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Au cœur des marchés
Moins d’impôts, mais pas moins d’Etat
Michel Juvet
Analyste financier et membre du comité de direction de Bordier & Cie
Lundi 5 juillet 2010
L a confusion règne dans les
politiques budgétaires. Un
jour, ce sont les créanciers qui
moitié réclame de temporiser,
inquiète qu’un resserrement
budgétaire n’engendre une
suggère le contraire. Pourtant,
le rapport entre recettes fisca‐
les et PIB ne monte pas, le défi‐
réclament des rendements deuxième récession, comme en cit ne se réduit pas.
supérieurs pour tenir compte 1937.
de la montée du risque d’un A l’inverse, lorsque les impôts
éventuel défaut de paiement La confusion se prolonge sur la baissent, la croissance reprend,
de l’Etat. Pour maintenir leur façon de réduire ces déficits. les recettes fiscales progres‐
volonté de financement, ces Agir sur les taxes ou sur les sent: mieux, parfois, exprimées
derniers veulent alors voir dépenses publiques? La ré‐ en pourcentage du PIB, elles
adoptées des politiques ponse courante est de ne pas montent. Certains diront qu’on
d’austérité crédibles. toucher aux dépenses et de obtient le même résultat avec
taxer pour augmenter les re‐ une hausse des dépenses… Ces
Un autre jour, ce sont les ac‐ cettes fiscales. deux dernières années ne le
tionnaires qui manifestent en confirment pas: la croissance
vendant leurs titres, par Mais si on baissait les impôts? est bien revenue, mais au prix
crainte que la rigueur budgé‐ L’analyse de l’évolution des de déficits publics béants.
taire ne provoque un ralentis‐ recettes fiscales américaines
sement économique et une est exemplaire. Une étude ré‐ Les politiques budgétaires doi‐
baisse des bénéfices des socié‐ cente de H.C. Wainwright & Co vent donc être subtiles, viser
tés. Les marchés obligataires et montre que, depuis 1950, les les mesures qui favorisent la
boursiers se croisent donc recettes exprimées en pour‐ croissance et le gel de certai‐
dans leurs analyses depuis des centage du produit intérieur nes dépenses. Certes cela di‐
semaines, n’arrivant pas à se brut (PIB) évoluent dans une minue la redistribution des
mettre d’accord. proportion presque fixe, pro‐ richesses. Mais une croissance
che de 20%. Malgré les chan‐ relancée est plus efficace pour
Et pour cause. Une première gements des taux marginaux relever les recettes fiscales, qui
moitié des économistes ré‐ d’imposition décidés par les permettront ensuite de main‐
clame l’austérité, craignant que différents gouvernements. Il y tenir les dépenses sociales. Ce
les politiques ne cèdent devant a donc un effet naturel qui, sera aussi la meilleure façon de
les demandes sociales et ne lorsque les taux d’imposition réconcilier créanciers et ac‐
règlent le problème de montent trop, entraîne une tionnaires.
l’endettement public qu’au prix baisse de la croissance et des
d’une hyperinflation. L’autre recettes collectées. L’intuition
Article de Michel Juvet paru dans Le Temps du 5 juillet 2010 1/1