1. Perspective actionnelle
et
autonomie chez l’apprenant
dans les manuels
Tout Va Bien ! 1 et Latitudes 1 :
Une analyse comparative
Par Raquel Pollo Gonzalez
Master 1–Mention Sciences du langage
Spécialité : Français Langue Étrangère (FLE) -3 crédits
Année universitaire 2011-2012 – 1ère Session
Dossier : Courants méthodologiques et analyse de méthodes
(Avant Évolution des courants méthodologiques).
Enseignants : Charlotte Dejean-Thircuir et Catherine Metton
Nom : Pollo Gonzalez ; Prénom : Raquel/ No. Étudiant : 21033557
2. 2
Sommaire
1. Introduction : le choix des méthodes, le thème, les aspects à comparer. (p. 2- 3)
2. Présentation factuelle des deux manuels.
Quelques nuances, remarques, critiques et observations subjectives. (p. 3-6)
3. L’approche actionnelle et la notion de tâche dans les deux manuels.
Analyse de la mise en œuvre : tâtonnement ou réussite ? (p. 6-11)
3.1 L’apprenant comme acteur social et la classe comme microsociété :
à la recherche des allures d’une dimension collective dans les deux méthodes. (p. 11-12)
4. Autoévaluation de l’apprenant versus autocorrection : de l’intention non factuelle à l’atteinte. (p. 12-13)
5. L’autonomie chez l’apprenant : autoévaluation et stratégies d’apprentissage. (p. 14-15)
6. Conclusion (p. 15-16)
7. Bibliographie (p. 17)
1. Introduction : le choix des méthodes, le thème, les aspects à comparer.
Les deux manuels qui seront comparés au long de ce travail sont Tout va bien 1 1 et
Latitudes 12. Cette analyse comparative a constitué l’évaluation finale d’un des cours (Courants
méthodologiques et analyse de méthodes) d’un programme de Master 1 que j’ai suivi avec l’Université Stendhal
Grenoble 3 (France), à distance, depuis Cuba.
Professeure de FLE à l’Alliance française de La Havane (Cuba) depuis 2005 et ayant utilisé Tout
Va Bien ! 1et 2 dans mes cours3
, je considère m’être appropriée ce manuel par l’usage et être en mesure
de l’examiner aussi du point de vue théorique. Il m’a semblé intéressant de l’analyser maintenant en
prenant un certain recul de la vision utilitaire de laquelle ma pratique professionnelle quotidienne m’a
peut-être imprégnée.
Cinq ans après son arrivée à Cuba et ayant autant d’adeptes que de détracteurs, la direction de
l’Alliance a décidé de le remplacer par un autre manuel d’enseignement. Plusieurs possibilités ont été
envisagées actuellement et différents manuels ont été testés. Certains nous ont été présentés par des
maisons d’édition dont Latitudes 1.
Intéressée par la perspective actionnelle, point capital aujourd’hui en didactique de langues, j’ai
voulu étudier son évolution à travers l’analyse comparative de sa mise en œuvre dans ces deux manuels
de FLE. Tout Va Bien 1 a été l’une des premières méthodes à y adhérer et Latitudes 1, paru plus
récemment, se veut aussi héritière de cette approche et respectueuse des préconisations du CECR.
D’autre part, captivée par l’autonomisation de l’apprentissage je n’ai pas pu m’empêcher d’observer le
traitement de l’autonomie chez l’apprenant comme une zone d’intersection de l’approche actionnelle.
1
H. Augé, M. Cañada Pujols, C. Marlhens, L. Martin, éditions CLE INTERNATIONAL, 2004.
2
Régine Mérieux, Yves Loiseau, éditions DIDIER, 2008.
3
Après une formation menée par une des auteures Mme H. Auge.
3. 3
Le choix du sujet de mon travail a répondu en même temps à une volonté de contribuer modestement
à la sélection (ou non) d’une nouvelle méthode à l’Alliance française de La Havane, en portant un
regard théorique sur ces deux manuels, ainsi qu’à mettre en pratique les outils que ce cours4
m’a fournis
pour analyser, comparer, évaluer des méthodes-manuels, et identifier le courant méthodologique prôné.
2. Présentation factuelle des deux manuels.
Quelques nuances, remarques, critiques et observations subjectives.
Tout va bien ! 1 est une méthode de français pour adultes et grands adolescents de divers milieux
socioculturels et professionnels. Elle a été conçue pour permettre aux apprenants-utilisateurs
d’atteindre le niveau A2 du Cadre Européen Commun de Référence pour les langues (CECRL) dans un
espace d’environs 120 heures de cours. En fait, les auteurs partent de ce document pour définir
l’approche linguistique méthodologique et didactique de la méthode : Tout va bien ! 1 se situe « dans le
courant d’une perspective de type actionnel »5
. Les auteurs considèrent l’apprenant, à la suite du Cadre,
comme des acteurs sociaux devant accomplir des tâches «proposées sous forme de problèmes» (p.10).
L’autonomisation serait un des points d’encrage de cette méthode qui conçoit l’apprentissage «comme
un contenu à traiter de manière explicite » (p.11).
Tout va bien ! 1 est constituée d’un Livre de l’élève et d’un Cahier d’exercices (tous deux accompagnés
d’un CD audio), un Livre du professeur et un Portfolio. Le contenu du livre de l’élève s’organise autour
de 12 leçons (6 unités ayant chacune 2 leçons), 6 bilans, 2 projets et un précis grammatical. Au début de
chaque unité, les contenus et les objectifs des deux leçons sont annoncés. Les compétences
communicatives langagières -et en général les contenus- ont été introduites dans Tout va bien ! 1 «selon
une perspective volontairement "classique", c’est à dire en les séparant par des rubriques différentes »
(p. 10) : « Situations » (communication), Grammaire, Lexique-prononciation, Civilisation, Compétences (activités
de production orale « Parler » ou écrite « Écrire »), Bilan Langue (exercices de grammaire, lexique et
prononciation).
Chaque leçon s’organise autour de 5 doubles pages. Dans chaque leçon, l’entrée est faite par deux
doubles pages (Ouverture et Situation) pour les leçons 1 et 2, et une double page (Situation) pour le reste
des leçons. Les doubles pages contiennent systématiquement des textes oraux. Je me permets de dire
que le passage d’une double page à l’autre s’avère parfois difficile, le Guide pédagogique n’étayant pas
suffisamment à ce propos. Le caractère de document « construit » s’estompe au fil de la progression et
le degré de difficulté est croissant. Ce n’est pas le cas du degré de difficulté pour les questions de
compréhension orale, proposées pour chaque enregistrement tout au long des 6 unités. Une
4
Courants méthodologiques et analyse de méthodes
5
Livre du professeur de Tout va bien ! 1, page 4.
4. 4
particularité à signaler : les documents oraux, très longs et d’une grande complexité discursive ont
toujours un son de fond (parfois un peu poussé à mon avis) qui leur confère plus de difficulté et un
aspect de document authentique. Les documents écrits authentiques et semi-authentiques parfois,
apparaissent notamment dans les pages « Compétences » pour développer la compréhension écrite, et
modeler l’expression écrite. Les activités proposées dans cette rubrique demandent assez souvent la
participation ludique des apprenants, elles cherchent à impliquer le groupe et tiennent compte des
stratégies d’apprentissage qui peuvent différer d’un individu à l’autre6
. Les auteurs ont voulu privilégier
deux grand types de situations de communication : « la situation de communication de groupe ; les
situations de communication simulées dans le groupe » (p.5) « L’ensemble de ces activités vise deux
modes d’apprentissage : un apprentissage individualisé, voire autonome ; un apprentissage de groupe »
(p.9). Il faudrait dire que la Grammaire, découlant –comme dans la plupart des méthodes- des
documents déclencheurs, est annoncée de façon explicite, présentée par une double page et tient
compte des particularités du public hispanophone. La page Lexique-Prononciation est conformée et
conçue pour la réutilisation lors des activités de production ainsi que pour l’intégration des
connaissances acquises, plutôt que comme aide à la compréhension des documents déclencheurs. La
rubrique « Civilisation » introduit des sujets de culture générale « à fin de donner aux apprenants une
connaissance globale de la France (…), de la francophonie (…) » (p.8). Le livre du professeur contient
les objectifs et les contenus de chaque unité, une proposition d’itinéraire pour chaque leçon, les
solutions aux exercices proposés dans le livre de l’élève, les transcriptions des documents sonores, des
indications pour les activités, quelques activités additionnelles afin d’enrichir et d’approfondir le travail
des leçons, et des informations complémentaires pour assister le professeur.
Latitudes 1 est également destinée à un public d’adultes et grands adolescents. Cette méthode est
prévue pour un parcours d’enseignement-apprentissage de 100 à 120 heures. Elle doit permettre aux
apprenants de réussir le DELF A1 tout en chevauchant leur progression sur le niveau A2 du CECRL7
.
Latitudes 1 se réclame elle aussi continuatrice de la perspective actionnelle : grâce à l’acquisition
préalable de savoirs et savoir-faire communicatifs, linguistiques et culturels, « l’apprenant va devoir
réaliser des actions sociales quotidiennes qui s’ancrent dans un contexte précis »8
. Cette méthode
privilégie aussi l’implication de l’apprenant dans son apprentissage et met en pratique une pédagogie de
la découverte. De la même manière, Latitudes 1 privilégie les travaux en groupes pour accroître la
motivation des apprenants, favoriser la construction de l’apprentissage en collaboration ainsi que pour
rentabiliser le temps de parole. Elle se dit centrée sur l’apprenant et inscrit son approche de la culture
dans une démarche interculturelle.
6
« Elles font intervenir le corps, l’affectivité et la tête ». Livre du professeur de Tout va bien ! 1, page 9.
7
Les contenus ont été déterminés à partir des référentiels publiés en France chez les éditions Didier Niveau A1 pour le français (2007), Niveau A2
pour le français (2008).
8
Livre du professeur de Latitudes 1, page 3.
5. 5
Latitudes 1 est composée d’un Livre de l’élève avec deux CD audio inclus, un Cahier d’exercices avec
un CD audio. Les textes oraux sont remarquablement plus courts que dans Tout Va Bien 1 (et peut être
plus nombreux). Latitudes 1 est composée aussi d’un DVD contenant des séquences vidéo (de courte
durée et à nature variée) reliées thématiquement à chaque unité et dont l’utilisation reste facultative, un
Guide pédagogique pour le professeur, et un site internet compagnon avec du matériel complémentaire
pour l’apprenant (exercices autocorrectifs) et pour le professeur. Le Livre de l’élève est structuré en 4
modules de 3 unités et un dossier « Outils » en fin d’ouvrage. Chaque module est introduit par une
première page, « Contrat d’apprentissage », qui présente les contenus et les objectifs du module de façon
fonctionnelle (contrairement à Tout Va Bien 1), et est fini par un bilan d’autoévaluation (comme c’est
le cas de Tout Va Bien 1). Chaque unité -dont la structure est aussi récurrente- se compose de 5 doubles
pages ayant une composition répétitive : on trouve toujours une entrée fonctionnelle (sous un titre
actionnel) au service de laquelle s’ajoutent ensuite les contenus linguistiques.
Les unités intègrent les contenus en termes de réception orale et écrite, production orale et écrite,
phonétique, socioculture. Il n’y pas de rubrique ou section Grammaire ni Lexique ; le savoir linguistique
n’est jamais annoncé explicitement, ce qui serait une remarquable différence avec Tout Va Bien 1. La
1ère
double page correspond au document de départ dont les entrées s’alternent en textes oraux
(majoritairement comme c’est le cas de Tout Va Bien 1) et écrit, offrant –comme dans Tout Va Bien 1-
un contexte pour les occurrences des points de langue abordés dans l’unité, et contient les activités de
compréhension. La 2e
double page est destinée aussi à la communication voir à l’acte de parole -
découlant du document déclencheur- et aux règles de fonctionnement (point de langue-culture) qui
vont être étudiées. Sur chaque 3e
double page, on trouvera un nouveau document déclencheur (tantôt
oral, tantôt écrit), dans lequel il sera question des mêmes personnages (visant le côté affectif des
apprenants) tout au long du cours, suivi des tableaux récapitulatifs utiles à l’étude de l’objectif
fonctionnel traité. Dans cette double page, consacrée au savoir linguistique mais surtout au savoir-faire,
le travail est proposé de manière très contextualisée. Dans la 4e
double page, le travail précédent est
amorcé par des exercices et des tableaux récapitulatifs (grammaire, lexique, actes de parole). Le savoir
linguistique proposé à chaque fois dans cette double page est aussi conformée et conçue pour la
réutilisation lors des activités de production ainsi que pour l’intégration des connaissances acquises,
plutôt que comme aide à la compréhension de documents déclencheurs. L’activité de production libre
proposée, toujours annoncée comme « tâche finale », équivaudrait à la double page de production de
Tout Va Bien 1. « Compétences ». Cette « tâche » doit permettre aux apprenants « d’utiliser de manière
pragmatique, et dans un contexte qui leur parle, l’ensemble des points abordés dans l’unité »9
. Il leur est
très souvent demandé de travailler en collaboration. La phonétique est proposée ensuite comme étayage
de la production orale, plutôt que comme aide à la compréhension de documents déclencheurs. À la
9
Livre du professeur de Latitudes 1, page 24.
6. 6
différence de Tout Va Bien 1, Latitudes 1 consacre une double page (la 5e
) à la culture -qui est présente
bien au-delà, et aborde systématiquement (dans la rubrique « Et vous ? ») l’interculturalité : pistes,
incitations à réfléchir et à échanger sur les ressemblances, les différences, les spécificités culturelles,
favorisant les interactions entre les élèves. À la fin de chaque module (toutes les trois unités), il y une
double page « Autoévaluation » d’exercices autocorrectifs suivie d’une double page d’exercices de
« préparation » au DELF (A1d’abord, A2 plus tard).
Dans Latitudes 1 il y a considérablement moins d’explications grammaticales mais beaucoup plus
d’exercices et d’activités, donc de systématisation des contenus (pas seulement grammaticaux). Les
activités et les exercices sont mieux enchainés que dans Tout Va Bien 1 et beaucoup plus contextualisés.
Pourtant on trouve dans Latitudes 1 moins d’activités de production libre.
3. L’approche actionnelle et la notion de tâche dans les deux manuels.
Analyse de la mise en œuvre : tâtonnement ou réussite ?
Je centrerai maintenant la comparaison des deux manuels sur la mise en œuvre (ou non) de
l’approche actionnelle, et plus particulièrement sur l’assimilation de la notion de tâche. L’approche
actionnelle, associée à la notion d’une tâche-pas-seulement-langagière à accomplir en société est née en
2001, avec la première apparition du Cadre Européen Commun de Références pour les langues
(désormais CECRL). Ce nouveau paradigme didactique se centre sur l’action car il considère les
apprenants des langues comme des acteurs sociaux ayant des tâches à accomplir en société. La
perspective actionnelle s’éloigne, sans qu’on puisse parler d’un écartement total, de l’approche
communicative (courant méthodologique qui la précède), de sa centration sur le langage, de la notion de
classe au profit de la notion de groupe, et de la méthode de simulation au profit de la communication
réelle et des échanges interactionnellement bien justifiés.
Mais « agir ensemble, en vue d’agir en société implique la création ou la modification de tâches
d’apprentissage jusqu’au présent plutôt orientées vers la communication »10
. Il s’agit maintenant de
mobiliser les compétences dont dispose un ou plusieurs sujet(s) « en vue de parvenir à un résultat
déterminé.»11
. À ce propos, l’objectif premier de toute tâche de langue sera un objectif
extralinguistique ; elle amène l’apprenant pas seulement à communiquer avec l’autre mais à agir avec lui.
« On appelle tâche toute action intentionnée qu’un individu juge nécessaire pour obtenir un résultat
concret à propos de la résolution d’un problème, de l’accomplissement d’une obligation ou de l’atteinte
d’un objectif. »12
. En d’autres mots, un tâche c’est une « activité contextualisée : situation que chacun
10
« Agir d’usage et agir d’apprentissage en didactiques des langues-cultures étrangères : enjeux conceptuels,
évolution historique et construction d’une nouvelle perspective actionnelle ». Thèse de doctorat d’Émilie Perrichon
(octobre 2008).
11
Cadre Européen Commun de Référence, Didier, Paris, 2005.
12
CECRL, traduit de la version espagnole.
7. 7
de nous est susceptible de rencontrer (…) dans la vie de tous les jours (…). Cette activité pose un
problème (…). Cette activité est finalisée : elle a un but, une finalité (…). Cette activité est complexe et
oblige à convoquer une série de savoirs, à faire des calculs, tout cela selon une démarche pertinente
(…). Cette activité doit donner un résultat (…) »13
, laisser une trace.
Pour mettre en œuvre ma comparaison des manuels, j’utiliserai comme critères des éléments montrant
la transition plus ou moins évidente, plus ou moins réussie de l’agir communicationnel à l’agir
actionnel : les entrées des contenus, les activités de classe proposées et, plus tard, la configuration de la
participation.
a-) Les entrées des contenus : entrée par la communication ou par l’action ?
L’entrée est l’élément par lequel un enseignant ou un manuel choisissent de commencer une séquence
didactique, de découper un contenu, d’aborder un thème. L’ « entrée » constitue « le principe de
cohérence reliant les différentes parties hétérogènes de son objet d’enseignement »14
.
Les types d’entrées, utilisées pour découper et relier en segments ordonnés le processus
d’enseignement-apprentissage du FLE, se sont succédées tout au long de l’histoire. Les entrées ont été
choisies en fonction de chacun des moments de l’évolution des courants didactiques : entrée par la
grammaire-méthodologie traditionnelle, entrée par le lexique-méthodologie directe, entrée par la
culture-méthodologie active, entrée par la communication- méthodologie audio-visuelle/
communicationnelle, entrée par l’action-méthodologie/approche actionnelle15
. Analysons dans les
méthodes Tout Va Bien 1 et Latitudes 1, la transition vers l’approche actionnelle par les types d’entrées
qu’elles proposent.
Éléments de
comparaison Tout Va Bien 1 Latitudes 1
Les Tables
de matières:
-les contenus
-les titres
Elle est très brièvement présentée avec une
structure très traditionnelle : titre de l’unité,
titre des situations de communication
servant de déclencheurs, les rubriques les
plus importantes concernant le savoir
linguistique : Grammaire, Lexique-
prononciation, Culture, et finalement
Compétences. On pourrait penser que les
savoirs sont là, et que pour les appréhender
il ne faudra que lire/ consulter les contenus
de façon linéaire.
Les titres des unités sont de type
communicatif. Ils font référence soit à des
lieux/ espaces qui renvoient à des
Déjà appelée « Parcours
d’apprentissage », sa conception
esthétique et l’ordonnancement de
contenus abordés font penser à
l’apprentissage comme un processus/un
projet à préparer et sur lequel s’impliquer,
tout au long d’un chemin à parcourir.
Les titres des modules renvoient à des
situations de communications et à des
besoins (d’information) pour agir. Les
titres des unités renvoient toujours à des
actes de paroles.
Les rubriques le plus importantes seraient
les Objectifs de communication et ensuite les
13
Denyer, Monique, La perspective actionnelle définie par le CECR et ses répercussions dans l’enseignement des
langues.
14
Christian Puren, Domaines de la didactique des langues-cultures. Entrées libres. Publié dans la revue Les Cahiers
pédagogiques No 437, novembre 2005, pp41-44 (Paris :CRAP).
15
Idem. Voir tableau résumé Évolution historique des entrées en didactique des langues-cultures étrangères.
8. 8
situations de communication, soit ils font
allusion à des notions grammaticales qu’il
faudra apprendre pour communiquer. On
peut observer aussi, dans certaines leçons,
une entrée par la culture. L’entrée par
l’action est inexistante dans cette méthode,
sauf à la dernière unité didactique (Leçon
11).
Les rubriques les plus importantes et les
fortement reliées seraient la Communication
(des situations de communication et des
actes de parole) et, juste à son côté, la
Grammaire.
Ni dans la Table de matières ni dans le
Tableau de contenus, rien ne fait référence à
des moments d’autoévaluation ou aux
stratégies métacognitives qui sont
proposées dans quelques leçons.
Tâches que les apprenants seront en
mesure de pouvoir accomplir, tout en
ayant réalisé des actions : des Activités de
réception et de production orales, ainsi que des
Activités de réception et de production écrites.
Les Savoirs linguistiques sont proposés
comme une espèce de boîte à outils pour
étayer les apprenants au niveau du
lexique, de la grammaire, des actes de
parole, tous confondus.
Des moments d’Autoévaluation et de
Préparation au DELF sont explicitement
mis en relief.
L’unité
didactique16 :
déclencheurs
et
enchaînement
des contenus
Des unités, découpées en leçons,
introduites par un dialogue (ce qui est
propre de l’approche communicationnelle)
qui donne nom à la leçon. L’harmonie ou
cohérence de l’unité didactique n’est pas
assurée par ce dialogue qui n’est plus l’axe
thématique des exercices de langue, ni des
activités de production, ni des projets.
Même les explications grammaticales ne
rôdent pas autour du thème abordé dans la
leçon ni de la situation de communication
qui a servi d’entrée.
À la différence de Latitudes 1, les savoirs
linguistiques sont clairement énoncés,
proposés séparément. Ils ne sont pas
montrés comme des moyens mais comme
des objectifs, comme c’est propre de l’agir
communicationnel.
Présentée par un « contrat
d’apprentissage » où les contenus sont
affichés de façon fonctionnelle. En lisant
l’apprenant établit une sorte de
compromis et s’engage « Pour»
communiquer dans des situations
énoncées, « j’apprends… » des savoirs
sociolinguistiques et « Je prends des
cours, me présente, participe à… », enfin
« j’agis ».
Quoique les contenus soient présentés de
manière plus fonctionnelle et que les
unités aient un titre moins
communicationnel, l’entrée est presque
toujours faite par un document audio
(comme c’est le cas de Tout Va Bien 1).
Dans la plupart des cas il s’agit d’un
dialogue, à partir duquel s’enchaînent
d’autres micro-dialogues contenant les
savoir linguistiques.
Les contenus sont intégrés en termes de
réception et production orales et écrites,
phonétique, socioculture. Le savoir
linguistique n’est jamais annoncé comme
tel mais comme un savoir-faire à
acquérir17
.
b-) Les activités de classe proposées.
16
« L’unité didactique correspond au regroupement de différents contenus (…). Elle est construite autour d’objectif
d’apprentissage (…) ». Fascicule du cours : Courants méthodologiques et analyse de manuels, page 78
17
Exemple : « Parler de ces projet » pour la conceptualisation du futur proche, du pronom on et la révision du présent ; « Parler
d’actions passées » pour conceptualiser le passé composé, les articles.
9. 9
Exercices, activités, tâches, projets : Apprendre pour faire versus Agir pour apprendre
Exercices : « toute activité qui vise l’acquisition, l’installation, l’automatisation d’une ressource, (…)
même s’il est ludique, (…) la maîtrise de la morphologie »18
Complètement centrés sur la forme et servant de modèles dans les deux manuels analysés, ils sont
beaucoup plus contextualisés et variés dans Latitudes 1 et s’intègrent mieux à la thématique de l’unité.
Dans le cas de Tout Va Bien 1 les exercices de grammaire, lexique et prononciation sont toujours
lacunaires et destinés à la fixation des structures, et à la réutilisation lors des activités de production.
Dans le cas de Latitudes 1, les exercices sont proposés pour intégrer les savoir linguistiques acquis, et
comme aide à la compréhension d’un document audio/à la transition entre un document audio et
l’autre. En fait il y beaucoup d’exercices de grammaire ou de lexique proposés par un matériel oral.
Activités : « Faites comme si vous étiez… ». Des vestiges de l’agir communicationnel.
« Les activités amènent l’apprenant à manipuler et utiliser la langue étrangère, elles sont repérables par
des consignes, il y un usage de la langue à des fins de communication »19
.
Les activités proposées dans les deux manuels analysés sont majoritairement de compréhension et
production écrites, et d’expression et de production orales. Elles finissent au moment où l’efficacité de
l’acte de communication est vérifiée. La plupart des activités de communication sont de simulation ou
de remploi des structures « apprises »/ écoutées dans les dialogues. Les échanges demandés ne sont pas
interactionnellement justifiés : les apprenants n’ont vraiment pas besoin les un des autres pour interagir.
Ils pourraient faire parfois de petits monologues les uns en face des autres en lieu des dialogues qui leur
sont demandés de faire.
La progression des ressources et des exercices et des activités est mieux établie dans Latitudes 1.
Cependant, ni dans Latitudes 1 ni dans Tout Va Bien 1 il y a des activités à réaliser préalablement ou en
aval de l’acte de communication (par exemple les sections de production écrite et orale « Écrire »,
« Parler »), ce qui est typique de la compétence communicative. Même quand les consignes demandent
d’afficher le résultat de l’activité au mur de la salle de classe, il n’y a pas de traitement post-
communicatif de l’information (propre de la compétence informationnelle que selon le CECR devrait
maitriser l’apprenant-acteur social): on ne demande pas de compléter, d’enrichir, ou d’actualiser cette
« nouvelle information produite ». Cette interruption des activités une fois constatée l’efficacité de la
communication, empêche les apprenants de s’impliquer dans l’évaluation des documents produits, ce
qui est aussi contradictoire avec les intentions d’autonomie déclarées par les auteurs des deux
méthodes.
Tâches et Projets : « Vous êtes donc faites ! »
18
Denyer, Monique, La perspective actionnelle définie par le CECR et ses répercussions dans l’enseignement des
langues.
19
Vetter, Ana ; Stage pour professeurs de FLE CLA de Besançon, 2007.
10. 10
« La tâche est alors une activité qui n'est pas seulement communicationnellement vraisemblable, mais
aussi interactionnellement justifiée dans la communauté où elle se déroule ». Bouchard (1985).
« La conception d'une tâche requiert la prise en compte de six paramètres : les objectifs, les données de
départ, les activités que l'apprenant sera amené à réaliser, les rôles respectifs de l'enseignant et des
apprenants, et enfin le dispositif ». Nunan (1991).
« Furstenberg (1997) assigne à la tâche « un double rôle : celui de faciliter l'exploration et de permettre
la construction d'un sens par l'utilisateur et, en même temps, celui d'évaluer ce qu'il aura compris et
retiré » 20
On ne peut pas parler de la notion de « tâche » dans le sens prôné par le CECR, car toutes les activités
proposées dans les deux méthodes analysées, visent la simple communication entre les apprenants dans
une situation de simulation, les préparant pour des échanges en milieu francophone (à mon avis en
milieu plutôt français), tel que prôné par la méthodologie communicative. Dans presque aucun de ces
deux manuels les apprenants n’aboutissent à la création d’un produit neuf, ni voient presque jamais une
trace du résultat de leurs interactions ; le fait d’afficher n’importe quelle production écrite au mur de la
salle de classe, pour ne plus se servir après de ce papier, ne transforme pas une activité en tâche. Il
faudrait mentionner comme exception, même si les consignes ne sont pas très claires ou bien élaborées
la tâche « Grand Reporter », Unité 9-Module 3 de Latitudes 1, et l’activité « écrire », page 25 de Tout Va
Bien 1.
De façon générale, dans ces deux manuels les apprenants ne sont pas amenés à partager de manière
équitable leurs informations ou leurs savoirs faire pour arriver à une solution unique. On pourrait
mentionner comme exception les tâches « Grand Reporter », « Bienvenue !», Unité 4-Module 2, et
« Voyages », Unité 12-Module 4, toutes les trois de Latitudes 1.
Tout Va Bien 1 propose trois sections appelées « Projets ». Même dans ces sections la dimension
collective du travail à réaliser n’est pas claire. La connotation individuelle apparaît dès la consigne et le
travail à faire par de petits groupes n’aboutit jamais à impliquer tout le groupe-classe. Les petites
équipes qui sont créées, car demandé par les consignes dans le cas des activités et des projets, n’ont
jamais un besoin réelle d’interagir entre elles : il n’y a pas de décalage d’information entre les membres
des équipes ni entre les sous-groupes, ni de distribution de sous-tâches/ du travail à faire de manière à
ce que les apprenants possèdent la moitié de l’information demandée pour accomplir le tout de la tâche,
ou aient besoin du travail/ de l’information d’autres pour accomplir eux leur propre partie de la tâche.
3.1. L’apprenant comme acteur social et la classe comme microsociété.
À la recherche des allures d’une dimension collective dans les deux méthodes.
« Face à cette évolution, l’objectif visé est la co-action sociale, c’est-à-dire l’action finalisée et conjointe
20
Bouchard (1985), Nunan (1991), dans F. Mangenot, Quelles tâches dans ou avec les produits multimédias ?
11. 11
par le biais de l’apprentissage d’une langue dans un cadre social donné, (…). Dans le monde actuel,
l’acteur social qu’est l’apprenant n’est plus une personne qui cohabite seulement avec des étrangers
mais qui agit en société, c’est-à-dire conjointement avec d’autres. C’est alors en agissant et en travaillant
ensemble que se construisent des représentations communes.
Le plus important donc pour la perspective actionnelle n’est plus la simple communication (« comme
objectif à atteindre et moyen privilégié pour atteindre cet objectif »21
) interindividuelle entre apprenants
(dyades), mais la formation d’acteurs sociaux dans la microsociété qui serait la salle de classe. L’objectif
s’avère d’apprendre aux acteurs sociaux non simplement à communiquer avec l’autre mais à agir en
groupe dans une société. Les tâches contiennent une profonde dimension collective ; voyons si cette
dimension collective est présente dans les deux méthodes analysées même si, comme nous l’avons déjà
vu, ces deux manuels n’ont pas bien intégré la notion de « tâche » prônée par le CECR.
Tout Va Bien 1 : Les activités de production orale, localisées dans la section « Parler » sont conçues (dès
les consignes) pour des binômes, ou à la limite des triades. Les activités orales impliquant toute la classe
sont, comme c’est typique de la méthode communicative, très rares. Même dans les trois sections
consacrées à l’élaboration de projets, la dimension collective du travail à réaliser n’est pas claire. Comme
nous l’avions déjà vu, la connotation individuelle apparaît dès la consigne et le travail à faire par de
petits groupes n’aboutit jamais à impliquer tout le groupe-classe. Les petites équipes qui sont créées
parce que les consignes le demandent n’ont jamais besoin d’interagir entre elles.
La dimension collective de Tout Va Bien 1 est assurée parfois et favorisée d’autres fois par la « mise en
commun », proposée à la fin de presque la totalité des exercices de langue et des activités de
compréhension. Dans la mise en commun des activités de production, orientée systématiquement dans
le livre du professeur, chaque équipe rapporte aux autres ce que chacune d’elles a fait de son côté.
Latitudes 1: L’Avant-propos de Latitudes 1 pourrait faire penser que les « actions de communications
proposées s’inscrivent d’uns un contexte social clair ». Les auteurs disent, en effet, dans le Guide
pédagogique que « Par les travaux de groupes, chaque apprenant peut confronter ses idées à celles des
autres apprenants. »22
. Ces affirmations ne se traduisent pas de façon évidente dans l’ensemble des
activités de la méthode. À la différence de Tout Va Bien 1, les consignes des exercices et des activités de
compréhension, de systématisation des contenus, et même de production écrite n’invitent jamais les
apprenants à vérifier leurs réponses avec celles de leurs collègues, ni à « construire son apprentissage et
conceptualiser le système de la langue avec les autres» (p.4) comme dit le Guide. C’est seulement dans
certaines activités de production orale, et dans un nombre restreint d’exercices de compréhension orale
que le travail en groupes (de deux) est demandé explicitement aux apprenants, cette invitation ayant des
21
Christian Puren, Formes pratiques de combinaison entre Perspective actionnelle et approche communicative :
analyse comparative des trois manuels. Article publié sur le site de l’APLV, 2008.
22
Latitudes 1, Guide pédagogique page 3
12. 12
fins éminemment communicatives. Exemple : « répétez par groupes de deux », « par groupes de deux,
jouez la situation », « complétez, puis jouez les dialogues » « (…) jouez le même dialogue avec votre
voisin », « imaginez et jouez la scène », « mettez-vous par groupes de deux ».
Contradictoirement, dans la grande majorité des activités, appelées dans cette méthode « tâches »,
le travail en binômes ou en groupe n’est pas explicitement demandé. L’emploi du « vous » est la façon
dont la consigne est rédigée pourrait faire penser à un travail complètement individuel, à un travail
fondamentalement individuel à l’aide ponctuelle d’un camarade, ou à un travail individuel d’abord et
confronté ensuite. Exemple : « Vous allez travailler six mois au Canada. (…) », « Vous allez à l’Alliance
française pour prendre des cours de cuisine. (…) », « Vous êtes dans un café et vous participez à une
soirée de rencontres. Par groupes de deux, présentez-vous rapidement (…) », « Interrogez votre voisin
sur », « Travaillez avec votre voisin. Décrivez une ville de votre région. ». Il n’y a qu’une seule consigne
dans Latitudes 1 impliquant toute la classe. En fait, elle oblige l’enseignant à bien organiser la démarche
pour éviter le chaos et pour bien distribuer le tour de parole : « Discutez en classe : préférez-vous le
style d’Anne ou de Pauline ? Pourquoi ? ».
4. Autoévaluation de l’apprenant versus autocorrection :
de l’intention non factuelle à l’atteinte.
Avant d’analyser la place accordée à l’autoévaluation dans ces deux méthodes, j’aimerais établir
un point de départ, une définition servant de référence pour la comparaison. D’après le Dictionnaire de
didactique du français langue étrangère et seconde (p. 30), « l’auto-évaluation est une évaluation prise en charge
par celui qui apprend, c’est-à-dire une évaluation dont l’apprenant détermine lui-même le champ, fondé
sur les objectifs d’apprentissage qu’il s’était réellement fixés, les modalités (…) et la finalité ». « C’est une
évaluation interne, et donc non certifiante, qui permet à l’apprenant d’une part, d’apprécier le résultat,
en terme d’acquisition, de ses efforts d’apprentissage, et, d’autre part, de porter un regard critique sur
son apprentissage (…). L’autocorrection, de son côté, « est la prise en charge par l’apprenant du
processus d’amélioration et de remédiation de son travail à partir de sa propre évaluation ou de celle de
l’enseignant » (p.29).
Les auteurs de Latitudes 1 déclarent que : « l’autocorrection est privilégie dans l’utilisation du cahier
d’exercices qui contient les corrigés de toutes les activités et les transcriptions des activités sonores »23
.
Elle n’est plus possible dans le livre de l’élève que par le biais des transcriptions et des corrigés des 4
« Autoévaluations » proposées, le reste des activités de compréhension orales/écrites et les exercices de
langue/lexique sont à corriger à l’aide du professeur. Dans cette méthode « coexistent trois types
d’évaluation »: « Après chaque unité, un test permet à l’enseignant de vérifier les savoirs et les savoir-
23
Latitudes 1, guide pédagogique, page 3.
13. 13
faire acquis. Ce test se trouve à la fin du guide pédagogique et peut être photocopié. (…). L’enseignant
dispose du corrigé de chaque test dans ce même guide pédagogique » (p.4). Il s’agirait donc d’une
évaluation individuelle qui pourrait être formative ou sommative (en fonction de la décision de
l’enseignant ou de l’institution) mais qui ne constitue, dans aucun cas, une autoévaluation car le test a
été conçu pour l’enseignant. Il y a ensuite, « une préparation aux examens DELF (…). L’apprenant (…)
peut ainsi évaluer sa capacité communicative ». Cette évaluation permet aux apprenants de situer son
niveau dans chaque compétence par rapport au CECRL. Pourtant, les grilles d’évaluation et les corrigés
ne sont pas accessibles aux apprenants car ils n’apparaissent que dans le guide pédagogique. « Après
chaque module, un bilan d’autoévaluation propose de courtes activités très ciblées sur des compétences
communicatives. Après chaque unité l’apprenant peut connaître son résultat chiffré et se situer
immédiatement par rapport à son apprentissage. »
Tout Va Bien 1 propose plusieurs outils d’autoévaluation. Tout d’abord, il y en a plusieurs dans le
Portfolio, outil d’autoévaluation inspiré de celui du CECR. « Ce petit livret personnalisé permet à
l’étudiant de suivre de manière active sa progression pour chaque compétence communicative ». Il
répond donc à trois objectifs différents. En premier lieu il propose une Biographie linguistique, sorte
d’évaluation initiale qui est censée rendre l’étudiant conscient des objectifs d’apprentissage, de son
contexte culturel, de sa biographie langagière et de celle de ses copains. Deuxièmement, il y a trois
évaluations formatives, en termes de savoir-faire, où l’apprenant peut « Faire le point » sur les
compétences langagières qu’il doit maîtriser. Il s’agit des grilles d’autoévaluation adaptées mais inspirées
des descripteurs de compétences du CECR. En dernier lieu, le Portfolio de Tout Va Bien 1 propose une
évaluation sommative collective, constitué de six Bilans communication, qui est articulée avec le livre de
l’élève car, même si le test est dans le Portfolio, elle y est indiquée à la fin d’une partie consacrée à la
systématisation des contenus langagiers : le Bilan Langue.
En outre, les auteurs de cette méthode se placent dans le paradigme de la co-évaluation. Ils la
considèrent « plus attrayante que l’évaluation individuelle et souvent plus facile à réaliser avec des
débutants »24
. Cela se fait aussi évident, tout au long de la méthode, chaque fois que le livre du
professeur indique de faire des mises en commun (systématiquement après les activités de production)
et chaque fois que les consignes du livre de l’élève demandent aux apprenants de vérifier leurs résultats
avec ceux de leurs camarades, avant la mise en commun plus collective. De la même façon, cette
méthode propose aux apprenants des grilles pour évaluer (systématiquement) les productions des
camarades, hors du contexte d’un examen ou d’une évaluation faite par le professeur.
Les deux méthodes disent donc accorder une place à l’autoévaluation, mais c’est Tout Va Bien 1 qui
fournit de vrais outils pour que les apprenants s’auto-évaluent tout seuls. Cette dernière méthode offre
24
Tout Va Bien 1 Livre du professeur, page 11.
14. 14
aux apprenants la possibilité réelle de prendre en charge l’évaluation de leur progression, de leur
apprentissage, tout en les ayant d’abord guidés, accompagnés et surtout appris à le faire.
5. L’Autonomie chez l’apprenant : autoévaluation et stratégies d’apprentissage.
Avant de plonger dans l’observation de stratégies/outils d’autonomisation de l’apprenant mis
en œuvre par ces deux méthodes, je voudrais partir d’une conceptualisation de la notion d’Autonomie.
« Le concept d’autonomie s’oppose à ceux de dépendance et de contrainte auxquels est lié l’individu
privé de sa liberté ou obéissant à une autre loi que la sienne ; "L’autonomie est possible non pas en
termes absolus mais en termes relationnels et relatifs" (Morin, 1999, p.145) »25
.
Les deux méthodes analysées dans ce travail semblent accorder un intérêt au développement de
l’autonomie chez l’apprenant dans l’acception qui nous intéresse le plus « la capacité de l’apprenant de
prendre en charge son apprentissage » (J-P Cuq, 2003, p. 31). La méthode qui accorde un intérêt tout
particulier dans son discours de présentation et dans l’ensemble de ses matériels c’est Tout Va Bien 1,
laquelle offre des activités qui font les apprenants réfléchir aux stratégies d’apprentissage qu’ils
déploient (activité métacognitive). Cette aide méthodologique leur enseigne à observer/ connaître leurs
profils d’apprentissage, leur suggère des astuces, enfin leur apprend à apprendre et les rend donc
autonomes. C’est dans le traitement relativement systématique des stratégies d’apprentissage (Section
« Réfléchissons ! ») et d’autoévaluation où Tout Va Bien 1 accorde une place beaucoup plus importante que
Latitudes 1, et d’autres méthodes, au développement de l’autonomie chez l’apprenant, sans perdre de
vue la notion de groupe et la dimension collective. Voyons quelques exemples : « Comment mémoriser
plus facilement une situation ? (…), commentez avec vos voisins », « Pensez aux nouveaux mots de
cette leçon. Comment avez-vous fait pour les mémoriser ? (…) », « Comment faites-vous pour
comprendre globalement un dialogue long et complexe ? », « Depuis la Leçon 1, vous avez réalisé
beaucoup de dramatisations. Quelle est votre stratégie ? », « Comment procédez-vous quand vous
improvisez un dialogue ? ». Cette section faisant de l’apprentissage un contenu à être traité de manière
explicite, permet à l’apprenant la mise en œuvre d’une maîtrise métacognitive sur ses propres
compétences et stratégies, ce qui fait penser à la prévision de « temps de retour sur les cheminements »
prônée par le CECR (p. 132).
D’autre part, les deux méthodes proposent à l’élève des actions pour s’auto-évaluer avec un
accompagnement partiel du professeur, accompagnement qui est encore plus discret dans Tout Va Bien
1. Le Portfolio proposé par Tout Va Bien 1 constitue un outil d’autoévaluation permettant plus
d’autonomie, autonomie d’évaluation et d’apprentissage, que les 4 « Autoévaluations » procurées par
Latitudes 1. Tout Va Bien 1 offre d’ailleurs un outil pour la co-évaluation qualitative (livre de l’élève p.
56), il s’agit d’une grille pour « apprendre à évaluer la production orale d’autres étudiants » en termes de
25
Pillonel, M., Rouiller, J., « Faire appel à l’auto-évaluation pour développer l’autonomie de l’apprenant »
15. 15
composantes pragmatiques et linguistiques. Cela permet à l’apprenant de définir ses objectifs et lui
apprend à évaluer ses/les acquis.
En outre, Tout Va Bien 1 promeut d’autres pratiques réflexives « qui explicitent, en miroir, le
fonctionnement individuel de l’individu, (…) »26
, dans la rubrique Grammaire. La présentation des
contenus met l’accent sur les similitudes entre les langues latines et s’appui sur les acquis grammaticaux
antérieurs de l’apprenant. Les éléments grammaticaux sont toujours accompagnés d’une réflexion
faisant à l’apprenant déduire la règle grammaticale, par exemple : « Observez les verbes suivants.
Quelles ont les terminaisons ? ». « Observez les questions suivantes. Que remarquez-vous ? ». « Les
adjectifs possessifs ont-ils toujours des formes différentes pour le masculin et pour le féminin ? ».
« La démarche de Latitudes 1 vise à mener l’apprenant vers une autonomisation en le rendant
responsable et conscient de son apprentissage » (Livre de l’élève p. 2). Cependant, cette intention de
rendre l’apprenant autonome et conscient n’est ni factuelle ni évidente nulle part, et elle reste attachée,
même dans le discours de l’Avant-propos du livre, aux possibilités d’autocorrection par le biais du
cahier d’exercice, et aux possibilités qu’auront les apprenants d’accomplir éventuellement des « tâches »,
en agissant en groupe. « Par la tâche les élèves deviennent effectivement actifs et le travail prend sens à
leurs yeux. La tâche favorise leur engagement personnel dans l’apprentissage »27
, certes mais tel qu’il a
été déjà dit, la notion de « tâche » prônée par le CECR n’a pas été bien intégrée dans cette méthode, et
les activités proposées sous l’étiquette de « tâches » ne le sont pas.
6. CONCLUSION
Quoique les auteurs des deux manuels analysés déclarent dans l’avant propos du livre du
professeur qu’ils se situent dans une perspective de type actionnelle, une analyse plus minutieuse des
argumentations montre qu’il n’y a pas une vraie intégration de celle-ci. Ils ne font référence aux
recommandations du CECR que pour parler d’évaluation ou de descripteurs de niveaux, ou dans le cas
de Latitudes pour nommer quelques activités en utilisant l’étiquette « tâche ». Dans les deux manuels on
continue à demander aux étudiants d’imaginer qu’ils sont…, ou qu’ils se trouvent à… . On continue
également de faire « comme s’ils étaient ». Les activités proposées continuent à ne pas être authentiques
aux yeux des étudiants. Les consignes n’ont pas été soigneusement élaborées pour mettre en œuvre les
démarches prétendues dans les avant propos de ces méthodes, et le livre du professeur n’étaye/
complète pas les consignes. En ce qui concerne les compétences à être développées chez les
apprenants, dans ces deux méthodes il continue à s’agir de donner des réponses langagières à des
besoins identifiables et évaluables. Elles ne réussissent pas toujours à faire du développement des
26
Cuq, J.-P., Dictionnaire de didactique du français langue étrangère et seconde. Paris, 2003.
27
Ribba, P., « De l’approche communicative à l’approche actionnelle : apports du CECR » (2006).
16. 16
compétences le fil conducteur de la progression.
Le fait de comprendre l’approche actionnelle et la notion de tâche, d’y adhérer, d’être capable de
l’identifier dans un manuel ou dans une activité quiconque, ne confère pas directement aux
enseignants/ concepteurs la capacité de créer/ concevoir des consignes constituant de vraies tâches, ni
des manuels, ni des démarches en salle de classe étant vraiment actionnelles. Il faudra tout d’abord ne
pas idéaliser cette approche et accepter que la perspective actionnelle ne remplace pas les approches
communicatives (ou précédentes), elle les enrichies, les complète en s’y ajoutant. Les exercices et les
activités les plus classiques peuvent donc accompagner les tâches. « (…) Il s’agit d’intégrer cette tâche
dans la progression imposée par le système éducatif, elle doit faire partie intégrante de l’apprentissage et
non pas être la cerise sur le gâteau, (…) »28
. D’autre part, la classe reste un lieu artificiel, mais on doit
travailler les consignes pour que cette micro-société soit le moins artificiel possible, il va aussi falloir
détourner les circonstances, le contexte de manière à faire oublier le cadre de la salle de classe/ du cours
au profit de la notion du groupe.
Quant à l’auto-évaluation, comme nous avons vu, elle ne se limite pas à de l’autocorrection.
L’autoévaluation demande un apprentissage de la part de l’apprenant, et des moyens permettant la mise
en pratique de démarches autoévaluatives, au service de l’élève, ce qui constitue un défi pour les
enseignants et les concepteurs de matériel pédagogique. Mais la course-poursuite aux diplômes
internationaux à laquelle sont encouragés les apprenants, le référent des DELF/DALF prôné par le
CECR, et l’homogénéisation des valeurs occidentales excluent les différences individuelles des
apprenants et constituent, contradictoirement, une contrainte pour l’autonomie et l’authentique
réalisation de l’apprenant. « Évaluer la composante linguistique et la composante pragmatique de la
compétence de communication à travers la performance du candidat nécessite que l’évaluation se fasse
sur le mode qualificatif à l’aide d’une grille critériée et non sur le mode quantitatif, come c’est le cas
dans la plupart des certifications existantes »29
. La notion de tâche et l’évaluation de son
accomplissement ou non vient ajouter une brique à ce challenge, car des paramètres d’ordre
socioculturels y interviennent. La définition d’un niveau de compétence communicative en langue,
incluant les composantes linguistiques et pragmatiques et la création d’un instrument pour la mesurer,
l’évaluer, l’identifier reste donc aussi un défi.
28
Rodier, Christian, La Perspective actionnelle : évolution ou révolution ? L’exemple Babelweb. (2009)
29
Delahaye, P., « Perspective actionnelle et évaluation : le Diplôme de Compétences en Langue ». Conférence donnée
lors de l’assemblée générale de l’APLV, le 9 décembre 2006 à Marseille.
17. 17
7. Bibliographie
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Site officiel de Christian PUREN [Page Web]. Accès : http://www.christianpuren.com/
PERRICHON, EMILIE (2008) « Agir d’usage et agir d’apprentissage en didactiques des
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nouvelle perspective actionnelle ». Thèse de doctorat.
PILLONEL, M., ROUILLER, J., « Faire appelle à l’auto-évaluation pour développer
l’autonomie de l’apprenant ».
PUREN, CHRISTIAN « Formes pratiques de combinaison entre Perspective actionnelle et
approche communicative : analyse comparative de trois manuels ». Article publié sur le site de
l’APLV, 2008.
RODIER, CHRISTIAN, « La Perspective actionnelle : évolution ou révolution ? L’exemple
Babelweb. » (2009).