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LA MOBILITÉ PARTAGÉE, DE
NOUVEAUX SERVICES POUR LES
TERRITOIRES ET LES FRANÇAIS ?
PAGE 10
COMMENT STRUCTURER LE
FUTUR DE LA MOBILITÉ ?
PAGE 4
DÉDRAMATISER LE MONDE
CONNECTÉ
PAGE 16
L’UX AU CŒUR DE LA
CONCEPTION
DES VÉHICULES
PAGE 12
LA MOBILITÉ AUTREMENT,
CE N’EST PAS LA MORT DE
L’AUTOMOBILE
PAGE 6
LA MOBILITÉ SERVICIELLE,
SÉDUIRE LES JEUNES,
RASSURER LES SÉNIORS
PAGE 14
L’AUTOMOBILE 100%
DURABLE, AU-DELÀ
DE L’EMPREINTE
ENVIRONNEMENTALE
PAGE 8
LES NOUVEAUX BUSINESS DE L’AUTOMOBILE
INSIGHT TANK
AUTOMOBILE,
LA FIN DU DÉSIR ?
2 3
ÉDITORIAL
Venez découvrir le N°5 des publications de l’Insight Tank, une collection
trimestrielle au service de vos business questions.
L’Insight Tank réunit un collectif d’experts d’Ipsos pour ras-
sembler les savoirs et les data sur une sélection de sujets
au fort potentiel business :
- En ciblant les enjeux à l’intersection de tous les secteurs
et de tous les marchés.
- En affirmant le lien société et consommation, citoyens
et consommateurs pour connecter les sujets marketing,
opinion, médias… avec les grands phénomènes sociétaux
et leurs impacts, et inversement.
- En associant les insights à des savoirs académiques.
L’Insight Tank, c’est une approche « provocative thinking » en
phase avec le positionnement d’Ipsos, « Game Changer ».
Pourquoi s’intéresser à l’automobile alors qu’elle n’a
jamais été aussi stigmatisée ?
Tout simplement parce que les tendances les plus
structurantes pour demain ont un lien direct avec
l’automobile :
-	 Le vieillissement de la population,
-	 Les questions climatiques et écologiques,
-	 La personnalisation et la prémiumisation,
-	 Le rôle des technologies dans la vie quotidienne,
Chacune met en cause une dimension de l’automobile
: les nouveaux services qu’elle peut rendre en étant
totalement autonome, son impact énergétique et l’usage
des ressources dans sa production et son fonctionnement,
la valeur ajoutée des technologies (IHM, confort adaptable,
fonctions vocales…), ses interactions et sa connexion
avec son environnement, les bénéfices personnels qu’elle
apporte (géolocalisation, tracking…) avec des risques pour
la vie privée.
Aujourd’hui l’automobile est au cœur d’une tension en
lien avec des transformations dans les technologies
et les usages : est-elle une solution de mobilité parmi
d’autres ou reste-t-elle le symbole de liberté et de statut
qu’elle a toujours incarné ?
D’un point de vue pragmatique et rationnel, l’automobile est
un service sans émotion, d’un point de vue idéologique,
elle incarne les valeurs et les pratiques d’un monde ancien
dont il faut se détacher ; ce qui nous a intéressé, c’est
l’autre point de vue, pour qui l’automobile sera toujours un
objet de désir, mais à condition de maîtriser les nouvelles
clefs de succès !
Avec Nicolas Cardon (Directeur Grands Comptes),
Jean-Pierre Carnevale (Directeur de département, Ipsos
UU), Thierry Lalande (Directeur Automotive & Mobility
Devlopment, France), Alexandre de Saint-Léon (Global
Service Line Leader), Florent Mellac (Head of UX –
Automotive Development), Fabienne Simon (Service
Line Leader MSU France), Massamba Sarre (Customer
Experience).
	
Yves Bardon
Ancien Elève de l’Ecole Normale Supérieure,
Directeur d’édition Ipsos Insight Tank et du
Program Ipsos Flair – IKC.
« Il n’y a pas
d’expert muet »
Jean-Marc Lech, co-Président d’Ipsos (1982-2014)
L’Insight Tank, c’est un collectif d’experts d’Ipsos pour rassembler les savoirs et les data sur une sélection de sujets au fort
potentiel business :
- En ciblant les enjeux à l’intersection de tous les secteurs et de tous les marchés.
- En affirmant le lien société et consommation, citoyens et consommateurs pour connecter les sujets marketing, opinion,
médias… avec les grands phénomènes sociétaux et leurs impacts, et inversement.
- En associant les insights à des savoirs académiques hors Ipsos.
L’Insight Tank, une approche « provocative thinking » en phase avec le positionnement d’Ipsos, « Game Changer ».
3
4 5
COMMENT STRUCTURER LE FUTUR
DE LA MOBILITÉ ?
Depuis plus de 10 ans l’univers de la mobilité est présenté comme un Nouvel
Eldorado mais qu’en est-il aujourd’hui ? Quelles sont les dynamiques qui s’opèrent
? Quelle sont leurs implications pour les entreprises ?
P
our naviguer dans des contextes
parfois paradoxaux, il faut tenir
compte des trois grands sujets
qui structurent le futur de la mobilité
et de l’automobile : EMPREINTES,
CONVERGENCE DES GÉNÉRATIONS,
CONNECTIVITÉ, chacun permettant
d’aborder des enjeux spécifiques.
EMPREINTES regroupe toutes les
questions liées à l’impact de l’automobile
sur son environnement, de sa production à
sa circulation, en ville ou ailleurs.
Cette première catégorie a un lien
direct avec le changement climatique,
les ressources et les matériaux mis
en œuvre, les pratiques vertueuses et
responsables choisies, les politiques
urbaines imposées au nom de
suscite des émotions plus puissantes
qu’un environnement normatif ? Quelles
marques incarneront la nostalgie des
trentenaires dans vingt ans ?
Deux points de réflexion méritent d’être
abordés. Si, plus les technologies vont
évoluer, plus l’empreinte des véhicules
sera faible, cette thématique importante
aujourd’hui sera peut-être un non-sujet
écologique dans les prochaines années
mais le consentement des populations
sera un enjeu social et politique majeur :
au nom de quoi leur faire accepter telle
ou telle mesure faisant passer l’intérêt
général avant l’envie ?
l’écologie ou de la politique de gestion
des espaces. Elle se connecte aux
thématiques de la propriété, de l’usage
ponctuel ou du partage, des nouvelles
formes de mobilité, des infrastructures de
transports publics. Elle interroge le désir,
l’envie personnelle, les choix profonds
: limiter son empreinte sans plaisir ou
persévérer à voir dans l’automobile autre
chose qu’un objet, sans considération
philosophique ni pragmatique. Le lien
avec les sciences cognitives est utile
ici : que regrette-t-on le plus ? La perte
d’une liberté symbolique ? En être arrivé
là ? …
Dans le même domaine, EMPREINTE
a aussi un rapport avec le style et la
nostalgie : un design, le rétrodesign qui
fait écho à la nostalgie par exemple, est-
il capable de recréer le désir parce qu’il
Par Nicolas Cardon
Directeur grands comptes dédié aux sujets de
la Mobilité et l’Automobile, Ipsos en France
CONNECTIVITÉ est en lien avec la transformation des usages
qui implique de penser autrement le véhicule dès l’origine.
Jusqu’ici, une automobile était conçue pour un usager unique
avec sa propre UX ; maintenant, elle doit être imaginée, de
base, pour être partagée avec des types d’UX ultra-diversifiés
pour que chacun planifie sa mobilité.
Elle doit intégrer l’accélération de la transformation des objets
quotidiens en trackers avec tous les systèmes possibles et
imaginables : géolocalisation, applications, santé connectée,
confort adaptable, IHM, usage et gestion des espaces
publics (interconnections automobile / développement des
smart cities), interactions avec l’environnement et l’entourage,
les réseaux, etc.
Elle est appelée à se développer avec l’Ubiquitous computing1
, qui ne peut exister sans accéder à toutes les données, passives
et actives, spontanées ou sollicitées, émanant des personnes
et de tous les types de machines et de lieux (smartphone,
automobile, résidence). Conséquence, la protection de la vie
privée et les garanties à apporter aux usagers font partie des
sujets à traiter quand il est question des solutions de mobilité
alors que l’on sait que la privacy est une préoccupation
croissante dans le monde.
Quel impact de la technologie sur le choix automobile ?
Quelles implications pour les mobilités partagées ?
Quelle réalité tout au long du parcours-client ?
La dernière catégorie d’enjeux concerne la CONVERGENCE DES
GÉNÉRATIONS dans un contexte ou l’approche servicielle de la
mobilité répondra aux enjeux des plus âgés en termes de santé,
bien-être, assistance / dépendance… tout en libérant l’accès
des plus jeunes à l’automobile.
Aujourd’hui, les constructeurs doivent relever le défi d’attirer les
jeunes générations (les séniors représentent la clientèle n°1 des
achats de véhicules neufs avec un âge moyen de cinquante-
cinq ans) et les acteurs de la mobilité doivent attirer les seniors
dans un contexte où les deux cibles ont tendance à évoluer
de la propriété à l’usage et de l’achat à l’abonnement à cause
des politiques « anti-voiture », d’arbitrages économiques, de
considérations sur l’empreinte environnementale, etc.
Comment positionner l’automobile dans ce contexte ? En
l’associant de plus en plus à des offres servicielles dans une
approche Mobility as A Service, notamment pour les séniors
dont la proportion dans la population va augmenter dans
les prochaines années : en France aujourd’hui, 27% de la
population est âgée de 60 ans et +, elle représentera plus
d’un tiers en 2050, et 17 millions de Français sont retraités.
Ces services répondent aux enjeux spécifiques des séniors:
santé, bien-être, anticipation des besoins, fluidité des
déplacements, assistance / dépendance (machines pour
faire les courses à la place des gens, porter leur colis, les
libérer des contraintes, etc., comme on l’a vu pendant la crise
sanitaire en Chine où des robots ont déchargé les infirmières
de tâches chronophages et sans valeur ajoutée – prendre la
température, apporter les repas, etc.).
L’automobile se devra d’être toujours plus intelligente et
informée des étapes de vie et de la situation sanitaire de
chaque personne à bord, avec les risques déjà évoqués sur
la vie privée et les libertés individuelles (cf. conducteur âgé
considéré comme inapte à la conduite par l’IA embarquée
qui interdira à la voiture de démarrer, dans la logique des
éthylotests actuels).
Comment les acteurs de la mobilité doivent-il s’engager au-delà de l’empreinte carbone
Au-delà de l’empreinte carbone, quels territoires d’engagement futurs pour l’automobile ?
Doit-on renoncer au plaisir automobile pour limiter son empreinte ?
Que reste-t-il du plaisir automobile dans un contexte toujours plus contraint, normé et dicté par l’intérêt général ?
Comment la mobilité servicielle va-t-elle évoluer ?
Comment faire de «Mobility as a Service» une opportunité de conquête auprès des deux
populations prioritaires, les seniors dont la proportion va augmenter et les plus jeunes qui
restent une cible de conquête pour les acteurs historiques de l’automobile ?
1
Partage et croisement de toutes les informations concernant une personne à partir de tous les canaux qu’elle utilise pour – officiellement – améliorer sa vie quotidienne
(choisir la meilleure route pour aller de A à Z dès la sortie du parking, contourner les embouteillages, etc.).
EMPREINTES
6 7
LA MOBILITÉ AUTREMENT,
UNE NOUVELLE VIE
POUR L’AUTOMOBILE
Par Jean-Pierre Carnevale
Expert automotive, Département qualitatif
Ipsos UU en France
T
raditionnellement, l’automobile représente l’évasion,
la liberté, la maîtrise des technologies, le design,
le statut, la distinction, le confort… Ce sont des
dimensions et des valeurs que l’on retrouve à l’échelle
mondiale. Qu’en reste-t-il dans les pays où l’automobile
est diabolisée, avec toujours plus d’obligations morales,
sociétales ou environnementales, de contraintes en un
mot ?
On se souvient de la signature de Peugeot, « Pour que
l’automobile soit toujours un plaisir ». Mais quelle est la
nature de ce plaisir ? Comment le définir ? Il n’y a pas que
dans la transgression, la vitesse et l’individualisme, qu’il y
a du plaisir. Il peut y avoir du plaisir à être vertueux, comme
on l’a vu avec les acheteurs de la Renault Zoé ou de
Tesla, qui ont le sentiment de participer à un écosystème
responsable tout en profitant des dernières technologies
avec des automobiles plus ou moins avant-gardistes et
statutaires. Tesla est un bon exemple de synthèse entre
technologies, innovation design, et vertu.
La gamification fait aussi partie du plaisir, en transformant
les contraintes : comment rouler pour disposer d’une
autonomie maximale ?
Les constructeurs peuvent par exemple développer une
plateforme pour inviter les conducteurs à rivaliser de
solutions, partager leurs expériences pour combattre
On voit mal aussi comment la voiture cesserait d’être
un facteur de vie sociale dans un contexte de culture
automobile forte où elle reste un marqueur de statut dans
la plupart des pays du monde. En revanche, rien n’interdit
de raisonner en solutions complémentaires, en métissage
des solutions de mobilité, selon les offres disponibles et
accessibles, avec les vélos, les bus, les navettes fluviales,
les téléphériques, etc.
On peut aussi douter de la mort de l’automobile pour
une dernière raison, notre fascination pour les objets
en déplacement « autonomes ». Passer de la traction
animale au moteur à vapeur a été aussi extraordinaire
que les automobiles volantes qu’on nous promet à Paris
les freins à l’achat d’une automobile électrique, imaginer des
solutions ludiques. Ces challenges font partie des stratégies
de gamification comme le mois sans alcool ou le mois sans
tabac, pour faire des contraintes des leviers créatifs.
En plus d’incarner de nouvelles formes de plaisir, l’automobile
reste incontournable, compte-tenu de l’état des infrastructures,
de l’absence d’offres alternatives, des ressources à mettre en
œuvre pour « remplacer » l’automobile.
Il faut arrêter de décréter la mort de l’automobile parce qu’on
imagine mal comment des villes, souvent déjà très endettées,
auront les moyens de développer simultanément des réseaux
de métro, de bus et de tramways desservant des millions de
personnes, des centres aux périphéries. Renouveler très vite
tout le parc roulant aux énergies fossiles par des véhicules
fonctionnant à l’hydrogène ou à l’électricité représente aussi
un défi technologique et économique difficile à relever dans
de nombreux pays.
A l’exception des mégapoles bien équipées en transports
publics, la voiture restera le moyen le plus pratique et le plus
évident pour se déplacer.
On voit mal comment les gens se passeraient de toit et de
climatisation en Afrique, en Asie ou en Amérique latine, entre
pluie ou chaleurs tropicales, et préféraient le vélo, électrique
ou pas…, à leur confort le plus évident.
pour les Jeux Olympiques dans trois ans ; il y aura d’autres
modes de propulsion, des innovations de rupture, des codes
et des expressions stylistiques différents – encore que les
lois aérodynamiques changent peu, de nouvelles formes
d’habitabilité et de vie à bord. Rien ne permet donc d’affirmer
que l’automobile est un objet du passé.
Et j’ajouterais une petite note personnelle pour clore ce point de
vue : je me suis rendu récemment au Musée de l’Automobile
à Turin. La diversité et la jeunesse des visiteurs – certes non
représentatifs, mais est-ce que cela compte ? – était une belle
illustration d’une fascination toujours vivace.
6 7
EMPREINTES
8 9
L’AUTOMOBILE 100% DURABLE,
AU-DELÀ DE L’EMPREINTE
ENVIRONNEMENTALE DES MOTEURS
Q
uand on parle d’automobile, il faut
se souvenir que la voiture passe
plus de temps à dormir dans la rue,
un parking ou ailleurs, qu’à rouler. Il aura
pourtant fallu attendre des années avant de
se poser la question de l’usage intelligent de
l’automobile jusqu’aux notions de partage,
d’écoresponsabilité, d’EMPREINTE, jusqu’à
mettre sur la table toutes les questions liées à
son impact sur son environnement, l’espace
en général, et l’ensemble de la chaine de
production et de l’usage.
Du point de vue des consommateurs, c’est
un sujet d’autant plus compliqué qu’il s’inscrit
dans la tension entre intérêt général et désir
personnel ; celui des acteurs de la mobilité
est plus clair et depuis plusieurs années les
constructeurs automobiles travaillent sur la
neutralité carbone au travers d’énergies ou
de matériaux alternatifs (GPL, électricité,
hydrogène, solaire… moins de ressources
rares, plus de ressources recyclées…).
Curieusement, les constructeurs valorisent peu
leurs engagements concrets et leurs solutions
durables comme des marques de fabrique
alors qu’ils seraient bien accueillis par des
consommateurs de plus en plus sensibles aux
notions de recyclage et de matériaux naturels,
à condition qu’ils soient au même niveau que
les équipements classiques.
Quand on demande aux Français2
d’indiquer
les trois propositions qui leur semblent le
mieux caractériser une voiture respectueuse de
l’environnement,«êtrecomposéedematériaux
recyclés » vient juste après « consommer une
énergie alternative (électricité / hydrogène/
solaire) » et « proposer des alternatives au
plastique, cuir animal, tissu synthétiques » en
3eme position, respectivement 87%, 83% et
66%.
Alors que le critère des énergies
alternatives représente à peine la moitié
des premiers choix, 95% des efforts de
communication des marques et du bruit
médiatique leur sont consacrés : c’est une
marge d’opportunités remarquable pour
mettre en valeur d’autres manières de «
produire durable », de réduire l’empreinte
de l’automobile dans tous les domaines,
et pas seulement dans son espace ou
son usage immédiats, de penser à tout
l’écosystème de l’automobile.
Les marques de Luxe ont créé un
précédent avec le cuir végétal ou les
matières végan sans perdre en valeur et
les constructeurs automobiles peuvent
aller plus loin dans leurs communications
sur le recyclage et l’usage de nouveaux
matériaux, pour s’ancrer dans d’autres
territoires d’engagements en matière
d’empreinte environnementale et de
les préempter pour manifester leur
différentiation, au-delà de l’empreinte
carbone des moteurs.
C’est le bon moment pour les constructeurs
automobiles et les équipementiers de
se mettre plus en avant, de créer un
univers de promesses et d’expériences
qui vont les aider à se démarquer de
la concurrence, et – surtout – de se
connecter aux évolutions rapides dans
les valeurs et les attentes de leurs clients,
notamment des Urbains (le lieu de vie
de plus de 60% des Français), les plus
réactifs aux discours environnementaux et
écologiques.
Par Thierry Lalande
Directeur, Automotive & Mobility
Development, Ipsos en France
9
2
Omnibus- Marcom - Automotive, France. Echantillon représentatif de la population française âgée de 16 à 75 ans. Terrain réalisé du 12 au 13 Octobre 2021
9
EMPREINTES
10 11
I
l ne faut non plus oublier que notre
mode de vie, depuis les années 1960,
est fondé sur le « tout voiture », qu’en
dehors de Paris et des grandes villes,
il n’existe pas de métros, tramways ou
bus, qu’après 62 000 kilomètres au
début des années 1930, le réseau ferré
français est passé à 29 000 réellement
exploités aujourd’hui, d’où de nouveaux
enjeux à l’heure de la mobilité durable3
.
Pour autant, on ne peut pas nier
aujourd’hui l’existence d’une « Nouvelle
Mobilité » accélérée par la crise sanitaire
avec une nouvelle gamme de solutions,
du VLib à la trottinette, de modes de
transports fonctionnant en convergence
dans des applications auxquels les
gens se sont habitués très rapidement:
c’est un changement radical dans un
marché de la mobilité où le software fait
fonctionner le véhicule, avec de nouvelles
interactions entre les constructeurs,
les plateformes, les équipementiers,
les acteurs de la logistique et des
infrastructures.
Cette Nouvelle Mobilité remet en
question l’automobile comme objet dont
on est propriétaire, dont on est fier, qui
continue à incarner la liberté individuelle.
Mais parler de tendance à la disparition
de l’automobile ou de généralisation du
Peer to Peer (locations entre particulier),
d’explosion de la mobilité partagée, etc.,
ne doit pas occulter :
- Les enjeux géographiques : la fracture
entre les hypercentres des villes bien
équipées et le reste du territoire national.
- Les enjeux professionnels et les
différences sociales selon les emplois :
en 2017, 74 % des actifs en emploi qui
déclarent se déplacer pour rejoindre leur
lieu de travail utilisaient leur voiture ; les
employés vont plus souvent travailler à
pied ou en transports en commun quand
les cadres ont plus souvent recours au
vélo ou aux transports publics4
.
- Un nouvel enjeu de représentation :
pour rester désirables, notamment dans
les pays où elles continueront d’incarner
statut et liberté, les automobiles devront
être exceptionnelles, avec un design
extérieur et intérieur haut de gamme.
Paradoxalement, elles retrouveront
leur histoire originelle, quand une élite
du début du XXème siècle achetait un
châssis et un moteur et qu’un carrossier
personnalisait le véhicule avec une
approche « sur mesure ».
Les trois niveaux de la Mobilité partagée:
régional, local Vs. grandes villes.
Au niveau régional, la Mobilité partagée
apporte des solutions dans un contexte
où les infrastructures alternatives
à l’automobile ont disparu ou sont
inexistantes. On se souvient qu’après
62 000 kilomètres au début des années
1930, le réseau ferré français est passé à
29 000 réellement exploités aujourd’hui,
pénalisant notamment les petites lignes
de chemin de fer ; faute de ressources,
les régions n’ont pas les moyens de les
rouvrir, pas plus que les centaines de
gares fermées.
Au niveau local, la mobilité multimodale
transforme la conception des solutions
Dès la levée des restrictions et le retour à un semblant de vie « normale »,les Français ont repris leurs habitudes…
et leur voiture, pour se déplacer, aller en vacances, faire du shopping, rendre visite à sa famille et ses amis  ;
ils ont aussi eu envie de retrouver la nature, les forêts, les espaces verts, les parcs. Il ne faut pas oublier
que la vie, c’est la mobilité.
de transport et de l’espace urbain.
Timothy Papaandru5
, avec qui Ipsos est
intervenu lors du Webinext organisé par
Eurogroup6
, y revient avec les notions
Moving People et Moving Things (mobilité
par la route, le train, l’avion, la mer) et
Doing Things (les infrastructures en
cause : agriculture, mines, construction,
services municipaux), elles-mêmes
impliquant trois types de relations :
Posséder (voiture, vélo, moto, camion),
Utiliser (transports en commun de toutes
natures, du métro à l’avion), Louer (vélo,
scooter, cyclomoteur, voiture, camion,
etc.).
Pourquoi opposer les échelles régionales
et locales aux hypercentres des grandes
villes ?
Parce qu’aujourd’hui, la mobilité partagée
reste l’apanage des zones urbaines riches
et parce que la fracture grandes villes /
territoires n’est pas résorbée. A l’échelle
mondiale, ce n’est pas par hasard si
seules 5000 grandes villes sont éligibles
: elles ont les infrastructures, du métro
aux stations de rechargement électrique
en passant par les trottoirs pour les
piétons ou les pistes cyclables ; elles
ont aussi les ressources financières
pour subventionner les acheteurs de
deux roues électriques. C’est seulement
si ces équipements existent, ou sont
en mesure d’être (rapidement) créés,
que l’on peut sérieusement envisager
un transfert de la voiture vers des
alternatives ; ailleurs, il est totalement
illusoire d’imaginer qu’il est possible de
se passer d’une automobile personnelle.
Quant au succès de la mobilité partagée,
l’une des explications est tout simplement
économique. Le coût total d’une
automobile (enveloppe pour l’achat ou le
leasing, prix des carburants, assurance,
garage…) étant de plus en plus lourd,
partager son véhicule apparaît comme
la solution la plus simple pour l’amortir,
voire gagner de l’argent grâce à lui.
En parallèle, les nombreux sites et
applications qui se sont positionnés sur
l’autopartage, comme la médiatisation
du sujet depuis des années, ont fini par
le banaliser : les gens ont compris que
plus ils raisonnaient en services et en
logique de partage, plus ils économisaient
d’argent avec la disparition des frais liés à
la possession et à l’entretien d’une voiture,
et avec le bénéfice d’une location entre
particuliers de 20 à 30 % moins chère
qu’auprès d’un loueur professionnel.
Ces motivations financières se
traduisent dans l’essor rapide du Peer to
Peer7
avec Getaround ou OuiCar (qui
revendique à lui seul déjà plus de deux
millions d’utilisateurs).
Quels développements anticiper ?
L’importance du rôle des acteurs privés
dans la reconfiguration du maillage
territorial français quand les acteurs
publics ne sont pas au rendez-vous. Des
entreprises privées comme Blablacar,
Citygo, Covoit’ici, Klaxit, Karos, La Roue
Verte ou Mobicoop, ont une double
opportunité : reconnecter les territoires,
transformer les particuliers en acteurs de
cette reconfiguration avec une approche
collaborative ; elle est en phase avec les
attentes des Français qui veulent être
partie-prenantes de l’amélioration de leur
vie quotidienne.
L’évolution de la gestion de l’espace dans
les grandes villes avec trois sujets :
l’utilisation de la place désormais libérée
par les voitures8
, la prime aux petits
véhicules et aux deux roues, le prix à
payer pour occuper l’espace quand on
sait qu’une seule automobile occupe
huit mètres carrés contre deux pour
un vélo. A terme, cela veut que plus
on prendra de place plus on paiera,
et qu’un cycliste paiera moins que le
passager d’une voiture.
La vision Lifestyle As a Service9
de la
nouvelle mobilité. En fonction du lieu,
de l’activité, du temps, une application
va suggérer les modes de transport
les plus adaptés à chaque étape du
parcours, pour fluidifier l’enchaînement
des services de transport (aller à la gare
en vélo, se déplacer en train jusqu’à
la gare terminus, louer une voiture sur
place, aller de l’hôtel au bureau en
trottinette, etc.).
Elle va de pair avec des services on
demand où l’on ne paye que le temps de
l’usage, par exemple une voiture pour
une heure avec une assurance de la
même durée pour couvrir les risques
du déplacement, avec des systèmes
d’abonnements (leasing, à la semaine,
au mois, à l’année…) et avec une autre
approche de la relation avec les objets
dans le cadre d’un système multimodal
intégrant mobilité collective et services
de partage de véhicules.
La première est le fruit d’une évolution
des mentalités avec le « collaboratif » et
la seconde de toutes les technologies
connectées qui aident à l’information
et à la flexibilité (géolocalisation, IA,
paiement numérique, machine learning,
clef digitale, dépose ailleurs qu’au lieu de
la prise en charge, vérification à distance
de l’état des batteries et alerte pour
l’utilisateur avant sa réservation, etc.).
Le passage de la propriété à l’usage
n’empêche pas d’être attaché à la qualité
des services et à l’image de marque:
avec la location à la demande, on
peut imaginer rouler surclassé avec
un véhicule plus prestigieux mais plus
abordable qu’à l’achat ; le succès de
WeShare (l’autopartage électrique de
Volkswagen) s’inscrit dans une stratégie
où le constructeur se positionne comme
un « fournisseur de mobilités » avec déjà
deux millions de clients.
En conclusion, partout où c’est possible, le système du partage va se développer, les modèles de la mobilité seront
multiples, l’économie servicielle va impacter tous les types de transports.
Aujourd’hui, les constructeurs européens ne semblent pas encore avoir intégré ces réalités alors que leur essor
est incontestable et que leurs concurrents chinois ou coréens ont déjà équipé leurs automobiles d’une nouvelle
génération de fonctionnalités (contrôler où se trouve une voiture sans en être l’utilisateur principal, déléguer une
clef digitale pour une durée donnée tout en gardant le contrôle en tant que propriétaire, personnaliser l’habitacle et
l’interface utilisateur sans en être le conducteur principal, etc.).
Il est plus qu’urgent de répondre aux nouveaux usages de ces millions de nouveaux utilisateurs et centaines de milliers
de propriétaires.
3
Le Plan de revitalisation des lignes de desserte fine du territoire se traduira notamment par un investissement de près de 7
milliards d’euros d’ici 2031 pour pérenniser 9000 kilomètres de petites lignes en France.
4
La voiture reste majoritaire pour les déplacements domicile-travail, même pour de courtes distances - Insee Première - 1835
5
Fondateur d’Emerging Transport Advisors (San Francisco), en charge auparavant de la stratégie-partenariat chez Waymo après avoir été le Directeur du bureau de l’innovation à la San Francisco Municipal
Transportation Agency.
6
Eurogroup Consulting est un cabinet de conseil en stratégie, management et organisation. Créé en 1982, le cabinet est indépendant et d’essence européenne. En outre, le cabinet est connu et reconnu
pour ses interventions dans tous les domaines d’activité, tant dans le secteur privé, public que social.
7
Location entre particuliers.
8
La même automobile servant à plusieurs personnes, il n’y a plus quatre voitures pour quatre propriétaires, mais une seule qui peut être utilisée par des dizaines, d’où trois emplacements libérés.
9
Le mode de vie comme service
LA MOBILITÉ PARTAGÉE, DE NOUVEAUX
SERVICES POUR LES TERRITOIRES
ET LES FRANÇAIS ?
Alexandre de Saint-Léon
Directeur Automotive &
Mobility Development, Ipsos
CONNECTIVITÉS
12 13
13
hoc), des fonctionnalités complexes, de même que la
voix du système avancé d’aide à la conduite (ADAS) qui
peut être jugée intrusive ; tous ces éléments pèsent sur la
satisfaction-client et la qualité perçue dans son ensemble.
En ce qui concerne la conduite assistée, la plupart des
systèmes ne tient pas assez compte du type de conduite
et son impact sur l’énergie et l’autonomie, pas plus que du
relief de la route, des embouteillages, de la température
extérieure, du nombre de kilomètres faits et restant, du
nombre de passagers et de leur poids, et autres données
que le système ne connaît pas ou ne maîtrise pas.
L’utilisateur au cœur de la conception
Aujourd’hui, peu de véhicules « expliquent » comment
faire parce qu’ils ont été créés à partir d’une technologie
mais pas à partir de son utilisateur, de ses questions, et
de ses pratiques. C’est par exemple l’opportunité pour
les Constructeurs de développer des simulateurs et des
programmes apprenant comment recharger la batterie et
optimiser les %.
Nos études montrent que la recharge et l’autonomie
représentent d’autant plus des stress que le plus grand flou
règne sur les capacités réelles de la batterie. On se souvient
qu’à l’occasion de la tornade Irma en septembre 2017,
Tesla a débridé à distance les batteries des modèles S,
X 60 et 60D des conducteurs habitant la Floride pour
leur permettre de s’échapper plus rapidement (en temps
normal, la capacité des batteries est limitée à 60 kWh sur
les 75 kWh disponibles, avec une option de 4 000 à 7
500 euros pour bénéficier de sa totalité). Cette décision
de la marque a créé de la suspicion à tous les niveaux :
sur les avantages réels de l’énergie électrique, sur l’option
en tant que telle, sur le contrôle de l’autonomie par le
Constructeur, sur le fait que la marque décide seule hors
de tout contrôle, sur l’usage des données, etc.
Nos études montrent aussi que les conducteurs de véhicules
électriques ont l’impression d’être plus vertueux que les
autres, mais les Constructeurs ne partent pas de cette
D
epuis plus d’un siècle, la voiture et les moyens de
transport en tout genre (moto, scooter, vélo) ont
essentiellement évolué autour d’un modèle de propriété
unique, et l’évolution technique se concentrait autour d’une
promesse de sécurité, performance et puissance. Avec
l’émergence de nouvelles technologies connectées de plus
en plus présentes dans notre quotidien (dont nos moyens de
transport), de nouveaux usages et de nouvelles attentes sont
nées. Les acteurs du numériques ont saisi cette opportunité
pour rentrer dans la course en transformant les voitures en
écosystèmes digitaux connectés à leur environnement. La
transformation est en cours, comme pour les espèces, celui
qui survivra ne sera pas le plus fort, ni le plus intelligent, mais
celui qui s’adaptera le mieux aux changements. Comment
maîtriser les nouveaux usages ? Et les nouveaux utilisateurs
? il est urgent de mettre l’UX (User Expérience) au cœur de la
conception des véhicules.
Les nouveaux usages
Les véhicules connectés permettent l’essor de l’usage
partagé. Il faut désormais tenir compte du fait que le même
moyen de transport va avoir plusieurs utilisateurs. Nous
voyons en France cette tendance largement soutenue par le
gouvernement à travers la loi d’orientation des mobilités (LOM)
et accélérée par les plateformes de partage entre particuliers
où la France est pionnière depuis 2010 avec aujourd’hui
plus de deux millions d’usagers. C’est une révolution du
point de vue de l’expérience de l’utilisateur avec un nouveau
paradigme et de nouveaux défis à relever :
• La voiture doit à la fois répondre aux attentes d’usage
partagé (accès sans clef, check up / charge de la batterie,
autonomie en fonction du trajet, état des pneus, etc.) et de
personnalisation avec une IA qui (re) connaît ses occupants
et change aussi bien la position du siège et des rétroviseurs
que la playlist et les préférences.
• L’attente de l’utilisateur est de posséder une voiture qui lui
ressemble quel que soit son niveau de gamme, alors qu’on sait
que seuls les véhicules premium sont en mesure d’y répondre
et que l’essentiel du parc peer2peer est en milieu de gamme.
• Les utilisateurs ont plus de difficultés que les constructeurs
le croient à se familiariser avec une automobile de plus en plus
technologique, alors que la plupart des objets connectés
surfent sur l’intuition de leurs clients, personne n’ayant besoin
de « permis pour téléphoner » ou maîtriser une application.
On voit dans l’habitacle que les évolutions du tableau de
bord peuvent le transformer en pain-point avec des boutons
disparaissant au profit d’un écran, la réalité augmentée qui
projette des situations parfois trop en avance, le nombre
de langues à disposition de base en Europe (Allemand,
Anglais, Français, à compléter par un téléchargement ad
donnée pour le leur démontrer avec des chiffres sur leur
empreinte et l’économie de CO2 réalisée.
Il faut donc analyser l’Expérience de l’Utilisateur en se posant
des questions comme :
• La fonctionnalité est-elle accessible ?
• La tâche demandée est-elle facile à réaliser ? (5 clics peuvent
être perçu comme complexe Vs. 3 pour arriver à sa fin)
• La fonctionnalité mise à disposition est-elle pertinente ?
• L’expérience est-elle ergonomique et fluide ?
• Les informations sur l’automobile (sécurité, recharge et
durée…) sont-elles claires ?
• Le bénéfice environnemental est-il mentionné ?
Les acteurs de la mobilité électrique ont d’autant plus
intérêt à partir de l’expérience-client que le marché est
à un tournant :
• Avec les nouveaux players, comme Sony Mobility et son
Vision-S 02, qui s’appuient sur leur expérience des usages de
la mobilité ; ils positionnent l’électronique et les technologies,
l’IA, la 5G, etc., comme des solutions pour les consommateurs
pour se légitimer, à la différence des constructeurs automobiles
qui renvoient à leur origine historique. C’est d’autant plus
important à souligner que les innovations de rupture ne sont
jamais venues de leur secteur d’origine, mais d’entreprises qui
ont transposé leur technologie à un domaine différent.
• Avec un marché en pleine expansion, comme on l’a vu à
Las Vegas avec le Consumer Electronics Show et comme le
démontrent les prévisions 2030 qui pronostiquent cinq trilliards
d’euros, soit deux fois plus qu’aujourd’hui.
• Avec un grand-public méfiant qui se pose beaucoup de
questions sur la « meilleure énergie » avec le développement
de l’hydrogène et de la pile à combustible, en particulier par les
players chinois déjà à l’œuvre pour les utilitaires et les bus et qui
arrivent à très grande vitesse dans le secteur de l’automobile
pour les particuliers.
L’UX AU CŒUR DE LA CONCEPTION
DES VÉHICULES
Florent Mellac
Directeur UX, Automotive & Mobility
Development, Ipsos
Entrer sur le marché de la mobilité pour les acteurs du numérique semble périlleux, mais grâce à leur culture
de l’innovation autour de l’utilisateur et leur capacité à identifier les nouveaux besoins et usages, et le succès
de « nouveaux » entrants comme Tesla, les constructeurs historiques vont devoir faire face à une révolution
culturelle tout autant que technologique.
Entrer sur le marché de la mobilité pour les acteurs du numérique semble périlleux, mais grâce à leur culture
de l’innovation autour de l’utilisateur et leur capacité à identifier les nouveaux besoins et usages, et le succès
de « nouveaux » entrants comme Tesla, les constructeurs historiques vont devoir faire face à une révolution
culturelle tout autant que technologique
13
CONNECTIVITÉS
14 15
LA MOBILITÉ SERVICIELLE, SÉDUIRE
LES JEUNES, RASSURER LES SÉNIORS
A
ujourd’hui, telle qu’elle se
présente, l’automobile ne
crée pas les conditions
d’une convergence entre les jeunes
générations et les séniors.
En ce qui concerne les jeunes
générations : le véhicule automobile
est en décalage avec leur univers
malgré les progrès récents dans le
domaine de la connectivité. Pour les
Gen Z et autres, l’automobile est peut-
être l’un des derniers objets qui n’est
pas 100% connecté, alors que leur
univers est assisté et augmenté par les
technologies dans tous les domaines
de la vie quotidienne. D’autre part, pour
des raisons économiques, les jeunes
générations n’ont pas accès à au
marché de l’automobile neuve.
Quant aux séniors, sur le plan
économique, ce sont à peu près les
seuls à avoir les ressources pour acheter
un véhicule neuf, mais les solutions
connectées peuvent leur sembler
compliquées ou sans valeur ajoutée
pratique.
Or la connectivité crée naturellement les
conditions d’une approche servicielle
de la mobilité, le véhicule participant
de tout un écosystème d’informations
grâce à des technologies toujours
plus performantes. C’est d’autant plus
important qu’on voit en effet dans nos
enquêtes10
que la technologie est un
critère qui ne cesse de progresser dans
le choix d’un véhicule, participe, avec
le design, de sa premiumisation, est en
mesure d’attirer les jeunes et d’apporter
de nouvelles solutions aux seniors.
Pour les jeunes générations, «
Technologies » et « Fun » sont synonymes
; ce « Fun », la mobilité servicielle va le
créer en permettant une inscription fluide
de l’automobile dans son environnement,
en simplifiant la conduite, en créant de
nouvelles expériences à bord ou dans
l’interaction avec l’environnement, et
donne à l’automobile une valeur ajoutée
Entertainment.
Pour les Séniors, la mobilité servicielle
est une arme anti-vieillissement et
anti-dépendance en facilitant leur vie.
Les informations partagées avec le
constructeur permettent d’affiner la
connaissance du conducteur et des
passagers, d’adapter avec précision
les options de confort, d’assister la
conduite, de planifier la navigation, en
un mot de rouler davantage en sécurité
pour soi et les autres.
Le véhicule autonome incarne le point
ultime de la mobilité servicielle. Grâce
à des technologies telles que caméras,
capteurs, GPS et autres équipements
sophistiqués, le traitement informatique
permet à un véhicule d’effectuer
automatiquement les fonctions
de conduite (direction, braquage,
changement de voies, accélération,
freinage, arrêt, stationnement, etc.).
Ce mode « Autonome » peut gérer
toutes les situations et conditions
environnementales, afin que
conducteurs et passagers puissent
s’immerger dans d’autres activités, avec
bien sûr la possibilité de reprendre la
main si l’on en a envie.
C’est le summum du Fun pour les jeunes
générations et de la Liberté pour les
Séniors, autrement dit l’aboutissement
de la convergence des générations.
Fabienne Simon
Directrice Market Strategy &
Understanding, Ipsos en France
15
10
2021 Ipsos Mobility Navigator
CONVERGENCES DES GÉNÉRATIONS
14
16 17
Massamba Sarre
Expert automotive Customer Experience,
Ipsos en France
I
l y a encore peu de temps, penser
automobile, c’était se projeter dans la
puissance d’un moteur, un rapport
0/100 km/h en trois secondes, des
parfums de cuir et d’huile chaude,
des valeurs de liberté, de conquête et
de statut social… Ces images nous
semblent loin aujourd’hui, presque
incongrues quand il s’agit d’analyser son
futur, en France en tout cas !
Comme le téléphone, la voiture devient
un objet de plus en plus technologique
avec en perspective de moins en moins
d’intervention de notre part et le véhicule
autonome comme consécration de la
supériorité de l’usage sur l’image. On
ne sait pas exactement quand cette
« autonomie » sera réalisée, dans dix,
vingt ou cinquante ans, mais il est clair
que les accélérations ou les freins seront
plus d’ordre politique et éthique que
technique.
Au début,on pouvait penser que ces objets
ouservicesconnectésétaientdesgadgets,
mais on s’est de plus en plus rendu
compte de leur utilité et que les services
rendus ne relevaient pas de projections
futuristes. Progressivement, la valeur
ajoutée technologique est passée de la
motorisation à la connectivité et on a vu
une inversion dans les représentations,
elles-mêmes très liées aux générations.
Déjà, 	 les services connectés sont
présents tout au long du Parcours-Client
de la recherche du véhicule à sa revente,
en passant par l’achat ou le leasing ;
ils sont devenus aussi importants que
le moteur et acquièrent le statut de
technologies avancées avec plusieurs
dimensions : la plus basique (assister la
mobilité – tracter, faire tourner la voiture,
la faire avancer) et la plus sophistiquée
(rendre l’automobile capable d’interagir
avec toutes les autres technologies de
télécommunications existantes) pour
faciliter la vie du conducteur.
Il y a presque vingt ans, TomTom GO
était l’un des tout-premiers opérateurs
à lancer un assistant personnel portatif
pour exploiter l’ouverture au grand-
public des systèmes de positionnement
par satellites GPS. Aujourd’hui, le
Smartphone est un cerveau mobile, à
connecter au tableau de bord de la
voiture, au vélo, à la trottinette…, avec
toutes les informations relatives au
véhicule et au conducteur (parcours,
temps passé, vitesse, préférences
musicales, réseau). Il n’est pas aberrant
de comparer cet écosystème à un
cockpit d’avion où tout est pensé pour
simplifier la vie du pilote et lui permettre de
se concentrer sur l’essentiel. Transposé
au monde de la voiture, cet essentiel est la
personnalisation en fonction des goûts
de chacun, lire, jouer à un jeu vidéo,
dormir, écouter de la musique, discuter
avec ses contacts, etc.
Les progrès de l’Intelligence Artificielle
vont encore accélérer la quantité des
informations propres aux services
connectés, repousser leurs limites,
et affiner leur qualité : ils vont devenir
l’élément essentiel dans la définition
de l’automobile de demain, avec plus
d’efficacité et de performance dans les
interactions.
Les Français vont-ils résister aux services connectés ?
Longtemps, ils ont eu le désir de contrôler leur voiture, de
déléguer le moins possible aux systèmes d’assistance ; on
l’a vu avec leur préférence pour une boîte de vitesse manuelle
quand l’automatique existait aux Etats-Unis depuis des
années et des années, comme solution de confort adaptée
à de grands trajets et pour se débarrasser de la contrainte de
passer (et repasser) les vitesses en ville. Mais les Français
se sentaient plus « maîtres à bord » en gardant la main sur le
pommeau du levier de vitesse…
Or, dans ce monde connecté, la position du conducteur se
transforme. La voiture sait comment aller du Point A au Point
R, gère son niveau d’autonomie, adapte sa conduite à son
environnement, transmet toutes les informations possibles
pour anticiper, et transforme finalement le conducteur en
un passager comme les autres, parce qu’il n’a plus rien à
faire. Les Français le vivront-ils comme une frustration et une
dépossession ? Leur rapport à la propriété a déjà changé
avec le leasing, l’autopartage, les contrats d’assurance
proportionnels au temps passé en déplacement. Ne plus
conduire sa voiture s’avère comme l’étape ultime de ce
processus, en phase avec une logique d’usage qui fait de
l’automobile un device comme les autres rendant des services
ponctuels.
En parallèle de la dimension symbolique de la dépossession
du statut de conducteur, un autre frein à la diffusion des
services connectés est leur dimension intrusive, a minima
la somme des informations personnelles qu’ils recueillent,
stockent et partagent ; RGPD11
ou pas, elle alimente le
débat sur la tension risques pour la vie privée / bénéfices
réels de cette masse d’informations en circulation sur chacun,
avec le spectre d’une autre forme de dépossession, une
transparence absolue dont gouvernements, constructeurs ou
prestataires, peuvent abuser.
Même si les applications anti covid-19 et autres pass
sanitaires ont accéléré l’implémentation de services digitaux et
ont habitué les gens à s’en servir quotidiennement, l’enquête
mondiale d’Ipsos sur la Perception des usagers en matière
de confidentialité des données12
montre que leur méfiance
est principalement liée à la méconnaissance de ce que les
marques font de leurs données, encore un levier d’optimisation
pour dédramatiser le monde connecté.
Pour finir, la motivation d’achat d’un client d’un véhicule
électrique (au-delà de la fibre écologique) donne une idée
du principal bénéfice attendu de l’automobile connectée, la
fluidité et la facilitation : « Le maillage des bornes Tesla a été
un critère important de choix pour ne pas avoir à planifier le
trajet. En renseignant la destination, le véhicule indique dès le
départ quels seront les arrêts, leur durée, etc. C’est l’un des
points qui a emporté notre choix, le fait de pouvoir voyager sans
réfléchir. La rapidité et la simplicité des recharges a compté
davantage que l’autonomie à proprement parler ».
10
2021 Ipsos Mobility Navigator
11
Depuis 2016 en Europe, le Règlement Général sur la Protection des Données (GDPR – General Data Protection Regulation) est supposé protéger le recueil et l’usage des données
à caractère personnel.
12
Etude Ipsos réalisée en 2020 auprès de 18 813 personnes âgées de 18 à 64 ans en Afrique du Sud, Allemagne, Arabie Saoudite, Argentine, Australie, Belgique, Brésil, Canada,
Chili, Chine, Corée du Sud, Espagne, Etats-Unis, France, Grande Bretagne Hongrie, Inde, Italie, Japon, Malaisie, Mexique, Pérou, Pologne, Russie, Suède, Turquie.
DÉDRAMATISER LE MONDE
CONNECTÉ
CONVERGENCES DES GÉNÉRATIONS
17
18 19
Les bouleversements dans l’industrie automobile - électrification, connectivité, et mobilité partagée - ne sont pas nouveaux,
mais concevoir pour le futur conducteur, propriétaire ou plutôt utilisateur, devient de plus en plus difficile.
En associant savoir et transformation par la donnée, les experts Ipsos guident les leaders de l’industrie et les décideurs politiques
à naviguer dans ce paysage en pleine évolution.
Au sein de plus de 90 pays, Ipsos offre la compréhension totale de la société, des marchés et des individus, nécessaire pour
comprendre les dynamiques en cours et détecter les implications qui en découlent.
Nicolas Cardon
Directeur grands comptes dédié aux sujets de
la Mobilité et l’Automobile, Ipsos en France
Florent Mellac
Directeur UX, Automotive & Mobility
Development, Ipsos
Fabienne Simon
Directrice Market Strategy & Understanding,
Ipsos en France
Jean-Pierre Carnevale
Expert automotive, Département
qualitatif Ipsos UU en France
Alexandre de Saint-Léon
Directeur Automotive & Mobility
Development, Ipsos
Thierry Lalande
Directeur, Automotive & Mobility
Development, Ipsos en France
Massamba Sarre
Expert automotive
Customer Experience, Ipsos en France
L’INSIGHT TANK
AUTOMOBILE, LA FIN DU DÉSIR ?
IPSOS & VOUS
19
18
20
INSIGHT TANK
Automobile,
La fin du désir ?
yves.bardon@ipsos.com
Ipsos éditions © 2022 – Ipsos

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  • 1. 1 LA MOBILITÉ PARTAGÉE, DE NOUVEAUX SERVICES POUR LES TERRITOIRES ET LES FRANÇAIS ? PAGE 10 COMMENT STRUCTURER LE FUTUR DE LA MOBILITÉ ? PAGE 4 DÉDRAMATISER LE MONDE CONNECTÉ PAGE 16 L’UX AU CŒUR DE LA CONCEPTION DES VÉHICULES PAGE 12 LA MOBILITÉ AUTREMENT, CE N’EST PAS LA MORT DE L’AUTOMOBILE PAGE 6 LA MOBILITÉ SERVICIELLE, SÉDUIRE LES JEUNES, RASSURER LES SÉNIORS PAGE 14 L’AUTOMOBILE 100% DURABLE, AU-DELÀ DE L’EMPREINTE ENVIRONNEMENTALE PAGE 8 LES NOUVEAUX BUSINESS DE L’AUTOMOBILE INSIGHT TANK AUTOMOBILE, LA FIN DU DÉSIR ?
  • 2. 2 3 ÉDITORIAL Venez découvrir le N°5 des publications de l’Insight Tank, une collection trimestrielle au service de vos business questions. L’Insight Tank réunit un collectif d’experts d’Ipsos pour ras- sembler les savoirs et les data sur une sélection de sujets au fort potentiel business : - En ciblant les enjeux à l’intersection de tous les secteurs et de tous les marchés. - En affirmant le lien société et consommation, citoyens et consommateurs pour connecter les sujets marketing, opinion, médias… avec les grands phénomènes sociétaux et leurs impacts, et inversement. - En associant les insights à des savoirs académiques. L’Insight Tank, c’est une approche « provocative thinking » en phase avec le positionnement d’Ipsos, « Game Changer ». Pourquoi s’intéresser à l’automobile alors qu’elle n’a jamais été aussi stigmatisée ? Tout simplement parce que les tendances les plus structurantes pour demain ont un lien direct avec l’automobile : - Le vieillissement de la population, - Les questions climatiques et écologiques, - La personnalisation et la prémiumisation, - Le rôle des technologies dans la vie quotidienne, Chacune met en cause une dimension de l’automobile : les nouveaux services qu’elle peut rendre en étant totalement autonome, son impact énergétique et l’usage des ressources dans sa production et son fonctionnement, la valeur ajoutée des technologies (IHM, confort adaptable, fonctions vocales…), ses interactions et sa connexion avec son environnement, les bénéfices personnels qu’elle apporte (géolocalisation, tracking…) avec des risques pour la vie privée. Aujourd’hui l’automobile est au cœur d’une tension en lien avec des transformations dans les technologies et les usages : est-elle une solution de mobilité parmi d’autres ou reste-t-elle le symbole de liberté et de statut qu’elle a toujours incarné ? D’un point de vue pragmatique et rationnel, l’automobile est un service sans émotion, d’un point de vue idéologique, elle incarne les valeurs et les pratiques d’un monde ancien dont il faut se détacher ; ce qui nous a intéressé, c’est l’autre point de vue, pour qui l’automobile sera toujours un objet de désir, mais à condition de maîtriser les nouvelles clefs de succès ! Avec Nicolas Cardon (Directeur Grands Comptes), Jean-Pierre Carnevale (Directeur de département, Ipsos UU), Thierry Lalande (Directeur Automotive & Mobility Devlopment, France), Alexandre de Saint-Léon (Global Service Line Leader), Florent Mellac (Head of UX – Automotive Development), Fabienne Simon (Service Line Leader MSU France), Massamba Sarre (Customer Experience). Yves Bardon Ancien Elève de l’Ecole Normale Supérieure, Directeur d’édition Ipsos Insight Tank et du Program Ipsos Flair – IKC. « Il n’y a pas d’expert muet » Jean-Marc Lech, co-Président d’Ipsos (1982-2014) L’Insight Tank, c’est un collectif d’experts d’Ipsos pour rassembler les savoirs et les data sur une sélection de sujets au fort potentiel business : - En ciblant les enjeux à l’intersection de tous les secteurs et de tous les marchés. - En affirmant le lien société et consommation, citoyens et consommateurs pour connecter les sujets marketing, opinion, médias… avec les grands phénomènes sociétaux et leurs impacts, et inversement. - En associant les insights à des savoirs académiques hors Ipsos. L’Insight Tank, une approche « provocative thinking » en phase avec le positionnement d’Ipsos, « Game Changer ». 3
  • 3. 4 5 COMMENT STRUCTURER LE FUTUR DE LA MOBILITÉ ? Depuis plus de 10 ans l’univers de la mobilité est présenté comme un Nouvel Eldorado mais qu’en est-il aujourd’hui ? Quelles sont les dynamiques qui s’opèrent ? Quelle sont leurs implications pour les entreprises ? P our naviguer dans des contextes parfois paradoxaux, il faut tenir compte des trois grands sujets qui structurent le futur de la mobilité et de l’automobile : EMPREINTES, CONVERGENCE DES GÉNÉRATIONS, CONNECTIVITÉ, chacun permettant d’aborder des enjeux spécifiques. EMPREINTES regroupe toutes les questions liées à l’impact de l’automobile sur son environnement, de sa production à sa circulation, en ville ou ailleurs. Cette première catégorie a un lien direct avec le changement climatique, les ressources et les matériaux mis en œuvre, les pratiques vertueuses et responsables choisies, les politiques urbaines imposées au nom de suscite des émotions plus puissantes qu’un environnement normatif ? Quelles marques incarneront la nostalgie des trentenaires dans vingt ans ? Deux points de réflexion méritent d’être abordés. Si, plus les technologies vont évoluer, plus l’empreinte des véhicules sera faible, cette thématique importante aujourd’hui sera peut-être un non-sujet écologique dans les prochaines années mais le consentement des populations sera un enjeu social et politique majeur : au nom de quoi leur faire accepter telle ou telle mesure faisant passer l’intérêt général avant l’envie ? l’écologie ou de la politique de gestion des espaces. Elle se connecte aux thématiques de la propriété, de l’usage ponctuel ou du partage, des nouvelles formes de mobilité, des infrastructures de transports publics. Elle interroge le désir, l’envie personnelle, les choix profonds : limiter son empreinte sans plaisir ou persévérer à voir dans l’automobile autre chose qu’un objet, sans considération philosophique ni pragmatique. Le lien avec les sciences cognitives est utile ici : que regrette-t-on le plus ? La perte d’une liberté symbolique ? En être arrivé là ? … Dans le même domaine, EMPREINTE a aussi un rapport avec le style et la nostalgie : un design, le rétrodesign qui fait écho à la nostalgie par exemple, est- il capable de recréer le désir parce qu’il Par Nicolas Cardon Directeur grands comptes dédié aux sujets de la Mobilité et l’Automobile, Ipsos en France CONNECTIVITÉ est en lien avec la transformation des usages qui implique de penser autrement le véhicule dès l’origine. Jusqu’ici, une automobile était conçue pour un usager unique avec sa propre UX ; maintenant, elle doit être imaginée, de base, pour être partagée avec des types d’UX ultra-diversifiés pour que chacun planifie sa mobilité. Elle doit intégrer l’accélération de la transformation des objets quotidiens en trackers avec tous les systèmes possibles et imaginables : géolocalisation, applications, santé connectée, confort adaptable, IHM, usage et gestion des espaces publics (interconnections automobile / développement des smart cities), interactions avec l’environnement et l’entourage, les réseaux, etc. Elle est appelée à se développer avec l’Ubiquitous computing1 , qui ne peut exister sans accéder à toutes les données, passives et actives, spontanées ou sollicitées, émanant des personnes et de tous les types de machines et de lieux (smartphone, automobile, résidence). Conséquence, la protection de la vie privée et les garanties à apporter aux usagers font partie des sujets à traiter quand il est question des solutions de mobilité alors que l’on sait que la privacy est une préoccupation croissante dans le monde. Quel impact de la technologie sur le choix automobile ? Quelles implications pour les mobilités partagées ? Quelle réalité tout au long du parcours-client ? La dernière catégorie d’enjeux concerne la CONVERGENCE DES GÉNÉRATIONS dans un contexte ou l’approche servicielle de la mobilité répondra aux enjeux des plus âgés en termes de santé, bien-être, assistance / dépendance… tout en libérant l’accès des plus jeunes à l’automobile. Aujourd’hui, les constructeurs doivent relever le défi d’attirer les jeunes générations (les séniors représentent la clientèle n°1 des achats de véhicules neufs avec un âge moyen de cinquante- cinq ans) et les acteurs de la mobilité doivent attirer les seniors dans un contexte où les deux cibles ont tendance à évoluer de la propriété à l’usage et de l’achat à l’abonnement à cause des politiques « anti-voiture », d’arbitrages économiques, de considérations sur l’empreinte environnementale, etc. Comment positionner l’automobile dans ce contexte ? En l’associant de plus en plus à des offres servicielles dans une approche Mobility as A Service, notamment pour les séniors dont la proportion dans la population va augmenter dans les prochaines années : en France aujourd’hui, 27% de la population est âgée de 60 ans et +, elle représentera plus d’un tiers en 2050, et 17 millions de Français sont retraités. Ces services répondent aux enjeux spécifiques des séniors: santé, bien-être, anticipation des besoins, fluidité des déplacements, assistance / dépendance (machines pour faire les courses à la place des gens, porter leur colis, les libérer des contraintes, etc., comme on l’a vu pendant la crise sanitaire en Chine où des robots ont déchargé les infirmières de tâches chronophages et sans valeur ajoutée – prendre la température, apporter les repas, etc.). L’automobile se devra d’être toujours plus intelligente et informée des étapes de vie et de la situation sanitaire de chaque personne à bord, avec les risques déjà évoqués sur la vie privée et les libertés individuelles (cf. conducteur âgé considéré comme inapte à la conduite par l’IA embarquée qui interdira à la voiture de démarrer, dans la logique des éthylotests actuels). Comment les acteurs de la mobilité doivent-il s’engager au-delà de l’empreinte carbone Au-delà de l’empreinte carbone, quels territoires d’engagement futurs pour l’automobile ? Doit-on renoncer au plaisir automobile pour limiter son empreinte ? Que reste-t-il du plaisir automobile dans un contexte toujours plus contraint, normé et dicté par l’intérêt général ? Comment la mobilité servicielle va-t-elle évoluer ? Comment faire de «Mobility as a Service» une opportunité de conquête auprès des deux populations prioritaires, les seniors dont la proportion va augmenter et les plus jeunes qui restent une cible de conquête pour les acteurs historiques de l’automobile ? 1 Partage et croisement de toutes les informations concernant une personne à partir de tous les canaux qu’elle utilise pour – officiellement – améliorer sa vie quotidienne (choisir la meilleure route pour aller de A à Z dès la sortie du parking, contourner les embouteillages, etc.). EMPREINTES
  • 4. 6 7 LA MOBILITÉ AUTREMENT, UNE NOUVELLE VIE POUR L’AUTOMOBILE Par Jean-Pierre Carnevale Expert automotive, Département qualitatif Ipsos UU en France T raditionnellement, l’automobile représente l’évasion, la liberté, la maîtrise des technologies, le design, le statut, la distinction, le confort… Ce sont des dimensions et des valeurs que l’on retrouve à l’échelle mondiale. Qu’en reste-t-il dans les pays où l’automobile est diabolisée, avec toujours plus d’obligations morales, sociétales ou environnementales, de contraintes en un mot ? On se souvient de la signature de Peugeot, « Pour que l’automobile soit toujours un plaisir ». Mais quelle est la nature de ce plaisir ? Comment le définir ? Il n’y a pas que dans la transgression, la vitesse et l’individualisme, qu’il y a du plaisir. Il peut y avoir du plaisir à être vertueux, comme on l’a vu avec les acheteurs de la Renault Zoé ou de Tesla, qui ont le sentiment de participer à un écosystème responsable tout en profitant des dernières technologies avec des automobiles plus ou moins avant-gardistes et statutaires. Tesla est un bon exemple de synthèse entre technologies, innovation design, et vertu. La gamification fait aussi partie du plaisir, en transformant les contraintes : comment rouler pour disposer d’une autonomie maximale ? Les constructeurs peuvent par exemple développer une plateforme pour inviter les conducteurs à rivaliser de solutions, partager leurs expériences pour combattre On voit mal aussi comment la voiture cesserait d’être un facteur de vie sociale dans un contexte de culture automobile forte où elle reste un marqueur de statut dans la plupart des pays du monde. En revanche, rien n’interdit de raisonner en solutions complémentaires, en métissage des solutions de mobilité, selon les offres disponibles et accessibles, avec les vélos, les bus, les navettes fluviales, les téléphériques, etc. On peut aussi douter de la mort de l’automobile pour une dernière raison, notre fascination pour les objets en déplacement « autonomes ». Passer de la traction animale au moteur à vapeur a été aussi extraordinaire que les automobiles volantes qu’on nous promet à Paris les freins à l’achat d’une automobile électrique, imaginer des solutions ludiques. Ces challenges font partie des stratégies de gamification comme le mois sans alcool ou le mois sans tabac, pour faire des contraintes des leviers créatifs. En plus d’incarner de nouvelles formes de plaisir, l’automobile reste incontournable, compte-tenu de l’état des infrastructures, de l’absence d’offres alternatives, des ressources à mettre en œuvre pour « remplacer » l’automobile. Il faut arrêter de décréter la mort de l’automobile parce qu’on imagine mal comment des villes, souvent déjà très endettées, auront les moyens de développer simultanément des réseaux de métro, de bus et de tramways desservant des millions de personnes, des centres aux périphéries. Renouveler très vite tout le parc roulant aux énergies fossiles par des véhicules fonctionnant à l’hydrogène ou à l’électricité représente aussi un défi technologique et économique difficile à relever dans de nombreux pays. A l’exception des mégapoles bien équipées en transports publics, la voiture restera le moyen le plus pratique et le plus évident pour se déplacer. On voit mal comment les gens se passeraient de toit et de climatisation en Afrique, en Asie ou en Amérique latine, entre pluie ou chaleurs tropicales, et préféraient le vélo, électrique ou pas…, à leur confort le plus évident. pour les Jeux Olympiques dans trois ans ; il y aura d’autres modes de propulsion, des innovations de rupture, des codes et des expressions stylistiques différents – encore que les lois aérodynamiques changent peu, de nouvelles formes d’habitabilité et de vie à bord. Rien ne permet donc d’affirmer que l’automobile est un objet du passé. Et j’ajouterais une petite note personnelle pour clore ce point de vue : je me suis rendu récemment au Musée de l’Automobile à Turin. La diversité et la jeunesse des visiteurs – certes non représentatifs, mais est-ce que cela compte ? – était une belle illustration d’une fascination toujours vivace. 6 7 EMPREINTES
  • 5. 8 9 L’AUTOMOBILE 100% DURABLE, AU-DELÀ DE L’EMPREINTE ENVIRONNEMENTALE DES MOTEURS Q uand on parle d’automobile, il faut se souvenir que la voiture passe plus de temps à dormir dans la rue, un parking ou ailleurs, qu’à rouler. Il aura pourtant fallu attendre des années avant de se poser la question de l’usage intelligent de l’automobile jusqu’aux notions de partage, d’écoresponsabilité, d’EMPREINTE, jusqu’à mettre sur la table toutes les questions liées à son impact sur son environnement, l’espace en général, et l’ensemble de la chaine de production et de l’usage. Du point de vue des consommateurs, c’est un sujet d’autant plus compliqué qu’il s’inscrit dans la tension entre intérêt général et désir personnel ; celui des acteurs de la mobilité est plus clair et depuis plusieurs années les constructeurs automobiles travaillent sur la neutralité carbone au travers d’énergies ou de matériaux alternatifs (GPL, électricité, hydrogène, solaire… moins de ressources rares, plus de ressources recyclées…). Curieusement, les constructeurs valorisent peu leurs engagements concrets et leurs solutions durables comme des marques de fabrique alors qu’ils seraient bien accueillis par des consommateurs de plus en plus sensibles aux notions de recyclage et de matériaux naturels, à condition qu’ils soient au même niveau que les équipements classiques. Quand on demande aux Français2 d’indiquer les trois propositions qui leur semblent le mieux caractériser une voiture respectueuse de l’environnement,«êtrecomposéedematériaux recyclés » vient juste après « consommer une énergie alternative (électricité / hydrogène/ solaire) » et « proposer des alternatives au plastique, cuir animal, tissu synthétiques » en 3eme position, respectivement 87%, 83% et 66%. Alors que le critère des énergies alternatives représente à peine la moitié des premiers choix, 95% des efforts de communication des marques et du bruit médiatique leur sont consacrés : c’est une marge d’opportunités remarquable pour mettre en valeur d’autres manières de « produire durable », de réduire l’empreinte de l’automobile dans tous les domaines, et pas seulement dans son espace ou son usage immédiats, de penser à tout l’écosystème de l’automobile. Les marques de Luxe ont créé un précédent avec le cuir végétal ou les matières végan sans perdre en valeur et les constructeurs automobiles peuvent aller plus loin dans leurs communications sur le recyclage et l’usage de nouveaux matériaux, pour s’ancrer dans d’autres territoires d’engagements en matière d’empreinte environnementale et de les préempter pour manifester leur différentiation, au-delà de l’empreinte carbone des moteurs. C’est le bon moment pour les constructeurs automobiles et les équipementiers de se mettre plus en avant, de créer un univers de promesses et d’expériences qui vont les aider à se démarquer de la concurrence, et – surtout – de se connecter aux évolutions rapides dans les valeurs et les attentes de leurs clients, notamment des Urbains (le lieu de vie de plus de 60% des Français), les plus réactifs aux discours environnementaux et écologiques. Par Thierry Lalande Directeur, Automotive & Mobility Development, Ipsos en France 9 2 Omnibus- Marcom - Automotive, France. Echantillon représentatif de la population française âgée de 16 à 75 ans. Terrain réalisé du 12 au 13 Octobre 2021 9 EMPREINTES
  • 6. 10 11 I l ne faut non plus oublier que notre mode de vie, depuis les années 1960, est fondé sur le « tout voiture », qu’en dehors de Paris et des grandes villes, il n’existe pas de métros, tramways ou bus, qu’après 62 000 kilomètres au début des années 1930, le réseau ferré français est passé à 29 000 réellement exploités aujourd’hui, d’où de nouveaux enjeux à l’heure de la mobilité durable3 . Pour autant, on ne peut pas nier aujourd’hui l’existence d’une « Nouvelle Mobilité » accélérée par la crise sanitaire avec une nouvelle gamme de solutions, du VLib à la trottinette, de modes de transports fonctionnant en convergence dans des applications auxquels les gens se sont habitués très rapidement: c’est un changement radical dans un marché de la mobilité où le software fait fonctionner le véhicule, avec de nouvelles interactions entre les constructeurs, les plateformes, les équipementiers, les acteurs de la logistique et des infrastructures. Cette Nouvelle Mobilité remet en question l’automobile comme objet dont on est propriétaire, dont on est fier, qui continue à incarner la liberté individuelle. Mais parler de tendance à la disparition de l’automobile ou de généralisation du Peer to Peer (locations entre particulier), d’explosion de la mobilité partagée, etc., ne doit pas occulter : - Les enjeux géographiques : la fracture entre les hypercentres des villes bien équipées et le reste du territoire national. - Les enjeux professionnels et les différences sociales selon les emplois : en 2017, 74 % des actifs en emploi qui déclarent se déplacer pour rejoindre leur lieu de travail utilisaient leur voiture ; les employés vont plus souvent travailler à pied ou en transports en commun quand les cadres ont plus souvent recours au vélo ou aux transports publics4 . - Un nouvel enjeu de représentation : pour rester désirables, notamment dans les pays où elles continueront d’incarner statut et liberté, les automobiles devront être exceptionnelles, avec un design extérieur et intérieur haut de gamme. Paradoxalement, elles retrouveront leur histoire originelle, quand une élite du début du XXème siècle achetait un châssis et un moteur et qu’un carrossier personnalisait le véhicule avec une approche « sur mesure ». Les trois niveaux de la Mobilité partagée: régional, local Vs. grandes villes. Au niveau régional, la Mobilité partagée apporte des solutions dans un contexte où les infrastructures alternatives à l’automobile ont disparu ou sont inexistantes. On se souvient qu’après 62 000 kilomètres au début des années 1930, le réseau ferré français est passé à 29 000 réellement exploités aujourd’hui, pénalisant notamment les petites lignes de chemin de fer ; faute de ressources, les régions n’ont pas les moyens de les rouvrir, pas plus que les centaines de gares fermées. Au niveau local, la mobilité multimodale transforme la conception des solutions Dès la levée des restrictions et le retour à un semblant de vie « normale »,les Français ont repris leurs habitudes… et leur voiture, pour se déplacer, aller en vacances, faire du shopping, rendre visite à sa famille et ses amis  ; ils ont aussi eu envie de retrouver la nature, les forêts, les espaces verts, les parcs. Il ne faut pas oublier que la vie, c’est la mobilité. de transport et de l’espace urbain. Timothy Papaandru5 , avec qui Ipsos est intervenu lors du Webinext organisé par Eurogroup6 , y revient avec les notions Moving People et Moving Things (mobilité par la route, le train, l’avion, la mer) et Doing Things (les infrastructures en cause : agriculture, mines, construction, services municipaux), elles-mêmes impliquant trois types de relations : Posséder (voiture, vélo, moto, camion), Utiliser (transports en commun de toutes natures, du métro à l’avion), Louer (vélo, scooter, cyclomoteur, voiture, camion, etc.). Pourquoi opposer les échelles régionales et locales aux hypercentres des grandes villes ? Parce qu’aujourd’hui, la mobilité partagée reste l’apanage des zones urbaines riches et parce que la fracture grandes villes / territoires n’est pas résorbée. A l’échelle mondiale, ce n’est pas par hasard si seules 5000 grandes villes sont éligibles : elles ont les infrastructures, du métro aux stations de rechargement électrique en passant par les trottoirs pour les piétons ou les pistes cyclables ; elles ont aussi les ressources financières pour subventionner les acheteurs de deux roues électriques. C’est seulement si ces équipements existent, ou sont en mesure d’être (rapidement) créés, que l’on peut sérieusement envisager un transfert de la voiture vers des alternatives ; ailleurs, il est totalement illusoire d’imaginer qu’il est possible de se passer d’une automobile personnelle. Quant au succès de la mobilité partagée, l’une des explications est tout simplement économique. Le coût total d’une automobile (enveloppe pour l’achat ou le leasing, prix des carburants, assurance, garage…) étant de plus en plus lourd, partager son véhicule apparaît comme la solution la plus simple pour l’amortir, voire gagner de l’argent grâce à lui. En parallèle, les nombreux sites et applications qui se sont positionnés sur l’autopartage, comme la médiatisation du sujet depuis des années, ont fini par le banaliser : les gens ont compris que plus ils raisonnaient en services et en logique de partage, plus ils économisaient d’argent avec la disparition des frais liés à la possession et à l’entretien d’une voiture, et avec le bénéfice d’une location entre particuliers de 20 à 30 % moins chère qu’auprès d’un loueur professionnel. Ces motivations financières se traduisent dans l’essor rapide du Peer to Peer7 avec Getaround ou OuiCar (qui revendique à lui seul déjà plus de deux millions d’utilisateurs). Quels développements anticiper ? L’importance du rôle des acteurs privés dans la reconfiguration du maillage territorial français quand les acteurs publics ne sont pas au rendez-vous. Des entreprises privées comme Blablacar, Citygo, Covoit’ici, Klaxit, Karos, La Roue Verte ou Mobicoop, ont une double opportunité : reconnecter les territoires, transformer les particuliers en acteurs de cette reconfiguration avec une approche collaborative ; elle est en phase avec les attentes des Français qui veulent être partie-prenantes de l’amélioration de leur vie quotidienne. L’évolution de la gestion de l’espace dans les grandes villes avec trois sujets : l’utilisation de la place désormais libérée par les voitures8 , la prime aux petits véhicules et aux deux roues, le prix à payer pour occuper l’espace quand on sait qu’une seule automobile occupe huit mètres carrés contre deux pour un vélo. A terme, cela veut que plus on prendra de place plus on paiera, et qu’un cycliste paiera moins que le passager d’une voiture. La vision Lifestyle As a Service9 de la nouvelle mobilité. En fonction du lieu, de l’activité, du temps, une application va suggérer les modes de transport les plus adaptés à chaque étape du parcours, pour fluidifier l’enchaînement des services de transport (aller à la gare en vélo, se déplacer en train jusqu’à la gare terminus, louer une voiture sur place, aller de l’hôtel au bureau en trottinette, etc.). Elle va de pair avec des services on demand où l’on ne paye que le temps de l’usage, par exemple une voiture pour une heure avec une assurance de la même durée pour couvrir les risques du déplacement, avec des systèmes d’abonnements (leasing, à la semaine, au mois, à l’année…) et avec une autre approche de la relation avec les objets dans le cadre d’un système multimodal intégrant mobilité collective et services de partage de véhicules. La première est le fruit d’une évolution des mentalités avec le « collaboratif » et la seconde de toutes les technologies connectées qui aident à l’information et à la flexibilité (géolocalisation, IA, paiement numérique, machine learning, clef digitale, dépose ailleurs qu’au lieu de la prise en charge, vérification à distance de l’état des batteries et alerte pour l’utilisateur avant sa réservation, etc.). Le passage de la propriété à l’usage n’empêche pas d’être attaché à la qualité des services et à l’image de marque: avec la location à la demande, on peut imaginer rouler surclassé avec un véhicule plus prestigieux mais plus abordable qu’à l’achat ; le succès de WeShare (l’autopartage électrique de Volkswagen) s’inscrit dans une stratégie où le constructeur se positionne comme un « fournisseur de mobilités » avec déjà deux millions de clients. En conclusion, partout où c’est possible, le système du partage va se développer, les modèles de la mobilité seront multiples, l’économie servicielle va impacter tous les types de transports. Aujourd’hui, les constructeurs européens ne semblent pas encore avoir intégré ces réalités alors que leur essor est incontestable et que leurs concurrents chinois ou coréens ont déjà équipé leurs automobiles d’une nouvelle génération de fonctionnalités (contrôler où se trouve une voiture sans en être l’utilisateur principal, déléguer une clef digitale pour une durée donnée tout en gardant le contrôle en tant que propriétaire, personnaliser l’habitacle et l’interface utilisateur sans en être le conducteur principal, etc.). Il est plus qu’urgent de répondre aux nouveaux usages de ces millions de nouveaux utilisateurs et centaines de milliers de propriétaires. 3 Le Plan de revitalisation des lignes de desserte fine du territoire se traduira notamment par un investissement de près de 7 milliards d’euros d’ici 2031 pour pérenniser 9000 kilomètres de petites lignes en France. 4 La voiture reste majoritaire pour les déplacements domicile-travail, même pour de courtes distances - Insee Première - 1835 5 Fondateur d’Emerging Transport Advisors (San Francisco), en charge auparavant de la stratégie-partenariat chez Waymo après avoir été le Directeur du bureau de l’innovation à la San Francisco Municipal Transportation Agency. 6 Eurogroup Consulting est un cabinet de conseil en stratégie, management et organisation. Créé en 1982, le cabinet est indépendant et d’essence européenne. En outre, le cabinet est connu et reconnu pour ses interventions dans tous les domaines d’activité, tant dans le secteur privé, public que social. 7 Location entre particuliers. 8 La même automobile servant à plusieurs personnes, il n’y a plus quatre voitures pour quatre propriétaires, mais une seule qui peut être utilisée par des dizaines, d’où trois emplacements libérés. 9 Le mode de vie comme service LA MOBILITÉ PARTAGÉE, DE NOUVEAUX SERVICES POUR LES TERRITOIRES ET LES FRANÇAIS ? Alexandre de Saint-Léon Directeur Automotive & Mobility Development, Ipsos CONNECTIVITÉS
  • 7. 12 13 13 hoc), des fonctionnalités complexes, de même que la voix du système avancé d’aide à la conduite (ADAS) qui peut être jugée intrusive ; tous ces éléments pèsent sur la satisfaction-client et la qualité perçue dans son ensemble. En ce qui concerne la conduite assistée, la plupart des systèmes ne tient pas assez compte du type de conduite et son impact sur l’énergie et l’autonomie, pas plus que du relief de la route, des embouteillages, de la température extérieure, du nombre de kilomètres faits et restant, du nombre de passagers et de leur poids, et autres données que le système ne connaît pas ou ne maîtrise pas. L’utilisateur au cœur de la conception Aujourd’hui, peu de véhicules « expliquent » comment faire parce qu’ils ont été créés à partir d’une technologie mais pas à partir de son utilisateur, de ses questions, et de ses pratiques. C’est par exemple l’opportunité pour les Constructeurs de développer des simulateurs et des programmes apprenant comment recharger la batterie et optimiser les %. Nos études montrent que la recharge et l’autonomie représentent d’autant plus des stress que le plus grand flou règne sur les capacités réelles de la batterie. On se souvient qu’à l’occasion de la tornade Irma en septembre 2017, Tesla a débridé à distance les batteries des modèles S, X 60 et 60D des conducteurs habitant la Floride pour leur permettre de s’échapper plus rapidement (en temps normal, la capacité des batteries est limitée à 60 kWh sur les 75 kWh disponibles, avec une option de 4 000 à 7 500 euros pour bénéficier de sa totalité). Cette décision de la marque a créé de la suspicion à tous les niveaux : sur les avantages réels de l’énergie électrique, sur l’option en tant que telle, sur le contrôle de l’autonomie par le Constructeur, sur le fait que la marque décide seule hors de tout contrôle, sur l’usage des données, etc. Nos études montrent aussi que les conducteurs de véhicules électriques ont l’impression d’être plus vertueux que les autres, mais les Constructeurs ne partent pas de cette D epuis plus d’un siècle, la voiture et les moyens de transport en tout genre (moto, scooter, vélo) ont essentiellement évolué autour d’un modèle de propriété unique, et l’évolution technique se concentrait autour d’une promesse de sécurité, performance et puissance. Avec l’émergence de nouvelles technologies connectées de plus en plus présentes dans notre quotidien (dont nos moyens de transport), de nouveaux usages et de nouvelles attentes sont nées. Les acteurs du numériques ont saisi cette opportunité pour rentrer dans la course en transformant les voitures en écosystèmes digitaux connectés à leur environnement. La transformation est en cours, comme pour les espèces, celui qui survivra ne sera pas le plus fort, ni le plus intelligent, mais celui qui s’adaptera le mieux aux changements. Comment maîtriser les nouveaux usages ? Et les nouveaux utilisateurs ? il est urgent de mettre l’UX (User Expérience) au cœur de la conception des véhicules. Les nouveaux usages Les véhicules connectés permettent l’essor de l’usage partagé. Il faut désormais tenir compte du fait que le même moyen de transport va avoir plusieurs utilisateurs. Nous voyons en France cette tendance largement soutenue par le gouvernement à travers la loi d’orientation des mobilités (LOM) et accélérée par les plateformes de partage entre particuliers où la France est pionnière depuis 2010 avec aujourd’hui plus de deux millions d’usagers. C’est une révolution du point de vue de l’expérience de l’utilisateur avec un nouveau paradigme et de nouveaux défis à relever : • La voiture doit à la fois répondre aux attentes d’usage partagé (accès sans clef, check up / charge de la batterie, autonomie en fonction du trajet, état des pneus, etc.) et de personnalisation avec une IA qui (re) connaît ses occupants et change aussi bien la position du siège et des rétroviseurs que la playlist et les préférences. • L’attente de l’utilisateur est de posséder une voiture qui lui ressemble quel que soit son niveau de gamme, alors qu’on sait que seuls les véhicules premium sont en mesure d’y répondre et que l’essentiel du parc peer2peer est en milieu de gamme. • Les utilisateurs ont plus de difficultés que les constructeurs le croient à se familiariser avec une automobile de plus en plus technologique, alors que la plupart des objets connectés surfent sur l’intuition de leurs clients, personne n’ayant besoin de « permis pour téléphoner » ou maîtriser une application. On voit dans l’habitacle que les évolutions du tableau de bord peuvent le transformer en pain-point avec des boutons disparaissant au profit d’un écran, la réalité augmentée qui projette des situations parfois trop en avance, le nombre de langues à disposition de base en Europe (Allemand, Anglais, Français, à compléter par un téléchargement ad donnée pour le leur démontrer avec des chiffres sur leur empreinte et l’économie de CO2 réalisée. Il faut donc analyser l’Expérience de l’Utilisateur en se posant des questions comme : • La fonctionnalité est-elle accessible ? • La tâche demandée est-elle facile à réaliser ? (5 clics peuvent être perçu comme complexe Vs. 3 pour arriver à sa fin) • La fonctionnalité mise à disposition est-elle pertinente ? • L’expérience est-elle ergonomique et fluide ? • Les informations sur l’automobile (sécurité, recharge et durée…) sont-elles claires ? • Le bénéfice environnemental est-il mentionné ? Les acteurs de la mobilité électrique ont d’autant plus intérêt à partir de l’expérience-client que le marché est à un tournant : • Avec les nouveaux players, comme Sony Mobility et son Vision-S 02, qui s’appuient sur leur expérience des usages de la mobilité ; ils positionnent l’électronique et les technologies, l’IA, la 5G, etc., comme des solutions pour les consommateurs pour se légitimer, à la différence des constructeurs automobiles qui renvoient à leur origine historique. C’est d’autant plus important à souligner que les innovations de rupture ne sont jamais venues de leur secteur d’origine, mais d’entreprises qui ont transposé leur technologie à un domaine différent. • Avec un marché en pleine expansion, comme on l’a vu à Las Vegas avec le Consumer Electronics Show et comme le démontrent les prévisions 2030 qui pronostiquent cinq trilliards d’euros, soit deux fois plus qu’aujourd’hui. • Avec un grand-public méfiant qui se pose beaucoup de questions sur la « meilleure énergie » avec le développement de l’hydrogène et de la pile à combustible, en particulier par les players chinois déjà à l’œuvre pour les utilitaires et les bus et qui arrivent à très grande vitesse dans le secteur de l’automobile pour les particuliers. L’UX AU CŒUR DE LA CONCEPTION DES VÉHICULES Florent Mellac Directeur UX, Automotive & Mobility Development, Ipsos Entrer sur le marché de la mobilité pour les acteurs du numérique semble périlleux, mais grâce à leur culture de l’innovation autour de l’utilisateur et leur capacité à identifier les nouveaux besoins et usages, et le succès de « nouveaux » entrants comme Tesla, les constructeurs historiques vont devoir faire face à une révolution culturelle tout autant que technologique. Entrer sur le marché de la mobilité pour les acteurs du numérique semble périlleux, mais grâce à leur culture de l’innovation autour de l’utilisateur et leur capacité à identifier les nouveaux besoins et usages, et le succès de « nouveaux » entrants comme Tesla, les constructeurs historiques vont devoir faire face à une révolution culturelle tout autant que technologique 13 CONNECTIVITÉS
  • 8. 14 15 LA MOBILITÉ SERVICIELLE, SÉDUIRE LES JEUNES, RASSURER LES SÉNIORS A ujourd’hui, telle qu’elle se présente, l’automobile ne crée pas les conditions d’une convergence entre les jeunes générations et les séniors. En ce qui concerne les jeunes générations : le véhicule automobile est en décalage avec leur univers malgré les progrès récents dans le domaine de la connectivité. Pour les Gen Z et autres, l’automobile est peut- être l’un des derniers objets qui n’est pas 100% connecté, alors que leur univers est assisté et augmenté par les technologies dans tous les domaines de la vie quotidienne. D’autre part, pour des raisons économiques, les jeunes générations n’ont pas accès à au marché de l’automobile neuve. Quant aux séniors, sur le plan économique, ce sont à peu près les seuls à avoir les ressources pour acheter un véhicule neuf, mais les solutions connectées peuvent leur sembler compliquées ou sans valeur ajoutée pratique. Or la connectivité crée naturellement les conditions d’une approche servicielle de la mobilité, le véhicule participant de tout un écosystème d’informations grâce à des technologies toujours plus performantes. C’est d’autant plus important qu’on voit en effet dans nos enquêtes10 que la technologie est un critère qui ne cesse de progresser dans le choix d’un véhicule, participe, avec le design, de sa premiumisation, est en mesure d’attirer les jeunes et d’apporter de nouvelles solutions aux seniors. Pour les jeunes générations, « Technologies » et « Fun » sont synonymes ; ce « Fun », la mobilité servicielle va le créer en permettant une inscription fluide de l’automobile dans son environnement, en simplifiant la conduite, en créant de nouvelles expériences à bord ou dans l’interaction avec l’environnement, et donne à l’automobile une valeur ajoutée Entertainment. Pour les Séniors, la mobilité servicielle est une arme anti-vieillissement et anti-dépendance en facilitant leur vie. Les informations partagées avec le constructeur permettent d’affiner la connaissance du conducteur et des passagers, d’adapter avec précision les options de confort, d’assister la conduite, de planifier la navigation, en un mot de rouler davantage en sécurité pour soi et les autres. Le véhicule autonome incarne le point ultime de la mobilité servicielle. Grâce à des technologies telles que caméras, capteurs, GPS et autres équipements sophistiqués, le traitement informatique permet à un véhicule d’effectuer automatiquement les fonctions de conduite (direction, braquage, changement de voies, accélération, freinage, arrêt, stationnement, etc.). Ce mode « Autonome » peut gérer toutes les situations et conditions environnementales, afin que conducteurs et passagers puissent s’immerger dans d’autres activités, avec bien sûr la possibilité de reprendre la main si l’on en a envie. C’est le summum du Fun pour les jeunes générations et de la Liberté pour les Séniors, autrement dit l’aboutissement de la convergence des générations. Fabienne Simon Directrice Market Strategy & Understanding, Ipsos en France 15 10 2021 Ipsos Mobility Navigator CONVERGENCES DES GÉNÉRATIONS 14
  • 9. 16 17 Massamba Sarre Expert automotive Customer Experience, Ipsos en France I l y a encore peu de temps, penser automobile, c’était se projeter dans la puissance d’un moteur, un rapport 0/100 km/h en trois secondes, des parfums de cuir et d’huile chaude, des valeurs de liberté, de conquête et de statut social… Ces images nous semblent loin aujourd’hui, presque incongrues quand il s’agit d’analyser son futur, en France en tout cas ! Comme le téléphone, la voiture devient un objet de plus en plus technologique avec en perspective de moins en moins d’intervention de notre part et le véhicule autonome comme consécration de la supériorité de l’usage sur l’image. On ne sait pas exactement quand cette « autonomie » sera réalisée, dans dix, vingt ou cinquante ans, mais il est clair que les accélérations ou les freins seront plus d’ordre politique et éthique que technique. Au début,on pouvait penser que ces objets ouservicesconnectésétaientdesgadgets, mais on s’est de plus en plus rendu compte de leur utilité et que les services rendus ne relevaient pas de projections futuristes. Progressivement, la valeur ajoutée technologique est passée de la motorisation à la connectivité et on a vu une inversion dans les représentations, elles-mêmes très liées aux générations. Déjà, les services connectés sont présents tout au long du Parcours-Client de la recherche du véhicule à sa revente, en passant par l’achat ou le leasing ; ils sont devenus aussi importants que le moteur et acquièrent le statut de technologies avancées avec plusieurs dimensions : la plus basique (assister la mobilité – tracter, faire tourner la voiture, la faire avancer) et la plus sophistiquée (rendre l’automobile capable d’interagir avec toutes les autres technologies de télécommunications existantes) pour faciliter la vie du conducteur. Il y a presque vingt ans, TomTom GO était l’un des tout-premiers opérateurs à lancer un assistant personnel portatif pour exploiter l’ouverture au grand- public des systèmes de positionnement par satellites GPS. Aujourd’hui, le Smartphone est un cerveau mobile, à connecter au tableau de bord de la voiture, au vélo, à la trottinette…, avec toutes les informations relatives au véhicule et au conducteur (parcours, temps passé, vitesse, préférences musicales, réseau). Il n’est pas aberrant de comparer cet écosystème à un cockpit d’avion où tout est pensé pour simplifier la vie du pilote et lui permettre de se concentrer sur l’essentiel. Transposé au monde de la voiture, cet essentiel est la personnalisation en fonction des goûts de chacun, lire, jouer à un jeu vidéo, dormir, écouter de la musique, discuter avec ses contacts, etc. Les progrès de l’Intelligence Artificielle vont encore accélérer la quantité des informations propres aux services connectés, repousser leurs limites, et affiner leur qualité : ils vont devenir l’élément essentiel dans la définition de l’automobile de demain, avec plus d’efficacité et de performance dans les interactions. Les Français vont-ils résister aux services connectés ? Longtemps, ils ont eu le désir de contrôler leur voiture, de déléguer le moins possible aux systèmes d’assistance ; on l’a vu avec leur préférence pour une boîte de vitesse manuelle quand l’automatique existait aux Etats-Unis depuis des années et des années, comme solution de confort adaptée à de grands trajets et pour se débarrasser de la contrainte de passer (et repasser) les vitesses en ville. Mais les Français se sentaient plus « maîtres à bord » en gardant la main sur le pommeau du levier de vitesse… Or, dans ce monde connecté, la position du conducteur se transforme. La voiture sait comment aller du Point A au Point R, gère son niveau d’autonomie, adapte sa conduite à son environnement, transmet toutes les informations possibles pour anticiper, et transforme finalement le conducteur en un passager comme les autres, parce qu’il n’a plus rien à faire. Les Français le vivront-ils comme une frustration et une dépossession ? Leur rapport à la propriété a déjà changé avec le leasing, l’autopartage, les contrats d’assurance proportionnels au temps passé en déplacement. Ne plus conduire sa voiture s’avère comme l’étape ultime de ce processus, en phase avec une logique d’usage qui fait de l’automobile un device comme les autres rendant des services ponctuels. En parallèle de la dimension symbolique de la dépossession du statut de conducteur, un autre frein à la diffusion des services connectés est leur dimension intrusive, a minima la somme des informations personnelles qu’ils recueillent, stockent et partagent ; RGPD11 ou pas, elle alimente le débat sur la tension risques pour la vie privée / bénéfices réels de cette masse d’informations en circulation sur chacun, avec le spectre d’une autre forme de dépossession, une transparence absolue dont gouvernements, constructeurs ou prestataires, peuvent abuser. Même si les applications anti covid-19 et autres pass sanitaires ont accéléré l’implémentation de services digitaux et ont habitué les gens à s’en servir quotidiennement, l’enquête mondiale d’Ipsos sur la Perception des usagers en matière de confidentialité des données12 montre que leur méfiance est principalement liée à la méconnaissance de ce que les marques font de leurs données, encore un levier d’optimisation pour dédramatiser le monde connecté. Pour finir, la motivation d’achat d’un client d’un véhicule électrique (au-delà de la fibre écologique) donne une idée du principal bénéfice attendu de l’automobile connectée, la fluidité et la facilitation : « Le maillage des bornes Tesla a été un critère important de choix pour ne pas avoir à planifier le trajet. En renseignant la destination, le véhicule indique dès le départ quels seront les arrêts, leur durée, etc. C’est l’un des points qui a emporté notre choix, le fait de pouvoir voyager sans réfléchir. La rapidité et la simplicité des recharges a compté davantage que l’autonomie à proprement parler ». 10 2021 Ipsos Mobility Navigator 11 Depuis 2016 en Europe, le Règlement Général sur la Protection des Données (GDPR – General Data Protection Regulation) est supposé protéger le recueil et l’usage des données à caractère personnel. 12 Etude Ipsos réalisée en 2020 auprès de 18 813 personnes âgées de 18 à 64 ans en Afrique du Sud, Allemagne, Arabie Saoudite, Argentine, Australie, Belgique, Brésil, Canada, Chili, Chine, Corée du Sud, Espagne, Etats-Unis, France, Grande Bretagne Hongrie, Inde, Italie, Japon, Malaisie, Mexique, Pérou, Pologne, Russie, Suède, Turquie. DÉDRAMATISER LE MONDE CONNECTÉ CONVERGENCES DES GÉNÉRATIONS 17
  • 10. 18 19 Les bouleversements dans l’industrie automobile - électrification, connectivité, et mobilité partagée - ne sont pas nouveaux, mais concevoir pour le futur conducteur, propriétaire ou plutôt utilisateur, devient de plus en plus difficile. En associant savoir et transformation par la donnée, les experts Ipsos guident les leaders de l’industrie et les décideurs politiques à naviguer dans ce paysage en pleine évolution. Au sein de plus de 90 pays, Ipsos offre la compréhension totale de la société, des marchés et des individus, nécessaire pour comprendre les dynamiques en cours et détecter les implications qui en découlent. Nicolas Cardon Directeur grands comptes dédié aux sujets de la Mobilité et l’Automobile, Ipsos en France Florent Mellac Directeur UX, Automotive & Mobility Development, Ipsos Fabienne Simon Directrice Market Strategy & Understanding, Ipsos en France Jean-Pierre Carnevale Expert automotive, Département qualitatif Ipsos UU en France Alexandre de Saint-Léon Directeur Automotive & Mobility Development, Ipsos Thierry Lalande Directeur, Automotive & Mobility Development, Ipsos en France Massamba Sarre Expert automotive Customer Experience, Ipsos en France L’INSIGHT TANK AUTOMOBILE, LA FIN DU DÉSIR ? IPSOS & VOUS 19 18
  • 11. 20 INSIGHT TANK Automobile, La fin du désir ? yves.bardon@ipsos.com Ipsos éditions © 2022 – Ipsos