Mémoire de fin de DUT Communication des Organisations soutenu en septembre 2010 à Bordeaux (Université Michel de Montaigne Bordeaux 3).
Certains passages, notamment les images sont en basse qualité dans la version ci présentée.
N\'hésitez pas à me contacter si vous avez des questions.
1. WEBDOCMAGAZINE
NUMÉRO 1 - SEPTEMBRE 2010
Mémoire de
premier cycle
universitaire
DUT
Information-
Communication
Spécialité
Communication
des
Organisations
Écriture et réalisation : Emma POUPEL
LE MAGAZINE DU
NOUVEL OUTIL MULTIMÉDIA
AU SERVICE DE
L’INFORMATION
ET DE LA COMMUNICATION
Sous la direction
d’Alain BOULDOIRES
et de Vincent BENGOLD
2. Photographies d’illustration de la couverture tirées des web-documentaires suivants :
(de gauche à droite de haut en bas)
1ère ligne : Thanatorama / Piraterie en Somalie / Le Challenge : le procès du pétrole en Amazonie
2ème ligne : Un Somalien à Paris / L’Obésité est-elle une fatalité ? / Le Challenge : le procès du pétrole en
Amazonie / Les Communes de Paris
3ème ligne : Les Bras de la France / Le Corps handicapé, vivre après l’accident / Brèves de Trottoirs / Prison
Valley / La Vie rêvée des pavillons
3. PAGE 1
Avant-propos
Pourquoi avoir choisi la forme magazine ?
AVANT-PROPOS
L’idée est venue d’elle-même au fur et à mesure des investigations menées
sur le sujet du mémoire. En effet, plus l’étude du format web-documentaire avançait
et plus la linéarité dans le traitement d’un sujet, et en particulier celui du web-
documentaire, semblait obsolète.
Car la forme du mémoire « traditionnel » est très linéaire : le cheminement
présenté au lecteur ne permet généralement pas d’aller-retour entre les parties. Le
lecteur est censé partir du début « point A » pour atteindre la fin, « point B ».
Et cette forme semblait aux antipodes de notre sujet : un nouvel objet multimédia et
délinéarisé.
Dans le web-documentaire, le lecteur peut à tout moment accéder au menu (ici il
s’agit du sommaire) et accéder directement au contenu qui l’intéresse spécialement.
Les sujets sont présentés comme des domaines à explorer, s’appuyant sur une
narration sémantique. Il en découle un rapport privilégié avec le lecteur. C’est ce
rapport que j’ai voulu retrouver dans cette forme magazine.
Cette idée, qui est le fondement du web-documentaire, est appliquée au papier
via le format magazine de ce mémoire. Utiliser le format magazine est donc un apport
de cohérence avec le sujet interactif, c’est la mise en pratique du sujet étudié. La
possibilité de lire les éléments de réponses au sujet de façon indépendante est
proposée au lecteur. Comme dans le web-documentaire la linéarité est rompue. Le
format magazine permet donc de s’exercer à cette pratique délicate avec le défi de
ne pas s’éloigner du sujet, tout en s’approchant au plus près de la forme étudiée.
Cette forme magazine est ainsi une alternative au format web-documentaire
qui lui est tout numérique. Car si l’idée de traiter le sujet du web-documentaire à
travers justement un web-documentaire est apparue, cette idée s’est très rapidement
révélée techniquement irréalisable au regard des compétences pluridisciplinaires
nécessaires à sa réalisation Et surtout, la perte de tout support papier semblait
incompatible avec un mémoire.
C’est ainsi qu’est née la forme magazine de ce mémoire.
4.
5. SOMMAIRE
SOMMAIRE PAGE 2
Avant-propos 1
Sommaire 2
Éditorial
3
Acteurs 52
Éléments
4 réalisateurs / artisans /plateformes
photographie / hyperlien / réseaux / organes de presse / agences de
sociaux / vidéo / carte... production / figures / internaute
Interactivité
15 Précurseurs
59
navigation / degrés d’interactivité Oulipo / hyperfictions / livres-jeu
/ cinéma photographié / audiorama
Questionnements 21
Naissance 64
définition ? / documentaire ?
/ loi ? / médias ? / évolution ? terminaux Internet / web journalism
Sujets 29 Solution 71
sujets récurrents / sujets d’actualité surabondance informationnelle
/eldorado du photojournalisme
Audience et
consommation 31
pratiques / fréquentation Marketing 72
professional branding / storytelling
Techniques 33
Économie
73
compétences / contraintes / logiciels
économie d’Internet / business model
/ financements / subventions
Formes 37
formes identifiées / séries Entreprises et marques 80
SFR / Lacoste / Powerade
Écritures
43
écriture du récit / usage de l’écrit Institutions 83
Ministère de la Défense
Narrations 45
Structure narrative /
différentes narrations
Communication 84
agences / festivals
Jeu 49
réel -virtuel / jeu en réalité alternée Table des matières
87
Linéarité
51 Sources et Ressources 90
délinéarisation / bibliographie / webographie
convictions contradictoires
6.
7. EDITORIAL PAGE 3
Éditorial
Pourquoi s’intéresser au web-documentaire ?
Le web-documentaire est un nouvel outil multimédia en pleine définition dont les
premières grandes productions sont apparues cette année. Certaines se sont même
vues primées lors du dernier festival Visa pour l’image de Perpignan1.
En plein essor sur Internet, son lieu de naissance et d’existence, et exploré tant
par les journalistes, les chaînes de médias (Arte, Canal + et France Télévisions
notamment) que par les agences de communication, cet « ovni » multimédia, encore
méconnu du grand public pose de grandes questions tant au niveau de sa forme que
de ses usages.
De l’écriture aux financements, le web-documentaire est en
pleine définition, mais semble très en avance car il présente déjà
tous les critères des nouveaux médias. Considérés jusqu’il y a
peu comme des gadgets, certains voient en ce nouvel objet
Un «ovni multi- multimédia l’outil qui sauvera la presse de la crise actuelle. Et ce
média encore
sans compter les premières applications faites de ce nouvel outil
méconnu du
trans-média par les entreprises et dans les institutions (le format a
grand public».
déjà du succès auprès des ONG2).
Encore méconnu du grand public le web-documentaire présente cependant
toutes les qualités d’un nouvel outil performant et efficace au service de l’information,
pour le traitement de sujets journalistiques, mais aussi de la communication, dans le
cadre de campagnes de communication internes ou externes.
1 Édition 2009 du festival
2 Comme c’est le cas de la Croix-Rouge avec son web-documentaire sur le Tsunami ou du Samusocial avec la
plateforme Danslapeaudunsansabri.com
8.
9. Le web-documentaire : une oeuvre
ELEMENTS PAGE 4
complète
Une œuvre pluri média
Plus loin encore, on peut également
Le web-documentaire utilise tout ou
trouver des diaporamas commentés, des
une partie des médias disponibles sur
animations en trois dimensions, des croquis
Internet pour traiter un sujet. C’est une
ou encore des émissions de radio.
véritable expérience interactive qui est
Encore une fois, il convient de
offerte à l’internaute.
souligner le format indéfini de notre sujet.
Le web-documentaire intègre ainsi
Enfin, avant de détailler tous ces
plusieurs formats en son sein :
éléments constituant le web-documentaire,
photographies, textes, illustrations, vidéos,
il est important de préciser qu’il n’y a pas de
bande sonore, cartes, hyperliens. Il peut
présentation type, que ces éléments ne sont
aussi offrir la possibilité à l’internaute de
pas reliés entre eux de façon déterminée.
laisser des commentaires, ou bien être relié
Chaque web-documentaire est « aménagé »
aux réseaux sociaux.
selon son sujet et le choix de ses auteurs.
Cette liste de formats intégrés dans le
En ce sens, si on observe
web-documentaire n’est pas exhaustive. En
généralement la présence d’un menu
effet, tout ce qui peut illustrer ou expliciter le
principal, ce n’est pas systématique.
sujet peut figurer dans le web-
documentaire.
Hervé Chabalier3 explique à ce sujet :
« Ce qui est intéressant dans le web-
documentaire, ce n'est pas que
l'interactivité mais le fait de pouvoir raconter « Les nouvelles
technologies (...)
une histoire en se servant à la fois de l'écrit,
enclenchent une
de l'image, du son, de la photo". Et il insiste
nouvelle manière
sur la dynamique apportée par l’utilisation de créer».
de ces nouveaux médias : "C'est pour ça
que les nouvelles technologies ne sont pas Hervé Chabalier
porteuses que de progrès techniques, elles
enclenchent une nouvelle manière de créer".
3 Hervé Chabalier dirige l'agence Capa
10. La photographie documentaire lorsqu’elle est associée au son.
ELEMENTS PAGE 5
C’est d’ailleurs une des principales forces du
La présence de la photographie dans web-documentaire : la mise en avant de
le web-documentaire semble, dans la plupart clichés photographiques grâce à des effets
d e s w e b - d o c u m e n t a i r e s v i s i o n n é s , sonores percutants.
primordiale. Enfin, la photographie peut aussi se
Alternées avec la vidéo ou enchaînées présenter sous la forme d’une galerie
en diaporama, les photographies sont d’images accessible depuis le menu principal
généralement présentées dans un rythme du web-documentaire. Elle illustre alors
lent. Le spectateur a le temps de les observer. souvent davantage que les lieux et les
Et il y a souvent un effet de focus léger sur les personnages, et complète le sujet en
photographies. présentant de nouveaux éléments.
Elles sont souvent de très bonne
qualité (qualité «reflex numérique») ce qui
n’entrave pas la diffusion en Haute Définition
du web-documentaire.
Cependant, si l’image est souvent
qualifiable de « propre » (les plans sont
souvent originaux, les portraits très soignés, Photographie d’accueil du web-
les couleurs vives, le flou maîtrisé) ce n’est documentaire «Un somalien à Paris»
pas une généralité. Dans le web-
documentaire « Prison Valley » (Arte) par
exemple l’image sert vraiment le récit et joue
en grande partie sur l’ambiance du web-
documentaire. Mais dans le web-
documentaire Concubines (France 5), les
images de nuit sont quasiment toutes ratées.
Photographie de la série de web-
La série de clichés semble disséminée dans
documentaires «Brèves de Trottoirs»
le récit sans grande logique pour justifier
l’étiquette web-documentaire au projet.
On peut expliquer ces différences de
qualités dans la photographie par la
provenance des auteurs de web-
documentaires : certains sont originellement
photoreporters, d’autres journalistes de
presse écrite. La qualité peut alors s’en
ressentir.
Photographie extraite de «Voyage au
La photographie intégrée au récit bout du Charbon»
p re n d t o u t e s a f o rc e d a n s l e w e b -
11. ELEMENTS PAGE 6
Capture d’écran du web-documentaire «HomoNuméricus»,
photographie introduisant le portrait de la femme représentée.
Capture d’écran du web-documentaire «Le Corps Incarcéré»,
photographie accompagnant le témoignage (voix) de l’homme représenté.
Capture d’écran du web-documentaire «Les Communes de Paris»,
Photographie extraite de la séquence de présentation de «Chatelêt»,
une des sections du web-documentaire.
12. ELEMENTS PAGE 7
Le 360°
Le concept du « 360° » permet de
plonger le spectateur au cœur d’une pièce
ou d’un paysage comme s’il y était. Le web-
documentaire frôle d’encore plus près la
réalité avec cet outil.
En effet, il s’agit de juxtaposer à l’aide
d’un logiciel spécialisé plusieurs clichés
bords à bords pour atteindre un
panoramique complet. Le lecteur sera alors
projeté au centre de ce 360° lorsqu’il
visionnera le web-documentaire.
Il y a d’ailleurs un web-documentaire,
qui concerne encore le milieu carcéral, dont
le 360° est un outil central utilisé par les
concepteurs.
Il s’agit «360degrees Perspectives on
the U.S. Criminal Justice System » où le
lecteur est plongé dans l’univers des
détenus (visite des cellules ou de leur foyer,
entretiens avec leur psychiatre, leurs
proches ou eux mêmes).
Cette technologie, réalisée avec le
logiciel QuickTime VR, donne une étrange
impression de 3D.
Illustration du 360° avec des captures d’écran du web-
documentaire «360degrees»
13. ELEMENTS PAGE 8
L’hyperlien
ILLUSTRATION D’UN CAS D’HYPERLIEN DANS LE WEB-
Le web-documentaire peut DOCUMENTAIRE «BRÈVES DE TROTTOIRS»
également présenter de l’hyperlien. L’atout 1
principal est de justifier le traitement du
sujet en renvoyant le lecteur vers des
réalisations extérieures renforçant ou Capture d’écran du menu du web-documentaire
complétant son propos. Il peut aussi s’agir «Brèves de Trottoirs»
de réalisations sur lesquelles s’est appuyé
l ’ a u t e u r p o u r c o n s t r u i re s o n w e b - 2
documentaire. Mais encore, il peut s’agir
de documents évoqués dans le récit. En ce
sens, les références utilisées sont
directement proposées au lecteur.
Dans le web-documentaire, les
hyperliens sont des éclairages
complémentaires sur le sujet que le visiteur
peut, selon ses envies, explorer ou non. Capture d’écran de la rubrique «Infos»
3
Capture d’écran d’un article sur l’hiver des sans abris à Paris
14. ELEMENTS PAGE 9
Le son l’espace, au delà d’une découverte de la
géographie des lieux.
Comme évoqué plus haut avec la
Dans le web-documentaire La Cité des
photographie, le son a une réelle force dans le
Mortes par exemple, vous pourrez accéder à
web-documentaire.
une carte de Ciudad Juarez (la ville « sujet » du
Tout type de son peut prendre un rôle
web-documentaire) où sont localisés tous les
crucial : le claquement d’une porte, une
meurtres de femmes par quartier. Mais il s’agit
alarme, un reniflement, ou encore un rire.
là d’une carte « à la demande », car pour voir
Associé à la photographie, l’effet produit sur le
apparaître ces points sur la carte, il vous fait
spectateur peut être à couper le souffle. En
choisir le type de meurtre que vous souhaitez
effet les sons prennent toute leur dimension
visualiser. Pour les meurtres à l’arme blanche
dans le web-documentaire : on y entend des
les points sont de couleur, et pour ceux non
voix, des extraits radiophoniques ou
élucidés de couleur, et ainsi de suite. Vous
télévisuels, de la musique, des sons
pouvez les faire apparaître les uns à la suite
d’ambiance, des citations et dans certains cas
des autres, ce qui vous donne, une fois tous
la voix du ou des auteurs.
les types de meurtres sélectionnés, un aperçu
Il y a un véritable travail sur l’ouïe, les
du nombre total de femmes assassinées dans
sons retiennent parfois davantage l’attention
cette ville.
que les images. Dans la plupart des web-
Autre exemple, dans «Brèves de
documentaires il n’y a jamais de «blanc», les
Trottoirs» le menu principal même est une
voix s’enchaînent sur les musiques de fond, le
carte.
bruit du véhicule qui sert de trame principale
Pour accéder aux portraits réalisés par
au récit.
les auteurs, vous devez déplacer la souris sur
le plan de Paris. Il y a un portrait d’une
personnalité iconoclaste parisienne par
La carte interactive
quartier, ils sont localisés sur la carte par un
La carte est un élément très intéressant petit drapeau de couleur. Lorsque vous
du web-documentaire. Dans la plupart des cas survolez l’emplacement de cette personne,
elle est interactive et sert à repérer vous pouvez cliquer et accéder au reportage
spatialement des faits mais aussi à se repérer ( de 4 à 10 minutes selon les cas).
dans le web-documentaire, ce qui est un Vous choisissez donc grâce à la carte
véritable double atout. d’une part de visualiser l’information qui vous
Concrètement, l’internaute peut afficher intéresse, et d’autre part vous vous repérez
grâce à cette carte des informations qui vont dans le récit.
lui permettre de restituer les événements dans
15. ELEMENTS PAGE 10
Exemple d’apparition d’un portrait
lors du survol de la carte interactive
Capture d’écran de la carte qui sert d’écran principal au web-
documentaire «Brèves de Trottoirs»
Agrandissement
des fonctions
proposées par la
carte interactive
Capture d’écran de la carte interactive de «Cuidad Juarez»
Capture d’écran de la carte de «PIB»
Capture d’écran de la carte de «Prison Valley»
16. ELEMENTS PAGE 11
Les réseaux sociaux d’accès » au web-documentaire et un
véritable moyen de promotion instantané.
L’intérêt pour le web-documentaire
Le réseau social Twitter est par exemple le
d’être « relié » aux réseaux sociaux (Facebook
5ème4 « apporteur de trafic » pour le web-
le plus souvent, ou Twitter) réside dans le
documentaire Prison Valley.
développement de son audience d’une part,
Logo Twitter
en étendant sa visibilité, mais aussi dans le
renforcement de son critère multimédia ou Dans la plupart des
« pluri média ». cas, les réseaux sociaux
Logo Facebook se limitent cependant à la simple fonction de
En effet, la participation recommandation, avec par exemple l’option
des internautes est, selon « J’aime » proposée aux membres du réseau
les web-documentaires, plus ou moins mise Facebook.
en avant, mais souvent perçue comme
valorisante par ses auteurs. Car certaines
interfaces facilitent plus que d’autres le
partage de contenu entre internautes.
Exemple de proposition de recommandation
En donnant la parole aux internautes sur le d’une page sur le réseau Facebook (ici pour le
sujet étudié dans le web-documentaire, les journal Libération). Il suffit que l’utilisateur clique
sur le bouton «J’aime» et tout son réseau en sera
auteurs ont différentes intentions : voir les informé.
internautes contribuer au sujet et apporter de
nouvelles informations d’une part, mais
espèrent d’autre part voir naître le débat.
Le débat se fait soit en interne, c’est à dire
dans le web-documentaire lui même (exemple
dans « Prison Valley ») ou en prolongement
sur les réseaux sociaux.
La connexion à un ou plusieurs réseaux
sociaux valorise l’aspect participatif et « web
2.0 » du web-documentaire.
Plus loin encore, certains web-
documentaires permettent même leur
visionnage intégral ou partiel sur les réseaux
sociaux, qui deviennent alors une « porte
4 Chiffre avancé par Joël Ronez, responsable du pôle web sur Arte France lors de « La journée du
webdocumentaire de la Communauté française »
17. ELEMENTS PAGE 12
Capture d’écran du web-documentaire «India in Motion», exemple d’intégration des options de
recommandation des réseaux sociaux dans la barre d’outils inférieure. Les logos Facebook et Twitter sont
précédés de la mention «Share this vidéo on social network» («partagez cette vidéo sur un réseau social»).
La présence sur le réseau social n’est pas gage de
participation de qualité ?
En effet, les web-documentaires sont nombreux et le réseau social est un outil
incontestable dans la course à l’audience pour ces « ovnis » Internet.
Mais la force du réseau social (il s’agit de Facebook ou de Twitter la plupart du temps)
ne réside pas dans la quantité d’internautes abonnés : la force du réseau social vient
de sa qualité.
Cette idée, à laquelle sont confrontées toutes les marques présentes sur les réseaux
sociaux, est absolument centrale dans le succès d’un web-documentaire à caractère
participatif.
Ainsi la crédibilité de la communauté est le pilier central du web-documentaire : la
pertinence des éléments complémentaires publiés et la qualité des commentaires. Ce
sont ces éléments mêmes qui feront la différence entre deux web-documentaires à
l’interface similaire.
Le nombre de membres et de billets postés ne reflète donc en rien la qualité de
participation du web-documentaire. Il s’agit de fédérer une communauté dynamique
autour du web-documentaire.
18. ELEMENTS PAGE 13
Le commentaire
Les réseaux sociaux ne sont pas seuls,
Le web-documentaire permet, grâce à
un autre outil participatif du web-
cette possibilité, de renvoyer vers des
documentaire existe. Dans certains cas, le
pétitions ou des votes. Alors que les auteurs
commentaire est proposé, en complément ou
du web-documentaire n’auraient peut-être
en alternative aux réseaux sociaux.
pas prévu d’associer ces contenus à leur
Ce commentaire peut être directement
web-documentaire. Le rôle que peut prendre
intégré au web-documentaire (la possibilité
l’internaute peut ainsi être bien réel.
de laisser un commentaire est donnée à
Le web-documentaire peut alors
certains moments clés du récit), ou bien
devenir une arme de militant avec l’apport de
souvent à la fin du visionnage dans une
ces réactions à chaud, en pouvant dépasser
rubrique spécialement créée. Le commentaire
l’intention initiale des auteurs.
donne une dimension collaborative ou
La question de la modération se pose
collective au web-documentaire. Les
donc, et amène avec elle la question de la
spectateurs peuvent grâce à cet outil donner
censure.
directement leur sentiment sur le document
Car n’oublions pas que les sujets
visionné ou sur le thème abordé, sur
abordés dans les web-documentaires sont
d’éventuelles incompréhensions ou
sujets à de fortes polémiques (prostitution,
désaccords avec le traitement du sujet.
immigration, milieu carcéral, mort..) et donc
Cette possibilité est parfois proposée
sujets à d’éventuels débordements sur ces
sous d’autres termes. « Condoléances » est
forums.
ainsi le terme employé dans « Thanatorama ».
Capture d’écran des «condoléances» proposées dans le web-documentaire «Thanatorama».
19. ELEMENTS PAGE 14
La vidéo L’illustration
La présence de la vidéo est, avec la Bien que la photographie et la vidéo
photographie, prépondérante dans le web- soient deux médias très utilisés dans les web-
documentaire. documentaires, cet usage n’est pas exclusif.
Il est en effet très rare de rencontrer un En effet,des illustrations sont parfois
web-documentaire qui n’en fait pas usage. présentes et revêtent différents atouts.
Les équipes de réalisation de web- Dans «La Crise Du Lait» par exemple,
documentaire sont souvent restreintes, l e s i l l u s t r a t i o n s , i n t é g r é e s à d e s
comparativement aux équipes engagées pour photographies en noir et blanc, servent à
son homologue télévisuel. accéder aux contenus du web-documentaire.
Il en découle pour la vidéo des
pratiques spécifiques :
un cadrage plus intime, des plans
serrés et souvent la pratique du regard-
caméra lors d’interviews.
La vidéo est d’ailleurs presque toujours
la trame conductrice du récit. C’est un pilier
central, souvent accompagné de la voix de
l’auteur. Elle fait le lien entre les photos les
Capture d’écran du menu principal de
cartes et autres outils médias intégrés au «La Crise du Lait»
récit.
Capture d’écran de «La cité des Mortes».
Les vidéos de web-documentaire sont
ancrées dans ce graphisme à la manière
d’une télévision. Pour changer de vidéo il
faut changer de chaine de télévision sur ce
poste.
20. INTERACTIVITÉ PAGE 15
L’interactivité au coeur du web-
documentaire
Si la particularité du web-documentaire est de croiser plusieurs médias au sein
d’une même production, un élément central les connecte entre eux : l’interactivité. Ce
critère donne la force même au web-documentaire, mais n’est pas sans risques.
Aussi, bien que l’interactivité ne se résume pas aux choix de parcours dans le web-
documentaire, nous verrons que certains auteurs choisissent pourtant cette forme
d’interactivité.
Concrètement, l’interactivité dans le web-documentaire consiste à offrir des choix
de navigation à partir d’un menu ou sous forme de liens au sein du récit. Ces choix,
matérialisés par des liens cliquables par l’internaute, permettent d’accéder aux contenus
périphériques du web-documentaire, et sont généralement présentés sous forme
hypertextuelle (parfois ils sont accompagnés d’une image ou d’un symbole).
Différents degrés d’interactivité
L’interaction entre l’usager et le web-documentaire est très aléatoire dans les web-
documentaires. Ainsi, les internautes ont parfois la possibilité de contrôler uniquement leur
cheminement au sein du web-documentaire (qui s’apparente à une exploration). Cécile
Cros5 n’envisage pas de laisser intervenir l’internaute plus que dans les choix à faire avec
l’interface. Elle insiste même sur « le choix de ne rien faire » qui doit être laissé aux
internautes face au web-documentaire.
Mais ils ont parfois la possibilité d’ouvrir des portes vers des éléments multimédias
complémentaires (photos, vidéos, sons…). L’interaction est alors plus poussée car
l’internaute, en plus de décider de son cheminement, va décider d’accéder à des contenus
supplémentaires. Tout va dépendre ensuite de la « maturité Internet » de l’internaute.
Rappelons que ces contenus sont des notes, des photos, des interviews dont les auteurs
se sont servis ou ont réalisé durant leur enquête. C’est alors une visite « à la carte », dont
l’internaute devient le maître.
5 Fondatrice de l’agence de production Narrative
21. INTERACTIVITÉ PAGE 16
EXEMPLE DE L’INTERACTIVITÉ PAR
DEGRÉS DANS «360DEGREES»
L’interactivité est présentée dans ce web-
documentaire sous cette forme schématique.
Au centre les récits de détenus (stories), puis des
données relatives au sujet comme le nombre de
détenus par exemple (dynamic data), vient ensuite
une chronologie (timeline), des liens vers des
documents connexes (ressources), un forum de
discussion (dialogue), et enfin une rubrique de
présentation du projet (about).
22. INTERACTIVITÉ PAGE 17
L’exemple de « Prison Valley » : une interactivité à tiroirs
Dans le web-documentaire « Prison Valley », l’interactivité est poussée car elle se
présente via les différents médias au sein même du web-documentaire mais surtout, elle
s’étale sur différents niveaux. C’est une interactivité « en profondeur ».
On peut qualifier ces niveaux de « tiroirs » car ils s’imbriquent les uns dans les
autres ; pour accéder aux niveaux d’interactivité les plus élaborés, il faut passer par les
premiers stades du récit. Plus vous avancez dans l’exploration du web-documentaire et
plus nombreuses sont les possibilités d’interactions qui s’offrent à vous.
On peut classifier l’interactivité du web-documentaire de cette façon :
1er stade : Le document se regarde d’une traite,
avec de rares interactions indispensables à la
poursuite du récit. Cela consiste pour
2 è m e s t a d e : L a p o s s i b i l i t é
l’internaute à cliquer sur « retour au film » (le
d’approfondir certains sujets avec
terme « film » surprend).
des interviews complémentaires, la
La compréhension de la navigation à ce
consultation de statistiques, la
stade du récit est aisée. Tout internaute ayant
géolocalisation des faits rapportés
déjà utilisé un CD-Rom peut arriver à suivre la
dans le récit. Puis l’internaute revient
trame du récit.
au récit. Ce deuxième niveau est
relativement accessible, surtout par
3ème stade : L’offre d’un système interne
ce que dans Prison Valley les
de discussion en temps réel. Les internautes sont
graphismes sont très soignés et
invités à échanger avec d’autres internautes qui
l’internaute est visuellement guidé
visualisent eux aussi le web-documentaire. Ce
pour retourner au récit.
procédé fait appel à la technologie Facebook
Connect6, car les discussions transitent via le
serveur du site Facebook.
4ème stade : L’accès au forum du web-documentaire et la prise de position dans les
débats lancés. L’internaute est y invité une fois tout le web-documentaire visionné. Ce
niveau d’interactivité est aisé à gérer pour tout internaute ayant déjà participé à un forum
quelconque sur Internet. En effet, la présentation et le fonctionnement du forum sont
classiques et seule sa présence au sein d’un documentaire est une nouveauté.
6 « Facebook Connect » permet aux développeurs de pages Internet et de contenus web d’intégrer Facebook
sur différents sites ou plateformes.
23. INTERACTIVITÉ PAGE 18
5ème stade : L’entrée en contact
direct avec les personnes présentées dans
le récit. Cette fonctionnalité n’est pas
disponible en continu. Les internautes
avaient cette possibilité seulement au
lancement du web-documentaire. Ils
consistaient à des rendez-vous en direct via
le tchat interne et sur le forum. Ce niveau
d’interactivité est, au regard des autres
web-documentaires étudié, une exclusivité 6ème stade : Ce stade est la suite
de « Prison Valley ». On peut en effet logique du précèdent, une fois les acteurs
deviner que cette fonctionnalité est assez du récit interrogés par les internautes, le
lourde à mettre en place pour les web-documentaire présente des rendez
réalisateurs. vous hebdomadaires avec des
spécialistes du sujet. Cette continuité
dans l’interactivité proposée à l’internaute
est un véritable atout dans le sens où le
sujet n’est pas uniquement approfondi via
la participation des internautes mais via
l’apport de données spécialisées.
Le fonctionnement est le même que
pour le stade précédent, et est de la
même façon relativement accessible.
7ème stade : Enfin, le web-documentaire invite les internautes à poursuivre le débat
sur d’autres sites reliés (Yahoo, France Inter, Télérama, YouTube) à celui du web-
documentaire.
A ce stade, l’interaction est plus aisée pour un internaute sans grande maîtrise des
fonctionnalités qu’offre Internet. La participation est facilitée car elle ne se fait pas au sein
même du web-documentaire et la présence des vidéos est là pour cadrer l’internaute qui
serait égaré dans toute cette sphère tournant autour du web-documentaire. Mais il
semble tout de même préférable que l’internaute ait visionné le web-documentaire en
intégralité pour prendre part aux débats.
Aussi, on peut imaginer que ce dernier stade d’interactivité attire une nouvelle
audience, celle des sites sur lesquels le web-documentaire est partiellement retransmis.
24. Les défis de l’interactivité
INTERACTIVITÉ PAGE 19
L’interactivité, véritable apport de
dynamiques au sein du web-documentaire
doit cependant se confronter à quelques
défis. D’une part pour l’auteur, et d’autre part,
pour le visiteur. Pour l’auteur
Et ce sans oublier que l’interactivité ne
P o u r l ’ a u t e u r, l e s
peut être une fin en soi, elle doit servir le
questions liées à l’interactivité du
sujet. Et ce point est peut être le défi central
web-documentaire sont
du web-documentaire : ne jamais laisser le
multiples. Ces problèmes
contenant dépasser le contenu.
d’écriture adaptée au format
sont détaillés plus haut dans
l’écriture du web-documentaire
car elles se posent à l’auteur
précisément au moment de la
rédaction.
Pour le visiteur
Pour l’internaute, les problèmes d’interactivité sont rencontrés dès l’ouverture du
web-documentaire. Il est en effet très rapidement précipité au cœur d’un document
interactif dont il ne maîtrise pas toujours le fonctionnement. Confronté à une multitude
d’éléments narratifs, à une histoire éclatée en fragments et disséminés tout au long de
l’histoire, l’interactivité doit participer à l’enrichissement de l’histoire sans risquer de
brouiller cette dernière. Et il est très délicat pour les auteurs de mesurer la capacité des
internautes à gérer l’interactivité au sein du web-documentaire. Le risque pour le lecteur
est que le déroulement du récit soit affecté par ses multiples possibilités d’interactivité.
L’internaute est en effet habitué à offrir une audience passive (lors du visionnage
d’un documentaire télévisuel).
25. INTERACTIVITÉ PAGE 20
Le risque de l’interactivité L’interactivité limitée aux
forcée choix de navigation
Nous avons expliqué que Dans certains web-documentaires,
l’interactivité n’est pas une chose aisément pour éviter de rencontrer les problèmes que
maîtrisée. nous venons de citer ou par souci de
Mais un internaute qui maîtrise l’interactivité simplicité dans le montage du web-
ne fait pas forcément un internaute satisfait. documentaire, on constate que les auteurs
Andrew DeVigal7 dit: « Si elle est forcée, ont limité l’interactivité aux choix dans la
l’interactivité peut très bien détruire un récit navigation.
». Et c’est peut être l’interactivité la plus
P o u r t a n t l ’ i n t e r a c t i v i t é e s t créatrice dans le web-documentaire. En
fondamentale au web-documentaire. effet, si on connaît le concept des jeux de
Dans « Voyage au bout du Charbon » par rôles, des blogs, des réseaux sociaux, le
exemple, on sent parfois que l’interactivité web-documentaire est le premier outil
est forcée. Elle est assez lourde, présente à multimédia qui permet un tel choix de
chaque tournant du récit. À force de choix navigation dans le traitement d’un sujet réel.
dans la navigation, elle fait perdre le fil des Dans ces web-documentaires, le
événements. Le rythme en est cassé, pouvoir de l’internaute réside dans l’ordre
l’expérience du web-documentaire devient qu’il donne au récit. Il choisit quelles
anxiogène pour le lecteur et le risque qu’il informations visualiser ou non.
décroche est bien réel. Ce choix peut donner au web-
documentaire une ambiance « reporter ». Le
w e b - d o c u m e n t a i re d e v i e n t a l o r s l e
documentaire dont vous êtes le héros.
Cet effet a pour conséquence de
renforcer le caractère immersif du web-
documentaire mais ceci n’est pas anodin : le
web-documentaire, bien qu’il traite de faits
réels et souvent graves, n’est alors pas sans
Illustrations de choix de navigation rappeler le jeu de rôle.
dans le web-documentaire «Voyage au
bout du Charbon»
7 Andrew De Vigal est le responsable multimédia du New-York Times.
26. L’introuvable définition du web-
QUESTIONNEMENTS PAGE 21
documentaire
Un concept aux Une définition
contours flous proche de celle
Le web-documentaire d’Internet
est un concept multimédia
Mais s’il y a une
aux formes encore
définition dont le web-
indéterminées.
L’absence de documentaire peut
Ce nouveau concept
s’approcher, c’est la définition
associe du texte, des photos, définition propre
d’Inter net. En effet, les
des cartes, des vidéos, du E n e f f e t , l e w e b - caractéristiques mêmes du
son, des animations, et les documentaire se cherche
web-documentaire
réseaux sociaux, de façon encore, il n’y a donc pas de
s’approchent fortement de
interactive et didactique. On définition précise. C’est une
celles d’Internet. A savoir : un
p e u t p a r l e r d e c o n c e p t nouvelle pratique observée
produit disponible sur
« h y p e r m é d i a » : c ’ e s t s u r I n t e r n e t d o n t l e s
Internet, associant de
l’agencement et l’exploitation principaux acteurs (la presse,
multiples médias (vidéos,
des différents outils qu’offre les photo reporters, les
sons, cartes…), dont
I n t e r n e t e n u n e u n i q u e maisons de productions, les
l’agencement est l’œuvre
production autour d’un sujet. d o c u m e n t a l i s t e s , l e s
d’un d’auteur. Tous ces
Et chaque nouveau sujet est journalistes, les agences de
éléments sont en interaction
l ’ o c c a s i o n d ’ u n n o u v e l communication entre autres)
avec le spectateur. Le web-
agencement. Il n’y a pas de cherchent encore la forme
documentaire est donc le
genre unique, de modèle, de exacte et les limites.
« produit Inter net » par
format prédéfini ou identifié. E n c o n s é q u e n c e , excellence, ou du moins une
plusieurs terminologies sont f o r m e t r è s a b o u t i e d e
d o n c e m p l o y é e s p o u r l’association des différents
désigner le w e b - outils Internet. Plus qu’une
documentaire : le journal en expérimentation multimédia,
ligne LeMonde.fr le qualifie c ’ e s t u n e d é m a rc h e d e
par exemple de « visuel « médium total ».
i n t e r a c t i f » o u d e
« documentaire multimédia ».
27. QUESTIONNEMENTS PAGE 22
Une nouvelle Une discipline en
méthode de évolution
traitement d’un constante
sujet En effet, le web-
d o c u m e n t a i re n ’ e s t p a s
Le web-documentaire
Une nouvelle encore totalement défini et il
est une nouvelle forme de
semble qu’il continuera à se
réponse à un sujet : c’est un architecture au
chercher encore. Car il ne
traitement croisé de documentaire pourra trouver sa forme
l'information au service d’un
Le web-documentaire propre tant qu’Internet sera
sujet. C’est une nouvelle
apporte en effet une nouvelle en constante évolution (son
façon de traiter un thème,
architecture8, ou structure au caractère principal étant
mais surtout de raconter une
récit documentaire. l’exploitation des outils
histoire.
L e d o c u m e n t a i r e Internet).
Ce nouveau traitement
classique, visionné à la Ainsi le web-
implique une nouvelle forme
télévision, est défini comme documentaire semble être,
d'écriture multimédia. Il s’agit
« u n f i l m d i d a c t i q u e pour une durée impossible à
en fait d’une histoire que l’on
p r é s e n t a n t d e s f a i t s évaluer aujourd’hui, voué a
raconte grâce à l’assemblage
réels n’intervenant pas sur le être un outil protéiforme.
des outils exploitables sur
déroulement des faits
Internet. Il en résulte
relatés ».
l’aménagement d’une
Cette définition peut
interface autour d’un récit.
s’appliquer au web-
documentaire à condition de
préciser son caractère pluri
média, apporté par son canal
de transmission, Internet.
E n c l a i r, i l s ’ a g i t
généralement d’une enquête
jour nalistique interactive
conçue pour Internet.
8 Terme employé par Monique Simard, directrice générale du Programme français de l’Office National du Film
(ONF) dans une interview de Charles Gervais pour alternatives.ca.
28. QUESTIONNEMENTS PAGE 23
Une discipline
méconnue du
grand public
Enfin, il est important
de signaler que le web-
documentaire est un outil si
récent qu’il est encore
méconnu du grand public. Quelle est la différence
Comme le dit Aurélie avec un documentaire
Hamelin9 «dans les milieux diffusé sur Internet ?
de l’audiovisuel, on en parle
beaucoup, mais le grand
La différence entre un documentaire diffusé sur
public n’identifie pas encore Internet et un web-documentaire réside dans les caractères
bien ce genre ». mêmes du web-documentaire. C’est-à-dire la non linéarité
Ce qui n’est pas et le caractère pluri média de ce dernier, que ne possède
étonnant compte tenu de la pas le « simple » documentaire.
difficulté des milieux En effet, un documentaire diffusé sur Internet n’est autre
spécialisés (web, médias, que l’utilisation du médium Internet comme un canal de
communication…) à définir diffusion, sans agir sur la forme propre du documentaire et
le genre. sur son contenu.
Sur Dailymotion10 ou Youtube11, par exemple, il est
possible de trouver des documentaires précédemment
diffusés à la télévision qui trouvent sur Internet un second
public.
Mais le web-documentaire est plus que cela : il détient ses
critères multimédias spécifiques qui le rendent impossible à
qualifier de « simple » documentaire. C’est un nouvel outil
multimédia construit pour Internet et exclusivement diffusé
sous cette forme sur Internet.
En ce sens, un web-documentaire est donc en aucun cas la
rediffusion d’un documentaire sur Internet.
9 Aurélie Hamelin est responsable du pôle contenu média global de France Télévisions
10 Dailymotion est une une plateforme d'hébergement, de partage et de visionnage de vidéo en ligne.
11 YouTube est une plateforme d’hébergement, de vidéos sur lequel les utilisateurs peuvent envoyer, visualiser et
partager des séquences vidéos.
29. QUESTIONNEMENTS PAGE 24
Quelles lois pour le web- À savoir, aux Etats-
documentaire ? Unis les règles sont
différentes : le
Le web-documentaire n’a pas de définition légale propre. C’est producteur du web-
documentaire
une œuvre multimédia et légalement les œuvres multimédias sont très détient tous les
difficiles à encadrer. En effet, chaque création ne repose pas droits. Les artisans
du projet sont alors
forcément sur les mêmes lois. considérés comme
Le web-documentaire peut ainsi s’appuyer sur les lois du logiciel, les des techniciens.
lois des bases de données ou encore les lois de l’œuvre audiovisuelle.
Car il peut correspondre à ces trois catégories d’outils numériques.
On constate ainsi l’existence d’un vide juridique.
Le web-documentaire est une création collective. Il s’agit d’un travail
réalisé par des professionnels spécialisés dans des domaines
différents qui ne sont pas protégés par les mêmes lois.
Et cela amène la question du droit d’auteur pour ces différentes
personnes concourant à la réalisation d’un même projet.
Pour cela, il est possible de qualifier le web-documentaire d’œuvre
collective ou d’œuvre de collaboration, ou encore d’œuvre composite.
Il s’agit de qualifications légales. Celles-ci permettent aux différents
artisans ayant contribué au web-documentaire de protéger une partie
de leur travail. Ainsi, bien qu’il soit impossible de qualifier légalement
le web-documentaire dans son intégralité d’œuvre audiovisuelle, il est
possible de considérer les différents éléments le composant comme
des œuvres audiovisuelles indépendantes.
Le web-documentaire est alors considéré légalement comme
une œuvre multimédia collective ou comme un assemblage d’œuvres
audiovisuelles.
30. Le web-documentaire au cœur des
QUESTIONNEMENTS PAGE 25
évolutions des médias
On emploie alternativement les termes « multimédia », « pluri-média », « trans-
média », « cross-média » et enfin « rich-média ». Bien que ces termes se rejoignent (et
soient pour certains presque des synonymes) ils peuvent tous plus ou moins
correspondre au web-documentaire.
Il convient donc de les définir plus précisément afin de situer le web-documentaire qui
navigue entre ces différents concepts.
Le multimédia pour un même sujet mais ces derniers
peuvent être utilisés de façon dissociée. La
Le multimédia est la combinaison de stratégie pluri-média consiste par exemple
médias (textes, images, graphiques, sons, pour une entreprise à penser ses supports
vidéo) au sein d’un objet numérique de communication interne (newsletter,
commun. Le multimédia correspond ainsi jour nal d’entreprise, événements,
au traitement simultané de ces médias intranet…) comme un tout et non plus
grâce à une programmation informatique. comme des supports de communication
Cette programmation rend la lecture de pris individuellement. L’idée du pluri-média
l’objet numérique possible depuis un est de faire que ces outils se complétent
ordinateur. dans une même logique. Ce dispositif peut
Le web-documentaire correspond bien à s’apparenter à celui d’un plan de
cette définition, dans le sens où la communication mais, plus que ça, il s’agit
particularité du web-documentaire est ici de porter une réflexion globale sur un sujet,
mise en évidence : l’usage de plusieurs en utilisant différents médias. Le pluri-
médias. média implique, dans ce cas d’une
Cependant, cette définition n’est pas communication interne, une cohérence
complète, il manque le caractère interactif éditoriale totale de toutes les productions
du web-documentaire. de l’entreprise, quelques soient les
supports.
Le pluri-média De même pour le cas du web-
La définition du pluri-média documentaire : il s’agit d’une réflexion
s’approche de celle du multimédia : il s’agit d’auteur sur un sujet, mis en forme dans le
de la combinaison de plusieurs médias. web-documentaire en combinant différents
Cependant, le traitement de ces médias de façon à répondre avec le plus
médias n’est pas simultané. Ainsi le pluri- de cohérence possible à ce sujet.
média désigne l’usage de plusieurs médias
31. Le cross-média spécificités de chaque média sont en effet
QUESTIONNEMENTS PAGE 26
prises en compte, ce qui n’est pas le cas du
Le cross-média est le principe de la cross-média.
mise en réseau des médias. Ce terme Ainsi le même contenu n’est pas décliné sur
désigne l’usage rationnel de plusieurs chaque média, chaque média présentant le
médias, mais il se distingue du multimédia même sujet mais d’une façon qui lui est
car il ne sollicite pas l’attention de l’individu propre. L’utilisateur a alors la possibilité
depuis un même lieu et à un même moment. d’entrer dans le sujet par différentes
En effet, le cross-média n’a pas le « portes », c’est-à-dire par différents médias
critère synchronisé du multimédia qui portant le sujet.
mélange le son, le texte et la vidéo sur un À grande échelle le trans-média peut
seul support numérique. Dans le cross- correspondre à un jeu à taille humaine où les
média, les médias utilisés sont utilisés les uns événements du jeu arrivent au spectateur via
après les autres. son mobile Internet ou la radio (comme nous
À la différence du pluri-média, le cross média l’avons expliqué avec les ARG).
ne véhicule pas forcément un même À l’échelle du web-documentaire il s’agit
message sur les différents médias utilisés. d’utiliser les différents médias qui le
Par exemple, pour une agence publicitaire, le composent en fonction de l’intérêt que revêt
cross-média consiste à décliner une chaque média : le témoignage d’un individu
campagne sur différents médias (radio, se transmet avec une plus grande réalité via
télévision, presse..). C’est la combinaison et le son ou la vidéo que via le texte, le portrait
l’utilisation coordonnée de différents médias via la photographie ect..
au service d’une même stratégie. A savoir, la société de téléphonie Orange a
L’intérêt du cross média est de créer des lancé un laboratoire du trans-média. Il est
interactions entre les médias utilisés. explorable à l’adresse :
Ainsi on peut qualifier le web-documentaire http://www.transmedialab.org .
de cross-média uniquement lorsque celui-là
connaît une version déclinée à la télévision. Le rich-media
En effet, le web-documentaire n’est pas Enfin, le rich-média désigne un format
intrinsèquement cross-média : il fait appel à numérique composé d’animations utilisant du
différents médias, mais ceux-ci sont son, de la vidéo ou encore des photographies
regroupés en un même support. basés sur la technologie Flash avec la
particularité de proposer des interactions
Le trans-media avec l’internaute. Le rich média est beaucoup
utilisé dans la publicité car il permet de
Le trans-média consiste, comme le
proposer sur Internet des publicités très
cross-média, à développer un contenu
dynamiques à l’internaute. Le rich-média a
narratif sur plusieurs médias. Cependant, le
cette particularité qui fait aussi la force du
contenu développé sur chaque média est
web-documentaire : l’interaction avec
différent. Les capacités d’interaction et les
l’internaute.
32. Parle-t-on de web-documentaire ou de
QUESTIONNEMENTS PAGE 27
web-reportage ?
Les deux terminologies sont utilisées mais la plus fréquente est « web-
documentaire ».
Il est possible d’utiliser les deux termes, mais le terme web-documentaire semble plus
approprié, c’est pourquoi nous l’utiliserons.
Les différences entre le web-documentaire et le web-reportage sont celles existant déjà
entre le documentaire et le reportage.
Le documentaire relève du champ artistique et cinématographique alors que le reportage
relève quant à lui du champ journalistique.
Ainsi le documentaire se distingue du reportage par l’angle utilisé d’une part, le point de
vue présenté et la pérennité.
L’angle utilisé n’est pas le même : dans le documentaire l'auteur ramène les faits
réels à lui même (« je pars à la rencontre d’ouvriers de la mine ») alors que pour le
reportage c’est l’inverse (« les ouvriers vont à la mine »), la réalité présentée est ramenée
au spectateur. Le point de vue est en ce sens plus affirmé dans un documentaire que
dans un reportage.
Un même sujet n’est donc pas traité de la même façon dans un documentaire et dans un
reportage. Dans ce dernier est présenté un fonctionnement et ses conséquences, alors
que dans le documentaire sont présentées les causes de cette situation, les mécanismes
qui amènent cette situation. Les enjeux ne sont donc pas les mêmes.
Le documentaire présente donc un questionnement plus complexe, il porte une
dimension d’analyse.
Aussi, les sujets du documentaire sont des sujets qui s’inscrivent dans le temps,
les documentaires sont voués à durer. Ils témoignent de leur époque : c’est une mise en
perspective.
Ce n’est pas le cas des reportages qui, eux, sont plus dans l’actualité, ils sont liés au
présent. Ils ne sont pas conçus pour durer, ils sont dans l’instant.
Ainsi la notion de temps est aussi très importante pour différencier ces deux genres.
Cependant, il n’y a aucune hiérarchie entre ces deux genres, le documentaire n’est
en aucun cas d’une meilleure qualité que le reportage. Il existe de mauvais documentaires
et de bons reportages, et vice versa.
33. QUESTIONNEMENTS PAGE 28
Le web-documentaire est donc en
constante évolution ?
Depuis l’apparition des premiers véritables web-documentaires en 2007 (qui
n’étaient pas de simples diaporamas accompagné d’une bande son), on observe une nette
progression du genre.
En effet, si comme nous l’avons annoncé plus haut le genre ne sera pas arrêté tant
qu’internet continuera d’évoluer, le web-documentaire a malgré tout significativement
grandi.
Guillaume Blanchot12, décrit bien cette évolution en parlant des projets en demande de
subventions «On ne reçoit plus comme au début des web-docu conçus comme des
compléments, un peu comme des bonus de DVD».
Désormais loin de la présentation de clichés photographiques sur fond de musique
d’ambiance montée sur PowerPoint, le web-documentaire est un genre évolutif à part.En
témoigne Alexandre Brachet, de l’agence de création de web-documentaires Upian, qui
reconnaît aussi cette évolution dans ses propres productions : «En 2002, avec “La Cité des
mortes”, on essayait d'utiliser les contenus différents, vidéos, photos, cartographie. Puis
dans “Thanatorama”, on a vraiment introduit l'interactivité, puisque l'internaute en est le
héros… mort ! Enfin, avec “Gaza/Sderot”, on a intégré graphisme et technologies à
l'histoire, puisqu'il s'agissait de décrire les vies parallèles dans ces deux villes, avec par
exemple une frontière entre deux écrans sur le site».
Le genre web-documentaire est donc un genre expérimental qui se cherche
continuellement une place à la croisée des médias.
Capture d’écran de la page d'accueil du web-
documentaire «Thanatorama», «une aventure
dont vous êtes le héros mort» précise le site
avant de commencer le récit.
12 Guillaume Blanchot est Directeur des nouveaux médias du Centre National du Cinéma et de l’image
animée (CNC)
34. SUJETS PAGE 29
Quels sujets pour le
web-documentaire ?
Les sujets traités par les web-
documentaires sont très variés. Mais on peut
leur reconnaître un dénominateur commun :
les sujets abordés sont audacieux.
On pourrait supposer, au regard de la
charge de travail que demande la réalisation
d’un web-documentaire, que les sujets
abordés seraient légers et divertissants. Bien
au contraire, il s’agit dans tous les web-
documentaires rencontrés de sujets lourds et
complexes. Comme si le web-documentaire
venait répondre aux sujets les plus délicats à
traiter.
La prison, la mort et les grands conflits Quels sont les
politiques actuels sont les trois thèmes risques dans cette
dominants les web-documentaires français,
nouvelle façon de
dont la réalisation est la plus aboutie et
surtout les plus vus.
traiter un sujet ?
Avec « Le corps incarcéré », « Prison Les risques que présente ce nouveau
Valley », « Thanatorama », « La Cité des traitement concernent principalement la
Mortes » ou encore, « Gaza/Sderot » et navigation à laquelle l’internaute n’est pas
Havana/Miami » , le web-documentaire se habitué. Si celle ci est trop complexe le risque
présente comme une nouvelle forme de est de « perdre » l’internaute qui, lassé de
réponse aux thèmes les plus dérangeants de chercher comment se déplacer, quittera le
notre société actuelle. web-documentaire.
Mais ce n’est pas tout, ce traitement
innovant peut aussi « tuer « le sujet si la forme
prend l’ascendant sur le fond. En effet la
forme très interactive peut « polluer » le récit,
le destructurer. Ainsi le contenu, qui est la
substance même du web-documentaire et sa
raison d’être, doit rester maître sur le
contenant, comme dans tout autre projet,
35. SUJETS PAGE 30
Le web-documentaire est-il adapté au
traitement de sujets d’actualités dits
« chauds » ?
Sur Internet, l’information est souvent brute, les billets d’actualité ressemblent
énormément à la dépêche AFP et ne sont pas très différents entre les différents journaux
en ligne.
On appelle cela du « flash journalism » : les articles sont courts sans réelle profondeur et
rarement accompagnés d’illustrations multimédias. Pourtant le web-documentaire
pourrait être un réel apport de profondeur en élargissant le traitement de l’actualité au
multimédia.
Mais le web-documentaire coûte cher, c’est un format lourd à mettre en place
(professionnels, matériel, temps de réalisation, investigations..) et il est souvent réservé
aux sujets magazines. Pourtant on peut imaginer que certaines formes de web-
documentaires « allégés » s’adaptent à l’actualité chaude et soient réalisés en un temps
beaucoup plus court. Il s’agirait de
diaporamas sonores avec une
interactivité un peu plus légère. Vers une industrialisation du
processus de création ?
Lemonde.fr a par exemple couvert le
Selon la rédactrice de la chaîne
sommet de Copenhague en direct sur
France24.com Karine Broyer : «Le but est
son site Internet via le multimédia. Ce
d'industrialiser le processus». La chaîne
procédé est du « live journalism » qui d’informations internationales France 24
vient de la radio et de la télévision. Il réfléchit en effet à une organisation
consiste à faire vivre en direct un spécifique de son équipe web pour
événement au public (procès, émission réaliser des web-documentaires en 24 ou
de télévision, débat politique, match 48 heures sur des sujets d’actualité
chaude.
sportif).
Ainsi la forme du web-documentaire, bien qu’elle soit plus contraignante qu’un
article « classique », semble adaptée aux « news » dans le sens où elle est un véritable
apport de profondeur dans le traitement du sujet. La forme du web-documentaire doit
cependant être un peu allégée pour permettre de raccourcir le délai de création et
permettre aux internautes d’y accéder le plus tôt possible. Il reste aux journalistes à
maîtriser ce nouvel outil et d’en faire un atout, ce qui permettrait aux journaux en ligne
de faire une véritable différence avec les éditions papier.
36. Quelle est l’audience des web-
AUDIENCE ET CONSOMMATION PAGE 31
documentaires ?
L’audience des web-documentaires est, tout comme l’outil en lui-même, encore floue.
En effet, si l’on connaît le nombre de visites uniques et le temps moyen de visite de certains
web-documentaires, on ne sait pas vraiment qui « accroche » à ce nouveau format.
D’une façon générale, il semble que les jeunes générations, habituées à chercher
l’information sur le médium Internet, sont demandeuses de nouveaux formats et de nouvelles
approches de l’information. Le boom des blogs et des réseaux sociaux en témoigne, le « do it
myself » est devenu une banalité, les jeunes générations connaissent le processus de
publication d’une information, aussi futile soit elle, sur Internet.
Elles ont en effet vu naître les nouveaux médias numériques et ont bouleversé les usages des
médias.
La presse traditionnelle n’est plus le seul médium des nouvelles générations qui choisissent
ce qu’elles regardent et veulent participer.
Le web-documentaire semble en ce sens un nouvel outil pour la « digital native generation ».
A cela il faut ajouter les internautes dans leur globalité (la France comptait en 2007 plus
de 30 millions d’internautes) : selon Médiamétrie ce sont 5, 9 millions de français qui
regardent une vidéo par jour. «Voyage au bout du
Charbon» a ainsi reçu la visite de 70 000 internautes,
mais ce chiffre est a prendre avec précaution car ce
web-documentaire a bénéficié d’une large publicité
sur Internet. Il n’est donc pas représentatif de
l’ensemble des web-documentaires qui forment un
ensemble hétérogène.
Affiche du web-documentaire «Voyage au
bout du Charbon»
37. Quelles sont les pratiques de
AUDIENCE ET CONSOMMATION PAGE 32
consommation et de fréquentation des
web-documentaires ?
On observe de grands changements dans les attitudes de consommation des
internautes. En effet, la consommation de contenus audiovisuels s’est individualisé
avec la généralisation des ordinateurs et des terminaux Internet personnels. Les
internautes ont aussi changé leur temps de consommation, désormais leur attention
est sollicitée de toutes parts :ils sont devenus moins attentifs au contenu multimédia
qu’ils visionnent. À cette baisse de l’attention en ligne il faut ajouter le phénomène de
« multi-tasking » : les internautes font plusieurs choses à la fois, ils ne s’attardent pas
sur un sujet mais en « consomment » plusieurs simultanément. C’est dans ce contexte
délicat que le web-documentaire tente de se faire un public.
Pour ce qui est de la fréquentation des web-documentaires, elle est modérée.
En effet, la fréquentation est moindre que certaines vidéos au contenu beaucoup
moins travaillé qui ont fait le buzz13 sur YouTube (extrait d’émissions de télé réalité
entre autres).
Les chiffres sont rares, on sait que la durée moyenne de visite du web-
documentaire « Gaza/Sderot » est de 6,30 minutes14 en moyenne. Cette durée est
comparable à celle observée à la télévision pour un documentaire. Pour « Voyage au
bout du Charbon », plus de la moitié des internautes l’ayant visionné sont restés plus
de 10 minutes15 ce qui est considérable pour Internet.
13 Le buzz (anglicisme de bourdonnement) est un concept marketing traduisant ce que l'on pourrait
décrire en français comme un écho. Il s’agit d’un engouement soudain des internautes pour une vidéo,
un article, ou un site internet. Celui-ci est repris sur des blogs, des sites spécialisés, des réseaux
sociaux et devient notoire en quelques jours voir parfois quelques heures.
14 Durée avancée par Alexandre Brachet de la société Upian ayant produit ce web-documentaire lors
d’un débat diffusé sur le site de la SCAM, intitulé « Doc on Web ».
15 Durée avancée par Samuel Bollendorff lors d’une interview de Canon SA disponible sur le site owni.fr
38. Quelles
TECHNIQUES PAGE 33
Le web-documentaire est très long et très
compétences sont complexe à réaliser. Il est nouveau et il n’y a
nécessaires à la pas de modèle de création défini. Chaque
réalisation d’un web- documentaire disponible aujourd’hui a été
documentaire ? conçu a sa façon.
A cela il faut ajouter le caractère précaire de
Les compétences nécessaires à la la plupart des corps de métiers auquel il fait
réalisation d’un web-documentaire sont aussi appel (journalisme, montage, développement
vastes que le panel d’outils que ce dernier Internet).
utilise. En résulte des mutations importantes dans
L’écriture du sujet, les recherches sur le sujet, les conditions de travail pour les différents
les photographies, les interviews à réaliser, acteurs du web-documentaire : dégradation
les outils interactifs à définir, le paramétrage, du salaire (car bénéfices incertains), réduction
l’intégration, l’exploitation, le design du site des moyens généralement disponibles (car
l ’ h é b e r g e a n t , l a m o d é r a t i o n d e s pas de modèle économique), standards de
c o m m e n t a i r e s … To u t e s c e s t â c h e s qualité ambigus (car pas ou peu d’historique),
concernent énormément de corps de métiers délais imprécis, incompréhensions dans la
différents (que nous verrons plus loin). On répartition des tâches et tâches non
peut cependant déjà citer le journaliste, le maîtrisées attribuées (pluralité d’auteurs sur
photographe, le technicien du son, et le web un même projet), format « type » inexistant,
designer. flou sur les financements, absence de
Les compétences requises sont très générique de fin, préoccupations juridiques
nombreuses et transforment les réalisateurs sur les notions d’auteurs et sur les droits.
de web-documentaires en de véritables Mais surtout, comme il n’y a pas « une »
hommes-orchestres. profession spécialisée en web-documentaire,
Mais, si les compétences techniques les auteurs viennent de différents univers
que demande un tel format sont complexes, il p a r f o i s i n c o m p a t i b l e s . A i n s i l e s
n’est pas possible de s’improviser expert. professionnels d’Internet sont habitués aux
Le web-documentaire est donc très lourd à cadences des projets de communication (car
mettre en place. C’est un outil qui offre de le modèle économique impose une grande
nombreux agencements possibles, mais qui réactivité). Alors que les professionnels issus
est délicat à organiser, tant les possibilités du l’univers de l’audiovisuel sont eux habitués
sont nombreuses. à rythmer leurs projets par des commissions
Quels changements d’écriture puis par des commissions du CNC,
du SCAM, des régions… Au final, les deux
le web- univers ne vont pas à la même vitesse et
documentaire amène lorsqu’il s’agit de créer un web-documentaire
-t-il dans les l’enjeu est de trouver un rythme et des
conditions de méthodes de création communes.
travail ?
39. Quelles sont les contraintes techniques
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rencontrées lors de la réalisation d’un
web-documentaire ?
Les contraintes techniques sont nombreuses : organisation du travail entre les
différents acteurs (photographes, auteurs, développeurs web, web designers) d’une part,
mais plus concrètement ce sont les questions matérielles qui semblent poser les plus
grands problèmes.
En effet le web-documentaire est une œuvre complexe qui implique une très bonne
organisation de la matière collectée sur le terrain. De plus, il est nécessaire d’anticiper la
forme qu’aura le web-documentaire et de réaliser un très bon travail préparatoire en
amont. Les réalisateurs de « Brèves de Trottoirs » expliquent que pour leurs premiers
portraits, la matière rapportée des rencontres s’est révélée insuffisante une fois le
montage lancé. Ils ont dû retourner plusieurs fois sur le terrain pour reprendre des
photographies et des voix.
La forme du web-documentaire ne peut pas être improvisée.
Ensuite, il faut ajouter les contraintes purement matérielles engendrée par
l’absence de modèle économique. Car, si les financements se font rares, et les bénéfices
engendrés par le web-documentaire encore plus, une des conséquences est la limite
matérielle à laquelle doivent se confronter les auteurs.
Il n’est pas toujours possible d’acheter tout le matériel nécessaire au web-
documentaire : une caméra professionnelle, une perche pour prendre le son, un appareil
photo reflex, un numérique haute qualité, des logiciels de montage et de développement
web, un ordinateur et une connexion Internet puissante ect..
Bien souvent, les auteurs disposent de leur matériel personnel (les photographes
par exemple) mais ce n’est pas toujours le cas et c’est une solution partielle.
Bien heureusement, il est possible de réaliser des web-documentaires avec du matériel
amateur ou semi professionnel (comme en témoigne toutes les nouvelles gammes de
caméras digitales et de reflex numériques) et on trouve d’ailleurs de très belles
réalisations.
On pourra de nouveau citer le très abouti « Brèves de Trottoirs », réalisé avec un
enregistreur numérique et un appareil photo réflex numérique (ses auteurs évaluent ce
matériel à 5000 euros environ).
Mais à long terme, dans une optique de professionnalisation de la discipline du web-
documentaire, ces questions techniques deviendront inévitables. Pour le moment ces
oeuvres ne « rapportent pas », on ne leur demande donc pas une propreté irréprochable,
mais si cela devenait le cas, alors il deviendrait nécessaire d’investir dans le matériel.