Ce travail retrace l'histoire du développement du marché de la location vidéo aux Etats-Unis. La première partie traite de l'émergence de la VHS et de la montée en puissance de Blockbuster. La seconde partie analyse l'apparition du DVD ainsi que le succès d'une nouvelle entreprise Netflix. Le travail reste incomplet et s'arrête à la faillite de Blockbuster.
Quel est l'impact de la démocratisation du jeu vidéo sur les modèles économiq...
Le marché américain de la vidéo domestique (1980–2010). De Blockbuster à Netflix - GASULLA
1. Le marché américain de la vidéo
domestique (1980–2010)
De Blockbuster à Netflix
Tom Muller pour Wired, octobre 2009.
http://www.hellomuller.com/work/2009/wired1710.html
GASULLA Dimitri
04 janvier 2011
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94105, USA.
2. Table des matières
Introduction 1
1 La VHS et Blockbuster 3
1.1 « Home video is the story of movie industry triumph despite rampant ago-
raphobia. » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
1.1.1 L’émergence de la vidéo domestique . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
1.1.2 Le succès de la vidéo domestique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
1.2 « The popularity of renting videocassettes was unanticipated by all the major
media corporations. » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.2.1 Le développement du marché de la location . . . . . . . . . . . . . 9
1.2.2 Le business model du marché de la location . . . . . . . . . . . . . 11
1.3 « How Blockbuster Changed the Rules » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
1.3.1 Blockbuster, histoire d’un succès . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
1.3.2 La faillite de Blockbuster . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
2 Le DVD et Netflix 18
2.1 « Netflix is a complicated software company masquerading as a DVD-rental
service. » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
2.1.1 L’apparition du couple Netflix/DVD . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
2.1.2 Le modèle économique de Netflix . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
2.2 Le logiciel de recommandation Cinematch . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
2.2.1 Comment fonctionne un logiciel de recommandation et à quoi sert-il ? 22
2.2.2 Cinematch améliore ses principes de fonctionnement grâce au crowd-
sourcing . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
2.3 Reed Hasting : « What Netflix is about is owning a transition stage as rental
converts to video-on-demand. » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
2.3.1 Blockbuster, histoire d’un échec . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
2.3.2 Netflix prend le chemin du digital . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
Liste des figures 29
Bibliographie 29
3. Introduction
Figure 1 – Évolution du cours de l’action Netflix Inc. (NASDAQ : NFLX) depuis son
entrée en bourse jusqu’au 26 octobre 2010.
Netflix Inc. est une société américaine spécialisée dans la location de contenu vidéo
par voie postale et plus récemment via Internet. L’évolution de la valorisation boursière
de l’entreprise (Figure 1) est révélatrice de la confiance que les milieux financiers lui
portent, ou tout du moins des espoirs qu’ils formulent quant à l’augmentation de son chiffre
d’affaires. Le succès de Netflix dans le développement de ses activités ne peut justifier à
lui seul cette brusque valorisation (supérieur de 400 % à celle du NASDAQ entre 2008 et
2010). L’enthousiasme des marchés s’explique par une combinaison de plusieurs facteurs
qui ont contribué à voir dans Netflix le futur leader d’un marché que l’on annonce décisif
pour l’avenir de l’audiovisuel [ROTH(octobre 2009)].
Parmi ces facteurs, il est possible d’isoler ceux qui sont révélateurs de la stratégie menée
par la société et du succès qui l’accompagne :
– L’intégration progressive de l’offre de Netflix en matière streaming dans de nom-
breuses "set-top boxes" 1 en 2008, puis directement dans les "télévisions connec-
tées" 2 ;
– L’élargissement de l’offre de Netflix (augmentation constante du catalogue, location
de jeux vidéos et haute définition à partir de la fin de l’année 2008) ;
1. Les "set-top boxes" sont des boitiers se connectant aux télévisions et permettant d’accéder à divers
services (chaîne de télévision, vidéo à la demande (VOD), jeux, e-commerce, etc.). En savoir plus.
2. Le principe de la "télévision connectée" est d’intégrer directement les fonctionnalités auparavant dé-
livrées par les "set-top boxes" ou réservées aux ordinateurs. Sa principale caractéristique est de permettre
l’accès à Internet.
1
4. – La faillite de son principal concurrent, Blockbuster, en septembre 2010 ;
– Et d’une manière générale, l’engouement pour les services de streaming à partir de
2010.
Pêle-mêle, ces éléments ne permettent pas d’expliquer pourquoi la valorisation d’un client
de Netflix passe d’environ 190 $ fin 2008 à 550 $ en octobre 2010. La compréhension des
espoirs placés dans la société, nécessite l’étude du marché américain de la location vidéo
afin de pouvoir replacer la stratégie de Netflix dans son contexte.
Nous verrons dans un premier temps comment la firme Blockbuster est parvenue à domi-
ner le marché de la location de VHS. Nous nous intéresserons alors au développement de
la vidéo domestique aux États-Unis et en déduirons les principes économiques du marché
de la location. Nous terminerons en analysant le succès de Blockbuster.
Dans une seconde partie, nous nous focaliserons sur Netflix. L’étude de son business model
et de la concurrence que la société a livré à son principal concurrent. Cela nous permettra
de mettre en lumière des changements dans le marché de la location vidéo ainsi que des
modifications dans le comportement des consommateurs américains.
Nous clôturerons ce travail en effectuant un analyse prospective de ce marché. Comme
un analyste financier l’a fait remarquer – dans un document très complet et très com-
menté, auquel Red Hasting, le CEO de Netflix, a longuement répondu –, la société fait
dorénavant face à de nouveaux et puissants concurrents. Après avoir mis Blockbuster hors
jeu, Netflix se retrouve en « compétition directe avec Apple (iTunes), Google (GOOG)
(YouTube), Amazon.com (AMZN) (Amazon Video on Demand), Disney (DIS) et News
Corp. (NWS) (cofondateurs de Hulu), Time Warner (TWX, TWC) (câble, HBO, etc.),
Comcast (CMCSA) (câble, NBC Universal, cofondateur de Hulu), et les Redbox de Coins-
tar (CSTR) » [TILSON(16 décembre 2010)]. Cela sera pour nous l’occasion de réfléchir
aux évolutions futures du secteur de l’audiovisuel et de définir si Netflix mérite, ou non,
l’enthousiasme que lui portent les marchés financiers.
2
5. Chapitre 1
La VHS et Blockbuster
1.1 « Home video is the story of movie industry
triumph despite rampant agoraphobia. »
Frederic Wasser parvient à cette conclusion dans son livre Veni, Vidi, Video. The
Hollywood Empire and the VCR (Video-Cassette Recorder) [WASSER(2001), p. 18]. En
s’intéressant au développement de la vidéo domestique aux États-Unis, il montre comment
cette innovation premièrement rejetée par les majors a, par la suite, été adoptée et utilisée
par ces dernières de façon à renforcer leur position dominante.
1.1.1 L’émergence de la vidéo domestique
Le système hollywoodien est habitué aux crises et aux renaissances. Suite à l’arrivée
de la télévision et des nouvelles formes de loisirs dans les années 1950, le cinéma n’est plus
un des principaux divertissements des familles américaines. En 1947, elles lui consacraient
20 % de leur budget loisir contre moins de 15 % pour la radio. En 1957, le cinéma ne re-
présente plus que 7 % du budget loisir tandis que la radio, la télévision et les disques sont
passés à 23 % [AUGROS et KISTOPANIDOU(2009), p. 100]. Confrontés à ce problème,
les majors ont réagi par la production de film présentant une différenciation accrue entre
eux (en termes de genres et de stars), ainsi que par rapport à la télévision (grâce aux inno-
vations technologiques de la couleur et de l’écran large) [SEDGWICK(septembre 2002)].
Les studios hollywoodiens se sont également livrés à une redéfinition de leur métier, ils se
concentrent désormais sur le développement de projet et sur leur distribution.
Lorsqu’en 1975 Sony annonce la commercialisation de son magnétoscope Betamax, les ma-
jors y voient immédiatement un danger pour leur modèle économique. Ce n’était pourtant
pas le premier magnétoscope commercialisé sur le territoire des États-Unis. La vidéo do-
mestique ayant tenté d’investir le marché grand public dès les années 1960. Mais à la
différence des précédents produits qui incorporaient la fonction time shifting 1 comme une
possibilité d’usage parmi d’autres, le Betamax était entièrement conçu et commercialisé
comme un système permettant au consommateur d’enregistrer des programmes télévisés
[VOLK(14 décembre 2008), p. 5] (Figure 1.1). La volonté de Sony était alors de donner
davantage de pouvoir aux individus face aux chaînes de télévision et aux horaires qu’elles
imposaient [WASSER(2001), p. 72].
Cette innovation est venue bouleverser le système hollywoodien. En effet, les studios
1. Le time shifting, littéralement « décalage temporel », désigne le processus technique permettant
d’enregistrer et de contrôler la lecture d’un flux vidéo et audio.
3
6. Figure 1.1 – Publicités américaines pour le Sony Betamax datant respectivement de 1977
et de 1978
étaient passés maîtres dans l’art de programmer les rediffusions de leur films, et plus
particulièrement Disney qui ressortait ses dessins animés pendant les vacances scolaires
et les périodes de fêtes. Le magnétoscope menaçait également la pérennité de leurs rela-
tions commerciales avec les chaînes de télévision. Si les spectateurs se constituaient une
bibliothèque de films préalablement diffusés, rien ne garantissait alors qu’ils préfèreraient
regarder la rediffusion d’un film à la télévision plutôt que leur propre enregistrement. Les
programmes perdant ainsi leur attractivité, il apparaît logique que les chaînes les achètent
à des prix plus faibles, ou ne les achètent qu’une seule fois.
La problématique d’Hollywood était, et est toujours, de s’assurer que les nouveaux moyens
de diffusion apportent des revenus supplémentaires. Dans les cas de la télévision et du
câble, le choix était évident puisque les majors conservaient le contrôle de leurs produits.
Dans le cas de la vidéo domestique en revanche, elles perdaient toutes influences sur les
utilisations postérieures de leurs films. D’après elles, les manques à gagner étaient prévi-
sibles. En 1976, Universal City Studios porte plainte contre Sony Corporation of America.
1.1.2 Le succès de la vidéo domestique
L’affaire Sony ou comment les Majors ont empêcher le développement du
marché qui sera leur principale source de revenus 20 ans plus tard.
L’action en justice intentée par Universal contre Sony s’effectue sur le fait que « la
distribution et la vente de magnétoscope encourageaient et contribuaient à la violation des
œuvres sous copyright. » [U.S. CONGRESS(octobre 1989), p. 70]. Pour pallier à ce pro-
blème, Universal défendait la solution suivante : interdire la production et la distribution
des magnétoscopes. Après l’audience des différentes parties, la Court Suprême a conclu
4
7. en 1979 que l’enregistrement à domicile de contenus sous copyright rentrait dans le cadre
du fair use 2 . Le magnétoscope de Sony et ceux des autres fabricants pouvaient alors êtres
légalement commercialisés.
La particularité de la plainte déposée par Universal, c’est qu’elle ne prend en compte que
la fonction enregistrement du Betamax. La location et la vente de cassettes préenregistrées
n’ont pas été envisagés comme des marchés permettant de réaliser des profits supplémen-
taires. Pourtant, ces deux marchés ont connu une importante croissance par la suite. Dès
1986, Goldman Sach estime que la vidéo domestique engendre un chiffre d’affaires deux
fois plus important que celui issu de la télévision payante [WASSER(2001), p. 119]. En
2001, la principal source de revenus pour un film hollywoodien est la vidéo domestique :
Media Movie Revenues (billion) Movie Revenues Mix
Theatrical Revenues US $ 5.7 20 %
Home Video Revenues US $ 12.4 40 %
Free TV Revenues US $ 9.7 30 %
Pay TV Revenues US $ 3.2 10 %
Figure 1.2 – Répartition des revenus des films hollywoodiens en 2001. Source : Hollinger
(2002) MPA.
L’industrie pornographique. Un marché test pour la vidéo et une pratique
révélatrice des évolutions technologiques en cours.
La pornographie a toujours été, et est toujours, un des principaux drivers des nou-
velles technologies [COOPERSMITH(1998)]. Dés l’arrivé de l’U-Matic, les arcades pro-
posant des contenus pour adultes l’ont préféré aux pellicules qui tournaient en boucle
[WASSER(2001), p. 71]. Ce qui est plus impressionnant, c’est que la pornographie a servi
de killer application 3 pour enclencher l’usage domestique de la vidéo.
L’avantage du magnétoscope par rapport aux lieux (cinéma spécialisé, club privé, etc.)
où il était possible de visionner des contenus pornographiques est qu’il correspond à un
usage privé. L’individu n’est plus obligé de se déplacer dans un magasin peu respectable
et situé en bordure de ville ou dans un quartier mal fréquenté. Il peut désormais rester
confortablement chez lui. Pour la sélection des titres, il est possible de se rendre dans le
local séparé d’un magasin de location vidéo ou bien de les commander par correspondance.
Cet usage spécifique et restreint de la vidéo domestique rencontrera une forte demande,
et ce en dépit de son prix prohibitif. En effet, à la fin des années 1970, la cible concernée
consent à payer environ de 100 dollars pour une cassette et plus de 800 pour un magné-
toscope. Malgré cela, en 1978 et 1979, les contenus pornographiques représentent plus de
75 % des ventes de cassettes [TIERNEY(9 janvier 1994)]. Les proportions sont similaires
en Europe [WASSER(2001), p. 94].
2. La notion de fair use est une spécificité législative des États-Unis qui apporte « limita-
tions et exceptions au droit exclusif conféré par le droit d’auteur à l’auteur d’un travail créatif »
[WIKIPEDIA(29 décembre 2010)]. Elle permet aux particuliers de copier et modifier des œuvres sous
copyright sans contreparties, mais dans des cadres définis et non commerciaux.
3. Une killer application désigne un produit ou service fonctionnant uniquement avec une technologie
précise et qui justifie à lui seul l’achat de cette technologie. Les killers applications sont à rapprocher des
innovations de disruption car elles sont capables de créer un nouveau marché ou de rendre obsolète les
produits et services dont elles intègrent les fonctionnalités.
5
8. Ce succès n’est pas anecdotique. D’une part, il met en lumière le rôle majeur de la porno-
graphie dans l’adoption et le développement des nouvelles technologies. Ainsi en France,
les contenus pour adultes représentaient, en 2008, 37 % du chiffre d’affaires de la VOD
(Video On Demand ). En hausse de 7 % par rapport à 2007 [CNC(mars 2009), p. 47]. De
même, le studio de production française Marc Dorcel a fait une entrée remarquée dans le
marché de la 3D [THURET(15 octobre 2010)] et [COUSIN(20 novembre 2010)].
D’autre part, ce succès exprime une dynamique constitutive du développement des techno-
logies de l’information et de la communication (TIC). Ces dernières sont toujours orientées
vers une communication plus personnelle et plus privée [FLICHY(1997)]. Les fondements
de cette dynamique sont liés à l’individualisation croissante de nos sociétés occidentales
[LE BART(2006)].
Comment le magnétoscope devient une technologie populaire et la vidéo do-
mestique un marché important.
Après la mauvaise appréciation des opportunités qu’offrait le magnétoscope et les re-
cours en justice qui aujourd’hui semblent ridicules 4 , les majors se sont peu-à-peu décidées
à distribuer leurs catalogues sous forme de cassette vidéo (Figure 1.4). Le prix des cas-
settes préenregistrées variait alors en 50 et 70 dollars. Un prix considérable car à cette
époque, le prix d’un ticket de cinéma était d’environ 2 dollars [WASSER(2001), p. 97].
Néanmoins, le marché de la vidéo se développe rapidement. Notamment grâce à des effets
de réseaux 5 [OHASHI(2003)]. Dans le cas du magnétoscope, et de la « bataille » entre les
formats Betamax et VHS ces effets étaient indirects. L’augmentation du nombre de per-
sonne possédant un système d’enregistrement compatible VHS n’avait aucune incidence
sur l’utilité que les autres possesseurs pouvaient en attendre. En revanche, cela poussait
les constructeurs de matériel à concentrer leurs recherches sur ce format, étant donné
que le marché potentiel y était plus important. Le raisonnement est similaire pour les
détenteurs de catalogues qui s’apprêtaient à exploiter des contenus dans ce format. Les
innovations présentes en plus grand nombre et les catalogues plus fournis renforçaient
alors l’attractivité de ce format.
D’après Frederic Wasser, l’élément qui joua en faveur du magnétoscope fût, et est toujours,
ce que l’économiste Linder a dénommé sous le terme « harried leisure »[WASSER(2001),
pp. 76–77]. L’expression désigne une évolution de l’organisation du temps libre des familles
américaines. Les individus étant confrontés à un nombre toujours plus important de loi-
sirs, tandis que le temps alloué à ces activités ne varie pas. Dès lors, la problématique des
« harried leisure class » n’est pas tant un manque de temps qu’une d’abondance de choix
rendant la décision difficile. Le magnétoscope, qui a été commercialisé comme un système
permettant aux individus de gérer leur consommation de flux audiovisuels et de ne plus
être contraint par les décisions des programmateurs, est donc l’instrument idéal pour ré-
soudre cette problématique. « The combination of product choice and time flexibility was
4. L’intervention la plus célèbre revient au vigoureux et charismatique président de la Motion Picture
Association of America (MPAA), Jack Valenti, qui a déclaré en 1982 : « I say to you that the VCR is to the
American film producer and the American public as the Boston strangler is to the woman home alone. »
[VALENTI(12 avril 1982)]
5. Les effets de réseaux sont des effets externes positifs engendrant une dimension sociale. Chaque
individu utilisant un service/produit crée une valeur s’ajoutant à celles qui sont relatives à la production
du service/produit. Par exemple, être le seul a posséder un fax n’est d’aucune utilité, mais celle-ci s’accroît
au fur et à mesure que le fax se diffuse dans la population. On remarque également que les premières
personnes à acheter un fax (early adopters) prennent un risque plus important que celles qui les succèdent,
cela nécessite donc des politiques marketing adaptées [BOMSEL(2007), pp. 63–96].
6
9. sufficient to make it ideal for a new lifestyle of more work and shifting schedules. » [Ibid.,
p. 80] L’évolution de la pénétration du magnétoscope dans les foyers américains montre
que l’enthousiasme a été largement partagé par l’ensemble de la population. En moins de
10 ans, la pénétration a dépassé les 70 %.
Evolution of VCRs Penetration in America (1980−2010)
q q q
q q q q
q q
q q q
q
80
q q
q q
q
q
q q
q
Percentage
60
q
40
q
q
20
q
q
q
q q
q
0
1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010
Years
Figure 1.3 – Évolution de la pénétration du magnétoscope dans les foyers américains.
Sources : Consumer Electronic Association, Nielsen.
Le prix très élevé des cassettes préenregistrées a eu une conséquence importante. Il a
permis le développement du marché de la location. Chose que les majors n’avaient pas
anticipée.
7
10. Company First Stage Second Stage Third Stage Fourth Stage
Twentieth Cen- 1977–1978, turns over 1979, buys out Magne- 1982–1991, forms 50/50 HV 1991 on, has had its
tury Fox HV rights to Magnetic tic Video and distri- partnership with CBS own HV division for
Video butes on its own feature films
United Artists 1981, acquired by MGM, 1982, leases foreign 1982, forms its own HV dis-
(UA) leases domestic HV HV rights to Warner tribution company
rights to CBS Fox for a
limited time
Metro-Goldwyn- 1980, forms HV partner- 1982, dissolves HV
Mayer (MGM) ship with CBS partnership with CBS
and sets up MGM/
UA HV distribution
Columbia 1979, starts distributing 1981, forms HV dis- 1991, dissolves partner-
HV on its own tributing partnership ship with RCA and forms
with RCA Columbia-TriStar Home
8
Video division
Orion 1982, leases various HV 1988, forms its own 1990s, John Kluge starts ac-
rights to Vestron and HV distribution divi- quiring Orion ; eventually it
RCA/Columbia ; in 1983, sion merges with MGM/UA
also leases HV rights to
HBO
Warner 1978, starts its HV divi-
sion
Paramount 1979, starts its HV divi-
sion
Disney 1980, starts its HV divi-
sion
MCA /Universal 1981, starts its HV divi-
sion
Figure 1.4 – Origines des filiales de distribution vidéo des majors. Source : [WASSER(2001), p. 94].
11. 1.2 « The popularity of renting videocassettes was
unanticipated by all the major media corpora-
tions. »
1.2.1 Le développement du marché de la location
Les studios hollywoodiens qui n’avaient pas prévu le développement du marché de la
location ni celui de la vente se sont progressivement attaché à les contrôler. Pour ce qui
est de la vente, il a été instauré un système de prix différencié (two-tiered ). Les magasins
de locations alors payaient un prix plus élevé que les particuliers. Les cassettes étaient
généralement vendues aux alentour de 90 $ lors de leur premières exploitations puis leurs
prix baissaient au fil du temps.
Pour ce qui est de la location, les majors pensaient que les consommateurs préfére-
raient posséder un film plutôt que de le louer. Devant le développement des magasins
de locations vidéo, la première réaction des studios hollywoodiens a été d’essayer de les
contrôler. Soit en développant leurs propres réseaux, soit en leur imposant des contrats
restreignant leur possibilité commerciale. Ces deux manœuvres se sont révélées inefficaces
[ROEHL et VARIAN(mars 2000), p. 11]. Hollywood s’est alors concentré sur la vente de
cassettes et a commencé à optimiser ses politiques commerciales dans les années 1980.
Grâce aux opérations spéciales, baisses des prix et partenariats, le marché est parvenu à
croître.
La location devient malgré tout l’usage dominant du magnétoscope au milieu des années
1980. Le nombre de magasin de location aux États-Unis passe de 700 en 1979 à 30 000
en 1989.
Number of U.S. Rental Stores (1979−1992)
q
q q
q q
q
25000
q
q
15000
q
q
q
5000
q
q
q
0
1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992
Years
Figure 1.5 – Évolution du nombre de magasins de location vidéo aux États-Unis (1979–
1992). Source : [WASSER(2001), p. 101]
Le marché de la location de cassette vidéo, quant à lui, arrive à maturité dans les années
1990 avant d’être progressivement remplacé par celui du DVD au début des années 2000
(Figure 1.6).
9
12. Evolution of Total VHS Rentals (1987−2004)
q
q q
4000 q q
q q q
q
q
q q q
Millions of Units
q
3000
q
q
2000
q
1000
q
1990 1995 2000
Years
Figure 1.6 – Évolution du nombre de VHS louées aux États-Unis (1987–2004). Source :
Alexander & Associates.
L’évolution du marché de la location de VHS suit le parcours classique que les industries
créatives réservent aux nouvelles technologies :
1. La nouvelle technologie est d’abord adoptée par les acteurs indépendants (produc-
teurs et distributeurs). Puis les acteurs dominants l’utilisent pour des produits de
catalogue ;
2. De nombreux indépendants se lancent sur le marché naissant en créant leur propre
point de location ;
3. La démocratisation de la technologie auprès du public et l’usage systématique qu’en
font les acteurs dominants contribuent à accroître le marché ;
4. Les magasins indépendants sont rachetés ou éliminés par des concurrents possédant
davantage de points de location et pouvant ainsi réaliser des économies d’échelle
plus importantes.
Le développement du marché de la vidéo domestique fut particulièrement fécond pour le
secteur audiovisuel des États-Unis. Il permit aux producteurs indépendants de trouver
de nouveaux débouchés pour leur films. Les acteurs indépendants ont également inventé
de nouvelle formes audiovisuelles comme les cassettes « how-to 6 » et les vidéo musicales.
Enfin, la vidéo rend possible de nouvelle formes de financement des films. Les genres
marginaux, tels que l’horreur et les films d’actions militaires, en seront les principaux
bénéficiaires. Ainsi, Oliver Stone a déclaré qu’il n’aurait pas pu réaliser Platoon (1986),
oscar du meilleur film en 1987, si son distributeur vidéo n’avait pas effectué un préachat
[WASSER(2001), p. 129].
6. Ce sont les programmes didactiques à propos de sujets précis, tel que la cuisine, le golfe, la gym-
nastique à domicile, etc.
10
13. 1.2.2 Le business model du marché de la location
À la fin des années 1990, la VHS est à l’apogée de son existence. Le business model des
magasins de location vidéo pouvait alors se résumer à [PASTERNACK et DREZNER(1999)] :
1. Les établissements achètent des cassettes enregistrées à un prix généralement com-
pris entre 20 $ et 80 $ ;
2. Les établissements louent ces cassettes aux clients pour un prix compris entre 1 $
et 3 $ par jour. Si le client ne rapporte pas la cassette dans le temps imparti, il doit
payer des frais de retard.
Les titres étaient généralement répartis en trois catégories, les nouvelles sorties étant à un
prix plus élevé que les titres de catalogue. Enfin, les cassettes étaient la plupart du temps
vendues au public à faible prix après une certaine période d’exploitation. Les majors y
voyaient une concurrence déloyale pour les cassettes enregistrées qu’elles vendaient. Ces
dernières ne pouvaient pourtant rien intenter. En effet, aux États-Unis, le « copyright
"First Sale" doctrine » assure aux détenteurs légitimes d’une copie d’un contenu sous
copyright la possibilité de transférer la possession de cette copie comme ils le désirent 7
[ROEHL et VARIAN(mars 2000), p.11].
La difficulté de l’activité locative résidait, et réside toujours, dans le fait que la demande
pour les titres est irrégulière et non prévisible. La majorité des titres loués étant des films
de cinéma, la demande des consommateurs pour ces titres est naturellement plus impor-
tante lors de leur sortie et diminue ensuite au cours du temps. Un magasin de location
vidéo est alors confronté à deux problèmes [PASTERNACK et DREZNER(1999)] :
– Quel est le nombre de copies qu’il faut acheter pour un titre donné ?
– Quand faut-il diminuer ou arrêter l’exploitation d’un titre et vendre les copies au
public ?
Pour compléter la problématique, il faut ajouter que la satisfaction du consommateur
est déterminée par le fait qu’il quitte le magasin avec le titre qu’il désirait louer en
y entrant. Or dans les années 1990, un client devait se rendre en moyenne cinq wee-
kends consécutifs dans un magasin Blockbuster avant de trouver le titre qu’il désirait
[KADLEE et al.(3 août 1998)]. Plus particulièrement, l’indisponibilité des nouveautés (des
titres difficilement substitués à d’autres contrairement aux autres catégories) est suscep-
tible d’avoir un large et négatif effet sur la demande générale. Cela pousserait certains
consommateurs à ne plus se rendre dans le magasin qui ne satisfait pas leurs souhaits
[MORTIMER(5 décembre 2006), p. 28].
D’un point de vue économique la question est donc complexe. Plus un magasin possède
de titres et de copies de ce titre, plus il est s’assure de satisfaire la demande de ses clients,
mais plus sa situation économique devient fragile compte tenu du prix élevé d’achat des
cassettes. Inversement, dans les années 1980 et 1990, se concentrer sur un faible nombre
de titre à forte demande revenait à devenir dangereusement dépendant des catalogues des
studios hollywoodiens. Ceux-là même qui cherchaient à contrôler le marché de la location.
Les magasins indépendant cherchaient alors à acheter le plus de titre possible pour réduire
leurs dépendances [WASSER(2001), p. 116].
La réussite de Blockbuster dans le marché de la location s’explique par le business model
que l’entreprise a réussi à mettre en place à l’époque de la VHS. Il apporte une réponse
à chaque problématique : prix des cassettes, disponibilité des titres et dépendance envers
les majors.
7. Ce droit est spécifique aux États-Unis et ne s’applique pas aux enregistrements audio et aux logiciels.
Dans les autres pays, la location s’effectue sous licence.
11
14. 1.3 « How Blockbuster Changed the Rules »
1.3.1 Blockbuster, histoire d’un succès
Blockbuster est une société texane fondée en 1985 par
David Cook. En pleine période de concentration du mar-
ché, alors que le nombre total de magasin passe de 28 000
en 1990 à 25 000 en 1999 [Auteur inconnu(date inconnue)],
Blockbuster se développe. L’entreprise qui possédait 1 500
magasins sur le territoire américain en 1990 poussa le chiffre
à 5 500 en 2001. À la même époque, son plus proche concur-
rent, Hollywood Video (filiale de Hollywood Entertainment),
n’en comptait que 1 800 [GRAY TEAM(31 août 2004), p. 13]. En 2003, la domination de
Blockbuster en termes de chiffre d’affaires est tout aussi équivoque :
Société Chiffre d’affaires (en million de dollars)
Blockbuster 5 815,1
Hollywood Entertainment 1 682,5
Movie Gallery 692,4
Netflix 272,2
Figure 1.7 – Chiffre d’affaires des principales sociétés de location vidéo aux États-Unis
en 2003. Source : [GRAY TEAM(31 août 2004), p. 13].
Cette domination de Blockbuster s’explique par la stratégie que l’entreprise a réussi à
développer en 1998 : l’intégration verticale.
En 1994, la société est rachetée par Viacom 8 et continue de privilégier la croissance ex-
terne et interne au détriment de la rentabilité immédiate. Il s’ensuit qu’à la fin des années
1990, la part de marché de Blockbuster dans le marché de la location vidéo atteint les
20 % . En position de force face aux majors pour qui la vidéo est devenue un débou-
ché vital, John Antioco, le nouveau directeur général, parvient à conclure un partenariat
étonnant pour l’époque. En échange de la baisse des prix d’achats des copies VHS, les ma-
jors perçoivent un pourcentage des revenus issus de la location. Les proportions auraient
été proches de 45 % pour Blockbuster, 45 % pour les majors et 10 % pour Rentrak, le
distributeur de Blockbuster [GRAY TEAM(31 août 2004), p. 6]. Cette alliance permit à
Blockbuster d’acheter davantage de copies que ses concurrents tout en réduisant ses coûts.
La société continua alors son expansion tout en étant capable de satisfaire un nombre plus
important de clients. De même, le risque de dépendance vis-à-vis des majors est supprimé
puisqu’elles deviennent des partenaires.
Cette stratégie de partage des revenus était déjà en pratique dans d’autres industries,
mais elle demeura difficile à mettre en œuvre dans le secteur de la vidéo jusqu’à la fin
des années 1990. En effet, elle nécessitait l’installation d’un large et vaste réseau informa-
tique permettant le tracking des actes locatifs ainsi que d’un système de vérification des
résultats. Ce n’est qu’avec la baise des prix du matériel informatique que l’opération est
devenue envisageable [MORTIMER(5 décembre 2006), p.6 ].
L’adoption de ce type de contrat par Blockbuster a servi de catalyseur et a encouragé les
autres magasins à basculer vers ce système commercial. Une fois généralisé, les magasins
8. Elle a ensuite été introduit en bourse en 1999.
12
15. payaient entre 3 et 8 $ de frais supplémentaires par cassette et conservaient 45 % des
revenus issus de la location [Ibid., p. 5].
La stratégie de Blockbuster ne s’arrêtait pas à ce partenariat. Elle comprenait égale-
ment la mise en place d’un système de mutualisation pour son réseau de magasins. De
cette façon, les pertes d’un magasin opérant sur un quartier donné était compensées par
les gains des autres, ce qui empêchait l’émergence de toute concurrence étrangère au ré-
seau [VAN BUSKIRK(27 août 2010)].
Le business model de la firme est centré sur la volonté d’offrir aux consommateurs les
films qu’ils désirent louer. Afin de connaître leurs goûts et de les prévoir, la société amé-
liorait constamment sa CRM 9 . Ainsi en 2003, Blockbuster a mis en place un important
programme de marketing direct. Les informations recueillies étaient ensuite partagées
avec différentes sociétés telle que Coca-Cola [CLARKE(12 mars 2003)]. La société ren-
force cette capacité en 2004 grâce au lancement d’un programme de location de DVD en
ligne. Les consommateurs doivent pour cela remplir un fichier où ils indiquent la liste des
films qu’ils désirent louer [CLARK(4 décembre 2007), p. 4].
Blockbuster opérait aussi une diversification horizontale en intégrant dans ses magasins la
location/vente de musique, jeux vidéo et logiciels. Cette stratégie partagée avec ses prin-
cipaux concurrents Hollywood Entertainment et Movie Gallery visait à offrir une gamme
complète de produit d’entertainment pour toute la famille. Blockbuster désirait passer du
statut « de plus grande société de location de films et de jeux vidéos au monde à celui de
principal fournisseur multi-canal d’un large éventail de produits et de services de divertis-
sement à domicile. » [BLOCKBUSTER(2001), p. 2]
Cette diversification s’opéra également en direction du hardware. Dès 2000, Blockbus-
ter a commencé à vendre des produits DIRECTV 10 ainsi que des Playstations 2. Par la
suite, l’entreprise proposa à la vente les jeux, accessoires et consoles Sony PS3, Mircosoft
Xbox 360, Nintendo Wii et DS [REISINGER(28 avril 2008)]. Blockbuster entendait éga-
lement élargir la gamme de produit proposés en essayent d’acheter Circuit City en 2008
[REISINGER(14 avril 2008)]. Le rachat des actions de cette enseigne de vente de produits
électroniques grand public ne se réalisa finalement pas [REISINGER(2 juillet 2008)] mais
le CEO d’alors n’en oubliait pas pour autant l’idée d’investir ce marché : « existe-t-il un
meilleur endroit pour en acheter un [un lecteur Blu-ray], existe-t-il un meilleur endroit
pour en faire la démonstration à nos consommateurs que celui où les gens vont une ou
deux fois par semaine pour louer des vidéos ? (. . .) Pouvons-nous leur vendre une télévi-
sion Bravia de 42 pouces ? C’est du 1080p donc leur expérience du Blu-ray s’en trouvera
améliorer. Bien sûr, cela devient un produit impulsif, presque un produit de commodité. »
[KEYES(14 août 2008)].
L’utilisation de l’Internet naissant n’a pas été négligée puisque Blockbuster développa très
tôt son site web pour y mener des opérations commerciales [BLOCKBUSTER(1 août 1997)]
et conclut même un partenariat avec AT&T pour la promotion d’un site permettant l’ac-
cès aux dernière informations relatives à Blockbuster (nouvelles sorties, offres spéciales,
etc.) [BLOCKBUSTER(3 mars 1997)].
Nous devinons ici l’importance de la technologie dans l’évolution du métier de Block-
buster. La firme de Dallas doit nécessairement accompagner les changements technolo-
giques survenant dans le milieu de la vidéo. Elle a ainsi pris publiquement le parti du
9. Custom Relationship Management, traduit en français par gestion de relation client.
10. DIRECTV est une société proposant des services de radio et de télévision par satellite. Avec cette
démarche, Blockbuster visait également à gagner un allié dans un marché concurrent au leur.
13
16. Blu-ray lors de sa bataille contre le HD-DVD et a participé à la promotion et à la vente de
la Playstation 3 (qui incorpore un lecteur Blu-ray).
Ce que nous pouvons également conclure c’est que la location de vidéo ne représente
qu’une partie de la stratégie de Blockbuster. Cette activité prend alors la forme d’un at-
tribut distinctif face à des entreprises tel que Best Buy 11 . C’est exactement ce qui est
annoncé dans la première partie du rapport annuel de l’année 2000 :
« Our business model is designed to deliver long-term sustainable growth in
our core business and to use our capital and resources in areas of business
that we believe will provide incremental growth and return on investment. »
[BLOCKBUSTER(2001), p. 22]
Mais quelques années plus tard, la stratégie de Blockbuster a changé. L’objectif de devenir
une entreprise proposant « un large éventail de produits et de services de divertissement
à domicile. » a été atteint :
« Our mission is to provide our customers with the most convenient access
to media entertainment, including movie and game entertainment delivered
through multiple distribution channels such as our stores, by-mail, vending
and kiosks, online and at home. We believe Blockbuster offers customers a
value-priced entertainment experience, combining the broad product depth of a
specialty retailer with local neighborhood convenience. »
[BLOCKBUSTER(2009), p. 8]
À moins que cela ne soit une stratégie visant à diversifier au maximum ses activité et
ses revenus à l’heure où l’activité centrale et différenciante de Blockbuster est en train de
disparaître.
1.3.2 La faillite de Blockbuster
La rentabilité n’a guère été au rendez-vous pendant la dizaine d’année d’exercice de
Blockbuster. Cela faisait partie de la stratégie : se développer dans un secteur hautement
concurrentiel, fidéliser une large clientèle (en 2008, la société traite avec environ 50 mil-
lions de clients) et ensuite augmenter l’ARPU 12 en diversifiant les gammes de produits
disponibles à l’achat. Les déficits se succèdent donc tout au long des années 2000 (Figure
1.8).
Ce qui est davantage problématique, c’est que le chiffre d’affaires de Blockbuster s’effondra
en 2009 (Figure 1.9).
Une autre donnée inquiétante quant à l’avenir de Blockbuster et à sa volonté de proximité
avec ses clients est la forte diminution du nombre de magasins qui, en 2009, repasse à un
niveau comparable à 1999 (Figure 1.10 et 1.11).
Lorsque la société fait faillite en septembre 2010, sa dette est estimée à 1,465 milliard
de Dollars pour des assets 13 juste supérieurs à 1 milliard [FRITZ(23 septembre 2010)].
Blockbuster a choisi de se placer sous le chapitre 11 du code américains de la faillite
(Chapter 11 Bankruptcy). Selon ce chapitre, la société continue d’exercer son activité
pendant que créanciers et débiteurs s’accordent sur un plan permettant la réorganisation
de l’entreprise. Les trois principaux créanciers sont Twentieth Century Fox Home Entertain-
ment (réclamant 21.6 millions de Dollars) Warner Home Video Inc. (réclamant 19 millions
de Dollars) et Sony Pictures Home Entertainment (réclamant 13.3 millions de Dollars)
11. Les équivalents français de Best Buy en termes de secteurs d’activité sont Micromania, Surcouf, etc.
12. ARPU : Average Revenu Per User. Chiffre d’affaires moyen réalisé par client.
13. Les assests sont des actifs.
14
17. Blockbuster Net Loss (1997−2009)
q
1500
Millions of Dollars
q
1000
q
q q
500
q q
q
q
q q q
0
q
1998 2000 2002 2004 2006 2008
Years
Figure 1.8 – Évolution des pertes de Blockbuster entre 1997 et 2009. Sources : rapports
annuels de Blockbuster.
[McMARTY et al.(23 septembre 2010)]. Hollywood tien donc à ce que Blockbuster conti-
nue d’exister. Pas seulement pour s’assurer une source de revenu supplémentaire, mais
surtout pour maintenir la concurrence dans un marché qui leur est crucial. Sans quoi les
majors pourraient se retrouver en position de faiblesse par rapport aux nouveaux acteurs
de la location que sont Netflix, Amazon, Apple et Redbox.
Lors de l’annonce de la faillite de Blockbuster, les analystes ont été unanimes quant à
l’explication de cet échec :
– Business Week : « Blockbuster Inc., la plus grande entreprise mondiale de location
de film, a déposé son bilan après avoir échoué à adapter son modèle et sa marque
aux technologies en ligne lancées par ses concurrents comme Netflix Inc. » [Ibid.] ;
– The New York Times : « Au cours des 25 dernières années, Blockbuster s’est déve-
loppé et a acquis la position d’acteur dominant du marché de la location de films, une
position que Blockbuster n’a pas su conserver au fur et à mesure que les consomma-
teurs se tournaient vers ses concurrents. » [DE LA MERCED(23 septembre 2010)] ;
– The Economist : « Blockbuster est confronté à des "clicks-concurrents" qui offrent
un énorme choix de film et à des "mortar-concurrents" qui se spécialisent dans les
hits. La vie entre les deux est difficile » [THE ECONOMIST(23 septembre 2010)].
On peut aisément conclure que Blockbuster n’a pas su se repositionner face à des concur-
rents innovants. Pourtant, comme nous l’avons vu, l’entreprise était consciente de l’im-
portance de la technologie dans sa stratégie. Et comme nous le verrons, elle était loin
d’être inactive dans le domaine des nouvelles technologies. Seulement, elle se contentait
de les optimiser à son buniess model alors que ses concurrents s’efforçaient de trouver un
moyen de le briser. Ici encore les analystes s’accordent pour désigner ce qui symbolise le
mieux l’échec de Blockbuster : la réussite de Netflix.
15
18. 3500 4000 4500 5000 5500 6000 Blockbuster Revenue (1997−2009)
q
q q
q q q
Millions of Dollars
q
q
q
q
q
q
q
1998 2000 2002 2004 2006 2008
Years
Figure 1.9 – Évolution du chiffre d’affaires de Blockbuster entre 1997 et 2009. Sources :
rapports annuels de Blockbuster.
Blockbuster Stores in the World (1997−2009)
9000
q q
q
q
q
8000
q
q
q
q
q
7000
q
q
6000
q
1998 2000 2002 2004 2006 2008
Years
Figure 1.10 – Évolution du nombre de magasins Blockbuster dans le monde entre 1997
et 2009. Sources : rapports annuels de Blockbuster.
16
19. US Blockbuster Stores (Franchised)
US Blockbuster Stores (2000−2009)
(2000−2009)
1100
q q q
q
q q
q
q
q
4400
q q
900
q
q q
q
4000
q
700
q
q
3600
500
q q
2000 2002 2004 2006 2008 2000 2002 2004 2006 2008
Years Years
Foreign Blockbuster Stores (Franchised)
Foreign Blockbuster Stores (2000−2009)
(2000−2009)
900
q q q
q q
q
1800 2000 2200 2400
q
800
q q
q
q
700
q
q q
q
600
q
q q
500
q q
2000 2002 2004 2006 2008 2000 2002 2004 2006 2008
Years Years
Figure 1.11 – Évolution du nombre de magasins Blockbuster entre 2000 et 2009. Sources :
rapports annuels de Blockbuster.
17
20. Chapitre 2
Le DVD et Netflix
2.1 « Netflix is a complicated software company mas-
querading as a DVD-rental service. »
2.1.1 L’apparition du couple Netflix/DVD
Netflix est une société californienne fon-
dée en août 1997 par Reed Hasting et Marc
Randolph. Elle débute son activité en 1998
[NETFLIX(14 avril 1998)]. L’objectif de l’entre-
prise est de tirer profit des avantages possédés
par le DVD par rapport à la VHS. Blockbuster
voyait dans le DVD un moyen d’offrir une image
de meilleure qualité à ses clients et de réaliser des marges plus importantes grâce à une
durée de vie théoriquement supérieure 1 (assurant une durée d’exploitation plus longue),
un encombrement moindre (réduisant les coûts de stockage et de manipulation) et sur-
tout un prix d’achat quatre fois moins important. C’est cette stratégie que traduit le
partenariat conclut entre Sony et Blockbuster pour promouvoir le lancement du DVD
[BLOCKBUSTER(9 janvier 1997)].
Netflix a choisi de se concentrer sur une autre caractéristique qui différencie le DVD de
la VHS : il est possible de l’envoyer par courrier et cela pour un prix modique. Cette
découverte qui est, certes, intéressante, mais néanmoins limitée, se révèle être une des
bases du développement de Netflix. Son business model, qui se révéla par la suite être un
succès, peut se résumer aux points suivants :
1. L’envoie et le retour des DVD par la poste ;
2. La commande des titres s’effectue uniquement via Internet ;
3. L’obligation de souscrire à un abonnement donnant accès à 4 titres par mois que le
client sélectionne à l’avance [NETFLIX(16 décembre 1999)] ;
4. L’élimination des délais de retours du DVD. Le client peut conserver le DVD le
temps qu’il le souhaite (mais ne reçoit pas le suivant tant qu’il n’a pas renvoyé celui
en sa possession) ;
1. Lors du lancement du CD, puis du DVD, les fabricants et revendeurs ont largement utilisés l’argu-
ment marketing qui consistait à présenter ces nouveaux supports comme quasiment immortels, idéal pour
la conservation des données qui vous sont chères. On sait aujourd’hui que la longévité de ces produits est
extrêmement variable et qu’en aucun cas elle ne dépassera les 100 ans.
18
21. 5. La mise en place d’un logiciel (CineMatch) permettant d’aider le client à trouver le
titre qui lui conviendra [NETFLIX(25 janvier 2000)].
Le point le plus étonnant est le n 4. Il est à priori logique de penser que l’imposition
˚
de délais de retour est le meilleur moyen d’accélérer le taux de rotation des titres et de
satisfaire ainsi un plus grand nombre de client. Mais dans le cas particulier de Netflix, il a
été démontré que l’élimination des délais de retour est bénéfique. En effet, « parce que le
client ne ne peut pas louer un autre film tant qu’il n’a pas retourné celui en sa possession
(ce qu’on appelle le "max-out" et qui est inclus dans le brevet [déposé par Netflix]), l’im-
position de délais de retour aurait pour effet d’accélérer la demande pour d’autres films
et déclencheraient des coûts d’exécution, tel que l’affranchissement, que Netflix paie. »
[SNYDER(février 2010)] La suppression des délais de retour se révèle donc être une opé-
ration « gagnant-gagnant ».
De même, la maximisation du taux de rotation par l’imposition de délais comporte une
règle implicite. Elle considère l’acte de retour/location des clients comme une donnée
stable et parfaite : dès qu’un individu rendrait un DVD, un autre serait là pour l’em-
prunter. Or, comme ce n’est bien entendu pas le cas. Des auteurs ont déduit que « le pic
d’utilisation moyen diminue à mesure que la date limite de retour imposée devient plus
souple. » [BASSAMBOO et al.(novembre–decembre 2009), p. 1353] Ils ont pour cela uti-
lisé le paradoxe de l’inspection, ce dernier énonçant que pour tout t > 0 le renouvellement
de l’intervalle contenant t est stochastiquement 2 plus grand que l’intervalle du premier
renouvellement 3 . La suppression des délais de retour revient à réintégrer de l’aléatoire
dans l’équation et ainsi à créer un meilleur équilibrage entre l’offre et la demande.
La base du business model développé par Netflix se révèle donc innovant. Mais concevoir
un business model innovant ne suffit pas à assurer le succès de l’entreprise le développant.
Encore faut-il parvenir à l’insérer au sein d’un service afin qu’il puisse se développer et
faire prouver sa viabilité. Dans le cas de Netflix qui multiplie par trois le nombre de ses
abonnés entre 2006 et 2010, il semblerait que le service rencontre un certains succès auprès
du public (Figure 2.1).
Cette réussite s’explique par la vision innovante que la société a su développer, celle fon-
dée sur l’individualisation des relations clients et l’économie immatérielle. En étudiant
le service qu’elle propose, il est possible d’apercevoir à quel point Netflix bouleverse les
schémas établis.
2.1.2 Le modèle économique de Netflix
« Netflix est une société de logiciels compliqués qui se fait passer pour un
service de location de DVD. »
Cette phrase est de Mike Schuh, un de ceux qui ont investi dans Netflix en 1999. Il ajoute
que les seuls personnes à avoir compris cet aspect sont les dirigeants de Blockbuster. Ils
2. Un processus stochastique désigne l’évolution d’une variable aléatoire. En savoir plus.
3. On a donc, pour tout x > 0 et pour tout t > 0, l’équation suivante :
P(SXt +1 > x) ≥ P(S1 > x) = 1 − FS (x)
Où FS (x) est la fonction de distribution cumulative de l’IID du temps de rétention Si .
19
22. Netflix Number of Subscribers (1998−2010)
q
15
Millions q
10 q
q
q
5
q
q
q
q
q q
q
0
1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010
Years
Figure 2.1 – Évolution du nombre d’abonnés de Netflix entre 1998 et 2010. Sources :
rapports annuels de Netflix et [TILSON(16 décembre 2010)].
le comprendront surtout à leurs dépends, après s’être efforcé de copier le système de la
société californienne durant les années 2000. Sans aucun succès. Mike Schuh continue sa
description de Netflix :
« Son logiciel de recommandation de films, son merchandising et son système
de contrôle des stocks sont sophistiqués. Ce n’est pas qu’ils ne pourraient pas
être reproduits, mais c’est difficile à faire et cela demandera beaucoup d’ar-
gent, de temps et d’engagement pour bien faire les choses comme Netflix les a
faites. » [COHEN et SLOANE(1er décembre 2002)]
De la maîtrise de ces technologies provient une part importante de la réussite de Netflix.
En 2002, son CEO, Robert Hasting, déclarait que « plus de la moitié des actes de locations
passe par le système de recommandation » [Ibid.]. De même, en 2003, plus de 98 % des
titres possédés sont en circulation auprès des clients [NULL(1er juillet 2003)]. Néanmoins,
si Netflix a été capable de développer une stratégie innovante, ce n’est pas pour autant
qu’elle en oublie les bonnes pratiques de ses prédécesseurs. À la manière de Blockbuster,
la société californienne a noué des liens étroits avec les studios hollywoodiens.
Les partenariats les plus attendus se situent au niveau des catalogues et du prix d’achat
des DVD. Comme Blockbuster, Netflix se voit proposer des prix avantageux en échange
d’un pourcentage, non pas sur les locations, mais sur les abonnements (19,2 % lors du
second trimestre de 2003) [Ibid.]. C’est en partie à ce prix que l’entreprise peut proposer
un catalogue de 100 000 titres [THOMPSON(23 novembre 2008)] alors que les plus grands
magasins de Blockbuster plafonnent entre 7 000 et 8 000.
En partie seulement car Netflix possède également une spécificité propre aux magasins
virtuels : l’absence d’interface physique entre le client et la société qui permet de s’affran-
chir de nombreuses contraintes liées au commerce traditionnel. Les produits qu’il n’était
pas rentable de mettre sur le présentoir de Wal-Mart ou de Blockbuster le deviennent sur
le site d’Amazon ou de Netflix. La théorie de la longue traîne trouve ici une excellente
application [ANDERSON(2009)]. Netflix permet ainsi à certains films dont l’exploitation
en salles fût brève de connaître une "seconde vie" en location. Hasting raconte que c’est
ce qu’il s’est passé avec Hotel Rwanda :
« [Ce film] fît un très faible score au box office. Mais nos membres [clients] l’ont
20
23. beaucoup aimé. Ils l’ont très bien noté. Donc notre site Web l’a recommandé
à un nombre de plus en plus élevé de personne et maintenant Hotel Rwanda
est le cinquième film le plus loué par Netflix, il est devant Serial noceurs qui
est un grand film mainstream. » [SCHORN(3 décembre 2006)]
Une des forces de Netflix réside donc dans les produits de niche, en proposant à la location
un nombre important de titres [MAYFIELD(17 octobre 2006)]. C’est d’ailleurs sur ce
segment que la société a recueilli ses premiers succès, tant économiques que publics 4 . La
démarche est inverse à celle de Blockbuster qui cherche à satisfaire les désirs de ses clients en
leur mettant à disposition de grande quantité d’un nombre réduit de titre. Les statistiques
sont révélatrices de la réussite de cette stratégie. Tandis qu’un magasin de location vidéo
traditionnel réalise en moyenne 80 % de ses revenus avec les 200 titres les plus loués, Netflix
réalise 80 % de se revenus avec les 2 000 titres les plus loués [NIEDERHOFF(mars 2004),
p. 10]. Les distributeurs indépendants sont ainsi plus enclins à travailler avec une société
qui permet la valorisation d’un plus grand nombre de produits que ses concurrents.
Enfin, Netflix a noué un dernier partenariat avec les majors. Moins attendu, il porte
sur le partage des données issues du logiciel Cinematch [Auteur inconnu(2004)]. De cette
façon, les studios mettent la main sur les jugements, constamment mis à jour, de plus de
12 millions d’abonnés. Sans compter les possibilités marketing liées à la localisation des
clients, des possibilités dont Netflix et le New York Times nous avaient montré un prémisse
début 2010 (Figure 2.2 et 2.3) :
Figure 2.2 – Visualisation des quartiers ayant loués le film Push. Source : New York
Times et Netflix.
4. On se rappelle alors que les nouvelles technologies sont d’abord adoptées par les distributeurs
indépendants qui tentent de cour-circuiter les réseaux tenus par les acteurs dominants.
21
24. Netflix apparaît ainsi comme une société ayant perçue les possibilités liées aux tech-
nologies de l’information et de la communication (TIC) tout en n’oubliant pas de bien
observer ce qu’avaient fait les autres entreprises avant elle. L’innovation la plus intéres-
sante est sans contexte son logiciel de recommandation. Sa conception même répond à
une question simple : quel film choisir ? Mais son rôle se révèle bien plus passionnant à
analyser.
Figure 2.3 – Visualisation des quartiers ayant loués le film Sept vies. Source : New York
Times et Netflix.
2.2 Le logiciel de recommandation Cinematch
2.2.1 Comment fonctionne un logiciel de recommandation et à
quoi sert-il ?
Nous pouvons supposer qu’un client d’une société de location vidéo sera d’autant plus
satisfait si le film qu’il a loué se révèle être un « bon film ». Dès lors, une des missions
de ces entreprises est de s’assurer que leurs clients sélectionnent des films qui les satis-
feront. Or qu’est-ce qu’un « bon film » et comment s’assurer d’en choisir un ? En effet,
sur quels critères significatifs et objectifs – c’est-à-dire partagés par tous – peut-on fonder
l’évaluation d’un film ? Sa durée ? Le nombre d’acteurs ? Le nombre d’entrées réalisées
en salle ? L’avis des critiques ? L’âge du réalisateur ? L’évaluation d’un produit culturel
repose nécessairement sur des attributs variés dont l’appréciation est subjective. Plus en-
core, comment exprimer des jugements préalables sur des produits culturels qui sont par
nature des biens d’expériences, c’est-à-dire des biens dont on ne connaît la valeur réelle
22
25. qu’après les avoir consommés ? Le secteur culturel étant le lieu d’un nombre indéterminé
d’interprétations personnelles, il échappe à toutes hiérarchies objectives. Il n’en exclu pas
pour autant la possibilité d’effectuer des choix raisonnables [KARPIK(2007)].
Il existe plusieurs réponses à la question : comment s’assurer que mes clients vont choisir
un film qui les satisfera ? Le moyen venant immédiatement à l’esprit est d’avoir recours
aux conseils d’un vendeur. Blockbuster a indirectement privilégié une autre solution en
limitant le nombre de titres disponibles (réduire le risque d’erreur) et en se concentrant
sur les hits 5 . C’est-à-dire sur les quelques films bénéficiant d’une large popularité auprès
du public [CLARK(4 décembre 2007), p. 4]. Les consommateurs seront donc plus à même
de connaitre ces films et donc de savoir si ils sont susceptibles de les satisfaire. La dé-
marche de Netflix est tout autre. Pour bien la comprendre, il nous faut passer par un court
paragraphe de théorie.
Il nous faut introduire le concept de « dispositif de jugement » par Lucien Karpik. Ce
dernier en vient à différencier le jugement de la décision : « La décision est le produit
d’un calcul généralisé, tandis que le jugement repose, avec ou sans calculs partiels, sur la
synthèse qualitative d’une pluralité de critères d’évaluations. » [Ibid., p. 66] Cette distinc-
tion vient s’ajouter à celles qui existent entre les produits évaluables selon des attributs
objectifs, partagés par tous (généralisés) et ceux dont l’évaluation est fonction de critères
variés et aux appréciations subjectives. Alors que la décision est une modalité de choix
répondant à l’univers des produits utilitaires, le jugement, lui, est adapté aux produits
symboliques, et donc aux produits culturels. En y ajoutant la notion de « dispositif » qui
désigne la participation d’un ensemble d’acteurs et de phénomènes à la construction de
signes symboliques et matériels, Karpik en arrive à la construction du concept de « dis-
positif de jugement » qui exerce « trois fonctions distinctes et liées entre-elles : délégués
des producteurs et/ou des consommateurs, opérateurs de connaissance, et à ce titre, char-
gés de combler, plus ou moins complètement, le déficit cognitif, forces en lutte pour se
rendre plus visibles et plus désirables que leur concurrents. » [Ibid., p. 71] Cette définition,
jusqu’ici davantage assimilable à la seule évaluation, épouse ensuite les formes de la re-
commandation lorsque l’auteur désigne la relation entre les dispositifs de jugement et les
consommateurs comme celle d’une délégation fondée sur la confiance. Les dispositifs de
jugement ont donc pour fonction d’aider le consommateur dans ces choix en produisant
et présentant « une sélection de données gouvernées par un critère d’évaluation parti-
culier » [Ibid., p. 75] . Ils produisent ainsi une connaissance orientée qui demande aux
consommateurs la conscience et l’interprétation de cette orientation afin que la sélection
effectuée corresponde à leurs attentes. De ce fait, les dispositifs de jugement « qualifient
simultanément le produit et le client » [Ibid., p. 77] . On retrouve cette définition dans le
domaine des moteurs de recommandation [ISKOLD(16 janvier 2007)]. Il est généralement
distingué quatre approches [ELBONPOIN(13 février 2009)] :
1. « La recommandation personnalisée, qui consiste à recommander des éléments en se
basant sur le comportement passé de l’individu. »
2. « La recommandation sociale, qui permet de recommander des éléments sur la base
du comportement passé d’utilisateurs ayant des goûts similaires (souvent appelés
jumeaux). »
3. « La recommandation par élément, choisissant de recommander d’autres éléments
en se basant sur les caractéristiques de l’élément initial. »
4. « Une combinaison des trois approches ci-dessus. »
5. Dans le cas du cinéma, sur les blockbusters.
23
26. 2.2.2 Cinematch améliore ses principes de fonctionnement grâce
au crowdsourcing
Le logiciel Cinematch est un dispositif de jugement qui combine recommandation per-
sonnalisée, sociale et par élément. Il permet d’aider le consommateur dans son choix tout
en individualisant sa recommandation. Son utilisation se révèle très simple [WILSON(2007)].
Figure 2.4 – Capture d’écran du logiciel Cinematch.
Le client doit tout d’abord renseigner le genre de film qu’il préfère. Puis, il doit noter plu-
sieurs films, de une à cinq étoiles. Plus l’utilisateur note de titres, plus sa base de données
sera fournie. Les recommandations fournies par Cinematch seront alors plus efficientes.
Le principe de fonctionnement du logiciel est lui aussi très simple. Il utilise trois types
d’informations [Ibid.] :
– Les films, regroupés ensuite par leurs caractéristiques communes ;
– Les notes des clients, les titres qu’ils ont loués et les titres présents dans leur liste
d’attente ;
– La combinaison des notes de tous les clients de Netflix.
Le logiciel ne possède donc que très peu de données personnelles (âge, sexe, location,
etc.). Mais ce peu de données, il le possède pour chacun des 17 millions de clients, chaque
membre ayant noté en moyenne 200 titres [NETFLIX(2010)]. À partir de ces données,
Netflix est parvenue à établir des algorithmes capables de prévoir les goûts de chaque
utilisateur. Si vous avez très bien noté les deux premiers opus du Seigneurs des anneaux,
24
27. il y a de forte chance que vous aimiez le troisième. En revanche, Mondovino a, a priori,
peu de chance de vous intéressez. Cinematch vous proposera le film qui a statistiquement
le plus de chance de vous satisfaire, le logiciel de recommandation est en fait un logiciel
de prédiction. Son succès est considérable puisqu’approximativement 60% des membres
de Netflix choisissent leurs films parmi ceux proposés par Cinematch [Ibid.].
Néanmoins, l’équipe de chercheurs en charge du logiciel était confrontée à des difficul-
tés de développement. Leur modèle était basé sur le « modèle du voisin le plus proche »
[BENNETT et LANNING(12 août 2007)]. Il consiste à caractériser un film et ensuite à
rechercher les films ayant des caractéristiques similaires. Par exemple, Il faut sauver le
soldat Ryan aura pour voisin les films de guerre, ceux avec Tom Hanks et ceux réalisés
par Spielberg [BELL et al.(mai 2009)]. Bien que performante, cette approche ne prenait
pas en compte les dernières avancées en matières d’algorithmes. Qui plus est, la recherche
et la mise à niveau du système auraient demandé beaucoup trop de temps à l’équipe de
Netflix [BELL et al.(16 février 2010)]. C’est pourquoi la société a donc eu l’idée d’organi-
ser un concours : 1 million de dollars au premier qui améliorera la pertinence de Cinematch
de 10 % [NETFLIX(octobre 2006)].
Figure 2.5 – Capture d’écran de la page d’accueil du site Netflix Prize.
51 000 participants originaires de 186 pays se sont inscrit dans plus de 40 000 équipes. Trois
semaines après le début du concours, les premiers participants avaient déjà réussi à amélio-
rer le système de Netflix [THORELL(22 septembre 2009)]. Trois ans plus tard, le concours
25
28. a été remporté par l’équipe BellKor’s Pragmatic Chaos, fruit d’une coopération entre des
employés d’AT&T et la société autrichienne Commendo Research. Grâce à cette brillante
opération de crowdsourcing 6 [THORELL(28 septembre 2009)], Netflix s’est alloué les ser-
vices de milliers d’ingénieurs pour un très faible coût [MANJOO(22 septembre 2009)].
Pour ces derniers, l’intérêt de la compétition réside bien moins dans le prix que dans la
possibilité de tester de nouveaux modèles sur une énorme base de données de 100 mil-
lions de notations effectuées par les clients de Netflix [LOHR(22 septembre 2009)]. Le plus
grand mérite de ce concours est que la société californienne a tenu à ce que les équipes
demeurent propriétaires de leurs solutions et que celles-ci soient partagées avec l’ensemble
de la communauté. Tout le monde peut donc consulter et s’inspirer des résultats obtenus
par 40 000 équipes pendant 3 ans [PRIZEMASTER(18 septembre 2009)].
Si la base de Cinematch demeure la recommandation, l’utilisateur peut aussi se reporter
aux caractéristiques du film (casting, année de réalisation, synopsis, etc.) et aux revues
critiques réalisées par l’équipe éditoriale de Netflix. Il est également possible de consulter
le « top 100 » des locations, ainsi que de regarder quels films vos amis ont regardé et
comment ils les ont notés. Cette dernière fonctionnalité suscite légitimement espoir et
curiosité compte tenu de l’importance que les réseaux sociaux ont pris dans la société et
le commerce en 2010 [OWNI(12 décembre 2010)]. Mais de l’avis même de Reed Hastings,
ce système de recommandation sociale n’a pas eu un succès comparable à celui gouverné
par des algorithmes et des centres de calcul [THOMPSON(23 novembre 2008)].
2.3 Reed Hasting : « What Netflix is about is owning
a transition stage as rental converts to video-
on-demand. »
2.3.1 Blockbuster, histoire d’un échec
Face au succès grandissant de Netflix, Blockbuster tenta de diverses manières de sécu-
riser le rendement de son principal métier, la location vidéo. Le combat entre ces deux
sociétés est alors devenu uns histoire constante dans les médias.
En ce qui concerne les évolutions de l’offre commerciale, une des premières mesure de
Blockbuster a été de lancer un service comparable à Netflix en 2004. Peut-être un peu
trop comparable car la société californienne à poursuivi celle de Dallas en justice. Elle
l’accusait d’avoir copié son système de location par Internet [REUTERS(28 juin 2007)],
notamment le principe de « liste d’attente dynamique » des DVD commandés par les
utilisateurs [WIKIPEDIA(2 janvier 2010c)]. La justice a statué que la plainte de Netflix
n’était pas recevable [BLOOMBERG NEWS(23 août 2006)]. Si cela avait été le cas, l’en-
treprise aurait été en situation de quasi monopole sur ce secteur. Blockbuster continua
donc à proposer sa solution Total Access. Les clients commandent un titre via Internet
et le reçoivent chez eux par la poste. Ils peuvent également le rapporter eux-mêmes en
magasin et bénéficier alors d’une location gratuite. Blockbuster a également mis en place
6. Le crowdsourcing désigne une méthode consistant à utiliser les capacités d’un grand
nombre de personne pour réaliser certains travaux traditionnellement effectué par une société
[WIKIPEDIA(2 janvier 2010b)]. Le crowdsourcing a connu une forte croissance dans les années 2000
[HOWE(14 juin 2006)] grâce aux avancés des technologies de l’information et de la communication et à
la révolution des Pro-Am [LEADBEATER et MILLER(novembre 2004)].
26
29. un programme intitulé « no late fees » qui, comme dans l’offre initiale de Netflix, sup-
prime les délais de retour. La société a ainsi supprimé une importante caractéristique qui
la différenciait de ses concurrents [CLARK(4 décembre 2007), p. 16].
Cette « guerre » avec Netflix a entrainé de gros investissements et a eu de lourdes consé-
quences sur la marge de manœuvre financière de Blockbuster. Certes, le programme Total
Access a engendré des revenus élevés, mais en même temps il rendait les magasins phy-
siques de moins en moins utiles aux clients. En s’adaptant tardivement aux attentes du
marché et des consommateurs, la société a elle-même contribué à détruitre son principal
avantage concurrentiel [CRUISE(17 avril 2007)].
Pour ce qui est des innovations technologiques, nous avons vu à quel point la firme de
Dallas y menait un travail de veille important. Pourtant, on reste frappé par son manque
d’initiative et ses mauvais choix [REISINGER(25 novembre 2008)]. Le cas des kiosks est
un bon exemple. Blockbuster a annoncé en 2008 qu’il comptait mettre en place des kiosks
dans ses magasins [ALI(24 juillet 2008)]. Ils auraient permit aux consommateurs de té-
lécharger des films sur des lecteurs portables [CATONE(2 juin 2008)]. Se déplacer pour
télécharger : une véritable oxymore. D’une manière générale, Blockbuster a toujours affiché
un scepticisme face à la distribution digitale de contenu. Ses initiatives dans ce domaine
ont toujours été considérées comme en retard de plusieurs années.
En 2007, la société fait l’acquisition, pour un faible prix [BANGEMAN(10 août 2007)],
de Movielink, une plateforme de VOD (Video On Demand ) créée par MGM Studio, Pa-
ramount Pictures, Sony Pictures Entertainment, Universal Studios et Warner Bros. Studios
[OLSEN(10 novembre 2002)]. Mais Movielink était reconnue, et l’est toujours, pour offrir
un faible nombre de films avec des DRMs 7 très contraignants.
En 2009, Blockbuster annonce le lancement d’un service de streaming, deux ans après
Netflix. Qui plus est, le service n’était initialement disponible qu’à travers un hardawre
spécifique, contrairement à son concurrent qui s’est rapidement développé sur d’autres
plateformes telles que l’Xbox 360, la PS3, la TiVo, etc. Enfin, la principale faiblesse de ce
service est son prix : 4 $ la location, 20 $ l’achat [REISINGER(28 novembre 2009)]. Dans
le cas de Netflix, le streaming s’ajoute gratuitement à tout les abonnements, y compris les
illimités.
2010 a été une année plus honorable pour Blockbuster, mis à part sa faillite. L’entreprise
s’est enfin décidée à suivre une stratégie d’API 8 . Tout en augmentant les possibilités
d’intégration des services de Blockbuster au sein de différents terminaux de réception
[KASTELEIN(8 novembre 2010)], cela permet à ses clients d’en avoir une expérience uni-
fiée et simplifiée [WILLIAMS(5 mai 2010)].
Nous pouvons aisément conclure que Blockbuster a loupé plusieurs opportunités pour
7. Acronyme de Digital Rights Mangement et Digital Rights Management systems. Les DRM sont des
technologies numériques permettant l’identification d’un contenu et la description de ses règles d’accès
et d’usage (nombre de lectures autorisées, période de validité des droits, appareils autorisés, etc.). Leur
utilisation par les industriels a conduit à une approche systémique des DRM, ces derniers s’inscrivant
alors dans un schéma comprenant généralement l’appareil de lecture, le logiciel utilisé pour accéder au
fichier et le format d’encryptage de ce dernier. « Le terme Digital Rights Management systems rend
compte de la décentralisation du processus de DRM dans la distribution de contenus numériques en
désignant l’ensemble des éléments logiciels et matériels intervenant dans ce processus ainsi que leurs
interactions. » [GEFFROY(juin 2009), p. 23] La traduction française officielle est « Gestion des Droits
Numériques », mais cette expression porte l’accent sur le caractère numérique des droits, alors que c’est
davantage leur gestion qui relève du numérique.
8. Application Programming Interface : interface de programmation. Une API « est un ensemble de
règles et de spécifications qu’un logiciel peut suivre pour accéder et utiliser les services et les ressources
fournies par un autre logiciel qui a implémenté cette API. »[WIKIPEDIA(2 janvier 2010a)].
27
30. faire évoluer son business model. L’entreprise s’est principalement focalisée sur deux
conceptions du commerce qui sont aujourd’hui largement remise en cause dans le sec-
teur des industries créatives :
– L’inscription dans une logique de produit, alors que tout indique l’avènement pro-
chain de l’« âge de l’accès » [RIFKIN(2005)] qui valorise les services ;
– L’inscription dans la logique des hits. Un des crédos préférés de l’entreprise et de
son CEO est de se différencier de Netflix avec l’argument des catalogues : « Netflix
possède un merveilleux service par Internet pour les vieux titres et la télévision »
[KEYES(15 avril 2010)] « Nous pensons que la plus forte demande est celle pour
les nouveaux titres. » [KEYES(14 août 2008)] Sans pour autant se spécialiser dans
les films d’auteurs français, les niches constituent assurément des marchés à fort
potentiel de croissance avec lesquels il faut compter. La diversité et le choix sont
devenues des valeurs capitales dans nos sociétés occidentales.
Il ne nous est pas possible de conclure que ces deux logiques ont une relation de cause à effet
avec la faillite de Blockbuster, mais force est de constater qu’elles y sont nécessairement
corrélées.
2.3.2 Netflix prend le chemin du digital
28
31. Table des figures
1 Évolution du cours de l’action Netflix Inc. (NASDAQ : NFLX) depuis son
entrée en bourse jusqu’au 26 octobre 2010. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
1.1 Publicités américaines pour le Sony Betamax datant respectivement de 1977
et de 1978 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
1.2 Répartition des revenus des films hollywoodiens en 2001. Source : Hollinger
(2002) MPA. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
1.3 Évolution de la pénétration du magnétoscope dans les foyers américains.
Sources : Consumer Electronic Association, Nielsen. . . . . . . . . . . . . . . 7
1.4 Origines des filiales de distribution vidéo des majors. Source : [WASSER(2001),
p. 94]. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
1.5 Évolution du nombre de magasins de location vidéo aux États-Unis (1979–
1992). Source : [WASSER(2001), p. 101] . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.6 Évolution du nombre de VHS louées aux États-Unis (1987–2004). Source :
Alexander & Associates. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
1.7 Chiffre d’affaires des principales sociétés de location vidéo aux États-Unis
en 2003. Source : [GRAY TEAM(31 août 2004), p. 13]. . . . . . . . . . . . 12
1.8 Évolution des pertes de Blockbuster entre 1997 et 2009. Sources : rapports
annuels de Blockbuster. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
1.9 Évolution du chiffre d’affaires de Blockbuster entre 1997 et 2009. Sources :
rapports annuels de Blockbuster. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
1.10 Évolution du nombre de magasins Blockbuster dans le monde entre 1997 et
2009. Sources : rapports annuels de Blockbuster. . . . . . . . . . . . . . . . 16
1.11 Évolution du nombre de magasins Blockbuster entre 2000 et 2009. Sources :
rapports annuels de Blockbuster. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
2.1 Évolution du nombre d’abonnés de Netflix entre 1998 et 2010. Sources :
rapports annuels de Netflix et [TILSON(16 décembre 2010)]. . . . . . . . . 20
2.2 Visualisation des quartiers ayant loués le film Push. Source : New York
Times et Netflix. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
2.3 Visualisation des quartiers ayant loués le film Sept vies. Source : New York
Times et Netflix. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
2.4 Capture d’écran du logiciel Cinematch. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
2.5 Capture d’écran de la page d’accueil du site Netflix Prize. . . . . . . . . . . 25
29
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