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CY Cergy-Paris Université
Master Développement Culturel et Valorisation des Patrimoines
Mention Territoires : Patrimoines, Culture, Paysages
Sensibilisation au patrimoine vivant :
Démarches artistiques au sein des Parcs Nationaux et
Naturels Régionaux
© Parc national de La Réunion
Mémoire de Master 1
Présenté par Aurélie Moreau
Sous la direction de Madame Elizabeth Auclair
Année universitaire 2020-2021
2
SOMMAIRE
REMERCIEMENTS........................................................................................... 3
INTRODUCTION............................................................................................... 4
PARTIE I- L’INVENTION DES PARCS : TERRES D’OPPORTUNITES
POUR DE NOUVEAUX MODES DE DEVELOPPEMENT......................... 6
A-L ’invention du Parc National : de l’argument artistique à l’argument écologique, en
passant par l’argument politique……………………………………………………………….6
B-L ’invention des parcs naturels régionaux : une « mission culturelle » pour des parcs
habités………………………………………………………………………………………..13
C-Des opportunités communes pour de nouvelles techniques de médiation………………....16
PARTIE II - TRANSMETTRE UN PATRIMOINE VIVANT : DE LA
VALORISATION A LA SENSIBILISATION PAR L’ART........................ 19
A-Mettre en commun nature et culture à travers un patrimoine qui se réinvente……………19
B-Des ressources et compétences au service de nouvelles formes de pédagogies, d’actions
culturelles et artistiques………………………………………………………………………21
C-La sensibilisation par l’art comme une approche complémentaire à la médiation
scientifique…………………………………………………………………………………...24
PARTIE III - EXPERIMENTATIONS ARTISTIQUES EN ACTION :
FORCES ET LIMITES OBSERVEES ......................................................................... 27
A-Proposer de nouvelles perceptions et construire un nouveau rapport au territoire……......27
B-Transcender les rôles : convergence des acteurs et public participant…………………….30
C-Augmenter la portée de ces expériences sans perdre de vue l’ancrage territorial…………32
CONCLUSION ........................................................................................................................... 34
ANNEXES...................................................................................................................................... 35
Annexe n°1 : les personnes rencontrées lors d’entretiens
qualitatifs…………………………………………………………………………………….35
Annexe n°2 : Extrait du programme d’animation de la saison estivale 2021 du Parc National
du Mercantour ……………………………………………………………………………….36
Annexe n°3 : Extrait de la brochure des Classes « D’Art d’Eco »…………………………..37
Annexe n°4 : Extrait du programme pédagogique « Entrez dans le paysage »……………...45
BIBLIOGRAPHIE.................................................................................................................... 49
3
REMERCIEMENTS
Un grand merci à ma directrice de mémoire Madame Elizabeth Auclair pour son
accompagnement. Un grand merci également à toute l’équipe pédagogique de cette première
année en master 1 DCVP. Leur implication et leur accompagnement en cette année si
particulière nous a aidés à garder notre motivation pour la construction de nos projets futurs.
Un important merci également à Madame Chantal Auriel, Madame Christel Drique et
Madame Stéphanie Sacquet pour leur temps précieux et les riches échanges lors de nos
entretiens. Leurs expériences et leurs métiers sont une source d’inspiration certaine.
Un merci plus particulier à mon ami m’ayant fait découvrir les immenses Alpes. Ainsi, une
partie de ce mémoire a pu être écrit aux pieds du Parc National de La Vanoise.
Un immense merci à mes proches, et leur soutien sans failles. A ma grand-mère, peintre
depuis toujours. A ma mère, aquarelliste passionnée.
4
INTRODUCTION
Tout est parti d’un constat : les mots choisis par l’homme pour décrire son environnement
sont souvent révélateurs de son rapport au monde. Il y a la nature, et il y a la culture. Il y a le
pays, et il y a le paysage. Il y a l’écologie et il y a l’art. L’anthropologue Philippe Descola, à
travers ses travaux1
a eu l’occasion de montrer que cette conception dualiste du monde était
propre à notre culture. Autrement dit, notre rapport au monde serait empreint d’une frontière
artificielle (liée à notre perception) entre ce qui relève de l’appropriation humaine (la culture)
et ce qui relève de tout le reste (la nature). Le terme de « nature » aussi confus soit-il est
révélateur d’une distance que nous posons entre nous et notre environnement. Nous pouvons
également reconnaître dans cette dissociation, l’opposition courante que nous effectuons entre
ce qui relève des sciences-humaines, et ce qui relève des sciences de la vie. En ce sens, les
domaines scientifiques et les domaines artistiques appartiendraient à deux mondes différents :
le domaine des faits et de la raison, et le domaine du subjectif et du sensible.
La crise écologique actuelle nous amène pourtant à remettre en question cette conception du
monde, et à aller interroger d’autres modèles de société. Ce contexte éthique et philosophique
a guidé en partie la création des Parcs Nationaux puis des Parcs Naturels Régionaux. Le Plan
national pour l’environnement, publié en juin 1990 par Lucien Chabason et Jacques Theys,
dédie un passage à « La protection de la nature et politique du paysage », et déclare : « les textes
votés depuis vingt ans, les structures créées pour les appliquer ont singulièrement rapproché ces
deux notions, l’une biologique, l’autre esthétique. Ainsi, les parcs nationaux et naturels
régionaux, le conservatoire du littoral visent à protéger et à gérer à la fois biotopes et paysages
remarquables »2
. Ce texte révèle l’élément caractéristique de ces structures territoriales : leur
mission de protection s’attache à la fois à l’intérêt scientifique et écologique de
l’environnement, et à l’intérêt culturel et artistique de leurs paysages.
En partant de ces constats, nous souhaitons observer les parcs comme des structures de
développement territorial chargé d’une mission d’éducation et de sensibilisation à
l’environnement. Cette mission est complémentaire des missions scientifiques de recherche et
de protection. Le patrimoine, sa valorisation et sa conservation sont au centre de ces missions.
1
Descola, Philippe. « L’anthropologie de la nature ». Annales. Histoire, Sciences Sociales, vol. 57, no
1, 2002, p.
9-25. DOI.org (Crossref), doi:10.3406/ahess.2002.280024.
2
Lucien Chabason et Jacques Theys, Plan national pour l’environnement, 1990, p.95.
5
Le patrimoine est défini habituellement comme « Ce qui est transmis à une personne, une
collectivité, par les ancêtres, les générations précédentes, et qui est considéré comme un
héritage commun »3
. Il s’agira de reconnaître la particularité du patrimoine des parcs, ouvrant
la notion d’héritage commun à des entités immatérielles, vivantes. Dès lors, pour qu’il y ait
transmission et appropriation d’un héritage commun, il faut qu’il y ait sensibilisation. Ainsi, les
parcs sont amenés à interroger de nouvelles techniques de médiation, adressées à la fois aux
habitants et aux visiteurs de leurs territoires.
Des travaux ont été effectués afin d’étudier de nouvelles formes de pédagogies innovantes.
D’autres se sont intéressés à l’art comme facteur de transformation des perceptions humaines.
D’autres encore se sont attachés au rôle joué par les artistes en termes de développement
territorial. Il s’agit donc pour nous de montrer la cohérence possible entre la recherche de
nouvelles formes de médiations artistiques, de processus de sensibilisation, et d’un
développement durable propre aux structures des parcs. Ainsi, ce travail souhaite poser la
question suivante :
Les projets en collaboration avec des artistes au sein des Parcs Nationaux et Naturels Régionaux
sont-ils des outils pertinents de sensibilisation au patrimoine vivant ?
Pour y répondre, nous souhaiterons lier une approche théorique à une approche pratique. A
travers la lecture d’ouvrages philosophiques et anthropologiques, d’articles scientifiques et de
recherche dans un premier temps. Puis, à travers une prospective des sites internet, programmes,
documents et compte rendus des Parcs Nationaux et Parcs Naturels Régionaux dans un second
temps. Enfin, à travers la récolte de quelques témoignages et entretiens qualitatifs à propos de
projets sélectionnés, pour compléter, affirmer ou infirmer nos hypothèses.
Nous parcourons dans un premier temps l’histoire de la construction des Parcs Nationaux et
des Parcs Naturels Régionaux, afin de comprendre les motivations de leur invention. Nous
comprendrons qu’ils sont nés d’arguments à la fois artistiques, écologiques et politiques. Ces
territoires tantôt habités, tantôt traversés par l’homme vont bénéficier d’opportunités communes
pour imaginer de nouvelles techniques de médiations. Ensuite, nous reconnaîtrons la singularité
des dynamiques patrimoniales des parcs en proposant l’appellation de « patrimoine vivant », et
exposerons la sensibilisation par l’art en complément des autres ressources de médiation. Enfin,
3
PATRIMOINE : Définition de PATRIMOINE. https://www.cnrtl.fr/definition/patrimoine. Consulté le 21 juin
2021.)
6
à travers l’exemple de projets sélectionnés, nous montrerons les forces et les limites détenues
par ces démarches artistiques.
-PARTIE I –
L’INVENTION DES PARCS : TERRES D’OPPORTUNITES POUR DE
NOUVEAUX MODES DE DEVELOPPEMENT
Nous pourrions d’abord qualifier les parcs d’anciennes institutions dédiées à la protection de
la nature. Bien-sûr, nous souhaitons aller au-delà dans notre analyse et creuser davantage les
motivations qui en ont guidé la création. Il ne s’agit pas ici de faire une histoire étoffée des
Parcs Nationaux et Parcs Naturels Régionaux français, mais plutôt de mieux saisir la spécificité
de ces territoires et de l’idéologie que l’on y a apportée. Cela nous permettra de comprendre les
politiques menées sur ces territoires, et donc par extension les politiques culturelles,
patrimoniales et environnementales.
A-L’invention du Parc National : de l’argument artistique à l’argument
écologique, en passant par l’argument politique
Les précurseurs de ces modèles de parcs ont vu le jour au 19ème
siècle aux Etats-Unis. La toute
première réserve est instaurée dans l’Arkansas en 1832, celle-ci deviendra un Parc National en
1880. Mais le Parc National, c’est avant tout l’invention d’un terme, d’un concept découlant
d’idées premières. Et c’est d’ailleurs cette même année que le terme est inventé par l’artiste-
peintre Georges Catlin (1796-1872). Cette idée lui est venue avant tout d’un intérêt pour la
culture amérindienne et les espaces sauvages, sujets principaux de ses œuvres. Il prône à ce
moment-là : « une grande politique de protection du gouvernement... dans un parc magnifique...
Un parc national, contenant hommes et bêtes, dans toute la sauvagerie et la fraîcheur de leur
beauté naturelle ! »4
. Il semble que dès son origine, l’idée du parc national découle d’une
4
Jaffeux Henri, La longue et passionnante histoire des parcs nationaux français publié dans le N° 9 / 2010 de la
revue du comité d’histoire du ministère de l’Ecologie, « Pour mémoire », p.138 : traduction de la citation de
Georges Catlin issu de son article écrit dans le New York Times.
7
sensibilité artistique et d’une appréciation esthétique. De plus, dans cette première ébauche
américaine, l’homme et la nature sont en cohabitation. L’homme ne se retire pas du parc, il
l’intègre de l’intérieur, et il le protège au moyen d’outils politiques. Georges Catlin sera le
premier d’une longue lignée d’artistes qui permirent de diffuser l’idée du Parc National. Ce sont
par exemple les peintres romantiques et les premiers photographes. Citons plus particulièrement
John Muir (1838-1914), l’un des premiers naturalistes américains, que l’on décrit souvent
comme le pionnier de l’écologie. Celui-ci sera à l’origine de la création du premier parc national
américain : le Yosemite. Il fût à la fois écrivain, géologue, géographe, alpiniste, botaniste…
Ainsi, ses multiples intérêts scientifiques dialoguaient avec littérature et philosophie. Il
considérait l’idée du parc ainsi : « Les parcs et réserves sont sources de vie […] pour les
citoyens fatigués, énervés ou trop civilisés [...] partir à la montagne, c'est rentrer à la maison...
»5
. Le parc apparaît alors comme un espace vertueux, capable de soigner et de revitaliser la
société. Il y a ici l’idéal d’une nature originelle, rédemptrice et salvatrice pour l’homme. Dédié
à la nation toute entière, le parc est protégé pour lui-même mais plus particulièrement pour les
bénéfices qu’il apporte à l’homme. Ici, ces bénéfices sont avant tout spirituels et immatériels.
Cependant cette philosophie du parc national ne sera pas partagée par tous. C’est par exemple
l’idée du forestier Gifford Pinchot (1865-1946), qui souhaite la protection de ces parcs dans le
but de pouvoir exploiter ses ressources naturelles sur le long terme. Ainsi, dans le contexte de
la « conquête de l’ouest », période durant laquelle ces territoires sont explorés et exploités pour
l’or, les minerais, et les terres cultivables pour les immigrants, deux idéologies se disputaient :
une préservation absolue ou une exploitation durable des ressources. C’est à la suite
d’expéditions effectuées par des explorateurs, des récits et compte rendus qui en découlent, que
le gouvernement va s’intéresser à la question. La région du Yellowstone sera la première à
devenir Parc National en 1872 (le Yosemite, premier territoire mis sous protection, obtient le
titre de Parc National en 1890).
Nous remarquons que les premières motivations de la création des Parcs Nationaux aux Etats
Unis n’étaient pas écologiques mais avant tout sociétales : il s’agissait surtout de garder intact
la grande diversité de ces territoires, afin que le peuple américain puisse l’admirer durablement.
Aujourd’hui encore, les parcs nationaux sont avant toute chose un symbole identitaire et
patrimonial pour les Etats Unis. Le décret de 1916 créait l’agence « US National Park Service »,
5
Jaffeux Henri cite les paroles de John Muir dans son article La longue et passionnante histoire des parcs
nationaux français publié dans le N° 9 / 2010 de la revue du comité d’histoire du ministère de l’Ecologie, « Pour
mémoire », p.139
8
toujours responsable des parcs à ce jour. Le texte expliquait que l’agence avait pour but de «
[conserver] et de [protéger] des paysages, des sites naturels et historiques, de la faune, de la
flore afin de les transmettre intacts aux générations futures afin qu'elles puissent elles aussi les
admirer comme nous l'avons fait en notre temps. » Et, le président F.D. Roosevelt affirmait
« qu’il n’y a rien de plus américain que nos parcs nationaux […] L’idée fondamentale qui a
présidé à leur création est également native. C’est l’idée toute simple que le pays appartient au
peuple »6
.
En Europe, l’arrivée des Parcs Nationaux est un peu plus tardive, mais l’idée fît son chemin.
En France, nous trouvons des signes précurseurs liés à la prise en compte du patrimoine à travers
les monuments historiques et la reconnaissance esthétique des paysages. C’est par exemple en
1887 l’adoption de la loi « pour la conservation des monuments et objets d’art ayant un intérêt
historique et artistique ». En 1901, est fondée la Société des Paysages de France. Et en 1906 est
élaborée la loi « organisant la protection des sites et monuments naturels de caractère
artistique ». Mais, à nouveau, l’impulsion fût donnée par des personnalités littéraires et des
artistes des 18ème
et 19ème
siècles tels que Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), Prosper
Mérimée (1803-1870), ou encore Victor Hugo (1802-1885). Anne Fortier Kriegel décrit ce
dernier comme étant « le précurseur d’une politique de protection et le père des lois sur le
patrimoine, les monuments et les sites »7
.
Ces penseurs s’inscrivaient dans un mouvement de contestation contre l’industrialisation et
l’urbanisation qui commençaient à cette époque et transformaient les paysages ruraux. Le
territoire de la forêt de Fontainebleau est un bon exemple de ces premiers combats. Ce sont ces
écrivains, alliés aux « peintres de l’école de Barbizon » qui s'engagent, vont largement
influencer la prise en considération des paysages et espaces forestiers, et donc la création des
parcs. Nous pouvons avancer l’hypothèse suivante : leur perception et leur regard d'artistes
semblent être particulièrement sensibles aux dégâts de l'urbanisation et de l’industrialisation.
Ils semblent également avoir une approche davantage esthétique des territoires. Par exemple,
les peintres de Barbizon, voient leur lieu d'inspiration (la forêt de Fontainebleau) directement
atteint. La protection de la nature naît donc de préoccupations avant tout esthétiques, artistiques
6
Jaffeux Henri cite les paroles de F.D. Roosevelt dans son article La longue et passionnante histoire des parcs
nationaux français publié dans le N° 9 / 2010 de la revue du comité d’histoire du ministère de l’Ecologie, « Pour
mémoire », p.140
7
« La qualité des sites et des paysages en France ou l’histoire de la victoire des modernes » (pour mémoire
n°8), Anne Fortier Kriegel
9
et paysagères. Il n’est donc pas encore question d’écologie. Notons tout de même que des
réserves sont créées en parallèle à la demande de botanistes et d’entomologistes, ce sont les
réserves « biologiques » ayant un véritable but de préservation. Mais d’autres réserves telles
que les « réserves de chasse » ne cherchent pas à protéger la faune pour sa valeur intrinsèque,
mais pour des activités humaines ou de loisir.
J-B. Corot. Forêt de Fontainebleau (1834) Huile sur toile, 175,6 × 242,6 cm
© National Gallery of Art, Washington
Il est ensuite intéressant de regarder ce nouveau mouvement pour la protection de la nature
dans son ensemble. Finalement, à la fin du 19ème
et au début du 20ème
siècle, les artistes vont
être accompagnés d’un groupe de forestiers et de toute une élite urbaine composée de
« notables, naturalistes, scientifiques [..] quelques rares hommes politiques »8
. Nous observons
ici des disciplines qui s’entrecroisent : déjà, artistes et scientifiques dialoguent autour d'objectifs
et d’idées communes. Il s’agit de se dresser contre l’idée la plus répandue à cette époque selon
laquelle les ressources naturelles sont inépuisables et sont la propriété de l’homme.
8
Jaffeux Henri, La longue et passionnante histoire des parcs nationaux français publié dans le N° 9 / 2010 de la
revue du comité d’histoire du ministère de l’Ecologie, « Pour mémoire », p.143
10
Le forestier Ernest Guinier (1837-1908) fait émerger l’idée de Parcs Nationaux. Alors
membre de la Société des Touristes du Dauphiné, il justifie la protection des forêts par l’attrait
que ceux-ci peuvent constituer pour le public. Une fois de plus, l’esthétique et le potentiel
artistique des lieux sont convoqués. Si l'on s'attache autant à l'esthétique pour l'homme, à la
mise à disposition d'un lieu qui conserve toute sa beauté et attire le public, c'est qu'il y a un
véritable enjeu autour du regard que l'on pose sur notre environnement. Ces espaces naturels
sont considérés pour leurs agréments et pour le plaisir de l'œil humain. Déjà, nous constatons
que le regard posé sur notre environnement et la façon dont nous allons concevoir l'intérêt d’un
lieu, va avoir un effet immédiat sur le milieu en question puisque cela déterminera des choix
politiques appliqués à ces territoires.
L’idée de Parc National est ainsi posée et va continuer d’être défendue auprès des politiques
par une élite urbaine à travers des associations comme le Club Alpin Français et le Touring
Club de France, la Société pour la Protection des Paysages de France. Ici nous remarquons
qu’un nouvel argument se superpose : ces futurs parcs nationaux sont imaginés également dans
leur dimension touristique. D’autres associations encore, vont être davantage motivées par un
développement basé sur les innovations technologiques au sein de ces parcs visant le
développement économique de l’ensemble du pays. Mais l’argument esthétique n’est en rien
oublié. Les paysages (nous y reviendrons) font partie des éléments centraux, on défend la
« beauté », le « caractère artistique » et l’on parle de « monument naturel »9
. Charles Beauquier
(1833-1916), député du Doubs déclarait : « C’est un droit tout nouveau qui commence à se
dresser contre le droit abusif de la propriété : c’est le droit de la beauté […] »10
.
En parallèle, l’argument écologique commence tout de même à émerger avec la création de
la première réserve naturelle par la Ligue Française pour la Protection des Oiseaux (LPO) en
1912. D’ailleurs, le 20ème
siècle se caractérise par le déploiement à l’international de la question
de la protection de la nature. Ce sont des conférences internationales, la création d’ONG
(Organisations Non Gouvernementales), et la publication d’une étude en 1913 sur les Parcs
Nationaux dans le monde par Edouard-Albert Martel. Cette dernière donne une première
définition et fait ressortir trois grands objectifs pour les parcs. D’abord : « conserver, au point
9
Jaffeux Henri, La longue et passionnante histoire des parcs nationaux français publié dans le N° 9 / 2010 de la
revue du comité d’histoire du ministère de l’Ecologie, « Pour mémoire », p.155
10
Jaffeux Henri cite les paroles de Charles Beauquier dans son article La longue et passionnante histoire des
parcs nationaux français publié dans le N° 9 / 2010 de la revue du comité d’histoire du ministère de l’Ecologie,
« Pour mémoire », p.145
11
de vue scientifique la faune, la flore, la topographie, l’hydrographie, la géologie », mais aussi :
« maintenir, pour les artistes, l’aspect des paysages dans un état naturel absolument inviolé »,
et enfin : « assurer des commodités d’accès et de séjour, tout en empêchant que les exigences
purement touristiques, quant au confortable, aux distractions et aux sports, aboutissent à des
modifications fâcheuses »11
. Ici, l’argument scientifique et écologique, l’argument artistique et
l’argument touristique se juxtaposent.
Si cette effervescence d’idées va être freinée par l’arrivée des deux guerres mondiales, il est
tout de même important de souligner que l’entre-deux guerres fût marquée par des actions
déployées au sein des colonies. Ici, des parcs et des réserves sont instaurés par les puissances
coloniales selon une vision globalement orientaliste12
de l’environnement, c’est-à-dire selon
des concepts idéologiques axés sur une « nature vierge » devant être maintenue dans son
« équilibre » originel13
. Mais ici, certains auteurs postulent que ces parcs nationaux étaient
établis davantage dans un but de domination coloniale que pour les raisons que nous avons pu
citer précédemment14
. Cependant, c’est aussi dans ce contexte que la définition internationale
du Parc National va pouvoir se préciser avec la seconde Convention de Londres (8 novembre
1933) relative « à la conservation de la faune et de la flore à l'état naturel », cette convention
internationale suggérait aux pays signataires de créer leurs propres Parcs Nationaux. En
parallèle de l’intérêt scientifique, l’intérêt esthétique y est à nouveau convoqué, avec en
perspective « la récréation du public général ».
En France, des tentatives pour la création de parcs sont amorcées pendant l’entre-deux guerre,
mais sans aboutir à un plein statut juridique et institutionnel. La loi de 1906 « organisant la
protection des sites et monuments naturels de caractère artistique » ne suffit plus pour une
véritable mise en pratique des principes qu’elle énonçait. Celle-ci va donc être révisée en 1930
11
E. A. Martel, La question des Parcs nationaux en France, La Montagne, revue du C.A.F., 1913, p. 401- 412 ;
433-457
12
Jaffeux Henri, La longue et passionnante histoire des parcs nationaux français publié dans le N° 9 / 2010 de la
revue du comité d’histoire du ministère de l’Ecologie, « Pour mémoire », p.148
13
Y. Mahrane, C. Bonneuil F. Thomas, A. Selmi, Out of Yellowstone : le « préservationnisme » à la française, ses
origines coloniales, son influence et son déclin dans les premières années de l’UICN. Communication au colloque
« Une protection de la nature et de l’environnement à la française ? », A.H.P.N.E., 2010, Paris, à paraître.
14
D. Arnold, Ramachandra GUHA (éd.), Nature, Culture, Imperialism : Essays on the Environmental History of
South Asia, Delhi, Oxford University Press, 1995. Cité par Frédéric Thomas « Protection des forêts et
environnementalisme colonial : Indochine, 1860-1945 », Revue d’histoire moderne et contemporaine 4/2009
(n° 56-4), p. 104-136. URL : www.cairn.info/revue-d-histoire-moderne-etcontemporaine- 2009-4-page-104.htm
12
afin de faire prévaloir l’intérêt général sur le droit de propriété15
. Il s’agit ici de mettre en avant
un idéal politique de protection de l’environnement en faveur de l’intérêt de tous. Ce principe
est élevé pour donner légitimité aux Parcs Nationaux. Ils deviennent de futurs territoires
porteurs d’un modèle de société faisant prévaloir l’intérêt général dans ses fondements.
Après la guerre, le Parc National devient un projet humaniste toujours défendu par de
nombreux auteurs, écrivains, philosophes, poètes, peintres, etc. Dans son article, Henri Jaffeux
précise un événement historique peu connu et qui a pourtant joué un rôle important :
l’intervention d’un jeune vosgien, Gilbert André, venu s’installer dans les Alpes en 1956 et qui
s’engage pour la construction « d’un parc national culturel au sein des Alpes françaises »16
.
Celui-ci précise son idée dans un numéro spécial de Rivières et Forêts : « Notre vœux, c’est
surtout de voir l’enfant des villes se refaire dans un air pur une santé physique et morale. Notre
but, c’est de lui offrir par la création de vastes parcs naturels […] le moyen de comprendre le
vrai sens de la vie »17
. De plus en plus les Parcs Nationaux s’annoncent comme des espaces
dédiés à l’expérimentation, à la pédagogie, à l’éducation au territoire, avec une vocation presque
cathartique et régénératrice (libérer des altérations de la ville, éduquer la jeunesse, remettre en
question la technique et l’industrialisation, construire un modèle alternatif de société).
Le premier Parc National français sera celui de La Vanoise (Savoie) et sera créé
officiellement avec la loi du 22 Juillet 1960. Ce projet est l’aboutissement de tous les débats
que nous venons de retracer. Il s’agit de concilier les différentes attentes (protection stricte pour
la recherche scientifique, accueil touristique pour les populations des villes et éducation à la
nature, développement territorial en faveur des populations locales…) à travers un découpage
du parc en deux zones principales. D’abord une « zone centrale », qui malgré son ouverture au
public est régie par une réglementation stricte et est sous surveillance. C’est dans cette zone
qu’une « réserve intégrale » est instaurée principalement, voire exclusivement dédiée à la
recherche scientifique. Puis, une « zone périphérique » qui se caractérise par la présence de
différentes communes et par la mise en place « [d’] actions économiques et sociales permettant
une rénovation de la vie montagnarde » avec « un ensemble de réalisations et d'améliorations
15
A. Fortier Kriegel, La qualité des sites et des paysages en France ou l’histoire de la victoire des modernes, «
pour mémoire » n° 8, Conseil général de l’Environnement et du Développement durable, Comité d’histoire,
2010, p. 95.
16
I. Mauz, Histoire et mémoires du parc national de la Vanoise, 1921-1971 : la construction, Revue de
géographie alpine, collection « Ascendances », n° hors-série, 2003, p. 43.
17
Rivières et Forêts. Cahier N° 8, Réserves, parcs naturels de France, 1957, p. 71-72.
13
d'ordre social, économique et culturel tout en rendant plus efficace la protection de la nature
dans le parc »18
.
Ces deux zones sont devenues aujourd’hui « cœur du parc » et « aire d’adhésion ». En effet,
depuis la création de La Vanoise, la jurisprudence constitutionnelle a évolué avec les lois de
décentralisation qui se sont étendues de 1982 à 2004. Les collectivités territoriales ont alors
gagné en compétences et une mise à jour a été faite avec la loi du 14 avril 2006. Les élus locaux,
comme les usagers ou encore les présidents des régions trouvent un rôle important au sein du
conseil d’administration. C’est l’opportunité pour les Parcs Nationaux d’être d’autant plus
investis par les collectivités locales et les habitants. Les collectivités locales sont consultées
pour les actions en « cœur de parc », et les communes qui appartiennent à « l’aire d’adhésion »
doivent adhérer à la « charte du parc » définissant le projet de territoire19
.
Nous comprenons ainsi le cadre au sein duquel le développement culturel de ces territoires
va évoluer, se conformant à la problématique principale et commune à tous les Parcs Nationaux,
à savoir : concilier le développement du territoire (économique, social, touristique, culturel) et
la protection de ces espaces fragiles qui en constituent son identité. Nous avons choisi de lier à
notre analyse une autre forme de territoire habité par une problématique similaire : les Parcs
Naturels Régionaux.
B-L’invention des parcs naturels régionaux : une « mission culturelle »
pour des parcs habités
Quatre ans après la création du premier Parc National Français, en 1964, une mission décidée
par le Ministre de l’Agriculture et la DATAR (Délégation Interministérielle à l’Aménagement
du Territoire et à l’Attractivité Régionale) va débuter. En plus du modèle de Parc National aux
caractéristiques assez contraignantes, l’on s’interroge sur un autre modèle de parc plus adapté
à des territoires ruraux faisant face à un contexte de crise. Les problématiques humaines doivent
18
Allocution du directeur général des Eaux et Forêts, M. François Merveilleux du Vignaux, représentant le
ministre de l’Agriculture à l’installation du conseil d’administration du parc, le 18 novembre 1963, Rapportée
par A. Selmi, Administrer la nature, Le parc national de la Vanoise, Editions de la Maison des sciences de
l’homme, Paris, Ed. Quæ, 2006,p. 56.
19
Jaffeux Henri, La longue et passionnante histoire des parcs nationaux français publié dans le N° 9 / 2010 de la
revue du comité d’histoire du ministère de l’Ecologie, « Pour mémoire », p.161.
14
trouver une solution à travers la création de ces parcs naturels régionaux, d’un développement
axé sur la mise en valeur du patrimoine local à la fois naturel et culturel, et de la protection du
cadre de vie de ces territoires. Le décret instituant les Parcs Naturels Régionaux est signé par le
Général de Gaulle en 1967. On y trouve les trois objectifs principaux : « équiper les grandes
métropoles d’équilibre en aires de détente ; animer les secteurs ruraux en difficulté ; trouver,
dans les voies nouvelles de développement, la possibilité d’une mise en valeur des richesses
naturelles et culturelles, de la préservation de la flore, de la faune, des paysages »20
Cette innovation s’inscrit dans un contexte de désertification rurale. Il s’agit de permettre aux
territoires ruraux de rivaliser avec les territoires urbains, et de retrouver des ressources
d’attractivité. Les parcs souhaitent permettre la reconnaissance des ressources patrimoniales
propres à ces territoires, mais également contribuer au développement rural national en recréant
un équilibre entre l’offre culturelle de la capitale et celle de la province. Ce modèle de parc
émerge également dans un contexte politique particulier. L’année 1968 amène différentes
formes de revendications auxquelles il convient de répondre. Parmi celles-ci, notons la demande
accrue des citoyens pour participer à la vie publique, ainsi que des revendications écologistes.
La décentralisation va conférer davantage de pouvoir aux régions. Celles-ci deviennent
responsables des propositions, de la création de la charte, et ce sont elles qui décident de la
création d’un parc. Le Ministère de l’Environnement est créé en 1971, plus tard, dans les années
80, la notion de « développement durable » arrive et s’impose parmi les enjeux des politiques
européennes.
Ce contexte explique le choix de faire de ces modèles de parcs des zones de recherche et
d’expérimentation, afin de servir d’exemples pour des politiques environnementales nationales.
En 1983, Huguette Bouchardeau, Secrétaire d'Etat auprès du Ministre, chargée de
l'Environnement et de la Qualité de la Vie, déclare : « les Parcs Naturels Régionaux sont
aujourd'hui des exemples remarquables d'auto-développement... Ils sont et doivent devenir plus
encore des bancs d'essai pour des politiques qui s'imposeront un jour sur l'ensemble de notre
pays »21
. Le développement territorial et le développement culturel des parcs vont donc être
20
« Les Parcs naturels régionaux, 40 ans d’histoire ». Fédération des Parcs naturels régionaux, p.1.
https://www.parcs-naturels-regionaux.fr/mediatheque/ressources/les-parcs-naturels-regionaux-40-ans-
dhistoire. Consulté le 21 juin 2021.
21
Issu de l’Editorial de "Nouvelles Brèves" - mars-avril, cité dans « Les Parcs naturels régionaux, 40 ans
d’histoire ». Fédération des Parcs naturels régionaux, https://www.parcs-naturels-
regionaux.fr/mediatheque/ressources/les-parcs-naturels-regionaux-40-ans-dhistoire. Consulté le 21 juin 2021.
15
imprégnés de ces enjeux et de ce contexte. Les parcs vont ainsi pouvoir être analysés comme
des outils de développement territorial innovants. A la suite des Parcs Nationaux, les Parcs
Naturels Régionaux se révèlent être des territoires opportuns pour expérimenter une nouvelle
forme de développement basé sur la valorisation d’un patrimoine local. Autrement dit, un
développement qui se veut assez dynamique car la valorisation de ce patrimoine doit se
conjuguer avec des enjeux sociaux, économiques, culturels ou encore écologiques, et considérer
la population locale. Rosemarie Lucas, dans son article « Parcs naturels régionaux et
écomusées : vers une conception dynamique du patrimoine et des paysages » résume la
philosophie des Parcs Naturels Régionaux de cette façon : « Conserver l’héritage du passé en
organisant simultanément la modernisation de l’économie et de la vie sociale »22
.
L’histoire de la création du tout premier Parc Naturel Régional Français (l’Armorique en
Bretagne), nous permet de saisir pleinement la vocation de cette deuxième formule de parc.
Rosemarie Lucas le qualifie de « premier parc à vocation rurale », le terme est révélateur de ce
qui participe à la définition du Parc Naturel Régional : une structure qui prend place au sein
d’un territoire rural en crise. C’était le cas du Finistère et du centre de la Bretagne dans les
années 60, avec des pratiques agricoles et des modes de vie traditionnels qui se retrouvent en
marge dans un contexte global de modernisation agricole et d’urbanisation. Il y a donc une
réelle urgence à conserver ces traces historiques et identitaires de la Bretagne, et c’est ce qui va
motiver la création d’un Parc Naturel Régional ainsi que des écomusées. A propos de ces
derniers, l’auteure déclare : « Ces expériences sans précédent en France par leur ampleur et leur
complexité, ne traitent plus seulement des pratiques culturelles ou de l’architecture mais aussi
des relations de l’homme avec son environnement »23
. Les parcs vont être la source d’une
véritable innovation dans le domaine de la valorisation du patrimoine dans le sens où ils
permettent d’ouvrir le champ des médiations à de nouvelles questions patrimoniales.
L’environnement est pris en compte et s’inscrit dans l’histoire de ces régions en devenant
héritage de l’homme.
Nous remarquons ensuite que la création de ce premier Parc Naturel Régional a été
l’aboutissement d’initiatives locales. Ce sont des personnalités engagées qui vont solliciter à
plusieurs reprises l’administration et les politiques à propos de la protection de cette région.
22
Voisin, Lolita, et Sylvie Servain, éditeurs. Paysages et patrimoines. Presses universitaires François-Rabelais,
2016. p.123.
23
Voisin, Lolita, et Sylvie Servain, éditeurs. Paysages et patrimoines. Presses universitaires François-Rabelais,
2016. p.124.
16
C’est notamment le travail de Michel-Hervé Julien au sein de la SEPNB (Société pour l’Etude
et la Protection de la Nature en Bretagne) en 1957, qui a imaginé ce que pourrait être ce nouveau
modèle de parc : « [une] formule intermédiaire entre la simple région touristique et le parc
national, [qui] peut faire demain des zones les plus désavantagées de nouveaux pôles
d’attraction où, comme aux USA, la nature, tout en étant efficacement sauvegardée, se révèlera
la bonne affaire de l’expansion régionale »24
. Ici, le patrimoine naturel et culturel des parcs est
perçu comme une potentielle ressource touristique. Les projets de médiation vont donc devoir
s’emparer de cette double mission, il s’agira de valoriser ces ressources auprès d’un public à la
fois de visiteurs mais aussi d’habitants et d’en tirer des ressources économiques pour et avec la
population locale.
Comme pour les Parcs Nationaux, l’argument artistique est également de mise. C’est par
exemple le projet de Max Querrien (directeur de l’Architecture au ministère des Affaires
culturelles de 1963 à 1968) qui souligne l’importance de « la protection des richesses
exceptionnelles que constituent, tant pour les arts que pour la science et l’histoire, les paysages
[…] des monts d’Arrée »25
. Ce dernier parle également de « mission culturelle des parcs »,
exposant ainsi la charge sociale et la capacité des parcs à construire une identité territoriale. Cet
enjeu s’avère intéressant, le sentiment d’identité collective, d’appartenance et d’attachement
pouvant s’ancrer dans une démarche artistique de sensibilisation à un territoire.
A présent, il convient d’observer les caractéristiques propres aux deux formules de parcs, et
d’identifier les opportunités communes dont ils bénéficient. Quels sont leurs potentiels leviers
d’innovation pour des projets de médiation adaptés à leur mission de sensibilisation ?
C-Des opportunités communes pour de nouvelles techniques de
médiation
Aux vues de nos observations historiques précédentes, nous constatons que les Parcs Naturels
Régionaux seraient davantage abordés comme des territoires ruraux habités, et que les Parcs
Nationaux seraient principalement des zones peu peuplées et préservées. Cependant, il convient
de nuancer ce propos puisque les Parcs Nationaux conservent des zones habitées en dehors de
24
Julien Michel-Hervé, L’homme et la nature, Paris, Hachette, 1965, p.119
25
ADF, 154W52 : procès-verbal de la conférence relative à la protection et à la mise en valeur des monts
d’Arrée, 24 mars 1965, au ministère des Affaires culturelles, sous la présidence de Max Querrien.
17
la zone cœur, et restent des territoires traversés par l’homme (habitants ou visiteurs). D’ailleurs,
notre objectif est de traiter de projets questionnant les rapports homme-nature que cela soit sous
la forme d’une présence habitante ou d’une présence touristique (de passage). A travers
l’analyse des sites internet respectifs des Parcs Nationaux et des Parcs Naturels Régionaux,
nous observons une grande similarité dans les missions qui leur sont confiées, et nous devinons
de grands axes communs dans la construction de leurs projets territoriaux, et plus
particulièrement culturels.
Leur vocation centrale est avant toute chose d’œuvrer au développement économique, social,
culturel, touristique du territoire, tout en veillant à la préservation et la valorisation de leurs
patrimoines. Cela prend donc la forme d’un développement dit durable ou soutenable du
territoire. Par ailleurs, le rôle des parcs est principalement centré sur de l’animation et sur de
l’aide au développement de projets. Les projets culturels et artistiques des parcs ont donc
l’opportunité de s’emparer de cette problématique antagoniste et d’expérimenter de nouvelles
techniques de médiation.
Les parcs ont également la particularité d’aborder leurs projets à partir d’une certaine
transversalité et pluridisciplinarité. En effet, leurs missions concernent à la fois le domaine
politique, le domaine scientifique et technique, et à la fois les domaines sociaux et culturels. Il
y a ici l’opportunité de réaliser des projets alliant savoirs scientifiques et expériences culturelles,
voire sensibles et affectives. Ou encore, d’allier les sciences de la vie avec les sciences
humaines. Cette dimension transversale peut permettre à ces projets de s’ouvrir vers une
sensibilisation à des enjeux globaux voire écosystémiques.
Nous comprenons que cette pluridisciplinarité est également liée à une certaine pluralité de
patrimoines : à la fois naturels, culturels, paysagers, bâtis, etc. Les parcs naturels régionaux
contiennent par exemple 22% des forêts métropolitaines, 43% de la surface terrestre
métropolitaine des réserves naturelles et 26% de la surface française terrestre du réseau Natura
2000 26
. Ainsi, les projets de valorisation patrimoniale ont l’opportunité de s’ouvrir en ne
prenant pas seulement en compte le référentiel humain, mais en intégrant un référentiel non-
humain (biodiversité, écosystème…).
Comme nous le disions précédemment, les parcs peuvent être reconnus pour leur présence
habitante, n’étant pas seulement des « déserts naturels » à la différence des Etats-Unis. Cette
26
« Les Parcs en chiffres ». Fédération des Parcs naturels régionaux, https://www.parcs-naturels-
regionaux.fr/les-parcs/comprendre-les-parcs/les-parcs-en-chiffres. Consulté le 21 juin 2021.
18
présence habitante peut être considérée sous l’angle d’une présence humaine, ce qui donne lieu
à des projets de participation habitante ; mais peut également s’ouvrir au reste du vivant qui est
souvent intégré dans des projets de sensibilisation. Ainsi, l’enjeu pour les parcs est de parvenir
à valoriser un patrimoine spécifique. Autrement dit, ce patrimoine dit local, souvent investi par
les habitants, et que l’on reconnaît pour sa diversité (patrimoine immatériel, patrimoine naturel
et culturel, petit patrimoine ou patrimoine bâti, patrimoine agricole, patrimoine paysager, etc.),
va pouvoir devenir un véritable outil de développement territorial.
Ces démarches impliquent un tourisme particulier : les visiteurs ne viennent pas avec les
mêmes intentions, il s’agit d’un tourisme davantage basé sur le plein air, les activités et sports
de pleine nature. L’offre est ainsi orientée vers un tourisme dit durable. Il s’agit de permettre la
venue du public sur le territoire, tout en encourageant des pratiques dites « douces » ou
« responsables » qui restent conciliables avec la préservation du cadre de vie des parcs. La
question qui se pose alors, est celle des moyens à mettre en œuvre pour sensibiliser à ce type
de pratiques touristiques. C’est ainsi que les parcs vont en grande partie miser sur des techniques
de médiations adaptatives. En plus de s'adresser aux populations locales, en répondant aux
enjeux et aux besoins propres aux habitants du territoire, les Parcs Naturels Régionaux et les
Parcs Nationaux vont s'adresser à des visiteurs extérieurs. C'est ici que nous devons être
attentifs, et que de nouveaux enjeux vont rentrer en compte puisqu’on ne s’adressera pas de la
même manière à un public touristique, ou à un public local. Ainsi, les parcs s’avèrent être des
territoires privilégiés pour innover et répondre à des besoins qui peuvent appartenir à plusieurs
disciplines en même temps pour les concilier dans un même programme. Il s’agira par exemple
de créer des activités culturelles qui répondent à la fois à un besoin de développement
économique, de lien social, de valorisation des patrimoines et de protection des écosystèmes.
Finalement, depuis leur création, les parcs ont cherché à tendre vers un développement
durable de leurs territoires. Ainsi, ils vont développer leur créativité, devenir des espaces
d’expérimentation pour des projets de territoires innovants et en cohérence avec leurs missions.
Quelle vision du patrimoine et de la culture vont-ils entretenir ? Comment ceux-ci vont devenir
des outils pour sensibiliser aux enjeux des parcs ? Quelle place pour les démarches artistiques ?
19
-PARTIE II-
TRANSMETTRE UN PATRIMOINE VIVANT : DE LA
VALORISATION A LA SENSIBILISATION PAR L’ART
A-Mettre en commun nature et culture à travers un patrimoine qui se
réinvente
Comme nous l’avons vu précédemment, les parcs sont des structures illustrant une nouvelle
forme de développement et de valorisation du patrimoine. Ces structures sont le symbole d’un
changement de regard posé sur la notion de patrimoine en France qui s’élargie à d’autres formes
d’héritages, et notamment à des éléments « non-humains »27
. Ce terme est employé par
l’anthropologue Philippe Descola afin de relativiser l’opposition courante que les sociétés
occidentales établissent entre l’homme et la nature (entre nature et culture). Le terme « Nature »
induit immédiatement une distance que l’homme pose entre lui et le reste du monde. Parler de
« non-humains » est donc une façon plus adéquate de défaire cette frontière culturelle et de
replacer l’homme non plus au centre, mais parmi d’autres formes de vies. Par ce même biais, il
s’agit d’encourager d’autres formes de rapport avec notre environnement qui ne soient plus
basées sur l’exploitation et la domination. Il est question de reconnaître les phénomènes
d’interdépendances existant entre l’homme et son environnement, entre l’homme et les autres
espèces vivantes, entre la culture de ces territoires et les caractéristiques environnementales qui
les façonnent.
Par définition, les parcs sont des territoires en transition, travaillant à un développement
durable, afin de conjuguer le passé, le présent et le futur. Ainsi, la notion de patrimoine y est
mouvante. Ici, nous avons choisi de parler de « patrimoine vivant ». Ce terme est parfois
employé par l’UNESCO afin de désigner le patrimoine culturel immatériel. Celui-ci « se réfère
aux pratiques, représentations, expressions, connaissances et compétences transmises de
génération en génération. Ce patrimoine offre aux communautés un sentiment d'identité et est
constamment recréé en réponse à leur environnement. Il est appelé intangible parce que son
27
Descola, Philippe. « L’anthropologie de la nature ». Annales. Histoire, Sciences Sociales, vol. 57, no
1, 2002, p.
9-25.
20
existence et sa reconnaissance dépendront principalement de la volonté humaine, ce qui est
immatériel, et car il est transmis par l'imitation et la pratique sociale »28
.
Ici nous souhaitons proposer un « patrimoine vivant » comme une façon de se défaire de la
dualité existante entre « patrimoine naturel » et « patrimoine culturel ». Il s’agit de les réunir au
sein d’une même dynamique interdépendante : celle de la vie du territoire. Le patrimoine
immatériel tel que décrit par l’UNESCO y trouve sa place. Mais nous élargirons le patrimoine
vivant à une façon de repenser les liens sociaux actuels, de créer une nouvelle forme de vivre
ensemble pour les hommes habitant ou traversant les territoires des parcs, qui s’axerait autour
d’un intérêt commun : la préservation et l’animation d’un cadre de vie.
Il s’agit donc de parler d’héritage au sens large et d’établir en postulat l’idée selon laquelle
l’humain hérite de ses propres traditions, de ses propres créations, mais aussi d’un cadre de vie
fait d’entités non-humaines, mouvantes. Il s’agit finalement de reconnaître le lien
d’interdépendance existant entre l’homme et son environnement. Le mot « patrimoine » détient
une vraie force, mais il s’agit de prendre garde à ne pas tomber dans une vision trop « figée »
de cet héritage, de reconnaître son évolution constante, et sa dynamique vivante. Ce caractère
vivant se trouve à la fois dans la valeur intrinsèque de chaque espèce peuplant le territoire du
parc, mais également à travers la culture des hommes entendue comme transmission de biens,
de connaissances et de pratiques. Ce sont par exemple la transmission des langues de montagne,
des techniques agricoles et artisanales ou encore des légendes, contes et chansons29
.
Cette vision va ainsi s’illustrer à travers divers projets engagés par les parcs. Il s’agit de nous
intéresser plus spécifiquement à de nouvelles formes de médiations qui interrogent notre rapport
au vivant, grâce à des techniques de transmission alternatives qui se réinventent. Ainsi, valoriser
le patrimoine vivant et son histoire, c’est sensibiliser à son avenir, au devenir du territoire et de
sa population. Le patrimoine continue de vivre lorsqu’il tombe entre les mains des plus jeunes,
héritiers de ces territoires, et plus largement, héritiers du monde. Suivant cette idée, les Parcs
28
Sauvegarder le patrimoine vivant des communautés | Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la
science et la culture. http://www.unesco.org/new/fr/culture/resources/in-focus-articles/safeguarding-
communities-living-heritage/. Consulté le 21 juin 2021.
29
La culture cévenole | Parc national des Cévennes. https://www.cevennes-parcnational.fr/fr/des-
connaissances/le-patrimoine-culturel/la-culture-cevenole. Consulté le 21 juin 2021.
21
Naturels Régionaux ont par exemple signé un manifeste intitulé « Des relations apaisées entre
les sociétés humaines et la nature : la voie humaniste des parcs naturels régionaux »30
.
Finalement, valoriser un patrimoine vivant revient à exposer au public une nouvelle vision
du patrimoine et de notre héritage. Pour cela, il convient pour les parcs d’aller au-delà de la
valorisation, et de viser une sensibilisation pertinente.
B-Des ressources et compétences au service de nouvelles formes de
pédagogies, d’actions culturelles et artistiques
Pour les parcs nationaux comme pour les parcs naturels régionaux, les actions de
sensibilisation s’avèrent nécessaires puisqu’elles sont le socle de la pleine réussite du
développement durable de leurs territoires. Les deux structures comportent d’ailleurs un pôle
dédié à l’éducation et la sensibilisation au territoire. Il s’agit d’un pôle spécialisé mais sachant
créer des ponts avec les autres pôles et s’imprégner des différents enjeux qui font l’identité du
parc. Ce pôle travaille plus spécifiquement à des supports et techniques de médiations, à la
création d’événements et de programmes d’animation du territoire. Les actions culturelles et
artistiques y sont en grande partie associées. Il s’agit de fournir l’information, de la faire
comprendre afin d’amener le public à devenir acteur du développement durable. A travers une
prise de vue globale de ces animations, nous observons tout de même que les parcs nationaux
ont un développement durable davantage basé sur des actions scientifiques et écologiques. Le
développement culturel ne semble pas encore y être une mission officielle à part entière.
Cependant, ils bénéficient de réelles compétences en termes de communication, de médiation,
d’éducation à l’environnement. La culture y trouve une place à travers la protection du
patrimoine culturel. Aussi, nous y trouvons différentes formes d’animations qui intègrent des
démarches artistiques et laissent entrevoir un potentiel à développer.
Plus encore, au fils de leur évolution les parcs nationaux ont élaboré un modèle de
conservation de la nature plus dynamique, à travers de nouvelles formes de valorisation
patrimoniale, et la création de temps de rencontres et de sensibilisation. Globalement, les
démarches artistiques n’y sont pas majeures, les actions scientifiques (menées par des gardes-
30
« Manifeste Homme/Nature ». Fédération des Parcs naturels régionaux, https://www.parcs-naturels-
regionaux.fr/media/29550. Consulté le 21 juin 2021.
22
moniteurs et agents des parcs) et pédagogiques y sont privilégiées. Nous remarquons qu’ils
disposent d’une grande ressource d’animations destinées soit au grand public, soit ciblées pour
les scolaires.
Parmi les plus fréquentes nous trouvons des randonnées accompagnées, des conférences, des
ateliers et des expositions. Par exemple, le Parc National de la Vanoise propose régulièrement
des ateliers créatifs et des expositions à la Maison du Parc à Pralognan-la-Vanoise, à la maison
de la Réserve naturelle du Plan de Tuéda (les Allues) et à la maison de la Vanoise à Val Cenis-
Termignon31
. Nous pouvons d’ailleurs trouver quelques démarches artistiques au sein de
programmes pédagogiques pour les scolaires. L’intervention d’artistes est également possible
sous forme de partenariats et d’appels à projets. Le Parc National des Cévennes a ainsi lancé
un appel à projet pour la création d’un parcours de Land-Art32
sur les balcons de l’Aigual en
201933
. Notons également les différentes expositions de photographies, de peintures, de
sculptures.
Certains parcs nationaux encouragent la présence des résidences d’artistes. En 2018, le Parc
National des Calanques, en partenariat avec l’Institut Pythéas (Aix-Marseille Université,
CNRS, IRD), la Fondation Camargo et la Fondation Daniel et Nina Carasso a souhaité
encourager la création de résidences d’artistes à dimension internationale. L’idée était de
rassembler plusieurs œuvres autour d’un texte du jardinier, paysagiste et écrivain Gilles
Clément, interrogeant les rapports homme-nature34
.
Enfin, les balades contées permettent parfois d’introduire une dimension artistique et poétique
à un événement. C’est par exemple ce qu’expérimente le Parc National du Mercantour. D’après
une prospection de leur programme d’animation pour la saison estivale 2021, nous repérons
pour exemple l’événement « Sur les traves des mélèzes séculaires de l’Inferno ». Ici, Christian
31
Les animations | Parc national de la Vanoise. https://www.vanoise-parcnational.fr/fr/des-
decouvertes/decouvrir-le-parc/les-animations. Consulté le 21 juin 2021.
32
« Tendance de l’art contemporain apparue aux Etats-Unis vers 1967 et caractérisée par un travail dans et sur
la nature », source : Larousse, Éditions. Définitions : land art - Dictionnaire de français Larousse.
https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/land_art/46147. Consulté le 21 juin 2021.
33
Nouvel appel à projets Les Balcons de l’Aigoual - Parcours land art | Parc national des Cévennes.
https://www.cevennes-parcnational.fr/fr/actualites/nouvel-appel-projets-les-balcons-de-laigoual-parcours-
land-art. Consulté le 21 juin 2021.
34
Les Calanques : territoire de sciences, source d’inspiration | Parc national des Calanques.
http://www.calanques-parcnational.fr/fr/les-calanques-territoire-de-sciences-source-dinspiration. Consulté le
21 juin 2021.
23
Lorenzetti, à la fois guide du parc et conteur propose deux balades nocturnes et se fait le
médiateur de diverses légendes autour d’arbres remarquables35
.
Dans un second temps, nous observons que les Parcs Naturels Régionaux affirment davantage
leurs actions culturelles et artistiques dans leur politique et dans leur communication. Certains
documents en attestent, telle que la note d’orientation de Juin 201736
, dont le sujet est dédié au
domaine de la culture au sein des parcs. Des points réguliers sont effectués afin de renouveler
et de réorienter l’avenir du développement culturel des Parcs Naturels Régionaux. Ces derniers
disposent d’ailleurs d’une rubrique dédiée sur le site du Ministère de la Culture. Le ministère
souligne leurs cinq missions principales, toutes liées à une politique culturelle nationale : « la
préservation des patrimoines naturels, culturels et paysagers, l’action culturelle, l’aménagement
du territoire, l’éducation et la sensibilisation des publics, l’expérimentation de politiques
nouvelles »37
.
Les sites internet des Parcs Naturels Régionaux dédient spécialement des rubriques à leurs
actions culturelles et artistiques. Les Baronnies Provençales afficheront par exemple « une vie
culturelle riche », le Vexin proposera une rubrique « éducation et culture », et le Haut-Jura
présentera une section « sensibilisation et culture ». Les ressources des Parcs Naturels
Régionaux pour des actions culturelles et artistiques sont nombreuses. Tout comme les Parcs
Nationaux, une dimension importante de ces actions prend place à travers la préservation et la
valorisation du patrimoine local. Mais, cette seconde structure donne également une place
importante aux résidences d’artistes. Que ce soit dans le domaine des arts plastiques, du
spectacle vivant, de l’écriture ou de la musique, ils encouragent des projets innovants
interrogeant des notions telles que les paysages, les écosystèmes et les liens homme-nature.
Finalement, nous avons observé les parcs comme des territoires caractérisés par leur
interdisciplinarité. Autrement dit, les travaux et missions scientifiques s’accompagnent de
réflexions éthiques au moyen des sciences-humaines et sociales. Les parcs ne pensent pas
seulement écologie (détachée des autres domaines et traitée uniquement sous un angle
35
Voir annexe n°2/ « Programme animations estivales 2021 : Roya-Bévéra ». calameo.com,
https://www.calameo.com/read/00100618529c8c0b7df32. Consulté le 21 juin 2021.
36
« La culture dans les Parcs naturels régionaux ». Fédération des Parcs naturels régionaux, https://www.parcs-
naturels-regionaux.fr/mediatheque/ressources/la-culture-dans-les-parcs-naturels-regionaux. Consulté le 21
juin 2021.
37
Site du Ministère de la Culture/Les Parcs naturels régionaux. https://www.culture.gouv.fr/Sites-
thematiques/Developpement-culturel/Le-developpement-culturel-en-France/Culture-et-Monde-rural/Les-
acteurs-et-les-outils-au-service-du-maillage-culturel-du-territoire/Les-partenaires/Les-Parcs-naturels-
regionaux. Consulté le 21 juin 2021.
24
scientifique), mais pensent plus largement à un modèle de société (vision d’une écologie pleine
et entière, qui nous amène à revoir l’ensemble des liens existants sur un territoire). Cette
approche territoriale est propre à celle des parcs. Plus encore, le parc a pour mission d’informer
à propos de ces questionnements et de ces actions. Voilà pourquoi ceux-ci s’exercent à
différentes formes de médiations. Il y a ici un véritable défi à relever pour les parcs, celui de
parvenir à sensibiliser in fine un public d’habitants et de visiteurs. Il s’agit pour les parcs
d’encourager des projets capables de réunir sciences de la vie et sciences humaines, et d’offrir
de nouvelles perceptions au public. Dans ce contexte, l’art peut intervenir. En ce sens, il s’agit
d’imaginer un art accessible à ciel ouvert.
Enfin, il est intéressant de voir que si les artistes ont pu inspirer la protection de certaines
zones du territoire national au fur et à mesure de l’histoire et faire aboutir la création des parcs,
ils vont aujourd’hui investir ces structures de l’intérieur sous forme de créations, de médiations
artistiques et culturelles et finalement participer aux différentes missions des parcs.
C-La sensibilisation par l’art comme une approche complémentaire à la
médiation scientifique
Notre objectif ici, n’est pas de nier l’efficacité et l’importance de l’approche scientifique. Il
s’agit plutôt d’étudier l’art comme un moteur de sensibilisation supplémentaire, et d’entrevoir
les artistes comme les médiateurs des relations entre les hommes et le territoire. En ce sens,
nous pouvons déjà reconnaître plusieurs particularités à l’art en tant que médium. L’art suscite
avant toute chose la subjectivité et fait appel au sens de l’interprétation du public. Cela laisse
donc plus libre court à l’imagination du spectateur. A la différence de l’inventaire de
l’animateur nature, du guide naturaliste ou biologiste, l’artiste proposera un rapport sensible et
esthétique au vivant.
L’émotion est donc un des effets particulièrement attendus. Celle-ci va pouvoir être partagée
et transmise, et aura l’opportunité de se transformer en souvenir. Par ce même biais, nous
pouvons estimer que l’art peut potentiellement susciter l’attachement au lieu, au territoire, et à
l’environnement qu’il investit. S’attacher c’est également se sentir impliqué personnellement,
et prendre conscience de son rôle au sein d’une expérience. Les démarches artistiques semblent
être pertinentes dans ce domaine, et l’expérience effectuée au sein du site naturel protégé du
Méjean au sud de Montpellier en témoigne. Nous avons pu découvrir ce projet au cours du web-
atelier « Comment informer et sensibiliser au sein d’un espace naturel » organisé par le
25
Conservatoire du Littoral le 16 Février 2021. Il s’agissait de parvenir à sensibiliser le public à
la découverte du site, à travers la création d’un sentier accessible à tous. Le parcours était
scénographié et un artiste y est intervenu. Ce dernier a pratiqué le tressage en osier de la clôture
et de certains points forts du parcours. Cela était une façon d’introduire la vannerie, artisanat
faisant partie du patrimoine de ce territoire (le Méjean étant un site de pêche historique peuplé
de châtaigniers, où l’on y pratiquait le tressage traditionnel).
Le public a témoigné de retours positifs et cette démarche artistique est apparue comme
quelque chose de vivant, se fondant dans le paysage. De plus, l’artiste entretenait une proximité
avec le lieu et les locaux. Finalement, cette démarche a suscité « un lien profond »38
en chaque
promeneur. Ainsi, nous pouvons en déduire la singularité du regard de l’artiste : un regard
davantage poétique, fait d’attachement, souvent motivé par l’envie de transposer cette
perception à travers une œuvre. Cette œuvre propose alors une expérience sensible au public,
qui pourra en tirer des émotions parfois durables.
Cette expérience nous révèle également une chose : investir artistiquement un espace naturel
protégé, tout comme un parc naturel, c’est inscrire son œuvre à une échelle plus large, celle du
paysage. Au centre des objectifs de valorisation des parcs, le paysage apparaît comme un objet
patrimonialisé qu’il convient d’étudier plus avant. Le paysage n’est non pas une réalité
matérielle, mais plutôt une réalité conceptuelle. Il s’agit d’un mot que nous employons
couramment afin de qualifier notre environnement alentour, et d’en donner une appréciation.
Comprenons ici que le paysage est une perception à la fois subjective et culturelle de notre
environnement. Il s’agit du regard que nous posons sur le monde qui nous entoure.
Comme nous l’avons vu au début de notre développement, la création des parcs était en partie
motivée par le souhait de conserver des paysages pour leur intérêt artistique. Cela témoigne
d’une conception esthétique du monde bel et bien existante dans notre regard. Le philosophe et
écrivain Alain Roger va même jusqu’à affirmer que « les paysages sont des acquisitions
culturelles »39
et que « la perception, historique et culturelle de tous nos paysages […] s’opère
selon une ‘artialisation’ »40
. Il confirme alors l’idée d’Oscar Wilde affirmant que « les choses
sont parce que nous les voyons, et la réceptivité aussi bien que la forme de notre vision
38
Mots de l’intervenant Jean-Jacques FRESKO lorsque nous l’avons interrogé.
39
Roger, Alain (2017). Avant-propos, Court Traité du Paysage (Gallimard, p.11).
40
Roger, Alain (2017). Avant-propos, Court Traité du Paysage (Gallimard, p.15).
26
dépendent des arts qui nous ont influencés »41
. Cette hypothèse confèrerait à l’artiste un rôle
absolument central, capable d’influencer notre perception du monde et notre rapport à
l’environnement. Il est vrai que l’art est une façon pour l’homme de représenter son
environnement, voir de se le réapproprier. Que ce soit à travers la peinture, la sculpture, ou
encore la photographie, nous fabriquons des paysages de mille façons.
De façon plus opérante, les techniques de communication actuelles s’appuient en grande
partie sur l’image. L’offre touristique et culturelle des parcs sera souvent médiatisée via des
représentations photographiques ou picturales. De façon usuelle, nous associons les territoires
des parcs à de grands symboles paysagers. Nous associerons par exemple le Parc National de
La Vanoise aux grands massifs des Alpes, et nous visualiserons de grands champs de lavandes
à l’évocation du Parc Naturel Régional des Baronnies Provençales.
Ici, il ne s’agit pas d’affirmer ou d’infirmer l’hypothèse d’un art influençant de façon absolue
notre perception du monde, mais de reconnaitre le paysage comme une façon usuelle de
regarder et d’appréhender notre environnement. Puis, dans un second temps, il s’agit de
reconnaître aux artistes un usage caractéristique et singulier du paysage. L’art appliqué au
paysage devient un médium capable d’en modifier la perception.
Ainsi, le paysage apparaît comme l’espace de médiation entre la nature et la culture : il est
l’environnement brut vu à travers le prisme du regard humain, influencé par des références
culturelles et esthétiques. C’est d’ailleurs pour cela que nous utilisons certains termes comme
« patrimoine paysager » ou « paysage culturel ».
L’enjeu pour les artistes au sein des parcs est donc de parvenir à devenir les médiateurs de
ces paysages. Ainsi, le paysage pourrait être perçu en tant que patrimoine et devenir le lieu de
l’attachement. Il pourrait se muer en un lieu commun et un espace public, c’est-à-dire un
territoire investi par des citoyens conscients de la valeur commune et patrimoniale de leur cadre
de vie. Il s’agirait de créer des paysages patrimonialisés à travers un regard artistique, pour en
faire des patrimoines vivants en perpétuelle réappropriation. Ces paysages pourraient être
investis de l’intérieur car habités et traversés par l’homme. Dès lors il convient de s’interroger :
comment les artistes vont investir les paysages des parcs et tenter de susciter de nouvelles
perceptions ?
41
Oscar Wilde, Le Déclin du mensonge, dans Œuvres, Paris, Stock, 1977, 2 vol., vol. I, pp. 307-308.
27
-PARTIE III-
EXPERIMENTATIONS ARTISTIQUES EN ACTION : FORCES ET
LIMITES OBSERVEES
A travers l’analyse de plusieurs projets artistiques mis en œuvre au sein des parcs naturels
régionaux et des parcs nationaux, nous avons cherché à mieux comprendre leurs mécanismes
de sensibilisation et à en dégager les effets.
A-Proposer de nouvelles perceptions et construire un nouveau rapport
au territoire
Les démarches artistiques entreprises par les parcs cherchent généralement à opérer des
transformations culturelles dans un premier temps, pour produire des transformations
territoriales dans un second temps. Sensibiliser via l’art, c’est faire en sorte que des alternatives
de sociétés, des idées encore en marge puissent être montrées et partagées. Les artistes
prétendent ainsi faire usage de la beauté et de la poésie pour transmettre ces nouvelles
perceptions. Il s’agit souvent de sortir le public de son milieu habituel afin de lui proposer
d’autres façons de voir et d’expérimenter le monde. L’exemple du projet des « Classes d’Art
d’Eco »42
initié par le Parc Naturel Régional du Vexin, témoigne de cette idée. Ces classes
destinées aux scolaires ont lieu sur l’écosite de Villarceaux43
(commune de Chaussy en Val
d’Oise), en partenariat avec l’association La Source44
. A travers ces séjours pédagogiques, des
enfants qui n’ont pas l’occasion d’aller à la campagne par ailleurs, sont sortis de leur milieu
habituel. Ils sont sensibilisés à l’environnement à travers une double approche disciplinaire : à
la fois scientifique, à la fois artistique. L’association observe des retours positifs : les élèves
vont par exemple entrevoir l’animal différemment. Ils ne se contenteront pas d’établir une
42
Voir annexe n°3
43
Lieu appartenant à la fondation « Charles Leopold Mayer pour le progrès de l’homme », qui a pour but de
transmettre aux hommes tout ce qui est de l’ordre de son bien être dans son environnement et de la
préservation de la biodiversité.
44
Association 1901 à vocation sociale et éducative par l’approche artistique. Elle engage des artistes et des
animateurs socio culturels afin de s’adresser à un public varié avec des atelier varié, et à travers un objectif de
mixité sociale. Elle occupe une partie du domaine de l’écosite de Villarceaux, lieu accueillant des séjours
scolaires. L’association s’occupe des ateliers artistiques ayant lieu durant ces séjours
28
simple liste de noms, mais parleront davantage du rapport qu’ils entretiennent avec lui. De plus,
cela permet de valoriser à la fois le lieu et le territoire, lorsque les enfants se font les médiateurs
de cette expérience auprès de leurs parents. Finalement, l’art devient un prétexte pour faire les
choses ensembles, et des liens sociaux entre les enfants se créent.
A travers ces démarches artistiques, les parcs ont la vocation d’utiliser les ressources locales
de leurs territoires pour sensibiliser à des enjeux globaux. Le projet des « Classes d’Art d’Eco »
prend ainsi appui sur un lieu hybride. L’écosite de Villarceaux abrite plusieurs associations, un
espace d’hébergement ainsi qu’un pôle de réflexion dédié aux enjeux des territoires ruraux. Le
site comporte diverses installations en faveur de l’écologie, et une ferme tenue par un
agriculteur. Les ateliers artistiques se serviront donc des différents potentiels du lieu afin
d’appréhender certaines notions telles que l’alimentation. Les élèves feront l’expérience de la
visite de la ferme, consommeront une nourriture bio, apprendront des notions d’alimentation et
élaboreront des créations avec des artistes autour du goût. Une telle approche appuyée sur les
ressources locales et une interdisciplinarité permettront de comprendre des enjeux territoriaux
globaux liés à l’agriculture, au paysage et à l’énergie.
© Parc Naturel Régional du Vexin-extrait de la brochure des ‘Classes d’Art d’Eco’/ Plan de l’ecosite de Villarceaux
29
Finalement, ces démarches artistiques tentent de déjouer les techniques classiques
d’exposition et de mise en art des territoires. Il s’agit d’élaborer des processus artistiques
ascendants, c’est-à-dire en concertation avec les habitants des parcs. Il s’agit pour les artistes
de proposer sans imposer, et d’être à l’écoute des personnes qui ont une connaissance
quotidienne du territoire. Par ce biais, certaines de ces démarches artistiques souhaitent
incorporer de l’art dans le quotidien et transformer des lieux non dédiés en espaces publiques.
Il s’agit de montrer que l’attachement peut se produire partout si l’on sait y poser un regard
sensible.
Suivant cette idée, le Parc Naturel Régional de la Vallée de Chevreuse a initié en 2018 le
programme « Aux artistes le patrimoine », afin de permettre à dix lieux patrimoniaux originaux
d’être investis et valorisés par des artistes. Nous nous sommes plus précisément intéressés au
projet « Nous aimons faire des histoires » mené par la compagnie Les Armoires Pleines près de
la commune de Saint-Léger en Yvelines en pleine forêt.
La compagnie mélange les arts plastiques et le théâtre, et travaille dans l’espace public, dans
des lieux non dédiés. Ils font dialoguer le visuel, le texte, le théâtre, la chorégraphie et la
musique dans des créations produites avec des amateurs (collectifs d’habitants, lycées, écoles
primaires…). Pour ce projet au sein du parc, il s’agissait de valoriser plus spécifiquement un
chêne centenaire reconnu par l’ONF. L’action artistique avait pour but de mettre l’accent sur
cet arbre remarquable et sur les caractéristiques méconnues de la forêt. La compagnie a fait le
choix de créer un temps de rencontre lors d’une veillée nocturne à proximité de l’arbre, à travers
la lecture scénographiée de textes. La forêt étant habituellement un lieu où les promeneurs se
croisent et se rassemblent rarement, avait ainsi l’opportunité de devenir un lieu commun.
© Parc Naturel Régional de la Haute-Vallée de Chevreuse/ Affiche de l’événement « Nous aimons faire des histoires »
30
B-Transcender les rôles : convergence des acteurs et public participant
A travers ces projets, nous observons une volonté de produire une offre culturelle et artistique
qui soit investie en premier lieu par un public local. Chantal Auriel, chargée de mission
« Education au Territoire » pour le Parc Naturel Régional du Vexin nous confirme que la
volonté des parcs est celle-ci : sensibiliser sans imposer, tout en concertant et faisant coopérer
les différents acteurs du territoire.
Les parcs tentent ainsi de faire collaborer divers acteurs afin de créer des projets en cohérence.
Cela se traduit par des approches qui se veulent complémentaires. Un lieu, une association, des
animateurs, des artistes, des guides scientifiques formés par les parcs vont pouvoir coopérer.
Les classes d’Art d’Eco ont par exemple été le fruit d’une convention entre l’écosite de
Villarceaux, l’Académie de Versailles (Education Nationale), et l’association La Source. Le but
est de proposer un programme de sensibilisation complet et complémentaire des enseignements
classiques. La partie dédiée à l’observation scientifique sera complétée par la partie dédiée à
l’imaginaire et la création. Il s’agira d’établir un lien avec le thème principal et de transmettre
les informations aux enfants de façons différentes. Le thème de l’eau sera par exemple abordé
dans un premier temps à travers un atelier scientifique décrivant le cycle de l’eau, puis dans un
deuxième temps à travers la production d’une aquarelle inspirée des sources d’eau se trouvant
dans l’environnement immédiat du site.
Si cette convergence d’acteurs s’établie en fonction d’une cohérence territoriale à échelle
locale, elle est aussi recherchée à plus grande échelle. Les parcs nationaux et régionaux
inscrivent ce type de projet à l’échelle de leurs missions culturelles globales. Il s’agit d’être en
cohérence avec les enjeux culturels du territoire en encourageant le développement des
résidences d’artistes, en passant des conventions avec la DRAC ou en valorisant certains labels
comme Les Pays d’Art et d’Histoire. Ensuite, cela est aussi l’occasion de suivre l’ambition
nationale d’éducation au développement durable. Les Parcs Nationaux ont ainsi crée un
partenariat avec la GMF, le Réseau Canopé45
et l’Agence Nationale pour la Biodiversité afin
de créer la ressource numérique « Entrez dans le Paysage ». Ce dernier propose un programme
interdisciplinaire complet pour des élèves du cycle 4 et du lycée. Afin de les sensibiliser et de
les éduquer au développement durable, différentes séquences et thèmes pédagogiques sont
45
Celui-ci est placé sous la tutelle du Ministère de l’Education Nationale et est une plateforme en ligne
d’accompagnement pédagogique.
31
proposés. Les territoires des Parcs Nationaux sont alors investis comme des lieux d’innovation
pédagogique, et les arts plastiques font partie des disciplines sollicitées46
.
Le rôle du médiateur et le rôle du public sont expérimentés autrement puisque ces démarches
artistiques détiennent une importante dimension participative. Le rôle de l’artiste en tant que
médiateur est essentiel. Il apporte un tout autre regard sur le patrimoine et tente de le faire vivre
à travers une approche sensible. Mais le public va également détenir une place centrale. Ces
démarches artistiques participatives font preuve de confiance envers le public et sa capacité à
imaginer et à créer. Les artistes témoignent de la facilité qu’ils ont à stimuler l’imagination des
enfants et à en tirer une énergie créative. Ainsi, la veillée finale pour le projet « Nous aimons
faire des histoires » a été le fruit de témoignages récoltés auprès des habitants et d’ateliers
d’écriture menés en amont auprès des scolaires du village.
A travers ce type de démarche, le public est sollicité et incorporé au processus de création. Il
s’agit de faire basculer le rôle du public, en lui proposant de passer d’une position passive à une
position active. Au lieu d’apporter des informations toutes faites, indiscutables, il va être
proposé au visiteur d’aller en quête de cette information, et d’acquérir une forme de
responsabilité en se positionnant en tant qu’acteur. Il va participer à la construction du sens de
l’œuvre et parfois même à la construction de l’œuvre en elle-même. Le public n’est plus
seulement observateur, ni seulement interlocuteur, il devient acteur. Le processus de
sensibilisation cherche à obtenir ce résultat et les démarches artistiques participatives semblent
ainsi aller dans le sens de la mission éducative des parcs. Après avoir délivré l’information au
public, après avoir fait comprendre ces enjeux, leur vocation est de montrer des interactions
possibles et souhaitables pour le territoire, et de rendre les hommes sensibles aux enjeux de
protections.
Finalement, les projets artistiques tels que nous venons de les décrire deviennent des zones
d’essais et d’expérimentations. L’art apparaît comme le lieu où l’on peut projeter notre
imagination sans limite, sans impact direct sur le réel dans un premier temps. Il cherche à
produire des effets intangibles, liés aux émotions, et à l’attachement. Il souhaite participer à une
prise de conscience durable, produisant des comportements alignés avec les objectifs de
développement durable du parc dans un second temps.
46
Voir annexe n°4
32
C-Augmenter la portée de ces expériences sans perdre de vue l’ancrage
territorial
Nous avons pu nous rendre compte des réels effets de ces projets à échelle locale. Mais il
convient tout de même de s’interroger : ces types de projets ne sont-ils pas encore trop limités
à un public d’initiés ? En effet, un projet comme « Nous aimons faire des histoires » s’est
adressé en grande partie à des enfants ayant grandi là, et ayant l’habitude des balades en forêt.
Lors de la représentation finale, les parents de ces enfants se sont joints à l’événement. A cet
échantillon du public, se sont ajoutées plusieurs personnes ayant un intérêt pour les programmes
du parc naturel régional de la Vallée de Chevreuse, et ayant suivi d’autres événements du
programme « Aux artistes le patrimoine ».
Toucher un public local de cette manière est intéressant dans la mesure où cela permet de
réunir les habitants autour des enjeux et des richesses de leur territoire. Certains habitants
peuvent d’ailleurs avoir une méconnaissance de leur lieu de vie. Beaucoup de personnes vivant
en Vallée de Chevreuse sont amenées à se déplacer à Paris pour leurs activités professionnelles,
et participent peu à la vie locale par ailleurs. Il s’agit donc pour ces projets artistiques de tenter
de remédier à ce manque de lien avec notre environnement immédiat.
Cependant, il semblerait également important d’aller toucher le public au-delà de la sphère
locale, et de parvenir jusqu’au visiteur, celui qui n’est que de passage. Tout cela afin de lui
apporter une meilleure compréhension du territoire, d’encourager des comportements
conscients et responsables le temps de son séjour. Cette sensibilisation adressée à des visiteurs
semble d’autant plus pertinente au sein des Parcs Nationaux, puisqu’ils sont des territoires
davantage caractérisés par des zones inhabitées traversées par un public nomade.
Comment donner de l’ampleur à ces démarches artistiques ? Il s’agit ici de reconnaître le rôle
des structures touristiques, tels que les Offices de Tourisme, mais également celui des services
municipaux dédiés au développement de l’offre culturelle. Certains artistes déplorent d’ailleurs
le manque d’intérêt fréquent des élus locaux pour ce type de démarche culturelle. Les
compagnies doivent souvent justifier elles-mêmes les bénéfices potentiels de ces formes de
médiation pour le territoire. Afin de diversifier le public, une collaboration semble nécessaire
entre le développement culturel et le développement touristique des parcs. Ces programmes
artistiques pourraient s’inscrire pleinement dans une offre touristique cohérente. La notoriété
de ces offres devrait tout de même s’effectuer dans la juste mesure, afin de ne pas dénaturer
l’expérience artistique originale.
33
En effet, ces démarches artistiques sont souvent construites autour des valeurs de convivialité,
d’échange, d’écoute qualitative. Puisqu’il s’agit de mobiliser du temps pour une prise de
conscience, il s’agit davantage d’une sensibilisation qualitative, plutôt que d’une sensibilisation
quantitative. La représentation en forêt pour le projet « Nous aimons faire des histoires »
détenait par exemple une jauge d’une centaine de personnes, et les diverses approches
pédagogiques initiées par les parcs s’adressent souvent à des petits groupes. Augmenter ces
jauges pourrait faire perdre toute la pertinence de ces projets en termes de sensibilisation. Nous
pourrions donc préférer une diversification plutôt qu’une augmentation du public. Dans cette
perspective, il serait envisageable de multiplier les démarches artistiques de ce type sur les
territoires des parcs, afin à la fois de faire bénéficier chaque localité d’une offre culturelle, et à
la fois de disperser le public, tout en maintenant une expérience qualitative pertinente.
Cependant, une dernière précaution semble s’imposer. Multiplier les démarches artistiques
sur les territoires des parcs fait courir le risque de n’entrevoir notre rapport à l’environnement
qu’à travers l’art. Que fait-on des espaces non investis par l’art ? Ont-ils moins d’importance ?
Il ne s’agit pas de faire des parcs d’immenses musées à ciel ouvert. L’œuvre artistique ne doit
pas être le seul moyen de valorisation des territoires. Le fait de mettre en valeur un paysage
plutôt qu’un autre ne doit pas induire un désintéressement pour les zones non-investies par l’art.
Ces projets cherchent plutôt à présenter un échantillon du monde, une parcelle de
l’environnement qui nous entoure, et à se servir des ressources locales pour construire une
pensée plus globale. Ainsi, il est question de ne pas imposer mais de suggérer, de laisser de
l’espace à l’imagination et à l’invention. L’individu doit être en mesure de devenir acteur, sans
qu’il soit question de tout lui démontrer par l’art. Finalement, il convient de considérer que
l’environnement parle également pour lui-même, que l’action humaine n’est pas un élément
central mais un élément participant. L’opportunité ici est de ramener l’humilité dans nos
perceptions, en considérant que l’humain agit et laisse sa trace dans son environnement tout
comme le reste du vivant, mais sans en être le maître.
34
CONCLUSION
Dès leur origine, et avant même leur création officielle, les futurs parcs nationaux et parcs
naturels régionaux sont valorisés et défendus selon leur potentiel esthétique et artistique. Puis,
des arguments scientifiques sont apportés et évoluent en parallèle. Ils sont les chevaux de
bataille d’artistes ou de personnalités à double posture : à la fois écrivains et naturalistes, à la
fois peintres et défenseurs de la nature… Voilà qui nous laisse entrevoir l’originalité de ces
structures territoriales : des territoires observés à la fois pour leurs paysages et pour leurs
écosystèmes. L’enjeu culturel y cohabite avec l’enjeu écologique. Ces structures font face à des
défis mais aussi à des opportunités et ont une mission à relever : s’emparer d’un patrimoine
vivant. Il s’agit d’un patrimoine qui sort désormais des premières catégories de monuments et
de sites, et d’un patrimoine en évolution, à la fois culturel, à la fois naturel. Le patrimoine des
parcs nationaux et régionaux revêt alors une certaine dynamique, puisqu’il devient une véritable
ressource au service d’enjeux territoriaux : économiques, touristiques, culturels, sociaux. Ce
patrimoine interroge les relations de l’homme avec son environnement et contribue à un modèle
de territoire qui souhaite faire cohabiter un objectif de développement avec un objectif de
protection. Tout l’enjeu est alors celui-ci : comment valoriser un tel patrimoine ? Au-delà de la
valorisation, nous comprenons qu’il convient pour les médiateurs des parcs de parvenir à
sensibiliser. C’est ici que s’essaient différentes démarches artistiques. L’art par ses originalités
se propose comme médium alternatif voir complémentaire du médium scientifique. Il s’attache
non plus seulement à exposer des faits mais à faire sentir, à faire imaginer, à construire de
nouvelles perceptions. Par extension, il devient un terrain d’expérimentation pour les parcs à la
recherche de projets interdisciplinaires qui répondent à leur problématique centrale de
développement durable.
35
ANNEXES
Annexe n°1 : les personnes rencontrées lors d’entretiens qualitatifs
- Madame Chantal AURIEL : chargée de mission « Education au Territoire » au Pôle
« Education, Culture, Valorisation des Patrimoines » pour le Parc Naturel Régional du Vexin
-Madame Christel DRIQUE : Coordinatrice du parcours des Classes « Art d’Eco » pour
l’association La Source
-Madame Stéphanie SACQUET : Co-directrice de la compagnie Les Armoires Pleines, artiste
plasticienne et scénographe
36
Annexe n°2 : Extrait du programme d’animation de la saison estivale 2021
du Parc National du Mercantour
37
Annexe n°3 : Extrait de la brochure des Classes « D’Art d’Eco »
38
39
40
41
42
43
44
45
Annexe n°4 : Extrait du programme pédagogique « Entrez dans le
paysage »
46
47
48
49
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages :
• Voisin, Lolita, et Sylvie Servain, éditeurs. Paysages et patrimoines. Presses universitaires
François-Rabelais, 2016.
• ROGER, Alain. Court traité du paysage. Gallimard/folio essais. 2017, 256 p.
Articles scientifiques et de recherche :
• Jaffeux Henri, La longue et passionnante histoire des parcs nationaux français publié dans
le N° 9 / 2010 de la revue du comité d’histoire du ministère de l’Ecologie, « Pour
mémoire »
• François PORTET, 2015, « Les parcs naturels régionaux et la culture », Cairn.info, GREP,
N° 226 | pages 97 à 106
• Delfosse, Claire, et Pierre-Marie Georges. « Artistes et espace rural : l’émergence d’une
dynamique créative ». Territoire en mouvement Revue de géographie et aménagement.
Territory in movement Journal of geography and planning, no
19-20, mai 2013, p.
60-76. journals.openedition.org
• [HAL] La mise en art des territoires ruraux et protégés. Une clé de lecture des dynamiques
socio-environnementales. Marie Méténier, Greta Tommasi, 2018. URL :
https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01854403/document
• [HAL] « Le paysage, territoire de l’art ? » Emmanuel Négrier -dans (collectif) Regards
croisés sur les paysages, projets d’artistes dans trois Parcs Naturels Régionaux en Rhône-
Alpes, 2008, p.139-159. URL: https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-
01441795/file/paysage%20territoire%20de%20l%27art.pdf
Articles-Presse en ligne :
• « Les 56 parcs naturels régionaux français à la recherche d’un juste équilibre ». Le
Monde.fr, 21 janvier 2021. Le Monde,
https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/01/21/les-56-parcs-naturels-regionaux-
francais-a-la-recherche-d-un-juste-equilibre_6067071_3244.html. Consulté le 22 juin
2021.
50
• John Muir (1838 - 1914) - Le vagabond qui a créé le parc de Yosemite - Herodote.net.
https://www.herodote.net/Le_vagabond_qui_a_cree_le_parc_de_Yosemite-synthese-
2761-464.php. Consulté le 22 juin 2021.
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parcnational.fr/fr/des-connaissances/le-patrimoine-culturel/la-culture-cevenole. Consulté le
21 juin 2021.
• Les Calanques : territoire de sciences, source d’inspiration | Parc national des Calanques.
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2021.
• Site du Ministère de la Culture, Les Parcs naturels régionaux.
https://www.culture.gouv.fr/Sites-thematiques/Developpement-culturel/Le-developpement-
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maillage-culturel-du-territoire/Les-partenaires/Les-Parcs-naturels-regionaux. Consulté le 21
juin 2021.
• Nouvel appel à projets Les Balcons de l’Aigoual - Parcours land art | Parc national des
Cévennes. https://www.cevennes-parcnational.fr/fr/actualites/nouvel-appel-projets-les-
balcons-de-laigoual-parcours-land-art. Consulté le 21 juin 2021.
• Sauvegarder le patrimoine vivant des communautés | Organisation des Nations Unies pour
l’éducation, la science et la culture. http://www.unesco.org/new/fr/culture/resources/in-
focus-articles/safeguarding-communities-living-heritage/. Consulté le 21 juin 2021.
• Aux artistes le patrimoine ! | Parc naturel régional de la Haute Vallée de Chevreuse.
https://www.parc-naturel-chevreuse.fr/une-autre-vie-sinvente-ici/vie-sociale-et-culturelle-
regards-dartistes-sur-le-territoire/aux. Consulté le 22 juin 2021.
• Nature in Solidum : faire vivre la création artistique ! - Parc naturel régional du Haut-
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solidum-residences-artistes.263-299-462__1117.php. Consulté le 22 juin 2021.
• Education à l’environnement et au territoire - Éducation & Culture - Parc naturel régional
du Vexin français. http://www.pnr-vexin-francais.fr/fr/education-et-culture/education/.
Consulté le 22 juin 2021.
51
• Regards croisés sur les paysages | art3. http://www.art-3.org/art-contemporain/regards-
croises-sur-les-paysages. Consulté le 22 juin 2021.
• Portail des parcs nationaux de France |. http://www.parcsnationaux.fr/fr. Consulté le 22
juin 2021.
• « Fédération des Parcs naturels régionaux ». Fédération des Parcs naturels régionaux,
https://www.parcs-naturels-regionaux.fr/. Consulté le 22 juin 2021.
• « Entrez dans... les parcs nationaux de France ». Réseau Canopé, https://www.reseau-
canope.fr/entrez-dans-le-paysage/entrez-dans-les-parcs-nationaux-de-france.html. Consulté
le 22 juin 2021.
• « Association Sur le sentier des lauzes | Vallée de la Drobie ». sur le sentier des lauzes,
http://surlesentierdeslauzes.fr/. Consulté le 22 juin 2021.
• Patrimoine culturel | Portail des parcs nationaux de France.
http://www.parcsnationaux.fr/fr/des-connaissances/patrimoine-culturel. Consulté le 22 juin
2021.
Documents mis à disposition par les parcs :
• « La culture dans les Parcs naturels régionaux ». Fédération des Parcs naturels régionaux,
https://www.parcs-naturels-regionaux.fr/mediatheque/ressources/la-culture-dans-les-parcs-
naturels-regionaux. Consulté le 21 juin 2021.
• « Les Parcs naturels régionaux, 40 ans d’histoire ». Fédération des Parcs naturels
régionaux, https://www.parcs-naturels-regionaux.fr/mediatheque/ressources/les-parcs-
naturels-regionaux-40-ans-dhistoire. Consulté le 21 juin 2021.
• « Manifeste Homme/Nature ». Fédération des Parcs naturels régionaux,
https://www.parcs-naturels-regionaux.fr/media/29550. Consulté le 21 juin 2021.
• « Référentiel des métiers des Parcs naturels régionaux ». Fédération des Parcs naturels
régionaux, https://www.parcs-naturels-regionaux.fr/mediatheque/ressources/referentiel-
des-metiers-des-parcs-naturels-regionaux. Consulté le 22 juin 2021.
• « Orientations pour l’avenir des Parcs naturels régionaux ». Fédération des Parcs naturels
régionaux, https://www.parcs-naturels-regionaux.fr/mediatheque/ressources/orientations-
pour-lavenir-des-parcs-naturels-regionaux. Consulté le 22 juin 2021.
52
• « Journée nationale : Les résidences artistiques et culturelles dans les Parcs naturels
régionaux ». Fédération des Parcs naturels régionaux, https://www.parcs-naturels-
regionaux.fr/mediatheque/ressources/journee-nationale-les-residences-artistiques-et-
culturelles-dans-les-parcs. Consulté le 22 juin 2021.
Autres sources :
• Podcast par Julie Auffray « La montagne Conte », Episode #1 - Habiter
autrement ? soundcloud.com, https://soundcloud.com/user-763063738/episode-1-
habiter-autrement. Consulté le 22 juin 2021.
• Parc national en France / parc naturel régional (PNR) — Géoconfluences.
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/parcs-nationaux-et-parcs-naturels-
regionaux-pnr. Consulté le 22 juin 2021.
• Prise de notes lors du web-atelier « Comment informer et sensibiliser au sein d’un
espace naturel » organisé par le Conservatoire du Littoral le 16 Février 2021.

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Mémoire master 1- Sensibilisation au patrimoine vivant: démarches artistiques au sein des Parcs Nationaux et Naturels Régionaux

  • 1. 1 CY Cergy-Paris Université Master Développement Culturel et Valorisation des Patrimoines Mention Territoires : Patrimoines, Culture, Paysages Sensibilisation au patrimoine vivant : Démarches artistiques au sein des Parcs Nationaux et Naturels Régionaux © Parc national de La Réunion Mémoire de Master 1 Présenté par Aurélie Moreau Sous la direction de Madame Elizabeth Auclair Année universitaire 2020-2021
  • 2. 2 SOMMAIRE REMERCIEMENTS........................................................................................... 3 INTRODUCTION............................................................................................... 4 PARTIE I- L’INVENTION DES PARCS : TERRES D’OPPORTUNITES POUR DE NOUVEAUX MODES DE DEVELOPPEMENT......................... 6 A-L ’invention du Parc National : de l’argument artistique à l’argument écologique, en passant par l’argument politique……………………………………………………………….6 B-L ’invention des parcs naturels régionaux : une « mission culturelle » pour des parcs habités………………………………………………………………………………………..13 C-Des opportunités communes pour de nouvelles techniques de médiation………………....16 PARTIE II - TRANSMETTRE UN PATRIMOINE VIVANT : DE LA VALORISATION A LA SENSIBILISATION PAR L’ART........................ 19 A-Mettre en commun nature et culture à travers un patrimoine qui se réinvente……………19 B-Des ressources et compétences au service de nouvelles formes de pédagogies, d’actions culturelles et artistiques………………………………………………………………………21 C-La sensibilisation par l’art comme une approche complémentaire à la médiation scientifique…………………………………………………………………………………...24 PARTIE III - EXPERIMENTATIONS ARTISTIQUES EN ACTION : FORCES ET LIMITES OBSERVEES ......................................................................... 27 A-Proposer de nouvelles perceptions et construire un nouveau rapport au territoire……......27 B-Transcender les rôles : convergence des acteurs et public participant…………………….30 C-Augmenter la portée de ces expériences sans perdre de vue l’ancrage territorial…………32 CONCLUSION ........................................................................................................................... 34 ANNEXES...................................................................................................................................... 35 Annexe n°1 : les personnes rencontrées lors d’entretiens qualitatifs…………………………………………………………………………………….35 Annexe n°2 : Extrait du programme d’animation de la saison estivale 2021 du Parc National du Mercantour ……………………………………………………………………………….36 Annexe n°3 : Extrait de la brochure des Classes « D’Art d’Eco »…………………………..37 Annexe n°4 : Extrait du programme pédagogique « Entrez dans le paysage »……………...45 BIBLIOGRAPHIE.................................................................................................................... 49
  • 3. 3 REMERCIEMENTS Un grand merci à ma directrice de mémoire Madame Elizabeth Auclair pour son accompagnement. Un grand merci également à toute l’équipe pédagogique de cette première année en master 1 DCVP. Leur implication et leur accompagnement en cette année si particulière nous a aidés à garder notre motivation pour la construction de nos projets futurs. Un important merci également à Madame Chantal Auriel, Madame Christel Drique et Madame Stéphanie Sacquet pour leur temps précieux et les riches échanges lors de nos entretiens. Leurs expériences et leurs métiers sont une source d’inspiration certaine. Un merci plus particulier à mon ami m’ayant fait découvrir les immenses Alpes. Ainsi, une partie de ce mémoire a pu être écrit aux pieds du Parc National de La Vanoise. Un immense merci à mes proches, et leur soutien sans failles. A ma grand-mère, peintre depuis toujours. A ma mère, aquarelliste passionnée.
  • 4. 4 INTRODUCTION Tout est parti d’un constat : les mots choisis par l’homme pour décrire son environnement sont souvent révélateurs de son rapport au monde. Il y a la nature, et il y a la culture. Il y a le pays, et il y a le paysage. Il y a l’écologie et il y a l’art. L’anthropologue Philippe Descola, à travers ses travaux1 a eu l’occasion de montrer que cette conception dualiste du monde était propre à notre culture. Autrement dit, notre rapport au monde serait empreint d’une frontière artificielle (liée à notre perception) entre ce qui relève de l’appropriation humaine (la culture) et ce qui relève de tout le reste (la nature). Le terme de « nature » aussi confus soit-il est révélateur d’une distance que nous posons entre nous et notre environnement. Nous pouvons également reconnaître dans cette dissociation, l’opposition courante que nous effectuons entre ce qui relève des sciences-humaines, et ce qui relève des sciences de la vie. En ce sens, les domaines scientifiques et les domaines artistiques appartiendraient à deux mondes différents : le domaine des faits et de la raison, et le domaine du subjectif et du sensible. La crise écologique actuelle nous amène pourtant à remettre en question cette conception du monde, et à aller interroger d’autres modèles de société. Ce contexte éthique et philosophique a guidé en partie la création des Parcs Nationaux puis des Parcs Naturels Régionaux. Le Plan national pour l’environnement, publié en juin 1990 par Lucien Chabason et Jacques Theys, dédie un passage à « La protection de la nature et politique du paysage », et déclare : « les textes votés depuis vingt ans, les structures créées pour les appliquer ont singulièrement rapproché ces deux notions, l’une biologique, l’autre esthétique. Ainsi, les parcs nationaux et naturels régionaux, le conservatoire du littoral visent à protéger et à gérer à la fois biotopes et paysages remarquables »2 . Ce texte révèle l’élément caractéristique de ces structures territoriales : leur mission de protection s’attache à la fois à l’intérêt scientifique et écologique de l’environnement, et à l’intérêt culturel et artistique de leurs paysages. En partant de ces constats, nous souhaitons observer les parcs comme des structures de développement territorial chargé d’une mission d’éducation et de sensibilisation à l’environnement. Cette mission est complémentaire des missions scientifiques de recherche et de protection. Le patrimoine, sa valorisation et sa conservation sont au centre de ces missions. 1 Descola, Philippe. « L’anthropologie de la nature ». Annales. Histoire, Sciences Sociales, vol. 57, no 1, 2002, p. 9-25. DOI.org (Crossref), doi:10.3406/ahess.2002.280024. 2 Lucien Chabason et Jacques Theys, Plan national pour l’environnement, 1990, p.95.
  • 5. 5 Le patrimoine est défini habituellement comme « Ce qui est transmis à une personne, une collectivité, par les ancêtres, les générations précédentes, et qui est considéré comme un héritage commun »3 . Il s’agira de reconnaître la particularité du patrimoine des parcs, ouvrant la notion d’héritage commun à des entités immatérielles, vivantes. Dès lors, pour qu’il y ait transmission et appropriation d’un héritage commun, il faut qu’il y ait sensibilisation. Ainsi, les parcs sont amenés à interroger de nouvelles techniques de médiation, adressées à la fois aux habitants et aux visiteurs de leurs territoires. Des travaux ont été effectués afin d’étudier de nouvelles formes de pédagogies innovantes. D’autres se sont intéressés à l’art comme facteur de transformation des perceptions humaines. D’autres encore se sont attachés au rôle joué par les artistes en termes de développement territorial. Il s’agit donc pour nous de montrer la cohérence possible entre la recherche de nouvelles formes de médiations artistiques, de processus de sensibilisation, et d’un développement durable propre aux structures des parcs. Ainsi, ce travail souhaite poser la question suivante : Les projets en collaboration avec des artistes au sein des Parcs Nationaux et Naturels Régionaux sont-ils des outils pertinents de sensibilisation au patrimoine vivant ? Pour y répondre, nous souhaiterons lier une approche théorique à une approche pratique. A travers la lecture d’ouvrages philosophiques et anthropologiques, d’articles scientifiques et de recherche dans un premier temps. Puis, à travers une prospective des sites internet, programmes, documents et compte rendus des Parcs Nationaux et Parcs Naturels Régionaux dans un second temps. Enfin, à travers la récolte de quelques témoignages et entretiens qualitatifs à propos de projets sélectionnés, pour compléter, affirmer ou infirmer nos hypothèses. Nous parcourons dans un premier temps l’histoire de la construction des Parcs Nationaux et des Parcs Naturels Régionaux, afin de comprendre les motivations de leur invention. Nous comprendrons qu’ils sont nés d’arguments à la fois artistiques, écologiques et politiques. Ces territoires tantôt habités, tantôt traversés par l’homme vont bénéficier d’opportunités communes pour imaginer de nouvelles techniques de médiations. Ensuite, nous reconnaîtrons la singularité des dynamiques patrimoniales des parcs en proposant l’appellation de « patrimoine vivant », et exposerons la sensibilisation par l’art en complément des autres ressources de médiation. Enfin, 3 PATRIMOINE : Définition de PATRIMOINE. https://www.cnrtl.fr/definition/patrimoine. Consulté le 21 juin 2021.)
  • 6. 6 à travers l’exemple de projets sélectionnés, nous montrerons les forces et les limites détenues par ces démarches artistiques. -PARTIE I – L’INVENTION DES PARCS : TERRES D’OPPORTUNITES POUR DE NOUVEAUX MODES DE DEVELOPPEMENT Nous pourrions d’abord qualifier les parcs d’anciennes institutions dédiées à la protection de la nature. Bien-sûr, nous souhaitons aller au-delà dans notre analyse et creuser davantage les motivations qui en ont guidé la création. Il ne s’agit pas ici de faire une histoire étoffée des Parcs Nationaux et Parcs Naturels Régionaux français, mais plutôt de mieux saisir la spécificité de ces territoires et de l’idéologie que l’on y a apportée. Cela nous permettra de comprendre les politiques menées sur ces territoires, et donc par extension les politiques culturelles, patrimoniales et environnementales. A-L’invention du Parc National : de l’argument artistique à l’argument écologique, en passant par l’argument politique Les précurseurs de ces modèles de parcs ont vu le jour au 19ème siècle aux Etats-Unis. La toute première réserve est instaurée dans l’Arkansas en 1832, celle-ci deviendra un Parc National en 1880. Mais le Parc National, c’est avant tout l’invention d’un terme, d’un concept découlant d’idées premières. Et c’est d’ailleurs cette même année que le terme est inventé par l’artiste- peintre Georges Catlin (1796-1872). Cette idée lui est venue avant tout d’un intérêt pour la culture amérindienne et les espaces sauvages, sujets principaux de ses œuvres. Il prône à ce moment-là : « une grande politique de protection du gouvernement... dans un parc magnifique... Un parc national, contenant hommes et bêtes, dans toute la sauvagerie et la fraîcheur de leur beauté naturelle ! »4 . Il semble que dès son origine, l’idée du parc national découle d’une 4 Jaffeux Henri, La longue et passionnante histoire des parcs nationaux français publié dans le N° 9 / 2010 de la revue du comité d’histoire du ministère de l’Ecologie, « Pour mémoire », p.138 : traduction de la citation de Georges Catlin issu de son article écrit dans le New York Times.
  • 7. 7 sensibilité artistique et d’une appréciation esthétique. De plus, dans cette première ébauche américaine, l’homme et la nature sont en cohabitation. L’homme ne se retire pas du parc, il l’intègre de l’intérieur, et il le protège au moyen d’outils politiques. Georges Catlin sera le premier d’une longue lignée d’artistes qui permirent de diffuser l’idée du Parc National. Ce sont par exemple les peintres romantiques et les premiers photographes. Citons plus particulièrement John Muir (1838-1914), l’un des premiers naturalistes américains, que l’on décrit souvent comme le pionnier de l’écologie. Celui-ci sera à l’origine de la création du premier parc national américain : le Yosemite. Il fût à la fois écrivain, géologue, géographe, alpiniste, botaniste… Ainsi, ses multiples intérêts scientifiques dialoguaient avec littérature et philosophie. Il considérait l’idée du parc ainsi : « Les parcs et réserves sont sources de vie […] pour les citoyens fatigués, énervés ou trop civilisés [...] partir à la montagne, c'est rentrer à la maison... »5 . Le parc apparaît alors comme un espace vertueux, capable de soigner et de revitaliser la société. Il y a ici l’idéal d’une nature originelle, rédemptrice et salvatrice pour l’homme. Dédié à la nation toute entière, le parc est protégé pour lui-même mais plus particulièrement pour les bénéfices qu’il apporte à l’homme. Ici, ces bénéfices sont avant tout spirituels et immatériels. Cependant cette philosophie du parc national ne sera pas partagée par tous. C’est par exemple l’idée du forestier Gifford Pinchot (1865-1946), qui souhaite la protection de ces parcs dans le but de pouvoir exploiter ses ressources naturelles sur le long terme. Ainsi, dans le contexte de la « conquête de l’ouest », période durant laquelle ces territoires sont explorés et exploités pour l’or, les minerais, et les terres cultivables pour les immigrants, deux idéologies se disputaient : une préservation absolue ou une exploitation durable des ressources. C’est à la suite d’expéditions effectuées par des explorateurs, des récits et compte rendus qui en découlent, que le gouvernement va s’intéresser à la question. La région du Yellowstone sera la première à devenir Parc National en 1872 (le Yosemite, premier territoire mis sous protection, obtient le titre de Parc National en 1890). Nous remarquons que les premières motivations de la création des Parcs Nationaux aux Etats Unis n’étaient pas écologiques mais avant tout sociétales : il s’agissait surtout de garder intact la grande diversité de ces territoires, afin que le peuple américain puisse l’admirer durablement. Aujourd’hui encore, les parcs nationaux sont avant toute chose un symbole identitaire et patrimonial pour les Etats Unis. Le décret de 1916 créait l’agence « US National Park Service », 5 Jaffeux Henri cite les paroles de John Muir dans son article La longue et passionnante histoire des parcs nationaux français publié dans le N° 9 / 2010 de la revue du comité d’histoire du ministère de l’Ecologie, « Pour mémoire », p.139
  • 8. 8 toujours responsable des parcs à ce jour. Le texte expliquait que l’agence avait pour but de « [conserver] et de [protéger] des paysages, des sites naturels et historiques, de la faune, de la flore afin de les transmettre intacts aux générations futures afin qu'elles puissent elles aussi les admirer comme nous l'avons fait en notre temps. » Et, le président F.D. Roosevelt affirmait « qu’il n’y a rien de plus américain que nos parcs nationaux […] L’idée fondamentale qui a présidé à leur création est également native. C’est l’idée toute simple que le pays appartient au peuple »6 . En Europe, l’arrivée des Parcs Nationaux est un peu plus tardive, mais l’idée fît son chemin. En France, nous trouvons des signes précurseurs liés à la prise en compte du patrimoine à travers les monuments historiques et la reconnaissance esthétique des paysages. C’est par exemple en 1887 l’adoption de la loi « pour la conservation des monuments et objets d’art ayant un intérêt historique et artistique ». En 1901, est fondée la Société des Paysages de France. Et en 1906 est élaborée la loi « organisant la protection des sites et monuments naturels de caractère artistique ». Mais, à nouveau, l’impulsion fût donnée par des personnalités littéraires et des artistes des 18ème et 19ème siècles tels que Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), Prosper Mérimée (1803-1870), ou encore Victor Hugo (1802-1885). Anne Fortier Kriegel décrit ce dernier comme étant « le précurseur d’une politique de protection et le père des lois sur le patrimoine, les monuments et les sites »7 . Ces penseurs s’inscrivaient dans un mouvement de contestation contre l’industrialisation et l’urbanisation qui commençaient à cette époque et transformaient les paysages ruraux. Le territoire de la forêt de Fontainebleau est un bon exemple de ces premiers combats. Ce sont ces écrivains, alliés aux « peintres de l’école de Barbizon » qui s'engagent, vont largement influencer la prise en considération des paysages et espaces forestiers, et donc la création des parcs. Nous pouvons avancer l’hypothèse suivante : leur perception et leur regard d'artistes semblent être particulièrement sensibles aux dégâts de l'urbanisation et de l’industrialisation. Ils semblent également avoir une approche davantage esthétique des territoires. Par exemple, les peintres de Barbizon, voient leur lieu d'inspiration (la forêt de Fontainebleau) directement atteint. La protection de la nature naît donc de préoccupations avant tout esthétiques, artistiques 6 Jaffeux Henri cite les paroles de F.D. Roosevelt dans son article La longue et passionnante histoire des parcs nationaux français publié dans le N° 9 / 2010 de la revue du comité d’histoire du ministère de l’Ecologie, « Pour mémoire », p.140 7 « La qualité des sites et des paysages en France ou l’histoire de la victoire des modernes » (pour mémoire n°8), Anne Fortier Kriegel
  • 9. 9 et paysagères. Il n’est donc pas encore question d’écologie. Notons tout de même que des réserves sont créées en parallèle à la demande de botanistes et d’entomologistes, ce sont les réserves « biologiques » ayant un véritable but de préservation. Mais d’autres réserves telles que les « réserves de chasse » ne cherchent pas à protéger la faune pour sa valeur intrinsèque, mais pour des activités humaines ou de loisir. J-B. Corot. Forêt de Fontainebleau (1834) Huile sur toile, 175,6 × 242,6 cm © National Gallery of Art, Washington Il est ensuite intéressant de regarder ce nouveau mouvement pour la protection de la nature dans son ensemble. Finalement, à la fin du 19ème et au début du 20ème siècle, les artistes vont être accompagnés d’un groupe de forestiers et de toute une élite urbaine composée de « notables, naturalistes, scientifiques [..] quelques rares hommes politiques »8 . Nous observons ici des disciplines qui s’entrecroisent : déjà, artistes et scientifiques dialoguent autour d'objectifs et d’idées communes. Il s’agit de se dresser contre l’idée la plus répandue à cette époque selon laquelle les ressources naturelles sont inépuisables et sont la propriété de l’homme. 8 Jaffeux Henri, La longue et passionnante histoire des parcs nationaux français publié dans le N° 9 / 2010 de la revue du comité d’histoire du ministère de l’Ecologie, « Pour mémoire », p.143
  • 10. 10 Le forestier Ernest Guinier (1837-1908) fait émerger l’idée de Parcs Nationaux. Alors membre de la Société des Touristes du Dauphiné, il justifie la protection des forêts par l’attrait que ceux-ci peuvent constituer pour le public. Une fois de plus, l’esthétique et le potentiel artistique des lieux sont convoqués. Si l'on s'attache autant à l'esthétique pour l'homme, à la mise à disposition d'un lieu qui conserve toute sa beauté et attire le public, c'est qu'il y a un véritable enjeu autour du regard que l'on pose sur notre environnement. Ces espaces naturels sont considérés pour leurs agréments et pour le plaisir de l'œil humain. Déjà, nous constatons que le regard posé sur notre environnement et la façon dont nous allons concevoir l'intérêt d’un lieu, va avoir un effet immédiat sur le milieu en question puisque cela déterminera des choix politiques appliqués à ces territoires. L’idée de Parc National est ainsi posée et va continuer d’être défendue auprès des politiques par une élite urbaine à travers des associations comme le Club Alpin Français et le Touring Club de France, la Société pour la Protection des Paysages de France. Ici nous remarquons qu’un nouvel argument se superpose : ces futurs parcs nationaux sont imaginés également dans leur dimension touristique. D’autres associations encore, vont être davantage motivées par un développement basé sur les innovations technologiques au sein de ces parcs visant le développement économique de l’ensemble du pays. Mais l’argument esthétique n’est en rien oublié. Les paysages (nous y reviendrons) font partie des éléments centraux, on défend la « beauté », le « caractère artistique » et l’on parle de « monument naturel »9 . Charles Beauquier (1833-1916), député du Doubs déclarait : « C’est un droit tout nouveau qui commence à se dresser contre le droit abusif de la propriété : c’est le droit de la beauté […] »10 . En parallèle, l’argument écologique commence tout de même à émerger avec la création de la première réserve naturelle par la Ligue Française pour la Protection des Oiseaux (LPO) en 1912. D’ailleurs, le 20ème siècle se caractérise par le déploiement à l’international de la question de la protection de la nature. Ce sont des conférences internationales, la création d’ONG (Organisations Non Gouvernementales), et la publication d’une étude en 1913 sur les Parcs Nationaux dans le monde par Edouard-Albert Martel. Cette dernière donne une première définition et fait ressortir trois grands objectifs pour les parcs. D’abord : « conserver, au point 9 Jaffeux Henri, La longue et passionnante histoire des parcs nationaux français publié dans le N° 9 / 2010 de la revue du comité d’histoire du ministère de l’Ecologie, « Pour mémoire », p.155 10 Jaffeux Henri cite les paroles de Charles Beauquier dans son article La longue et passionnante histoire des parcs nationaux français publié dans le N° 9 / 2010 de la revue du comité d’histoire du ministère de l’Ecologie, « Pour mémoire », p.145
  • 11. 11 de vue scientifique la faune, la flore, la topographie, l’hydrographie, la géologie », mais aussi : « maintenir, pour les artistes, l’aspect des paysages dans un état naturel absolument inviolé », et enfin : « assurer des commodités d’accès et de séjour, tout en empêchant que les exigences purement touristiques, quant au confortable, aux distractions et aux sports, aboutissent à des modifications fâcheuses »11 . Ici, l’argument scientifique et écologique, l’argument artistique et l’argument touristique se juxtaposent. Si cette effervescence d’idées va être freinée par l’arrivée des deux guerres mondiales, il est tout de même important de souligner que l’entre-deux guerres fût marquée par des actions déployées au sein des colonies. Ici, des parcs et des réserves sont instaurés par les puissances coloniales selon une vision globalement orientaliste12 de l’environnement, c’est-à-dire selon des concepts idéologiques axés sur une « nature vierge » devant être maintenue dans son « équilibre » originel13 . Mais ici, certains auteurs postulent que ces parcs nationaux étaient établis davantage dans un but de domination coloniale que pour les raisons que nous avons pu citer précédemment14 . Cependant, c’est aussi dans ce contexte que la définition internationale du Parc National va pouvoir se préciser avec la seconde Convention de Londres (8 novembre 1933) relative « à la conservation de la faune et de la flore à l'état naturel », cette convention internationale suggérait aux pays signataires de créer leurs propres Parcs Nationaux. En parallèle de l’intérêt scientifique, l’intérêt esthétique y est à nouveau convoqué, avec en perspective « la récréation du public général ». En France, des tentatives pour la création de parcs sont amorcées pendant l’entre-deux guerre, mais sans aboutir à un plein statut juridique et institutionnel. La loi de 1906 « organisant la protection des sites et monuments naturels de caractère artistique » ne suffit plus pour une véritable mise en pratique des principes qu’elle énonçait. Celle-ci va donc être révisée en 1930 11 E. A. Martel, La question des Parcs nationaux en France, La Montagne, revue du C.A.F., 1913, p. 401- 412 ; 433-457 12 Jaffeux Henri, La longue et passionnante histoire des parcs nationaux français publié dans le N° 9 / 2010 de la revue du comité d’histoire du ministère de l’Ecologie, « Pour mémoire », p.148 13 Y. Mahrane, C. Bonneuil F. Thomas, A. Selmi, Out of Yellowstone : le « préservationnisme » à la française, ses origines coloniales, son influence et son déclin dans les premières années de l’UICN. Communication au colloque « Une protection de la nature et de l’environnement à la française ? », A.H.P.N.E., 2010, Paris, à paraître. 14 D. Arnold, Ramachandra GUHA (éd.), Nature, Culture, Imperialism : Essays on the Environmental History of South Asia, Delhi, Oxford University Press, 1995. Cité par Frédéric Thomas « Protection des forêts et environnementalisme colonial : Indochine, 1860-1945 », Revue d’histoire moderne et contemporaine 4/2009 (n° 56-4), p. 104-136. URL : www.cairn.info/revue-d-histoire-moderne-etcontemporaine- 2009-4-page-104.htm
  • 12. 12 afin de faire prévaloir l’intérêt général sur le droit de propriété15 . Il s’agit ici de mettre en avant un idéal politique de protection de l’environnement en faveur de l’intérêt de tous. Ce principe est élevé pour donner légitimité aux Parcs Nationaux. Ils deviennent de futurs territoires porteurs d’un modèle de société faisant prévaloir l’intérêt général dans ses fondements. Après la guerre, le Parc National devient un projet humaniste toujours défendu par de nombreux auteurs, écrivains, philosophes, poètes, peintres, etc. Dans son article, Henri Jaffeux précise un événement historique peu connu et qui a pourtant joué un rôle important : l’intervention d’un jeune vosgien, Gilbert André, venu s’installer dans les Alpes en 1956 et qui s’engage pour la construction « d’un parc national culturel au sein des Alpes françaises »16 . Celui-ci précise son idée dans un numéro spécial de Rivières et Forêts : « Notre vœux, c’est surtout de voir l’enfant des villes se refaire dans un air pur une santé physique et morale. Notre but, c’est de lui offrir par la création de vastes parcs naturels […] le moyen de comprendre le vrai sens de la vie »17 . De plus en plus les Parcs Nationaux s’annoncent comme des espaces dédiés à l’expérimentation, à la pédagogie, à l’éducation au territoire, avec une vocation presque cathartique et régénératrice (libérer des altérations de la ville, éduquer la jeunesse, remettre en question la technique et l’industrialisation, construire un modèle alternatif de société). Le premier Parc National français sera celui de La Vanoise (Savoie) et sera créé officiellement avec la loi du 22 Juillet 1960. Ce projet est l’aboutissement de tous les débats que nous venons de retracer. Il s’agit de concilier les différentes attentes (protection stricte pour la recherche scientifique, accueil touristique pour les populations des villes et éducation à la nature, développement territorial en faveur des populations locales…) à travers un découpage du parc en deux zones principales. D’abord une « zone centrale », qui malgré son ouverture au public est régie par une réglementation stricte et est sous surveillance. C’est dans cette zone qu’une « réserve intégrale » est instaurée principalement, voire exclusivement dédiée à la recherche scientifique. Puis, une « zone périphérique » qui se caractérise par la présence de différentes communes et par la mise en place « [d’] actions économiques et sociales permettant une rénovation de la vie montagnarde » avec « un ensemble de réalisations et d'améliorations 15 A. Fortier Kriegel, La qualité des sites et des paysages en France ou l’histoire de la victoire des modernes, « pour mémoire » n° 8, Conseil général de l’Environnement et du Développement durable, Comité d’histoire, 2010, p. 95. 16 I. Mauz, Histoire et mémoires du parc national de la Vanoise, 1921-1971 : la construction, Revue de géographie alpine, collection « Ascendances », n° hors-série, 2003, p. 43. 17 Rivières et Forêts. Cahier N° 8, Réserves, parcs naturels de France, 1957, p. 71-72.
  • 13. 13 d'ordre social, économique et culturel tout en rendant plus efficace la protection de la nature dans le parc »18 . Ces deux zones sont devenues aujourd’hui « cœur du parc » et « aire d’adhésion ». En effet, depuis la création de La Vanoise, la jurisprudence constitutionnelle a évolué avec les lois de décentralisation qui se sont étendues de 1982 à 2004. Les collectivités territoriales ont alors gagné en compétences et une mise à jour a été faite avec la loi du 14 avril 2006. Les élus locaux, comme les usagers ou encore les présidents des régions trouvent un rôle important au sein du conseil d’administration. C’est l’opportunité pour les Parcs Nationaux d’être d’autant plus investis par les collectivités locales et les habitants. Les collectivités locales sont consultées pour les actions en « cœur de parc », et les communes qui appartiennent à « l’aire d’adhésion » doivent adhérer à la « charte du parc » définissant le projet de territoire19 . Nous comprenons ainsi le cadre au sein duquel le développement culturel de ces territoires va évoluer, se conformant à la problématique principale et commune à tous les Parcs Nationaux, à savoir : concilier le développement du territoire (économique, social, touristique, culturel) et la protection de ces espaces fragiles qui en constituent son identité. Nous avons choisi de lier à notre analyse une autre forme de territoire habité par une problématique similaire : les Parcs Naturels Régionaux. B-L’invention des parcs naturels régionaux : une « mission culturelle » pour des parcs habités Quatre ans après la création du premier Parc National Français, en 1964, une mission décidée par le Ministre de l’Agriculture et la DATAR (Délégation Interministérielle à l’Aménagement du Territoire et à l’Attractivité Régionale) va débuter. En plus du modèle de Parc National aux caractéristiques assez contraignantes, l’on s’interroge sur un autre modèle de parc plus adapté à des territoires ruraux faisant face à un contexte de crise. Les problématiques humaines doivent 18 Allocution du directeur général des Eaux et Forêts, M. François Merveilleux du Vignaux, représentant le ministre de l’Agriculture à l’installation du conseil d’administration du parc, le 18 novembre 1963, Rapportée par A. Selmi, Administrer la nature, Le parc national de la Vanoise, Editions de la Maison des sciences de l’homme, Paris, Ed. Quæ, 2006,p. 56. 19 Jaffeux Henri, La longue et passionnante histoire des parcs nationaux français publié dans le N° 9 / 2010 de la revue du comité d’histoire du ministère de l’Ecologie, « Pour mémoire », p.161.
  • 14. 14 trouver une solution à travers la création de ces parcs naturels régionaux, d’un développement axé sur la mise en valeur du patrimoine local à la fois naturel et culturel, et de la protection du cadre de vie de ces territoires. Le décret instituant les Parcs Naturels Régionaux est signé par le Général de Gaulle en 1967. On y trouve les trois objectifs principaux : « équiper les grandes métropoles d’équilibre en aires de détente ; animer les secteurs ruraux en difficulté ; trouver, dans les voies nouvelles de développement, la possibilité d’une mise en valeur des richesses naturelles et culturelles, de la préservation de la flore, de la faune, des paysages »20 Cette innovation s’inscrit dans un contexte de désertification rurale. Il s’agit de permettre aux territoires ruraux de rivaliser avec les territoires urbains, et de retrouver des ressources d’attractivité. Les parcs souhaitent permettre la reconnaissance des ressources patrimoniales propres à ces territoires, mais également contribuer au développement rural national en recréant un équilibre entre l’offre culturelle de la capitale et celle de la province. Ce modèle de parc émerge également dans un contexte politique particulier. L’année 1968 amène différentes formes de revendications auxquelles il convient de répondre. Parmi celles-ci, notons la demande accrue des citoyens pour participer à la vie publique, ainsi que des revendications écologistes. La décentralisation va conférer davantage de pouvoir aux régions. Celles-ci deviennent responsables des propositions, de la création de la charte, et ce sont elles qui décident de la création d’un parc. Le Ministère de l’Environnement est créé en 1971, plus tard, dans les années 80, la notion de « développement durable » arrive et s’impose parmi les enjeux des politiques européennes. Ce contexte explique le choix de faire de ces modèles de parcs des zones de recherche et d’expérimentation, afin de servir d’exemples pour des politiques environnementales nationales. En 1983, Huguette Bouchardeau, Secrétaire d'Etat auprès du Ministre, chargée de l'Environnement et de la Qualité de la Vie, déclare : « les Parcs Naturels Régionaux sont aujourd'hui des exemples remarquables d'auto-développement... Ils sont et doivent devenir plus encore des bancs d'essai pour des politiques qui s'imposeront un jour sur l'ensemble de notre pays »21 . Le développement territorial et le développement culturel des parcs vont donc être 20 « Les Parcs naturels régionaux, 40 ans d’histoire ». Fédération des Parcs naturels régionaux, p.1. https://www.parcs-naturels-regionaux.fr/mediatheque/ressources/les-parcs-naturels-regionaux-40-ans- dhistoire. Consulté le 21 juin 2021. 21 Issu de l’Editorial de "Nouvelles Brèves" - mars-avril, cité dans « Les Parcs naturels régionaux, 40 ans d’histoire ». Fédération des Parcs naturels régionaux, https://www.parcs-naturels- regionaux.fr/mediatheque/ressources/les-parcs-naturels-regionaux-40-ans-dhistoire. Consulté le 21 juin 2021.
  • 15. 15 imprégnés de ces enjeux et de ce contexte. Les parcs vont ainsi pouvoir être analysés comme des outils de développement territorial innovants. A la suite des Parcs Nationaux, les Parcs Naturels Régionaux se révèlent être des territoires opportuns pour expérimenter une nouvelle forme de développement basé sur la valorisation d’un patrimoine local. Autrement dit, un développement qui se veut assez dynamique car la valorisation de ce patrimoine doit se conjuguer avec des enjeux sociaux, économiques, culturels ou encore écologiques, et considérer la population locale. Rosemarie Lucas, dans son article « Parcs naturels régionaux et écomusées : vers une conception dynamique du patrimoine et des paysages » résume la philosophie des Parcs Naturels Régionaux de cette façon : « Conserver l’héritage du passé en organisant simultanément la modernisation de l’économie et de la vie sociale »22 . L’histoire de la création du tout premier Parc Naturel Régional Français (l’Armorique en Bretagne), nous permet de saisir pleinement la vocation de cette deuxième formule de parc. Rosemarie Lucas le qualifie de « premier parc à vocation rurale », le terme est révélateur de ce qui participe à la définition du Parc Naturel Régional : une structure qui prend place au sein d’un territoire rural en crise. C’était le cas du Finistère et du centre de la Bretagne dans les années 60, avec des pratiques agricoles et des modes de vie traditionnels qui se retrouvent en marge dans un contexte global de modernisation agricole et d’urbanisation. Il y a donc une réelle urgence à conserver ces traces historiques et identitaires de la Bretagne, et c’est ce qui va motiver la création d’un Parc Naturel Régional ainsi que des écomusées. A propos de ces derniers, l’auteure déclare : « Ces expériences sans précédent en France par leur ampleur et leur complexité, ne traitent plus seulement des pratiques culturelles ou de l’architecture mais aussi des relations de l’homme avec son environnement »23 . Les parcs vont être la source d’une véritable innovation dans le domaine de la valorisation du patrimoine dans le sens où ils permettent d’ouvrir le champ des médiations à de nouvelles questions patrimoniales. L’environnement est pris en compte et s’inscrit dans l’histoire de ces régions en devenant héritage de l’homme. Nous remarquons ensuite que la création de ce premier Parc Naturel Régional a été l’aboutissement d’initiatives locales. Ce sont des personnalités engagées qui vont solliciter à plusieurs reprises l’administration et les politiques à propos de la protection de cette région. 22 Voisin, Lolita, et Sylvie Servain, éditeurs. Paysages et patrimoines. Presses universitaires François-Rabelais, 2016. p.123. 23 Voisin, Lolita, et Sylvie Servain, éditeurs. Paysages et patrimoines. Presses universitaires François-Rabelais, 2016. p.124.
  • 16. 16 C’est notamment le travail de Michel-Hervé Julien au sein de la SEPNB (Société pour l’Etude et la Protection de la Nature en Bretagne) en 1957, qui a imaginé ce que pourrait être ce nouveau modèle de parc : « [une] formule intermédiaire entre la simple région touristique et le parc national, [qui] peut faire demain des zones les plus désavantagées de nouveaux pôles d’attraction où, comme aux USA, la nature, tout en étant efficacement sauvegardée, se révèlera la bonne affaire de l’expansion régionale »24 . Ici, le patrimoine naturel et culturel des parcs est perçu comme une potentielle ressource touristique. Les projets de médiation vont donc devoir s’emparer de cette double mission, il s’agira de valoriser ces ressources auprès d’un public à la fois de visiteurs mais aussi d’habitants et d’en tirer des ressources économiques pour et avec la population locale. Comme pour les Parcs Nationaux, l’argument artistique est également de mise. C’est par exemple le projet de Max Querrien (directeur de l’Architecture au ministère des Affaires culturelles de 1963 à 1968) qui souligne l’importance de « la protection des richesses exceptionnelles que constituent, tant pour les arts que pour la science et l’histoire, les paysages […] des monts d’Arrée »25 . Ce dernier parle également de « mission culturelle des parcs », exposant ainsi la charge sociale et la capacité des parcs à construire une identité territoriale. Cet enjeu s’avère intéressant, le sentiment d’identité collective, d’appartenance et d’attachement pouvant s’ancrer dans une démarche artistique de sensibilisation à un territoire. A présent, il convient d’observer les caractéristiques propres aux deux formules de parcs, et d’identifier les opportunités communes dont ils bénéficient. Quels sont leurs potentiels leviers d’innovation pour des projets de médiation adaptés à leur mission de sensibilisation ? C-Des opportunités communes pour de nouvelles techniques de médiation Aux vues de nos observations historiques précédentes, nous constatons que les Parcs Naturels Régionaux seraient davantage abordés comme des territoires ruraux habités, et que les Parcs Nationaux seraient principalement des zones peu peuplées et préservées. Cependant, il convient de nuancer ce propos puisque les Parcs Nationaux conservent des zones habitées en dehors de 24 Julien Michel-Hervé, L’homme et la nature, Paris, Hachette, 1965, p.119 25 ADF, 154W52 : procès-verbal de la conférence relative à la protection et à la mise en valeur des monts d’Arrée, 24 mars 1965, au ministère des Affaires culturelles, sous la présidence de Max Querrien.
  • 17. 17 la zone cœur, et restent des territoires traversés par l’homme (habitants ou visiteurs). D’ailleurs, notre objectif est de traiter de projets questionnant les rapports homme-nature que cela soit sous la forme d’une présence habitante ou d’une présence touristique (de passage). A travers l’analyse des sites internet respectifs des Parcs Nationaux et des Parcs Naturels Régionaux, nous observons une grande similarité dans les missions qui leur sont confiées, et nous devinons de grands axes communs dans la construction de leurs projets territoriaux, et plus particulièrement culturels. Leur vocation centrale est avant toute chose d’œuvrer au développement économique, social, culturel, touristique du territoire, tout en veillant à la préservation et la valorisation de leurs patrimoines. Cela prend donc la forme d’un développement dit durable ou soutenable du territoire. Par ailleurs, le rôle des parcs est principalement centré sur de l’animation et sur de l’aide au développement de projets. Les projets culturels et artistiques des parcs ont donc l’opportunité de s’emparer de cette problématique antagoniste et d’expérimenter de nouvelles techniques de médiation. Les parcs ont également la particularité d’aborder leurs projets à partir d’une certaine transversalité et pluridisciplinarité. En effet, leurs missions concernent à la fois le domaine politique, le domaine scientifique et technique, et à la fois les domaines sociaux et culturels. Il y a ici l’opportunité de réaliser des projets alliant savoirs scientifiques et expériences culturelles, voire sensibles et affectives. Ou encore, d’allier les sciences de la vie avec les sciences humaines. Cette dimension transversale peut permettre à ces projets de s’ouvrir vers une sensibilisation à des enjeux globaux voire écosystémiques. Nous comprenons que cette pluridisciplinarité est également liée à une certaine pluralité de patrimoines : à la fois naturels, culturels, paysagers, bâtis, etc. Les parcs naturels régionaux contiennent par exemple 22% des forêts métropolitaines, 43% de la surface terrestre métropolitaine des réserves naturelles et 26% de la surface française terrestre du réseau Natura 2000 26 . Ainsi, les projets de valorisation patrimoniale ont l’opportunité de s’ouvrir en ne prenant pas seulement en compte le référentiel humain, mais en intégrant un référentiel non- humain (biodiversité, écosystème…). Comme nous le disions précédemment, les parcs peuvent être reconnus pour leur présence habitante, n’étant pas seulement des « déserts naturels » à la différence des Etats-Unis. Cette 26 « Les Parcs en chiffres ». Fédération des Parcs naturels régionaux, https://www.parcs-naturels- regionaux.fr/les-parcs/comprendre-les-parcs/les-parcs-en-chiffres. Consulté le 21 juin 2021.
  • 18. 18 présence habitante peut être considérée sous l’angle d’une présence humaine, ce qui donne lieu à des projets de participation habitante ; mais peut également s’ouvrir au reste du vivant qui est souvent intégré dans des projets de sensibilisation. Ainsi, l’enjeu pour les parcs est de parvenir à valoriser un patrimoine spécifique. Autrement dit, ce patrimoine dit local, souvent investi par les habitants, et que l’on reconnaît pour sa diversité (patrimoine immatériel, patrimoine naturel et culturel, petit patrimoine ou patrimoine bâti, patrimoine agricole, patrimoine paysager, etc.), va pouvoir devenir un véritable outil de développement territorial. Ces démarches impliquent un tourisme particulier : les visiteurs ne viennent pas avec les mêmes intentions, il s’agit d’un tourisme davantage basé sur le plein air, les activités et sports de pleine nature. L’offre est ainsi orientée vers un tourisme dit durable. Il s’agit de permettre la venue du public sur le territoire, tout en encourageant des pratiques dites « douces » ou « responsables » qui restent conciliables avec la préservation du cadre de vie des parcs. La question qui se pose alors, est celle des moyens à mettre en œuvre pour sensibiliser à ce type de pratiques touristiques. C’est ainsi que les parcs vont en grande partie miser sur des techniques de médiations adaptatives. En plus de s'adresser aux populations locales, en répondant aux enjeux et aux besoins propres aux habitants du territoire, les Parcs Naturels Régionaux et les Parcs Nationaux vont s'adresser à des visiteurs extérieurs. C'est ici que nous devons être attentifs, et que de nouveaux enjeux vont rentrer en compte puisqu’on ne s’adressera pas de la même manière à un public touristique, ou à un public local. Ainsi, les parcs s’avèrent être des territoires privilégiés pour innover et répondre à des besoins qui peuvent appartenir à plusieurs disciplines en même temps pour les concilier dans un même programme. Il s’agira par exemple de créer des activités culturelles qui répondent à la fois à un besoin de développement économique, de lien social, de valorisation des patrimoines et de protection des écosystèmes. Finalement, depuis leur création, les parcs ont cherché à tendre vers un développement durable de leurs territoires. Ainsi, ils vont développer leur créativité, devenir des espaces d’expérimentation pour des projets de territoires innovants et en cohérence avec leurs missions. Quelle vision du patrimoine et de la culture vont-ils entretenir ? Comment ceux-ci vont devenir des outils pour sensibiliser aux enjeux des parcs ? Quelle place pour les démarches artistiques ?
  • 19. 19 -PARTIE II- TRANSMETTRE UN PATRIMOINE VIVANT : DE LA VALORISATION A LA SENSIBILISATION PAR L’ART A-Mettre en commun nature et culture à travers un patrimoine qui se réinvente Comme nous l’avons vu précédemment, les parcs sont des structures illustrant une nouvelle forme de développement et de valorisation du patrimoine. Ces structures sont le symbole d’un changement de regard posé sur la notion de patrimoine en France qui s’élargie à d’autres formes d’héritages, et notamment à des éléments « non-humains »27 . Ce terme est employé par l’anthropologue Philippe Descola afin de relativiser l’opposition courante que les sociétés occidentales établissent entre l’homme et la nature (entre nature et culture). Le terme « Nature » induit immédiatement une distance que l’homme pose entre lui et le reste du monde. Parler de « non-humains » est donc une façon plus adéquate de défaire cette frontière culturelle et de replacer l’homme non plus au centre, mais parmi d’autres formes de vies. Par ce même biais, il s’agit d’encourager d’autres formes de rapport avec notre environnement qui ne soient plus basées sur l’exploitation et la domination. Il est question de reconnaître les phénomènes d’interdépendances existant entre l’homme et son environnement, entre l’homme et les autres espèces vivantes, entre la culture de ces territoires et les caractéristiques environnementales qui les façonnent. Par définition, les parcs sont des territoires en transition, travaillant à un développement durable, afin de conjuguer le passé, le présent et le futur. Ainsi, la notion de patrimoine y est mouvante. Ici, nous avons choisi de parler de « patrimoine vivant ». Ce terme est parfois employé par l’UNESCO afin de désigner le patrimoine culturel immatériel. Celui-ci « se réfère aux pratiques, représentations, expressions, connaissances et compétences transmises de génération en génération. Ce patrimoine offre aux communautés un sentiment d'identité et est constamment recréé en réponse à leur environnement. Il est appelé intangible parce que son 27 Descola, Philippe. « L’anthropologie de la nature ». Annales. Histoire, Sciences Sociales, vol. 57, no 1, 2002, p. 9-25.
  • 20. 20 existence et sa reconnaissance dépendront principalement de la volonté humaine, ce qui est immatériel, et car il est transmis par l'imitation et la pratique sociale »28 . Ici nous souhaitons proposer un « patrimoine vivant » comme une façon de se défaire de la dualité existante entre « patrimoine naturel » et « patrimoine culturel ». Il s’agit de les réunir au sein d’une même dynamique interdépendante : celle de la vie du territoire. Le patrimoine immatériel tel que décrit par l’UNESCO y trouve sa place. Mais nous élargirons le patrimoine vivant à une façon de repenser les liens sociaux actuels, de créer une nouvelle forme de vivre ensemble pour les hommes habitant ou traversant les territoires des parcs, qui s’axerait autour d’un intérêt commun : la préservation et l’animation d’un cadre de vie. Il s’agit donc de parler d’héritage au sens large et d’établir en postulat l’idée selon laquelle l’humain hérite de ses propres traditions, de ses propres créations, mais aussi d’un cadre de vie fait d’entités non-humaines, mouvantes. Il s’agit finalement de reconnaître le lien d’interdépendance existant entre l’homme et son environnement. Le mot « patrimoine » détient une vraie force, mais il s’agit de prendre garde à ne pas tomber dans une vision trop « figée » de cet héritage, de reconnaître son évolution constante, et sa dynamique vivante. Ce caractère vivant se trouve à la fois dans la valeur intrinsèque de chaque espèce peuplant le territoire du parc, mais également à travers la culture des hommes entendue comme transmission de biens, de connaissances et de pratiques. Ce sont par exemple la transmission des langues de montagne, des techniques agricoles et artisanales ou encore des légendes, contes et chansons29 . Cette vision va ainsi s’illustrer à travers divers projets engagés par les parcs. Il s’agit de nous intéresser plus spécifiquement à de nouvelles formes de médiations qui interrogent notre rapport au vivant, grâce à des techniques de transmission alternatives qui se réinventent. Ainsi, valoriser le patrimoine vivant et son histoire, c’est sensibiliser à son avenir, au devenir du territoire et de sa population. Le patrimoine continue de vivre lorsqu’il tombe entre les mains des plus jeunes, héritiers de ces territoires, et plus largement, héritiers du monde. Suivant cette idée, les Parcs 28 Sauvegarder le patrimoine vivant des communautés | Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture. http://www.unesco.org/new/fr/culture/resources/in-focus-articles/safeguarding- communities-living-heritage/. Consulté le 21 juin 2021. 29 La culture cévenole | Parc national des Cévennes. https://www.cevennes-parcnational.fr/fr/des- connaissances/le-patrimoine-culturel/la-culture-cevenole. Consulté le 21 juin 2021.
  • 21. 21 Naturels Régionaux ont par exemple signé un manifeste intitulé « Des relations apaisées entre les sociétés humaines et la nature : la voie humaniste des parcs naturels régionaux »30 . Finalement, valoriser un patrimoine vivant revient à exposer au public une nouvelle vision du patrimoine et de notre héritage. Pour cela, il convient pour les parcs d’aller au-delà de la valorisation, et de viser une sensibilisation pertinente. B-Des ressources et compétences au service de nouvelles formes de pédagogies, d’actions culturelles et artistiques Pour les parcs nationaux comme pour les parcs naturels régionaux, les actions de sensibilisation s’avèrent nécessaires puisqu’elles sont le socle de la pleine réussite du développement durable de leurs territoires. Les deux structures comportent d’ailleurs un pôle dédié à l’éducation et la sensibilisation au territoire. Il s’agit d’un pôle spécialisé mais sachant créer des ponts avec les autres pôles et s’imprégner des différents enjeux qui font l’identité du parc. Ce pôle travaille plus spécifiquement à des supports et techniques de médiations, à la création d’événements et de programmes d’animation du territoire. Les actions culturelles et artistiques y sont en grande partie associées. Il s’agit de fournir l’information, de la faire comprendre afin d’amener le public à devenir acteur du développement durable. A travers une prise de vue globale de ces animations, nous observons tout de même que les parcs nationaux ont un développement durable davantage basé sur des actions scientifiques et écologiques. Le développement culturel ne semble pas encore y être une mission officielle à part entière. Cependant, ils bénéficient de réelles compétences en termes de communication, de médiation, d’éducation à l’environnement. La culture y trouve une place à travers la protection du patrimoine culturel. Aussi, nous y trouvons différentes formes d’animations qui intègrent des démarches artistiques et laissent entrevoir un potentiel à développer. Plus encore, au fils de leur évolution les parcs nationaux ont élaboré un modèle de conservation de la nature plus dynamique, à travers de nouvelles formes de valorisation patrimoniale, et la création de temps de rencontres et de sensibilisation. Globalement, les démarches artistiques n’y sont pas majeures, les actions scientifiques (menées par des gardes- 30 « Manifeste Homme/Nature ». Fédération des Parcs naturels régionaux, https://www.parcs-naturels- regionaux.fr/media/29550. Consulté le 21 juin 2021.
  • 22. 22 moniteurs et agents des parcs) et pédagogiques y sont privilégiées. Nous remarquons qu’ils disposent d’une grande ressource d’animations destinées soit au grand public, soit ciblées pour les scolaires. Parmi les plus fréquentes nous trouvons des randonnées accompagnées, des conférences, des ateliers et des expositions. Par exemple, le Parc National de la Vanoise propose régulièrement des ateliers créatifs et des expositions à la Maison du Parc à Pralognan-la-Vanoise, à la maison de la Réserve naturelle du Plan de Tuéda (les Allues) et à la maison de la Vanoise à Val Cenis- Termignon31 . Nous pouvons d’ailleurs trouver quelques démarches artistiques au sein de programmes pédagogiques pour les scolaires. L’intervention d’artistes est également possible sous forme de partenariats et d’appels à projets. Le Parc National des Cévennes a ainsi lancé un appel à projet pour la création d’un parcours de Land-Art32 sur les balcons de l’Aigual en 201933 . Notons également les différentes expositions de photographies, de peintures, de sculptures. Certains parcs nationaux encouragent la présence des résidences d’artistes. En 2018, le Parc National des Calanques, en partenariat avec l’Institut Pythéas (Aix-Marseille Université, CNRS, IRD), la Fondation Camargo et la Fondation Daniel et Nina Carasso a souhaité encourager la création de résidences d’artistes à dimension internationale. L’idée était de rassembler plusieurs œuvres autour d’un texte du jardinier, paysagiste et écrivain Gilles Clément, interrogeant les rapports homme-nature34 . Enfin, les balades contées permettent parfois d’introduire une dimension artistique et poétique à un événement. C’est par exemple ce qu’expérimente le Parc National du Mercantour. D’après une prospection de leur programme d’animation pour la saison estivale 2021, nous repérons pour exemple l’événement « Sur les traves des mélèzes séculaires de l’Inferno ». Ici, Christian 31 Les animations | Parc national de la Vanoise. https://www.vanoise-parcnational.fr/fr/des- decouvertes/decouvrir-le-parc/les-animations. Consulté le 21 juin 2021. 32 « Tendance de l’art contemporain apparue aux Etats-Unis vers 1967 et caractérisée par un travail dans et sur la nature », source : Larousse, Éditions. Définitions : land art - Dictionnaire de français Larousse. https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/land_art/46147. Consulté le 21 juin 2021. 33 Nouvel appel à projets Les Balcons de l’Aigoual - Parcours land art | Parc national des Cévennes. https://www.cevennes-parcnational.fr/fr/actualites/nouvel-appel-projets-les-balcons-de-laigoual-parcours- land-art. Consulté le 21 juin 2021. 34 Les Calanques : territoire de sciences, source d’inspiration | Parc national des Calanques. http://www.calanques-parcnational.fr/fr/les-calanques-territoire-de-sciences-source-dinspiration. Consulté le 21 juin 2021.
  • 23. 23 Lorenzetti, à la fois guide du parc et conteur propose deux balades nocturnes et se fait le médiateur de diverses légendes autour d’arbres remarquables35 . Dans un second temps, nous observons que les Parcs Naturels Régionaux affirment davantage leurs actions culturelles et artistiques dans leur politique et dans leur communication. Certains documents en attestent, telle que la note d’orientation de Juin 201736 , dont le sujet est dédié au domaine de la culture au sein des parcs. Des points réguliers sont effectués afin de renouveler et de réorienter l’avenir du développement culturel des Parcs Naturels Régionaux. Ces derniers disposent d’ailleurs d’une rubrique dédiée sur le site du Ministère de la Culture. Le ministère souligne leurs cinq missions principales, toutes liées à une politique culturelle nationale : « la préservation des patrimoines naturels, culturels et paysagers, l’action culturelle, l’aménagement du territoire, l’éducation et la sensibilisation des publics, l’expérimentation de politiques nouvelles »37 . Les sites internet des Parcs Naturels Régionaux dédient spécialement des rubriques à leurs actions culturelles et artistiques. Les Baronnies Provençales afficheront par exemple « une vie culturelle riche », le Vexin proposera une rubrique « éducation et culture », et le Haut-Jura présentera une section « sensibilisation et culture ». Les ressources des Parcs Naturels Régionaux pour des actions culturelles et artistiques sont nombreuses. Tout comme les Parcs Nationaux, une dimension importante de ces actions prend place à travers la préservation et la valorisation du patrimoine local. Mais, cette seconde structure donne également une place importante aux résidences d’artistes. Que ce soit dans le domaine des arts plastiques, du spectacle vivant, de l’écriture ou de la musique, ils encouragent des projets innovants interrogeant des notions telles que les paysages, les écosystèmes et les liens homme-nature. Finalement, nous avons observé les parcs comme des territoires caractérisés par leur interdisciplinarité. Autrement dit, les travaux et missions scientifiques s’accompagnent de réflexions éthiques au moyen des sciences-humaines et sociales. Les parcs ne pensent pas seulement écologie (détachée des autres domaines et traitée uniquement sous un angle 35 Voir annexe n°2/ « Programme animations estivales 2021 : Roya-Bévéra ». calameo.com, https://www.calameo.com/read/00100618529c8c0b7df32. Consulté le 21 juin 2021. 36 « La culture dans les Parcs naturels régionaux ». Fédération des Parcs naturels régionaux, https://www.parcs- naturels-regionaux.fr/mediatheque/ressources/la-culture-dans-les-parcs-naturels-regionaux. Consulté le 21 juin 2021. 37 Site du Ministère de la Culture/Les Parcs naturels régionaux. https://www.culture.gouv.fr/Sites- thematiques/Developpement-culturel/Le-developpement-culturel-en-France/Culture-et-Monde-rural/Les- acteurs-et-les-outils-au-service-du-maillage-culturel-du-territoire/Les-partenaires/Les-Parcs-naturels- regionaux. Consulté le 21 juin 2021.
  • 24. 24 scientifique), mais pensent plus largement à un modèle de société (vision d’une écologie pleine et entière, qui nous amène à revoir l’ensemble des liens existants sur un territoire). Cette approche territoriale est propre à celle des parcs. Plus encore, le parc a pour mission d’informer à propos de ces questionnements et de ces actions. Voilà pourquoi ceux-ci s’exercent à différentes formes de médiations. Il y a ici un véritable défi à relever pour les parcs, celui de parvenir à sensibiliser in fine un public d’habitants et de visiteurs. Il s’agit pour les parcs d’encourager des projets capables de réunir sciences de la vie et sciences humaines, et d’offrir de nouvelles perceptions au public. Dans ce contexte, l’art peut intervenir. En ce sens, il s’agit d’imaginer un art accessible à ciel ouvert. Enfin, il est intéressant de voir que si les artistes ont pu inspirer la protection de certaines zones du territoire national au fur et à mesure de l’histoire et faire aboutir la création des parcs, ils vont aujourd’hui investir ces structures de l’intérieur sous forme de créations, de médiations artistiques et culturelles et finalement participer aux différentes missions des parcs. C-La sensibilisation par l’art comme une approche complémentaire à la médiation scientifique Notre objectif ici, n’est pas de nier l’efficacité et l’importance de l’approche scientifique. Il s’agit plutôt d’étudier l’art comme un moteur de sensibilisation supplémentaire, et d’entrevoir les artistes comme les médiateurs des relations entre les hommes et le territoire. En ce sens, nous pouvons déjà reconnaître plusieurs particularités à l’art en tant que médium. L’art suscite avant toute chose la subjectivité et fait appel au sens de l’interprétation du public. Cela laisse donc plus libre court à l’imagination du spectateur. A la différence de l’inventaire de l’animateur nature, du guide naturaliste ou biologiste, l’artiste proposera un rapport sensible et esthétique au vivant. L’émotion est donc un des effets particulièrement attendus. Celle-ci va pouvoir être partagée et transmise, et aura l’opportunité de se transformer en souvenir. Par ce même biais, nous pouvons estimer que l’art peut potentiellement susciter l’attachement au lieu, au territoire, et à l’environnement qu’il investit. S’attacher c’est également se sentir impliqué personnellement, et prendre conscience de son rôle au sein d’une expérience. Les démarches artistiques semblent être pertinentes dans ce domaine, et l’expérience effectuée au sein du site naturel protégé du Méjean au sud de Montpellier en témoigne. Nous avons pu découvrir ce projet au cours du web- atelier « Comment informer et sensibiliser au sein d’un espace naturel » organisé par le
  • 25. 25 Conservatoire du Littoral le 16 Février 2021. Il s’agissait de parvenir à sensibiliser le public à la découverte du site, à travers la création d’un sentier accessible à tous. Le parcours était scénographié et un artiste y est intervenu. Ce dernier a pratiqué le tressage en osier de la clôture et de certains points forts du parcours. Cela était une façon d’introduire la vannerie, artisanat faisant partie du patrimoine de ce territoire (le Méjean étant un site de pêche historique peuplé de châtaigniers, où l’on y pratiquait le tressage traditionnel). Le public a témoigné de retours positifs et cette démarche artistique est apparue comme quelque chose de vivant, se fondant dans le paysage. De plus, l’artiste entretenait une proximité avec le lieu et les locaux. Finalement, cette démarche a suscité « un lien profond »38 en chaque promeneur. Ainsi, nous pouvons en déduire la singularité du regard de l’artiste : un regard davantage poétique, fait d’attachement, souvent motivé par l’envie de transposer cette perception à travers une œuvre. Cette œuvre propose alors une expérience sensible au public, qui pourra en tirer des émotions parfois durables. Cette expérience nous révèle également une chose : investir artistiquement un espace naturel protégé, tout comme un parc naturel, c’est inscrire son œuvre à une échelle plus large, celle du paysage. Au centre des objectifs de valorisation des parcs, le paysage apparaît comme un objet patrimonialisé qu’il convient d’étudier plus avant. Le paysage n’est non pas une réalité matérielle, mais plutôt une réalité conceptuelle. Il s’agit d’un mot que nous employons couramment afin de qualifier notre environnement alentour, et d’en donner une appréciation. Comprenons ici que le paysage est une perception à la fois subjective et culturelle de notre environnement. Il s’agit du regard que nous posons sur le monde qui nous entoure. Comme nous l’avons vu au début de notre développement, la création des parcs était en partie motivée par le souhait de conserver des paysages pour leur intérêt artistique. Cela témoigne d’une conception esthétique du monde bel et bien existante dans notre regard. Le philosophe et écrivain Alain Roger va même jusqu’à affirmer que « les paysages sont des acquisitions culturelles »39 et que « la perception, historique et culturelle de tous nos paysages […] s’opère selon une ‘artialisation’ »40 . Il confirme alors l’idée d’Oscar Wilde affirmant que « les choses sont parce que nous les voyons, et la réceptivité aussi bien que la forme de notre vision 38 Mots de l’intervenant Jean-Jacques FRESKO lorsque nous l’avons interrogé. 39 Roger, Alain (2017). Avant-propos, Court Traité du Paysage (Gallimard, p.11). 40 Roger, Alain (2017). Avant-propos, Court Traité du Paysage (Gallimard, p.15).
  • 26. 26 dépendent des arts qui nous ont influencés »41 . Cette hypothèse confèrerait à l’artiste un rôle absolument central, capable d’influencer notre perception du monde et notre rapport à l’environnement. Il est vrai que l’art est une façon pour l’homme de représenter son environnement, voir de se le réapproprier. Que ce soit à travers la peinture, la sculpture, ou encore la photographie, nous fabriquons des paysages de mille façons. De façon plus opérante, les techniques de communication actuelles s’appuient en grande partie sur l’image. L’offre touristique et culturelle des parcs sera souvent médiatisée via des représentations photographiques ou picturales. De façon usuelle, nous associons les territoires des parcs à de grands symboles paysagers. Nous associerons par exemple le Parc National de La Vanoise aux grands massifs des Alpes, et nous visualiserons de grands champs de lavandes à l’évocation du Parc Naturel Régional des Baronnies Provençales. Ici, il ne s’agit pas d’affirmer ou d’infirmer l’hypothèse d’un art influençant de façon absolue notre perception du monde, mais de reconnaitre le paysage comme une façon usuelle de regarder et d’appréhender notre environnement. Puis, dans un second temps, il s’agit de reconnaître aux artistes un usage caractéristique et singulier du paysage. L’art appliqué au paysage devient un médium capable d’en modifier la perception. Ainsi, le paysage apparaît comme l’espace de médiation entre la nature et la culture : il est l’environnement brut vu à travers le prisme du regard humain, influencé par des références culturelles et esthétiques. C’est d’ailleurs pour cela que nous utilisons certains termes comme « patrimoine paysager » ou « paysage culturel ». L’enjeu pour les artistes au sein des parcs est donc de parvenir à devenir les médiateurs de ces paysages. Ainsi, le paysage pourrait être perçu en tant que patrimoine et devenir le lieu de l’attachement. Il pourrait se muer en un lieu commun et un espace public, c’est-à-dire un territoire investi par des citoyens conscients de la valeur commune et patrimoniale de leur cadre de vie. Il s’agirait de créer des paysages patrimonialisés à travers un regard artistique, pour en faire des patrimoines vivants en perpétuelle réappropriation. Ces paysages pourraient être investis de l’intérieur car habités et traversés par l’homme. Dès lors il convient de s’interroger : comment les artistes vont investir les paysages des parcs et tenter de susciter de nouvelles perceptions ? 41 Oscar Wilde, Le Déclin du mensonge, dans Œuvres, Paris, Stock, 1977, 2 vol., vol. I, pp. 307-308.
  • 27. 27 -PARTIE III- EXPERIMENTATIONS ARTISTIQUES EN ACTION : FORCES ET LIMITES OBSERVEES A travers l’analyse de plusieurs projets artistiques mis en œuvre au sein des parcs naturels régionaux et des parcs nationaux, nous avons cherché à mieux comprendre leurs mécanismes de sensibilisation et à en dégager les effets. A-Proposer de nouvelles perceptions et construire un nouveau rapport au territoire Les démarches artistiques entreprises par les parcs cherchent généralement à opérer des transformations culturelles dans un premier temps, pour produire des transformations territoriales dans un second temps. Sensibiliser via l’art, c’est faire en sorte que des alternatives de sociétés, des idées encore en marge puissent être montrées et partagées. Les artistes prétendent ainsi faire usage de la beauté et de la poésie pour transmettre ces nouvelles perceptions. Il s’agit souvent de sortir le public de son milieu habituel afin de lui proposer d’autres façons de voir et d’expérimenter le monde. L’exemple du projet des « Classes d’Art d’Eco »42 initié par le Parc Naturel Régional du Vexin, témoigne de cette idée. Ces classes destinées aux scolaires ont lieu sur l’écosite de Villarceaux43 (commune de Chaussy en Val d’Oise), en partenariat avec l’association La Source44 . A travers ces séjours pédagogiques, des enfants qui n’ont pas l’occasion d’aller à la campagne par ailleurs, sont sortis de leur milieu habituel. Ils sont sensibilisés à l’environnement à travers une double approche disciplinaire : à la fois scientifique, à la fois artistique. L’association observe des retours positifs : les élèves vont par exemple entrevoir l’animal différemment. Ils ne se contenteront pas d’établir une 42 Voir annexe n°3 43 Lieu appartenant à la fondation « Charles Leopold Mayer pour le progrès de l’homme », qui a pour but de transmettre aux hommes tout ce qui est de l’ordre de son bien être dans son environnement et de la préservation de la biodiversité. 44 Association 1901 à vocation sociale et éducative par l’approche artistique. Elle engage des artistes et des animateurs socio culturels afin de s’adresser à un public varié avec des atelier varié, et à travers un objectif de mixité sociale. Elle occupe une partie du domaine de l’écosite de Villarceaux, lieu accueillant des séjours scolaires. L’association s’occupe des ateliers artistiques ayant lieu durant ces séjours
  • 28. 28 simple liste de noms, mais parleront davantage du rapport qu’ils entretiennent avec lui. De plus, cela permet de valoriser à la fois le lieu et le territoire, lorsque les enfants se font les médiateurs de cette expérience auprès de leurs parents. Finalement, l’art devient un prétexte pour faire les choses ensembles, et des liens sociaux entre les enfants se créent. A travers ces démarches artistiques, les parcs ont la vocation d’utiliser les ressources locales de leurs territoires pour sensibiliser à des enjeux globaux. Le projet des « Classes d’Art d’Eco » prend ainsi appui sur un lieu hybride. L’écosite de Villarceaux abrite plusieurs associations, un espace d’hébergement ainsi qu’un pôle de réflexion dédié aux enjeux des territoires ruraux. Le site comporte diverses installations en faveur de l’écologie, et une ferme tenue par un agriculteur. Les ateliers artistiques se serviront donc des différents potentiels du lieu afin d’appréhender certaines notions telles que l’alimentation. Les élèves feront l’expérience de la visite de la ferme, consommeront une nourriture bio, apprendront des notions d’alimentation et élaboreront des créations avec des artistes autour du goût. Une telle approche appuyée sur les ressources locales et une interdisciplinarité permettront de comprendre des enjeux territoriaux globaux liés à l’agriculture, au paysage et à l’énergie. © Parc Naturel Régional du Vexin-extrait de la brochure des ‘Classes d’Art d’Eco’/ Plan de l’ecosite de Villarceaux
  • 29. 29 Finalement, ces démarches artistiques tentent de déjouer les techniques classiques d’exposition et de mise en art des territoires. Il s’agit d’élaborer des processus artistiques ascendants, c’est-à-dire en concertation avec les habitants des parcs. Il s’agit pour les artistes de proposer sans imposer, et d’être à l’écoute des personnes qui ont une connaissance quotidienne du territoire. Par ce biais, certaines de ces démarches artistiques souhaitent incorporer de l’art dans le quotidien et transformer des lieux non dédiés en espaces publiques. Il s’agit de montrer que l’attachement peut se produire partout si l’on sait y poser un regard sensible. Suivant cette idée, le Parc Naturel Régional de la Vallée de Chevreuse a initié en 2018 le programme « Aux artistes le patrimoine », afin de permettre à dix lieux patrimoniaux originaux d’être investis et valorisés par des artistes. Nous nous sommes plus précisément intéressés au projet « Nous aimons faire des histoires » mené par la compagnie Les Armoires Pleines près de la commune de Saint-Léger en Yvelines en pleine forêt. La compagnie mélange les arts plastiques et le théâtre, et travaille dans l’espace public, dans des lieux non dédiés. Ils font dialoguer le visuel, le texte, le théâtre, la chorégraphie et la musique dans des créations produites avec des amateurs (collectifs d’habitants, lycées, écoles primaires…). Pour ce projet au sein du parc, il s’agissait de valoriser plus spécifiquement un chêne centenaire reconnu par l’ONF. L’action artistique avait pour but de mettre l’accent sur cet arbre remarquable et sur les caractéristiques méconnues de la forêt. La compagnie a fait le choix de créer un temps de rencontre lors d’une veillée nocturne à proximité de l’arbre, à travers la lecture scénographiée de textes. La forêt étant habituellement un lieu où les promeneurs se croisent et se rassemblent rarement, avait ainsi l’opportunité de devenir un lieu commun. © Parc Naturel Régional de la Haute-Vallée de Chevreuse/ Affiche de l’événement « Nous aimons faire des histoires »
  • 30. 30 B-Transcender les rôles : convergence des acteurs et public participant A travers ces projets, nous observons une volonté de produire une offre culturelle et artistique qui soit investie en premier lieu par un public local. Chantal Auriel, chargée de mission « Education au Territoire » pour le Parc Naturel Régional du Vexin nous confirme que la volonté des parcs est celle-ci : sensibiliser sans imposer, tout en concertant et faisant coopérer les différents acteurs du territoire. Les parcs tentent ainsi de faire collaborer divers acteurs afin de créer des projets en cohérence. Cela se traduit par des approches qui se veulent complémentaires. Un lieu, une association, des animateurs, des artistes, des guides scientifiques formés par les parcs vont pouvoir coopérer. Les classes d’Art d’Eco ont par exemple été le fruit d’une convention entre l’écosite de Villarceaux, l’Académie de Versailles (Education Nationale), et l’association La Source. Le but est de proposer un programme de sensibilisation complet et complémentaire des enseignements classiques. La partie dédiée à l’observation scientifique sera complétée par la partie dédiée à l’imaginaire et la création. Il s’agira d’établir un lien avec le thème principal et de transmettre les informations aux enfants de façons différentes. Le thème de l’eau sera par exemple abordé dans un premier temps à travers un atelier scientifique décrivant le cycle de l’eau, puis dans un deuxième temps à travers la production d’une aquarelle inspirée des sources d’eau se trouvant dans l’environnement immédiat du site. Si cette convergence d’acteurs s’établie en fonction d’une cohérence territoriale à échelle locale, elle est aussi recherchée à plus grande échelle. Les parcs nationaux et régionaux inscrivent ce type de projet à l’échelle de leurs missions culturelles globales. Il s’agit d’être en cohérence avec les enjeux culturels du territoire en encourageant le développement des résidences d’artistes, en passant des conventions avec la DRAC ou en valorisant certains labels comme Les Pays d’Art et d’Histoire. Ensuite, cela est aussi l’occasion de suivre l’ambition nationale d’éducation au développement durable. Les Parcs Nationaux ont ainsi crée un partenariat avec la GMF, le Réseau Canopé45 et l’Agence Nationale pour la Biodiversité afin de créer la ressource numérique « Entrez dans le Paysage ». Ce dernier propose un programme interdisciplinaire complet pour des élèves du cycle 4 et du lycée. Afin de les sensibiliser et de les éduquer au développement durable, différentes séquences et thèmes pédagogiques sont 45 Celui-ci est placé sous la tutelle du Ministère de l’Education Nationale et est une plateforme en ligne d’accompagnement pédagogique.
  • 31. 31 proposés. Les territoires des Parcs Nationaux sont alors investis comme des lieux d’innovation pédagogique, et les arts plastiques font partie des disciplines sollicitées46 . Le rôle du médiateur et le rôle du public sont expérimentés autrement puisque ces démarches artistiques détiennent une importante dimension participative. Le rôle de l’artiste en tant que médiateur est essentiel. Il apporte un tout autre regard sur le patrimoine et tente de le faire vivre à travers une approche sensible. Mais le public va également détenir une place centrale. Ces démarches artistiques participatives font preuve de confiance envers le public et sa capacité à imaginer et à créer. Les artistes témoignent de la facilité qu’ils ont à stimuler l’imagination des enfants et à en tirer une énergie créative. Ainsi, la veillée finale pour le projet « Nous aimons faire des histoires » a été le fruit de témoignages récoltés auprès des habitants et d’ateliers d’écriture menés en amont auprès des scolaires du village. A travers ce type de démarche, le public est sollicité et incorporé au processus de création. Il s’agit de faire basculer le rôle du public, en lui proposant de passer d’une position passive à une position active. Au lieu d’apporter des informations toutes faites, indiscutables, il va être proposé au visiteur d’aller en quête de cette information, et d’acquérir une forme de responsabilité en se positionnant en tant qu’acteur. Il va participer à la construction du sens de l’œuvre et parfois même à la construction de l’œuvre en elle-même. Le public n’est plus seulement observateur, ni seulement interlocuteur, il devient acteur. Le processus de sensibilisation cherche à obtenir ce résultat et les démarches artistiques participatives semblent ainsi aller dans le sens de la mission éducative des parcs. Après avoir délivré l’information au public, après avoir fait comprendre ces enjeux, leur vocation est de montrer des interactions possibles et souhaitables pour le territoire, et de rendre les hommes sensibles aux enjeux de protections. Finalement, les projets artistiques tels que nous venons de les décrire deviennent des zones d’essais et d’expérimentations. L’art apparaît comme le lieu où l’on peut projeter notre imagination sans limite, sans impact direct sur le réel dans un premier temps. Il cherche à produire des effets intangibles, liés aux émotions, et à l’attachement. Il souhaite participer à une prise de conscience durable, produisant des comportements alignés avec les objectifs de développement durable du parc dans un second temps. 46 Voir annexe n°4
  • 32. 32 C-Augmenter la portée de ces expériences sans perdre de vue l’ancrage territorial Nous avons pu nous rendre compte des réels effets de ces projets à échelle locale. Mais il convient tout de même de s’interroger : ces types de projets ne sont-ils pas encore trop limités à un public d’initiés ? En effet, un projet comme « Nous aimons faire des histoires » s’est adressé en grande partie à des enfants ayant grandi là, et ayant l’habitude des balades en forêt. Lors de la représentation finale, les parents de ces enfants se sont joints à l’événement. A cet échantillon du public, se sont ajoutées plusieurs personnes ayant un intérêt pour les programmes du parc naturel régional de la Vallée de Chevreuse, et ayant suivi d’autres événements du programme « Aux artistes le patrimoine ». Toucher un public local de cette manière est intéressant dans la mesure où cela permet de réunir les habitants autour des enjeux et des richesses de leur territoire. Certains habitants peuvent d’ailleurs avoir une méconnaissance de leur lieu de vie. Beaucoup de personnes vivant en Vallée de Chevreuse sont amenées à se déplacer à Paris pour leurs activités professionnelles, et participent peu à la vie locale par ailleurs. Il s’agit donc pour ces projets artistiques de tenter de remédier à ce manque de lien avec notre environnement immédiat. Cependant, il semblerait également important d’aller toucher le public au-delà de la sphère locale, et de parvenir jusqu’au visiteur, celui qui n’est que de passage. Tout cela afin de lui apporter une meilleure compréhension du territoire, d’encourager des comportements conscients et responsables le temps de son séjour. Cette sensibilisation adressée à des visiteurs semble d’autant plus pertinente au sein des Parcs Nationaux, puisqu’ils sont des territoires davantage caractérisés par des zones inhabitées traversées par un public nomade. Comment donner de l’ampleur à ces démarches artistiques ? Il s’agit ici de reconnaître le rôle des structures touristiques, tels que les Offices de Tourisme, mais également celui des services municipaux dédiés au développement de l’offre culturelle. Certains artistes déplorent d’ailleurs le manque d’intérêt fréquent des élus locaux pour ce type de démarche culturelle. Les compagnies doivent souvent justifier elles-mêmes les bénéfices potentiels de ces formes de médiation pour le territoire. Afin de diversifier le public, une collaboration semble nécessaire entre le développement culturel et le développement touristique des parcs. Ces programmes artistiques pourraient s’inscrire pleinement dans une offre touristique cohérente. La notoriété de ces offres devrait tout de même s’effectuer dans la juste mesure, afin de ne pas dénaturer l’expérience artistique originale.
  • 33. 33 En effet, ces démarches artistiques sont souvent construites autour des valeurs de convivialité, d’échange, d’écoute qualitative. Puisqu’il s’agit de mobiliser du temps pour une prise de conscience, il s’agit davantage d’une sensibilisation qualitative, plutôt que d’une sensibilisation quantitative. La représentation en forêt pour le projet « Nous aimons faire des histoires » détenait par exemple une jauge d’une centaine de personnes, et les diverses approches pédagogiques initiées par les parcs s’adressent souvent à des petits groupes. Augmenter ces jauges pourrait faire perdre toute la pertinence de ces projets en termes de sensibilisation. Nous pourrions donc préférer une diversification plutôt qu’une augmentation du public. Dans cette perspective, il serait envisageable de multiplier les démarches artistiques de ce type sur les territoires des parcs, afin à la fois de faire bénéficier chaque localité d’une offre culturelle, et à la fois de disperser le public, tout en maintenant une expérience qualitative pertinente. Cependant, une dernière précaution semble s’imposer. Multiplier les démarches artistiques sur les territoires des parcs fait courir le risque de n’entrevoir notre rapport à l’environnement qu’à travers l’art. Que fait-on des espaces non investis par l’art ? Ont-ils moins d’importance ? Il ne s’agit pas de faire des parcs d’immenses musées à ciel ouvert. L’œuvre artistique ne doit pas être le seul moyen de valorisation des territoires. Le fait de mettre en valeur un paysage plutôt qu’un autre ne doit pas induire un désintéressement pour les zones non-investies par l’art. Ces projets cherchent plutôt à présenter un échantillon du monde, une parcelle de l’environnement qui nous entoure, et à se servir des ressources locales pour construire une pensée plus globale. Ainsi, il est question de ne pas imposer mais de suggérer, de laisser de l’espace à l’imagination et à l’invention. L’individu doit être en mesure de devenir acteur, sans qu’il soit question de tout lui démontrer par l’art. Finalement, il convient de considérer que l’environnement parle également pour lui-même, que l’action humaine n’est pas un élément central mais un élément participant. L’opportunité ici est de ramener l’humilité dans nos perceptions, en considérant que l’humain agit et laisse sa trace dans son environnement tout comme le reste du vivant, mais sans en être le maître.
  • 34. 34 CONCLUSION Dès leur origine, et avant même leur création officielle, les futurs parcs nationaux et parcs naturels régionaux sont valorisés et défendus selon leur potentiel esthétique et artistique. Puis, des arguments scientifiques sont apportés et évoluent en parallèle. Ils sont les chevaux de bataille d’artistes ou de personnalités à double posture : à la fois écrivains et naturalistes, à la fois peintres et défenseurs de la nature… Voilà qui nous laisse entrevoir l’originalité de ces structures territoriales : des territoires observés à la fois pour leurs paysages et pour leurs écosystèmes. L’enjeu culturel y cohabite avec l’enjeu écologique. Ces structures font face à des défis mais aussi à des opportunités et ont une mission à relever : s’emparer d’un patrimoine vivant. Il s’agit d’un patrimoine qui sort désormais des premières catégories de monuments et de sites, et d’un patrimoine en évolution, à la fois culturel, à la fois naturel. Le patrimoine des parcs nationaux et régionaux revêt alors une certaine dynamique, puisqu’il devient une véritable ressource au service d’enjeux territoriaux : économiques, touristiques, culturels, sociaux. Ce patrimoine interroge les relations de l’homme avec son environnement et contribue à un modèle de territoire qui souhaite faire cohabiter un objectif de développement avec un objectif de protection. Tout l’enjeu est alors celui-ci : comment valoriser un tel patrimoine ? Au-delà de la valorisation, nous comprenons qu’il convient pour les médiateurs des parcs de parvenir à sensibiliser. C’est ici que s’essaient différentes démarches artistiques. L’art par ses originalités se propose comme médium alternatif voir complémentaire du médium scientifique. Il s’attache non plus seulement à exposer des faits mais à faire sentir, à faire imaginer, à construire de nouvelles perceptions. Par extension, il devient un terrain d’expérimentation pour les parcs à la recherche de projets interdisciplinaires qui répondent à leur problématique centrale de développement durable.
  • 35. 35 ANNEXES Annexe n°1 : les personnes rencontrées lors d’entretiens qualitatifs - Madame Chantal AURIEL : chargée de mission « Education au Territoire » au Pôle « Education, Culture, Valorisation des Patrimoines » pour le Parc Naturel Régional du Vexin -Madame Christel DRIQUE : Coordinatrice du parcours des Classes « Art d’Eco » pour l’association La Source -Madame Stéphanie SACQUET : Co-directrice de la compagnie Les Armoires Pleines, artiste plasticienne et scénographe
  • 36. 36 Annexe n°2 : Extrait du programme d’animation de la saison estivale 2021 du Parc National du Mercantour
  • 37. 37 Annexe n°3 : Extrait de la brochure des Classes « D’Art d’Eco »
  • 38. 38
  • 39. 39
  • 40. 40
  • 41. 41
  • 42. 42
  • 43. 43
  • 44. 44
  • 45. 45 Annexe n°4 : Extrait du programme pédagogique « Entrez dans le paysage »
  • 46. 46
  • 47. 47
  • 48. 48
  • 49. 49 BIBLIOGRAPHIE Ouvrages : • Voisin, Lolita, et Sylvie Servain, éditeurs. Paysages et patrimoines. Presses universitaires François-Rabelais, 2016. • ROGER, Alain. Court traité du paysage. Gallimard/folio essais. 2017, 256 p. Articles scientifiques et de recherche : • Jaffeux Henri, La longue et passionnante histoire des parcs nationaux français publié dans le N° 9 / 2010 de la revue du comité d’histoire du ministère de l’Ecologie, « Pour mémoire » • François PORTET, 2015, « Les parcs naturels régionaux et la culture », Cairn.info, GREP, N° 226 | pages 97 à 106 • Delfosse, Claire, et Pierre-Marie Georges. « Artistes et espace rural : l’émergence d’une dynamique créative ». Territoire en mouvement Revue de géographie et aménagement. Territory in movement Journal of geography and planning, no 19-20, mai 2013, p. 60-76. journals.openedition.org • [HAL] La mise en art des territoires ruraux et protégés. Une clé de lecture des dynamiques socio-environnementales. Marie Méténier, Greta Tommasi, 2018. URL : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01854403/document • [HAL] « Le paysage, territoire de l’art ? » Emmanuel Négrier -dans (collectif) Regards croisés sur les paysages, projets d’artistes dans trois Parcs Naturels Régionaux en Rhône- Alpes, 2008, p.139-159. URL: https://hal.archives-ouvertes.fr/hal- 01441795/file/paysage%20territoire%20de%20l%27art.pdf Articles-Presse en ligne : • « Les 56 parcs naturels régionaux français à la recherche d’un juste équilibre ». Le Monde.fr, 21 janvier 2021. Le Monde, https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/01/21/les-56-parcs-naturels-regionaux- francais-a-la-recherche-d-un-juste-equilibre_6067071_3244.html. Consulté le 22 juin 2021.
  • 50. 50 • John Muir (1838 - 1914) - Le vagabond qui a créé le parc de Yosemite - Herodote.net. https://www.herodote.net/Le_vagabond_qui_a_cree_le_parc_de_Yosemite-synthese- 2761-464.php. Consulté le 22 juin 2021. Webographie : • La culture cévenole | Parc national des Cévennes. https://www.cevennes- parcnational.fr/fr/des-connaissances/le-patrimoine-culturel/la-culture-cevenole. Consulté le 21 juin 2021. • Les Calanques : territoire de sciences, source d’inspiration | Parc national des Calanques. http://www.calanques-parcnational.fr/fr/les-calanques-territoire-de-sciences-source- dinspiration. Consulté le 21 juin 2021. • Culture et Monde rural. https://www.culture.gouv.fr/Sites-thematiques/Developpement- culturel/Le-developpement-culturel-en-France/Culture-et-Monde-rural. Consulté le 22 juin 2021. • Site du Ministère de la Culture, Les Parcs naturels régionaux. https://www.culture.gouv.fr/Sites-thematiques/Developpement-culturel/Le-developpement- culturel-en-France/Culture-et-Monde-rural/Les-acteurs-et-les-outils-au-service-du- maillage-culturel-du-territoire/Les-partenaires/Les-Parcs-naturels-regionaux. Consulté le 21 juin 2021. • Nouvel appel à projets Les Balcons de l’Aigoual - Parcours land art | Parc national des Cévennes. https://www.cevennes-parcnational.fr/fr/actualites/nouvel-appel-projets-les- balcons-de-laigoual-parcours-land-art. Consulté le 21 juin 2021. • Sauvegarder le patrimoine vivant des communautés | Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture. http://www.unesco.org/new/fr/culture/resources/in- focus-articles/safeguarding-communities-living-heritage/. Consulté le 21 juin 2021. • Aux artistes le patrimoine ! | Parc naturel régional de la Haute Vallée de Chevreuse. https://www.parc-naturel-chevreuse.fr/une-autre-vie-sinvente-ici/vie-sociale-et-culturelle- regards-dartistes-sur-le-territoire/aux. Consulté le 22 juin 2021. • Nature in Solidum : faire vivre la création artistique ! - Parc naturel régional du Haut- Jura. http://www.parc-haut-jura.fr/fr/site-habitant/sensibilisationculture/culture/nature-in- solidum-residences-artistes.263-299-462__1117.php. Consulté le 22 juin 2021. • Education à l’environnement et au territoire - Éducation & Culture - Parc naturel régional du Vexin français. http://www.pnr-vexin-francais.fr/fr/education-et-culture/education/. Consulté le 22 juin 2021.
  • 51. 51 • Regards croisés sur les paysages | art3. http://www.art-3.org/art-contemporain/regards- croises-sur-les-paysages. Consulté le 22 juin 2021. • Portail des parcs nationaux de France |. http://www.parcsnationaux.fr/fr. Consulté le 22 juin 2021. • « Fédération des Parcs naturels régionaux ». Fédération des Parcs naturels régionaux, https://www.parcs-naturels-regionaux.fr/. Consulté le 22 juin 2021. • « Entrez dans... les parcs nationaux de France ». Réseau Canopé, https://www.reseau- canope.fr/entrez-dans-le-paysage/entrez-dans-les-parcs-nationaux-de-france.html. Consulté le 22 juin 2021. • « Association Sur le sentier des lauzes | Vallée de la Drobie ». sur le sentier des lauzes, http://surlesentierdeslauzes.fr/. Consulté le 22 juin 2021. • Patrimoine culturel | Portail des parcs nationaux de France. http://www.parcsnationaux.fr/fr/des-connaissances/patrimoine-culturel. Consulté le 22 juin 2021. Documents mis à disposition par les parcs : • « La culture dans les Parcs naturels régionaux ». Fédération des Parcs naturels régionaux, https://www.parcs-naturels-regionaux.fr/mediatheque/ressources/la-culture-dans-les-parcs- naturels-regionaux. Consulté le 21 juin 2021. • « Les Parcs naturels régionaux, 40 ans d’histoire ». Fédération des Parcs naturels régionaux, https://www.parcs-naturels-regionaux.fr/mediatheque/ressources/les-parcs- naturels-regionaux-40-ans-dhistoire. Consulté le 21 juin 2021. • « Manifeste Homme/Nature ». Fédération des Parcs naturels régionaux, https://www.parcs-naturels-regionaux.fr/media/29550. Consulté le 21 juin 2021. • « Référentiel des métiers des Parcs naturels régionaux ». Fédération des Parcs naturels régionaux, https://www.parcs-naturels-regionaux.fr/mediatheque/ressources/referentiel- des-metiers-des-parcs-naturels-regionaux. Consulté le 22 juin 2021. • « Orientations pour l’avenir des Parcs naturels régionaux ». Fédération des Parcs naturels régionaux, https://www.parcs-naturels-regionaux.fr/mediatheque/ressources/orientations- pour-lavenir-des-parcs-naturels-regionaux. Consulté le 22 juin 2021.
  • 52. 52 • « Journée nationale : Les résidences artistiques et culturelles dans les Parcs naturels régionaux ». Fédération des Parcs naturels régionaux, https://www.parcs-naturels- regionaux.fr/mediatheque/ressources/journee-nationale-les-residences-artistiques-et- culturelles-dans-les-parcs. Consulté le 22 juin 2021. Autres sources : • Podcast par Julie Auffray « La montagne Conte », Episode #1 - Habiter autrement ? soundcloud.com, https://soundcloud.com/user-763063738/episode-1- habiter-autrement. Consulté le 22 juin 2021. • Parc national en France / parc naturel régional (PNR) — Géoconfluences. http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/parcs-nationaux-et-parcs-naturels- regionaux-pnr. Consulté le 22 juin 2021. • Prise de notes lors du web-atelier « Comment informer et sensibiliser au sein d’un espace naturel » organisé par le Conservatoire du Littoral le 16 Février 2021.