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juillet 2014
vers un lieu
des mobilités
Étude de définition D'UN DISPOSITIF
de soutien à l'innovation dans
le domaine des nouvelles mobilités
Juillet 2014 - Ademe2
Avant-propos
La crise financière et la prise de
conscience écologique ont modifié
l’approche collective de la mobilité. La
voiture est remise en cause dans son
usage traditionnel. Les investissements
publics en infrastructures sont
questionnés. Le modèle économique
du transport collectif montre ses limites
en dehors des zones très denses.
Comment se déplaceront les 7 milliards
d’habitants à l’avenir ?
L’enjeu n’est plus seulement d’améliorer
les moyens de déplacement mais de
permettre à tous de mieux se déplacer.
La ville 2.0. a un potentiel immense
pour changer radicalement la manière
dont se conçoit la mobilité. À la
planification et aux transformations
urbaines se substituent des modes
d’optimisation des ressources et
infrastructures existantes. Des solutions
de “dé-mobilité” (travail et études à
distance, livraison, organisation des
temps...) se créent pour réduire,
potentiellement, l’empreinte de nos
déplacements. Certaines entreprises
agissent désormais à la source, en
modifiant l’organisation de leurs
activités, pour moins se déplacer tout
en améliorant leur coeur de métier.
Les nouvelles plateformes numériques
conquièrent des positions dominantes
dans l’“aval de la relation” entre le
voyageur et les acteurs de la mobilité.
Des services comme Uber ou Blablacar
proposent une offre abondante et peu
coûteuse à produire. D’autres
applications font appel aux contributions
volontaires des voyageurs pour recueillir
et diffuser leurs données de
déplacements. Demain les automobiles
connectées entreront dans la sphère
d’influence de ces géants du numérique,
de la construction à l’usage quotidien.
Non seulement ces plateformes tissent
de nouvelles relations avec les usagers
mais elles permettent également par les
assistants personnels de mobilités
(smartphone) qu’elles utilisent, de créer
de nouvelles connaissances sur les
pratiques et les usages de transport
qu’aucun acteur historique n’est capable
de produire.
Ces innovations n’ont pas été mises sur
le marché par les acteurs de la filière
automobile. Les fondateurs de Waze ne
viennent pas de la cartographie. Ceux de
Blablacar ne viennent pas de
l’automobile. Ce sont des entreprises
technologiques qui utilisent le
Juillet 2014 - Ademe3
Avant-propos
numérique pour atteindre rapidement
une taille mondiale. En 2004, 3 500
personnes s’inscrivaient sur Blablacar.
Aujourd’hui elles sont 3 500 par jour
dans plus de 10 pays. Waze est passée
d’1 à 70 millions d’utilisateurs en 5 ans.
Le succès de ces entreprises relève de
modèles d’innovation, de financement
et de croissance radicalement différents
de ceux rencontrés dans l’industrie et les
services. Basés sur un accès rapide au
marché, ils privilégient la recherche de
modèles d’affaires permettant une
croissance à coût marginal réduit
(scalabilité). Ces modèles s’appuient sur
le dynamisme de nouvelles entreprises,
appelées startups, qui se créent aussi
rapidement qu’elles disparaissent.  Ces
startups évoluent dans un univers très
différent de celui des industriels
traditionnelles, avec leurs propres
infrastructures (matérielles et
immatérielles), financements et des
débouchés.
La filière des mobilités se retrouve ainsi,
malgré elle, dans un nouvel écosystème
numérique qu’elle connaît mal et ne
peut maîtriser. Le secteur n’a pas encore
pris la mesure de ces nouveaux
modèles. Il devient urgent de
développer de nouveaux processus
opérationnels adaptés à tous les acteurs.
Interroger le “comment innover ?” -
processus, méthodes - et le “où
innover ?” - lieux, structures de soutien
et d’accompagnement. Une nouvelle
filière industrielle émerge. Elle
rassemblera les acteurs historiques des
transports (transports publics,
infrastructures, énergies) et de
l'automobile qui cherchent à concevoir
de nouvelles briques technologiques
pour un nouveau système de mobilité.
Elle rassemblera également des acteurs
issus du numérique ou encore de
l'économie collaborative. Cette filière
n'a pas conscience d'elle même, en
conséquence tous les acteurs ne sont
pas synchronisés et les projets
s'engagent à la marge. Le risque à
l’inaction est grand car de nouveaux
acteurs concoivent aujourd’hui de
nouvelles relations avec les usagers.
L’objectif de la présente démarche est
de rendre cet écosystème réflexif (être
capable de réfléchir sur soi-même)
pour lui permettre d'accélérer
l'innovation, d'être conscient et
d'incarner cette nouvelle filière
industrielle créatrice de valeurs et
d'emplois.
Juillet 2014 - Ademe4
Comment - et avec qui - favoriser
l’innovation dans les nouvelles mobili-
tés ? Quel peut être le rôle de l’action
publique ? Celui de l’Ademe ?
S’appuyant sur les dynamiques
entreprenariales issues des 2 jours du
séminaire Mobilites Mutations, l’Ademe a
lancé une étude de définition d’un
nouveau dispositif de soutien à
l’innovation dans le domaine des
nouvelles mobilités.
La démarche retenue est inductive. Une
quinzaine d’entretiens semi-directifs ont
été réalisés. Le choix s’est
majoritairement porté sur des acteurs
hors du secteur traditionnel de
l’automobile, de tailles et de situations
variables : startups, structures de
soutien, grandes entreprises impliquées
dans l’écosystème, experts de
l’innovation. L’objectif n’était pas de
bénéficier d’un panorama global des
moyens dédiés à l’innovation, mais d’un
retour d’expériences sur le système.
L’innovation vue par les gens qui la
côtoient et la pratiquent au quotidien
pour mieux esquisser les contours de ce
nouveau dispositif.
Cette étude a été réalisée
pour l'Ademe par 15marches,
agence de conseil en stratégie
et innovation
Avant-propos
Agence conseil en stratégie
et marketing des services
74, rue Ange Blaise
35000 Rennes
06 17 18 03 71
info@15marches.fr
www.15marches.fr
Juillet 2014 - Ademe5
Avant-propos
Entretiens réalisés dans le cadre
de l’étude
Consultants :
Olivier EZRATTY (consultant)
Philippe MEDA (Merkapt)
Stéphanie BACQUERE (Node-A)
Structures d’accompagnement :
Nicolas COLIN (The Family)
Paul RICHARDET (Numa)
Startups :
Louis CHATRIOT (Local Motion)
Nicolas JAULIN (Pysae)
Transports :
Éric POYETON (Volvo et P.F.A.)
Mickael DESMOULINS (Renault)
Guillaume USTER (IFSTTAR)
Romain LALANNE (SNCF)
Grands groupes :
Arnaud MICHARD (Bouygues Telecom)
Romina STROYEMEYTE (Gemalto)
Acteurs publics :
Benoît JEANVOINE (BPI)
Romain LACOMBE (Etalab)
Raphael SUIRE (Université Rennes-1)
P.44
P.47
P.52
P.57
P.64
P.73
P.79
P.82
P.89
P.93
P.98
P.103
P.109
P.114
P.118
P.121
Juillet 2014 - Ademe6
INTRODUCTION
Le sentiment d’accélération du rythme
d’innovations ces dernières années
impose aux organisations en place de
réagir. Le succès foudroyant de startups
- souvent étrangères - interroge sur les
ingrédients et les modèles mis en
oeuvre par celles-ci. La manière dont
elles interagissent avec leur écosystème
en particulier est souvent décisive. La
question posée : “quel est le meilleur
dispositif pour soutenir l’innovation ?“ a
souvent été reformulée par nos
interlocuteurs en : “comment
développer une véritable culture de
l’innovation dans les entreprises et
organisations ?” et “comment faciliter
l’émergence d’innovations de rupture
au sein et autour de ces
organisations ?”.
Les personnalités interviewées pour
cette étude apportent un regard sans
concession sur les dispositifs de soutien
existants. Elles les considèrent
globalement comme peu adaptés aux
nouveaux enjeux économiques, car
trop orientés vers la recherche et les
innovations technologiques.
Ces changements profonds nécessitent
dans un premier temps de définir ce
que l’on entend par “innovation” à l’ère
numérique, et dans quel
environnement économique et
entrepreunarial elle se développe
aujourd’hui.
Nous détaillerons ensuite les
recommandations émises : ce qu’il ne
faut pas (plus) faire dans le domaine de
l’innovation et ce qu’il est recommandé
d’améliorer.
La dernière partie visera à esquisser sur
ces bases un projet d’intervention pour
l’Ademe dans le champs des nouvelles
mobilités.
[N.B. : les spécialistes de l’économie des startups peuvent
sauter la première partie et passer directement à la partie
2]
Juillet 2014 - Ademe7
plan détaillé
Partie I
Comprendre l’innovation
à l’ère numérique
1. Innover aujourd’hui
2. Entreprendre dans l’économie
de l’innovation
3. Favoriser le “gâchis utile”
et la capitalisation des erreurs
Partie II
Comment soutenir
l’innovation aujourd’hui ?
1. Ce qu’il ne faut pas (plus) faire
2. Ce qu’il faudrait faire : de bonnes pratiques
et des idées pour avancer
Partie III
Créer une “Vallée des Mobilité”
1. Favoriser l’innovation “out of the box”
2. Révéler et faire vivre l’éco-système
3. Donner des permissions plutôt que des moyens
ANNEXE : Entretiens réalisés
P.8
p.19
p.31
p.43
partie I
Comprendre l’innovation
à l’ère numérique
Quelles sont les innovations qui peuvent
changer la donne en matière de nouvelles
mobilités ?
Comment les entreprises et organisations
font-elles pour les développer ?
• Innover aujourd’hui
• Entreprendre dans l’économie de l’innovation
Juillet 2014 - Ademe9
partie 1 / Comprendre l’innovation à l’ère numérique
1 / Innover aujourd’hui
1.1. Définitions
Le rapport Manceau-Morand de 2009
Pour une nouvelle vision de
l’innovation, (dit rapport Manceau-
Morand), propose la définition suivante :
“l’innovation est l’exploitation de
nouvelles idées dans de (nouveaux)
produits et services, de nouveaux
modèles économiques et de nouvelles
manières de travailler”.
Le rapport souligne le décalage entre
une vision macro-économique de
l’innovation, très centrée sur les brevets
et la RD, et la pratique des entreprises.
Confondre innovation et RD est un
premier écueil à éviter. Par exemple 50%
des entreprises n’ont pas de RD, ce qui
ne les empêche pas d’innover. Celles qui
en ont la combine avec de nombreuses
autres disciplines : le développement, le
design, l’organisation, le marketing, le
management,...
Surtout, l’innovation ne créé de la valeur
qu’en cas de succès commercial :
“l’innovation a vocation à être adoptée
par les utilisateurs, clients, employés, et
doit donc avoir un marché” (rapport
Manceau).
1.2. Approches
L’innovation combine
schématiquement deux approches
du marché :
• l’innovation par la technologie
(technology push), qui peut se
résumer par la question : “j’ai une
solution, où est le problème ?” Le
marketing doit contribuer à trouver
une application de la solution qui
réponde à une attente du marché.
• l’innovation par les usages (market
pull) : “vous avez un problème, quelle
est sa solution ?”. Le marketing
constate une insatisfaction des clients.
Les services de RD (ou autres)
travaillent ensuite à l’élaboration d’un
produit qui résoud le problème ou le
manque perçu.
L'innovation a vocation à être adoptée
par les utilisateurs, clients, employés,
et doit donc avoir un marché
Juillet 2014 - Ademe10
partie 1 / Comprendre l’innovation à l’ère numérique
1.3. Innovation de rupture
ou incrémentale
L’innovation dite “incrémentale” s’inscrit
dans la continuité de l’existant et porte
sur des marchés connus. L’innovation
“de rupture” révolutionne un secteur ou
un usage, et s’attaque souvent à des
marchés nouveaux et peu connus.
Exemples : un bus hybride est une
innovation incrémentale, tandis qu’un
service comme Uber ou Blablacar est
une innovation de rupture. La
plateforme ouverte de construction
automobile OS Vehicule sera une
innovation de rupture si elle trouve son
marché.
L’innovation de rupture n’est pas
nécessairement plus performante ni
plus coûteuse que l’innovation
incrémentale, mais elle résoud de
manière différente le problème des
utilisateurs. Lorsqu’elle trouve son
marché, elle génère par la suite de
nombreuses innovations
incrémentales : tarifs, design, usages,...
1.4. Innovation et nouvelles mobilités
Pour réduire l’impact de la voiture,
développer massivement tous les
modes de transport et la multimodalité,
améliorer l’existant ne suffira pas.
L’exemple de mutations profondes de
certains secteurs - medias, loisirs,
commerce - démontre la puissance des
innovations portant sur les nouvelles
modèles d’affaires et d’intermédiation.
“L’innovation, dans un monde ultra-
connecté, devient continue,
écosystémique, agile, protéiforme et
parfois militante. Des marchés entiers se
reconfigurent autour de nouvelles
plates-formes qui favorisent à leur tour
de nouveaux modèles économiques, de
nouvelles formes de consommation”
indique Daniel Kaplan, dans un article
du Monde daté du 30 mai 2013. Les
nouvelles mobilités, en changeant le
rapport entre l’offre et la demande de
déplacements, portent en elles le
changement écosystémique attendu. La
place des acteurs existants
(constructeurs automobiles,
collectivités, transporteurs,...) est remise
en cause par des plateformes comme
Waze ou Blablacar qui “font levier de la
multitude” (N.Colin et H. Verdier dans
l’Âge de la Multitude).
L'innovation de rupture résoud
de manière différente les problèmes
des utilisateurs
Juillet 2014 - Ademe11
partie 1 / Comprendre l’innovation à l’ère numérique
1.5. La nécessité de changer le soutien
à l’innovation
Les pouvoirs publics ciblent (et
financent) principalement les
“inventions” issues de la recherche,
portées par des grandes entreprises. Les
PME ne bénéficient que de 12% des
crédits européens. Les indicateurs
utilisés pour évaluer le retour sur
investissement, notamment le nombre
de brevets, sont jugés obsolètes (rapport
Manceau). Que vaut un brevet si le
produit qu’il protège n’est pas adopté
par ses utilisateurs ?
“Le nombre de brevets n’est pas
l’indicateur. Mieux vaut lui préférer le
nombre de produits et services qui
atteignent leur marché” (Stéphane
Bacquere, co-fondatrice de Node-A, un
cabinet spécialisé dans les méthodes
collaboratives).
L’aide publique à l’innovation
n’encourage pas non plus la recherche
de modèles innovants : “Par habitude,
par facilité, par conviction parfois, ils (les
pouvoirs publics) privilégient d’une
manière presque exclusive des projets
dont l’innovation technologique
constitue le principe directeur (...) et tout
ce qui sort des clous, les idées en
rupture, les “simples” innovations de
service ou de modèle d’affaire, leur reste
invisible” (Daniel Kaplan in Le Monde,
précité). Conséquence pour les
nouvelles mobilités : pas ou très peu de
crédits pour étudier les comportements
et l’usage des services, pour améliorer le
marketing des transports alternatifs ou
encore tester de nouveaux modèles
économiques et sociaux. Il est
significatif que les innovations qui
émergent dans ce domaine ne viennent
pas de la filière des déplacements, mais
de l’extérieur.
Il ne s’agit pas pour autant de
sélectionner a priori les innovations de
rupture. “Dans les entreprises toute
innovation est bonne (...) Il serait peu
productif de se concentrer sur quelques
projets dont le succès est toujours
impossible à évaluer a posteriori”
(rapport Manceau-Morand).
L’enjeu est de générer un flux
d’innovations vers le marché, qui fera le
tri. C’est le modèle de l’économie
moderne de l’innovation, portée par un
“véhicule”, la startup.
Que vaut un brevet si le produit qu'il protège
n'est pas adopté par le marché ?
Juillet 2014 - Ademe12
partie 1 / Comprendre l’innovation à l’ère numérique
2 / Entreprendre
dans l’économie
de l’innovation
2.1. Il n’a jamais été aussi facile
de se lancer
“Je n’ai pas peur de mes concurrents,
j’ai peur du type dans son garage en
train d’inventer la prochaine révolution”
(Bill Gates). Google, Apple, Amazon,
Facebook, AirBnb,... ne sont pas issus de
dynasties industrielles. Ces géants
d’aujourd’hui ont été fondés par des
particuliers avec de faibles moyens.
Les barrières à l’entrée n’ont jamais été
aussi basses pour aller de l’idée au
business d’autant que, précisement, de
nombreuses start-up travaillent pour
baisser ces barrières. Les technologies
et pratiques liées au numérique
permettent désormais de lancer des
produits et services à très grande
échelle pour des coûts modiques et
essentiellement variables.
Tout est réuni pour libérer les
“créateurs” des contraintes matérielles
traditionnelles afin qu’ils puissent se
concentrer sur leur produit et leur
marché.
Ce qui a changé :
• créer un premier site web ou une
application mobile représente un
investissement modique,
• des millions de fichiers et “briques”
de programmes informatiques sont
accessibles gratuitement en ligne
• des services dans le “cloud”
fournissent capacités de stockage,
machines virtuelles, bases de
données,...à la demande et sans
investissement
• les imprimantes 3D permettent de
prototyper et fabriquer des objets à
partir de simples PC
• elles sont accessibles au sein
d’ateliers de prototypage et de
fabrication (fablabs)
• des “usines à louer” permettre de
faire fabriquer et livrer des produits
en petites quantités avec une simple
carte bleue
• la méthode “lean” appliquée à
l’entrepreunariat est enseignée et
diffusée très largement : lean startup,
customer development, business
model canvas,...
• les techniques de marketing
numérique offrent des solutions
efficaces pour toucher rapidement
un grand nombre d’utilisateurs.
Juillet 2014 - Ademe13
partie 1 / Comprendre l’innovation à l’ère numérique
2 / Entreprendre
dans l’économie
de l’innovation
2.2. Startups et grandes entreprises
ne sont pas égales face
à l’innovation
Les startups ne sont pas que des
industries low cost. Elles développent
également des modèles d’innovation
singuliers basés sur la recherche de
croissance.
Une startup n’est pas une PME ni une
entreprise technologique. Selon Steve
Blank, investisseur de la Silicon Valley,
une startup est une “organisation
temporaire, conçue pour rechercher
un modèle d’affaires répétable et
“scalable” (= qui peut passer à l’échelle
à un coût marginal faible). Les startups
auraient donc vocation à...ne plus
être des startups. Soit elles trouvent
leurs modèles et deviennent alors des
entreprises traditionnelles chargées
d’exécuter le modèle. Soit elles ne le
trouvent pas et disparaissent.
Une entreprise qui créé un logiciel
en espérant qu’il soit adopté dans le
monde entier est une startup. Une
entreprise de conseil en stratégie
comme 15marches, même spécialisée
dans le numérique, n’en est pas une.
Pour toute ces raisons, les (vraies)
startups sont les “têtes chercheuses”
de l’innovation, dédiées entièrement
à la recherche de nouveaux produits
et nouveaux marchés. Et les autres
entreprises ?
“La manière de travailler des grandes
entreprises n’est plus adaptée au
monde d’aujourd’hui” (Stéphanie
Bacquère). “Les grandes entreprises ne
savent pas faire de modèles innovants
de type web ou startup” (Paul Richardet,
chargé de mission au NUMA). On leur
reproche principalement leur manque
d’agilité et leur éloignement du marché.
Une startup est une organisation temporaire
conçue pour rechercher un modèle d'affaires
répétable et scalable
Juillet 2014 - Ademe14
partie 1 / Comprendre l’innovation à l’ère numérique
Ceci expliquerait que beaucoup
d’innovations découvertes par ces
grandes entreprises sont mises sur le
marché par d’autres.
La réalité est moins manichéenne. Les
techniques mises en oeuvre dans les
startups sont désormais enseignées
dans les écoles d’ingénieurs et de
management. Le Numa organise de
nombreux évènements et ateliers
qui rassemblent startups et grandes
entreprises. Des consultants spécialisés
comme Node-A ou Philippe Meda
aident les grandes entreprises à
travailler “comme des startups”.
2.3. Une économie hautement
spéculative
Pour que quelques innovations
réussissent, il est indispensable d’en
initier un très grand nombre. Comme
dans les industries créatives - cinéma,
musique, mode -, le succès est souvent
lié au hasard. Son coût est lissé en
finançant de nombreux échecs par
quelques best-sellers. Il serait “peu
productif de concentrer ses efforts
sur quelques projets dont le succès
est toujours impossible à évaluer
a posteriori” indiquait le rapport
Manceau.
L'économie des startups se caractérise
par le foisonnement, la prise de risque et
le lien avec le marché.
Le cycle de vie d’une startup suit celui
des idées qu’elles portent : génération,
conception de prototypes, améliorations
et pivots, puis lancement. Le schéma
suivant présente l’environnement de vie
de la startup.
Durant la première phase d’ “amorçage”,
les startups sont encore à l’état d’idées.
Elles sont portées par des étudiants en
fin de cycle, des salariés ou ex-salariés,
des freelances,... Des évènements
comme les Bootcamps, les Startups
Weekend ou les hackathons permettent
à ces personnes de se rencontrer et
de travailler ensemble, le temps d’une
soirée ou d’un week-end. Des lieux
spécialisés comme les espaces de
coworking favorisent également les
contacts et les liens entre personnes
désireuses de se lancer. Il n’est pas
rare de “recruter” des membres de son
équipe dans ces lieux.
Le financement à ce stade est
essentiellement du “love money” (argent
personnel ou familial), et pour beaucoup
les allocations chômage perçues à titre
individuel. Les coûts sont minimes, mais
les revenus inexistants.
Juillet 2014 - Ademe15
IPO : Initial Public Offer
introduction en bourse
LOVE MONEY : argent
personnel (famille,...)
Juillet 2014 - Ademe16
partie 1 / Comprendre l’innovation à l’ère numérique
La phase suivante est l’admission dans
un accélérateur type Numa ou Le
Booster à Rennes. Certaines structures
sont associatives, d’autres privées, ce
qui leur permet de prendre une part
du capital des sociétés admises en
contrepartie des prestations fournies.
Les dossiers sont sélectionnés selon les
exigences propres à chaque structure.
Les prestations fournies sont variées
et dépendent de la qualité/notoriété
de la structure : hébergement
(pas systématique ni obligatoire),
accompagnement par des experts
salariés ou des prestataires, formations
(ateliers, conférences,...), networking
(selon les lieux : local ou international)
et “partage de culture” avec de
nombreux évènements et animations.
Le Camping à Paris par exemple
octroie une “bourse” de 4500€ à
chaque startup en échange de 3% de
leur capital, ainsi que 80 heures par
semaine de mentoring en design,
business et technologie, 10 heures
de consulting avec des spécialistes
juridiques et fiscaux, des locaux ouverts
24h/24 et 7 jours/7. L’équivalent de “120
K€ de prestations par session”.
Durant cette période, les startups
essaient à la fois de concevoir leur
produit/service et le tester auprès de
leur marché. Beaucoup pratiquent la
méthode du lean startup, qui consiste
à itérer son “produit minimum viable”
(une sorte d’ébauche du produit final
détenant les principaux éléments
de la proposition de valeur) avec le
marché (clients réels). C’est la fameuse
“recherche de modèle” qui caractérise
les startups. Les itérations conduisent
à l’acquisition d’une connaissance fine
du marché, et amènent le plus souvent
la startup à “pivoter”. Ce terme signifie :
changer de cible (segment de clientèle),
ou de problème à résoudre, ou les
deux.
80 % le nombre de startups qui développent
un produit différent de celui pour lequel
elles sont lancées.
Juillet 2014 - Ademe17
partie 1 / Comprendre l’innovation à l’ère numérique
Beaucoup disparaissent à ce stade,
ne parvenant pas à trouver dans un
temps limité la bonne solution au bon
problème, ni des revenus suffisants
pour financer la suite.
Les besoins de fonds d’une startup sont
très différents de ceux d’une entreprise
“classique” : le besoin de fonds au
départ - la phase de recherche - est
faible, mais il est plus élevé une fois que
le “produit minimum viable” a été validé
auprès du marché. Cet investissement
est d’autant plus crucial que la rapidité
d’exécution au moment du “passage
à l’échelle” est la clé sur ce type de
marché.
La plupart vont chercher des
financements externes en ouvrant leur
capital à des investisseurs spécialisés,
les business angels (phase d’amorçage
/ accélération) et les capital-risqueurs
(phases d’incubation et ultérieures).
Ces investisseurs évaluent les dossiers à
l’aide d’un mix de données (expérience
de l’équipe, analyse du marché...),
d’intuitions et de prise de risque. Les
demandes étant très nombreuses (un
grand fonds de la Silicon Valley voit
plusieurs milliers de “pitchs” par an),
mieux vaut se faire repérer au préalable.
Les évènements comme les concours
ou présentations publiques de startups
permettent d’acquérir une notoriété.
En France, environ 4 000 startups
“pitchent” chaque année devant des
investisseurs. 200 seront retenues
soit 5% à peine (source : France
Digitale). Entre 0 et 2 seront introduites
en bourse chaque année. Les plus
chanceuses seront rachetées par de
grands groupes ou des startups mieux
dotées : exemple de La Fourchette,
achetée 100 millions d’euros par
TripAdvisor, elle-même propriété
d’Expedia. La plupart cependant
disparaîtront ou changeront d’activités :
“elles deviennent de mauvaises agences
web qui travaillent pour de grandes
comptes, avec un chiffre d’affaires
balbutiant” (Nicolas Colin, co-fondateur
de The Family).
Philippe Meda estime qu’ “un
investisseur doit avoir environ 200
startups dans son portefeuille pour être
rentable”. Un accélérateur comme The
Family vise les 400 startups.
à peine 5% des startups qui en font la
demande sont financées par le capital-risque
Juillet 2014 - Ademe18
partie 1 / Comprendre l’innovation à l’ère numérique
3 / Favoriser le “gâchis
utile” et la capitalisa-
tion des erreurs
Favoriser l’innovation nécessite par
conséquent d’encourager la création
et le développement de startups,
en sachant que la quasi-totalité
échoueront économiquement parlant.
L’intérêt des structures
d’accompagnement est ailleurs :
• tout d’abord, aider à l’émergence des
idées et à la constitution d’équipes à
même de les mettre en oeuvre
• ensuite, faciliter le prototypage et le
test des produits créés,
• aider la startup à faire évoluer ses
produits et son approche des marchés
visés (on parle de “pivots”)
• capitaliser les erreurs dans des
modules de formation
Enfin, et ceci a été longuement
souligné par nos interlocuteurs, les
projets qui échouent génèrent de
nombreuses externalités positives -
capacité à l’entreprenariat, données
collectées, retours d’expérience,
innovations incrémentales,... - qu’il
appartient de valoriser et diffuser.
Un échec n’est jamais inutile et peut
aboutir à des idées ou des projets
d’innovations ultérieurs.
L’enjeu est par conséquent d’organiser
la diffusion des enseignements
au cours de la vie des startups et
lorsqu’elles se transforment ou
disparaissent. À la fois pour renforcer
les chances des autres startups et pour
enrichir l’ensemble de l’écosystème au-
delà des startups.
Ces besoins dessinent les contours de
la structure attendue.
Valoriser et diffuser les externalités positives
partie 2
Comment soutenir
l’innovation aujourd’hui ?
• Ce qu’il ne faut pas (plus) faire
• Ce qu’il faudrait faire : des bonnes pratiques
et des idées pour avancer
Juillet 2014 - Ademe20
Avant de faire il faut parfois défaire. Pour les personnalités interrogées, il est
important dans un premier temps de “ne pas refaire ce qui ne marche pas”.
La structure de soutien à l’innovation se définit ainsi pour partie en creux,
en évitant les pièges rencontrés par d’autres.
Les entretiens ont également mis en évidence les bonnes pratiques
qui favorisent une innovation ouverte, distribuée et qui profite à l’écosystème.
Cet ensemble - ce qu’il faut faire et ne pas faire - jette les bases du futur
Lieu des Mobilités, creuset d’une nouvelle culture de l’innovation
dans les nouvelles mobilités.
partie 2 / Comment soutenir l’innovation
aujourd’hui ?
ne pas faire faire
1 / Sélectionner un projet selon :
• Ses chances préalables de succès
• Uniquement son apport
technologique
• Son absence de danger pour
les sortants
1/ Développer une culture
de l'innovation
2/ Sélectionner les projets
qui n'ont pas leur place ailleurs
2 / Considérer les startups comme :
• Des entreprises comme les autres
• Des sous-traitants des grands groupes
3/ Concentrer les services pour libérer
les créateurs
3 / Faire survivre trop longtemps
des projets qui n'ont pas prouvé
leur viabilité
4/ Créer des connexions
4 / Créer des lieux vides
5/ Donner des terrains de jeux
matériels et immatériels5 / Abandonner la startup
dans la Vallée de la Mort
Juillet 2014 - Ademe21
partie 2 / Comment soutenir l’innovation
aujourd’hui ?
1 / Ce qu’il ne faut
pas (plus) faire
1.1 Sélectionner un projet selon
ses chances préalables de réussite
De nombreuses structures de soutien
se félicitent d’avoir un “taux élevé
de survie des startups après 5 ans”.
Ce critère signifie sans doute que la
structure a bien fait son travail. Mais
il peut aussi signifier que la sélection
en amont a privilégié des solutions
sans risque : anticipant des tendances
déjà identifiées, pouvant être lancées
rapidement, déjà bien documentées et/
ou qui portent sur des marchés connus.
Il n’appartient pas à cette étude de
questionner l’opportunité des pouvoirs
publics à soutenir ce type d’innovation.
En revanche, ce ne sont pas ce type
d’innovations que la structure étudiée
souhaite soutenir.
1.2. Sélectionner un projet uniquement
pour son apport technologique
C’est le principal reproche entendu
au sujet des pôles de compétitivité
et des programmes comme les
Investissements d’Avenir.
La RD et la conception de produits
technologiques bénéficient déjà de
nombreuses structures et financement
en France. En trustant la quasi-totalité
des aides, elles défavorisent à l’opposé
les solutions plus risquées et moins
connues des organes de tutelle. C’est
le sens de la tribune écrite par Daniel
Kaplan et citée plus haut. Le reproche
fait au système n’est pas de financer
la RD technologique, il est de ne
financer que la RD technologique
(voir plus haut 1.1.).
B. Jeanvoine (BPI) : “Une société
comme Blablacar a été aidée à son
démarrage, mais uniquement sur le
volet technologie, pas sur le service”.
La société s’est ensuite tournée vers
des investisseurs privés étrangers
pour financer son développement :
étude des comportements, marketing,
commercialisation, relation-client et
développement international.
1.3. Sélectionner les startups selon
les mêmes critères que les autres
entreprises
Une startup est une “organisation
temporaire à la recherche de son
modèle économique”. Elle ne peut pas
Juillet 2014 - Ademe22
partie 2 / Comment soutenir l’innovation
aujourd’hui ?
être évaluée et jugée selon les mêmes
critères qu’une entreprise qui se lance
dans un secteur connu pour lequel les
données sont claires. “La difficulté est
que l’on nous demande de savoir où
on va à une période où on cherche
d’abord. Un business plan ne veut rien
dire lorsque l’on cherche son marché et
son modèle” (Stéphanie Bacquere).
Cela pose aussi la question de
l’expérience et la compétence des
personnes en contact avec les
startups : “si tu es salarié tu ne peux
pas t'occuper efficacement d'une
entreprise. Seul un entrepreneur peut
aider un entrepreneur” (Nicolas Colin).
“La nécessaire sélection darwinienne
des projets ne se fait pas dans des
réunions mais sur le terrain” rappelle-t-il.
1.4. Refuser un projet qui contrevient
à la stratégie des entreprises “en
place”
Bouygues Telecom Initiative soutient
les startups qui ont un lien avec ses
propres activités, même si ce lien n’est
pas nécessairement direct. Gemalto,
avec son Business Innovation Garage,
soutient les initiatives internes qui sont
en lien avec le plan stratégique de
l’entreprise. Ces démarches ne posent
aucun problème du moment où elles
concernent des structures clairement
rattachées à l’entreprise en question.
En revanche, “il ne faut pas qu’une
innovation de rupture soit bloquée
parce que n’entrant pas dans le plan
produit d’une entreprise” souligne
Éric Poyeton du Pôle de Compétitivité
LUTB. “Si l’on veut que la France soit
leader des solutions de mobilité, il faut
faire travailler ensemble des acteurs
y compris ceux qui peuvent craindre
de voir leur business ou leurs emplois
disparaître avec les changements à
venir” (ibid).
Ce reproche est apparu notamment
vis-à-vis de certains clusters où sont
présentes de grandes entreprises.
“Notre projet de startup innovante
dans les paiements n’a pas eu le
soutien de (la grande entreprise locale)
qui travaillait sur un projet similaire”
indique Raphael Suire, Maître de
Conférence à l’Université de Rennes-1.
Cette présence ne doit pas conduire
à limiter la capacité d’innovation des
startups.
Juillet 2014 - Ademe23
partie 2 / Comment soutenir l’innovation
aujourd’hui ?
1.5. Considérer que les startups sont de
simples sous-traitants des grands
groupes
“Une startup (BtoB) a besoin de
contrats” rappellent Arnaud Michard de
Bouygues Telecom et Louis Chatriot
de Local Motion. Notre PDG souhaite
que l’entreprise travaille plus avec
des startups” détaille A. Michard. “Le
parrainage interne dont bénéficient les
startups de l’accélérateur de Bouygues
Telecom augmente leurs chances
d’avoir des contrats avec nous”.
Mais Benoît Jeanvoine de BPI rappelle
qu’il existe des blocages culturels dans
les grandes entreprises : “les mentalités
sont restées du type donneurs d’ordre
- sous-traitants”. Mickael Desmoulins
de Renault : “sur la partie amont, en
phase de recherche et développement,
il y a un intérêt pour les startups à
co-construire avec nous”. Aujourd'hui
l’entreprise n’est pas organisée pour
coopérer étroitement sur les phases
aval avec des startups. Pour travailler
avec le coeur de métier, il faut être “au
panel”, c’est à dire référencé dans les
circuits d’achat et de coopération”.
Nicolas Colin considère que les startups
n'ont pas intérêt à devenir sous-
traitantes des grands groupes : “La
politique d’achat des grands groupes
exploite une filière ultra-optimisée :
ce n’est pas favorable à l’innovation”.
Par ailleurs, “lorsque les startups
échouent, au lieu de recommencer
avec l’expérience : elles deviennent
de mauvais prestataires des grandes
groupes et n’innovent plus”.
1.6. Faire survivre trop longtemps des
projets qui n’ont pas prouvé leur
viabilité
“Le doublement des crédits ne fait
pas le doublement de l’innovation”
(Philippe Méda). “Au lieu de fermer
leurs boîtes et d’en recommencer
une autre avec l’expérience acquise,
les fondateurs restent enfermés à ce
stade intermédiaire” (Nicolas Colin). La
startup qui ne trouve pas son modèle
économique, pas de ressources propres
et/ou de financement doit disparaître
le plus tôt possible pour conserver
des moyens notamment financiers de
rebondir.
C’est pour cette raison notamment que
les programmes les plus recherchés (Y
Combinator aux USA, Numa à Paris) ont
une durée courte. Quelques semaines à
6 mois maximum suffisent pour trouver
un partenaire qui s’engagera à plus long
Juillet 2014 - Ademe24
partie 2 / Comment soutenir l’innovation
aujourd’hui ?
terme (ex. : capital-risqueur). Ensuite
ce sont les actionnaires de la startup
qui l’accompagnent dans les phases
ultérieures. Dans le cas contraire, les
fondateurs peuvent se joindre à un
autre projet, recommencer un autre
avec les enseignements du premier, ou
être embauché par des entreprises.
1.7. Créer un lieu “vide”
Thibault de Jaegher, de l’Usine Digitale,
estime à 350 le nombres de structures
identifiées d’aides à l’innovation. En
faut-il de nouvelles ? “Ne faites pas des
locaux + des gens + du Wifi, il y en a
déjà des dizaines qui ne donnent rien”
(Philippe Meda).
Les personnalités interviewées ne
contestent pas l’utilité d’un lieu, mais
considèrent que bien d’autres questions
doivent être examinées avant : “Créer
un lieu, pour quoi faire ? Avec qui ?
Les gens vont-ils jouer le jeu ou pas ?
Il y a un vrai risque de monter un lieu
vide” (Paul Richardet, NUMA). “Le lieu
est une boîte, l’important ce sont les
gens : ce sont eux qui inventent, qui
développent, qui adaptent. Le lieu n’est
que l’emballage des relations entre
acteurs et des interactions qui y ont été
négociées. Il faut d’abord travailler sur
le réseau avant de l’enfermer quelque
part” (P. Richardet).
Un autre risque est de réduire et
enfermer l’éco-système. Cette
réduction peut être liée à des critères
de sélection territoriaux : “Actuellement
les lieux sont financés par des acteurs
locaux qui défendent leur territoire. Ces
lieux ont l’obligation de travailler avec
des gens qui développent des emplois
sur place. Cela pose le problème des
compétences et des financements
dédiés et affectés.”(Guillaume Uster,
IFFSTAR).
1.8. Ne pas soutenir au bon moment
Actuellement se créent un nombre très
important de lieux et de structures pour
le early stage, le début de la vie d’une
start-up. “En France on ne manque
pas d’aides pour le démarrage, avec
les fonds d’amorçage comme BPI et
le réseau des Business Angels” (Benoît
Jeanvoine, BPI). En revanche pour la
phase suivante (les 3 ans qui suivent),
on manque de fonds. On a toujours
“la vallée de la mort” après l’amorçage
car nous n’avons pas de fonds dédié
pour cette phase”. Les startups qui ont
démontré que leur produit rencontrait
le marché doivent se développer
Juillet 2014 - Ademe25
partie 2 / Comment soutenir l’innovation
aujourd’hui ?
rapidement. Or, c’est à ce moment que
l’argent manque dans l’écosystème
français. “L’indicateur Chausson, qui
recense les sommes investies dans le
capital-risque en France, montre un
certaine stabilité alors que le nombre
de projets à financer augmentent
(...) Au moment où elles doivent se
développer on leur demande de faire
“preuve de raison” alors qu’en Israël
ou à aux USA elles bénéficieront de
soutien. C’est un problème européen”
note Arnaud Michard (Bouygues
Telecom). “Les startups françaises ont
un problème de sous-capitalisation”.
NB : la question spécifique
du financement des startups
en phase de développement
n’a pas été étudiée en détail
dans cette étude.
Juillet 2014 - Ademe26
partie 2 / Comment soutenir l’innovation
aujourd’hui ?
2 / Ce qu’il faut faire
2.1. Développer avant tout une culture
de l’innovation
Philippe Méda : “la notion de lieu est un
enjeu qui peut être traité à la fin car ce
n’est pas ce qui va faire la différence”.
”Ce n’est pas le lieu qui est important,
c’est la culture que tu mets dedans :
l’ambiance, la doctrine, la déco, la
configuration…” confirme Nicolas Colin.
“L’innovation c’est un état d’esprit, une
culture. Pas un lieu ou une structure”
(Olivier Ezratty). Éric Poyeton : “pour
innover sur la mobilité, il faut jouer sur
les compétences, les processus, mais il
faut aussi faire germer un état d’esprit
innovant et agile”.
2.2. Comment favoriser cette culture ?
Paul Richardet, du Numa : “Il faut créer
de l'envie, du besoin, une dynamique
interne et positive. C’est la matérialité
réelle et symbolique de l’écosystème
qui importe. Il faut d’abord travailler
sur le réseau avant de l’enfermer
quelque part”. Ne pas vouloir tout faire
et tout décider seul : “Qu’est-ce que
veut l’écosystème ? Il faut en avoir
une vision claire, identifier les acteurs
notamment les petits, ceux qui n’étaient
pas identifiés jusqu’alors et qui sont
peut être les pépites de demain. Créer
un espace pour les nouveaux entrants.”
La notion de culture est indissociable
de celle de l’écosystème qui la pratique.
“Un écosystème permet de faire
naître de nouvelles idées, les tester,
les accompagner et les protéger” (P.
Richardet, Numa). Sinon c’est “5 ans de
travaux et je décide tout tout seul”.
Pour cela, les structures développent
des animations, évènements,
différents formats de rencontres et de
partenariats. Par exemple le Camping à
Paris propose aux grandes entreprises
des formats d’accompagnement
sur la durée comme le Data Shaker
ou le parrainage de promotions de
l’accelérateur. Le Numa accueille aussi
plus de cent évènements par ans dans
Juillet 2014 - Ademe27
partie 2 / Comment soutenir l’innovation
aujourd’hui ?
ses murs, dont la moitié est laissée à
l’initiative de ses membres.
Grâce à cette culture partagée, la
génération de projets sera facilitée : “Il
faut créer un espace pour les nouveaux
entrants. Un écosystème permettant
de faire naître de nouvelles idées, les
tester, les accompagner et les protéger”
(Paul Richardet, Numa).
2.3. Sélectionner les projets qui n’ont
pas déjà leur place ailleurs
“Il faut permettre l’émergence
d’innovations hors du pipeline,
celles qui ne correspondent pas à
un lancement de produit proche et
pour lequelles nous ne bénéficions
pas ou peu de données” dit Philippe
Meda. Pour cela, il faut “faire une anti-
sélection de projets (...) refuser les
business as usual, les projets purement
technologiques (...) recommande-t-il.
La sélection des startups doit
encourager celles qui recherchent
de nouvelles manières d’accéder au
marché, de faire évoluer les usages,
les tendances, les réglementations.
“Il faut mettre en place des dispositifs
pour explorer des marchés qu’on ne
connaît pas et sur lesquels on a pas ou
peu de données (...) des dispositifs qui
mettent en évidence la partie délicate
et risquée : quand on ne sait pas où,
par qui et comment vont se construire
de nouveaux modèles économiques”
(Philippe Méda).
Pour cela il faut favoriser le
foisonnement et la prise de risque :
“Très souvent les startups ne sont
pas repérables et les bonnes idées
innovantes ressemblent à de mauvaises
idées au départ” indique Nicolas Colin.
2.4. S’appuyer sur des “connecteurs”
Olivier Ezratty, consultant et auteur
du Guide des Startups, souligne le
rôle des mentors dans les processus
d’innovation des startups. Ces mentors
peuvent être des consultants, des
experts indépendants ou des salariés
de grandes entreprises ou de startups
(c’est le cas par exemple de Louis
Chatriot de Local Motion).
Le mentor apporte son expertise sur
des domaines ou des phases précises
de développement. Les mentors
connectent les startups au marché,
notamment en BtoB. Pour les grandes
entreprises, c’est à fois donner et
apprendre : “Devenir mentor dans un
lieu externe aurait beaucoup de sens
pour nous” précise Mickael Desmoulins
Juillet 2014 - Ademe28
partie 2 / Comment soutenir l’innovation
aujourd’hui ?
de Renault. Dans la Silicon Valley les
mentors sont souvent des alumnis
(anciens des incubateurs) qui “rendent
ce qu’on leur a donné” en aidant les
startups (Louis Chatriot).
Au-delà des aspects matériels, la
connexion avec l’écosystème est
essentielle pour une startup. Arnaud
Michard de Bouygues Telecom
Initiative : “quand on est une startup
on ne connaît personne (...) au début
c’est hyper dur de rencontrer des gens”.
Nicolas Jaulin, fondateur de Pysae,
jeune startup de géocalisation : “dans le
transport il y a des grandes entreprises
et organisations : pas facile d’entrer
en contact avec la bonne personne; il
faut avoir des relations, ou gagner des
concours”. Un mentor peut mettre en
relation la startup avec des contacts
précieux pour elle.
“Rencontrer des mentors de l’industrie
a une double utilité : ils t’aident mais
ils peuvent aussi être clients de ton
produit en BtoB” (Louis Chatriot).
2.5. Concentrer les services pour
libérer les créateurs
Les créateurs de startups sont dédiés
à 100% au développement de leur
produit et à l’exploration de son
marché : ils n’ont ni le temps ni les
moyens de démarcher, se renseigner,
rechercher de l’information ou
accomplir des formalités. Ces tâches
doivent leur être facilitées. Nicolas
Jaulin : “nous aurions besoin d’un
guide clé-en-main, d’un guichet
unique à toutes les étapes”. Le Guide
réalisé par Olivier Ezratty est une aide
précieuse. Des “connecteurs” pourraient
également compléter le dispositif en
l’adaptant aux besoins spécifiques de
chaque startup.
C’est le principe développé par des
structures comme Y Combinator en
Californie, ou The Family à Paris. Plutôt
que de concentrer les entrepreneurs, ce
sont les ressources qui le sont : juristes,
experts, connecteurs, communiquants.
Ils sont accessibles à tous les “incubés”
en un même lieu. Des évènements
Juillet 2014 - Ademe29
partie 2 / Comment soutenir l’innovation
aujourd’hui ?
sont également organisés, dans les
murs - un dîner par semaine avec des
personnalités extérieures - ou hors les
murs, avec des tournées d’investisseurs
en Europe (Numa) ou dans la Silicon
Valley (The Family).
2.6. Donner des “terrains de jeux”
matériels et immatériels
Romain Lacombe (Etalab) : “l’innovation
a autant besoin de ressources que de
permissions et de possibilités”.
Les startups doivent pouvoir innover
dans tous les domaines, y compris
juridiques et modèles d’affaires.
Pour cela, des capacités de tests et
d'expérimentation sont essentielles. Il
peut s’agir de pistes d’essais techniques,
comme celles développées par le
Pôle LUTB, mais aussi de plateformes
technologiques, de données ou de
webservices. Le programme Paris
Région Lab met à disposition de 40
projets de mobiliers “intelligents” des
espaces publics et du mobilier urbain,
sur lequels les expérimentateurs
peuvent interfacer leurs prototypes.
Romain Lacombe (Etalab) propose que
les “quartiers numériques” soient aussi
ceux dans lesquels il serait possible
d’innover sur le mobilier urbain.
L’innovation a aussi besoin de “terrains
de jeux” juridiques. La récente actualité
sur le conflit taxis/VTC l’a souligné :
beaucoup de startups innovent sur les
aspects juridiques et modèles d’affaires.
Le soutien à l’innovation doit intégrer
des “permissions” de modifier ou
adapter ces règles afin notamment de
prendre en compte les capacités offertes
par la technologie : mise en relation
individualisées, personnalisation, temps
réel, désintermédiation.
Le statut particulier de la startup -
précarité, caractère éphémère - pose
également la question du statut
juridique de ses fondateurs. Raphaël
Suire (Université de Rennes-1) souligne
le manque de passerelles entre
l’université et l’entreprise. Les étudiants
qui portent un projet de startup pendant
leurs études n’ont plus de statut une fois
celles-ci achevées. Il faut “bricoler” des
conventions de stages.
Les terrains de jeux peuvent être
managériaux également. Chez Renault,
Mickael Desmoulins souligne le besoin
pour les salariés du groupe de disposer
de “terrains de jeux” neutres, “hors des
silos de l’entreprise”. D’où la création de
fablabs internes, ouverts aux membres
de l’entreprise.
Juillet 2014 - Ademe30
partie 2 / Comment soutenir l’innovation
aujourd’hui ?
2.7. Favoriser une nouvelle coopération
entre startups et grands groupes
Les entreprises ne doivent pas avoir
peur de travailler avec des startups.
Romain Lalanne (opendata SNCF)
indique que “beaucoup de grands
groupes ont peur de travailler avec
startups, car ils y voient un risque de
perte de compétitivité”. “Organiser
des rencontres entre agents SNCF
et startups a pu représenter un choc
culturel pour certains” au début, mais
la SNCF tire un bilan très positif de
sa collaboration avec Le Camping
(incubateur de Paris) : “travailler avec
des startups est une nouvelle façon
d’innover; on est sur un enjeu de
transformation en interne”.
2.8. Quel est le bon type de relations
entre grands groupes et startups ?
Pour Nicolas Colin, il existe deux façons
principales pour les grands groupes de
travailler avec les startups :
• les racheter, notamment celles
qui ont échoué : “cela permet de
faire entrer dans ton entreprise des
entrepreneurs exceptionnels, qui ont
une culture d’exécution très forte;
plutôt que d’investir dans les startups
au début, ce qui peut bloquer d’autres
actionnaires, N. Colin recommande
de les racheter “à l’arrivée pour y
faire entrer des managers que les
recruteurs n’auraient pas vu”
• mettre à disposition une plateforme
de ressources : créer des plateformes
de données et des webservices
permettant aux startups de créer des
applications; il s’agirait de plateformes
ouvertes à tous avec des conditions
générales, sans négociation de gré à
gré, à l’image des AppStores.
La culture de l’innovation appelée de
tous les voeux ne se fera pas sans des
changements profonds à tous les
niveaux de l’économie : changer les
mentalités, apprendre à coopérer, faire
confiance, libérer les initiatives et ouvrir
les ressources. Le “lieu” proprement dit
n’est qu’accessoire, même si il porte en
lui les symboles de ces changements.
partie 3
Créer une “Vallée
des Mobilités”
• Favoriser l’innovation “out of the box”
• Révéler et faire vivre l’éco-système
• Donner des permissions plutôt que des moyens
Juillet 2014 - Ademe32
partie 3 / Créer une “Vallée des Mobilités”
1 / Favoriser l’innovation
“out of the box”
1.1. Faire une “anti-sélection”
de projets
Le rapport Manceau-Morand (précité)
l’a rappelé : il serait illusoire de ne
prétendre sélectionner que les
“innovations disruptives”. Pour autant,
il serait vain de soutenir des “pseudo-
innovations”, qui ne font par exemple
que reproduire le passé en y ajoutant
de la technologie.
La sélection doit par conséquent
s’opérer d’abord par défaut, en
éliminant les projets qui apparaissent
comme de simples anticipations de
tendances, sur des marchés connus,
avec des capacités d’exploration limitées.
Trois éléments principaux sont pris en
compte dans la sélection d’un projet :
• l’équipe,
• le produit (ou l’idée de produit)
• le(s) marché(s) visé(s)
Ce n’est pas tant l’expérience de
l’équipe qui est recherchée que sa
capacité à “exécuter”: délivrer le produit
au marché. Nombreux sont les succès
venant d’entrepreneurs qui “n’avaient
jamais fait cela avant”. La qualité du
produit se définit elle par la manière
dont il est adopté par le marché, et par
ses qualités intrinsèques : simplicité,
rapidité, fonctionnalité,…La taille du
marché est à la fois le nombre de
clients potentiels et la capacité de
croissance.
Il n’y a pas de recette miracle pour “trouver le prochain Blablacar”.
En revanche, de bonnes pratiques permettraient de progresser dans la sélection,
l’accompagnement et le suivi des startups, augmentant leurs chances de succès.
Au-delà, ces pratiques permettraient de révéler une “autre vallée” qui s’ignore :
l’écosystème des nouvelles mobilités.
Nous proposons ici une esquisse de ce que pourrait faire une structure de soutien
à l'innovation dans les nouvelles mobilités.
Juillet 2014 - Ademe33
partie 3 / Créer une “Vallée des Mobilités”
La sélection prend en compte
également le “portefeuille” de projets
au sein de la même structure : éviter la
concurrence entre solutions, favoriser
les complémentarités et répartir les
risques.
Les modes de sélection des startups est
majoritairement le “pitch” : de courtes
présentations orales concrètes, allant à
l’essentiel. Elles visent à mettre en avant
les problèmes que le produit envisage
de résoudre, les avantages compétitifs
attendus et les premiers retours
du marché (personnes intéressées,
premiers clients, croissance). Avantage :
ces méthodes sont peu coûteuses et
ne nécessitent pas de passer par des
intermédiaires spécialisés.
1.2. Mettre en tension les projets
Une fois sélectionnée, la startup se
met au travail au sein de la structure.
La recherche du “product/market fit”
(adéquation entre un produit et un
marché) ne prend pas des années
lorsque l’entreprise est bien encadrée
et qu’elle pratique des méthodes agiles.
Quelques semaines suffisent à créer
un produit minimum viable et le tester
auprès du marché. Une fois le modèle
validé, le processus est plus long
mais les éléments sont réunis pour
progresser.
C’est pourquoi la méthode préconisée
privilégie des cycles courts (3 à 6 mois)
en phase de démarrage. Ces cycles
courts permettent de :
• limiter la consommation de
ressources
• itérer rapidement avec le marché, en
faisant évoluer son produit et/ou ses
cibles
• sélectionner les équipes à même de
“délivrer” leurs produits et cibler leurs
marchés
• privilégier la mort rapide des projets
(fail fast, fail often) pour “renaître”
avec de nouveaux projets, plutôt que
de perdre du temps et de l’argent
à développer des projets dont le
marché ne veut pas.
À la fin de cette période, les startups
doivent trouver des financements
auprès d’investisseurs spécialisés pour
continuer leur développement.
Juillet 2014 - Ademe34
partie 3 / Créer une “Vallée des Mobilités”
1.3. Former et accompagner
La formation et l’accompagnement des
entrepreneurs portent sur divers sujets :
• la veille sectorielle sur les marchés, les
solutions et les modèles
• l’apprentissage du travail en équipe
• la pratique des méthodes agiles de
conception, de test et d’itération
• l’aide au prototypage
• la recherche de marchés
• le customer development, le
marketing et la communication
• ...
L’accompagnement peut prendre
plusieurs formes : aide individualisée,
ateliers, conférences, visites et rendez-
vous externes avec des clients, des
investisseurs. Les formations peuvent
être structurées en sessions internes,
ouvertes au public ou partagées en
ligne (e-learning, MOOC). La proximité
des startups entre elles, permanente ou
temporaire (à l’occasion d’évènements
ou de formations) permet d’échanger
et de partager les savoir-faire.
L’accompagnement implique en
contrepartie pour la startup de rendre
compte sur les avancées des différentes
phases de développement et sur ses
orientations.
Cet accompagnement est dispensé
par des professionnels, salariés de la
structure, mais aussi par des mentors
et experts prestataires ou bénévoles.
D’anciens entrepreneurs apportent
expérience et relations à la structure.
1.4. Créer un guichet unique pour les
entrepreneurs
Les entrepreneurs ont besoin de se
concentrer sur ce qu’ils savent faire :
concevoir, développer et vendre
leurs produits. Les spécificités des
startups s’accomodent peu des
structures traditionnelles de soutien
à la création d’entreprise : formes
juridiques et pactes d’actionnaires
particuliers, problématique des levées
de fonds, importance de la propriété
intellectuelle,...
Or les ressources spécialisées
(juridique, comptables,...) sont rares
et souvent dispersées. Concentrer ce
type de ressources semble un moyen
efficace d’aider les entrepreneurs
aux différents stades de leur projet.
Certaines strucures proposent déjà
des packages de services : juridiques,
comptables, y ajoutant des aides pour
la communication ou le marketing
numérique.
Juillet 2014 - Ademe35
partie 3 / Créer une “Vallée des Mobilités”
2 / Révéler et faire vivre
l’écosystème
La particularité de l’écosystème des
nouvelles mobilités est qu’il n’entre
pas dans les limites prédéfinies d’une
filière ou d’un secteur industriel.
La première tâche d’une structure
dédiée à l’innovation sera de le
révéler, en connectant ses membres
pour exprimer le potentiel de leur
coopération.
2.1. Connecter
Une startup s’inscrit dans un triangle de
relations avec les grandes entreprises et
les investisseurs.  
La startup a besoin de connexions avec
les entreprises présentes sur le marché
qu’elle vise (distributeurs, fournisseurs
d’accès, opérateurs téléphoniques,
transporteurs,...) ainsi qu’avec les
investisseurs pour être soutenue
financièrement.
En particulier, les “premiers pas” doivent
être favorisés pour les nouveaux
entrants dans l’écosystème : de
l’université à la startup (quel statut
pour les anciens étudiants ? quelles
connexions ?), de la startup vers les
grands groupes (quelles relations ?), des
grands groupes vers les startups (quels
contrats ?).
L’ouverture des grandes entreprises
et des PME vers les startups est une
des clés de voûte de cet écosystème.
Ni relation de sous-traitance, ni
concurrence, cette ouverture doit
profiter également aux deux parties
pour réussir l’innovation en matière
de nouvelles mobilités. La Silicon
Valley, souvent citée en exemple, se
caractérise par la proximité et la qualité
des relations entre grands groupes et
startups.
Il est essentiel enfin que ces trois
“points du triangle” soient reliés à
un écosystème qui inclut également
les mentors, les acteurs publics,
l’enseignement, la recherche,...
Une structure publique a un rôle de
facilitateur essentiel à y jouer.
Juillet 2014 - Ademe36
partie 3 / Créer une “Vallée des Mobilités”
2.2. Révéler
Les animations et évènements sont
indispensables pour connecter les
différentes parties prenantes de
l’écosystème : formations (voir plus
haut), conférences, ateliers, rencontres
avec des professionnels, des mentors,
anciens entrepreneurs et investisseurs.
Ils doivent être ouverts largement
pour attirer des publics non identifiés
au préalable comme faisant partie de
l’écosystème.
Ces animations doivent être co-
produites par les membres et
partenaires de la structure (grands
groupes), les mentors, et les
startups elles-mêmes. Cette co-
production garantit implication des
parties prenantes, pertinence et
renouvellement des sujets présentés.
Ces pratiques sont déjà mises en
oeuvre par certaines structures comme
le Numa à Paris. Elles posent cependant
la question de la capacité à dupliquer
ce type de schéma : les orateurs,
accompagnateurs, experts et mentors
sont des ressources rares; les grandes
entreprises qui y participent ne sont
pas représentées sur tout le territoire.
L’écosystème aujourd’hui est très
centralisé et ne semble pas pouvoir être
“transposé” facilement.
Juillet 2014 - Ademe37
partie 3 / Créer une “Vallée des Mobilités”
3 / Donner des permissions
plutôt que des moyens
Les acteurs rencontrés ont insisté
sur la nécessité de ne pas enfermer
l’innovation, mais au contraire de la
libérer. L’innovation est dans le hasard
et la sérendipidité. Elle ne se provoque
pas, elle se constate. Pour favoriser
le foisonnement des idées et leur
créativité, il faut proposer des accès,
des ouvertures, des autorisations de
faire. Les startups ont besoin aussi de
capacités de test de leurs solutions
pour faciliter leur prototypage. De
plus en plus de projets nécessitent
également l’accès à des données et des
services (cas du transport).
3.1. Proposer des “terrains de jeux”
Disposer d’un “terrain de jeux”
consiste à bénéficier de l’accès à des
fonctionnalités, des données, des
capacités de test,..appartenant à des
tiers ou la collectivité. C’est également
disposer de “permissions” temporaires
ou définitives permettant de s’affranchir
de certaines règles ou principes afin de
libérer l’innovation.
Cette notion de “terrain de jeu”
diffère de celle d’expérimentation.
L’expérimentation implique le plus
souvent un cadre strict en amont et une
destination fléchée des résultats en aval.
La formidable réussite des Appstores
d’Apple et Android démontre la
puissance de modèles où une
organisation ouvre à d’autres
ses fonctionnalités et facilite leur
réutilisation. L’entreprise qui ouvre sa
plateforme considère que la puissance
et la créativité de l’ “extérieur” sont
supérieures à celles dont elle dispose.
La plateforme devient un “terrain
de jeu” pour les développeurs. Ils y
disposent d’une grande liberté, sur la
base de règles préétablies et non de
négociations de gré à gré. L’attractivité
des applications créées renforce
l’attractivité de la plateforme en créant
un écosystème autour de ses solutions.
Ce modèle est très différent du modèle
traditionnel de relations clients/
fournisseurs qui prévaut encore dans
beaucoup de secteur, dont celui des
mobilités.
L'innovation ne se provoque pas,
elle se constate
Considérer que la puissance et la créativité
sont plus fortes à l'extérieur qu'à l'intérieur
de son organisation
Juillet 2014 - Ademe38
partie 3 / Créer une “Vallée des Mobilités”
Les pouvoirs publics disposent par
essence d’une grande capacité à
créer des plateformes : la décision
du gouvernement américain de
rendre accessible aux usages civils
le système GPS de géolocalisation
par satellite a ouvert une ère de
développement et d’innovations
sans précédent dans de nombreux
domaines. Les réseaux routiers,
ferroviaires, de communications,... sont
des plateformes. Les futures “régies
de données” seront des plateformes
pour créer des applications ayant pour
ingrédients les données des villes et
grands services publics.
3.2. Accéder à des données
et des services
Le fait de conserver des données
hors de portée des tiers est un frein
nettement plus important que le
manque de moyens.
Dans le cas des nouvelles mobilités,
les acteurs publics et privés génèrent
une masse importante de données
- infrastructure, offre, usage - qui
pourraient servir de socle à la création
de milliers de services. En particulier
elles pourraient aider à la génération
d’applications situées en aval des
solutions existantes : information
voyageurs, aide au déplacement,
pricing, distribution des titres, relation-
client,...L’hypothèse est que l’ouverture
et l’accès organisés à ces données
(documentation, web services,...)
génère des applications dont personne
n’avait pu avoir l’idée auparavant.
L’accès à des “briques” de données et
service permet également de gagner
du temps et créer des solutions “over-
the-top” : par exemple, s’interfacer
avec une solution de cartographie
plutôt que de la créer de toutes pièces.
Chaque “brique” gère ses propres
développements et mises à jour,
profitant à l’ensemble des solutions
interfacées.
Pour cela, il est essentiel que ces
interfaces soient disponibles sans
conditions en amont (sélection des
réutilisateurs) ou en aval (restrictions
d’usage).
Ouvrir ses données pour générer des
applications dont personne n'avait pu avoir
l'idée auparavant
Juillet 2014 - Ademe39
partie 3 / Créer une “Vallée des Mobilités”
De même, il est vain de penser que
cette ouverture peut donner lieu à
un retour sur investissement direct et
immédiat. Les données brutes n’ont
pas de valeur intrinsèque. C’est leur
transformation en services qui va
(peut-être) en créer. Le succès de ces
services contribue alors au succès
des plateformes qui les accueillent ou
qui sont interfacées avec elles. Ainsi,
le réseau de transport qui ouvre ses
données pour permettre la création
d’applications innovantes verra sa
fréquentation augmenter grâce à ces
applications.
De compétition ou sous-traitance, les
acteurs passent à la co-opétition et la
sur-traitance, inventant de nouvelles
formes de collaboration. On assiste
ainsi à des “échanges de données”
entre autorités publiques et entreprises
privées : des solutions comme Moovit
ou encore MotionLoft transmettent une
partie des données qu’elles collectent
aux collectivités en échange d’accès
à d’autres données ou services (San
Francisco, ou Rio pendant la Coupe
du Monde). Une entreprise comme
Tesla (voitures, bornes et batteries
électriques) ouvre l’accès à ses brevets
afin de favoriser le développement d’un
écosystème autour de ses solutions.
3.3. Accéder à des plateformes
techniques
L’accès à des plateformes de tests et
d’ingénierie techniques est stratégique
pour des startups technologiques.
Comme pour les données, des modèles
de coopération sont à imaginer pour
favoriser l’innovation “avec et par
l’extérieur”.
L’accès à des laboratoires, ateliers
et “fablabs” (ateliers de fabrication)
ouverts permettrait de disposer d’outils,
de machines, mais aussi de conseils et
d’échanges.
De même, les entreprises travaillant sur
des objets, des interfaces ou des solu-
tions en rapport avec le mobilier urbain
devraient pouvoir bénéficier d’ “accès” à
ce mobilier pour tester leurs solutions.
Créer de toutes pièces des “villes
virtuelles” ne répond que partiellement
aux besoins : en effet, c’est la réponse du
marché - des utilisateurs - qui détermine
les progrès et le succès du projet. Celle-ci
ne peut être recréée “in vitro”. Les futurs
quartiers numériques pourraient être le
cadre de ces “laboratoires vivants” : des
territoires pionniers pourraient accepter
d’être le terrain de jeux d’entreprises,
organisations et laboratoires à la
recherche d’innovations dans le domaine
des mobilités.
Juillet 2014 - Ademe40
partie 3 / Créer une “Vallée des Mobilités”
3.4. Accéder à des “oasis juridiques”
De nombreux succès récents
portent autant sur les fonctionnalités
proposées que sur le modèle d’affaires :
louer plutôt qu’acheter, partager,
échanger, mettre en relation,... Ces
situations peuvent se confronter aux
réglementations en vigueur, comme le
montrent l’exemple de Booking, Airbnb
ou Uber.
De même, la Google Car a montré
que des innovations radicales - une
voiture sans conducteur pilotée
par des logiciels - nécessitent des
changements législatifs pour permettre
leur utilisation.
Des territoires pionniers pourraient
autoriser localement et/ou
temporairement la déréglementation
de certains secteurs, afin de servir
de terrain de jeux à des startups. On
pourrait imaginer des villes accueillant
des drones, des robots, des voitures
sans conducteurs, ou encore autorisant
des modifications du code de la route,
du stationnement, des tarifs de services
publics,...Bien évidemment cette
déréglementation devrait respecter
les droits des tiers, en particulier la
sécurité.
Ceci créerait un appel d’air pour les
startups qui travaillent aux franges
de la réglementation. Des systèmes
d’évaluation permettraient de tirer les
conclusions de ces expériences, afin de
faire évoluer ou non la réglementation
nationale par la suite.
3.5. Accéder de manière privilégiée
à des marchés publics
Les collectivités pourraient développer
une politique d’achat plus favorable aux
startups et à l’innovation de rupture.
Ceci signifie par exemple :
• donner un accès privilégié aux très
petites entreprises dans leurs appel
d’offres (exemple du Small Business
Act américain)
• accepter d’acheter ou participer à
l’achat de produits ou services “en
l’état futur” et qui ne seront peut-être
jamais mis en service (exemple du
crowdfunding).
Cette mesure pourrait être couplée
avec celle créant des “oasis juridiques”.
Les quartiers numériques pourraient être les
terrains de jeux des entreprises innovantes
Juillet 2014 - Ademe41
CONCLUSION
L’innovation aujourd’hui ne s’impose
plus. Elle ne se déclare plus. Elle se
constate, dans l’adoption massive par
le marché d’une technologie, d’un
service ou d’un usage. Ce changement
de paradigme nécessite d’adopter une
approche plus modeste, résiliente et
plus “apprenante” de l’innovation.
Pour les acteurs traditionnels du
transport la question aujourd’hui
n’est plus : “comment lutter contre
les changements et défendre nos
positions ?”, mais “comment apprendre
nous aussi à inventer des services de
mobilités qui soient adoptés par nos
clients ?”.
Les personnalités interrogées dans
cette étude considèrent que les
démarches d’innovation actuelles sont
peu efficaces pour relever ces défis :
trop prévisibles, trop lourdes, trop
ciblées sur les seules technologies. Ces
méthodes passent à côté de ce qui
fait le succès des “nouveaux entrants” :
la capacité à trouver l’adéquation
produit/marché en s’appuyant sur des
technologies existantes et passer à
l’échelle rapidement. Et surtout, ces
démarches privilégient les grandes
entreprises au détriment des startups,
têtes chercheuses de l’innovation
moderne.
Le défi de l’innovation à l’ère d’internet
est de faire confiance à la capacité
créative de chaque partie pour faire
progresser l’ensemble de l’écosystème.
Ceci suppose pour la filière d’accepter
de ne plus tout maîtriser et de se
mettre au service des autres acteurs,
déjà identifiés ou non. De créer les
conditions de réussite et ouvrir ses
ressources, sans savoir à l’avance ce
qu’il en adviendra.
Les pouvoirs publics ont un rôle
essentiel à jouer : ils maîtrisent
l’infrastructure physique et légale;
ils peuvent favoriser la diffusion des
externalités positives générées et
jouer le rôle d’intermédiation entre
tous les acteurs pour identifier et lever
les barrières. La tâche est immense,
tant la filière des nouvelles mobilités
s’ignore encore aujourd’hui. Elle
est passionnante, car l’essentiel des
changements est devant nous.
Juillet 2014 - Ademe42
CONCLUSION
Le dispositif proposé dans cette étude
n’a pas vocation à être exhaustif; il s’agit
ici d’une esquisse. Ce ne sont que des
pistes dont l’application doit être testée,
améliorée et surtout négociée avec
les parties prenantes. En revanche, ce
dispositif ne peut être mis en oeuvre
partiellement : l’accès aux ressources,
l’accompagnement, la capitalisation
par la formation et l’animation sont
indissociables.
La création d’une nouvelle culture de
l’innovation en France est appelée de
tous les voeux. Le secteur des nouvelles
mobilités, au croisement des modes de
vie et de la technologie, peut en être
le fer de lance tant il touche à la fois
nos vies quotidiennes, nos territoires
et nos industries. C’est une chance qui
se présente pour les citoyens, pour les
entrepreneurs et pour l’environnement.
Agence conseil en stratégie
et marketing des services
74, rue Ange Blaise
35000 Rennes
06 17 18 03 71
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Vers un Lieu des Mobilités ? Étude de l'ADEME réalisée par 15marches

  • 1. juillet 2014 vers un lieu des mobilités Étude de définition D'UN DISPOSITIF de soutien à l'innovation dans le domaine des nouvelles mobilités
  • 2. Juillet 2014 - Ademe2 Avant-propos La crise financière et la prise de conscience écologique ont modifié l’approche collective de la mobilité. La voiture est remise en cause dans son usage traditionnel. Les investissements publics en infrastructures sont questionnés. Le modèle économique du transport collectif montre ses limites en dehors des zones très denses. Comment se déplaceront les 7 milliards d’habitants à l’avenir ? L’enjeu n’est plus seulement d’améliorer les moyens de déplacement mais de permettre à tous de mieux se déplacer. La ville 2.0. a un potentiel immense pour changer radicalement la manière dont se conçoit la mobilité. À la planification et aux transformations urbaines se substituent des modes d’optimisation des ressources et infrastructures existantes. Des solutions de “dé-mobilité” (travail et études à distance, livraison, organisation des temps...) se créent pour réduire, potentiellement, l’empreinte de nos déplacements. Certaines entreprises agissent désormais à la source, en modifiant l’organisation de leurs activités, pour moins se déplacer tout en améliorant leur coeur de métier. Les nouvelles plateformes numériques conquièrent des positions dominantes dans l’“aval de la relation” entre le voyageur et les acteurs de la mobilité. Des services comme Uber ou Blablacar proposent une offre abondante et peu coûteuse à produire. D’autres applications font appel aux contributions volontaires des voyageurs pour recueillir et diffuser leurs données de déplacements. Demain les automobiles connectées entreront dans la sphère d’influence de ces géants du numérique, de la construction à l’usage quotidien. Non seulement ces plateformes tissent de nouvelles relations avec les usagers mais elles permettent également par les assistants personnels de mobilités (smartphone) qu’elles utilisent, de créer de nouvelles connaissances sur les pratiques et les usages de transport qu’aucun acteur historique n’est capable de produire. Ces innovations n’ont pas été mises sur le marché par les acteurs de la filière automobile. Les fondateurs de Waze ne viennent pas de la cartographie. Ceux de Blablacar ne viennent pas de l’automobile. Ce sont des entreprises technologiques qui utilisent le
  • 3. Juillet 2014 - Ademe3 Avant-propos numérique pour atteindre rapidement une taille mondiale. En 2004, 3 500 personnes s’inscrivaient sur Blablacar. Aujourd’hui elles sont 3 500 par jour dans plus de 10 pays. Waze est passée d’1 à 70 millions d’utilisateurs en 5 ans. Le succès de ces entreprises relève de modèles d’innovation, de financement et de croissance radicalement différents de ceux rencontrés dans l’industrie et les services. Basés sur un accès rapide au marché, ils privilégient la recherche de modèles d’affaires permettant une croissance à coût marginal réduit (scalabilité). Ces modèles s’appuient sur le dynamisme de nouvelles entreprises, appelées startups, qui se créent aussi rapidement qu’elles disparaissent.  Ces startups évoluent dans un univers très différent de celui des industriels traditionnelles, avec leurs propres infrastructures (matérielles et immatérielles), financements et des débouchés. La filière des mobilités se retrouve ainsi, malgré elle, dans un nouvel écosystème numérique qu’elle connaît mal et ne peut maîtriser. Le secteur n’a pas encore pris la mesure de ces nouveaux modèles. Il devient urgent de développer de nouveaux processus opérationnels adaptés à tous les acteurs. Interroger le “comment innover ?” - processus, méthodes - et le “où innover ?” - lieux, structures de soutien et d’accompagnement. Une nouvelle filière industrielle émerge. Elle rassemblera les acteurs historiques des transports (transports publics, infrastructures, énergies) et de l'automobile qui cherchent à concevoir de nouvelles briques technologiques pour un nouveau système de mobilité. Elle rassemblera également des acteurs issus du numérique ou encore de l'économie collaborative. Cette filière n'a pas conscience d'elle même, en conséquence tous les acteurs ne sont pas synchronisés et les projets s'engagent à la marge. Le risque à l’inaction est grand car de nouveaux acteurs concoivent aujourd’hui de nouvelles relations avec les usagers. L’objectif de la présente démarche est de rendre cet écosystème réflexif (être capable de réfléchir sur soi-même) pour lui permettre d'accélérer l'innovation, d'être conscient et d'incarner cette nouvelle filière industrielle créatrice de valeurs et d'emplois.
  • 4. Juillet 2014 - Ademe4 Comment - et avec qui - favoriser l’innovation dans les nouvelles mobili- tés ? Quel peut être le rôle de l’action publique ? Celui de l’Ademe ? S’appuyant sur les dynamiques entreprenariales issues des 2 jours du séminaire Mobilites Mutations, l’Ademe a lancé une étude de définition d’un nouveau dispositif de soutien à l’innovation dans le domaine des nouvelles mobilités. La démarche retenue est inductive. Une quinzaine d’entretiens semi-directifs ont été réalisés. Le choix s’est majoritairement porté sur des acteurs hors du secteur traditionnel de l’automobile, de tailles et de situations variables : startups, structures de soutien, grandes entreprises impliquées dans l’écosystème, experts de l’innovation. L’objectif n’était pas de bénéficier d’un panorama global des moyens dédiés à l’innovation, mais d’un retour d’expériences sur le système. L’innovation vue par les gens qui la côtoient et la pratiquent au quotidien pour mieux esquisser les contours de ce nouveau dispositif. Cette étude a été réalisée pour l'Ademe par 15marches, agence de conseil en stratégie et innovation Avant-propos Agence conseil en stratégie et marketing des services 74, rue Ange Blaise 35000 Rennes 06 17 18 03 71 info@15marches.fr www.15marches.fr
  • 5. Juillet 2014 - Ademe5 Avant-propos Entretiens réalisés dans le cadre de l’étude Consultants : Olivier EZRATTY (consultant) Philippe MEDA (Merkapt) Stéphanie BACQUERE (Node-A) Structures d’accompagnement : Nicolas COLIN (The Family) Paul RICHARDET (Numa) Startups : Louis CHATRIOT (Local Motion) Nicolas JAULIN (Pysae) Transports : Éric POYETON (Volvo et P.F.A.) Mickael DESMOULINS (Renault) Guillaume USTER (IFSTTAR) Romain LALANNE (SNCF) Grands groupes : Arnaud MICHARD (Bouygues Telecom) Romina STROYEMEYTE (Gemalto) Acteurs publics : Benoît JEANVOINE (BPI) Romain LACOMBE (Etalab) Raphael SUIRE (Université Rennes-1) P.44 P.47 P.52 P.57 P.64 P.73 P.79 P.82 P.89 P.93 P.98 P.103 P.109 P.114 P.118 P.121
  • 6. Juillet 2014 - Ademe6 INTRODUCTION Le sentiment d’accélération du rythme d’innovations ces dernières années impose aux organisations en place de réagir. Le succès foudroyant de startups - souvent étrangères - interroge sur les ingrédients et les modèles mis en oeuvre par celles-ci. La manière dont elles interagissent avec leur écosystème en particulier est souvent décisive. La question posée : “quel est le meilleur dispositif pour soutenir l’innovation ?“ a souvent été reformulée par nos interlocuteurs en : “comment développer une véritable culture de l’innovation dans les entreprises et organisations ?” et “comment faciliter l’émergence d’innovations de rupture au sein et autour de ces organisations ?”. Les personnalités interviewées pour cette étude apportent un regard sans concession sur les dispositifs de soutien existants. Elles les considèrent globalement comme peu adaptés aux nouveaux enjeux économiques, car trop orientés vers la recherche et les innovations technologiques. Ces changements profonds nécessitent dans un premier temps de définir ce que l’on entend par “innovation” à l’ère numérique, et dans quel environnement économique et entrepreunarial elle se développe aujourd’hui. Nous détaillerons ensuite les recommandations émises : ce qu’il ne faut pas (plus) faire dans le domaine de l’innovation et ce qu’il est recommandé d’améliorer. La dernière partie visera à esquisser sur ces bases un projet d’intervention pour l’Ademe dans le champs des nouvelles mobilités. [N.B. : les spécialistes de l’économie des startups peuvent sauter la première partie et passer directement à la partie 2]
  • 7. Juillet 2014 - Ademe7 plan détaillé Partie I Comprendre l’innovation à l’ère numérique 1. Innover aujourd’hui 2. Entreprendre dans l’économie de l’innovation 3. Favoriser le “gâchis utile” et la capitalisation des erreurs Partie II Comment soutenir l’innovation aujourd’hui ? 1. Ce qu’il ne faut pas (plus) faire 2. Ce qu’il faudrait faire : de bonnes pratiques et des idées pour avancer Partie III Créer une “Vallée des Mobilité” 1. Favoriser l’innovation “out of the box” 2. Révéler et faire vivre l’éco-système 3. Donner des permissions plutôt que des moyens ANNEXE : Entretiens réalisés P.8 p.19 p.31 p.43
  • 8. partie I Comprendre l’innovation à l’ère numérique Quelles sont les innovations qui peuvent changer la donne en matière de nouvelles mobilités ? Comment les entreprises et organisations font-elles pour les développer ? • Innover aujourd’hui • Entreprendre dans l’économie de l’innovation
  • 9. Juillet 2014 - Ademe9 partie 1 / Comprendre l’innovation à l’ère numérique 1 / Innover aujourd’hui 1.1. Définitions Le rapport Manceau-Morand de 2009 Pour une nouvelle vision de l’innovation, (dit rapport Manceau- Morand), propose la définition suivante : “l’innovation est l’exploitation de nouvelles idées dans de (nouveaux) produits et services, de nouveaux modèles économiques et de nouvelles manières de travailler”. Le rapport souligne le décalage entre une vision macro-économique de l’innovation, très centrée sur les brevets et la RD, et la pratique des entreprises. Confondre innovation et RD est un premier écueil à éviter. Par exemple 50% des entreprises n’ont pas de RD, ce qui ne les empêche pas d’innover. Celles qui en ont la combine avec de nombreuses autres disciplines : le développement, le design, l’organisation, le marketing, le management,... Surtout, l’innovation ne créé de la valeur qu’en cas de succès commercial : “l’innovation a vocation à être adoptée par les utilisateurs, clients, employés, et doit donc avoir un marché” (rapport Manceau). 1.2. Approches L’innovation combine schématiquement deux approches du marché : • l’innovation par la technologie (technology push), qui peut se résumer par la question : “j’ai une solution, où est le problème ?” Le marketing doit contribuer à trouver une application de la solution qui réponde à une attente du marché. • l’innovation par les usages (market pull) : “vous avez un problème, quelle est sa solution ?”. Le marketing constate une insatisfaction des clients. Les services de RD (ou autres) travaillent ensuite à l’élaboration d’un produit qui résoud le problème ou le manque perçu. L'innovation a vocation à être adoptée par les utilisateurs, clients, employés, et doit donc avoir un marché
  • 10. Juillet 2014 - Ademe10 partie 1 / Comprendre l’innovation à l’ère numérique 1.3. Innovation de rupture ou incrémentale L’innovation dite “incrémentale” s’inscrit dans la continuité de l’existant et porte sur des marchés connus. L’innovation “de rupture” révolutionne un secteur ou un usage, et s’attaque souvent à des marchés nouveaux et peu connus. Exemples : un bus hybride est une innovation incrémentale, tandis qu’un service comme Uber ou Blablacar est une innovation de rupture. La plateforme ouverte de construction automobile OS Vehicule sera une innovation de rupture si elle trouve son marché. L’innovation de rupture n’est pas nécessairement plus performante ni plus coûteuse que l’innovation incrémentale, mais elle résoud de manière différente le problème des utilisateurs. Lorsqu’elle trouve son marché, elle génère par la suite de nombreuses innovations incrémentales : tarifs, design, usages,... 1.4. Innovation et nouvelles mobilités Pour réduire l’impact de la voiture, développer massivement tous les modes de transport et la multimodalité, améliorer l’existant ne suffira pas. L’exemple de mutations profondes de certains secteurs - medias, loisirs, commerce - démontre la puissance des innovations portant sur les nouvelles modèles d’affaires et d’intermédiation. “L’innovation, dans un monde ultra- connecté, devient continue, écosystémique, agile, protéiforme et parfois militante. Des marchés entiers se reconfigurent autour de nouvelles plates-formes qui favorisent à leur tour de nouveaux modèles économiques, de nouvelles formes de consommation” indique Daniel Kaplan, dans un article du Monde daté du 30 mai 2013. Les nouvelles mobilités, en changeant le rapport entre l’offre et la demande de déplacements, portent en elles le changement écosystémique attendu. La place des acteurs existants (constructeurs automobiles, collectivités, transporteurs,...) est remise en cause par des plateformes comme Waze ou Blablacar qui “font levier de la multitude” (N.Colin et H. Verdier dans l’Âge de la Multitude). L'innovation de rupture résoud de manière différente les problèmes des utilisateurs
  • 11. Juillet 2014 - Ademe11 partie 1 / Comprendre l’innovation à l’ère numérique 1.5. La nécessité de changer le soutien à l’innovation Les pouvoirs publics ciblent (et financent) principalement les “inventions” issues de la recherche, portées par des grandes entreprises. Les PME ne bénéficient que de 12% des crédits européens. Les indicateurs utilisés pour évaluer le retour sur investissement, notamment le nombre de brevets, sont jugés obsolètes (rapport Manceau). Que vaut un brevet si le produit qu’il protège n’est pas adopté par ses utilisateurs ? “Le nombre de brevets n’est pas l’indicateur. Mieux vaut lui préférer le nombre de produits et services qui atteignent leur marché” (Stéphane Bacquere, co-fondatrice de Node-A, un cabinet spécialisé dans les méthodes collaboratives). L’aide publique à l’innovation n’encourage pas non plus la recherche de modèles innovants : “Par habitude, par facilité, par conviction parfois, ils (les pouvoirs publics) privilégient d’une manière presque exclusive des projets dont l’innovation technologique constitue le principe directeur (...) et tout ce qui sort des clous, les idées en rupture, les “simples” innovations de service ou de modèle d’affaire, leur reste invisible” (Daniel Kaplan in Le Monde, précité). Conséquence pour les nouvelles mobilités : pas ou très peu de crédits pour étudier les comportements et l’usage des services, pour améliorer le marketing des transports alternatifs ou encore tester de nouveaux modèles économiques et sociaux. Il est significatif que les innovations qui émergent dans ce domaine ne viennent pas de la filière des déplacements, mais de l’extérieur. Il ne s’agit pas pour autant de sélectionner a priori les innovations de rupture. “Dans les entreprises toute innovation est bonne (...) Il serait peu productif de se concentrer sur quelques projets dont le succès est toujours impossible à évaluer a posteriori” (rapport Manceau-Morand). L’enjeu est de générer un flux d’innovations vers le marché, qui fera le tri. C’est le modèle de l’économie moderne de l’innovation, portée par un “véhicule”, la startup. Que vaut un brevet si le produit qu'il protège n'est pas adopté par le marché ?
  • 12. Juillet 2014 - Ademe12 partie 1 / Comprendre l’innovation à l’ère numérique 2 / Entreprendre dans l’économie de l’innovation 2.1. Il n’a jamais été aussi facile de se lancer “Je n’ai pas peur de mes concurrents, j’ai peur du type dans son garage en train d’inventer la prochaine révolution” (Bill Gates). Google, Apple, Amazon, Facebook, AirBnb,... ne sont pas issus de dynasties industrielles. Ces géants d’aujourd’hui ont été fondés par des particuliers avec de faibles moyens. Les barrières à l’entrée n’ont jamais été aussi basses pour aller de l’idée au business d’autant que, précisement, de nombreuses start-up travaillent pour baisser ces barrières. Les technologies et pratiques liées au numérique permettent désormais de lancer des produits et services à très grande échelle pour des coûts modiques et essentiellement variables. Tout est réuni pour libérer les “créateurs” des contraintes matérielles traditionnelles afin qu’ils puissent se concentrer sur leur produit et leur marché. Ce qui a changé : • créer un premier site web ou une application mobile représente un investissement modique, • des millions de fichiers et “briques” de programmes informatiques sont accessibles gratuitement en ligne • des services dans le “cloud” fournissent capacités de stockage, machines virtuelles, bases de données,...à la demande et sans investissement • les imprimantes 3D permettent de prototyper et fabriquer des objets à partir de simples PC • elles sont accessibles au sein d’ateliers de prototypage et de fabrication (fablabs) • des “usines à louer” permettre de faire fabriquer et livrer des produits en petites quantités avec une simple carte bleue • la méthode “lean” appliquée à l’entrepreunariat est enseignée et diffusée très largement : lean startup, customer development, business model canvas,... • les techniques de marketing numérique offrent des solutions efficaces pour toucher rapidement un grand nombre d’utilisateurs.
  • 13. Juillet 2014 - Ademe13 partie 1 / Comprendre l’innovation à l’ère numérique 2 / Entreprendre dans l’économie de l’innovation 2.2. Startups et grandes entreprises ne sont pas égales face à l’innovation Les startups ne sont pas que des industries low cost. Elles développent également des modèles d’innovation singuliers basés sur la recherche de croissance. Une startup n’est pas une PME ni une entreprise technologique. Selon Steve Blank, investisseur de la Silicon Valley, une startup est une “organisation temporaire, conçue pour rechercher un modèle d’affaires répétable et “scalable” (= qui peut passer à l’échelle à un coût marginal faible). Les startups auraient donc vocation à...ne plus être des startups. Soit elles trouvent leurs modèles et deviennent alors des entreprises traditionnelles chargées d’exécuter le modèle. Soit elles ne le trouvent pas et disparaissent. Une entreprise qui créé un logiciel en espérant qu’il soit adopté dans le monde entier est une startup. Une entreprise de conseil en stratégie comme 15marches, même spécialisée dans le numérique, n’en est pas une. Pour toute ces raisons, les (vraies) startups sont les “têtes chercheuses” de l’innovation, dédiées entièrement à la recherche de nouveaux produits et nouveaux marchés. Et les autres entreprises ? “La manière de travailler des grandes entreprises n’est plus adaptée au monde d’aujourd’hui” (Stéphanie Bacquère). “Les grandes entreprises ne savent pas faire de modèles innovants de type web ou startup” (Paul Richardet, chargé de mission au NUMA). On leur reproche principalement leur manque d’agilité et leur éloignement du marché. Une startup est une organisation temporaire conçue pour rechercher un modèle d'affaires répétable et scalable
  • 14. Juillet 2014 - Ademe14 partie 1 / Comprendre l’innovation à l’ère numérique Ceci expliquerait que beaucoup d’innovations découvertes par ces grandes entreprises sont mises sur le marché par d’autres. La réalité est moins manichéenne. Les techniques mises en oeuvre dans les startups sont désormais enseignées dans les écoles d’ingénieurs et de management. Le Numa organise de nombreux évènements et ateliers qui rassemblent startups et grandes entreprises. Des consultants spécialisés comme Node-A ou Philippe Meda aident les grandes entreprises à travailler “comme des startups”. 2.3. Une économie hautement spéculative Pour que quelques innovations réussissent, il est indispensable d’en initier un très grand nombre. Comme dans les industries créatives - cinéma, musique, mode -, le succès est souvent lié au hasard. Son coût est lissé en finançant de nombreux échecs par quelques best-sellers. Il serait “peu productif de concentrer ses efforts sur quelques projets dont le succès est toujours impossible à évaluer a posteriori” indiquait le rapport Manceau. L'économie des startups se caractérise par le foisonnement, la prise de risque et le lien avec le marché. Le cycle de vie d’une startup suit celui des idées qu’elles portent : génération, conception de prototypes, améliorations et pivots, puis lancement. Le schéma suivant présente l’environnement de vie de la startup. Durant la première phase d’ “amorçage”, les startups sont encore à l’état d’idées. Elles sont portées par des étudiants en fin de cycle, des salariés ou ex-salariés, des freelances,... Des évènements comme les Bootcamps, les Startups Weekend ou les hackathons permettent à ces personnes de se rencontrer et de travailler ensemble, le temps d’une soirée ou d’un week-end. Des lieux spécialisés comme les espaces de coworking favorisent également les contacts et les liens entre personnes désireuses de se lancer. Il n’est pas rare de “recruter” des membres de son équipe dans ces lieux. Le financement à ce stade est essentiellement du “love money” (argent personnel ou familial), et pour beaucoup les allocations chômage perçues à titre individuel. Les coûts sont minimes, mais les revenus inexistants.
  • 15. Juillet 2014 - Ademe15 IPO : Initial Public Offer introduction en bourse LOVE MONEY : argent personnel (famille,...)
  • 16. Juillet 2014 - Ademe16 partie 1 / Comprendre l’innovation à l’ère numérique La phase suivante est l’admission dans un accélérateur type Numa ou Le Booster à Rennes. Certaines structures sont associatives, d’autres privées, ce qui leur permet de prendre une part du capital des sociétés admises en contrepartie des prestations fournies. Les dossiers sont sélectionnés selon les exigences propres à chaque structure. Les prestations fournies sont variées et dépendent de la qualité/notoriété de la structure : hébergement (pas systématique ni obligatoire), accompagnement par des experts salariés ou des prestataires, formations (ateliers, conférences,...), networking (selon les lieux : local ou international) et “partage de culture” avec de nombreux évènements et animations. Le Camping à Paris par exemple octroie une “bourse” de 4500€ à chaque startup en échange de 3% de leur capital, ainsi que 80 heures par semaine de mentoring en design, business et technologie, 10 heures de consulting avec des spécialistes juridiques et fiscaux, des locaux ouverts 24h/24 et 7 jours/7. L’équivalent de “120 K€ de prestations par session”. Durant cette période, les startups essaient à la fois de concevoir leur produit/service et le tester auprès de leur marché. Beaucoup pratiquent la méthode du lean startup, qui consiste à itérer son “produit minimum viable” (une sorte d’ébauche du produit final détenant les principaux éléments de la proposition de valeur) avec le marché (clients réels). C’est la fameuse “recherche de modèle” qui caractérise les startups. Les itérations conduisent à l’acquisition d’une connaissance fine du marché, et amènent le plus souvent la startup à “pivoter”. Ce terme signifie : changer de cible (segment de clientèle), ou de problème à résoudre, ou les deux. 80 % le nombre de startups qui développent un produit différent de celui pour lequel elles sont lancées.
  • 17. Juillet 2014 - Ademe17 partie 1 / Comprendre l’innovation à l’ère numérique Beaucoup disparaissent à ce stade, ne parvenant pas à trouver dans un temps limité la bonne solution au bon problème, ni des revenus suffisants pour financer la suite. Les besoins de fonds d’une startup sont très différents de ceux d’une entreprise “classique” : le besoin de fonds au départ - la phase de recherche - est faible, mais il est plus élevé une fois que le “produit minimum viable” a été validé auprès du marché. Cet investissement est d’autant plus crucial que la rapidité d’exécution au moment du “passage à l’échelle” est la clé sur ce type de marché. La plupart vont chercher des financements externes en ouvrant leur capital à des investisseurs spécialisés, les business angels (phase d’amorçage / accélération) et les capital-risqueurs (phases d’incubation et ultérieures). Ces investisseurs évaluent les dossiers à l’aide d’un mix de données (expérience de l’équipe, analyse du marché...), d’intuitions et de prise de risque. Les demandes étant très nombreuses (un grand fonds de la Silicon Valley voit plusieurs milliers de “pitchs” par an), mieux vaut se faire repérer au préalable. Les évènements comme les concours ou présentations publiques de startups permettent d’acquérir une notoriété. En France, environ 4 000 startups “pitchent” chaque année devant des investisseurs. 200 seront retenues soit 5% à peine (source : France Digitale). Entre 0 et 2 seront introduites en bourse chaque année. Les plus chanceuses seront rachetées par de grands groupes ou des startups mieux dotées : exemple de La Fourchette, achetée 100 millions d’euros par TripAdvisor, elle-même propriété d’Expedia. La plupart cependant disparaîtront ou changeront d’activités : “elles deviennent de mauvaises agences web qui travaillent pour de grandes comptes, avec un chiffre d’affaires balbutiant” (Nicolas Colin, co-fondateur de The Family). Philippe Meda estime qu’ “un investisseur doit avoir environ 200 startups dans son portefeuille pour être rentable”. Un accélérateur comme The Family vise les 400 startups. à peine 5% des startups qui en font la demande sont financées par le capital-risque
  • 18. Juillet 2014 - Ademe18 partie 1 / Comprendre l’innovation à l’ère numérique 3 / Favoriser le “gâchis utile” et la capitalisa- tion des erreurs Favoriser l’innovation nécessite par conséquent d’encourager la création et le développement de startups, en sachant que la quasi-totalité échoueront économiquement parlant. L’intérêt des structures d’accompagnement est ailleurs : • tout d’abord, aider à l’émergence des idées et à la constitution d’équipes à même de les mettre en oeuvre • ensuite, faciliter le prototypage et le test des produits créés, • aider la startup à faire évoluer ses produits et son approche des marchés visés (on parle de “pivots”) • capitaliser les erreurs dans des modules de formation Enfin, et ceci a été longuement souligné par nos interlocuteurs, les projets qui échouent génèrent de nombreuses externalités positives - capacité à l’entreprenariat, données collectées, retours d’expérience, innovations incrémentales,... - qu’il appartient de valoriser et diffuser. Un échec n’est jamais inutile et peut aboutir à des idées ou des projets d’innovations ultérieurs. L’enjeu est par conséquent d’organiser la diffusion des enseignements au cours de la vie des startups et lorsqu’elles se transforment ou disparaissent. À la fois pour renforcer les chances des autres startups et pour enrichir l’ensemble de l’écosystème au- delà des startups. Ces besoins dessinent les contours de la structure attendue. Valoriser et diffuser les externalités positives
  • 19. partie 2 Comment soutenir l’innovation aujourd’hui ? • Ce qu’il ne faut pas (plus) faire • Ce qu’il faudrait faire : des bonnes pratiques et des idées pour avancer
  • 20. Juillet 2014 - Ademe20 Avant de faire il faut parfois défaire. Pour les personnalités interrogées, il est important dans un premier temps de “ne pas refaire ce qui ne marche pas”. La structure de soutien à l’innovation se définit ainsi pour partie en creux, en évitant les pièges rencontrés par d’autres. Les entretiens ont également mis en évidence les bonnes pratiques qui favorisent une innovation ouverte, distribuée et qui profite à l’écosystème. Cet ensemble - ce qu’il faut faire et ne pas faire - jette les bases du futur Lieu des Mobilités, creuset d’une nouvelle culture de l’innovation dans les nouvelles mobilités. partie 2 / Comment soutenir l’innovation aujourd’hui ? ne pas faire faire 1 / Sélectionner un projet selon : • Ses chances préalables de succès • Uniquement son apport technologique • Son absence de danger pour les sortants 1/ Développer une culture de l'innovation 2/ Sélectionner les projets qui n'ont pas leur place ailleurs 2 / Considérer les startups comme : • Des entreprises comme les autres • Des sous-traitants des grands groupes 3/ Concentrer les services pour libérer les créateurs 3 / Faire survivre trop longtemps des projets qui n'ont pas prouvé leur viabilité 4/ Créer des connexions 4 / Créer des lieux vides 5/ Donner des terrains de jeux matériels et immatériels5 / Abandonner la startup dans la Vallée de la Mort
  • 21. Juillet 2014 - Ademe21 partie 2 / Comment soutenir l’innovation aujourd’hui ? 1 / Ce qu’il ne faut pas (plus) faire 1.1 Sélectionner un projet selon ses chances préalables de réussite De nombreuses structures de soutien se félicitent d’avoir un “taux élevé de survie des startups après 5 ans”. Ce critère signifie sans doute que la structure a bien fait son travail. Mais il peut aussi signifier que la sélection en amont a privilégié des solutions sans risque : anticipant des tendances déjà identifiées, pouvant être lancées rapidement, déjà bien documentées et/ ou qui portent sur des marchés connus. Il n’appartient pas à cette étude de questionner l’opportunité des pouvoirs publics à soutenir ce type d’innovation. En revanche, ce ne sont pas ce type d’innovations que la structure étudiée souhaite soutenir. 1.2. Sélectionner un projet uniquement pour son apport technologique C’est le principal reproche entendu au sujet des pôles de compétitivité et des programmes comme les Investissements d’Avenir. La RD et la conception de produits technologiques bénéficient déjà de nombreuses structures et financement en France. En trustant la quasi-totalité des aides, elles défavorisent à l’opposé les solutions plus risquées et moins connues des organes de tutelle. C’est le sens de la tribune écrite par Daniel Kaplan et citée plus haut. Le reproche fait au système n’est pas de financer la RD technologique, il est de ne financer que la RD technologique (voir plus haut 1.1.). B. Jeanvoine (BPI) : “Une société comme Blablacar a été aidée à son démarrage, mais uniquement sur le volet technologie, pas sur le service”. La société s’est ensuite tournée vers des investisseurs privés étrangers pour financer son développement : étude des comportements, marketing, commercialisation, relation-client et développement international. 1.3. Sélectionner les startups selon les mêmes critères que les autres entreprises Une startup est une “organisation temporaire à la recherche de son modèle économique”. Elle ne peut pas
  • 22. Juillet 2014 - Ademe22 partie 2 / Comment soutenir l’innovation aujourd’hui ? être évaluée et jugée selon les mêmes critères qu’une entreprise qui se lance dans un secteur connu pour lequel les données sont claires. “La difficulté est que l’on nous demande de savoir où on va à une période où on cherche d’abord. Un business plan ne veut rien dire lorsque l’on cherche son marché et son modèle” (Stéphanie Bacquere). Cela pose aussi la question de l’expérience et la compétence des personnes en contact avec les startups : “si tu es salarié tu ne peux pas t'occuper efficacement d'une entreprise. Seul un entrepreneur peut aider un entrepreneur” (Nicolas Colin). “La nécessaire sélection darwinienne des projets ne se fait pas dans des réunions mais sur le terrain” rappelle-t-il. 1.4. Refuser un projet qui contrevient à la stratégie des entreprises “en place” Bouygues Telecom Initiative soutient les startups qui ont un lien avec ses propres activités, même si ce lien n’est pas nécessairement direct. Gemalto, avec son Business Innovation Garage, soutient les initiatives internes qui sont en lien avec le plan stratégique de l’entreprise. Ces démarches ne posent aucun problème du moment où elles concernent des structures clairement rattachées à l’entreprise en question. En revanche, “il ne faut pas qu’une innovation de rupture soit bloquée parce que n’entrant pas dans le plan produit d’une entreprise” souligne Éric Poyeton du Pôle de Compétitivité LUTB. “Si l’on veut que la France soit leader des solutions de mobilité, il faut faire travailler ensemble des acteurs y compris ceux qui peuvent craindre de voir leur business ou leurs emplois disparaître avec les changements à venir” (ibid). Ce reproche est apparu notamment vis-à-vis de certains clusters où sont présentes de grandes entreprises. “Notre projet de startup innovante dans les paiements n’a pas eu le soutien de (la grande entreprise locale) qui travaillait sur un projet similaire” indique Raphael Suire, Maître de Conférence à l’Université de Rennes-1. Cette présence ne doit pas conduire à limiter la capacité d’innovation des startups.
  • 23. Juillet 2014 - Ademe23 partie 2 / Comment soutenir l’innovation aujourd’hui ? 1.5. Considérer que les startups sont de simples sous-traitants des grands groupes “Une startup (BtoB) a besoin de contrats” rappellent Arnaud Michard de Bouygues Telecom et Louis Chatriot de Local Motion. Notre PDG souhaite que l’entreprise travaille plus avec des startups” détaille A. Michard. “Le parrainage interne dont bénéficient les startups de l’accélérateur de Bouygues Telecom augmente leurs chances d’avoir des contrats avec nous”. Mais Benoît Jeanvoine de BPI rappelle qu’il existe des blocages culturels dans les grandes entreprises : “les mentalités sont restées du type donneurs d’ordre - sous-traitants”. Mickael Desmoulins de Renault : “sur la partie amont, en phase de recherche et développement, il y a un intérêt pour les startups à co-construire avec nous”. Aujourd'hui l’entreprise n’est pas organisée pour coopérer étroitement sur les phases aval avec des startups. Pour travailler avec le coeur de métier, il faut être “au panel”, c’est à dire référencé dans les circuits d’achat et de coopération”. Nicolas Colin considère que les startups n'ont pas intérêt à devenir sous- traitantes des grands groupes : “La politique d’achat des grands groupes exploite une filière ultra-optimisée : ce n’est pas favorable à l’innovation”. Par ailleurs, “lorsque les startups échouent, au lieu de recommencer avec l’expérience : elles deviennent de mauvais prestataires des grandes groupes et n’innovent plus”. 1.6. Faire survivre trop longtemps des projets qui n’ont pas prouvé leur viabilité “Le doublement des crédits ne fait pas le doublement de l’innovation” (Philippe Méda). “Au lieu de fermer leurs boîtes et d’en recommencer une autre avec l’expérience acquise, les fondateurs restent enfermés à ce stade intermédiaire” (Nicolas Colin). La startup qui ne trouve pas son modèle économique, pas de ressources propres et/ou de financement doit disparaître le plus tôt possible pour conserver des moyens notamment financiers de rebondir. C’est pour cette raison notamment que les programmes les plus recherchés (Y Combinator aux USA, Numa à Paris) ont une durée courte. Quelques semaines à 6 mois maximum suffisent pour trouver un partenaire qui s’engagera à plus long
  • 24. Juillet 2014 - Ademe24 partie 2 / Comment soutenir l’innovation aujourd’hui ? terme (ex. : capital-risqueur). Ensuite ce sont les actionnaires de la startup qui l’accompagnent dans les phases ultérieures. Dans le cas contraire, les fondateurs peuvent se joindre à un autre projet, recommencer un autre avec les enseignements du premier, ou être embauché par des entreprises. 1.7. Créer un lieu “vide” Thibault de Jaegher, de l’Usine Digitale, estime à 350 le nombres de structures identifiées d’aides à l’innovation. En faut-il de nouvelles ? “Ne faites pas des locaux + des gens + du Wifi, il y en a déjà des dizaines qui ne donnent rien” (Philippe Meda). Les personnalités interviewées ne contestent pas l’utilité d’un lieu, mais considèrent que bien d’autres questions doivent être examinées avant : “Créer un lieu, pour quoi faire ? Avec qui ? Les gens vont-ils jouer le jeu ou pas ? Il y a un vrai risque de monter un lieu vide” (Paul Richardet, NUMA). “Le lieu est une boîte, l’important ce sont les gens : ce sont eux qui inventent, qui développent, qui adaptent. Le lieu n’est que l’emballage des relations entre acteurs et des interactions qui y ont été négociées. Il faut d’abord travailler sur le réseau avant de l’enfermer quelque part” (P. Richardet). Un autre risque est de réduire et enfermer l’éco-système. Cette réduction peut être liée à des critères de sélection territoriaux : “Actuellement les lieux sont financés par des acteurs locaux qui défendent leur territoire. Ces lieux ont l’obligation de travailler avec des gens qui développent des emplois sur place. Cela pose le problème des compétences et des financements dédiés et affectés.”(Guillaume Uster, IFFSTAR). 1.8. Ne pas soutenir au bon moment Actuellement se créent un nombre très important de lieux et de structures pour le early stage, le début de la vie d’une start-up. “En France on ne manque pas d’aides pour le démarrage, avec les fonds d’amorçage comme BPI et le réseau des Business Angels” (Benoît Jeanvoine, BPI). En revanche pour la phase suivante (les 3 ans qui suivent), on manque de fonds. On a toujours “la vallée de la mort” après l’amorçage car nous n’avons pas de fonds dédié pour cette phase”. Les startups qui ont démontré que leur produit rencontrait le marché doivent se développer
  • 25. Juillet 2014 - Ademe25 partie 2 / Comment soutenir l’innovation aujourd’hui ? rapidement. Or, c’est à ce moment que l’argent manque dans l’écosystème français. “L’indicateur Chausson, qui recense les sommes investies dans le capital-risque en France, montre un certaine stabilité alors que le nombre de projets à financer augmentent (...) Au moment où elles doivent se développer on leur demande de faire “preuve de raison” alors qu’en Israël ou à aux USA elles bénéficieront de soutien. C’est un problème européen” note Arnaud Michard (Bouygues Telecom). “Les startups françaises ont un problème de sous-capitalisation”. NB : la question spécifique du financement des startups en phase de développement n’a pas été étudiée en détail dans cette étude.
  • 26. Juillet 2014 - Ademe26 partie 2 / Comment soutenir l’innovation aujourd’hui ? 2 / Ce qu’il faut faire 2.1. Développer avant tout une culture de l’innovation Philippe Méda : “la notion de lieu est un enjeu qui peut être traité à la fin car ce n’est pas ce qui va faire la différence”. ”Ce n’est pas le lieu qui est important, c’est la culture que tu mets dedans : l’ambiance, la doctrine, la déco, la configuration…” confirme Nicolas Colin. “L’innovation c’est un état d’esprit, une culture. Pas un lieu ou une structure” (Olivier Ezratty). Éric Poyeton : “pour innover sur la mobilité, il faut jouer sur les compétences, les processus, mais il faut aussi faire germer un état d’esprit innovant et agile”. 2.2. Comment favoriser cette culture ? Paul Richardet, du Numa : “Il faut créer de l'envie, du besoin, une dynamique interne et positive. C’est la matérialité réelle et symbolique de l’écosystème qui importe. Il faut d’abord travailler sur le réseau avant de l’enfermer quelque part”. Ne pas vouloir tout faire et tout décider seul : “Qu’est-ce que veut l’écosystème ? Il faut en avoir une vision claire, identifier les acteurs notamment les petits, ceux qui n’étaient pas identifiés jusqu’alors et qui sont peut être les pépites de demain. Créer un espace pour les nouveaux entrants.” La notion de culture est indissociable de celle de l’écosystème qui la pratique. “Un écosystème permet de faire naître de nouvelles idées, les tester, les accompagner et les protéger” (P. Richardet, Numa). Sinon c’est “5 ans de travaux et je décide tout tout seul”. Pour cela, les structures développent des animations, évènements, différents formats de rencontres et de partenariats. Par exemple le Camping à Paris propose aux grandes entreprises des formats d’accompagnement sur la durée comme le Data Shaker ou le parrainage de promotions de l’accelérateur. Le Numa accueille aussi plus de cent évènements par ans dans
  • 27. Juillet 2014 - Ademe27 partie 2 / Comment soutenir l’innovation aujourd’hui ? ses murs, dont la moitié est laissée à l’initiative de ses membres. Grâce à cette culture partagée, la génération de projets sera facilitée : “Il faut créer un espace pour les nouveaux entrants. Un écosystème permettant de faire naître de nouvelles idées, les tester, les accompagner et les protéger” (Paul Richardet, Numa). 2.3. Sélectionner les projets qui n’ont pas déjà leur place ailleurs “Il faut permettre l’émergence d’innovations hors du pipeline, celles qui ne correspondent pas à un lancement de produit proche et pour lequelles nous ne bénéficions pas ou peu de données” dit Philippe Meda. Pour cela, il faut “faire une anti- sélection de projets (...) refuser les business as usual, les projets purement technologiques (...) recommande-t-il. La sélection des startups doit encourager celles qui recherchent de nouvelles manières d’accéder au marché, de faire évoluer les usages, les tendances, les réglementations. “Il faut mettre en place des dispositifs pour explorer des marchés qu’on ne connaît pas et sur lesquels on a pas ou peu de données (...) des dispositifs qui mettent en évidence la partie délicate et risquée : quand on ne sait pas où, par qui et comment vont se construire de nouveaux modèles économiques” (Philippe Méda). Pour cela il faut favoriser le foisonnement et la prise de risque : “Très souvent les startups ne sont pas repérables et les bonnes idées innovantes ressemblent à de mauvaises idées au départ” indique Nicolas Colin. 2.4. S’appuyer sur des “connecteurs” Olivier Ezratty, consultant et auteur du Guide des Startups, souligne le rôle des mentors dans les processus d’innovation des startups. Ces mentors peuvent être des consultants, des experts indépendants ou des salariés de grandes entreprises ou de startups (c’est le cas par exemple de Louis Chatriot de Local Motion). Le mentor apporte son expertise sur des domaines ou des phases précises de développement. Les mentors connectent les startups au marché, notamment en BtoB. Pour les grandes entreprises, c’est à fois donner et apprendre : “Devenir mentor dans un lieu externe aurait beaucoup de sens pour nous” précise Mickael Desmoulins
  • 28. Juillet 2014 - Ademe28 partie 2 / Comment soutenir l’innovation aujourd’hui ? de Renault. Dans la Silicon Valley les mentors sont souvent des alumnis (anciens des incubateurs) qui “rendent ce qu’on leur a donné” en aidant les startups (Louis Chatriot). Au-delà des aspects matériels, la connexion avec l’écosystème est essentielle pour une startup. Arnaud Michard de Bouygues Telecom Initiative : “quand on est une startup on ne connaît personne (...) au début c’est hyper dur de rencontrer des gens”. Nicolas Jaulin, fondateur de Pysae, jeune startup de géocalisation : “dans le transport il y a des grandes entreprises et organisations : pas facile d’entrer en contact avec la bonne personne; il faut avoir des relations, ou gagner des concours”. Un mentor peut mettre en relation la startup avec des contacts précieux pour elle. “Rencontrer des mentors de l’industrie a une double utilité : ils t’aident mais ils peuvent aussi être clients de ton produit en BtoB” (Louis Chatriot). 2.5. Concentrer les services pour libérer les créateurs Les créateurs de startups sont dédiés à 100% au développement de leur produit et à l’exploration de son marché : ils n’ont ni le temps ni les moyens de démarcher, se renseigner, rechercher de l’information ou accomplir des formalités. Ces tâches doivent leur être facilitées. Nicolas Jaulin : “nous aurions besoin d’un guide clé-en-main, d’un guichet unique à toutes les étapes”. Le Guide réalisé par Olivier Ezratty est une aide précieuse. Des “connecteurs” pourraient également compléter le dispositif en l’adaptant aux besoins spécifiques de chaque startup. C’est le principe développé par des structures comme Y Combinator en Californie, ou The Family à Paris. Plutôt que de concentrer les entrepreneurs, ce sont les ressources qui le sont : juristes, experts, connecteurs, communiquants. Ils sont accessibles à tous les “incubés” en un même lieu. Des évènements
  • 29. Juillet 2014 - Ademe29 partie 2 / Comment soutenir l’innovation aujourd’hui ? sont également organisés, dans les murs - un dîner par semaine avec des personnalités extérieures - ou hors les murs, avec des tournées d’investisseurs en Europe (Numa) ou dans la Silicon Valley (The Family). 2.6. Donner des “terrains de jeux” matériels et immatériels Romain Lacombe (Etalab) : “l’innovation a autant besoin de ressources que de permissions et de possibilités”. Les startups doivent pouvoir innover dans tous les domaines, y compris juridiques et modèles d’affaires. Pour cela, des capacités de tests et d'expérimentation sont essentielles. Il peut s’agir de pistes d’essais techniques, comme celles développées par le Pôle LUTB, mais aussi de plateformes technologiques, de données ou de webservices. Le programme Paris Région Lab met à disposition de 40 projets de mobiliers “intelligents” des espaces publics et du mobilier urbain, sur lequels les expérimentateurs peuvent interfacer leurs prototypes. Romain Lacombe (Etalab) propose que les “quartiers numériques” soient aussi ceux dans lesquels il serait possible d’innover sur le mobilier urbain. L’innovation a aussi besoin de “terrains de jeux” juridiques. La récente actualité sur le conflit taxis/VTC l’a souligné : beaucoup de startups innovent sur les aspects juridiques et modèles d’affaires. Le soutien à l’innovation doit intégrer des “permissions” de modifier ou adapter ces règles afin notamment de prendre en compte les capacités offertes par la technologie : mise en relation individualisées, personnalisation, temps réel, désintermédiation. Le statut particulier de la startup - précarité, caractère éphémère - pose également la question du statut juridique de ses fondateurs. Raphaël Suire (Université de Rennes-1) souligne le manque de passerelles entre l’université et l’entreprise. Les étudiants qui portent un projet de startup pendant leurs études n’ont plus de statut une fois celles-ci achevées. Il faut “bricoler” des conventions de stages. Les terrains de jeux peuvent être managériaux également. Chez Renault, Mickael Desmoulins souligne le besoin pour les salariés du groupe de disposer de “terrains de jeux” neutres, “hors des silos de l’entreprise”. D’où la création de fablabs internes, ouverts aux membres de l’entreprise.
  • 30. Juillet 2014 - Ademe30 partie 2 / Comment soutenir l’innovation aujourd’hui ? 2.7. Favoriser une nouvelle coopération entre startups et grands groupes Les entreprises ne doivent pas avoir peur de travailler avec des startups. Romain Lalanne (opendata SNCF) indique que “beaucoup de grands groupes ont peur de travailler avec startups, car ils y voient un risque de perte de compétitivité”. “Organiser des rencontres entre agents SNCF et startups a pu représenter un choc culturel pour certains” au début, mais la SNCF tire un bilan très positif de sa collaboration avec Le Camping (incubateur de Paris) : “travailler avec des startups est une nouvelle façon d’innover; on est sur un enjeu de transformation en interne”. 2.8. Quel est le bon type de relations entre grands groupes et startups ? Pour Nicolas Colin, il existe deux façons principales pour les grands groupes de travailler avec les startups : • les racheter, notamment celles qui ont échoué : “cela permet de faire entrer dans ton entreprise des entrepreneurs exceptionnels, qui ont une culture d’exécution très forte; plutôt que d’investir dans les startups au début, ce qui peut bloquer d’autres actionnaires, N. Colin recommande de les racheter “à l’arrivée pour y faire entrer des managers que les recruteurs n’auraient pas vu” • mettre à disposition une plateforme de ressources : créer des plateformes de données et des webservices permettant aux startups de créer des applications; il s’agirait de plateformes ouvertes à tous avec des conditions générales, sans négociation de gré à gré, à l’image des AppStores. La culture de l’innovation appelée de tous les voeux ne se fera pas sans des changements profonds à tous les niveaux de l’économie : changer les mentalités, apprendre à coopérer, faire confiance, libérer les initiatives et ouvrir les ressources. Le “lieu” proprement dit n’est qu’accessoire, même si il porte en lui les symboles de ces changements.
  • 31. partie 3 Créer une “Vallée des Mobilités” • Favoriser l’innovation “out of the box” • Révéler et faire vivre l’éco-système • Donner des permissions plutôt que des moyens
  • 32. Juillet 2014 - Ademe32 partie 3 / Créer une “Vallée des Mobilités” 1 / Favoriser l’innovation “out of the box” 1.1. Faire une “anti-sélection” de projets Le rapport Manceau-Morand (précité) l’a rappelé : il serait illusoire de ne prétendre sélectionner que les “innovations disruptives”. Pour autant, il serait vain de soutenir des “pseudo- innovations”, qui ne font par exemple que reproduire le passé en y ajoutant de la technologie. La sélection doit par conséquent s’opérer d’abord par défaut, en éliminant les projets qui apparaissent comme de simples anticipations de tendances, sur des marchés connus, avec des capacités d’exploration limitées. Trois éléments principaux sont pris en compte dans la sélection d’un projet : • l’équipe, • le produit (ou l’idée de produit) • le(s) marché(s) visé(s) Ce n’est pas tant l’expérience de l’équipe qui est recherchée que sa capacité à “exécuter”: délivrer le produit au marché. Nombreux sont les succès venant d’entrepreneurs qui “n’avaient jamais fait cela avant”. La qualité du produit se définit elle par la manière dont il est adopté par le marché, et par ses qualités intrinsèques : simplicité, rapidité, fonctionnalité,…La taille du marché est à la fois le nombre de clients potentiels et la capacité de croissance. Il n’y a pas de recette miracle pour “trouver le prochain Blablacar”. En revanche, de bonnes pratiques permettraient de progresser dans la sélection, l’accompagnement et le suivi des startups, augmentant leurs chances de succès. Au-delà, ces pratiques permettraient de révéler une “autre vallée” qui s’ignore : l’écosystème des nouvelles mobilités. Nous proposons ici une esquisse de ce que pourrait faire une structure de soutien à l'innovation dans les nouvelles mobilités.
  • 33. Juillet 2014 - Ademe33 partie 3 / Créer une “Vallée des Mobilités” La sélection prend en compte également le “portefeuille” de projets au sein de la même structure : éviter la concurrence entre solutions, favoriser les complémentarités et répartir les risques. Les modes de sélection des startups est majoritairement le “pitch” : de courtes présentations orales concrètes, allant à l’essentiel. Elles visent à mettre en avant les problèmes que le produit envisage de résoudre, les avantages compétitifs attendus et les premiers retours du marché (personnes intéressées, premiers clients, croissance). Avantage : ces méthodes sont peu coûteuses et ne nécessitent pas de passer par des intermédiaires spécialisés. 1.2. Mettre en tension les projets Une fois sélectionnée, la startup se met au travail au sein de la structure. La recherche du “product/market fit” (adéquation entre un produit et un marché) ne prend pas des années lorsque l’entreprise est bien encadrée et qu’elle pratique des méthodes agiles. Quelques semaines suffisent à créer un produit minimum viable et le tester auprès du marché. Une fois le modèle validé, le processus est plus long mais les éléments sont réunis pour progresser. C’est pourquoi la méthode préconisée privilégie des cycles courts (3 à 6 mois) en phase de démarrage. Ces cycles courts permettent de : • limiter la consommation de ressources • itérer rapidement avec le marché, en faisant évoluer son produit et/ou ses cibles • sélectionner les équipes à même de “délivrer” leurs produits et cibler leurs marchés • privilégier la mort rapide des projets (fail fast, fail often) pour “renaître” avec de nouveaux projets, plutôt que de perdre du temps et de l’argent à développer des projets dont le marché ne veut pas. À la fin de cette période, les startups doivent trouver des financements auprès d’investisseurs spécialisés pour continuer leur développement.
  • 34. Juillet 2014 - Ademe34 partie 3 / Créer une “Vallée des Mobilités” 1.3. Former et accompagner La formation et l’accompagnement des entrepreneurs portent sur divers sujets : • la veille sectorielle sur les marchés, les solutions et les modèles • l’apprentissage du travail en équipe • la pratique des méthodes agiles de conception, de test et d’itération • l’aide au prototypage • la recherche de marchés • le customer development, le marketing et la communication • ... L’accompagnement peut prendre plusieurs formes : aide individualisée, ateliers, conférences, visites et rendez- vous externes avec des clients, des investisseurs. Les formations peuvent être structurées en sessions internes, ouvertes au public ou partagées en ligne (e-learning, MOOC). La proximité des startups entre elles, permanente ou temporaire (à l’occasion d’évènements ou de formations) permet d’échanger et de partager les savoir-faire. L’accompagnement implique en contrepartie pour la startup de rendre compte sur les avancées des différentes phases de développement et sur ses orientations. Cet accompagnement est dispensé par des professionnels, salariés de la structure, mais aussi par des mentors et experts prestataires ou bénévoles. D’anciens entrepreneurs apportent expérience et relations à la structure. 1.4. Créer un guichet unique pour les entrepreneurs Les entrepreneurs ont besoin de se concentrer sur ce qu’ils savent faire : concevoir, développer et vendre leurs produits. Les spécificités des startups s’accomodent peu des structures traditionnelles de soutien à la création d’entreprise : formes juridiques et pactes d’actionnaires particuliers, problématique des levées de fonds, importance de la propriété intellectuelle,... Or les ressources spécialisées (juridique, comptables,...) sont rares et souvent dispersées. Concentrer ce type de ressources semble un moyen efficace d’aider les entrepreneurs aux différents stades de leur projet. Certaines strucures proposent déjà des packages de services : juridiques, comptables, y ajoutant des aides pour la communication ou le marketing numérique.
  • 35. Juillet 2014 - Ademe35 partie 3 / Créer une “Vallée des Mobilités” 2 / Révéler et faire vivre l’écosystème La particularité de l’écosystème des nouvelles mobilités est qu’il n’entre pas dans les limites prédéfinies d’une filière ou d’un secteur industriel. La première tâche d’une structure dédiée à l’innovation sera de le révéler, en connectant ses membres pour exprimer le potentiel de leur coopération. 2.1. Connecter Une startup s’inscrit dans un triangle de relations avec les grandes entreprises et les investisseurs.   La startup a besoin de connexions avec les entreprises présentes sur le marché qu’elle vise (distributeurs, fournisseurs d’accès, opérateurs téléphoniques, transporteurs,...) ainsi qu’avec les investisseurs pour être soutenue financièrement. En particulier, les “premiers pas” doivent être favorisés pour les nouveaux entrants dans l’écosystème : de l’université à la startup (quel statut pour les anciens étudiants ? quelles connexions ?), de la startup vers les grands groupes (quelles relations ?), des grands groupes vers les startups (quels contrats ?). L’ouverture des grandes entreprises et des PME vers les startups est une des clés de voûte de cet écosystème. Ni relation de sous-traitance, ni concurrence, cette ouverture doit profiter également aux deux parties pour réussir l’innovation en matière de nouvelles mobilités. La Silicon Valley, souvent citée en exemple, se caractérise par la proximité et la qualité des relations entre grands groupes et startups. Il est essentiel enfin que ces trois “points du triangle” soient reliés à un écosystème qui inclut également les mentors, les acteurs publics, l’enseignement, la recherche,... Une structure publique a un rôle de facilitateur essentiel à y jouer.
  • 36. Juillet 2014 - Ademe36 partie 3 / Créer une “Vallée des Mobilités” 2.2. Révéler Les animations et évènements sont indispensables pour connecter les différentes parties prenantes de l’écosystème : formations (voir plus haut), conférences, ateliers, rencontres avec des professionnels, des mentors, anciens entrepreneurs et investisseurs. Ils doivent être ouverts largement pour attirer des publics non identifiés au préalable comme faisant partie de l’écosystème. Ces animations doivent être co- produites par les membres et partenaires de la structure (grands groupes), les mentors, et les startups elles-mêmes. Cette co- production garantit implication des parties prenantes, pertinence et renouvellement des sujets présentés. Ces pratiques sont déjà mises en oeuvre par certaines structures comme le Numa à Paris. Elles posent cependant la question de la capacité à dupliquer ce type de schéma : les orateurs, accompagnateurs, experts et mentors sont des ressources rares; les grandes entreprises qui y participent ne sont pas représentées sur tout le territoire. L’écosystème aujourd’hui est très centralisé et ne semble pas pouvoir être “transposé” facilement.
  • 37. Juillet 2014 - Ademe37 partie 3 / Créer une “Vallée des Mobilités” 3 / Donner des permissions plutôt que des moyens Les acteurs rencontrés ont insisté sur la nécessité de ne pas enfermer l’innovation, mais au contraire de la libérer. L’innovation est dans le hasard et la sérendipidité. Elle ne se provoque pas, elle se constate. Pour favoriser le foisonnement des idées et leur créativité, il faut proposer des accès, des ouvertures, des autorisations de faire. Les startups ont besoin aussi de capacités de test de leurs solutions pour faciliter leur prototypage. De plus en plus de projets nécessitent également l’accès à des données et des services (cas du transport). 3.1. Proposer des “terrains de jeux” Disposer d’un “terrain de jeux” consiste à bénéficier de l’accès à des fonctionnalités, des données, des capacités de test,..appartenant à des tiers ou la collectivité. C’est également disposer de “permissions” temporaires ou définitives permettant de s’affranchir de certaines règles ou principes afin de libérer l’innovation. Cette notion de “terrain de jeu” diffère de celle d’expérimentation. L’expérimentation implique le plus souvent un cadre strict en amont et une destination fléchée des résultats en aval. La formidable réussite des Appstores d’Apple et Android démontre la puissance de modèles où une organisation ouvre à d’autres ses fonctionnalités et facilite leur réutilisation. L’entreprise qui ouvre sa plateforme considère que la puissance et la créativité de l’ “extérieur” sont supérieures à celles dont elle dispose. La plateforme devient un “terrain de jeu” pour les développeurs. Ils y disposent d’une grande liberté, sur la base de règles préétablies et non de négociations de gré à gré. L’attractivité des applications créées renforce l’attractivité de la plateforme en créant un écosystème autour de ses solutions. Ce modèle est très différent du modèle traditionnel de relations clients/ fournisseurs qui prévaut encore dans beaucoup de secteur, dont celui des mobilités. L'innovation ne se provoque pas, elle se constate Considérer que la puissance et la créativité sont plus fortes à l'extérieur qu'à l'intérieur de son organisation
  • 38. Juillet 2014 - Ademe38 partie 3 / Créer une “Vallée des Mobilités” Les pouvoirs publics disposent par essence d’une grande capacité à créer des plateformes : la décision du gouvernement américain de rendre accessible aux usages civils le système GPS de géolocalisation par satellite a ouvert une ère de développement et d’innovations sans précédent dans de nombreux domaines. Les réseaux routiers, ferroviaires, de communications,... sont des plateformes. Les futures “régies de données” seront des plateformes pour créer des applications ayant pour ingrédients les données des villes et grands services publics. 3.2. Accéder à des données et des services Le fait de conserver des données hors de portée des tiers est un frein nettement plus important que le manque de moyens. Dans le cas des nouvelles mobilités, les acteurs publics et privés génèrent une masse importante de données - infrastructure, offre, usage - qui pourraient servir de socle à la création de milliers de services. En particulier elles pourraient aider à la génération d’applications situées en aval des solutions existantes : information voyageurs, aide au déplacement, pricing, distribution des titres, relation- client,...L’hypothèse est que l’ouverture et l’accès organisés à ces données (documentation, web services,...) génère des applications dont personne n’avait pu avoir l’idée auparavant. L’accès à des “briques” de données et service permet également de gagner du temps et créer des solutions “over- the-top” : par exemple, s’interfacer avec une solution de cartographie plutôt que de la créer de toutes pièces. Chaque “brique” gère ses propres développements et mises à jour, profitant à l’ensemble des solutions interfacées. Pour cela, il est essentiel que ces interfaces soient disponibles sans conditions en amont (sélection des réutilisateurs) ou en aval (restrictions d’usage). Ouvrir ses données pour générer des applications dont personne n'avait pu avoir l'idée auparavant
  • 39. Juillet 2014 - Ademe39 partie 3 / Créer une “Vallée des Mobilités” De même, il est vain de penser que cette ouverture peut donner lieu à un retour sur investissement direct et immédiat. Les données brutes n’ont pas de valeur intrinsèque. C’est leur transformation en services qui va (peut-être) en créer. Le succès de ces services contribue alors au succès des plateformes qui les accueillent ou qui sont interfacées avec elles. Ainsi, le réseau de transport qui ouvre ses données pour permettre la création d’applications innovantes verra sa fréquentation augmenter grâce à ces applications. De compétition ou sous-traitance, les acteurs passent à la co-opétition et la sur-traitance, inventant de nouvelles formes de collaboration. On assiste ainsi à des “échanges de données” entre autorités publiques et entreprises privées : des solutions comme Moovit ou encore MotionLoft transmettent une partie des données qu’elles collectent aux collectivités en échange d’accès à d’autres données ou services (San Francisco, ou Rio pendant la Coupe du Monde). Une entreprise comme Tesla (voitures, bornes et batteries électriques) ouvre l’accès à ses brevets afin de favoriser le développement d’un écosystème autour de ses solutions. 3.3. Accéder à des plateformes techniques L’accès à des plateformes de tests et d’ingénierie techniques est stratégique pour des startups technologiques. Comme pour les données, des modèles de coopération sont à imaginer pour favoriser l’innovation “avec et par l’extérieur”. L’accès à des laboratoires, ateliers et “fablabs” (ateliers de fabrication) ouverts permettrait de disposer d’outils, de machines, mais aussi de conseils et d’échanges. De même, les entreprises travaillant sur des objets, des interfaces ou des solu- tions en rapport avec le mobilier urbain devraient pouvoir bénéficier d’ “accès” à ce mobilier pour tester leurs solutions. Créer de toutes pièces des “villes virtuelles” ne répond que partiellement aux besoins : en effet, c’est la réponse du marché - des utilisateurs - qui détermine les progrès et le succès du projet. Celle-ci ne peut être recréée “in vitro”. Les futurs quartiers numériques pourraient être le cadre de ces “laboratoires vivants” : des territoires pionniers pourraient accepter d’être le terrain de jeux d’entreprises, organisations et laboratoires à la recherche d’innovations dans le domaine des mobilités.
  • 40. Juillet 2014 - Ademe40 partie 3 / Créer une “Vallée des Mobilités” 3.4. Accéder à des “oasis juridiques” De nombreux succès récents portent autant sur les fonctionnalités proposées que sur le modèle d’affaires : louer plutôt qu’acheter, partager, échanger, mettre en relation,... Ces situations peuvent se confronter aux réglementations en vigueur, comme le montrent l’exemple de Booking, Airbnb ou Uber. De même, la Google Car a montré que des innovations radicales - une voiture sans conducteur pilotée par des logiciels - nécessitent des changements législatifs pour permettre leur utilisation. Des territoires pionniers pourraient autoriser localement et/ou temporairement la déréglementation de certains secteurs, afin de servir de terrain de jeux à des startups. On pourrait imaginer des villes accueillant des drones, des robots, des voitures sans conducteurs, ou encore autorisant des modifications du code de la route, du stationnement, des tarifs de services publics,...Bien évidemment cette déréglementation devrait respecter les droits des tiers, en particulier la sécurité. Ceci créerait un appel d’air pour les startups qui travaillent aux franges de la réglementation. Des systèmes d’évaluation permettraient de tirer les conclusions de ces expériences, afin de faire évoluer ou non la réglementation nationale par la suite. 3.5. Accéder de manière privilégiée à des marchés publics Les collectivités pourraient développer une politique d’achat plus favorable aux startups et à l’innovation de rupture. Ceci signifie par exemple : • donner un accès privilégié aux très petites entreprises dans leurs appel d’offres (exemple du Small Business Act américain) • accepter d’acheter ou participer à l’achat de produits ou services “en l’état futur” et qui ne seront peut-être jamais mis en service (exemple du crowdfunding). Cette mesure pourrait être couplée avec celle créant des “oasis juridiques”. Les quartiers numériques pourraient être les terrains de jeux des entreprises innovantes
  • 41. Juillet 2014 - Ademe41 CONCLUSION L’innovation aujourd’hui ne s’impose plus. Elle ne se déclare plus. Elle se constate, dans l’adoption massive par le marché d’une technologie, d’un service ou d’un usage. Ce changement de paradigme nécessite d’adopter une approche plus modeste, résiliente et plus “apprenante” de l’innovation. Pour les acteurs traditionnels du transport la question aujourd’hui n’est plus : “comment lutter contre les changements et défendre nos positions ?”, mais “comment apprendre nous aussi à inventer des services de mobilités qui soient adoptés par nos clients ?”. Les personnalités interrogées dans cette étude considèrent que les démarches d’innovation actuelles sont peu efficaces pour relever ces défis : trop prévisibles, trop lourdes, trop ciblées sur les seules technologies. Ces méthodes passent à côté de ce qui fait le succès des “nouveaux entrants” : la capacité à trouver l’adéquation produit/marché en s’appuyant sur des technologies existantes et passer à l’échelle rapidement. Et surtout, ces démarches privilégient les grandes entreprises au détriment des startups, têtes chercheuses de l’innovation moderne. Le défi de l’innovation à l’ère d’internet est de faire confiance à la capacité créative de chaque partie pour faire progresser l’ensemble de l’écosystème. Ceci suppose pour la filière d’accepter de ne plus tout maîtriser et de se mettre au service des autres acteurs, déjà identifiés ou non. De créer les conditions de réussite et ouvrir ses ressources, sans savoir à l’avance ce qu’il en adviendra. Les pouvoirs publics ont un rôle essentiel à jouer : ils maîtrisent l’infrastructure physique et légale; ils peuvent favoriser la diffusion des externalités positives générées et jouer le rôle d’intermédiation entre tous les acteurs pour identifier et lever les barrières. La tâche est immense, tant la filière des nouvelles mobilités s’ignore encore aujourd’hui. Elle est passionnante, car l’essentiel des changements est devant nous.
  • 42. Juillet 2014 - Ademe42 CONCLUSION Le dispositif proposé dans cette étude n’a pas vocation à être exhaustif; il s’agit ici d’une esquisse. Ce ne sont que des pistes dont l’application doit être testée, améliorée et surtout négociée avec les parties prenantes. En revanche, ce dispositif ne peut être mis en oeuvre partiellement : l’accès aux ressources, l’accompagnement, la capitalisation par la formation et l’animation sont indissociables. La création d’une nouvelle culture de l’innovation en France est appelée de tous les voeux. Le secteur des nouvelles mobilités, au croisement des modes de vie et de la technologie, peut en être le fer de lance tant il touche à la fois nos vies quotidiennes, nos territoires et nos industries. C’est une chance qui se présente pour les citoyens, pour les entrepreneurs et pour l’environnement.
  • 43. Agence conseil en stratégie et marketing des services 74, rue Ange Blaise 35000 Rennes 06 17 18 03 71 info@15marches.fr www.15marches.fr