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Kha An Le
Il est mort comme ça, le visage boursouflé, la chair méconnaissable. Le soleil continue à faire fondre ses plaies, des cicatrices encore
ouvertes. La puanteur est trop épaisse pour s’évaporer complètement dans l’air où les lignes du réel sont distordues par la chaleur.!
!
Une tape dans le dos me sort de ma réflexion. C’est mon ami qui me propose constamment de faire un nouveau pacte, qui me
surplombe d’une tête et d’une décennie.!
!
« Lui aussi il est mort torturé ? lui demandai-je calmement.!
!
_ Non. Battu à mort. » Une autre voix me répond, celle de ce camarade qui a perdu sa main. Son amputation a brisé ce barrage de
retenue en lui.!
!
Nous sommes à l’arrière du convoi; trois véhicules, quatre personnes par véhicule sans compter les cadavres de camarades passés et
anonymes. Un freinage, un arrêt brusque et des avertissements arrivés trop tard. Tout s’enchaîne et sans rien épargner, les trois voitures
se percutent. Certains se protègent, d’autres se jettent en dehors de la trajectoire imposée, et enfin nous voyons le ravin qui menace nos
vies. Un corps projeté percute le tronc d’un arbre, le vide approche, il attire pour dévorer. Il faut sauter de toutes façons. Ces situations-là
de survie, d’urgence constamment liées à la violence, j’en ai l’habitude. Mais cette fois c’est différent. On paie, quelqu’un nous a maudit.
Devant cette ultime épreuve je n’espère qu’une chose : je veux que l’un d’entre nous survive. Maintenant j’ai compris que la douleur
n’est rien, que la mort à venir n’est point à craindre si quelqu’un survit.!
!
Il y a encore trop d’arbres pour sauter, mais au moins deux véhicules ont évité le ravin. Je ne sais pas s’il y a encore quelqu’un de
conscient autour de moi, je ne sais même pas si ma propre conscience s’est fourvoyé de toile mais nous ne contrôlons plus rien.!
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Un pitoyable accident de voiture…!
!
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              C’est une vallée. Noire, ombragée, rendue humide par un cours d’eau. Je connais ces couleurs et ces teintes mais jamais je
n’aurai pensé mourir ici. Nous tombons, emportés par un mouvement imprévisible. Le creux de la vallée est proche, mais la voiture
percute un solide tronc d’arbre, nous expulsant de son bord. Je vois des corps voler, le mien a quitté le sol, je sens que je vais…!
!
La chute a été sèche, les images floues, ma respiration insuffisante. Un bleu uniforme uniquement perçu à travers le rameau des arbres
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!
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muscles m’obéissent. J’ai réussi à faire taire la petite musique mentale qui dit que j’ai déjà été anéantie. Je bouge, un doigt, la main, le
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relève, les corps sont tous étalés autour de moi. Aucun n’a été soigné. Certains sont désarticulés, rompus et méconnaissables. La douleur
est mordante quand mes jambes me tiennent debout. Je me laisse lentement effondrer. Tout ce que je sens est endolori. Ma conscience
est anesthésiée par des fils de sépia. Les voir inertes crucifie ma pensée, ce n’est pas un incident et nous ne sommes pas morts en
martyrs. La terre est humide, étonnamment accueillante, c’est un bel endroit pour mourir. Je rampe jusqu’au corps le plus proche de moi ;
c’est lui, c’est lui… Je me hisse à sa hauteur et tire son épaule vers moi, il n’a rien si ce n’est cette flaque rouge et visqueuse derrière la
tête. Son brun naturel baigne dans le sang qui l’habitait encore quand le soleil était haut. Bien sûr il est mort digne, bien sûr il est mort
humble, mais qu’est-ce qui dans l’horizon a instillé en moi la certitude qu’il me survivrait, qu’il survivrait à chaque être né de la terre ?!
!
Autour de moi les fous. Les cadavres qui hurlent, je ne relève même plus l’horreur. Je viens de comprendre l’enjeu de ce ciel qui
décline ; même en été il faut mériter l’aurore, atteindre l’heure la plus froide de la journée et y survivre également.!
!
Je remonte la vallée en rampant ; imbiber mes maux de cette humidité morbide. Le premier corps que je rencontre est celui de l’amputé,
lui a été beaucoup moins épargné, des vers commencent à s’agglutiner sur les points d’hémorragies. Je dois déplacer certains de ses
membres disloqués pour pouvoir fouiller sa poche. Le couteau dans sa gaine est intact. De mes doigts tremblants je lui enlève aussi la
boussole qu’il porte au cou. J’ai toujours trouvé ça dispensable mais cette fois-ci c’est différent. Je ne sais pas si elle marche encore, le
tout est de la prendre. Je rampe jusqu’à chaque corps, chacun portait quelque chose, souvent je leur ai laissé. Finalement je leur ai
survécu. Le cycle se perpétue aveuglement, arrivera un jour où il implosera de lui-même et cette rupture légitimera mon existence. Les
mouches ont afflué, il n’y a maintenant que ce riff assourdissant.!
!
Ici est devenu dangereux. Le ravin est fertile, il découvre un autre pan de la forêt. Il va falloir descendre, je ne peux rebrousser chemin, ils
nous cherchent. Dans l’euphorie de l’avoir tué lui, ils ne remarqueront pas qu’il manque un corps à ses côtés. Maintenant je comprends
autre chose; ne pas avoir besoin de courir, ne pas avoir besoin de se cacher, quelle merveilleuse vie. Je vois ça de loin parce que ce
monde n’est pas à moi, il n’est pas pour moi.!
                          Contourner le ravin n’a mené à nulle part, il va falloir sauter. Le soleil est sur le point de se coucher et je suis épuisée,
transpercée par cet acide dans les muscles qui manque à chaque instant de me paralyser. Un sourire mauvais, les paupières légèrement
abaissées je regarde la conclusion se dessiner sous les nuages qui s’amassent. Quelle branche me transpercera  ? Quel os de ma
structure se brisera en premier ? Ce n’est pas le saut de l’ange que je m’apprête à faire, ni même le saut du damné. Regardez-moi. Le
monstre qui est en moi est devenu grand et aujourd’hui il trépasse sans demander pardon. Je rampe sur les derniers mètres qui me
séparent du vide. Mon épaule d’abord, mon buste ensuite, je bascule.!
Je suis vivante, et je vole.
Primera parte en español:
Murió de esa manera, la cara hinchada, la carne irreconocible. El sol continúa derritiendo sus heridas, las cicatrices siguen abiertas. El
hedor es demasiado fuerte para evaporarse completamente en el aire, donde las líneas de la realidad se ven distorsionadas por el calor.!
!
Una palmadita en la espalda me saca de mi reflexión. Es mi amigo que está ofreciéndome constantemente hacer un nuevo pacto, que me
saca una cabeza y una década.!
!
 !
              « ¿Él también murió torturado ? Me preguntó tranquilamente.!
!
_ « No. Pegado hasta la muerte.» Otra voz me respondió, la de este compañero que perdió su mano. Su amputación rompió la presa de
retención dentro de él. Estamos en la parte trasera del convoy, tres vehículos, cuatro personas por vehículo, sin contar los camaradas
pasados y anónimos. Un frenazo, una parada repentina y advertencias llegaron demasiado tarde. Todo se encadena muy rápido, los tres
coches chocan. Algunos se protegen, otros se lanzan fuera de la trayectoria impuesta, y finalmente, vemos el barranco que amenaza
nuestras vidas. Un cuerpo proyectado golpeó el tronco de un árbol, el vacío, que atrae para devorar. Hay que saltar de todos modos.
Estas situaciones de supervivencia, emergencia constantemente en relación con la violencia, estoy acostumbrado a ellas. Pero esta vez
es diferente. Pagamos, alguien nos ha maldecido. Antes de este evento final espero una cosa: quiero que uno de nosotros sobreviva.
Ahora entendí que el dolor no es nada, que la muerte próxima no es de temer si alguien sobrevive.!
!
Todavía hay demasiados árboles para saltar, pero por lo menos dos vehículos han evitado el barranco. No sé si hay alguien todavía
consciente acerca de mí, ni siquiera sé si mi conciencia se desvió de lienzo pero no controlamos nada.!
!
Un accidente de coche lamentable…!
!
!
              Es un valle. Negro, sombreado, húmedo con un arroyo. Conozco estos colores y estas sombras, pero nunca pensé que me voy a
morir aquí. Caemos, lejos por un movimiento impredecible. El fondo del valle está cerca, pero el coche golpeó un sólido tronco de árbol,
expulsándonos de a bordo. Veo cuerpos volando, el mío ha dejado el suelo, siento que voy a…!
!
La caída fue dura, las imágenes borrosas, mi respiración insuficiente. Un uniforme azul sólo se ve a través del bosque de árboles oscuros.
Recuerdo aquel lugar donde el color baila este carnaval incesante. Un calor y un hormigueo rodean mi brazo izquierdo, me las arreglé
para volver la cabeza. La sangre fluye lentamente en este brazo, pero mi mano está en el agua de la corriente. Recuerdo ese sentimiento,
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Texte de kha an

  • 2. Il est mort comme ça, le visage boursouflé, la chair méconnaissable. Le soleil continue à faire fondre ses plaies, des cicatrices encore ouvertes. La puanteur est trop épaisse pour s’évaporer complètement dans l’air où les lignes du réel sont distordues par la chaleur.! ! Une tape dans le dos me sort de ma réflexion. C’est mon ami qui me propose constamment de faire un nouveau pacte, qui me surplombe d’une tête et d’une décennie.! ! « Lui aussi il est mort torturé ? lui demandai-je calmement.! ! _ Non. Battu à mort. » Une autre voix me répond, celle de ce camarade qui a perdu sa main. Son amputation a brisé ce barrage de retenue en lui.! ! Nous sommes à l’arrière du convoi; trois véhicules, quatre personnes par véhicule sans compter les cadavres de camarades passés et anonymes. Un freinage, un arrêt brusque et des avertissements arrivés trop tard. Tout s’enchaîne et sans rien épargner, les trois voitures se percutent. Certains se protègent, d’autres se jettent en dehors de la trajectoire imposée, et enfin nous voyons le ravin qui menace nos vies. Un corps projeté percute le tronc d’un arbre, le vide approche, il attire pour dévorer. Il faut sauter de toutes façons. Ces situations-là de survie, d’urgence constamment liées à la violence, j’en ai l’habitude. Mais cette fois c’est différent. On paie, quelqu’un nous a maudit. Devant cette ultime épreuve je n’espère qu’une chose : je veux que l’un d’entre nous survive. Maintenant j’ai compris que la douleur n’est rien, que la mort à venir n’est point à craindre si quelqu’un survit.! ! Il y a encore trop d’arbres pour sauter, mais au moins deux véhicules ont évité le ravin. Je ne sais pas s’il y a encore quelqu’un de conscient autour de moi, je ne sais même pas si ma propre conscience s’est fourvoyé de toile mais nous ne contrôlons plus rien.! ! Un pitoyable accident de voiture…! ! !               C’est une vallée. Noire, ombragée, rendue humide par un cours d’eau. Je connais ces couleurs et ces teintes mais jamais je n’aurai pensé mourir ici. Nous tombons, emportés par un mouvement imprévisible. Le creux de la vallée est proche, mais la voiture percute un solide tronc d’arbre, nous expulsant de son bord. Je vois des corps voler, le mien a quitté le sol, je sens que je vais…! ! La chute a été sèche, les images floues, ma respiration insuffisante. Un bleu uniforme uniquement perçu à travers le rameau des arbres sombres. Je me souviens de cet endroit où la couleur danse ce carnaval incessant. Une chaleur et un fourmillement entourent mon bras gauche ; je parviens à tourner la tête. Le sang coule lentement sur ce bras, mais ma main se trouve dans l’eau du ruisseau. Je me souviens de cette sensation, ça veut dire que c’est froid… Mon sang dans ce cours d’eau, je souris à son éventuelle route. Je laisse la vie m’échapper, ce courant dans mes veines.! ! Première partie:
  • 3. Deuxième partie: Je le sais, je suis quelque part dans cet interstice entre deux toiles. Je me laisse échapper, mais tout cet interstice blanc se rejoint en un point : ma respiration. Ça y est, il va encore devoir se battre. Et puis c’est cette lutte infernale avec des ressources insuffisantes et un objectif sacralisé, ultime et premier. Respirer pour survivre, garder les yeux ouverts pour survivre, rester éveillée pour survivre.! ! Se battre. Essayer d’hurler. Une incapacité. Létale  ? Certainement. Ici c’est animal, pas de choix, pas d’idéaux. Ça y est enfin, mes muscles m’obéissent. J’ai réussi à faire taire la petite musique mentale qui dit que j’ai déjà été anéantie. Je bouge, un doigt, la main, le bras, je respire, j’émerge. Mon bras gauche est toujours couvert de sang, mais cette fois il est figé, répandu sur un bandage. Je me relève, les corps sont tous étalés autour de moi. Aucun n’a été soigné. Certains sont désarticulés, rompus et méconnaissables. La douleur est mordante quand mes jambes me tiennent debout. Je me laisse lentement effondrer. Tout ce que je sens est endolori. Ma conscience est anesthésiée par des fils de sépia. Les voir inertes crucifie ma pensée, ce n’est pas un incident et nous ne sommes pas morts en martyrs. La terre est humide, étonnamment accueillante, c’est un bel endroit pour mourir. Je rampe jusqu’au corps le plus proche de moi ; c’est lui, c’est lui… Je me hisse à sa hauteur et tire son épaule vers moi, il n’a rien si ce n’est cette flaque rouge et visqueuse derrière la tête. Son brun naturel baigne dans le sang qui l’habitait encore quand le soleil était haut. Bien sûr il est mort digne, bien sûr il est mort humble, mais qu’est-ce qui dans l’horizon a instillé en moi la certitude qu’il me survivrait, qu’il survivrait à chaque être né de la terre ?! ! Autour de moi les fous. Les cadavres qui hurlent, je ne relève même plus l’horreur. Je viens de comprendre l’enjeu de ce ciel qui décline ; même en été il faut mériter l’aurore, atteindre l’heure la plus froide de la journée et y survivre également.! ! Je remonte la vallée en rampant ; imbiber mes maux de cette humidité morbide. Le premier corps que je rencontre est celui de l’amputé, lui a été beaucoup moins épargné, des vers commencent à s’agglutiner sur les points d’hémorragies. Je dois déplacer certains de ses membres disloqués pour pouvoir fouiller sa poche. Le couteau dans sa gaine est intact. De mes doigts tremblants je lui enlève aussi la boussole qu’il porte au cou. J’ai toujours trouvé ça dispensable mais cette fois-ci c’est différent. Je ne sais pas si elle marche encore, le tout est de la prendre. Je rampe jusqu’à chaque corps, chacun portait quelque chose, souvent je leur ai laissé. Finalement je leur ai survécu. Le cycle se perpétue aveuglement, arrivera un jour où il implosera de lui-même et cette rupture légitimera mon existence. Les mouches ont afflué, il n’y a maintenant que ce riff assourdissant.! ! Ici est devenu dangereux. Le ravin est fertile, il découvre un autre pan de la forêt. Il va falloir descendre, je ne peux rebrousser chemin, ils nous cherchent. Dans l’euphorie de l’avoir tué lui, ils ne remarqueront pas qu’il manque un corps à ses côtés. Maintenant je comprends autre chose; ne pas avoir besoin de courir, ne pas avoir besoin de se cacher, quelle merveilleuse vie. Je vois ça de loin parce que ce monde n’est pas à moi, il n’est pas pour moi.!                           Contourner le ravin n’a mené à nulle part, il va falloir sauter. Le soleil est sur le point de se coucher et je suis épuisée, transpercée par cet acide dans les muscles qui manque à chaque instant de me paralyser. Un sourire mauvais, les paupières légèrement abaissées je regarde la conclusion se dessiner sous les nuages qui s’amassent. Quelle branche me transpercera  ? Quel os de ma structure se brisera en premier ? Ce n’est pas le saut de l’ange que je m’apprête à faire, ni même le saut du damné. Regardez-moi. Le monstre qui est en moi est devenu grand et aujourd’hui il trépasse sans demander pardon. Je rampe sur les derniers mètres qui me séparent du vide. Mon épaule d’abord, mon buste ensuite, je bascule.! Je suis vivante, et je vole.
  • 4. Primera parte en español: Murió de esa manera, la cara hinchada, la carne irreconocible. El sol continúa derritiendo sus heridas, las cicatrices siguen abiertas. El hedor es demasiado fuerte para evaporarse completamente en el aire, donde las líneas de la realidad se ven distorsionadas por el calor.! ! Una palmadita en la espalda me saca de mi reflexión. Es mi amigo que está ofreciéndome constantemente hacer un nuevo pacto, que me saca una cabeza y una década.! !  !               « ¿Él también murió torturado ? Me preguntó tranquilamente.! ! _ « No. Pegado hasta la muerte.» Otra voz me respondió, la de este compañero que perdió su mano. Su amputación rompió la presa de retención dentro de él. Estamos en la parte trasera del convoy, tres vehículos, cuatro personas por vehículo, sin contar los camaradas pasados y anónimos. Un frenazo, una parada repentina y advertencias llegaron demasiado tarde. Todo se encadena muy rápido, los tres coches chocan. Algunos se protegen, otros se lanzan fuera de la trayectoria impuesta, y finalmente, vemos el barranco que amenaza nuestras vidas. Un cuerpo proyectado golpeó el tronco de un árbol, el vacío, que atrae para devorar. Hay que saltar de todos modos. Estas situaciones de supervivencia, emergencia constantemente en relación con la violencia, estoy acostumbrado a ellas. Pero esta vez es diferente. Pagamos, alguien nos ha maldecido. Antes de este evento final espero una cosa: quiero que uno de nosotros sobreviva. Ahora entendí que el dolor no es nada, que la muerte próxima no es de temer si alguien sobrevive.! ! Todavía hay demasiados árboles para saltar, pero por lo menos dos vehículos han evitado el barranco. No sé si hay alguien todavía consciente acerca de mí, ni siquiera sé si mi conciencia se desvió de lienzo pero no controlamos nada.! ! Un accidente de coche lamentable…! ! !               Es un valle. Negro, sombreado, húmedo con un arroyo. Conozco estos colores y estas sombras, pero nunca pensé que me voy a morir aquí. Caemos, lejos por un movimiento impredecible. El fondo del valle está cerca, pero el coche golpeó un sólido tronco de árbol, expulsándonos de a bordo. Veo cuerpos volando, el mío ha dejado el suelo, siento que voy a…! ! La caída fue dura, las imágenes borrosas, mi respiración insuficiente. Un uniforme azul sólo se ve a través del bosque de árboles oscuros. Recuerdo aquel lugar donde el color baila este carnaval incesante. Un calor y un hormigueo rodean mi brazo izquierdo, me las arreglé para volver la cabeza. La sangre fluye lentamente en este brazo, pero mi mano está en el agua de la corriente. Recuerdo ese sentimiento, eso significa que es frío… Mi sangre en este río, sonreí o a su posible ruta. Dejo la vida que se me escape, esta corriente en mis venas.