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Tendances de Management Africaines
Volume 22, Série 3, Juin 2022
2
Editions Comerci, ‘Tendances de Management Africaines’
Directeur de Publication
Pr. Dr. Alain Ndedi
Secrétariat scientifique de rédaction :
Pr. Dr Emmanuel Innocents Edoun
Pr. Dr Paulin Mbecke
Pr. Dr. Francis Kemegue
Comité éditorial :
Pr. Dr. Rose Ikelle, ESSEC, Université de Douala, Cameroun
Dr Jules Banaken, Banque de Développement des Etats de l'Afrique Centrale
Dr Pierre-Joubert Nguetse Tegoum, Ministère de l’économie et de la Planification,
Cameroun
Pr. Dr. Alain Ndedi, International Council for Family Business /Charisma University
Pr. Dr. Francis Kemegue, Boston Insights and Analytics, USA
Pr. Dr Emmanuel Innocents Edoun, Université de Johannesburg /Tshwane
University of Technology, RSA
Pr. Dr Paulin Mbecke, Université du Moyen Lualaba, DRC
Dr Polycarpe Feussi, Université de Johannesburg, RSA
Pr Dr Essombe Edimo Jean Roger, Université de Yaoundé II-Soa, Cameroun
Pr Dr Tchouassi Gérard, Université de Yaoundé II-Soa, Cameroun
Pr Dr Thierry Levy Tadjine, Université Paris 8, France
Pr Dr Mantsie Rufin W., Université Marien Ngouabi, Congo Brazzaville
Pr Dr Makosso Bethuel, Université Marien Ngouabi, Congo Brazzaville
Volume 22, Série 3, Juin 2022,
Email : manuscrit.tma@gmail.com
ISBN : 979-849 597 9871
3
TABLE DES MATIERES
P. 5
PREFACE
P. 11
L’EMERGENCE DES NOUVEAUX EMPLOIS EN CONTEXTE COVID-
19 AU CAMEROUN: DES DETERMINANTS QUALITATIFS (THE
EMERGENCE OF NEW JOBS IN THE COVID-19 CONTEXT IN
CAMEROON: QUALITATIVE DETERMINANTS)
Pr Tchouassi Gérard,
M. Temfack Serge Fridolin,
Dr Kamga Kamga Chrysleine Chantale,
P. 27
MARKETING DES PARTIES PRENANTES DANS L’INDUSTRIE
CAMEROUNAISE : UNE ETUDE COMPARATIVE DES PRATIQUES
DANS LES PMGE DES SECTEURS AGROALIMENTAIRE ET
OLEOCHIMIE
Dr Ambassa Bikoun Pierre
P. 61
Développement de l’entrepreneuriat féminin au Cameroun : cas de la
CEC-PROM MATURE
Dr. Ateba Jean Claude
P.77
ANALYSE DES DEFIS DU DEVELOPPEMENT AU TCHAD : ETUDE
EVALUATIVE DE L’ACTION DE LA CELLULE PERMANENTE DU
MECANISME DE SUIVI DU SECTEUR DU DEVELOPPEMENT RURAL
Dr Abakar Souleymane
4
5
PREFACE
Que vivons-nous depuis quelques semaines en Afrique, conséquence du
conflit russo-ukrainien ? Rappelons que depuis le mois de février 2022, et
plus précisément depuis le 24 Février, le monde vit une guerre violente
au cœur de l’Europe; entre la Russie et l’Ukraine. Les conséquences de
cette guerre sont dévastatrices et influencent négativement le continent.
Il faut souligner que plusieurs pays du continent dépendant du blé
ukrainien et russe. Cette nouvelle donne aura des implications
politiques, sociales et beaucoup plus économiques sur le continent ; on
parle depuis quelques temps de la stagflation du continent africain. En
effet, le continent est plongé dans la stagflation ; une combinaison de
croissance lente et d’inflation entrainant des souffrances sur le panier de
la ménagère. Car, l’Afrique n’échappe pas à la grande incertitude qui
pèse sur la conjoncture mondiale avec le principal risque venant de cette
guerre en Ukraine avec de nombreux effets collatéraux pour le continent.
Il faut souligner que la pandémie de Covid reste aussi une menace en
raison du très faible taux de vaccination des populations africaines et de
la possible résurgence du virus, comme c’est le cas en Afrique du Sud
touchée par de nouveaux sous-variants d’Omicron. Notre revue a voulu
bien le souligner d’entrée de jeu à notre lectorat. De plus, les disciplines
comme la logistique militaire et la communication en période de guerre
font surface.
La revue dénommée ‘Tendances de Management Africaines’ en abrégée
(TMA) est une prise de conscience que la pratique du management n’est
pas universelle, et qu’il faille créer une vitrine avec l’accent sur le
continent africain pour les praticiens et les chercheurs disposés à
apprendre un peu plus de l’usage du management
A l’ère de la quatrième révolution industrielle et face à une effervescence
de la révolution numérique, et à l’arrivée de la génération Z dans le
monde du travail, les entreprises qu’elles soient africaines ou mondiales
ne cessent de revoir et d’adapter leurs modes de management pour
attirer et répondre aux attentes de cette nouvelle ère de conflit entre les
pays de l’Otan d’un côté, et les pays qui restent du pacte de Varsovie
mené par la Russie de l’autre côté.
Plusieurs tendances de nos jours se bousculent et s’imposent aux
managers des entreprises de petites comme de grande taille. Le design
thinking est l’une d’elle. Elle offre la possibilité à l’entreprise de travailler
de manière transversale en responsabilisant les équipes et en valorisant
leurs productions. Travailler ainsi permet à tous les niveaux de
l’entreprise d’impliquer tous les employés, de les inciter à prendre des
6
décisions et à proposer des concepts nouveaux et importants au sein de
l’entreprise. De plus, la connectivité permanente du Design
Thinking permet de se placer à la place des consommateurs afin de
comprendre ses besoins et proposer de manière intelligente, des
solutions meilleures et innovantes. De manière pratique, avec le Design
Thinking, l’entreprise repense son business model en lançant un
processus d’innovation (innovation produit, innovation de rupture,
innovation incrémentale…).
A l’ère de la COVID 19, une autre tendance managériale appelée
management bienveillant a fait surface et tente à remettre le bien-être des
salariés dans l’environnement professionnel. Car, le bonheur des
collaborateurs au travail commence par une atmosphère
positive et humaine. Les responsables au plus haut niveau de l’entreprise
devraient être à l’écoute des équipes inférieures pour instaurer une réelle
relation de confiance et de respect. Ils doivent comprendre leurs
collaborateurs et leur proposer des objectifs cohérents et atteignables par
le biais d’une bonne communication. De plus, il faut quand cela est
nécessaire laisser le droit à l’erreur et accorder des encouragements et
félicitations aux intrapreneurs. En instituant des solutions de management
bienveillant, les équipes sont plus épanouies et donc
plus productives puisqu’elles ne sont ni stressées ni brusquées par un
manager offensif ; car l’employé est placé au cœur même de l’entreprise.
À l’origine, la méthode agile était utilisée par les développeurs et les
ingénieurs pour faciliter leur organisation en équipe. De nos jours, cette
technique se déploie au niveau des organisations et révolutionne le
management. La méthode dite agile, est une approche collaborative de la
gestion de projet et se base sur des feedbacks réguliers. Elle est appelée
agile parce qu’elle permet de laisser place aux imprévus et aux
changements mais également de rendre autonome et de responsabiliser
les employés à tous les niveaux
Au niveau international, dans les tendances du management qui ont
pignon sur rue, nous retrouvons notamment la méthode Kanban qui est
une résultante de l’application de la méthode agile. La méthode
Kanban qui est une résultante de l’application de la méthode agile, a
largement fait ses preuves et montrée son apport de valeurs aux projets.
Cette méthode prône un système visuel principalement connu pour sa
représentation en tableau de gestion de l’avancement des tâches. Elle
consiste à découper un projet en plusieurs tâches et à chaque acteur d’en
suivre son évolution. Elle peut être utilisée pour installer une nouvelle
organisation ou bien pour un projet spécifique au travail.
7
Cependant, il ne faut pas confondre faire de l’agile (appliquer les
méthodes comme celle de Kanban par exemple) et être agile (valeurs, état
d’esprit…). En effet, faire de l’agile est relativement simple, il suffit de
choisir une méthode et de l’appliquer tout bêtement. Quant au terme être
agile, lui signifie que tous les acteurs sont engagés et comprennent
l’intention derrière chaque rôle. Être agile est essentiellement
un changement de comportement individuel et collectif encore mindset
change. Un changement d’habitude et de culture ne se fait qu’en ancrant
de nouvelles méthodes et s’avère donc bien plus long que de faire de
l’agile.
En général, faire évoluer ses habitudes managériales n’est pas une
démarche évidente. Néanmoins, il est conseillé d’apporter de nouvelles
pratiques visant à mettre un terme à la routine professionnelle. Ces
innovations managériales sont de véritables enjeux stratégiques et
apportent un regain d’énergie et du renouveau dans l’engagement et la
productivité des équipes. Le manager pourra proposer à ses
collaborateurs de toutes les échelles que ce soit aux nouvelles formes de
management pour recréer du lien entre les différentes couches de
l’entreprise. Les explications relatives à la quête de la modernité
entrepreneuriale interne seront nécessaire. À travers cette démarche, les
managers montrent leur capacité d’empathie et de proximité avec leurs
collaborateurs.
Les tendances du management en cet ère de la COVID 19 ne se limitent
pas à des postures mentionnées plus haut. Il existe également de
nombreuses autres méthodes pour apporter motivation et bien-être aux
employés. Le télétravail, les horaires aménagés ou encore un espace de
travail chaleureux booste la performance des équipes. Les managers
feront attention à ne pas changer le management interne sans une
analyse profonde de l’entreprise ; mais il faudra envisager
un changement progressif pour laisser le temps aux employés de
comprendre et de s’impliquer aux projets.
En ce mois de Juin 2022, le volume 22, série 3 aborde des sujets variés qui
affectent les organisations africaines dans leur ensemble.
Pr Gérard Tchouassi, Mr Serge Fridolin Temfack, et Dr Chrysleine
Chantale Kamga Kamga sur le thème sur : ‘L’émergence des nouveaux
emplois en contexte COVID-19 au Cameroun: de déterminants
qualitatifs’ consiste à mettre en évidence les déterminants qualitatifs des
nouveaux emplois sur le marché du travail camerounais en contexte de
Covid-19. Une enquête exploratoire a permis de regrouper ces emplois
8
en trois grandes catégories en fonction de leur vulnérabilité à la maladie :
anciens et trop risqués, anciens et risqués ainsi que nouveaux et trop
risqués. Les résultats obtenus montrent que les métiers les plus
demandés et offerts sur le marché du travail camerounais sont des
emplois de front office. Les travailleurs sont dans une grande majorité
constitués des femmes et des jeunes qui outre la vulnérabilité sanitaire,
occupent des emplois essentiellement informels et sans protection
sociale.
L’article ayant comme thème : Marketing des parties prenantes inversé et
performance économique de l’entreprise, rédigé par Dr Ambassa
Bikoun Pierre a pour objectif de mettre en lumière les relations qui
existent entre le type d’entreprise et les variables inhérentes à la pratique
du marketing des parties prenantes. Se basant sur la littérature, une
recherche quantitative a été menée et des questionnaires administrés aux
entreprises camerounaises. Les résultats montrent que le niveau
d’influence des pratiques marketing sur les catégories des parties
prenantes, le mode de management des parties prenantes, le degré
d’orientation parties prenantes, la nature et l’intensité des pratiques
marketing envers les parties prenantes et le degré d’intégration des
exigences de développement durable dépendent de la taille de
l’entreprise. Il existe également une relation entre la culture d’entreprise
et l’influence des pratiques marketing sur les parties prenantes primaires
et secondaires, le mode de management des parties prenantes et le degré
d’orientation parties prenantes.
L’article de Dr Ateba Jean Claude est basé sur une étude de cas sur
l’entrepreneuriat féminin au Cameroun, avec l’accent sur le CEC-PROM
MATURE ou la société coopérative d’épargne et de crédit des
Promotrices Matures. Cette coopérative a été créée en mai 1997 dans le
cadre d’un programme bilatéral de coopération entre les gouvernements
du Cameroun et du Canada à travers le financement de l’Agence
Canadienne de Développement International (ACDI) et l’appui
technique de l’Organisation Canadienne pour la Solidarité et le
Développement (OSCD). La CEC-PROM MATURE est constituée sous la
forme de société coopérative avec un Conseil d’Administration.
Basé sur sa thèse de doctorat PhD, l’article de Dr. Abakar Souleymane a
pour objectif général de déterminer les effets de l’action de la Cellule
Permanente du Mécanisme de Suivi de la Réunion Sectorielle sur le
9
Développement Rural (MSRSDR) au Tchad et, plus exactement à travers
le prisme de l’appropriation des projets de développement rural par
leurs bénéficiaires finaux. Telle est la préoccupation centrale de ce travail
de thèse. Elle s’insère dans le cadre de l’étude plus globale des défis et
enjeux du développement rural au Tchad en mobilisant, notamment, les
cadres théoriques de l’économie rurale, du développement rural et de
l’évaluation des projets et programmes de développement.
Essentiellement axé sur une analyse descriptive permettant de montrer
et de résumer les réalités du secteur rural d'une manière significative, le
travail recoure à deux principales démarches. Tout d’abord, une analyse
descriptive du secteur rural du Tchad avec ses différents sous-secteurs.
Ce qui a permis d’en dégager les potentialités, mais également les
contraintes et, surtout, de voir que l’économie du pays est
essentiellement agropastorale. Le secteur rural reste le moteur de
l’économie nationale. Il contribue, en moyenne, pour 40% à la formation
du PIB, et occupe 80% de la population tchadienne. Les contributions
spécifiques des sous-secteurs représentent, respectivement, 20,2% du
PIB, pour les cultures vivrières ; 3,7% du PIB, pour les cultures
industrielles ; 11,6% du PIB, pour l’élevage, et 2,8% du PIB, pour la
sylviculture et la pêche. De leur côté, les exportations du pays reposent à
80% sur le secteur rural.
Ensuite, sur la base des enquêtes de terrain réalisées par la Cellule
Permanente/MSRSDR en 2020 et 2021, il s’est agi de mettre en évidence
les effets de l’action de de ladite Cellule par le prisme de l’analyse de
l’appropriation, par les bénéficiaires finaux, des projets de
développement rural dans les grandes régions géographiques du Tchad.
Les résultats suggèrent à la fois, que :
– toutes les dimensions de l’appropriation, par les populations, des
projets de développement n’ont pas toujours réellement été prises
en compte (reconnaissance, participation, recours aux organisations
paysannes et à des opérateurs de terrain pour la mise en œuvre des
politiques de développement) ; et que
– des facteurs importants contribuant à l’appropriation (de la
genèse/conception des projets à l’auto-responsabilisation/diffusion
des acquis des projets, en passant par la planification/exécution et,
la clôture/transfert des extrants) n’ont pas été complètement
intégrés dans toutes les grandes zones géographiques du Tchad
(zone Soudanienne, zone Saharienne et zone Sahélienne). De sorte
que les effets de l’action des projets apparaissent globalement
mitigés.
10
Même si un certain nombre de mesures sont désormais en place (en
termes d’organisation, de gestion, ….) au niveau de la Cellule de Suivi,
par exemple, pour essayer de lutter désormais contre ces biais et
certaines incohérences, l’étude propose également quelques
recommandations portant à la fois, sur la nécessité de la mise en place
effective de différents types de soutiens de la part des autorités et, celle
de rendre accessible et compréhensible au niveau de la base, le contenu
des orientations politiques en matière de développement et leurs
instruments de mise en œuvre que sont les programmes et projets.
Au nom du comité éditorial, mes sincères remerciements à tous les
contributeurs et à leurs institutions respectives, et une bonne lecture à
tous.
Nous vous remercions de bien vouloir envoyer vos contributions au plus
tard le 30 Juillet 2022 et commentaires par courriel aux adresses
suivantes: ndediaa@gmail.com (Professeur Alain Ndedi) et
manuscrit.tma@gmail.com (secrétariat)
Prof. Dr. Alain Ndedi
11
L’EMERGENCE DES NOUVEAUX EMPLOIS EN CONTEXTE
COVID-19 AU CAMEROUN : DES DETERMINANTS QUALITATIFS
(THE EMERGENCE OF NEW JOBS IN THE COVID-19 CONTEXT IN
CAMEROON: QUALITATIVE DETERMINANTS) 1
Pr Tchouassi Gérard2,
Université de Yaoundé II, Soa, Cameroun,
tchouassigerard@yahoo.fr
M. Temfack Serge Fridolin,
Doctorant, Université de Dschang, Cameroun,
serge.temfack@gmail.com
Dr Kamga Kamga Chrysleine Chantale,
Université de Yaoundé II, Soa, Cameroun,
chantalekamgakamga@yahoo.fr
Résumé
L’objectif de cet article consiste à mettre en évidence les déterminants
qualitatifs des nouveaux emplois sur le marché du travail camerounais
en contexte de Covid-19. Une enquête exploratoire a permis de
regrouper ces emplois en trois grandes catégories en fonction de leur
vulnérabilité à la maladie : anciens et trop risqués, anciens et risqués
ainsi que nouveaux et trop risqués. Les résultats obtenus montrent que
les métiers les plus demandés et offerts sur le marché du travail
camerounais sont des emplois de front office. Les travailleurs sont dans
une grande majorité constitués des femmes et des jeunes qui outre la
vulnérabilité sanitaire, occupent des emplois essentiellement informels et
sans protection sociale.
Mots clés : Innovation, Capital humain, Emplois, Vulnérabilités, Marché
du travail, Covid-19.
Abstract
The objective of this article is to highlight the qualitative determinants of
new jobs on the Cameroonian labour market in the context of Covid-19.
An exploratory survey made it possible to group these jobs into three
broad categories according to their vulnerability to the disease: old and
too risky, old and risky as well as new and too risky. The results
obtained show that the occupations most in demand and offered on the
1Cet article est un extrait d’une recherche en cours sur le thème « Effets de la pandémie de Covid-19
sur le marché du travail au Cameroun ». Les résultats préliminaires ont fait l’objet de publications
dont Tchouassi, Temfack, Kamga Kamga,. (2020a ; 2020b).
2Les auteurs expriment leur gratitude aux évaluateurs anonymes pour leurs remarques et suggestions
qui ont permis d’améliorer la version antérieure du texte. Les erreurs qui subsisteraient, ne sauraient
leur être imputées.
12
Cameroonian labour market are front office jobs. The vast majority of
workers are made up of women and young people who, in addition to
health vulnerability, occupy essentially informal jobs without social
protection.
Keywords: Innovation, Human capital, Jobs, Vulnerabilities, Labour
market, Covid-19.
INTRODUCTION
La maladie infectieuse qui est apparue depuis 2019 dans la province du
Hubei et plus précisément dans ville de Wuhan en Chine, est liée au
virus de la famille des coronaviridoe, le Sars-cov 2 (Covid-19). Elle s’est
propagée de manière rapide à travers le monde au point de devenir un
choc pour les économies. La crise sanitaire revêt à la fois des formes
économique, énergétique et sociale qui affecte l’ensemble des secteurs
d’activité et la demande du marché de travail camerounais ont été de
prime abord, touchées par les décisions administratives de restrictions
des déplacements et des activités. De plus, la généralisation des mesures
gouvernementales à travers la sous-région en particulier a contribué à
exposer grandement à la fois les emplois dans le secteur formel de
l’hébergement, la restauration et des services ainsi que dans le secteur
informel (commerce de détail et de vente des denrées alimentaires).
Cette situation inédite a des incidences aussi bien sur l’aggravation du
taux de chômage au sein de la population active que sur les jeunes
diplômés, au déclin de l’activité économique et sur les fermetures des
petites et moyennes entreprises (PME).
A l’inverse des travailleurs du secteur public et des grandes entreprises
du secteur privé qui disposent du maintien de leur salaire, de la
protection sociale, des congés techniques et de l’innovation
technologique (télétravail), les travailleurs des PME font face depuis une
année, à l’absence des dispositifs analogues. Dans un contexte où le
marché du travail est essentiellement dominé par le secteur informel qui
absorbe la majorité de la masse salariale, cette crise sanitaire affecte aussi
bien les métiers en zone urbaine qu’en zone rurale et peut modifier
d’une manière profonde la politique du travail en vigueur depuis le
siècle dernier.
Au sens littéral, un métier désigne de facto à une occupation humaine à
but lucratif dont un travailleur tire ses moyens d’existence. Il est
important de ne pas faire une confusion à une activité qui renvoie plus à
un processus qui permet d’aboutir soit à la mise à disposition d’un
service soit à la production d’un bien à partir des intrants. La crise
13
sanitaire a certes une externalité négative sur l’ensemble des activités
économiques et sur la dynamique entrepreneuriale. Au moment où
l’ensemble des économies de la planète renforce graduellement les
mesures de confinement qui apparaissent de plus en plus comme des
freins à la croissance économique, il est certain que cette crise sanitaire
actuelle aura à coup sûr des conséquences en termes de faillites
d’entreprises, de pertes d’emplois et donc d’aggravation du chômage, de
sous-emploi et même génératrice de troubles sociaux pour le Programme
des Nations Unies pour le Développement (PNUD, 2020). Cependant,
elle s’est révélée aussi comme une source d’opportunités à travers la
création et le développement de métiers nouveaux.
Très peu de travaux ont abordé la question de choc sanitaire comme
étant une opportunité pour de nouveaux métiers sur le marché du travail
(Tchouassi, Temfack, Kamga Kamga, 2020a ; 2020b). De ce fait, comment
en pleine crise sanitaire expliquer la création et la mise en place de
nouveaux métiers sur le marché du travail camerounais? Quels sont les
caractéristiques de ces métiers en contexte de crise ? Quels sont les
secteurs d’activités qui deviennent de nouvelles niches d’emploi ?
L’objectif de ce chapitre consiste à en évidence les déterminants
qualitatifs des nouveaux métiers sur le marché du travail camerounais
dans un contexte de Covid-19. Nous avons utilisé une enquête
exploratoire à travers des entretiens semi-directifs auprès de 500
travailleurs issus des segments du marché du travail formel et informel.
La collecte de données a été effectuée tout au long du mois de juin 2020
dans les différents arrondissements de la ville de Yaoundé. Les questions
portaient sur l’ancienneté, la nouveauté, le degré de vulnérabilité, le
degré de risques, la formalité et l’informalité des métiers en période de
Covid-19. Le présent chapitre comprend trois parties. La première
section permettra de dévoiler le cadre théorique de ces nouveaux métiers
qui repose sur l’innovation et le capital humain. La seconde section
dévoilera ces métiers naissants dans divers domaines sur le marché du
travail en contexte de choc sanitaire. La troisième section analysera une
diversité des emplois sous le prisme de leur vulnérabilité au Covid-19.
2. ESQUISSE DES NOUVEAUX METIERS DU COVID 19 AU
CAMEROUN
2.1 Un cadre théorique fondé sur l’innovation et le capital humain
Les fondements théoriques de l’émergence de nouveaux métiers sur le
marché du travail se basent essentiellement sur les apports théoriques de
l’innovation de Schumpeter (1934 ; 1939) et du capital humain (Schultz,
14
1961 ; Arrow, 1963 ; Becker, 1964) fondés sur l’individualisme
méthodique et l’hypothèse d’une information parfaite. Ces métiers
résultent particulièrement de l’application des innovations dont la crise
sanitaire a contribué à mettre en évidence leur importance sur le marché
du travail. Schumpeter (1934 ; 1939) a été le tout premier économiste à
apporter un éclairage relativement spécifique qui s’impose encore
aujourd’hui et qui fait de lui « le théoricien le plus novateur du siècle et
le plus stimulant en matière de recherche sur l’innovation » (Blondel,
2002 : 134 ; Levesque, 2005 : 6). En effet, en établissant une corrélation
entre le processus d’innovation et l’entrepreneur, il a réussi à proposer
une typologie d’innovations : nouveau produit, nouveau procédé,
nouveau débouché et nouvelle source de matières premières qui ouvre
ainsi de nouvelles perspectives de développement du marché du travail.
L’éducation et la formation jouent incontestable un rôle de pivot dans le
développement du marché du travail. Schultz (1961) a eu à identifier
cinq sources de production susceptibles d’améliorer le capital humain :
le système éducatif, les infrastructures de santé, les programmes
d’études et de formation pour les adultes organisés par les entreprises et
la migration des individus pour saisir les opportunités d’emploi. Pour
Becker (1964), chaque individu intervient sur le marché de travail avec
un stock de capital immatériel (formation, dons personnels et innés) qu’il
peut augmenter par des investissements en éducation lui permettant
d’accroître ses connaissances et d’améliorer ses compétences en vue de
garantir un meilleur accès à un métier mieux rémunéré. Son analyse
suppose alors une rationalité des agents économiques sur les coûts
d’opportunités qui sont générés dans la mesure où ils abandonnent un
métier pour se lancer dans l’apprentissage pour acquérir de nouvelles
compétences. Les travaux de Romer (1986 ; 1990), Lucas (1988) ainsi que
ceux de Mankiw et al. (1992) ont eu à favoriser l’émergence de nouvelles
théories de croissance endogène qui ont mis en évidence la forte
corrélation du capital humain sur la croissance économique.
2.2Des métiers informels en hausse
Depuis son accession à l’indépendance, le Cameroun a eu à traverser
différentes crises économiques et chocs exogènes conjugués au poids de
sa démographie qui ont eu une influence certaine sur le niveau de
déstructuration de son marché du travail. Le marché du travail demeure
largement tributaire de trois principaux facteurs (économique,
démographique et social à l’exemple de l’exode rural) qui affectent son
fonctionnement. En effet, jadis soumis à une réglementation des grilles
15
salariales, l’adoption des politiques libérales ont permis de restreindre
l’action des pouvoirs publics sur le marché du travail (Adama, 2006) au
même titre que ceux des biens et des services marchands (Stambouli,
2000). L’absence de création d’emplois décents dans les secteurs public et
privé formels ainsi que la prépondérance des métiers informels
(Tchouassi et al., 2021) sont des données qui ne peuvent plus être
ignorées dans l’ensemble des économies en développement en général et
francophone en particulier (Ekamena Ntsama, 2016 ; Boudarbat et
Ndjaba, 2018).
Bien que le taux de chômage soit calculé selon la méthode de
l’organisation internationale du travail, il s’avère inapproprié pour
mesure l’efficacité du marché du travail en Afrique (Mbaye et Gueye,
2018). Selon la Banque mondiale, bien que le taux de chômage au
Cameroun soit estimé à 4,3%, il contraste avec celui des jeunes qui
tourne autour de 8,9% alors que le taux d’activité est de 76,2%. Cette
situation pour la Banque Africaine de développement (2015 ; 2020)
génère des conséquences non seulement sur la croissance économique,
mais aussi sur la pauvreté et sur les inégalités. De ce fait, l’Institut
National de la Statistique (INS, 2011) estime que 90% de la population
active occupent des emplois informels dans les PME. Pour Vérez (1998 ;
2014), ce paradoxe peut s’expliquer par la persistance des activités de
sous-traitance des firmes multinationales installées dans les secteurs à
faible intensité capitalistiques sur le territoire camerounais.
Pour le Bureau International du Travail (BIT, 2003), le secteur informel
rassemble des unités économiques non agricoles qui appartiennent en
tant qu’entreprises individuelles, au secteur institutionnel des ménages.
Par conséquent, ils ne tiennent pas de comptabilité complète et la
personnalité juridique est confondue avec celle des ménages (Bellache et
al., 2014). L’analyse de la crise militaro-politique à Abidjan sur le marché
du travail a montré que cette situation avait eu une influence sur la
baisse des embauches, l’augmentation des licenciements et des
fermetures d’entreprises avec comme corolaire, l’aggravation de la
pauvreté. Le secteur informel serait comme un amortisseur à la hausse
du chômage en captant l’ensemble des métiers non déclarés et
souterrains qui entrent en considération dans la production marchande
(Hugon, 1980 ; Konan 2014). Par ailleurs, l’inefficacité des politiques
publiques dans le domaine de l’emploi est un facteur non négligeable
face à l’ampleur de ce phénomène (Tchagneno Tene, 2011).
De manière générale, si la crise sanitaire a mis à mal de nombreux
métiers traditionnels, la situation n’a pas été identique pour les métiers
16
issus en grande partie du digital qui connaissent une forte croissance
dans des domaines assez variés non seulement sur le plan économique,
mais aussi sur le marché du travail. Dans le e-commerce par exemple, du
côté de l’offre, de nombreux métiers se sont développés autour des
entreprises dites pure players. Pour ces entreprises, les activités
principales sont menées essentiellement sur les supports virtuels (e-Bay,
Amazon, etc.). Celles-ci ont eu une incidence positive sur le
développement des métiers nouveaux au sein des grandes enseignes qui,
en plus des activités traditionnelles dans leurs points de vente habituelle,
ont été en mesure de développer des activités complémentaires de
livraison (drive) pour les supermarchés et de coursier pour la
restauration. Des métiers tournant essentiellement autour des nouvelles
technologies (webmarketing, animateurs, etc.) sont en augmentation
auprès des commerçants désireux d’accroître leur visibilité en ligne (brick
and click). Plusieurs métiers indépendants sont dans ce créneau
d’activités.
2.3Les nouveaux métiers existants et naissants en contexte de crise
sanitaire
2.3.1 Typologie de métiers en fonction de la vulnérabilité au Covid-19
L’analyse de l’offre et de la demande sur le marché du travail n’est pas
nouvelle. Lachaud (1994) avait eu à mettre en évidence quatre groupes
d’emplois. Il opérait une distinction entre les emplois salariés protégés,
les emplois indépendants médiocres avec un salaire inférieur, sans
contrôle de travail et sans protection sociale(apprentis dans le secteur
informel), les emplois indépendants vulnérables dont les travailleurs
sont en dessous du seuil minimum de capital productif pour profiter des
opportunités économiques et les emplois indépendants non vulnérables
occupés par les travailleurs dont le capital productif est supérieur au
seuil minimum pour résister aux chocs adverses et profiter des
opportunités économiques. A sa suite, Flamand et al. (2020) ont proposé
une typologie de cinq métiers dont la crise sanitaire du Covid-19 peut
contribuer à exposer les travailleurs à différentes formes de
vulnérabilités (économique, des conditions de vie et conditions de
travail).
La première catégorie concerne les métiers considérés comme toujours
vulnérables à cause du fait qu’ils prennent en compte des activités qui ne
peuvent pas être menées à distance et dont les statuts des employeurs et
des employés sont précaires. Ces métiers, sont exercés de manière
générale par les artisans et les femmes (commerce de détails et de
17
denrées alimentaires) dans les marchés et leur vulnérabilité est surtout
économique. Cette situation particulière est due à la précarité de ces
métiers d’une part, et à l’absence d’un statut susceptible de protéger ces
travailleurs d’autre part.
La seconde catégorie prend en considération les métiers dont la
pandémie en cours contribue à les rendre vulnérables. Ce sont des
métiers qui exposent directement les travailleurs aux demandeurs de
services. Les mesures gouvernementales prises pour restreindre les
niveaux de contaminations affectent plus cette catégorie
socioprofessionnelle. Ce sont par exemple les métiers dans le domaine de
l’hôtellerie, du transport, de la restauration, du spectacle et du sport. La
vulnérabilité économique de ces autoentrepreneurs pour la plupart, est
davantage renforcée durant les périodes de confinement, par
l’incertitude engendrée par la crise sanitaire et par l’absence des mesures
d’accompagnement technique et financier de la part des pouvoirs
publics.
La troisième catégorie prend en compte les groupes de métiers dont les
travailleurs sont en première ligne dans la lutte contre la pandémie. Ce
sont les métiers qui rassemblent les services publics et privés dans les
domaines de la santé, de l’enlèvement des ordures, des forces de
maintien de l’ordre (gendarmerie et police) et de l’éducation. Les
changements apportés dans les conditions de travail contribuent à
accentuer la vulnérabilité des conditions de travail de ces travailleurs.
Les contacts permanents avec le public dans le cadre de
l’accomplissement de leurs missions accroissent les risques de
contamination de ces cibles malgré la sécurité qu’apporte la
rémunération de leur activité. L’accroissement des heures de travail est
susceptible d’avoir une incidence sur le physique et le psychique des
travailleurs de ces corps de métiers. Les femmes qui sont majoritaires
dans les secteurs de la santé et de l’éducation sont davantage vulnérables
à cette pandémie en comparaison aux dont les risques d’exposition sont
plus faibles. De plus ces travailleurs ont eu à faire durant les premiers
mois de la pandémie à l’absence de matériel de travail et dans les mois
qui ont suivis, au relâchement des mesures barrières par les demandeurs
de services. Cette catégorie est plus en proie à une augmentation de leur
charge de travail en termes d’heures supplémentaires.
La quatrième catégorie regroupe les métiers dans le secteur formel. Les
travailleurs dans ces domaines sont généralement des cadres qui ont une
bonne maîtrise de l’outil informatique. Durant le confinement, ils ont été
contraints de télétravailler depuis leur domicile pour assurer la
18
continuité du travail. La vulnérabilité qui affecte ces métiers est
essentiellement due aux conditions de vie. De ce fait, ces travailleurs
cumulent des heures de travail supplémentaires qui engendrent des
perturbations susceptibles d’affecter à la fois leur vie familiale et sociale.
Pour mener ces activités, les travailleurs devront disposer non seulement
d’un ordinateur et de l’électricité, mais aussi d’une connexion internet
pour pouvoir travailler dans des conditions optimales.
La cinquième et dernière catégorie rassemble les métiers qui prennent en
considération les professions intermédiaires, des jeunes en début de
carrière, des techniciens et les emplois qualifiés. Ces travailleurs sont
souvent en inactivité et sont protégés des procédures de licenciement à
court terme grâce à leur statut. Toutefois, les risques auxquels ils sont
particulièrement exposés durant cette crise sanitaire peuvent résulter
principalement de leur éloignement de leur lieu de travail.
2.4 Les métiers les plus demandés et offerts en contexte de Covid-19
Ces métiers sont nombreux et variés. La crise sanitaire a mis en évidence
un besoin en effectif dans le domaine de la santé. Pour faciliter les tests
de laboratoire, le métier de techniciens s’est révélé indispensable pour
assurer la disponibilité des résultats de dépistage dans les délais rapides.
De plus, le métier de préparateur en pharmacie est très demandé pour
arranger les commandes des clients. L’importance des recrutements dans
les métiers comme ceux de secrétaires médicales dans les professions
libérales de santé sont en nette augmentation. Pour les patients qui ne
désirent pas solliciter les hôpitaux publics, les secrétaires médicales
jouent un rôle indispensable dans l’ouverture et la mise à jour des
dossiers médicaux afin de permettre au médecin de travailler en toute
quiétude.
Le métier des urgentistes (ambulanciers, personnel de pompes funèbres,
personnel d’entretien, personnel d’hygiène et assainissement) a connu
une hausse sur le marché du travail durant la pandémie. Les
ambulanciers ont ainsi permis d’assurer le transfert rapide des malades
vers les centres de soins spécialisés. Les offres en travail pour les agents
de morgue et des services rattachés qui comportent les agents en charge
de creuser les tombes et les agents en charge de l’enterrement sont aussi
en augmentation en raison des besoins immédiats dans la préparation
des corps pour inhumation. Le choc sanitaire a accéléré les recrutements
dans les services communaux d’hygiène et d’assainissement. Pour ces
métiers qui étaient quasi délaissés depuis la fin des années 1980 dans un
contexte de crise économique, les missions des agents prennent en
19
considération la désinfection des bâtiments publics, les centres
hospitaliers, les espaces commerciaux et les grandes avenues. Ces
métiers permettent ainsi d’apporter une solution à l’information
incomplète qui est au cœur des problèmes de production et d’allocation
des biens et des services en matière de santé. Cette situation s’explique
par le coût élevé d’accès à l’information dans les hôpitaux en
comparaison à la plupart des marchés (Rochaix, 1997). La pandémie de
Covid-19 a contribué à mettre à jour l’asymétrie d’information comme
concept clé à l’analyse du système de santé. Arrow (1963) qui a été le
véritable précurseur dans cette relecture de l’économie de la santé, avait
mis en avant l’asymétrie d’information entre les professionnels de santé
et les usagers. À ce jour, la crise sanitaire a contribué à accentuer cette
asymétrie d’information entre le corps médical et les usagers. Ce qui a eu
pour conséquence, l’éloignement progressif des usagers des formations
sanitaires. Pour réduire cette tendance, le Gouvernement mobilise la
théorie des contrats implicites de travail qui a été développé par
Holmström (1983). Elle permet de garantir une sécurité de l’emploi et de
salaire aux travailleurs en vue de garantir une certaine avance sur la
concurrence. Les stratégies de court terme et la crainte de passage des
employés à la concurrence à l’issue des formations militent en faveur de
l’attrait pour ces métiers en période de pandémie.
Le domaine de la sécurité a été également sollicité en permanence durant
cette crise sanitaire. Au-delà de leurs missions premières qui consistent à
assurer la sécurité des bâtiments, des personnes et des biens, le travail
des agents de sécurité a été élargi au respect des règles d’hygiène
barrières. Ainsi le respect des mesures édictées telles que la prise de
température, le port du masque, le respect de la distanciation et le lavage
des mains entrent désormais dans leur cahier de charges. Par ailleurs, le
métier de policier est aussi demandé pour assurer la sécurité et le service
public. Les travailleurs dans ce secteur d’activité ont eu à exercer durant
de nombreuses heures pour assurer le respect des mesures barrières.
Dans le domaine du commerce, les métiers d’employés de mise en rayon,
de responsables d’entrepôt, de caissières, de préparateurs de commandes
et de coursiers-livreurs sont de plus en plus sollicités sur le marché du
travail pour assurer la disponibilité des biens sur les étals et à domicile
pour les clients. Cependant, la particularité du préparateur consiste à
répondre aux commandes des clients non présents qui ont effectué des
achats en ligne. La crise sanitaire est venue exacerber un marché du
travail camerounais qui était déjà victime de l’existence d’un taux de
chômage élevé combiné à des rigidités institutionnelles. Ce qui contribue
20
à rendre ce marché du travail imparfait. Malgré leur faible rémunération,
il a été constaté que ces secteurs d’activités ont eu à bénéficier des primes
de la part de leur employeur. Ces incitations ont contribué à
l’augmentation de la demande de travail pour ces métiers dans les
domaines agroalimentaires.
Dans le domaine de l’entretien, les métiers d’éboueurs, d’agents
d’entretien, de balayeurs de rue sont aussi demandés sur le marché du
travail. Ces travailleurs contribuent à garder en état de propreté les
espaces internes et externes dont ils ont la charge. De plus, les opérateurs
de mobile banking procèdent à la recharge des crédits de téléphones,
procèdent à l’envoi et au retrait d’argent à distance et à la distribution
des crédits internet. Ils prennent sur eux de manipuler de l’argent pour
le compte des clients. À cause de la pandémie, les coursiers
d’administration servent de relais entre les différentes administrations
pour assurer la bonne marche des services publics.
Le confinement a contribué à mettre en évidence des problèmes
économiques et sociaux des ménages. De ce fait, les métiers de
travailleurs sociaux sont recherchés pour permettre aux familles en
difficulté et aux personnes vulnérables sur le plan économique du fait de
la perte de leur emploi de se relever à travers la recherche des solutions
idoines. Pour assurer la disponibilité de biens dans les zones urbaines,
interurbaines et rurales, le métier de chauffeur s’est avéré indispensable
durant la crise sanitaire. Ce métier est indispensable pour assurer la
liaison entre les territoires. Plus le chauffeur est en contact avec la
clientèle, plus sa vulnérabilité à la crise sanitaire est importante. Dans le
domaine de la restauration, le métier de serveurs a été beaucoup sollicité
durant la crise sanitaire. Ces derniers sont plus souvent dans le secteur
informel.
En perspective, la revalorisation des métiers considérés comme essentiels
pour satisfaire les besoins individuels et collectifs dans les métiers
manuels, agricoles, de l’artisanat, du care, de la sécurité, du travail social
est très fréquemment désirée. Pour financer ces mesures de
revalorisation et ainsi réduire les écarts de salaire, des idées de réduction
des salaires les plus élevés peuvent être envisagées.
Les formations techniques et manuelles sont également encouragées
pour assurer la reconversion vers ces métiers essentiels tout en
soulignant la nécessité d’améliorer la qualité des emplois dans chaque
domaine d’activités en termes de salaire, conditions de travail, carrière,
sécurité de l'emploi. S’agissant des reconversions professionnelles, il est
nécessaire pour les offreurs de travail d’améliorer les conditions
21
d’accompagnement des travailleurs vers des domaines de métiers plus
sûrs. Par ailleurs, de nombreuses idées plaident pour une autre vision de
l’entreprise, inspirée souvent par l’économie sociale et solidaire,
impliquant une responsabilité et une redevabilité accrue des entreprises
à l’égard de leurs salariés mais aussi de leur environnement et de la
société en général. Mais là où certains prônent le volontariat pour
amorcer cette nouvelle vision de l’entreprise dans la logique de la
responsabilité sociétale des entreprises (RSE), d’autres au contraire
souhaitent que de nouvelles obligations contraignent les entreprises à
adopter cette vision (évolution du Code civil, nouvelles normes
comptables, conditionnalité des aides et soutiens publics, etc.).
En dehors des métiers les plus demandés sur le marché du travail, il
existe des emplois qui, durant cette situation sanitaire inédite ont eu à
muter. Du côté de l’offre, les secteurs de l’agroalimentaire, du textile et
de la santé se sont considérablement déployés pour couvrir les besoins
les plus urgents de la population. Dans le domaine de l’agroalimentaire
et de la restauration, des métiers de livreurs à domicile ont dû être créés
pour rester en contact avec une clientèle confinée. Des plateformes
permettant de prendre des commandes qui fonctionnaient timidement
sont en plein essor. Dans les grandes entreprises, des nouveaux métiers
de référent Covid-19 ont vu le jour pour travailler à la facilitation de
nouvelles pratiques managériales et optimiser la relation avec la
clientèle.
3 ANALYSE DES RESULTATS : DIVERSITES DES METIERS FACE
AU COVID 19
Des résultats de l’enquête exploratoire révèlent une diversité de métiers
nouveaux dans l’univers des PME en contexte de Covid-19. Une analyse
de leur degré de vulnérabilité a été effectuée en fonction : de leur
ancienneté, de leur nouveauté et du niveau de risques, ce qui a permis
d’établir trois grands niveaux de vulnérabilités.
3.1 Les métiers anciens et trop risqués
Ils le sont en raison d’une forte exposition des travailleurs aux risques de
contamination au virus du Covid-19. Dans cette catégorie, l’on retrouve
les métiers qui sont anciens et dont les risques des travailleurs sont plus
importants. Cette vulnérabilité est accrue à cause à la fois des conditions
de travail, des contraintes psychologiques et physiques du métier, les
contraintes horaires combinées à la crise sanitaire qui font craindre des
risques de burn out (état d’épuisement physique, émotionnel et mental lié
22
à une dégradation du rapport d’une personne à son travail) aux acteurs
de ces métiers. Ce sont des métiers qui s’exercent à la fois dans les
espaces ouverts comme ceux d’agents d’entretiens, d’éboueurs et de
colporteurs d’une part et aussi dans des espaces plus restreints à
l’exemple des métiers de cambistes, d’échoppiers, de caissières et de
transporteurs interurbains d’autre part. Par ailleurs, il y a les métiers de
services à la personne qui prennent en compte les animateurs de
discothèques et de bar dancing, serveuses, les secteurs de la coiffure, de la
restauration et de la librairie de rue. Pour 52% des répondants, la mise en
application des mesures gouvernementales a considérablement affecté
leur bon fonctionnement de leur marché ainsi que les demandes de
travail. Ce résultat est conforme aux travaux de Flamand et al. (2020) et
de Tchouassi et al., (2020a) qui montrent que la crise sanitaire a mis en
évidence des nouveaux métiers dits vulnérables.
3.2 Les métiers anciens et risqués
Dans cette seconde catégorie, l’on retrouve les métiers anciens dont les
risques de contagion au Covid-19 sont moindres. La vulnérabilité des
travailleurs est moins importante à cause de la spécificité particulière de
ces métiers en fonction des secteurs économiques dont ils appartiennent.
Dans un contexte de Covid-19, le niveau de sollicitation de ces métiers
est davantage important grâce aux opportunités économiques qu’ils
offrent aux différents bénéficiaires en termes de la limitation de
l’exposition des travailleurs et des offreurs d’emploi sur le marché du
travail. Ce sont les métiers en lien avec les Technologies de l’Information
et de la Communication (TIC) comme ceux d’électriciens, informaticiens
(Tchouassi et al., 2020b). Ce sont aussi des métiers de transports urbains
(chauffeurs de taxi, dépanneurs de véhicules). Ce secteur prend aussi les
métiers du bâtiment (charpentiers, ébénistes, maçons, plombiers,
carreleurs), les métiers de cordonnier et de couturiers ainsi que les
métiers agricoles (agriculteurs, maraîchers, semenciers, apiculteurs).
Ainsi, pour 29% des répondants, la pandémie n’a pas eu une incidence
considérable sur la demande de travail. Ce résultat démontre que ces
métiers sont quasi incontournables. Ils jouent un rôle crucial dans la
satisfaction des besoins des agents économiques.
3.3 Les métiers à la fois nouveaux et trop risqués
La particularité de cette catégorie de métiers réside sur la visibilité
nouvelle que la pandémie de Covid-19 a contribué à accroître leur
niveau de vulnérabilité en termes de risques élevés. La vulnérabilité de
23
ces métiers est ainsi accrue en raison de la grande exposition de ses
travailleurs dans le cadre de leur travail. La crise sanitaire a contribué à
aggraver aussi le statut précaire des travailleurs dans ces métiers
(Tchouassi et al., 2021). Parmi les métiers dans cette catégorie, il faut citer
les métiers d’agents de sécurité, de livreurs à domicile, d’opérateurs de
téléphonie mobile et de transfert par téléphonie mobile. En effet, les
restrictions de déplacements ont été une opportunité pour les opérateurs
dans la téléphonie mobile et de transfert. Ce sont ainsi 19% des
répondants pour qui la pandémie a été une source d’accessibilité au
marché du travail. Ce résultat est conforme aux travaux de Flamand et
al. (2020) qui montrent que la sortie de la période de confinement aura
une incidence positive sur les métiers qui sont à la fois anciens et
nouveaux.
Des métiers ont eu à muter durant cette crise. Il s’agit notamment de
celui de l’éducation. En effet, face à l’arrêt subit des cours, de
nombreuses écoles ont trouvé des astuces pour continuer à suivre les
milliers d’élèves à distance selon des méthodes variées. Cette situation
contribue uniquement au développement des emplois en milieu urbain
au détriment du milieu rural. En effet, cette situation peut accroître les
inégalités entre les différents territoires, affecter leur attractivité ainsi que
le développement local. Dans le secteur du textile et de la confection, la
principale usine de production de textile a été reconvertie pour assurer la
disponibilité des masques pour le personnel hospitalier durant cette
période de fermetures des frontières. En outre, des milliers de couturiers
ont débuté la production des masques en tissu pour les populations en
fonction des localités.
CONCLUSION
En définitive, cet article a permis de mettre en évidence les déterminants
qualitatifs des nouveaux métiers apparus sur le marché du travail
camerounais en contexte de Covid-19. L’enquête exploratoire a ressorti
que la majorité des métiers disponibles durant la crise sanitaire sont des
emplois informels. Par ailleurs, l’analyse du niveau de vulnérabilité des
travailleurs est plus fonction des déterminants qualitatifs qui sont :
l’ancienneté, la nouveauté, le niveau de risque du métier, le caractère
formel et informel de l’activité. Toutefois, il existe plus d’une vingtaine
de nouveaux métiers exercés le plus souvent par les femmes et les jeunes
sur le marché du travail camerounais. Ces métiers concernent les
emplois dans les domaines de la santé (soins, laboratoire, pharmacie,
pharmacopée traditionnelle), d’aide à la personne (conducteur, agent
24
d’entretien, agent de sécurité), commercial (caissier, vendeur,
distributeur /livreur à domicile) et des urgentistes (ambulanciers,
personnels des pompes funèbres, personnels d’entretien, d’hygiène et
assainissement).Outre, la vulnérabilité des travailleurs est exacerbée par
le fait que les postes de travail occupés ne correspondent pas à leur
niveau de formation initiale. Par ailleurs, la crise sanitaire laisserait
planer une incertitude en termes de risques d’inadaptation des
compétences ou encore de vulnérabilité sur les plans sanitaire et psycho
social. Le burn out pourrait toucher tous ces métiers des professions très
qualifiées aux professions très vulnérables qui ont affronté la crise
sanitaire en présentiel au contact de l’épidémie ou à distance pour en
gérer les conséquences et la reprise de l’activité. Pour relancer le marché
du travail et stopper les conséquences économiques et sociales de la
pandémie de Covid-19, l’accompagnement des acteurs aux nouveaux
métiers reste l’un des leviers dont dispose les pouvoirs publics.
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27
MARKETING DES PARTIES PRENANTES DANS L’INDUSTRIE
CAMEROUNAISE : UNE ETUDE COMPARATIVE DES PRATIQUES
DANS LES PMGE DES SECTEURS AGROALIMENTAIRE ET
OLEOCHIMIE
Dr Ambassa Bikoun Pierre
Chef, Division des Études et du
Développement de la SOPECAM
Email : pierreambassa@yahoo.fr
RESUME
L’objectif de cette étude est de mettre en lumière les relations qui existent
entre le type d’entreprise et les variables inhérentes à la pratique du
marketing des parties prenantes. Se basant sur la littérature, une
recherche quantitative a été menée et des questionnaires administrés aux
entreprises camerounaises. Les résultats montrent que le niveau
d’influence des pratiques marketing sur les catégories des parties
prenantes, le mode de management des parties prenantes, le degré
d’orientation parties prenantes, la nature et l’intensité des pratiques
marketing envers les parties prenantes et le degré d’intégration des
exigences de développement durable dépendent de la taille de
l’entreprise. Il existe également une relation entre la culture d’entreprise
et l’influence des pratiques marketing sur les parties prenantes primaires
et secondaires, le mode de management des parties prenantes et le degré
d’orientation parties prenantes.
Mots clés : Type d’entreprise, marketing des parties prenantes,
management des parties prenantes, nature des pratiques marketing,
développement durable.
ABSTRACT
The aim of this research is to highlight the existing relations between
type of enterprises and inherent variables of stakeholder’s marketing
practices. Based on a literature review, quantitative research based on
questionnaires implemented on Cameroonian firms. Results indicate that
the influence level of marketing practices on stakeholders’ categories, the
method of stakeholder management, the degree of stakeholder
orientation, the nature and the intensity of marketing practices towards
stakeholders’ and the degree of integration of sustainable development
exigencies depend of firm size. They also indicate that there is a relation
between firm culture and the level of influence of marketing practices on
primary and secondary stakeholders’, the method of stakeholder
management and the degree of stakeholder orientation.
28
Keywords: Type of the firm, stakeholder marketing, stakeholder
management, nature of marketing practices, sustainable development.
INTRODUCTION
Le marketing est une fonction qui a toujours eu pour but de protéger un
capital commercial ou « territoire » quelconque d’une entreprise (Dussart
et Nantel, 2007). Face à la mondialisation des marchés, à l’intensification
de la concurrence et aux changements brutaux et rapides de
l’environnement, le capital peut sembler plus volatile et très difficile à
protéger. Le rôle du marketing devrait donc être plus important et sa
place dans l’entreprise et la société déterminante. Les choses ont semblé
évoluer dans le sens inverse. Le rapport du Marketing Leadership
Council de 2001 relevait en effet que 70% des budgets de publicité des
entreprises étaient en déclin et que le marketing était là sur la ligne de
feu (Rust and al., 2004). Marion et Portier (2006) pensent à ce sujet que
les marketers contribuent eux-mêmes à restreindre leur horizon car ils
sont focalisés sur les gains à court terme, ils ne considèrent pas
l’ensemble de leurs parties prenantes en allant rarement au-delà de la
cible qu’ils visent sur le marché et ils ne mesurent pas assez la puissance
de leurs outils et de leur propre pouvoir. Ainsi, sur la base des analyses
des implications pour la performance de l’entreprise, de la théorie
marketing, des recherches empiriques et de la pratique du marketing,
Hillebrand, Driessen et Koll (2015) soutiennent qu’adopter le marketing
des parties prenantes aide à conquérir le territoire pour le marketing
dans l’académie et dans le business.
La littérature à date n’identifie pas encore de façon spécifique les
aptitudes et les capacités nécessaires aux entreprises pour mener des
opérations avec l’interrelation des parties prenantes (Hillebrand,
Driessen et Koll, 2015). Suivant ces mêmes auteurs, cette nouvelle
perspective, en association avec les aptitudes et capacités des firmes
pourrait ne pas être d’égale importance pour toutes les industries, toutes
les entreprises, toutes les directions ou toutes les activités marketing.
D’autres auteurs proposent aux marketers de ne plus restreindre leurs
recherches à l’étude des relations des entreprises avec un nombre limité
de parties prenantes pris individuellement, mais d’étendre ces
recherches à l’ensemble des parties prenantes en considérant
l’interrelation entre ces dernières (Hult and al., 2011 ; Maignan and
Ferrell, 2004 ; Ferrell and Ferrell, 2008 ; Bhattacharya and Korschun,
2008 ; Smith, Drumwrigth and Gentile, 2009 ; Ferrell and al., 2010).
29
D’autres enfin, comme Eric Arnould, proposent des programmes de
recherches en marketing en faveur du développement durable
particulièrement dans les pays en voie de développement, et appellent à
l’engagement des chercheurs pour produire des connaissances
actionnables (Béji-Bécheur et Ozcaglar-Toulouse, 2015). Notre étude
répond à ces différents appels, envisage d’apporter des réponses aux
questionnements soulevés et de combler le gap.
Elle apporte dans un premier temps des éclairages sur l’impact de la
taille de l’entreprise, du secteur d’activités, de la culture de l’entreprise et
du secteur économique sur le niveau d’influence des pratiques
marketing sur les différentes catégories de parties prenantes. Dans un
deuxième temps, elle permet de comprendre si l’adoption d’un mode de
management des parties prenantes, le degré d’orientation parties
prenantes de l’entreprise, la nature des pratiques marketing envers les
parties prenantes et l’intensité de ces pratiques dépendent
respectivement de la taille de l’entreprise, du secteur d’activités, de la
culture de l’entreprise et du secteur économique. Dans un troisième
temps enfin, améliore la connaissance sur la relation qui existe entre le
degré d’intégration des exigences de développement durable et la taille
de l’entreprise, le secteur d’activités, la culture de l’entreprise et le
secteur économique. Afin de mieux appréhender la nature des pratiques
marketing, elles ont été regroupées dans les trois catégories qui font
consensus et qui sont constitutive de toute démarche marketing (Pacitto,
Julien et Bizeul, 2007 ; Pacitto et Julien, 2007) à savoir la démarche de
segmentation, la démarche de positionnement et la recherche
d’information sur le marché.
Pour atteindre les objectifs de notre étude, nous passerons d’abord en
revue la littérature qui traitera des caractéristiques du marketing en
PMGE, du marketing des parties prenantes et du management des
parties prenantes. La deuxième partie permettra l’élaboration de
différentes hypothèses de notre recherche. La troisième partie traitera de
la méthodologie de notre recherche et la quatrième partie présentera les
résultats et la discussion.
1. REVUE DE LA LITTERATURE
I.1. Caractéristiques du marketing en PMGE
La classification des entreprises en différentes catégories (grandes,
moyennes, petites et toutes petites) est généralement basée sur les
critères de nombre d’employés et de chiffre d’affaires (Carson et Cromie,
1990). Des éléments comme les objectifs poursuivis et le style de
30
management permettent également de différentier les grandes
entreprises des petites (Carson et Cromie, 1990). Les grandes sont
caractérisées par une structure organisationnelle avec une hiérarchie de
prise de décision claire tandis que celle-ci est généralement de la
responsabilité unique de l’entrepreneur ou propriétaire dans la petite
entreprise (Walsh and Lipinski, 2009).
Dans le marketing, la littérature identifie de façon explicite des
différences significatives entre les pratiques marketing des grandes et
des petites et moyennes entreprises (Walsh and Lipinski, 2009 ; Carson et
Cromie, 1990 ; Coviello and Brodie, 2001 ; Pacitto, Julien et Bizeul, 2007 ;
Pacitto et Tordjman, 2000 ; O’Dwyer, Gilmore and Carson, 2009).
D’abord, la démarche marketing dans les petites et moyennes entreprises
n’est pas formelle et influente comme dans la grande entreprise. Le
manque de connaissances marketing, de temps, d’opportunités, de
moyens financiers, la régulation et la bureaucratie du gouvernement sont
autant de raisons évoquées par les responsables des petites et moyennes
entreprises pour cette présence insuffisante du marketing dans leur
structure (albertini et Fabiani, 2012 ; Sabil Hussein, 2019). Ensuite, la
fonction marketing est perçue dans les petites et moyennes entreprises
comme périphérique et est relative seulement aux ventes et à la
promotion (O’Dwyer, Gilmore and Carson, 2009). Les décisions
marketing y sont alors prises de manière hasardeuse, improvisée, non
structurée, non séquentielle, de façon spontanée et réactive (O’Dwyer
and Gilmore, 2009 ; Nakata, Benmoussa et Jaouen, 2014). Pour autant, ces
entreprises ne sont pas réticentes au marketing. Elles récusent la forme
élaborée dans les années 50 et en vogue dans les grandes entreprises, et
développent d’autres pratiques marketing notamment des relations
directes et soutenues avec les clients (Pacitto, Julien et Bizeul, 2007 ;
Pacitto et Julien, 2007). Quel que soit le type d’entreprise, le marketing,
de par son habilité à gérer l’incertitude, sa non substituabilité et son rôle
central dans l’impulsion et le maintien de l’orientation marché, de la
recherche et de la diffusion de l’information à l’ensemble des parties
prenantes, est dépositaire d’un pouvoir qui contribue à la performance
de l’entreprise (Auh and Merlo, 2011). Et le changement du rôle du
marketing dans l’entreprise suscite un intérêt de plus en plus croissant
depuis les années 1990, marquant ainsi son influence ou l’exercice de son
pouvoir dans le maintien en compétitivité de l’entreprise (Homburg,
Workman and Krohmer, 1999 ; Polge, 2000).
En effet, les petites comme les grandes entreprises évoluent de nos jours
dans un environnement rapidement changeant et très concurrentiel dans
31
lequel les demandes des consommateurs et autres acteurs du marché
sont de plus en plus croissantes (Polge, 2000 ; Kilenthong, Hultman and
Hills, 2016). Si le pouvoir de la fonction est en phase avec ces demandes
de son environnement, l’influence du marketing sera plus importante
dans les situations où sa contribution est critique pour le succès de
l’entreprise (Homburg, Workman and Krohmer, 1999). Le marketing
s’adapte alors aux exigences de l’environnement pour l’atteinte de ses
missions de performance, de développement des marchés et de bien-être
de la population.
I.2. Le marketing des parties prenantes
Selon Freeman, les stakehoders ou parties prenantes sont des groupes ou
individus qui peuvent affecter, ou être affectés, par l’accomplissement de
la mission organisationnelle (Labelle, 2003 ; Rawlins, 2006 ; Sobczak et
Berthoin Antal, 2010 ; Hillebrand, Driessen et Koll, 2015 ; Hult and al.,
2011 ; Damak-Ayadi et Pesqueux, 2003 ; Mullebach-Servayre, 2007). Pour
Didier Cazal (2011), la notion de partie prenante est devenue centrale
dans les analyses de la RSE, car elle est intuitivement intéressante et
séduisante et possède un incontestable pouvoir heuristique3. Elle se
présente comme un apport particulièrement intéressant pour la
modélisation de la responsabilité sociétale de l’entreprise (Mullenbach-
Servayre, 2007). Les entreprises opèrent en effet de nos jours dans un
environnement complexe où la licence d’opérer ne vient pas simplement
du gouvernement, mais de la diversité des parties prenantes ayant le
potentiel d’avoir un impact sur leur réputation et leur succès (Crittenden
and al., 2011). La théorie des parties prenantes permet alors d’intégrer
dans la stratégie de l’entreprise les intérêts des parties prenantes
(Mullenbach-Servayre, 2007). C’est une théorie du management
organisationnel et éthique (Phillips, Freeman et Wicks, 2003) qui
s’intéresse à l’étude de la nature des relations qui relient l’organisation à
ses différentes parties prenantes (Damak-Ayadi, 2003).
En 1999, Polonsky, Suchard et Scott expliquaient que la théorie
marketing est désormais contrainte de surveiller l’environnement
externe de l’entreprise en perpétuel bouleversement, et recommandaient
aux entreprises d’intégrer la théorie des parties prenantes dans la
stratégie marketing pour mieux gérer les interactions avec
3
La fonction heuristique de la théorie (Bonnafous-Boucher 2011, cité par Bonnafous-Boucher et Dahl Rendtorff
2013 :7) signifie que la valeur de la théorie des parties prenantes réside en grande partie dans sa capacité à
repérer des indices transformant notre manière d’appréhender l’organisation du pouvoir, la décision et l’action,
d’où son utilité pratique.
32
l’environnement et profiter des opportunités qu’il offre pour créer de la
valeur (Parmar et al., 2010). En 2009, Craig Smith, Drumwright et Gentile
relevaient que les marketers souffraient de la nouvelle myopie
marketing. Ils restaient uniquement orientés client ou consommateur,
sans voir ce client comme un citoyen, un parent, un employé, un
membre de la communauté ou un membre d’un village planétaire avec
des enjeux de long terme sur l’avenir de la planète. Ces trois auteurs
recommandent donc aux marketers, pour éviter la nouvelle myopie
marketing, la proactivité dans la pratique marketing incorporant les
autres parties prenantes, au-delà du consommateur, créant ainsi la
valeur à l’entreprise et à la société. Maignan et Ferrell (2004) ont proposé
en effet le concept d’« orientation parties prenantes » pour saisir le degré
de compréhension, d’intégration et de réponse de l’entreprise aux
demandes des parties prenantes. Ils précisent que l’orientation parties
prenantes n’établit pas de priorités concernant les parties prenantes. Ces
travaux semblent être la suite de ce que Philip Kotler relevait déjà en
1972, à savoir que le marketing est au service de toutes les organisations
dans leurs relations avec tous leurs publics et pas seulement avec les
consommateurs (Hillebrand, Driessen et Koll, 2015). Ferrell and al. (2010)
suggèrent alors de partir de l’orientation marché pour l’orientation
parities prenantes. Dans cette mouvance, le concept de « marketing des
parties prenantes » est introduit dans la littérature marketing en 2008 par
Batacharya et Korschun, (Hillebrand, Driessen et Koll, 2015).
Hult and al., (2011) définissent alors le marketing des parties prenantes
comme les activités menées dans un système d’institutions sociales et les
processus de facilitation et du maintien de la valeur à travers l’échange
relationnel avec les multiples parties prenantes. Ils le conceptualisent
comme les actions stratégiques implémentées par une entreprise dans le
but d’atteindre les objectifs de performance à travers le réseau des
relations avec les parties prenantes. Le marketing des parties prenantes
constitue ainsi l’élargissement de l’orientation marché qui est composée
selon Gotteland et Ray (2008) de cinq dimensions (consommateur,
concurrents, technologie, distributeurs et fournisseurs). Il prend en
compte ces cinq dimensions de l’orientation marché et toutes les autres
parties prenantes (les employés, les actionnaires, les pouvoirs publics, les
financiers, les ONG, les porteurs d’image…), permettant ainsi d’élargir le
périmètre de la discipline en allant au-delà du marché et en prenant en
compte la société dans son ensemble (Binninger et Robert, 2011). Le
marketing des parties prenantes reconnait que les relations avec les
consommateurs peuvent être influencées par les relations avec les autres
33
parties prenantes et dont le réseau de création de valeur des parties
prenantes (Hillebrand, Driessen and Koll, 2015). Binninger et Robert
(2011) recommandent à cet effet au marketing de se réapproprier son
rôle stratégique classique de spécialiste et de collecteur des informations
provenant du marché et des parties prenantes (primaires et secondaires),
tout en déterminant les interactions entre celles-ci.
I.3. Management des parties prenantes
La question du management des parties prenantes invite d’abord à
l’identification des acteurs qui sont en perpétuelle interaction avec
l’entreprise (Boussoura et Zeribi Benslimane, 2008) ou à leur
recensement (Damak-Ayadi et Pesqueux, 2003). En réponse à cette
question, certains auteurs proposent des typologies afin d’identifier au
mieux les parties prenantes (Mullenbach-Servayre, 2007 ; Clarkson,
1995 ; Mitchell, Agle et Wood, 1997 ; Attarça et Jacquot, 2005 ; Berthelot,
Coissard et Maher, 2012). Ils distinguent les parties prenantes primaires
et les parties prenantes secondaires ; les parties prenantes « dormantes »,
« discrétionnaires » et « urgentes » ; les parties prenantes internes et les
parties prenantes externes ; les parties prenantes « managériales » ou
« centrales » , les parties prenantes « noyau dur » ou « de premier rang ».
Le listage des parties prenantes, selon ces auteurs, ne se fait pas dans
l’abstrait, mais en référence à des organisations concrètes entretenant des
relations concrètes avec d’autres groupes.
Le processus de management des parties prenantes (Preble, 2005)
recommande après cette identification des parties prenantes de faire une
évaluation préliminaire de la nature générale de leurs différentes
demandes ou attentes, de déterminer les écarts de performance de
l’entreprise, de prioriser les demandes, de développer les réponses de
l’organisation et surveiller leur mise en œuvre. La littérature marketing
distingue alors deux modes de gestion des parties prenantes à savoir
l’orientation parties prenantes et le management différentié des parties
prenantes (Brulhart et Gherra, 2013). L’orientation parties prenantes est
considérée comme la construction d’une relation à long terme
caractérisée par l’écoute, la compréhension et la réponse aux attentes de
l’ensemble des parties prenantes. La littérature conceptualise également
l’orientation parties prenantes comme une voie de pensée résultant de la
culture d’entreprise ou une attitude comportementale proactive de
l’organisation visant l’épanouissement des parties prenantes à partir de
la satisfaction de leurs demandes (Ferrell and ferrel, 2008 ; Ferrell and al.,
2010). Si l’entreprise, en fonction d’un ordre de priorité stratégique
34
concentre son attention sur un nombre réduit des parties prenantes, alors
elle opte pour le management différencié des parties prenantes (Porter et
Kramer, 2006, cités par Brulhart et Gherra, 2013).
La catégorisation des parties prenantes et le mode de management des
parties prenantes amènent à penser que l’influence du marketing n’est
pas là même sur toutes les parties prenantes et pour toutes les
entreprises.
2. HYPOTHESES
La nouvelle perspective qu’est le marketing des parties prenantes et les
capacités associées ne pourront être d’égale importance pour toutes les
industries, entreprises, fonctions marketing ou activités marketing
(Hillebrand, Driessen and Koll, 2015). Elle peut être influencée par la
taille de l’entreprise, le secteur d’activité, la culture de l’entreprise ou le
secteur économique.
2.1. Taille de l’entreprise et pratiques marketing envers les parties
prenantes
Les entreprises à travers le monde opèrent dans un environnement de
dynamique croissante, complexe et imprédictible (Laforêt, 2007). Les
PME sont limitées par l’insuffisance des ressources, des spécialistes pour
un affront en face-à-face avec les GE sur le marché (Gilmore, Carson and
Grant, 2001 ; Carson and Cromie, 1990). Ces différences sont
fondamentales. De nombreux auteurs ont ainsi montré que la taille de
l’entreprise a une influence sur la nature et l’intensité des pratiques
marketing (Pacitto, julien et Bizeul, 2007 ; Carson and Cromie, 1990).
L’application des modèles des GE aux PE a ainsi été critiquée par des
auteurs qui recommandent un style de marketing distinctif pour ces
dernières (Gilmore, Carson and Grant, 2001 ; Carson and Cromie, 1990).
Cependant, d’autres études montrent que les moyennes entreprises les
plus performantes auraient des pratiques marketing qui les
rapprocheraient de celles de la grande entreprise (Pacitto et julien, 2007).
Carson and Cromie (1990) démontrent que les petites entreprises sont
orientées produit et que leur marketing est orienté autour du prix. Ils
recommandent donc pour une meilleure assistance de reconnaitre
qu’elles doivent avoir un style de marketing distinctif qui nécessite du
temps et de l’expérience pour atteindre la performance. Pour Pecitto et
Julien (2007), le comportement marketing des moyennes entreprises
dépend de la taille de ces dernières dans leur catégorie. Ils dégagent
alors un groupe de super-marketeurs ayant une « orientation marché
35
prononcée », avec des pratiques assimilables à la grande entreprise.
Laforêt (2007) arrive aux conclusions que la taille de l’entreprise a un
effet sur l’innovation, que l’orientation stratégique dépend de la taille de
l’entreprise et que l’orientation marché n’est pas fonction de la taille de
l’entreprise. Pour Smith, Pitta and Richardson (2007), les grandes
entreprises aux Etats Unis ne sont pas plus orientées marché que les
PME. Ces différents résultats et le caractère contradictoire de certains
nous amène à définir cinq hypothèses :
H1 : L’influence des pratiques marketing des GE sur les différentes
catégories des parties prenantes est plus forte que celle des PME.
H2 : Le mode de management des parties prenantes dépend de la taille
de l’entreprise.
H3 : La nature des pratiques marketing des GE envers les parties
prenantes est différente de celle des PME.
H4 : L’intensité des pratiques marketing envers les parties prenantes est
plus élevée dans les GE que dans les PME.
H5 : Le degré d’orientation parties prenantes est plus élevé dans les GE
que dans les PME.
2.2. Contexte industriel
Les attitudes et les croyances convenables aux rôles du fonctionnement
des groupes sont aussi institutionnalisées dans les secteurs industriels
(Homburg, Workman et Krohmer, 1999). Une industrie étant divisée en
une variété de secteurs dépendant des produits et services qu’ils
produisent (Choudhury, 2019). Les produits alimentaires sont au cœur
du développement de la discipline marketing et représentent le champ
d’application historique du marketing (Aurier et Sirieix, 2016 : 1).
Cependant, Homburg, Workman et Krohmer (1999) montrent que
l’influence du marketing n’est pas plus élevée dans l’industrie
agroalimentaire que dans les autres industries. Pour eux, les secteurs du
business-to-business ont adopté le concept de marketing autant que les
secteurs de la grande consommation. Il en est de même pour Brooksbank
and Taylor (2004) qui montrent que les entreprises du secteur industriel
ont mieux intégré la philosophie marketing que celles du secteur de la
grande consommation. Les résultats de Coviello and Brodie (2001)
semblent un peu plus nuancés. Pour eux, les pratiques marketing sont
globalement dans l’ensemble similaires aux deux secteurs, mais que les
entreprises de la grande consommation font plus dans le marketing
transactionnel tandis que les entreprises du B2B font plus dans le
36
marketing relationnel. Smith, Pitta and Richardson (2007) quant à eux
montrent que l’orientation marché n’est pas meilleure dans l’industrie
que dans les services que ce soit en Chine ou aux Etats Unis. Ces
développements et le caractère contradictoire de certains résultats nous
amènent à formuler une autre série de cinq hypothèses.
H6 : L’influence des pratiques marketing envers les catégories des
parties prenantes dépend du secteur d’activités de l’entreprise.
H7 : Le mode de management des parties prenantes dépend du secteur
de l’activité.
H8 : La nature des pratiques marketing des entreprises agroalimentaires
envers les parties prenantes est différente de celle des entreprises
de l’oléochimie.
H9 : L’intensité des pratiques marketing envers les parties prenantes est
plus élevée dans les entreprises agroalimentaires que dans les
entreprises de l’oléochimie.
H10 : Le degré d’orientation parties prenantes est plus élevé dans les
entreprises agroalimentaires que dans les entreprises de
l’oléochimie.
2.3. Culture de l’entreprise
Un autre facteur portant sur l’influence fonctionnel des groupes est la
culture organisationnelle de l’entreprise (Homburg, Workman et
Krohmer, 1999). L’un des arguments pour distinguer le degré de
l’orientation marché dans une économie est l’influence des
multinationales qui ont plus de succès sur le marché grâce au mécanisme
de développement de la stratégie d’orientation marché (Smith, Pitta and
Richardson, 2007). Ce qui peut être valable pour l’orientation parties
prenantes. Les multinationales sont en effet dominées par les pays de
l’Union Européenne, le Japon, les Etats-Unis et challengées par la Chine
et la République de Corée (Rosenblat, 2007). Ainsi, Smith, Pitta and
Richardson (2007) dans leur étude comparative de l’orientation marché
entre la Chine et les Etats Unis ressortent des résultats mixtes.
L’orientation marché n’est pas plus développée dans les multinationales
en Chine par rapport aux industries locales alors que c’est le cas aux
Etats Unis. Nous pouvons alors émettre les cinq autres hypothèses
suivantes :
H11 : L’influence des pratiques marketing envers les catégories des
parties prenantes dépend de culture de l’entreprise.
37
H12 : Le mode de management des parties prenantes dépend de la
culture de l’entreprise.
H13 : La nature des pratiques marketing des multinationales envers les
parties prenantes est différente de celle des entreprises locales.
H14 : L’intensité des pratiques marketing envers les parties prenantes est
plus élevée dans les multinationales que dans les entreprises locales.
H15 : Le degré d’orientation parties prenantes est plus élevé dans les
multinationales que dans les entreprises locales.
2.4. Secteur économique
Les pratiques marketing et le degré d’orientation marché diffèrent très
souvent suivant qu’une entreprise est privée ou publique. Les
organisations bureaucratiques typiques comme les entreprises publiques
ont tendance à freiner la créativité et à avoir un regard interne plutôt
qu’une orientation marché, ont tendance à éviter le risque, surveillent
très peu la concurrence et n’évaluent pas la satisfaction des
consommateurs (Smith, Pitta and Richardson, 2007). Ces
développements nous amènent à formuler une autre série de cinq
hypothèses :
H16 : L’influence des pratiques marketing envers les catégories des
parties prenantes dépend du secteur économique de l’entreprise.
H17 : Le mode de management des parties prenantes dépend du secteur
économique de l’entreprise.
H18 : La nature des pratiques marketing des entreprises privées envers
les parties prenantes est différentes de celle des entreprises publiques.
H19 : L’intensité des pratiques marketing envers les parties prenantes est
plus élevée dans les entreprises privées que dans les entreprises
publiques.
H20 : Le degré d’orientation parties prenantes est plus élevé dans les
entreprises privées que dans les entreprises publiques.
2.5. Intégration des exigences de développement durable
Le concept de développement durable, « un développement qui répond
aux besoins des générations présentes sans compromettre les capacités
des générations futures à répondre aux leurs », interpelle l’entreprise
dans ses finalités, dans la conception de son organisation, en fournissant
les principes qui encadrent ou conditionnent les activités économiques
(Capron et Quairel-Lanoizelée, 2010 : 13 et 16). Il correspond
majoritairement aux notions de protection de l’environnement et de
38
politiques environnementales, de contrôle et de préservation des
ressources naturelles pour les générations futures (Brulhart et Gherra,
2013). Dans cette optique, certains auteurs proposent de considérer
l’environnement naturel (entité non humaine) comme une partie
prenante à part entière (Semal, 2006). Aussi, c’est le marketing qui
pousse l’ensemble des autres métiers de l’entreprise à se préparer, dès
aujourd’hui, aux changements qui affecteront les marchés de demain
(Louppe, 2006). Initialement pensé pour les grandes entreprises
industrielles considérées comme les plus polluantes, le concept de
développement durable connait un succès grandissant dans les PME
(Ondoua Biwole, 2012, 13 et 142). Ce succès dépendrait aussi du secteur
d’activités. Dans ce contexte, l’implication des industries alimentaires,
considérées comme grandement polluantes, dans la mise au point des
démarches d’innovation environnementale est centrale (Gallaud et al.,
2012 ; Temri et Fort, 2009). Une entreprise qui intègre les exigences de
développement durable dans son comportement, ses activités et sa
stratégie est alors considérée comme proactive sur le plan
environnemental (Brulhart et Gherra, 2013). En plus, les différences
comportementales relevées ci-dessus concernant les entreprises
publiques par rapport aux entreprises privées nous amènent à émettre
une série de quatre hypothèses :
H21a : Le degré d’intégration des exigences du développement durable
dépend de la taille de l’entreprise.
H21b : le degré d’intégration des exigences du développement durable
dépend de la culture de l’entreprise.
H21c : Le degré d’intégration des exigences du développement durable
dépend du secteur d’activités.
H21d : Le degré d’intégration des exigences de développement durable
dépend du secteur économique de l’entreprise (public ou privé).
3. METHODOLOGIE
3.1. Choix des secteurs et méthode de recueil des données
Notre terrain d’étude c’est l’entreprise. Nous avons initialement opté
pour le choix du secteur agroalimentaire et particulièrement l’industrie
des huiles végétales. Les entreprises agro-alimentaires sont
particulièrement concernées par les démarches de responsabilités
sociétales de l’entreprise (RSE) du fait de leurs incidences fortes sur les
environnements naturels, sociaux et économiques, les trois piliers de la
responsabilité sociétale (Zam-Zam et Sauvée, 2014). Les liens des
39
entreprises agro-alimentaires avec la grande distribution et l’agriculture
induisent des implications économiques, sociales et environnementales
et constituent le système alimentaire qui est défini comme « la manière
dont les hommes s’organisent dans l’espace et dans le temps pour produire et
consommer leurs aliments » (Temri et Fort, 2009). Les motivations des
entreprises pour la RSE concernent donc au premier chef les industries
alimentaires liées, comme le système alimentaire en général, à de fortes
externalités négatives, en raison de ses impacts sociaux (malnutrition,
obésité, et autres maladies cardiovasculaires) et environnementaux
(surexploitation des ressources naturelles, dégradation des espaces,
pollution, etc) (Temri et Fort, 2009).
En évoluant dans notre recherche, nous avons constaté que les industries
de la branche d’huiles végétales au Cameroun sont confrontées au
problème de manque de la matière première principale. Nombreuses
tournent à moins de 50% de leur potentiel. Par ailleurs, comme le relevait
l’Agence des Normes et de la Qualité (ANOR) en 2015, plus de la moitié
des marques d’huiles végétales vendues sur le marché étaient impropres
à la consommation. la matière première est sollicitée par des industries
d’autres secteurs pour la fabrication de leurs produits. La concurrence en
amont s’avère donc féroce et l’entreprise se doit de l’intégrer dans sa
stratégie. Face à ce constat, il nous a paru pertinent de ne pas restreindre
notre échantillon. La population cible a ainsi été étendue à toutes les
industries qui utilisent comme matière première l’huile ou des graines
d’oléagineux pour la fabrication de leurs produits. La population cible
est donc étendue aux entreprises d’autres branches de l’industrie
agroalimentaire : confiseries, chocolateries, brasseries, biscuiteries…, de
l’oléochimie : cosmétiques, savonneries, lubrifiant et graisses, bougies,
produits pharmaceutiques, cuir, agrochimie, peintures et laques, et du
textile. Les industries des secteurs agroalimentaires et de l’oléochimie
constituent donc le champ de notre recherche. L’unité d’analyse est
l’entreprise et notre enquête est une enquête industrielle.
Dans le cadre de notre recherche, les données secondaires sur les
pratiques marketing envers les parties prenantes étant
presqu’inexistantes, nous avons opté pour le recueil des données
primaires dans une enquête par sondage. Cette méthode nous a paru la
plus indiquée dans la mesure où nous explorons ce domaine de
recherche dans notre environnement. La méthode de sondage retenue est
empirique.
40
3.2. Echantillonnage et collecte des données
Plusieurs bases de données ont été utilisées pour constituer notre base de
sondage. Il s’agit du fichier national des contribuables de la Direction
Générales des impôts (DGI) de décembre 2016, de la liste des entreprises
de la Chambre de Commerce, d’Industries, des Mines et de l’Artisanat
(CCIMA) mise à jour en juillet 2016, de la liste des entreprises modernes
camerounaises par branche d’activité de 2013 du MINEPAT et l’annuaire
des entreprises camerounaises publiés par l’Institut National de la
Statistique en décembre 2016. L’échantillon est composé des petites,
moyennes et grandes entreprises sur la base des critères de chiffre
d’affaires et du nombre d’employés. Ces critères ont en été utilisés par
certains auteurs (Buysse et Verbeke, 2003 ; Spillan et Parnell, 2006) pour
définir la taille de l’entreprise. Notre échantillon est ainsi constitué de
260 entreprises (voir tableau 1) sur une liste de 11 279 entreprises
modernes tous secteurs confondus constituée des différentes bases de
données.
Nous avons utilisé les contacts téléphoniques mentionnés dans les bases
de données pour rentrer en contact avec les responsables marketing ou
commerciaux des entreprises sélectionnées. Le questionnaire élaboré a
été testé auprès de quatre responsables. Après des améliorations
requises, il a été envoyé par mail aux différents responsables. Le taux de
retour a été trop faible puisqu’il n’y a que deux qui sont revenus malgré
les relances. Face à cette difficulté, nous avons constitué une équipe de
douze personnes composée de nous-même, des commerciaux et
journalistes en fonction et des étudiants finissant en marketing pour
l’administration en face à face pendant deux mois. Cette stratégie nous a
permis de disposer d’un total de 102 questionnaires exploitables, soit un
taux d'administration globale de 39,23% malgré le temps et la qualité de
la ressource mis à contribution. L’une des difficultés majeures lors de
l’administration était la transversalité du questionnaire qui nécessitait
dans certaines entreprises plus d’un responsable pour être totalement et
parfaitement renseigné.
Effectif 6 à 20 21 à 100 100 à 500 > 500 Total Population
d’entreprises
%
Huilerie 0 5 6 6 17 40 42,5
Savonnerie, Cosmétique,
Peinture, Textile
0 10 12 6 28 69 40,57
Brasserie 0 0 0 3 3 4 75
Chocolaterie, Confiserie,
Biscuiterie
1 9 6 1 17 56 30,35
Produits
pharmaceutiques
0 0 1 0 1 15 6,66
Autres industries agro 4 11 15 6 36 76 47,36
TOTAL 5 35 40 22 102 260 39,23
Tableau 1 : Structure de l’échantillon et des répondants
41
Effectif 6 à 20 21 à 100 101 à 500 > 500 Total Taux(en %)
Publiques 0 0 0 3 3 2,94
Parapubliques 0 0 4 5 9 8,8
Privées nationales 5 34 31 12 82 80,39
Multinationales 0 1 5 2 8 7,84
Total 5 35 40 22 102 100
Tableau 2 : Répartition des répondants de l’échantillon par type
Le questionnaire comportait des items portant sur les pratiques
marketing envers chacune des catégories des parties prenantes. Les
parties prenantes retenues sont internes et externes, primaires,
secondaires, de régulation et silencieuses. Des mesures multi-item
évaluées par une échelle de Likert bipolaire en sept points ont été
développées. La variété des items sur chaque question permettait de
distinguer la nature des pratiques marketing (recherche d’informations,
segmentation et démarche de positionnement) de l’intensité des
pratiques marketing (nombre). En effet, la panoplie des pratiques
marketing observées peuvent se résumer en ces trois démarches :
informationnelle, de segmentation et de positionnement qui font
consensus et sont constitutives de toute démarche marketing (Pacitto,
Julien et Bizeul, 2007). Afin de préciser le profil des répondants, des
questions portant sur le type d’entreprise, sa branche d’activités et sa
taille (effectif et chiffre d’affaires) ont été posées en début de
questionnaire.
3. ANALYSE DES DONNEES
L’étude vise à éclairer sur le management des parties prenantes et le
degré d’orientation parties prenantes dans les entreprises de
l’agroalimentaire et de l’oléochimie camerounaises. Elle compare
également l’intensité des actions marketing envers les parties prenantes
des GE et des PME, des multinationales et des entreprises locales, des
entreprises privées et des entreprises gouvernementales. Elle permet
également d’apprécier le niveau d’intégration des exigences du
développement durable dans les différentes catégories et types
d’entreprises des deux secteurs d’activités.
La variable « Pratiques marketing envers les parties prenantes » a été
codée PM. Dans la littérature, Lindgreen, Swaen and Johnston (2009)
nous propose une opérationnalisation avec une échelle de Likert à 5
points. Nous avons alors élaboré un construit à 7 points de 4 à 9 items
suivant les 19 types de parties prenantes identifiés, soit un total de 110.
Nous avons ensuite étudié la validité et la fiabilité de cette échelle en
réalisant successivement une analyse factorielles exploratoire (Analyse
42
en composante principales ou ACP) suivi d’une analyse factorielle
confirmatoire (Evrard et al, 2003 : 398 ; Gherra, 2010). La pertinence de
l’ACP a été vérifiée en ayant recours successivement au test de sphéricité
de Bartlett et au test de Kaiser-Meyer-Olkin (KMO) complété par les
mesures de MSA (Measure of Sampling Adequacy). Cependant les
données initiales n’ont pas permis au logiciel SPSS 25 de faire les calculs
de certains tests. Nous avons alors eu recours à une rotation orthogonale
Varimax pour purifier les échelles et faciliter la lecture des axes
factoriels. La fiabilité du facteur obtenu a alors été vérifiée grâce à
l’Alpha de Cronbach, test mobilisé déjà par plusieurs autres auteurs
(Gherra, 2010 ; Brulhart et Gherra, 2013 ; Smith, Pitta and Richardson,
2007). A la fin de cette étape, nous avons retenu une mesure en 11 axes
pour 60 items qui ont une valeur propre supérieure à 1 et permettent
d’expliquer 78,81% de la variance totale. La valeur de l’Alpha de
Cronbach est de 9,63, ce qui confirme la bonne cohérence interne de
l’échelle. Les valeurs des Alpha de Cronbach des différents facteurs
mesurant les pratiques marketing envers les parties prenantes ont
également été calculées. Les résultats sont donnés dans le tableau 3.
Tableau 3 : Fiabilité de l’échelle de mesure épurée des pratiques
marketing envers les parties prenantes
Facteurs Alpha de
Cronbach
Nombre
d’éléments
Facteur 1 : Pratiques marketing envers les agriculteurs
PMAGRI (PP8G, PP8B, PP8I, PP8E, PP8F, PP8H, PP8D, PP8C,
PP8A)
0,978 9
Facteur 2 : Pratiques marketing envers les nutritionnistes et
agences sanitaires
PMNUAS (PP11B, PP11C, PP11E, PP11A, PP11D, PP11G, PP11F)
0,982 7
Facteur 3 : Pratiques marketing envers les banques et les
assurances PMBANK (PP4D, PP4C, PP4B, PP3C, PP3B, PP3D,
PP4A)
0,940 7
Facteur 4 : Pratiques marketing envers les organisations non
gouvernementales
PMONG (PP14F, PP14D, PP14A, PP14C, PP14B, PP14E)
0,974 3
Facteur 5 : Pratiques marketing envers l’environnement et les
parties prenantes silencieuses
PMENVI (PP19E, PP19C, PP19B, PP19D, PP19F, PP19H, PP19G)
0,917 7
Facteur 6 : Pratiques marketing envers les employés
PMGRH (PP1D, PP1B, PP1G, PP1H, PP1E, PP1C) 0,927 6
Facteur 7 : Pratiques marketing envers les concurrents au marché
amont
PMCMA (PP13C, PP13A, PP13B, PP13E, PP13D)
0,970 5
Facteur 8 : Pratiques marketing envers envers les médias
PMMEDIA (PP15D, PP15C, PP15B, PP15A) 0,943 4
Facteur 9 : Pratiques marketing envers les agences publiques
PMAPUB (PP16C, PP16D, PP16B, PP16A) 0,945 4
Facteur 10 : Pratiques marketing envers les communautés
PMCOMTE (PP9A, PP9C, PP9B, PP9H) 0,921 4
Facteur 11 : Pratiques marketing envers les distributeurs et les
consommateurs PMDICO (PP5E, PP6D) 0,854 2
Source : Elaboration personnelle à partir des outputs de SPSS 25
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Tendances de Management Africaines Volume 22, Série 3, Juin 2022

  • 1. 1 Tendances de Management Africaines Volume 22, Série 3, Juin 2022
  • 2. 2 Editions Comerci, ‘Tendances de Management Africaines’ Directeur de Publication Pr. Dr. Alain Ndedi Secrétariat scientifique de rédaction : Pr. Dr Emmanuel Innocents Edoun Pr. Dr Paulin Mbecke Pr. Dr. Francis Kemegue Comité éditorial : Pr. Dr. Rose Ikelle, ESSEC, Université de Douala, Cameroun Dr Jules Banaken, Banque de Développement des Etats de l'Afrique Centrale Dr Pierre-Joubert Nguetse Tegoum, Ministère de l’économie et de la Planification, Cameroun Pr. Dr. Alain Ndedi, International Council for Family Business /Charisma University Pr. Dr. Francis Kemegue, Boston Insights and Analytics, USA Pr. Dr Emmanuel Innocents Edoun, Université de Johannesburg /Tshwane University of Technology, RSA Pr. Dr Paulin Mbecke, Université du Moyen Lualaba, DRC Dr Polycarpe Feussi, Université de Johannesburg, RSA Pr Dr Essombe Edimo Jean Roger, Université de Yaoundé II-Soa, Cameroun Pr Dr Tchouassi Gérard, Université de Yaoundé II-Soa, Cameroun Pr Dr Thierry Levy Tadjine, Université Paris 8, France Pr Dr Mantsie Rufin W., Université Marien Ngouabi, Congo Brazzaville Pr Dr Makosso Bethuel, Université Marien Ngouabi, Congo Brazzaville Volume 22, Série 3, Juin 2022, Email : manuscrit.tma@gmail.com ISBN : 979-849 597 9871
  • 3. 3 TABLE DES MATIERES P. 5 PREFACE P. 11 L’EMERGENCE DES NOUVEAUX EMPLOIS EN CONTEXTE COVID- 19 AU CAMEROUN: DES DETERMINANTS QUALITATIFS (THE EMERGENCE OF NEW JOBS IN THE COVID-19 CONTEXT IN CAMEROON: QUALITATIVE DETERMINANTS) Pr Tchouassi Gérard, M. Temfack Serge Fridolin, Dr Kamga Kamga Chrysleine Chantale, P. 27 MARKETING DES PARTIES PRENANTES DANS L’INDUSTRIE CAMEROUNAISE : UNE ETUDE COMPARATIVE DES PRATIQUES DANS LES PMGE DES SECTEURS AGROALIMENTAIRE ET OLEOCHIMIE Dr Ambassa Bikoun Pierre P. 61 Développement de l’entrepreneuriat féminin au Cameroun : cas de la CEC-PROM MATURE Dr. Ateba Jean Claude P.77 ANALYSE DES DEFIS DU DEVELOPPEMENT AU TCHAD : ETUDE EVALUATIVE DE L’ACTION DE LA CELLULE PERMANENTE DU MECANISME DE SUIVI DU SECTEUR DU DEVELOPPEMENT RURAL Dr Abakar Souleymane
  • 4. 4
  • 5. 5 PREFACE Que vivons-nous depuis quelques semaines en Afrique, conséquence du conflit russo-ukrainien ? Rappelons que depuis le mois de février 2022, et plus précisément depuis le 24 Février, le monde vit une guerre violente au cœur de l’Europe; entre la Russie et l’Ukraine. Les conséquences de cette guerre sont dévastatrices et influencent négativement le continent. Il faut souligner que plusieurs pays du continent dépendant du blé ukrainien et russe. Cette nouvelle donne aura des implications politiques, sociales et beaucoup plus économiques sur le continent ; on parle depuis quelques temps de la stagflation du continent africain. En effet, le continent est plongé dans la stagflation ; une combinaison de croissance lente et d’inflation entrainant des souffrances sur le panier de la ménagère. Car, l’Afrique n’échappe pas à la grande incertitude qui pèse sur la conjoncture mondiale avec le principal risque venant de cette guerre en Ukraine avec de nombreux effets collatéraux pour le continent. Il faut souligner que la pandémie de Covid reste aussi une menace en raison du très faible taux de vaccination des populations africaines et de la possible résurgence du virus, comme c’est le cas en Afrique du Sud touchée par de nouveaux sous-variants d’Omicron. Notre revue a voulu bien le souligner d’entrée de jeu à notre lectorat. De plus, les disciplines comme la logistique militaire et la communication en période de guerre font surface. La revue dénommée ‘Tendances de Management Africaines’ en abrégée (TMA) est une prise de conscience que la pratique du management n’est pas universelle, et qu’il faille créer une vitrine avec l’accent sur le continent africain pour les praticiens et les chercheurs disposés à apprendre un peu plus de l’usage du management A l’ère de la quatrième révolution industrielle et face à une effervescence de la révolution numérique, et à l’arrivée de la génération Z dans le monde du travail, les entreprises qu’elles soient africaines ou mondiales ne cessent de revoir et d’adapter leurs modes de management pour attirer et répondre aux attentes de cette nouvelle ère de conflit entre les pays de l’Otan d’un côté, et les pays qui restent du pacte de Varsovie mené par la Russie de l’autre côté. Plusieurs tendances de nos jours se bousculent et s’imposent aux managers des entreprises de petites comme de grande taille. Le design thinking est l’une d’elle. Elle offre la possibilité à l’entreprise de travailler de manière transversale en responsabilisant les équipes et en valorisant leurs productions. Travailler ainsi permet à tous les niveaux de l’entreprise d’impliquer tous les employés, de les inciter à prendre des
  • 6. 6 décisions et à proposer des concepts nouveaux et importants au sein de l’entreprise. De plus, la connectivité permanente du Design Thinking permet de se placer à la place des consommateurs afin de comprendre ses besoins et proposer de manière intelligente, des solutions meilleures et innovantes. De manière pratique, avec le Design Thinking, l’entreprise repense son business model en lançant un processus d’innovation (innovation produit, innovation de rupture, innovation incrémentale…). A l’ère de la COVID 19, une autre tendance managériale appelée management bienveillant a fait surface et tente à remettre le bien-être des salariés dans l’environnement professionnel. Car, le bonheur des collaborateurs au travail commence par une atmosphère positive et humaine. Les responsables au plus haut niveau de l’entreprise devraient être à l’écoute des équipes inférieures pour instaurer une réelle relation de confiance et de respect. Ils doivent comprendre leurs collaborateurs et leur proposer des objectifs cohérents et atteignables par le biais d’une bonne communication. De plus, il faut quand cela est nécessaire laisser le droit à l’erreur et accorder des encouragements et félicitations aux intrapreneurs. En instituant des solutions de management bienveillant, les équipes sont plus épanouies et donc plus productives puisqu’elles ne sont ni stressées ni brusquées par un manager offensif ; car l’employé est placé au cœur même de l’entreprise. À l’origine, la méthode agile était utilisée par les développeurs et les ingénieurs pour faciliter leur organisation en équipe. De nos jours, cette technique se déploie au niveau des organisations et révolutionne le management. La méthode dite agile, est une approche collaborative de la gestion de projet et se base sur des feedbacks réguliers. Elle est appelée agile parce qu’elle permet de laisser place aux imprévus et aux changements mais également de rendre autonome et de responsabiliser les employés à tous les niveaux Au niveau international, dans les tendances du management qui ont pignon sur rue, nous retrouvons notamment la méthode Kanban qui est une résultante de l’application de la méthode agile. La méthode Kanban qui est une résultante de l’application de la méthode agile, a largement fait ses preuves et montrée son apport de valeurs aux projets. Cette méthode prône un système visuel principalement connu pour sa représentation en tableau de gestion de l’avancement des tâches. Elle consiste à découper un projet en plusieurs tâches et à chaque acteur d’en suivre son évolution. Elle peut être utilisée pour installer une nouvelle organisation ou bien pour un projet spécifique au travail.
  • 7. 7 Cependant, il ne faut pas confondre faire de l’agile (appliquer les méthodes comme celle de Kanban par exemple) et être agile (valeurs, état d’esprit…). En effet, faire de l’agile est relativement simple, il suffit de choisir une méthode et de l’appliquer tout bêtement. Quant au terme être agile, lui signifie que tous les acteurs sont engagés et comprennent l’intention derrière chaque rôle. Être agile est essentiellement un changement de comportement individuel et collectif encore mindset change. Un changement d’habitude et de culture ne se fait qu’en ancrant de nouvelles méthodes et s’avère donc bien plus long que de faire de l’agile. En général, faire évoluer ses habitudes managériales n’est pas une démarche évidente. Néanmoins, il est conseillé d’apporter de nouvelles pratiques visant à mettre un terme à la routine professionnelle. Ces innovations managériales sont de véritables enjeux stratégiques et apportent un regain d’énergie et du renouveau dans l’engagement et la productivité des équipes. Le manager pourra proposer à ses collaborateurs de toutes les échelles que ce soit aux nouvelles formes de management pour recréer du lien entre les différentes couches de l’entreprise. Les explications relatives à la quête de la modernité entrepreneuriale interne seront nécessaire. À travers cette démarche, les managers montrent leur capacité d’empathie et de proximité avec leurs collaborateurs. Les tendances du management en cet ère de la COVID 19 ne se limitent pas à des postures mentionnées plus haut. Il existe également de nombreuses autres méthodes pour apporter motivation et bien-être aux employés. Le télétravail, les horaires aménagés ou encore un espace de travail chaleureux booste la performance des équipes. Les managers feront attention à ne pas changer le management interne sans une analyse profonde de l’entreprise ; mais il faudra envisager un changement progressif pour laisser le temps aux employés de comprendre et de s’impliquer aux projets. En ce mois de Juin 2022, le volume 22, série 3 aborde des sujets variés qui affectent les organisations africaines dans leur ensemble. Pr Gérard Tchouassi, Mr Serge Fridolin Temfack, et Dr Chrysleine Chantale Kamga Kamga sur le thème sur : ‘L’émergence des nouveaux emplois en contexte COVID-19 au Cameroun: de déterminants qualitatifs’ consiste à mettre en évidence les déterminants qualitatifs des nouveaux emplois sur le marché du travail camerounais en contexte de Covid-19. Une enquête exploratoire a permis de regrouper ces emplois
  • 8. 8 en trois grandes catégories en fonction de leur vulnérabilité à la maladie : anciens et trop risqués, anciens et risqués ainsi que nouveaux et trop risqués. Les résultats obtenus montrent que les métiers les plus demandés et offerts sur le marché du travail camerounais sont des emplois de front office. Les travailleurs sont dans une grande majorité constitués des femmes et des jeunes qui outre la vulnérabilité sanitaire, occupent des emplois essentiellement informels et sans protection sociale. L’article ayant comme thème : Marketing des parties prenantes inversé et performance économique de l’entreprise, rédigé par Dr Ambassa Bikoun Pierre a pour objectif de mettre en lumière les relations qui existent entre le type d’entreprise et les variables inhérentes à la pratique du marketing des parties prenantes. Se basant sur la littérature, une recherche quantitative a été menée et des questionnaires administrés aux entreprises camerounaises. Les résultats montrent que le niveau d’influence des pratiques marketing sur les catégories des parties prenantes, le mode de management des parties prenantes, le degré d’orientation parties prenantes, la nature et l’intensité des pratiques marketing envers les parties prenantes et le degré d’intégration des exigences de développement durable dépendent de la taille de l’entreprise. Il existe également une relation entre la culture d’entreprise et l’influence des pratiques marketing sur les parties prenantes primaires et secondaires, le mode de management des parties prenantes et le degré d’orientation parties prenantes. L’article de Dr Ateba Jean Claude est basé sur une étude de cas sur l’entrepreneuriat féminin au Cameroun, avec l’accent sur le CEC-PROM MATURE ou la société coopérative d’épargne et de crédit des Promotrices Matures. Cette coopérative a été créée en mai 1997 dans le cadre d’un programme bilatéral de coopération entre les gouvernements du Cameroun et du Canada à travers le financement de l’Agence Canadienne de Développement International (ACDI) et l’appui technique de l’Organisation Canadienne pour la Solidarité et le Développement (OSCD). La CEC-PROM MATURE est constituée sous la forme de société coopérative avec un Conseil d’Administration. Basé sur sa thèse de doctorat PhD, l’article de Dr. Abakar Souleymane a pour objectif général de déterminer les effets de l’action de la Cellule Permanente du Mécanisme de Suivi de la Réunion Sectorielle sur le
  • 9. 9 Développement Rural (MSRSDR) au Tchad et, plus exactement à travers le prisme de l’appropriation des projets de développement rural par leurs bénéficiaires finaux. Telle est la préoccupation centrale de ce travail de thèse. Elle s’insère dans le cadre de l’étude plus globale des défis et enjeux du développement rural au Tchad en mobilisant, notamment, les cadres théoriques de l’économie rurale, du développement rural et de l’évaluation des projets et programmes de développement. Essentiellement axé sur une analyse descriptive permettant de montrer et de résumer les réalités du secteur rural d'une manière significative, le travail recoure à deux principales démarches. Tout d’abord, une analyse descriptive du secteur rural du Tchad avec ses différents sous-secteurs. Ce qui a permis d’en dégager les potentialités, mais également les contraintes et, surtout, de voir que l’économie du pays est essentiellement agropastorale. Le secteur rural reste le moteur de l’économie nationale. Il contribue, en moyenne, pour 40% à la formation du PIB, et occupe 80% de la population tchadienne. Les contributions spécifiques des sous-secteurs représentent, respectivement, 20,2% du PIB, pour les cultures vivrières ; 3,7% du PIB, pour les cultures industrielles ; 11,6% du PIB, pour l’élevage, et 2,8% du PIB, pour la sylviculture et la pêche. De leur côté, les exportations du pays reposent à 80% sur le secteur rural. Ensuite, sur la base des enquêtes de terrain réalisées par la Cellule Permanente/MSRSDR en 2020 et 2021, il s’est agi de mettre en évidence les effets de l’action de de ladite Cellule par le prisme de l’analyse de l’appropriation, par les bénéficiaires finaux, des projets de développement rural dans les grandes régions géographiques du Tchad. Les résultats suggèrent à la fois, que : – toutes les dimensions de l’appropriation, par les populations, des projets de développement n’ont pas toujours réellement été prises en compte (reconnaissance, participation, recours aux organisations paysannes et à des opérateurs de terrain pour la mise en œuvre des politiques de développement) ; et que – des facteurs importants contribuant à l’appropriation (de la genèse/conception des projets à l’auto-responsabilisation/diffusion des acquis des projets, en passant par la planification/exécution et, la clôture/transfert des extrants) n’ont pas été complètement intégrés dans toutes les grandes zones géographiques du Tchad (zone Soudanienne, zone Saharienne et zone Sahélienne). De sorte que les effets de l’action des projets apparaissent globalement mitigés.
  • 10. 10 Même si un certain nombre de mesures sont désormais en place (en termes d’organisation, de gestion, ….) au niveau de la Cellule de Suivi, par exemple, pour essayer de lutter désormais contre ces biais et certaines incohérences, l’étude propose également quelques recommandations portant à la fois, sur la nécessité de la mise en place effective de différents types de soutiens de la part des autorités et, celle de rendre accessible et compréhensible au niveau de la base, le contenu des orientations politiques en matière de développement et leurs instruments de mise en œuvre que sont les programmes et projets. Au nom du comité éditorial, mes sincères remerciements à tous les contributeurs et à leurs institutions respectives, et une bonne lecture à tous. Nous vous remercions de bien vouloir envoyer vos contributions au plus tard le 30 Juillet 2022 et commentaires par courriel aux adresses suivantes: ndediaa@gmail.com (Professeur Alain Ndedi) et manuscrit.tma@gmail.com (secrétariat) Prof. Dr. Alain Ndedi
  • 11. 11 L’EMERGENCE DES NOUVEAUX EMPLOIS EN CONTEXTE COVID-19 AU CAMEROUN : DES DETERMINANTS QUALITATIFS (THE EMERGENCE OF NEW JOBS IN THE COVID-19 CONTEXT IN CAMEROON: QUALITATIVE DETERMINANTS) 1 Pr Tchouassi Gérard2, Université de Yaoundé II, Soa, Cameroun, tchouassigerard@yahoo.fr M. Temfack Serge Fridolin, Doctorant, Université de Dschang, Cameroun, serge.temfack@gmail.com Dr Kamga Kamga Chrysleine Chantale, Université de Yaoundé II, Soa, Cameroun, chantalekamgakamga@yahoo.fr Résumé L’objectif de cet article consiste à mettre en évidence les déterminants qualitatifs des nouveaux emplois sur le marché du travail camerounais en contexte de Covid-19. Une enquête exploratoire a permis de regrouper ces emplois en trois grandes catégories en fonction de leur vulnérabilité à la maladie : anciens et trop risqués, anciens et risqués ainsi que nouveaux et trop risqués. Les résultats obtenus montrent que les métiers les plus demandés et offerts sur le marché du travail camerounais sont des emplois de front office. Les travailleurs sont dans une grande majorité constitués des femmes et des jeunes qui outre la vulnérabilité sanitaire, occupent des emplois essentiellement informels et sans protection sociale. Mots clés : Innovation, Capital humain, Emplois, Vulnérabilités, Marché du travail, Covid-19. Abstract The objective of this article is to highlight the qualitative determinants of new jobs on the Cameroonian labour market in the context of Covid-19. An exploratory survey made it possible to group these jobs into three broad categories according to their vulnerability to the disease: old and too risky, old and risky as well as new and too risky. The results obtained show that the occupations most in demand and offered on the 1Cet article est un extrait d’une recherche en cours sur le thème « Effets de la pandémie de Covid-19 sur le marché du travail au Cameroun ». Les résultats préliminaires ont fait l’objet de publications dont Tchouassi, Temfack, Kamga Kamga,. (2020a ; 2020b). 2Les auteurs expriment leur gratitude aux évaluateurs anonymes pour leurs remarques et suggestions qui ont permis d’améliorer la version antérieure du texte. Les erreurs qui subsisteraient, ne sauraient leur être imputées.
  • 12. 12 Cameroonian labour market are front office jobs. The vast majority of workers are made up of women and young people who, in addition to health vulnerability, occupy essentially informal jobs without social protection. Keywords: Innovation, Human capital, Jobs, Vulnerabilities, Labour market, Covid-19. INTRODUCTION La maladie infectieuse qui est apparue depuis 2019 dans la province du Hubei et plus précisément dans ville de Wuhan en Chine, est liée au virus de la famille des coronaviridoe, le Sars-cov 2 (Covid-19). Elle s’est propagée de manière rapide à travers le monde au point de devenir un choc pour les économies. La crise sanitaire revêt à la fois des formes économique, énergétique et sociale qui affecte l’ensemble des secteurs d’activité et la demande du marché de travail camerounais ont été de prime abord, touchées par les décisions administratives de restrictions des déplacements et des activités. De plus, la généralisation des mesures gouvernementales à travers la sous-région en particulier a contribué à exposer grandement à la fois les emplois dans le secteur formel de l’hébergement, la restauration et des services ainsi que dans le secteur informel (commerce de détail et de vente des denrées alimentaires). Cette situation inédite a des incidences aussi bien sur l’aggravation du taux de chômage au sein de la population active que sur les jeunes diplômés, au déclin de l’activité économique et sur les fermetures des petites et moyennes entreprises (PME). A l’inverse des travailleurs du secteur public et des grandes entreprises du secteur privé qui disposent du maintien de leur salaire, de la protection sociale, des congés techniques et de l’innovation technologique (télétravail), les travailleurs des PME font face depuis une année, à l’absence des dispositifs analogues. Dans un contexte où le marché du travail est essentiellement dominé par le secteur informel qui absorbe la majorité de la masse salariale, cette crise sanitaire affecte aussi bien les métiers en zone urbaine qu’en zone rurale et peut modifier d’une manière profonde la politique du travail en vigueur depuis le siècle dernier. Au sens littéral, un métier désigne de facto à une occupation humaine à but lucratif dont un travailleur tire ses moyens d’existence. Il est important de ne pas faire une confusion à une activité qui renvoie plus à un processus qui permet d’aboutir soit à la mise à disposition d’un service soit à la production d’un bien à partir des intrants. La crise
  • 13. 13 sanitaire a certes une externalité négative sur l’ensemble des activités économiques et sur la dynamique entrepreneuriale. Au moment où l’ensemble des économies de la planète renforce graduellement les mesures de confinement qui apparaissent de plus en plus comme des freins à la croissance économique, il est certain que cette crise sanitaire actuelle aura à coup sûr des conséquences en termes de faillites d’entreprises, de pertes d’emplois et donc d’aggravation du chômage, de sous-emploi et même génératrice de troubles sociaux pour le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD, 2020). Cependant, elle s’est révélée aussi comme une source d’opportunités à travers la création et le développement de métiers nouveaux. Très peu de travaux ont abordé la question de choc sanitaire comme étant une opportunité pour de nouveaux métiers sur le marché du travail (Tchouassi, Temfack, Kamga Kamga, 2020a ; 2020b). De ce fait, comment en pleine crise sanitaire expliquer la création et la mise en place de nouveaux métiers sur le marché du travail camerounais? Quels sont les caractéristiques de ces métiers en contexte de crise ? Quels sont les secteurs d’activités qui deviennent de nouvelles niches d’emploi ? L’objectif de ce chapitre consiste à en évidence les déterminants qualitatifs des nouveaux métiers sur le marché du travail camerounais dans un contexte de Covid-19. Nous avons utilisé une enquête exploratoire à travers des entretiens semi-directifs auprès de 500 travailleurs issus des segments du marché du travail formel et informel. La collecte de données a été effectuée tout au long du mois de juin 2020 dans les différents arrondissements de la ville de Yaoundé. Les questions portaient sur l’ancienneté, la nouveauté, le degré de vulnérabilité, le degré de risques, la formalité et l’informalité des métiers en période de Covid-19. Le présent chapitre comprend trois parties. La première section permettra de dévoiler le cadre théorique de ces nouveaux métiers qui repose sur l’innovation et le capital humain. La seconde section dévoilera ces métiers naissants dans divers domaines sur le marché du travail en contexte de choc sanitaire. La troisième section analysera une diversité des emplois sous le prisme de leur vulnérabilité au Covid-19. 2. ESQUISSE DES NOUVEAUX METIERS DU COVID 19 AU CAMEROUN 2.1 Un cadre théorique fondé sur l’innovation et le capital humain Les fondements théoriques de l’émergence de nouveaux métiers sur le marché du travail se basent essentiellement sur les apports théoriques de l’innovation de Schumpeter (1934 ; 1939) et du capital humain (Schultz,
  • 14. 14 1961 ; Arrow, 1963 ; Becker, 1964) fondés sur l’individualisme méthodique et l’hypothèse d’une information parfaite. Ces métiers résultent particulièrement de l’application des innovations dont la crise sanitaire a contribué à mettre en évidence leur importance sur le marché du travail. Schumpeter (1934 ; 1939) a été le tout premier économiste à apporter un éclairage relativement spécifique qui s’impose encore aujourd’hui et qui fait de lui « le théoricien le plus novateur du siècle et le plus stimulant en matière de recherche sur l’innovation » (Blondel, 2002 : 134 ; Levesque, 2005 : 6). En effet, en établissant une corrélation entre le processus d’innovation et l’entrepreneur, il a réussi à proposer une typologie d’innovations : nouveau produit, nouveau procédé, nouveau débouché et nouvelle source de matières premières qui ouvre ainsi de nouvelles perspectives de développement du marché du travail. L’éducation et la formation jouent incontestable un rôle de pivot dans le développement du marché du travail. Schultz (1961) a eu à identifier cinq sources de production susceptibles d’améliorer le capital humain : le système éducatif, les infrastructures de santé, les programmes d’études et de formation pour les adultes organisés par les entreprises et la migration des individus pour saisir les opportunités d’emploi. Pour Becker (1964), chaque individu intervient sur le marché de travail avec un stock de capital immatériel (formation, dons personnels et innés) qu’il peut augmenter par des investissements en éducation lui permettant d’accroître ses connaissances et d’améliorer ses compétences en vue de garantir un meilleur accès à un métier mieux rémunéré. Son analyse suppose alors une rationalité des agents économiques sur les coûts d’opportunités qui sont générés dans la mesure où ils abandonnent un métier pour se lancer dans l’apprentissage pour acquérir de nouvelles compétences. Les travaux de Romer (1986 ; 1990), Lucas (1988) ainsi que ceux de Mankiw et al. (1992) ont eu à favoriser l’émergence de nouvelles théories de croissance endogène qui ont mis en évidence la forte corrélation du capital humain sur la croissance économique. 2.2Des métiers informels en hausse Depuis son accession à l’indépendance, le Cameroun a eu à traverser différentes crises économiques et chocs exogènes conjugués au poids de sa démographie qui ont eu une influence certaine sur le niveau de déstructuration de son marché du travail. Le marché du travail demeure largement tributaire de trois principaux facteurs (économique, démographique et social à l’exemple de l’exode rural) qui affectent son fonctionnement. En effet, jadis soumis à une réglementation des grilles
  • 15. 15 salariales, l’adoption des politiques libérales ont permis de restreindre l’action des pouvoirs publics sur le marché du travail (Adama, 2006) au même titre que ceux des biens et des services marchands (Stambouli, 2000). L’absence de création d’emplois décents dans les secteurs public et privé formels ainsi que la prépondérance des métiers informels (Tchouassi et al., 2021) sont des données qui ne peuvent plus être ignorées dans l’ensemble des économies en développement en général et francophone en particulier (Ekamena Ntsama, 2016 ; Boudarbat et Ndjaba, 2018). Bien que le taux de chômage soit calculé selon la méthode de l’organisation internationale du travail, il s’avère inapproprié pour mesure l’efficacité du marché du travail en Afrique (Mbaye et Gueye, 2018). Selon la Banque mondiale, bien que le taux de chômage au Cameroun soit estimé à 4,3%, il contraste avec celui des jeunes qui tourne autour de 8,9% alors que le taux d’activité est de 76,2%. Cette situation pour la Banque Africaine de développement (2015 ; 2020) génère des conséquences non seulement sur la croissance économique, mais aussi sur la pauvreté et sur les inégalités. De ce fait, l’Institut National de la Statistique (INS, 2011) estime que 90% de la population active occupent des emplois informels dans les PME. Pour Vérez (1998 ; 2014), ce paradoxe peut s’expliquer par la persistance des activités de sous-traitance des firmes multinationales installées dans les secteurs à faible intensité capitalistiques sur le territoire camerounais. Pour le Bureau International du Travail (BIT, 2003), le secteur informel rassemble des unités économiques non agricoles qui appartiennent en tant qu’entreprises individuelles, au secteur institutionnel des ménages. Par conséquent, ils ne tiennent pas de comptabilité complète et la personnalité juridique est confondue avec celle des ménages (Bellache et al., 2014). L’analyse de la crise militaro-politique à Abidjan sur le marché du travail a montré que cette situation avait eu une influence sur la baisse des embauches, l’augmentation des licenciements et des fermetures d’entreprises avec comme corolaire, l’aggravation de la pauvreté. Le secteur informel serait comme un amortisseur à la hausse du chômage en captant l’ensemble des métiers non déclarés et souterrains qui entrent en considération dans la production marchande (Hugon, 1980 ; Konan 2014). Par ailleurs, l’inefficacité des politiques publiques dans le domaine de l’emploi est un facteur non négligeable face à l’ampleur de ce phénomène (Tchagneno Tene, 2011). De manière générale, si la crise sanitaire a mis à mal de nombreux métiers traditionnels, la situation n’a pas été identique pour les métiers
  • 16. 16 issus en grande partie du digital qui connaissent une forte croissance dans des domaines assez variés non seulement sur le plan économique, mais aussi sur le marché du travail. Dans le e-commerce par exemple, du côté de l’offre, de nombreux métiers se sont développés autour des entreprises dites pure players. Pour ces entreprises, les activités principales sont menées essentiellement sur les supports virtuels (e-Bay, Amazon, etc.). Celles-ci ont eu une incidence positive sur le développement des métiers nouveaux au sein des grandes enseignes qui, en plus des activités traditionnelles dans leurs points de vente habituelle, ont été en mesure de développer des activités complémentaires de livraison (drive) pour les supermarchés et de coursier pour la restauration. Des métiers tournant essentiellement autour des nouvelles technologies (webmarketing, animateurs, etc.) sont en augmentation auprès des commerçants désireux d’accroître leur visibilité en ligne (brick and click). Plusieurs métiers indépendants sont dans ce créneau d’activités. 2.3Les nouveaux métiers existants et naissants en contexte de crise sanitaire 2.3.1 Typologie de métiers en fonction de la vulnérabilité au Covid-19 L’analyse de l’offre et de la demande sur le marché du travail n’est pas nouvelle. Lachaud (1994) avait eu à mettre en évidence quatre groupes d’emplois. Il opérait une distinction entre les emplois salariés protégés, les emplois indépendants médiocres avec un salaire inférieur, sans contrôle de travail et sans protection sociale(apprentis dans le secteur informel), les emplois indépendants vulnérables dont les travailleurs sont en dessous du seuil minimum de capital productif pour profiter des opportunités économiques et les emplois indépendants non vulnérables occupés par les travailleurs dont le capital productif est supérieur au seuil minimum pour résister aux chocs adverses et profiter des opportunités économiques. A sa suite, Flamand et al. (2020) ont proposé une typologie de cinq métiers dont la crise sanitaire du Covid-19 peut contribuer à exposer les travailleurs à différentes formes de vulnérabilités (économique, des conditions de vie et conditions de travail). La première catégorie concerne les métiers considérés comme toujours vulnérables à cause du fait qu’ils prennent en compte des activités qui ne peuvent pas être menées à distance et dont les statuts des employeurs et des employés sont précaires. Ces métiers, sont exercés de manière générale par les artisans et les femmes (commerce de détails et de
  • 17. 17 denrées alimentaires) dans les marchés et leur vulnérabilité est surtout économique. Cette situation particulière est due à la précarité de ces métiers d’une part, et à l’absence d’un statut susceptible de protéger ces travailleurs d’autre part. La seconde catégorie prend en considération les métiers dont la pandémie en cours contribue à les rendre vulnérables. Ce sont des métiers qui exposent directement les travailleurs aux demandeurs de services. Les mesures gouvernementales prises pour restreindre les niveaux de contaminations affectent plus cette catégorie socioprofessionnelle. Ce sont par exemple les métiers dans le domaine de l’hôtellerie, du transport, de la restauration, du spectacle et du sport. La vulnérabilité économique de ces autoentrepreneurs pour la plupart, est davantage renforcée durant les périodes de confinement, par l’incertitude engendrée par la crise sanitaire et par l’absence des mesures d’accompagnement technique et financier de la part des pouvoirs publics. La troisième catégorie prend en compte les groupes de métiers dont les travailleurs sont en première ligne dans la lutte contre la pandémie. Ce sont les métiers qui rassemblent les services publics et privés dans les domaines de la santé, de l’enlèvement des ordures, des forces de maintien de l’ordre (gendarmerie et police) et de l’éducation. Les changements apportés dans les conditions de travail contribuent à accentuer la vulnérabilité des conditions de travail de ces travailleurs. Les contacts permanents avec le public dans le cadre de l’accomplissement de leurs missions accroissent les risques de contamination de ces cibles malgré la sécurité qu’apporte la rémunération de leur activité. L’accroissement des heures de travail est susceptible d’avoir une incidence sur le physique et le psychique des travailleurs de ces corps de métiers. Les femmes qui sont majoritaires dans les secteurs de la santé et de l’éducation sont davantage vulnérables à cette pandémie en comparaison aux dont les risques d’exposition sont plus faibles. De plus ces travailleurs ont eu à faire durant les premiers mois de la pandémie à l’absence de matériel de travail et dans les mois qui ont suivis, au relâchement des mesures barrières par les demandeurs de services. Cette catégorie est plus en proie à une augmentation de leur charge de travail en termes d’heures supplémentaires. La quatrième catégorie regroupe les métiers dans le secteur formel. Les travailleurs dans ces domaines sont généralement des cadres qui ont une bonne maîtrise de l’outil informatique. Durant le confinement, ils ont été contraints de télétravailler depuis leur domicile pour assurer la
  • 18. 18 continuité du travail. La vulnérabilité qui affecte ces métiers est essentiellement due aux conditions de vie. De ce fait, ces travailleurs cumulent des heures de travail supplémentaires qui engendrent des perturbations susceptibles d’affecter à la fois leur vie familiale et sociale. Pour mener ces activités, les travailleurs devront disposer non seulement d’un ordinateur et de l’électricité, mais aussi d’une connexion internet pour pouvoir travailler dans des conditions optimales. La cinquième et dernière catégorie rassemble les métiers qui prennent en considération les professions intermédiaires, des jeunes en début de carrière, des techniciens et les emplois qualifiés. Ces travailleurs sont souvent en inactivité et sont protégés des procédures de licenciement à court terme grâce à leur statut. Toutefois, les risques auxquels ils sont particulièrement exposés durant cette crise sanitaire peuvent résulter principalement de leur éloignement de leur lieu de travail. 2.4 Les métiers les plus demandés et offerts en contexte de Covid-19 Ces métiers sont nombreux et variés. La crise sanitaire a mis en évidence un besoin en effectif dans le domaine de la santé. Pour faciliter les tests de laboratoire, le métier de techniciens s’est révélé indispensable pour assurer la disponibilité des résultats de dépistage dans les délais rapides. De plus, le métier de préparateur en pharmacie est très demandé pour arranger les commandes des clients. L’importance des recrutements dans les métiers comme ceux de secrétaires médicales dans les professions libérales de santé sont en nette augmentation. Pour les patients qui ne désirent pas solliciter les hôpitaux publics, les secrétaires médicales jouent un rôle indispensable dans l’ouverture et la mise à jour des dossiers médicaux afin de permettre au médecin de travailler en toute quiétude. Le métier des urgentistes (ambulanciers, personnel de pompes funèbres, personnel d’entretien, personnel d’hygiène et assainissement) a connu une hausse sur le marché du travail durant la pandémie. Les ambulanciers ont ainsi permis d’assurer le transfert rapide des malades vers les centres de soins spécialisés. Les offres en travail pour les agents de morgue et des services rattachés qui comportent les agents en charge de creuser les tombes et les agents en charge de l’enterrement sont aussi en augmentation en raison des besoins immédiats dans la préparation des corps pour inhumation. Le choc sanitaire a accéléré les recrutements dans les services communaux d’hygiène et d’assainissement. Pour ces métiers qui étaient quasi délaissés depuis la fin des années 1980 dans un contexte de crise économique, les missions des agents prennent en
  • 19. 19 considération la désinfection des bâtiments publics, les centres hospitaliers, les espaces commerciaux et les grandes avenues. Ces métiers permettent ainsi d’apporter une solution à l’information incomplète qui est au cœur des problèmes de production et d’allocation des biens et des services en matière de santé. Cette situation s’explique par le coût élevé d’accès à l’information dans les hôpitaux en comparaison à la plupart des marchés (Rochaix, 1997). La pandémie de Covid-19 a contribué à mettre à jour l’asymétrie d’information comme concept clé à l’analyse du système de santé. Arrow (1963) qui a été le véritable précurseur dans cette relecture de l’économie de la santé, avait mis en avant l’asymétrie d’information entre les professionnels de santé et les usagers. À ce jour, la crise sanitaire a contribué à accentuer cette asymétrie d’information entre le corps médical et les usagers. Ce qui a eu pour conséquence, l’éloignement progressif des usagers des formations sanitaires. Pour réduire cette tendance, le Gouvernement mobilise la théorie des contrats implicites de travail qui a été développé par Holmström (1983). Elle permet de garantir une sécurité de l’emploi et de salaire aux travailleurs en vue de garantir une certaine avance sur la concurrence. Les stratégies de court terme et la crainte de passage des employés à la concurrence à l’issue des formations militent en faveur de l’attrait pour ces métiers en période de pandémie. Le domaine de la sécurité a été également sollicité en permanence durant cette crise sanitaire. Au-delà de leurs missions premières qui consistent à assurer la sécurité des bâtiments, des personnes et des biens, le travail des agents de sécurité a été élargi au respect des règles d’hygiène barrières. Ainsi le respect des mesures édictées telles que la prise de température, le port du masque, le respect de la distanciation et le lavage des mains entrent désormais dans leur cahier de charges. Par ailleurs, le métier de policier est aussi demandé pour assurer la sécurité et le service public. Les travailleurs dans ce secteur d’activité ont eu à exercer durant de nombreuses heures pour assurer le respect des mesures barrières. Dans le domaine du commerce, les métiers d’employés de mise en rayon, de responsables d’entrepôt, de caissières, de préparateurs de commandes et de coursiers-livreurs sont de plus en plus sollicités sur le marché du travail pour assurer la disponibilité des biens sur les étals et à domicile pour les clients. Cependant, la particularité du préparateur consiste à répondre aux commandes des clients non présents qui ont effectué des achats en ligne. La crise sanitaire est venue exacerber un marché du travail camerounais qui était déjà victime de l’existence d’un taux de chômage élevé combiné à des rigidités institutionnelles. Ce qui contribue
  • 20. 20 à rendre ce marché du travail imparfait. Malgré leur faible rémunération, il a été constaté que ces secteurs d’activités ont eu à bénéficier des primes de la part de leur employeur. Ces incitations ont contribué à l’augmentation de la demande de travail pour ces métiers dans les domaines agroalimentaires. Dans le domaine de l’entretien, les métiers d’éboueurs, d’agents d’entretien, de balayeurs de rue sont aussi demandés sur le marché du travail. Ces travailleurs contribuent à garder en état de propreté les espaces internes et externes dont ils ont la charge. De plus, les opérateurs de mobile banking procèdent à la recharge des crédits de téléphones, procèdent à l’envoi et au retrait d’argent à distance et à la distribution des crédits internet. Ils prennent sur eux de manipuler de l’argent pour le compte des clients. À cause de la pandémie, les coursiers d’administration servent de relais entre les différentes administrations pour assurer la bonne marche des services publics. Le confinement a contribué à mettre en évidence des problèmes économiques et sociaux des ménages. De ce fait, les métiers de travailleurs sociaux sont recherchés pour permettre aux familles en difficulté et aux personnes vulnérables sur le plan économique du fait de la perte de leur emploi de se relever à travers la recherche des solutions idoines. Pour assurer la disponibilité de biens dans les zones urbaines, interurbaines et rurales, le métier de chauffeur s’est avéré indispensable durant la crise sanitaire. Ce métier est indispensable pour assurer la liaison entre les territoires. Plus le chauffeur est en contact avec la clientèle, plus sa vulnérabilité à la crise sanitaire est importante. Dans le domaine de la restauration, le métier de serveurs a été beaucoup sollicité durant la crise sanitaire. Ces derniers sont plus souvent dans le secteur informel. En perspective, la revalorisation des métiers considérés comme essentiels pour satisfaire les besoins individuels et collectifs dans les métiers manuels, agricoles, de l’artisanat, du care, de la sécurité, du travail social est très fréquemment désirée. Pour financer ces mesures de revalorisation et ainsi réduire les écarts de salaire, des idées de réduction des salaires les plus élevés peuvent être envisagées. Les formations techniques et manuelles sont également encouragées pour assurer la reconversion vers ces métiers essentiels tout en soulignant la nécessité d’améliorer la qualité des emplois dans chaque domaine d’activités en termes de salaire, conditions de travail, carrière, sécurité de l'emploi. S’agissant des reconversions professionnelles, il est nécessaire pour les offreurs de travail d’améliorer les conditions
  • 21. 21 d’accompagnement des travailleurs vers des domaines de métiers plus sûrs. Par ailleurs, de nombreuses idées plaident pour une autre vision de l’entreprise, inspirée souvent par l’économie sociale et solidaire, impliquant une responsabilité et une redevabilité accrue des entreprises à l’égard de leurs salariés mais aussi de leur environnement et de la société en général. Mais là où certains prônent le volontariat pour amorcer cette nouvelle vision de l’entreprise dans la logique de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), d’autres au contraire souhaitent que de nouvelles obligations contraignent les entreprises à adopter cette vision (évolution du Code civil, nouvelles normes comptables, conditionnalité des aides et soutiens publics, etc.). En dehors des métiers les plus demandés sur le marché du travail, il existe des emplois qui, durant cette situation sanitaire inédite ont eu à muter. Du côté de l’offre, les secteurs de l’agroalimentaire, du textile et de la santé se sont considérablement déployés pour couvrir les besoins les plus urgents de la population. Dans le domaine de l’agroalimentaire et de la restauration, des métiers de livreurs à domicile ont dû être créés pour rester en contact avec une clientèle confinée. Des plateformes permettant de prendre des commandes qui fonctionnaient timidement sont en plein essor. Dans les grandes entreprises, des nouveaux métiers de référent Covid-19 ont vu le jour pour travailler à la facilitation de nouvelles pratiques managériales et optimiser la relation avec la clientèle. 3 ANALYSE DES RESULTATS : DIVERSITES DES METIERS FACE AU COVID 19 Des résultats de l’enquête exploratoire révèlent une diversité de métiers nouveaux dans l’univers des PME en contexte de Covid-19. Une analyse de leur degré de vulnérabilité a été effectuée en fonction : de leur ancienneté, de leur nouveauté et du niveau de risques, ce qui a permis d’établir trois grands niveaux de vulnérabilités. 3.1 Les métiers anciens et trop risqués Ils le sont en raison d’une forte exposition des travailleurs aux risques de contamination au virus du Covid-19. Dans cette catégorie, l’on retrouve les métiers qui sont anciens et dont les risques des travailleurs sont plus importants. Cette vulnérabilité est accrue à cause à la fois des conditions de travail, des contraintes psychologiques et physiques du métier, les contraintes horaires combinées à la crise sanitaire qui font craindre des risques de burn out (état d’épuisement physique, émotionnel et mental lié
  • 22. 22 à une dégradation du rapport d’une personne à son travail) aux acteurs de ces métiers. Ce sont des métiers qui s’exercent à la fois dans les espaces ouverts comme ceux d’agents d’entretiens, d’éboueurs et de colporteurs d’une part et aussi dans des espaces plus restreints à l’exemple des métiers de cambistes, d’échoppiers, de caissières et de transporteurs interurbains d’autre part. Par ailleurs, il y a les métiers de services à la personne qui prennent en compte les animateurs de discothèques et de bar dancing, serveuses, les secteurs de la coiffure, de la restauration et de la librairie de rue. Pour 52% des répondants, la mise en application des mesures gouvernementales a considérablement affecté leur bon fonctionnement de leur marché ainsi que les demandes de travail. Ce résultat est conforme aux travaux de Flamand et al. (2020) et de Tchouassi et al., (2020a) qui montrent que la crise sanitaire a mis en évidence des nouveaux métiers dits vulnérables. 3.2 Les métiers anciens et risqués Dans cette seconde catégorie, l’on retrouve les métiers anciens dont les risques de contagion au Covid-19 sont moindres. La vulnérabilité des travailleurs est moins importante à cause de la spécificité particulière de ces métiers en fonction des secteurs économiques dont ils appartiennent. Dans un contexte de Covid-19, le niveau de sollicitation de ces métiers est davantage important grâce aux opportunités économiques qu’ils offrent aux différents bénéficiaires en termes de la limitation de l’exposition des travailleurs et des offreurs d’emploi sur le marché du travail. Ce sont les métiers en lien avec les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) comme ceux d’électriciens, informaticiens (Tchouassi et al., 2020b). Ce sont aussi des métiers de transports urbains (chauffeurs de taxi, dépanneurs de véhicules). Ce secteur prend aussi les métiers du bâtiment (charpentiers, ébénistes, maçons, plombiers, carreleurs), les métiers de cordonnier et de couturiers ainsi que les métiers agricoles (agriculteurs, maraîchers, semenciers, apiculteurs). Ainsi, pour 29% des répondants, la pandémie n’a pas eu une incidence considérable sur la demande de travail. Ce résultat démontre que ces métiers sont quasi incontournables. Ils jouent un rôle crucial dans la satisfaction des besoins des agents économiques. 3.3 Les métiers à la fois nouveaux et trop risqués La particularité de cette catégorie de métiers réside sur la visibilité nouvelle que la pandémie de Covid-19 a contribué à accroître leur niveau de vulnérabilité en termes de risques élevés. La vulnérabilité de
  • 23. 23 ces métiers est ainsi accrue en raison de la grande exposition de ses travailleurs dans le cadre de leur travail. La crise sanitaire a contribué à aggraver aussi le statut précaire des travailleurs dans ces métiers (Tchouassi et al., 2021). Parmi les métiers dans cette catégorie, il faut citer les métiers d’agents de sécurité, de livreurs à domicile, d’opérateurs de téléphonie mobile et de transfert par téléphonie mobile. En effet, les restrictions de déplacements ont été une opportunité pour les opérateurs dans la téléphonie mobile et de transfert. Ce sont ainsi 19% des répondants pour qui la pandémie a été une source d’accessibilité au marché du travail. Ce résultat est conforme aux travaux de Flamand et al. (2020) qui montrent que la sortie de la période de confinement aura une incidence positive sur les métiers qui sont à la fois anciens et nouveaux. Des métiers ont eu à muter durant cette crise. Il s’agit notamment de celui de l’éducation. En effet, face à l’arrêt subit des cours, de nombreuses écoles ont trouvé des astuces pour continuer à suivre les milliers d’élèves à distance selon des méthodes variées. Cette situation contribue uniquement au développement des emplois en milieu urbain au détriment du milieu rural. En effet, cette situation peut accroître les inégalités entre les différents territoires, affecter leur attractivité ainsi que le développement local. Dans le secteur du textile et de la confection, la principale usine de production de textile a été reconvertie pour assurer la disponibilité des masques pour le personnel hospitalier durant cette période de fermetures des frontières. En outre, des milliers de couturiers ont débuté la production des masques en tissu pour les populations en fonction des localités. CONCLUSION En définitive, cet article a permis de mettre en évidence les déterminants qualitatifs des nouveaux métiers apparus sur le marché du travail camerounais en contexte de Covid-19. L’enquête exploratoire a ressorti que la majorité des métiers disponibles durant la crise sanitaire sont des emplois informels. Par ailleurs, l’analyse du niveau de vulnérabilité des travailleurs est plus fonction des déterminants qualitatifs qui sont : l’ancienneté, la nouveauté, le niveau de risque du métier, le caractère formel et informel de l’activité. Toutefois, il existe plus d’une vingtaine de nouveaux métiers exercés le plus souvent par les femmes et les jeunes sur le marché du travail camerounais. Ces métiers concernent les emplois dans les domaines de la santé (soins, laboratoire, pharmacie, pharmacopée traditionnelle), d’aide à la personne (conducteur, agent
  • 24. 24 d’entretien, agent de sécurité), commercial (caissier, vendeur, distributeur /livreur à domicile) et des urgentistes (ambulanciers, personnels des pompes funèbres, personnels d’entretien, d’hygiène et assainissement).Outre, la vulnérabilité des travailleurs est exacerbée par le fait que les postes de travail occupés ne correspondent pas à leur niveau de formation initiale. Par ailleurs, la crise sanitaire laisserait planer une incertitude en termes de risques d’inadaptation des compétences ou encore de vulnérabilité sur les plans sanitaire et psycho social. Le burn out pourrait toucher tous ces métiers des professions très qualifiées aux professions très vulnérables qui ont affronté la crise sanitaire en présentiel au contact de l’épidémie ou à distance pour en gérer les conséquences et la reprise de l’activité. Pour relancer le marché du travail et stopper les conséquences économiques et sociales de la pandémie de Covid-19, l’accompagnement des acteurs aux nouveaux métiers reste l’un des leviers dont dispose les pouvoirs publics. REFERENCES Arrow, K., 1963, «Uncertainly and the Welfare Economics of Medicals Care», American Economic Review, 53(5): 941-973. Adama, Z., 2006, « Marché du travail urbain et pauvreté en Afrique Subsaharienne : un modèle d’analyse », Document de Travail du Centre d’Economie du Développement, Université de Bordeaux IV, 129 : 1-34. BAD, 2015, « La jeunesse africaine sur le marché du travail chapitre 5 », Rapport sur le développement en Afrique, Croissance, pauvreté et inégalités : lever les obstacles au développement durable, Côte d’Ivoire : 115-148. BAD, 2020, Perspectives économiques en Afrique Centrale: Faire face à la pandémie de Covid-19, Abidjan, Côte d’Ivoire : 79 p. Becker, G., 1964, Human Capital, A Theoretical and Empirical Analysis, New York, Columbia University Press for the National Bureau of Economic Research. Bellache, Y. et al., 2014, « Secteur informel et segmentation de l’emploi à Bejaia (Algérie) : déterminants et fonctions de gains », Mondes en développement, 42(166) : 31-44. Bureau International du Travail (BIT), 2003, Rapport pour la 17ème Conférence Internationale des Statisticiens du Travail, Genève, BIT. Blondel, D., 2002, « Le rôle des scientifiques dans le processus d’innovation » sous la direction de NorbertAlter, Les logiques de l’innovation. Approche pluridisciplinaire, Paris, La Découverte :129-154.
  • 25. 25 Boudarbat, B. et L. Ndjaba, 2018, « La transition des études du marché du travail chez les jeunes de l’Afrique francophone », sous la direction de Brahim Boudarbat, La Francophonie économique. Situation économique en Afrique francophone : Enjeux et perspectives, septembre, (1) : 48-88. Ekamena Ntsama, S. N., 2014, « Les écarts salariaux de genre au Cameroun », Revue multidisciplinaire sur l’emploi, le syndicalisme et le travail, 9(2) : 124-146. Flamand, J. et al., 2020, « Les métiers au temps du Corona », France Stratégie, La note d’analyse, 88 : 1-16. Holmström, B., 1983, « Equilibrum Long-Term Labor Contracts », Quarterly Journal of Economics, Supplement: 2-24. Hugon, P., 1980, « Secteur informel et petite production marchande dans les villes du Tiers Monde », Tiers-Monde, 21(82) : 229-233. Institut National de Statistiques, 2011, Enquête sur l’emploi et le secteur informel au Cameroun en 2010, Phase 1 : enquête sur l’emploi, Rapport principal, octobre. Konan, S. A., 2014, « Le marché du travail dans la crise ivoirienne : Le secteur informel comme amortisseur du chômage », Les Cahiers de l’Association Tiers-Monde, 29 : 45-52. Lachaud, J.-P., 1994, Pauvreté et marché du travail en Afrique au Sud du Sahara : analyse comparative, Institut International d’Etudes Sociales, Genève, 270 p. Levesque, B., 2005, « Innovations et transformations sociales dans le développement économique et le développement social : approches théoriques et politiques publiques », Cahiers du CRISES, ET0507 : 60 p. Lucas, R. E., 1988, « On the Mechanics of Economic Development », Journal of Monetary Economics, 22(1): 3-42. Mankiw, N. G., D. RomeretD. Weil, 1992, « A contribution to the Empirics of Economic Growth », Quarterly Journal of Economics, 107: 407-437. Mbaye, A. A. et F. Gueye, 2018, « Marché du travail et emplois en Afrique de l’ouest », Série de Document de Travail Banqua Africaine de Développement, (297), juin, Abidjan, Côte d’Ivoire :1-35. PNUD, 2020, Effets socioéconomiques potentiels du COVID-19 au Cameroun : une évaluation sommaire, New York, 29 p. Romer, P., 1986, « Increasing Return and Long-Run Growth », Journal of Political Economy, 94(4): 1002-1037.
  • 26. 26 Romer, P. 1990, « Endogenous Technological Change », Journal of Political Economy, 95: 71-102. Rouchaix, L., 1997, « Asymétries d’information et incertitude en santé : les apports de la théorie des contrats », Économie et Prévision, 129- 130 : 11-24. Schultz, T. W., 1961, « Investment in Human Capital », The American Economic Review, 51(1): 1-17. Schumpeter, J. A., 1934, Theory of Economic Development, Cambridge, Harvard University Press. Schumpeter, J. A., 1939, Business Cycles, New York, McGraw-Hill. Stambouli, M., 2000, L’économie du travail : Des théories aux politiques, Editions Nathan, Paris :192 p. Tchagneno Tene, C. L. G., 2011, « Formalisation de l’emploi informel : un défi majeur pour la paix et le développement du Cameroun », Cameroon Journal onDemocracy and Human Rights, 5(2) : 56-74. Tchouassi G., Temfack S. F. et Kamga Kamga C. C., 2020a, « Le métiers offerts et demandés au Cameroun en contexte de Covid-19 », Le NEMRO, Revue trimestrielle de Droit Economique, Dossier spécial Covid-19 et le droit, juillet-septembre : 120-133. Tchouassi G., Temfack S. F et Kamga Kamga C. C., 2020b, « Les nouveaux métiers sur le marché en contexte de crise sanitaire », sous la direction de Albert Malukisa Nkulu, Sariette et Paul Batibonak, Economie informelle et emplois en Afrique. Regards des sciences sociales et économiques, Editions Monange : 237-250. Tchouassi G., Jiokeng Tchougon E.F. et Kamga Kamga C. C., 2021, « Les manifestations du Covid-19 sur la vulnérabilité des métiers au Cameroun. », Revue Scientifique du CRADAT, Numéro 4 / 2021 ; 129- 148. Vérez, J. C., 2014, « La persistance des activités informelles dans les pays en développement. Application au Cameroun », Les Cahiers de l’Association Tiers-Monde, 29 : 37-44. Vérez, J. C., 1998, « Le rôle du secteur informel dans un contexte de régionalisation », Revue Tiers Monde, 155 : 581-596.
  • 27. 27 MARKETING DES PARTIES PRENANTES DANS L’INDUSTRIE CAMEROUNAISE : UNE ETUDE COMPARATIVE DES PRATIQUES DANS LES PMGE DES SECTEURS AGROALIMENTAIRE ET OLEOCHIMIE Dr Ambassa Bikoun Pierre Chef, Division des Études et du Développement de la SOPECAM Email : pierreambassa@yahoo.fr RESUME L’objectif de cette étude est de mettre en lumière les relations qui existent entre le type d’entreprise et les variables inhérentes à la pratique du marketing des parties prenantes. Se basant sur la littérature, une recherche quantitative a été menée et des questionnaires administrés aux entreprises camerounaises. Les résultats montrent que le niveau d’influence des pratiques marketing sur les catégories des parties prenantes, le mode de management des parties prenantes, le degré d’orientation parties prenantes, la nature et l’intensité des pratiques marketing envers les parties prenantes et le degré d’intégration des exigences de développement durable dépendent de la taille de l’entreprise. Il existe également une relation entre la culture d’entreprise et l’influence des pratiques marketing sur les parties prenantes primaires et secondaires, le mode de management des parties prenantes et le degré d’orientation parties prenantes. Mots clés : Type d’entreprise, marketing des parties prenantes, management des parties prenantes, nature des pratiques marketing, développement durable. ABSTRACT The aim of this research is to highlight the existing relations between type of enterprises and inherent variables of stakeholder’s marketing practices. Based on a literature review, quantitative research based on questionnaires implemented on Cameroonian firms. Results indicate that the influence level of marketing practices on stakeholders’ categories, the method of stakeholder management, the degree of stakeholder orientation, the nature and the intensity of marketing practices towards stakeholders’ and the degree of integration of sustainable development exigencies depend of firm size. They also indicate that there is a relation between firm culture and the level of influence of marketing practices on primary and secondary stakeholders’, the method of stakeholder management and the degree of stakeholder orientation.
  • 28. 28 Keywords: Type of the firm, stakeholder marketing, stakeholder management, nature of marketing practices, sustainable development. INTRODUCTION Le marketing est une fonction qui a toujours eu pour but de protéger un capital commercial ou « territoire » quelconque d’une entreprise (Dussart et Nantel, 2007). Face à la mondialisation des marchés, à l’intensification de la concurrence et aux changements brutaux et rapides de l’environnement, le capital peut sembler plus volatile et très difficile à protéger. Le rôle du marketing devrait donc être plus important et sa place dans l’entreprise et la société déterminante. Les choses ont semblé évoluer dans le sens inverse. Le rapport du Marketing Leadership Council de 2001 relevait en effet que 70% des budgets de publicité des entreprises étaient en déclin et que le marketing était là sur la ligne de feu (Rust and al., 2004). Marion et Portier (2006) pensent à ce sujet que les marketers contribuent eux-mêmes à restreindre leur horizon car ils sont focalisés sur les gains à court terme, ils ne considèrent pas l’ensemble de leurs parties prenantes en allant rarement au-delà de la cible qu’ils visent sur le marché et ils ne mesurent pas assez la puissance de leurs outils et de leur propre pouvoir. Ainsi, sur la base des analyses des implications pour la performance de l’entreprise, de la théorie marketing, des recherches empiriques et de la pratique du marketing, Hillebrand, Driessen et Koll (2015) soutiennent qu’adopter le marketing des parties prenantes aide à conquérir le territoire pour le marketing dans l’académie et dans le business. La littérature à date n’identifie pas encore de façon spécifique les aptitudes et les capacités nécessaires aux entreprises pour mener des opérations avec l’interrelation des parties prenantes (Hillebrand, Driessen et Koll, 2015). Suivant ces mêmes auteurs, cette nouvelle perspective, en association avec les aptitudes et capacités des firmes pourrait ne pas être d’égale importance pour toutes les industries, toutes les entreprises, toutes les directions ou toutes les activités marketing. D’autres auteurs proposent aux marketers de ne plus restreindre leurs recherches à l’étude des relations des entreprises avec un nombre limité de parties prenantes pris individuellement, mais d’étendre ces recherches à l’ensemble des parties prenantes en considérant l’interrelation entre ces dernières (Hult and al., 2011 ; Maignan and Ferrell, 2004 ; Ferrell and Ferrell, 2008 ; Bhattacharya and Korschun, 2008 ; Smith, Drumwrigth and Gentile, 2009 ; Ferrell and al., 2010).
  • 29. 29 D’autres enfin, comme Eric Arnould, proposent des programmes de recherches en marketing en faveur du développement durable particulièrement dans les pays en voie de développement, et appellent à l’engagement des chercheurs pour produire des connaissances actionnables (Béji-Bécheur et Ozcaglar-Toulouse, 2015). Notre étude répond à ces différents appels, envisage d’apporter des réponses aux questionnements soulevés et de combler le gap. Elle apporte dans un premier temps des éclairages sur l’impact de la taille de l’entreprise, du secteur d’activités, de la culture de l’entreprise et du secteur économique sur le niveau d’influence des pratiques marketing sur les différentes catégories de parties prenantes. Dans un deuxième temps, elle permet de comprendre si l’adoption d’un mode de management des parties prenantes, le degré d’orientation parties prenantes de l’entreprise, la nature des pratiques marketing envers les parties prenantes et l’intensité de ces pratiques dépendent respectivement de la taille de l’entreprise, du secteur d’activités, de la culture de l’entreprise et du secteur économique. Dans un troisième temps enfin, améliore la connaissance sur la relation qui existe entre le degré d’intégration des exigences de développement durable et la taille de l’entreprise, le secteur d’activités, la culture de l’entreprise et le secteur économique. Afin de mieux appréhender la nature des pratiques marketing, elles ont été regroupées dans les trois catégories qui font consensus et qui sont constitutive de toute démarche marketing (Pacitto, Julien et Bizeul, 2007 ; Pacitto et Julien, 2007) à savoir la démarche de segmentation, la démarche de positionnement et la recherche d’information sur le marché. Pour atteindre les objectifs de notre étude, nous passerons d’abord en revue la littérature qui traitera des caractéristiques du marketing en PMGE, du marketing des parties prenantes et du management des parties prenantes. La deuxième partie permettra l’élaboration de différentes hypothèses de notre recherche. La troisième partie traitera de la méthodologie de notre recherche et la quatrième partie présentera les résultats et la discussion. 1. REVUE DE LA LITTERATURE I.1. Caractéristiques du marketing en PMGE La classification des entreprises en différentes catégories (grandes, moyennes, petites et toutes petites) est généralement basée sur les critères de nombre d’employés et de chiffre d’affaires (Carson et Cromie, 1990). Des éléments comme les objectifs poursuivis et le style de
  • 30. 30 management permettent également de différentier les grandes entreprises des petites (Carson et Cromie, 1990). Les grandes sont caractérisées par une structure organisationnelle avec une hiérarchie de prise de décision claire tandis que celle-ci est généralement de la responsabilité unique de l’entrepreneur ou propriétaire dans la petite entreprise (Walsh and Lipinski, 2009). Dans le marketing, la littérature identifie de façon explicite des différences significatives entre les pratiques marketing des grandes et des petites et moyennes entreprises (Walsh and Lipinski, 2009 ; Carson et Cromie, 1990 ; Coviello and Brodie, 2001 ; Pacitto, Julien et Bizeul, 2007 ; Pacitto et Tordjman, 2000 ; O’Dwyer, Gilmore and Carson, 2009). D’abord, la démarche marketing dans les petites et moyennes entreprises n’est pas formelle et influente comme dans la grande entreprise. Le manque de connaissances marketing, de temps, d’opportunités, de moyens financiers, la régulation et la bureaucratie du gouvernement sont autant de raisons évoquées par les responsables des petites et moyennes entreprises pour cette présence insuffisante du marketing dans leur structure (albertini et Fabiani, 2012 ; Sabil Hussein, 2019). Ensuite, la fonction marketing est perçue dans les petites et moyennes entreprises comme périphérique et est relative seulement aux ventes et à la promotion (O’Dwyer, Gilmore and Carson, 2009). Les décisions marketing y sont alors prises de manière hasardeuse, improvisée, non structurée, non séquentielle, de façon spontanée et réactive (O’Dwyer and Gilmore, 2009 ; Nakata, Benmoussa et Jaouen, 2014). Pour autant, ces entreprises ne sont pas réticentes au marketing. Elles récusent la forme élaborée dans les années 50 et en vogue dans les grandes entreprises, et développent d’autres pratiques marketing notamment des relations directes et soutenues avec les clients (Pacitto, Julien et Bizeul, 2007 ; Pacitto et Julien, 2007). Quel que soit le type d’entreprise, le marketing, de par son habilité à gérer l’incertitude, sa non substituabilité et son rôle central dans l’impulsion et le maintien de l’orientation marché, de la recherche et de la diffusion de l’information à l’ensemble des parties prenantes, est dépositaire d’un pouvoir qui contribue à la performance de l’entreprise (Auh and Merlo, 2011). Et le changement du rôle du marketing dans l’entreprise suscite un intérêt de plus en plus croissant depuis les années 1990, marquant ainsi son influence ou l’exercice de son pouvoir dans le maintien en compétitivité de l’entreprise (Homburg, Workman and Krohmer, 1999 ; Polge, 2000). En effet, les petites comme les grandes entreprises évoluent de nos jours dans un environnement rapidement changeant et très concurrentiel dans
  • 31. 31 lequel les demandes des consommateurs et autres acteurs du marché sont de plus en plus croissantes (Polge, 2000 ; Kilenthong, Hultman and Hills, 2016). Si le pouvoir de la fonction est en phase avec ces demandes de son environnement, l’influence du marketing sera plus importante dans les situations où sa contribution est critique pour le succès de l’entreprise (Homburg, Workman and Krohmer, 1999). Le marketing s’adapte alors aux exigences de l’environnement pour l’atteinte de ses missions de performance, de développement des marchés et de bien-être de la population. I.2. Le marketing des parties prenantes Selon Freeman, les stakehoders ou parties prenantes sont des groupes ou individus qui peuvent affecter, ou être affectés, par l’accomplissement de la mission organisationnelle (Labelle, 2003 ; Rawlins, 2006 ; Sobczak et Berthoin Antal, 2010 ; Hillebrand, Driessen et Koll, 2015 ; Hult and al., 2011 ; Damak-Ayadi et Pesqueux, 2003 ; Mullebach-Servayre, 2007). Pour Didier Cazal (2011), la notion de partie prenante est devenue centrale dans les analyses de la RSE, car elle est intuitivement intéressante et séduisante et possède un incontestable pouvoir heuristique3. Elle se présente comme un apport particulièrement intéressant pour la modélisation de la responsabilité sociétale de l’entreprise (Mullenbach- Servayre, 2007). Les entreprises opèrent en effet de nos jours dans un environnement complexe où la licence d’opérer ne vient pas simplement du gouvernement, mais de la diversité des parties prenantes ayant le potentiel d’avoir un impact sur leur réputation et leur succès (Crittenden and al., 2011). La théorie des parties prenantes permet alors d’intégrer dans la stratégie de l’entreprise les intérêts des parties prenantes (Mullenbach-Servayre, 2007). C’est une théorie du management organisationnel et éthique (Phillips, Freeman et Wicks, 2003) qui s’intéresse à l’étude de la nature des relations qui relient l’organisation à ses différentes parties prenantes (Damak-Ayadi, 2003). En 1999, Polonsky, Suchard et Scott expliquaient que la théorie marketing est désormais contrainte de surveiller l’environnement externe de l’entreprise en perpétuel bouleversement, et recommandaient aux entreprises d’intégrer la théorie des parties prenantes dans la stratégie marketing pour mieux gérer les interactions avec 3 La fonction heuristique de la théorie (Bonnafous-Boucher 2011, cité par Bonnafous-Boucher et Dahl Rendtorff 2013 :7) signifie que la valeur de la théorie des parties prenantes réside en grande partie dans sa capacité à repérer des indices transformant notre manière d’appréhender l’organisation du pouvoir, la décision et l’action, d’où son utilité pratique.
  • 32. 32 l’environnement et profiter des opportunités qu’il offre pour créer de la valeur (Parmar et al., 2010). En 2009, Craig Smith, Drumwright et Gentile relevaient que les marketers souffraient de la nouvelle myopie marketing. Ils restaient uniquement orientés client ou consommateur, sans voir ce client comme un citoyen, un parent, un employé, un membre de la communauté ou un membre d’un village planétaire avec des enjeux de long terme sur l’avenir de la planète. Ces trois auteurs recommandent donc aux marketers, pour éviter la nouvelle myopie marketing, la proactivité dans la pratique marketing incorporant les autres parties prenantes, au-delà du consommateur, créant ainsi la valeur à l’entreprise et à la société. Maignan et Ferrell (2004) ont proposé en effet le concept d’« orientation parties prenantes » pour saisir le degré de compréhension, d’intégration et de réponse de l’entreprise aux demandes des parties prenantes. Ils précisent que l’orientation parties prenantes n’établit pas de priorités concernant les parties prenantes. Ces travaux semblent être la suite de ce que Philip Kotler relevait déjà en 1972, à savoir que le marketing est au service de toutes les organisations dans leurs relations avec tous leurs publics et pas seulement avec les consommateurs (Hillebrand, Driessen et Koll, 2015). Ferrell and al. (2010) suggèrent alors de partir de l’orientation marché pour l’orientation parities prenantes. Dans cette mouvance, le concept de « marketing des parties prenantes » est introduit dans la littérature marketing en 2008 par Batacharya et Korschun, (Hillebrand, Driessen et Koll, 2015). Hult and al., (2011) définissent alors le marketing des parties prenantes comme les activités menées dans un système d’institutions sociales et les processus de facilitation et du maintien de la valeur à travers l’échange relationnel avec les multiples parties prenantes. Ils le conceptualisent comme les actions stratégiques implémentées par une entreprise dans le but d’atteindre les objectifs de performance à travers le réseau des relations avec les parties prenantes. Le marketing des parties prenantes constitue ainsi l’élargissement de l’orientation marché qui est composée selon Gotteland et Ray (2008) de cinq dimensions (consommateur, concurrents, technologie, distributeurs et fournisseurs). Il prend en compte ces cinq dimensions de l’orientation marché et toutes les autres parties prenantes (les employés, les actionnaires, les pouvoirs publics, les financiers, les ONG, les porteurs d’image…), permettant ainsi d’élargir le périmètre de la discipline en allant au-delà du marché et en prenant en compte la société dans son ensemble (Binninger et Robert, 2011). Le marketing des parties prenantes reconnait que les relations avec les consommateurs peuvent être influencées par les relations avec les autres
  • 33. 33 parties prenantes et dont le réseau de création de valeur des parties prenantes (Hillebrand, Driessen and Koll, 2015). Binninger et Robert (2011) recommandent à cet effet au marketing de se réapproprier son rôle stratégique classique de spécialiste et de collecteur des informations provenant du marché et des parties prenantes (primaires et secondaires), tout en déterminant les interactions entre celles-ci. I.3. Management des parties prenantes La question du management des parties prenantes invite d’abord à l’identification des acteurs qui sont en perpétuelle interaction avec l’entreprise (Boussoura et Zeribi Benslimane, 2008) ou à leur recensement (Damak-Ayadi et Pesqueux, 2003). En réponse à cette question, certains auteurs proposent des typologies afin d’identifier au mieux les parties prenantes (Mullenbach-Servayre, 2007 ; Clarkson, 1995 ; Mitchell, Agle et Wood, 1997 ; Attarça et Jacquot, 2005 ; Berthelot, Coissard et Maher, 2012). Ils distinguent les parties prenantes primaires et les parties prenantes secondaires ; les parties prenantes « dormantes », « discrétionnaires » et « urgentes » ; les parties prenantes internes et les parties prenantes externes ; les parties prenantes « managériales » ou « centrales » , les parties prenantes « noyau dur » ou « de premier rang ». Le listage des parties prenantes, selon ces auteurs, ne se fait pas dans l’abstrait, mais en référence à des organisations concrètes entretenant des relations concrètes avec d’autres groupes. Le processus de management des parties prenantes (Preble, 2005) recommande après cette identification des parties prenantes de faire une évaluation préliminaire de la nature générale de leurs différentes demandes ou attentes, de déterminer les écarts de performance de l’entreprise, de prioriser les demandes, de développer les réponses de l’organisation et surveiller leur mise en œuvre. La littérature marketing distingue alors deux modes de gestion des parties prenantes à savoir l’orientation parties prenantes et le management différentié des parties prenantes (Brulhart et Gherra, 2013). L’orientation parties prenantes est considérée comme la construction d’une relation à long terme caractérisée par l’écoute, la compréhension et la réponse aux attentes de l’ensemble des parties prenantes. La littérature conceptualise également l’orientation parties prenantes comme une voie de pensée résultant de la culture d’entreprise ou une attitude comportementale proactive de l’organisation visant l’épanouissement des parties prenantes à partir de la satisfaction de leurs demandes (Ferrell and ferrel, 2008 ; Ferrell and al., 2010). Si l’entreprise, en fonction d’un ordre de priorité stratégique
  • 34. 34 concentre son attention sur un nombre réduit des parties prenantes, alors elle opte pour le management différencié des parties prenantes (Porter et Kramer, 2006, cités par Brulhart et Gherra, 2013). La catégorisation des parties prenantes et le mode de management des parties prenantes amènent à penser que l’influence du marketing n’est pas là même sur toutes les parties prenantes et pour toutes les entreprises. 2. HYPOTHESES La nouvelle perspective qu’est le marketing des parties prenantes et les capacités associées ne pourront être d’égale importance pour toutes les industries, entreprises, fonctions marketing ou activités marketing (Hillebrand, Driessen and Koll, 2015). Elle peut être influencée par la taille de l’entreprise, le secteur d’activité, la culture de l’entreprise ou le secteur économique. 2.1. Taille de l’entreprise et pratiques marketing envers les parties prenantes Les entreprises à travers le monde opèrent dans un environnement de dynamique croissante, complexe et imprédictible (Laforêt, 2007). Les PME sont limitées par l’insuffisance des ressources, des spécialistes pour un affront en face-à-face avec les GE sur le marché (Gilmore, Carson and Grant, 2001 ; Carson and Cromie, 1990). Ces différences sont fondamentales. De nombreux auteurs ont ainsi montré que la taille de l’entreprise a une influence sur la nature et l’intensité des pratiques marketing (Pacitto, julien et Bizeul, 2007 ; Carson and Cromie, 1990). L’application des modèles des GE aux PE a ainsi été critiquée par des auteurs qui recommandent un style de marketing distinctif pour ces dernières (Gilmore, Carson and Grant, 2001 ; Carson and Cromie, 1990). Cependant, d’autres études montrent que les moyennes entreprises les plus performantes auraient des pratiques marketing qui les rapprocheraient de celles de la grande entreprise (Pacitto et julien, 2007). Carson and Cromie (1990) démontrent que les petites entreprises sont orientées produit et que leur marketing est orienté autour du prix. Ils recommandent donc pour une meilleure assistance de reconnaitre qu’elles doivent avoir un style de marketing distinctif qui nécessite du temps et de l’expérience pour atteindre la performance. Pour Pecitto et Julien (2007), le comportement marketing des moyennes entreprises dépend de la taille de ces dernières dans leur catégorie. Ils dégagent alors un groupe de super-marketeurs ayant une « orientation marché
  • 35. 35 prononcée », avec des pratiques assimilables à la grande entreprise. Laforêt (2007) arrive aux conclusions que la taille de l’entreprise a un effet sur l’innovation, que l’orientation stratégique dépend de la taille de l’entreprise et que l’orientation marché n’est pas fonction de la taille de l’entreprise. Pour Smith, Pitta and Richardson (2007), les grandes entreprises aux Etats Unis ne sont pas plus orientées marché que les PME. Ces différents résultats et le caractère contradictoire de certains nous amène à définir cinq hypothèses : H1 : L’influence des pratiques marketing des GE sur les différentes catégories des parties prenantes est plus forte que celle des PME. H2 : Le mode de management des parties prenantes dépend de la taille de l’entreprise. H3 : La nature des pratiques marketing des GE envers les parties prenantes est différente de celle des PME. H4 : L’intensité des pratiques marketing envers les parties prenantes est plus élevée dans les GE que dans les PME. H5 : Le degré d’orientation parties prenantes est plus élevé dans les GE que dans les PME. 2.2. Contexte industriel Les attitudes et les croyances convenables aux rôles du fonctionnement des groupes sont aussi institutionnalisées dans les secteurs industriels (Homburg, Workman et Krohmer, 1999). Une industrie étant divisée en une variété de secteurs dépendant des produits et services qu’ils produisent (Choudhury, 2019). Les produits alimentaires sont au cœur du développement de la discipline marketing et représentent le champ d’application historique du marketing (Aurier et Sirieix, 2016 : 1). Cependant, Homburg, Workman et Krohmer (1999) montrent que l’influence du marketing n’est pas plus élevée dans l’industrie agroalimentaire que dans les autres industries. Pour eux, les secteurs du business-to-business ont adopté le concept de marketing autant que les secteurs de la grande consommation. Il en est de même pour Brooksbank and Taylor (2004) qui montrent que les entreprises du secteur industriel ont mieux intégré la philosophie marketing que celles du secteur de la grande consommation. Les résultats de Coviello and Brodie (2001) semblent un peu plus nuancés. Pour eux, les pratiques marketing sont globalement dans l’ensemble similaires aux deux secteurs, mais que les entreprises de la grande consommation font plus dans le marketing transactionnel tandis que les entreprises du B2B font plus dans le
  • 36. 36 marketing relationnel. Smith, Pitta and Richardson (2007) quant à eux montrent que l’orientation marché n’est pas meilleure dans l’industrie que dans les services que ce soit en Chine ou aux Etats Unis. Ces développements et le caractère contradictoire de certains résultats nous amènent à formuler une autre série de cinq hypothèses. H6 : L’influence des pratiques marketing envers les catégories des parties prenantes dépend du secteur d’activités de l’entreprise. H7 : Le mode de management des parties prenantes dépend du secteur de l’activité. H8 : La nature des pratiques marketing des entreprises agroalimentaires envers les parties prenantes est différente de celle des entreprises de l’oléochimie. H9 : L’intensité des pratiques marketing envers les parties prenantes est plus élevée dans les entreprises agroalimentaires que dans les entreprises de l’oléochimie. H10 : Le degré d’orientation parties prenantes est plus élevé dans les entreprises agroalimentaires que dans les entreprises de l’oléochimie. 2.3. Culture de l’entreprise Un autre facteur portant sur l’influence fonctionnel des groupes est la culture organisationnelle de l’entreprise (Homburg, Workman et Krohmer, 1999). L’un des arguments pour distinguer le degré de l’orientation marché dans une économie est l’influence des multinationales qui ont plus de succès sur le marché grâce au mécanisme de développement de la stratégie d’orientation marché (Smith, Pitta and Richardson, 2007). Ce qui peut être valable pour l’orientation parties prenantes. Les multinationales sont en effet dominées par les pays de l’Union Européenne, le Japon, les Etats-Unis et challengées par la Chine et la République de Corée (Rosenblat, 2007). Ainsi, Smith, Pitta and Richardson (2007) dans leur étude comparative de l’orientation marché entre la Chine et les Etats Unis ressortent des résultats mixtes. L’orientation marché n’est pas plus développée dans les multinationales en Chine par rapport aux industries locales alors que c’est le cas aux Etats Unis. Nous pouvons alors émettre les cinq autres hypothèses suivantes : H11 : L’influence des pratiques marketing envers les catégories des parties prenantes dépend de culture de l’entreprise.
  • 37. 37 H12 : Le mode de management des parties prenantes dépend de la culture de l’entreprise. H13 : La nature des pratiques marketing des multinationales envers les parties prenantes est différente de celle des entreprises locales. H14 : L’intensité des pratiques marketing envers les parties prenantes est plus élevée dans les multinationales que dans les entreprises locales. H15 : Le degré d’orientation parties prenantes est plus élevé dans les multinationales que dans les entreprises locales. 2.4. Secteur économique Les pratiques marketing et le degré d’orientation marché diffèrent très souvent suivant qu’une entreprise est privée ou publique. Les organisations bureaucratiques typiques comme les entreprises publiques ont tendance à freiner la créativité et à avoir un regard interne plutôt qu’une orientation marché, ont tendance à éviter le risque, surveillent très peu la concurrence et n’évaluent pas la satisfaction des consommateurs (Smith, Pitta and Richardson, 2007). Ces développements nous amènent à formuler une autre série de cinq hypothèses : H16 : L’influence des pratiques marketing envers les catégories des parties prenantes dépend du secteur économique de l’entreprise. H17 : Le mode de management des parties prenantes dépend du secteur économique de l’entreprise. H18 : La nature des pratiques marketing des entreprises privées envers les parties prenantes est différentes de celle des entreprises publiques. H19 : L’intensité des pratiques marketing envers les parties prenantes est plus élevée dans les entreprises privées que dans les entreprises publiques. H20 : Le degré d’orientation parties prenantes est plus élevé dans les entreprises privées que dans les entreprises publiques. 2.5. Intégration des exigences de développement durable Le concept de développement durable, « un développement qui répond aux besoins des générations présentes sans compromettre les capacités des générations futures à répondre aux leurs », interpelle l’entreprise dans ses finalités, dans la conception de son organisation, en fournissant les principes qui encadrent ou conditionnent les activités économiques (Capron et Quairel-Lanoizelée, 2010 : 13 et 16). Il correspond majoritairement aux notions de protection de l’environnement et de
  • 38. 38 politiques environnementales, de contrôle et de préservation des ressources naturelles pour les générations futures (Brulhart et Gherra, 2013). Dans cette optique, certains auteurs proposent de considérer l’environnement naturel (entité non humaine) comme une partie prenante à part entière (Semal, 2006). Aussi, c’est le marketing qui pousse l’ensemble des autres métiers de l’entreprise à se préparer, dès aujourd’hui, aux changements qui affecteront les marchés de demain (Louppe, 2006). Initialement pensé pour les grandes entreprises industrielles considérées comme les plus polluantes, le concept de développement durable connait un succès grandissant dans les PME (Ondoua Biwole, 2012, 13 et 142). Ce succès dépendrait aussi du secteur d’activités. Dans ce contexte, l’implication des industries alimentaires, considérées comme grandement polluantes, dans la mise au point des démarches d’innovation environnementale est centrale (Gallaud et al., 2012 ; Temri et Fort, 2009). Une entreprise qui intègre les exigences de développement durable dans son comportement, ses activités et sa stratégie est alors considérée comme proactive sur le plan environnemental (Brulhart et Gherra, 2013). En plus, les différences comportementales relevées ci-dessus concernant les entreprises publiques par rapport aux entreprises privées nous amènent à émettre une série de quatre hypothèses : H21a : Le degré d’intégration des exigences du développement durable dépend de la taille de l’entreprise. H21b : le degré d’intégration des exigences du développement durable dépend de la culture de l’entreprise. H21c : Le degré d’intégration des exigences du développement durable dépend du secteur d’activités. H21d : Le degré d’intégration des exigences de développement durable dépend du secteur économique de l’entreprise (public ou privé). 3. METHODOLOGIE 3.1. Choix des secteurs et méthode de recueil des données Notre terrain d’étude c’est l’entreprise. Nous avons initialement opté pour le choix du secteur agroalimentaire et particulièrement l’industrie des huiles végétales. Les entreprises agro-alimentaires sont particulièrement concernées par les démarches de responsabilités sociétales de l’entreprise (RSE) du fait de leurs incidences fortes sur les environnements naturels, sociaux et économiques, les trois piliers de la responsabilité sociétale (Zam-Zam et Sauvée, 2014). Les liens des
  • 39. 39 entreprises agro-alimentaires avec la grande distribution et l’agriculture induisent des implications économiques, sociales et environnementales et constituent le système alimentaire qui est défini comme « la manière dont les hommes s’organisent dans l’espace et dans le temps pour produire et consommer leurs aliments » (Temri et Fort, 2009). Les motivations des entreprises pour la RSE concernent donc au premier chef les industries alimentaires liées, comme le système alimentaire en général, à de fortes externalités négatives, en raison de ses impacts sociaux (malnutrition, obésité, et autres maladies cardiovasculaires) et environnementaux (surexploitation des ressources naturelles, dégradation des espaces, pollution, etc) (Temri et Fort, 2009). En évoluant dans notre recherche, nous avons constaté que les industries de la branche d’huiles végétales au Cameroun sont confrontées au problème de manque de la matière première principale. Nombreuses tournent à moins de 50% de leur potentiel. Par ailleurs, comme le relevait l’Agence des Normes et de la Qualité (ANOR) en 2015, plus de la moitié des marques d’huiles végétales vendues sur le marché étaient impropres à la consommation. la matière première est sollicitée par des industries d’autres secteurs pour la fabrication de leurs produits. La concurrence en amont s’avère donc féroce et l’entreprise se doit de l’intégrer dans sa stratégie. Face à ce constat, il nous a paru pertinent de ne pas restreindre notre échantillon. La population cible a ainsi été étendue à toutes les industries qui utilisent comme matière première l’huile ou des graines d’oléagineux pour la fabrication de leurs produits. La population cible est donc étendue aux entreprises d’autres branches de l’industrie agroalimentaire : confiseries, chocolateries, brasseries, biscuiteries…, de l’oléochimie : cosmétiques, savonneries, lubrifiant et graisses, bougies, produits pharmaceutiques, cuir, agrochimie, peintures et laques, et du textile. Les industries des secteurs agroalimentaires et de l’oléochimie constituent donc le champ de notre recherche. L’unité d’analyse est l’entreprise et notre enquête est une enquête industrielle. Dans le cadre de notre recherche, les données secondaires sur les pratiques marketing envers les parties prenantes étant presqu’inexistantes, nous avons opté pour le recueil des données primaires dans une enquête par sondage. Cette méthode nous a paru la plus indiquée dans la mesure où nous explorons ce domaine de recherche dans notre environnement. La méthode de sondage retenue est empirique.
  • 40. 40 3.2. Echantillonnage et collecte des données Plusieurs bases de données ont été utilisées pour constituer notre base de sondage. Il s’agit du fichier national des contribuables de la Direction Générales des impôts (DGI) de décembre 2016, de la liste des entreprises de la Chambre de Commerce, d’Industries, des Mines et de l’Artisanat (CCIMA) mise à jour en juillet 2016, de la liste des entreprises modernes camerounaises par branche d’activité de 2013 du MINEPAT et l’annuaire des entreprises camerounaises publiés par l’Institut National de la Statistique en décembre 2016. L’échantillon est composé des petites, moyennes et grandes entreprises sur la base des critères de chiffre d’affaires et du nombre d’employés. Ces critères ont en été utilisés par certains auteurs (Buysse et Verbeke, 2003 ; Spillan et Parnell, 2006) pour définir la taille de l’entreprise. Notre échantillon est ainsi constitué de 260 entreprises (voir tableau 1) sur une liste de 11 279 entreprises modernes tous secteurs confondus constituée des différentes bases de données. Nous avons utilisé les contacts téléphoniques mentionnés dans les bases de données pour rentrer en contact avec les responsables marketing ou commerciaux des entreprises sélectionnées. Le questionnaire élaboré a été testé auprès de quatre responsables. Après des améliorations requises, il a été envoyé par mail aux différents responsables. Le taux de retour a été trop faible puisqu’il n’y a que deux qui sont revenus malgré les relances. Face à cette difficulté, nous avons constitué une équipe de douze personnes composée de nous-même, des commerciaux et journalistes en fonction et des étudiants finissant en marketing pour l’administration en face à face pendant deux mois. Cette stratégie nous a permis de disposer d’un total de 102 questionnaires exploitables, soit un taux d'administration globale de 39,23% malgré le temps et la qualité de la ressource mis à contribution. L’une des difficultés majeures lors de l’administration était la transversalité du questionnaire qui nécessitait dans certaines entreprises plus d’un responsable pour être totalement et parfaitement renseigné. Effectif 6 à 20 21 à 100 100 à 500 > 500 Total Population d’entreprises % Huilerie 0 5 6 6 17 40 42,5 Savonnerie, Cosmétique, Peinture, Textile 0 10 12 6 28 69 40,57 Brasserie 0 0 0 3 3 4 75 Chocolaterie, Confiserie, Biscuiterie 1 9 6 1 17 56 30,35 Produits pharmaceutiques 0 0 1 0 1 15 6,66 Autres industries agro 4 11 15 6 36 76 47,36 TOTAL 5 35 40 22 102 260 39,23 Tableau 1 : Structure de l’échantillon et des répondants
  • 41. 41 Effectif 6 à 20 21 à 100 101 à 500 > 500 Total Taux(en %) Publiques 0 0 0 3 3 2,94 Parapubliques 0 0 4 5 9 8,8 Privées nationales 5 34 31 12 82 80,39 Multinationales 0 1 5 2 8 7,84 Total 5 35 40 22 102 100 Tableau 2 : Répartition des répondants de l’échantillon par type Le questionnaire comportait des items portant sur les pratiques marketing envers chacune des catégories des parties prenantes. Les parties prenantes retenues sont internes et externes, primaires, secondaires, de régulation et silencieuses. Des mesures multi-item évaluées par une échelle de Likert bipolaire en sept points ont été développées. La variété des items sur chaque question permettait de distinguer la nature des pratiques marketing (recherche d’informations, segmentation et démarche de positionnement) de l’intensité des pratiques marketing (nombre). En effet, la panoplie des pratiques marketing observées peuvent se résumer en ces trois démarches : informationnelle, de segmentation et de positionnement qui font consensus et sont constitutives de toute démarche marketing (Pacitto, Julien et Bizeul, 2007). Afin de préciser le profil des répondants, des questions portant sur le type d’entreprise, sa branche d’activités et sa taille (effectif et chiffre d’affaires) ont été posées en début de questionnaire. 3. ANALYSE DES DONNEES L’étude vise à éclairer sur le management des parties prenantes et le degré d’orientation parties prenantes dans les entreprises de l’agroalimentaire et de l’oléochimie camerounaises. Elle compare également l’intensité des actions marketing envers les parties prenantes des GE et des PME, des multinationales et des entreprises locales, des entreprises privées et des entreprises gouvernementales. Elle permet également d’apprécier le niveau d’intégration des exigences du développement durable dans les différentes catégories et types d’entreprises des deux secteurs d’activités. La variable « Pratiques marketing envers les parties prenantes » a été codée PM. Dans la littérature, Lindgreen, Swaen and Johnston (2009) nous propose une opérationnalisation avec une échelle de Likert à 5 points. Nous avons alors élaboré un construit à 7 points de 4 à 9 items suivant les 19 types de parties prenantes identifiés, soit un total de 110. Nous avons ensuite étudié la validité et la fiabilité de cette échelle en réalisant successivement une analyse factorielles exploratoire (Analyse
  • 42. 42 en composante principales ou ACP) suivi d’une analyse factorielle confirmatoire (Evrard et al, 2003 : 398 ; Gherra, 2010). La pertinence de l’ACP a été vérifiée en ayant recours successivement au test de sphéricité de Bartlett et au test de Kaiser-Meyer-Olkin (KMO) complété par les mesures de MSA (Measure of Sampling Adequacy). Cependant les données initiales n’ont pas permis au logiciel SPSS 25 de faire les calculs de certains tests. Nous avons alors eu recours à une rotation orthogonale Varimax pour purifier les échelles et faciliter la lecture des axes factoriels. La fiabilité du facteur obtenu a alors été vérifiée grâce à l’Alpha de Cronbach, test mobilisé déjà par plusieurs autres auteurs (Gherra, 2010 ; Brulhart et Gherra, 2013 ; Smith, Pitta and Richardson, 2007). A la fin de cette étape, nous avons retenu une mesure en 11 axes pour 60 items qui ont une valeur propre supérieure à 1 et permettent d’expliquer 78,81% de la variance totale. La valeur de l’Alpha de Cronbach est de 9,63, ce qui confirme la bonne cohérence interne de l’échelle. Les valeurs des Alpha de Cronbach des différents facteurs mesurant les pratiques marketing envers les parties prenantes ont également été calculées. Les résultats sont donnés dans le tableau 3. Tableau 3 : Fiabilité de l’échelle de mesure épurée des pratiques marketing envers les parties prenantes Facteurs Alpha de Cronbach Nombre d’éléments Facteur 1 : Pratiques marketing envers les agriculteurs PMAGRI (PP8G, PP8B, PP8I, PP8E, PP8F, PP8H, PP8D, PP8C, PP8A) 0,978 9 Facteur 2 : Pratiques marketing envers les nutritionnistes et agences sanitaires PMNUAS (PP11B, PP11C, PP11E, PP11A, PP11D, PP11G, PP11F) 0,982 7 Facteur 3 : Pratiques marketing envers les banques et les assurances PMBANK (PP4D, PP4C, PP4B, PP3C, PP3B, PP3D, PP4A) 0,940 7 Facteur 4 : Pratiques marketing envers les organisations non gouvernementales PMONG (PP14F, PP14D, PP14A, PP14C, PP14B, PP14E) 0,974 3 Facteur 5 : Pratiques marketing envers l’environnement et les parties prenantes silencieuses PMENVI (PP19E, PP19C, PP19B, PP19D, PP19F, PP19H, PP19G) 0,917 7 Facteur 6 : Pratiques marketing envers les employés PMGRH (PP1D, PP1B, PP1G, PP1H, PP1E, PP1C) 0,927 6 Facteur 7 : Pratiques marketing envers les concurrents au marché amont PMCMA (PP13C, PP13A, PP13B, PP13E, PP13D) 0,970 5 Facteur 8 : Pratiques marketing envers envers les médias PMMEDIA (PP15D, PP15C, PP15B, PP15A) 0,943 4 Facteur 9 : Pratiques marketing envers les agences publiques PMAPUB (PP16C, PP16D, PP16B, PP16A) 0,945 4 Facteur 10 : Pratiques marketing envers les communautés PMCOMTE (PP9A, PP9C, PP9B, PP9H) 0,921 4 Facteur 11 : Pratiques marketing envers les distributeurs et les consommateurs PMDICO (PP5E, PP6D) 0,854 2 Source : Elaboration personnelle à partir des outputs de SPSS 25