1. 6a. Etude de Cas
La LOLF Française: les raisons d’un échec
Jean-Marc Lepain
IMF – AFRITAC West 2
Conseiller Régional Résident pour L’Afrique de l’Ouest anglophone
jlepain@imf.org
www.slideshare.net/JeanMarcLepain/
La Gestion Budgétaire par Programme
Montréal 7-11 Juillet 2014
2. Pourquoi la LOLF ?
• La Loi Organique sur les Lois de Finance de 2001 remplace
l’Ordonnance de 1959 qui substitue à 850 enveloppes cloisonnées 35
missions.
• Une logique de résultats remplace une logique de moyens afin
d’augmenter l’efficacité des dépenses et d’améliorer la qualité des
services publics.
• La loi vise à réduire le retard de la France en matière de GFP dans le
contexte de l’intégration européenne (pressions OCDE et EU).
• Nécessité d’aligner le budget sur une vision stratégique de l’avenir de
la France.
• Selon l’ordonnance de 59, le rôle du parlement est limité à l’examen
des dépenses nouvelles soit 6% du budget en moyenne.
3. Principales Innovations de la LOLF
• La gestion par programme introduit une nouvelle structure
budgétaire en associant aux programmes des objectifs précis dont
les résultats sont quantifiables.
• Les décisions budgétaires sont déterminées par le rapport
coût/efficacité des crédits et non plus par des évolutions
quantitatives;
• La Loi introduit de nouvelles règles de gestion plus souples qui
autonomisent les programmes et responsabilisent les gestionnaires.
• La loi introduit une plus grande transparence de l’affectation des
crédits.
• Le rôle du Parlement est renforcé.
4. Méthodologie de Mise en Œuvre
(5 ans de préparation)
• Définir les programmes
• Définir les stratégies des programmes
• Définir les objectifs stratégiques des programmes et
les hiérarchiser
• Recenser les indicateurs possibles et établir une
sélection
• Établir une hiérarchie d’indicateurs
• Établir les moyens de vérification et d’audit
6. Les grandes questions au cœur du
débat français
• Comment trouver une démarche ou une méthodologie commune
permettant de définir programmes, objectifs, indicateurs pour tous les
secteur d’intervention de l’État français?
• Combien d’indicateurs faut-il?
• Quels sont les indicateurs pertinents pour le débat public?
• Quelles informations fournir au Parlement et quelle peut être
l’implication des élus dans un débat non plus axé sur les moyens
financiers, mais sur les indicateurs et l’efficacité financière?
• Comment acclimater cette nouvelle approche dans l’administration
française sans susciter son rejet par les fonctionnaires?
• Sur quelle base l’audit peut-elle juger de la conformité de l’exécution
des programmes aux objectifs définis et à leurs indicateurs?
7. Le Constat d’échec de la Cour des Comptes
(2011)
• 894 indicateurs de performance ( !), pas un de moins, tracent l’action des
services publics; parmi eux, seulement 18% mesurent la qualité de service. Ils
n’ont que peu d’impact sur la distribution des crédits (pas de CMTP).
• « La LOLF a aussi manqué, sur la durée, de quatre clés indispensables à la
réussite de toute réforme : une stratégie clairement affichée, un plan d’action
construit, un pilote bien identifié et une conduite du changement adaptée. »
(dixit)
• « L’État intervient sur un champ de plus en plus minoritaire des finances
publiques. Il représentait au moment du vote de la LOLF 39 % des dépenses
publiques et 35 % en 2010. » (dixit)
• « La promesse d'un assouplissement de la gestion n'a pas été tenue »;
« …certaines administrations centrales ont rapidement repris une partie du
pouvoir qu'ils avaient déléguée».
• « Les marges d'action des responsables administratifs, locaux et même
nationaux [est] fortement limitées par une gestion des ressources humaines très
centralisée et une mobilité des agents très faible »,
8. Les raisons d’un échec: Les causes
structurelles
• La LOLF n’a pas été associée à une réforme de l’État
• La LOLF ne concerne que l’État central et non les
collectivités territoriales; forme rampante de
décentralisation peu cohérente;
• La LOLF n’a pas été associée à une réforme de la
fonction publique.
9. Des Faiblesses conceptuelles dans
la conception de la réforme (1)
• Le manque de clarté des objectifs poursuivis par la loi: réduction des coûts,
réduction du déficit budgétaire, modernisation de l’administration, réduction des
effectifs, gain de productivité, meilleure efficacité de l’administration, satisfaction
du public, etc.;
• Un trop grand nombre de missions réduisant clarté et lisibilité;
• Un trop grand nombre d’indicateurs; ceux-ci sont rarement liés à des objectifs
stratégiques ou qualitatifs; ils ne sont pas hiérarchisés; il n’y a pas de cadre moyen
terme de la performance.
• Il n’y a pas de distinction entre l’évaluation de l’efficacité des politiques publiques
dont les gestionnaires ne sont pas responsables et l’amélioration de la qualité des
services publics.
• Il existe un conflit entre augmenter l’efficacité et réduire les coûts, mais pas de
mécanismes pour produire des arbitrages.
• Contradiction entre la LOLF et la Révision Générale des Politiques Publiques
(RGPP) de 2007 qui annule de fait certaines dispositions de la LOLF réduisant
l’autonomie de gestion et impose un cadre de reporting différent de celui des
programmes.
10. Des Faiblesses conceptuelles dans
la conception de la réforme (2)
• Il existe un manque de coordination avec les autres réformes (problème
de séquençage des réformes), notamment en ce qui concerne les
problèmes de décentralisation et la rénovation de la programmation
macroéconomique, la politique d’investissement et la formulation de la
politique budgétaire;
• L’autonomie de gestion des programmes reste théorique et n’est pas
assise sur de nouveaux mécanismes de gestion codifiés par une
réglementation liée à un cadre législatif contraignant;
• Les problèmes de coordination entre ministères et administrations
territoriales pour atteindre les objectifs des missions et programmes
transversaux ne sont pas résolus;
• Les mécanismes d’incitation des fonctionnaires sont trop faibles.
11. Le manque d’implication des
fonctionnaires
• Un agent sur 3 seulement (35%) est tout à fait d’accord ou plutôt d’accord
avec l’affirmation suivante : « le service ou l’établissement dans lequel vous
travaillez dispose des marges de manœuvre suffisantes pour atteindre les
objectifs qui lui sont assignés ». Ceux qui sont tout à fait d’accord ne sont
que 6% (page 217 du rapport de la Cour des Comptes).
• 65% de ceux qui sont soumis à des indicateurs de performance estiment que
ces indicateurs ne sont pas adaptés pour apprécier la qualité de leur travail
(80% à l’éducation nationale).
• 68% des agents ont entendu parler de la LOLF mais, parmi ceux-là, 83%
n’ont pas personnellement participé à sa mise en œuvre.
• 15% pensent que la LOLF a des conséquences positives sur leur travail et 44%
qu’elle a des effets négatifs.
• A la question, « et d’une manière générale, diriez vous que la LOLF a permis
de mobiliser votre administration pour atteindre ses objectifs ? » la réponse
est « oui, tout à fait » pour 6% et « oui, plutôt » pour 30%.
12. L’absence de volonté politique
• La réflexion sur les politiques publiques et leur justification demeure
insuffisante par peur de remettre en cause les situations acquises et
les privilèges.
• Le gouvernement ne tient pas compte de la performance dans
l’affectation de nouveaux crédits (promesse de campagne, groupe de
pression, etc.).
• Le Parlement n’a pas su s’adapter à son nouveau rôle. Il consacre trop
de temps à l’examen du budget et pas assez à l’examen des comptes
en fin de gestion.
• La Loi de Règlement n’est pas devenue une loi de résultat.
• Pas d’association des usagers à la démarche de performance.
• Absence d’une démarche de communication conduisant à un
manque d’information du public.
13. Conséquences de l’Échec
• Le déficit budgétaire demeure non-maîtrisé.
• Les gains de productivité sont faibles.
• La baisse du nombre de fonctionnaires dans
l’administration centrale est largement compensée
par l’augmentation de leur nombre dans les
administrations territoriales.
• L’augmentation de l’efficacité et de la qualité des
services résulte souvent de démarches qui ne
s’inscrivent pas dans la mesure de la performance.
• Pas de lisibilité pour le public donc pas de présence
dans le débat politique.
14. Les Leçons à tirer de l’expérience
française
• La Gestion Budgétaire basée sur la performance n’est pas un
instrument destiné à réduire les déficits budgétaires. Il vaut mieux
assainir les finances publiques avant de mettre en place la GBO;
• Le séquençage des réformes et leur coordination sont
fondamentaux;
• L’association des usagers à la conception et la mise en œuvre de la
GBO sont essentielles à son succès, tout comme un fort contrôle
politique;
• Le nombre de missions doit être réduit tout comme les indicateurs
primaires qui doivent être connus du grand public.
• L’existence d’indicateurs doit être accompagnée d’un nouveau
système de gouvernance qui fait défaut en France.