précieux. J’aime récolter ses graines pour les
parsemer sur mon passage, quand je voyage.
Dans la mythologie, la rose blanche est à
l’origine de la rose rouge. Fleur éclatante
et dangereuse, ses épines forment une
barrière protectrice de sa véritable nature
douce et pure.
Emma, la rose blanche Adélie, la passerose
77. 77
Elle est la fleur du repos et de la tranquillité
que j’aspire à trouver entre ma pensée en
arborescence et mon hypersensibilité. Son
caractère éphémère symbolise la fragilité de
mon existence.
Le koru, synonyme de renaissance, de croissance,
de force et de paix, chez les Maoris, c’est un
lien fort avec mon pays d’accueil : La Nouvelle-
Zélande.
Hortense, le coquelicot Marie, le koru
Carte blanche à l’IUT - linogravures tirées à 303 exemplaires à l’école d’art, juin 2021.
79. 79
Tout commence par une page blanche,
Un moment suspendu où, au milieu de nos pensées, nous sommes
perdus.
Et puis, le tourbillon de la création nous entraine.
Les mains s’activent au rythme des idées,
Elles écrivent, dessinent, raturent, effacent...
Elles inscrivent une trace.
Petit à petit, l’œuvre prend forme,
Encre, peinture, crayon, collage, photographie...
Tous les moyens sont bons.
Ce qu’ils cherchent c’est l’expression :
D’une pensée, d’une émotion,
Éternel tourbillon !
80. 80
L
i
g
n
e
s
L’atelier « techniques mixtes » a emprunté
différentes pistes liées à la ligne, à l’espace,
au paysage.
Les arborescences de Najia Mehadji ont inspiré
un travail sur la ligne, le tracé de formes
végétales, à la craie sanguine et au pastel.
Le printemps dessiné par David Hockney a
porté Yann vers des carnets botaniques et
un travail au pochoir, qui ressemble à des
cyanotypes.
Des paysages de papier et des expériences
de collage inspirées par Jérémie Fischer, ou
encore les œuvres d’Anna Taratiel générant des
compositions de « masking tape » ont nourri
les recherches des participants.
En voici un florilège coloré et poétique.
85. 85
Avec Yann Rapinat, Jean-
Claude Courdavault, Catherine
Champigny, Maryse Brochard,
Séverine Babeau,
Catherine Geay, Marion
Daviaud, Noëlla Pinçon,
Sylvie Bardin.
Sur des propositions de
Sophie Pouchain, à travers
le cours techniques mixtes.
86. 86
Intitulé « Traverser les espaces », ce projet d'édition naît de la rencontre
entre les élèves de première STAV du Lycée Nature et l'artiste Grégory
Valton.
Amorcé par la découverte d' œuvres de la collection de l'Artothèque
choisies en écho aux mots « archiver-traverser », un dialogue de
plusieurs semaines s'est engagé autour des notions de référence
artistique, de processus créatif, de leurs formes possibles et de leur
ancrage dans une pratique partagée. On a demandé aux lycéens
d’envisager tout type de territoire sur lequel ils se déplaceraient : restreint,
étendu, banal, insolite, tout type de moyen de se mouvoir, d’en faire
l’expérience en en gardant trace (prise de note, croquis, photographie)
pour générer la matière brute du travail réalisé à l’école d’art. Cette
expérience a impliqué une correspondance entre artiste et lycéens.
On a aussi étudié les correspondances possibles entre les œuvres qu’ils
découvraient et les créations qui en découleraient. Associations d’idées,
circulations d’images, de textes contribuèrent à un échange artistique
dont voici quelques traces, figées dans une édition tirée et façonnée à
30 exemplaires à l’école d’art.
découverte
idées
découverte
découverte
correspondances
images
Traverser
les espaces
correspondances
correspondances
idées
idées
images
images
88. 88
Idée, pensée, nature, espace, couleurs
Un univers infini bloqué par la conscience du réel
Ordonné, symétrique, trompe-l’œil, enfantin,
horizon
Le terrain de foot c’est la traversée. C’est une
traversée, lorsqu’on joue, on est libéré
Tout comme à la pêche
La trace noire représente le vide, c’est la traversée
mentale
Le désordre, la créativité
L’œuvre m’évoque le rugby avec le terrain et les
feuilles qui se relèvent sur les côtés représentent
les poteaux
Collage, pliage, voyage, soleil, assemblage,
dessin, peinture
Promenez-vous en montgolfière au dessus du
coucher du soleil
Coucher du soleil, contempler, couleur,
s’évader, moment passager, éphémère, souvenir,
s’échapper, traverser, se contenter de choses
simples, les aléas de la vie
Les vagues représentent le bruit, le tumulte
Le soleil représente le calme, la douceur
La lumière laissant place à l’obscurité, l’obscurité
laissant passer la lumière
Inspiration (source d’inspiration pour les poètes
du romantisme, inspiration de la nature)
Chacun peut s’identifier à travers ce type de
paysage
Diversité (de cultures, de genres, de paysages)
Dépression, chute, désordre, antithèse,
incompréhension, enclavement, aveuglement
Enfermements, mur, illusion, cage, enchaîner,
brouillard, ciment
Visage moustachu, le visage à la houppette,
regard perçant, assemblage, vivant,
représentation
Le visage aux mille-feuilles, et formes
Visage unique en son genre
Pensée, idée, souvenir, nostalgie, couleur, histoire,
sentiment, abstrait, inspiration, imagination,
forme, symétrie, persévérance, philosophie
L’histoire du dessin se lit dans ses lignes
Les dessins les plus simples sont ceux qui parlent
le plus
Le dessin le plus facile peut paraître le plus
compliqué
Chaque dessin est unique car il n’est pas fait
avec le même trait
horizon, chemin, traversée, évolution,
perspective, découverte des paysages, noir et
blanc
mer, traversée, évasion, mouette, transition,
point de vue, harmonie, voyage, exploration,
départ et arrivée, bateau, navigation, couleurs,
horizon, vif, net
92. 92
Avec Grégory Valton et les élèves de 1ère STAV du Lycée Nature,
leur enseignant Emmanuel Devineau, l'Artothèque de La Roche-sur-Yon.
Perrine Cousin, Antonin Decressac, Ambre Delhommeau, Estében Farré,
Lucas Jadeau, Clément Guibert, Nathan Limousin, Suzanne Belleil,
Antonin Loison, Hugo Yoriatti, Mélinda Renaud, Joan Gaspa,
Eliott Jean-Granier, Pierre Fétiveau, Lison Praud, Isaac et Eliott,
Elisa Jullien, Benjamin Druart, Lili-Rose Bonnaud, Malvina Girard,
Alysson Thibaud, Nathanaël Serrier.
Sur une proposition de Sonia Campos, Hélène Delépine et Lisa David
pour l'école d'art.
93. 93
Créée en 1998, l’artothèque
de La Roche-sur-Yon s’installe au musée
municipal pour intégrer en 2003 la médiathèque
Benjamin-Rabier. L’artothèque est au cœur du
pôle Image et Son, consacré aux arts visuels, au
cinéma, à la musique et à la danse à travers de nombreux
documents multi-supports.
Riche d’une collection de 1200 œuvres dont 300
photographies, elle a pour mission de faire découvrir l’art
contemporain au plus grand nombre. Elle a également
développé un fonds de livres d’artistes en lien avec
les estampes de l’artothèque. Au cours de son histoire,
l’artothèque a présenté des œuvres de Claude Viallat, David
Hockney, Francis Bacon, Barthélémy Toguo, Henri Michaux,
Dominique Lacoudre, Micha Laury, Antoni Tapiès…Ont été
également exposés les photographes Thierry Girard, Anne-
Marie Filaire, Didier Ben Loulou, Bernadette Tintaud...
Des mouvements comme l’Op art, la figuration libre, le
nouveau réalisme, le Land art sont représentés dans la
collection. Le street art et la bande dessinée constituent
également une part importante du fonds. Depuis 2017, une
collection jeunesse de plus de 160 estampes a été ouverte
et circule avec succès chez les jeunes.
A
r
t
o
t
hèque L’Artothèque c’est plus de 600 emprunteurs - 1230 oeuvres adultes - 160 oeuvres jeunesse
-
440
livres
d’artistes
-
490
artistes
Artothèque de La Roche-sur-Yon Agglomération
Médiathèque Benjamin-Rabier
Adresse : Esplanade Jeannie-Mazurelle - 85000 La Roche-sur-Yon
Téléphone : 02 51 47 43 08
Site internet : http://www.larochesuryon.fr/mediathèques
Par
Sandra
Doublet
95. 95
Tony Cragg utilise dans ses
sculptures des techniques telles que
l’empilement, la superposition et l’amoncellement
de différents types de rebuts et d’objets usuels, afin
de questionner les liens entre la civilisation et ses
modes de production. Son univers évoque la science et
la technologie, il manifeste ainsi un intérêt pour les objets
scientifiques ou non (fioles, assiettes, briques), ou bien pour
les matériaux omniprésents dans notre environnement tels
que les matières plastiques qu’il détourne et déconstruit
dans une forme de critique esthétique et sociétale teintée
d’humour. Cette inventivité des formes se traduit dans
les rapports d’échelle, de volume, de matière, dans ses
mosaïques murales multicolores, proches de puzzles, ou bien
dans ses sculptures de bronze fluides, rappelant des formes
géologiques naturelles. Ses œuvres récentes suggèrent le
mouvement et le caractère fugace des éléments, comme
dans ses formes en acier inoxydable, rappelant la fluidité
du métal en fusion.
L
a
n
d
scape 1
L’œuvre intitulée Landscape (Paysage) affirme
le désir de faire figure, de renvoyer à l’image
dans un va-et-vient entre celle-ci et des qualités
plus triviales et matérielles d’objets hétéroclites.
Bidons, pneus, palettes et emballages semblant
venir de l’atelier de l’artiste deviennent de pures
formes et créent des nappes colorées, l’aspect
chromatique engageant une réflexion entre
image, matériau et objet. Du désordre naît
une composition quasi picturale et ordonnée,
une seconde vie est donnée aux objets rejetés
par la société, ils sont ici réinvestis d’une âme
artistique.
97. 97
Shirley Sharoff enseigne et
pratique la gravure. Elle réalise des
estampes et livres d’artistes, médiums propices
à son travail de recomposition d’images et de textes
à l’infini. En cela, elle se rapproche de l’Oulipo par une
pratique de l’assemblage rappelant l’esprit ludique de
ce laboratoire d’écriture : signes graphiques, plans, cartes,
marelles sont autant d’éléments qu’elle déconstruit ad
libitum dans ses estampes.
L’œuvre City bus est une gravure à l’aquatinte au sucre. Elle
représente une cartographie inspirée de plans de bus, pouvant
rappeler par ses couleurs des couches géologiques, ou au
contraire une vue du ciel. Née à Brooklyn, New York, l’artiste
a toujours été fascinée par les réseaux citadins. Ici, l’artiste
se sert des codes de la cartographie pour créer une œuvre
graphique originale : par le choix des couleurs qui désignent
habituellement des zones géographiques ou géologiques
différentes, par des lignes à main levée symbolisant des
routes, des cours d’eau ou des voies ferrées.
C
i
t
y Bus
Les formes géométriques et gommettes
colorées s’éloignent d’une représentation
schématisée du réel pour ne répondre qu’à
des critères ludiques de composition. Sans
légende, ce plan de bus apparaît comme
une pure abstraction dont les codes du réel
sont pourtant ancrés en filigrane. L’utopie
architecturale de cette ville permet d’envisager
un autre type de circulation, une autre manière
de vivre ensemble, en contradiction avec
l’orthogonalité classique de l’urbanisme.
City bus déhiérarchise ainsi les rapports
humains et les circulations urbaines.
100. 100
Jupe
L’or dans les feuilles est encore plus beau
presque trop beau pour être vrai ciel bleu, dans
la lumière – Il me touche, par ce temps gris et
contraste avec ces ambiances sombres
froides. Il me réjouit –
Les arbres dorés et lumineux
Quelle serait la danse sous ces arbres dorés ?
jupe.
Dans le pré, la jument ne craint pas le froid.
je saisis les mouvements des jambes
Elle est attentive aux bruits du lointain et lève
Les deux personnages avancent sur le chemin,
la tête et tourne les oreilles. Sa tâche,
pas – trop artificielle.
infiniment répétée, de brouter l’herbe,
J’élimine la photo du parking, elle ne me plaît
se déroule sous mes yeux qui ne se lassent pas
bien d’aujourd’hui : février 2021, froide et triste.
de la regarder.
La photo de l’Yon, brun sous le soleil voilé
101. 101
16/02/2021
jupe.
A quoi bon étudier un système d’image dont
Il regarde en arrière, peut-être une traîne
on sait dès le départ les inconvéninents et les
vulnérables
nuisances ?
Ses jambes, mal emballées, le rendent
Pourquoi se complaire dans un système
Le jeune homme simple et joyeux
opprime ?
Elles sont bien emballées en quelque sorte.
Chercher plutôt la liberté de respirer,
ondulante qui remonte sur le devant –
aller et venir, vivre dans la nature, la
jupe
liberté de penser.
homme ; parcequ’elles sont auréolées
21/02/2021
Ses jambes sont plus jolies que celles du
jeune
Ce que je redoute le plus, c’est la laideur –
La jeune fille a de jolies jambes.
laideur comme stimulant de l’imaginaire –
L’art : inutile et cependant nécéssaire –
Et pourtant, je l’utilise souvent
Qu’est-ce qu’un artiste ?
dessins imparfaits.
artistes ?
Pouvoir se soustraire à la laideur.
Les entomologistes de l’image sont-ils ?
Tourner la page – Fuir dans une belle
pensée,
Un objet
belle image.
Toucher des mains, du corps
Fabriquer un projet de réel plaisant.
Toucher des yeux
Réel plaisant – le livre d’images – le collectif
Toucher de la matière
foisonnant – une action groupée – une fierté de
Toucher de la lumière
l’ensemble –
Voir de la matière
Liberté de prendre ou de ne pas prendre, de
Voir de la lumière
choisir ou de ne pas choisir l’image –
le contraire d’une projection sur l’écran –
Pouvoir de dire NON.
Tout
Edition d’une pensée dispersée, d’une pensée
même. Ecrire, c’est concrétiser une pensée –
partagée –
différent de l’art abstrait qui est concret quand
Quel est le poids d’une pensée dans le flot
papier, la pensée se concrétise – l’art concret –
continu de la vie qui ne s’arrête jamais
pensées délaissées – Pour une fois : photo –
Évoluer et produire du vivant et du mort –
comme les milliers d’insectes, les milliers de
mortubic, tupic, l’insecticide apaisant :
103. 103
Tout commence par une page blanche,
Un moment suspendu où, au milieu de nos pensées, nous sommes
perdus.
Et puis, le tourbillon de la création nous entraine.
Les mains s’activent au rythme des idées,
Elles écrivent, dessinent, raturent, effacent...
Elles inscrivent une trace.
Petit à petit, l’œuvre prend forme,
Encre, peinture, crayon, collage, photographie...
Tous les moyens sont bons.
Ce qu’ils cherchent c’est l’expression :
D’une pensée, d’une émotion,
Éternel tourbillon !
Le bourdonnement s’amplifie
Au rythme des idées, des mouvements,
L’œuvre naît de ce bruit ambiant.
105. 105
L'idée de paysage construit (villes, architectures, constructions) a été
présentée aux enfants, et explorée à travers différentes opérations
(découpage/collage, assemblage, dessin, peinture, maquette, modelage)
pour créer des aller-retours entre réel et fiction, entre travail de surface
et création en volume.
Ils se sont inspirés d'éléments architecturaux issus de photographies
en noir et blanc d'architectures et de levers de soleil.
Les élèves ont d'abord réalisé des dégradés colorés aux crayons aquarelle
pour créer un lever de soleil.
Ils ont ensuite extrait des lignes au calque et au crayon dans les
photographies d'architectures, pour créer une construction fictionnelle.
Les images ont été reportées sur le fond à l'encre de chine.
En résultent des compositions mêlant architectures graphiques,
fantomatiques et abstraites et des ciels expressionnistes colorés.
106. 106
Avec les ateliers primaires du mardi et mercredi (cycle 2), sur une proposition d'Hélène Delépine.
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Tout commence par une page blanche,
Un moment suspendu où, au milieu de nos pensées, nous sommes
perdus.
Et puis, le tourbillon de la création nous entraine.
Les mains s’activent au rythme des idées,
Elles écrivent, dessinent, raturent, effacent...
Elles inscrivent une trace.
Petit à petit, l’œuvre prend forme,
Encre, peinture, crayon, collage, photographie...
Tous les moyens sont bons.
Ce qu’ils cherchent c’est l’expression :
D’une pensée, d’une émotion,
Éternel tourbillon !
Le bourdonnement s’amplifie
Au rythme des idées, des mouvements,
L’œuvre naît de ce bruit ambiant.
Soudain le silence revient,
L’œuvre est achevée
Elle est prête à être envoyée
110. 110
Par Évelyne Périllard et Nathalie Bocquier,
sur une proposition de Pierre-Yves Gervais.
Le tartan est un motif obtenu par tissage
de fils de couleurs qui se croisent
horizontalement et verticalement.
Connu grâce aux kilts écossais, il est apparu
il y a environ 5500 ans au nord ouest de la
Chine. Les migrations et surtout les échanges
commerciaux ont vu sa diffusion vers le
centre et le nord de l’Europe, dans la culture
celte. Cette pratique immémoriale perdure
et nombre de nouveaux motifs sont encore
créés aujourd’hui.
Deux stylos à billes BIC quatre couleurs,
quelques feuilles au format A4, une règle et
une équerre suffisent pour dessiner des motifs
riches et variés.
La « grille » produite pourrait être transmise
à un tisserand, interprétée pour réaliser un
tissage fidèle, avec des fils à coudre ou du
coton. L’esquisse dessinée peut être tissée elle-
même à l’aide d’un cadre de carton perforé.
Tisser, nouer les lignes les unes aux autres,
c’est aussi une métaphore du temps qui passe,
de la lente et patiente construction du motif,
point par point, ligne après ligne.
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Tout commence par une page blanche,
Un moment suspendu où, au milieu de nos pensées, nous sommes
perdus.
Et puis, le tourbillon de la création nous entraine.
Les mains s’activent au rythme des idées,
Elles écrivent, dessinent, raturent, effacent...
Elles inscrivent une trace.
Petit à petit, l’œuvre prend forme,
Encre, peinture, crayon, collage, photographie...
Tous les moyens sont bons.
Ce qu’ils cherchent c’est l’expression :
D’une pensée, d’une émotion,
Éternel tourbillon !
Le bourdonnement s’amplifie
Au rythme des idées, des mouvements,
L’œuvre naît de ce bruit ambiant.
Soudain le silence revient,
L’œuvre est achevée
Elle est prête à être envoyée
Tous ces fragments assemblés,
Vous sont ici restitués,
Dans ce corpus varié.
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Àl'origine il y avait des images
d'archives et des images glanées ça
et là, sans source référencée. Poétiques,
mémorielles, féministes, ces recherches
menées à partir d'archives personnelles
ont impulsé un ballet d'images et
d'échanges postaux, téléphoniques,
numériques : comme le démarrage
d'un ping-pong graphique, littéraire et
amical. Une succession d'associations
d'images, différentes expériences de
composition, de transformation, de
narration ont lentement construit et
dévoilé le propos de chacune.
« Ping-Pong »
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Tout commence par une page blanche,
Un moment suspendu où, au milieu de nos pensées, nous sommes
perdus.
Et puis, le tourbillon de la création nous entraine.
Les mains s’activent au rythme des idées,
Elles écrivent, dessinent, raturent, effacent...
Elles inscrivent une trace.
Petit à petit, l’œuvre prend forme,
Encre, peinture, crayon, collage, photographie...
Tous les moyens sont bons.
Ce qu’ils cherchent c’est l’expression :
D’une pensée, d’une émotion,
Éternel tourbillon !
Le bourdonnement s’amplifie
Au rythme des idées, des mouvements,
L’œuvre naît de ce bruit ambiant.
Soudain le silence revient,
L’œuvre est achevée
Elle est prête à être envoyée
Tous ces fragments assemblés,
Vous sont ici restitués,
Dans ce corpus varié.
Et voilà
BRUIRE
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Remerciements
Nous remercions très sincèrement les différents auteurs et participants sollicités.
Tous les participants aux différents cours et ateliers de l'école d'art ayant contribué à Bruire #1, pour la générosité de leurs
contributions.
L'artiste Grégory Valton, résident à l'école de décembre 2020 à juin 2021, pour son projet Night not recording et tout ce
qu'il a apporté à l'école durant cette singulière année scolaire.
Les élèves du Lycée Nature et leur enseignant Emmanuel Devineau pour le projet « Traverser les espaces », ainsi que
les classes participant au projet « L'Odyssée » et leurs enseignants.
Isabelle Lassave, Sandra Doublet, Hélène Sayadi et Valéry Verger pour l'Artothèque de La Roche-sur-Yon, Éloïse Guénégues
et Sophie Dugast pour la Maison Gueffier.
Philippe Forest, Françoise Peyrot-Roche, Catherine Dérioz de la Galerie Le Réverbère à Lyon et Guillaume Geneste du
laboratoire La chambre noire, pour leur confiance et leur aide.
Shirley Sharoff, Frédérique Lucien, Marina Mutti de la Galerie Jean Fournier (Paris) Michael Woolworth , Tony Cragg
et Christine Kelle, Florian Rodari des éditions La Dogana et Audrey Voos des éditions Tetras Lyre pour leur gentillesse
et leur aide.
Céline Rui des éditions Bayard Jeunesse, Nicolas Voskoboinikoff du label musical French flair Music.
121. 121
L’ Adjoint à la Culture et à la Communication Maximilien Schnel, le Directeur des Affaires culturelles de La Roche-sur-Yon Jean-François Brunel,
Jean-Michel Pierre et le Directeur du Conservatoire/École d'art Xavier Jamin.
Brigitte Pirio, Isabelle Guerry, Laurianne Raimbault et Fabrice Braud pour leurs précieuses aides techniques et administratives.
Caroline Olié pour la Direction du Service Éducation de la Ville de La Roche-sur-Yon, et la DRAC des Pays de la Loire.
Toute l'équipe de l'accueil du CYEL pour son aide dans la gestion des dépôts/retraits des travaux d'élèves.
L'équipe de l'IUT de La Roche-sur-Yon : Marie Carette, Léa Cottenceau, Emma Grolleau, Hortense Quillet, Mado Rexand et Adélie Viaud. Leurs
enseignants Christelle Capo-Chichi, François-Jean Goudeau,Yves Guilloux, Marc Jahjah, Claudine Paque et Zeineb Touati.
L'équipe pédagogique de l'école d'art : Claudie Pateau, Sonia Campos, Hélène Delépine, Adélaïde Gaudéchoux, Pierre-Yves Gervais, Jean Herpin,
Sophie Pouchain, Lisa David et les enseignants du Conservatoire Raoul Jehl et Christophe Laparre. Djamel Meskache, pour sa magie blanche.
Camille Imhof de l'imprimerie Offset 5 et Hervé Cano pour Fedrigoni, Nathalie Fonteneau pour leur disponibilité et leur expertise.
122. 122
Bruire #1 - Archiver/Traverser
Une édition de l’École d’art de La Roche-sur-Yon, dans le cadre d’un partenariat pédagogique avec l’IUT de La Roche-sur-Yon.
Impression Offset à 1000 exemplaires
sur papier Fedrigoni, Arena Natural Rough 100g pour les pages intérieures et Arena Natural Rough, Fedrigoni, 300g pour la couverture.
Par l’imprimerie Offset 5 de La Mothe-Achard.
Typographies utilisées : Arial, Bely, Bely Diplay, ITC Galliard Pro, Montserrat, Sabon LT Pro, Variex OT.
24 x 16,8 cm, 120 pages.
Disponible en version numérique du 01/03/2022 au 01/03/2023 sur les sites suivants :
Site de la ville de La Roche-sur-Yon et site du média étudiant Hashtag Infos.
Conçu collégialement par un comité éditorial composé d’étudiantes en DUT Information et Communication de l’IUT de La Roche-sur-Yon et de
l’École d’art, ce numéro réunit, entre autres, des contributions du comité éditorial, ainsi que de Sandra Doublet, Philippe Forest, Grégory Valton,
du public et des enseignants de l’École d’art.
Parmi eux : Séverine Babeau, Julie Badeau, Sylvie Bardi, Sam Belbéoch, Dominique Bellier, Brigitte Blois Nolleau, Nathalie Bocquier Nicole Boudeau,
Gabrielle Boutaud, Isabelle Braems, Maryse Brochard, Sonia Campos, Claudine Cantet, Catherine Champigny, Pascale Chauvin, Marlène Combaud,
Jean-Claude Courdavault, Marion Daviaud, Lisa David, Chléa Debavelaere, Hélène Delépine, Jean-François Deruy, Marie Dumez, Emmanuelle
Fauchart, Christiane Fruchet, Adélaïde Gaudéchoux, Catherine Geay, Sylviane Gerdy, Pierre-Yves Gervais, Saliha Ghernaout, Didier Hamel, Eva
Herr, Pierre Lebrun, Geneviève Legros, Éric Lefebvre, Michèle Lenoir, Robert Lugand, Véronique Lusset, Marie-Françoise Masson, Bernard May,
Claude Palun, Évelyne Périllard, Noëlla Pinçon, Maryse Poirier, Stéphanie Poupeau, Yann Rapinat, Annette Renoul, Maëva Rocheron, Florence
Thareau, Pamela Yaya, les élèves des écoles Jean Roy, Emile Boutonnet et Benoît Lafficher, les élèves de l’école Rivoli et Céline Le Liboux, les
élèves de l’école Montjoie et Laurent Clochard, Sophie Pouchain, les élèves de 1ère
STAV du Lycée Nature, élèves des cours Dessin/collège et l’atelier
primaire du samedi après-midi, les ateliers primaires du mardi et mercredi.
Comité éditorial associé à ce numéro et design graphique : Marie Carette, Léa Cottenceau, Emma Grolleau, Hortense Quillet, Mado Rexand et
Adélie Viaud.
Responsable de la publication et coordination : Lisa David.
Relecture : Christelle Capo-Chichi, Sandra Doublet et Claudie Pateau.
Dépôt légal : mars 2022
ISSN en cours
Cet exemplaire ne peut être vendu.
Parue en mars 2022
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124. 124
École d’art de La Roche-sur-Yon
BRUIRE #1
Archiver - Traverser
mars 2022