2. INTRODUCTION
Les virus étant des organismes dotés d'un seul type d'acide
nucléique, DNA ou ARN selon les cas, ils sont donc des parasites
intracellulaires obligatoires.
Pour assurer la réplication de leurs génomes et la synthèse de leurs
protéines constitutives, ils doivent impérativement utiliser la
machinerie d'une cellule hôte, qu'ils détournent à leur profit.
L'infection d'une cellule par un virus peut provoquer deux types de
lésions : des lésions directes, dues à l'éventuel effet pathogène du
virus (effet cytopathogène), et des lésions indirectes, provoquées
par la réponse immunitaire de l'organisme dirigée contre les
cellules infectées
5. PATHOGÉNIE DES INFECTIONS VIRALES
Une infection virale comprend plusieurs étapes successives, qui constituent le
cycle viral :
Pénétration du virus dans l'organisme,
Reconnaissance et entrée dans la cellule hôte,
Réplication du génome viral et synthèse des protéines virales spécifiques,
assemblage du virion,
Sortie de la cellule hôte et propagation des virions.
A chacune de ces étapes, l'organisme est susceptible de mettre en jeu des
mécanismes de défense antivirale.
7. LE CYCLE VIRAL
Entrée des virus dans l'organisme : La pénétration des virus dans l'organisme
peut être directe ou indirecte. Elle est directe lorsque le virus traverse par ses
propres moyens les barrières entre le milieu extérieur et le milieu intérieur. Elle
est indirecte lorsque le virus utilise un vecteur pour pénétrer dans l'organisme.
Entrée directe : Les principales portes d'entrée directe des virus sont les
muqueuses : conjonctive (virus de la rougeole et de la rubéole, certains
adénovirus et entérovirus), muqueuse respiratoire (rhinovirus, adénovirus,
paramyxovirus, herpesvirus), muqueuse digestive (reovirus, rotavirus,
adenovirus, enterovirus), muqueuses génitales (herpesvirus, papillomavirus).
Contrairement aux muqueuses, la peau est une barrière efficace contre les virus,
qui ne sont habituellement pas capables de la traverser spontanément. Certains
virus sont capables de traverser la barrière fœtoplacentaire et de provoquer des
infections fœtales in utero (parvovirus, virus de la rubéole, cytomégalovirus).
8.
9. LE CYCLE VIRAL
Entrée indirecte : Certains virus sont capables d'utiliser des
vecteurs pour franchir la barrière cutanée et pénétrer ainsi dans
l'organisme hôte. Les vecteurs les plus naturels sont les animaux.
Les moustiques sont ainsi susceptibles de transmettre par leur
piqûre de très nombreux virus (arbovirus, flavivirus). Les chiens
peuvent transmettre par leur morsure le virus de la rage. D'autres
facteurs de propagation ont un rôle de plus en plus important. La
contamination des seringues (ou du matériel médical et
paramédical) par les virus des hépatites B et C est un facteur
essentiel de la propagation de ces infections.
10. LE CYCLE VIRAL
Reconnaissance de la cellule cible
Certains virus exercent leurs effets pathogènes au niveau de leur site d'entrée
dans l'organisme : les rhinovirus s'attaquent à la muqueuse respiratoire, les
papillomavirus aux muqueuses génitales, les reovirus et rotavirus aux
muqueuses digestives. D'autres virus ne peuvent se reproduire que dans un
organe cible spécifique, qu'ils doivent rejoindre à partir de leur porte d'entrée
dans l’organisme : le virus de la rage atteint exclusivement le cerveau, les virus
des hépatites B et C sont spécifiques des hépatocytes. Pour se déplacer dans
l'organisme, les virus peuvent éventuellement circuler librement dans le sang :
c'est la virémie, souvent transitoire. Plus souvent, ils utilisent des voies
détournées, moins exposées au système immunitaire : les virus des hépatites
utilisent les lymphocytes et les monocytes comme vecteurs, le virus de la rage
se déplace le long des axones pour remonter vers le système nerveux central.
11. LE CYCLE VIRAL
Entrée dans les cellules cibles
Les virus sont capables de reconnaître spécifiquement les cellules cibles (ou cellules
permissives) qui permettront leur reproduction. Cette reconnaissance spécifique est due à
l'expression à la surface de la cellule cible d'une protéine servant de récepteur pour le virus.
Très souvent, il s'agit de protéines membranaires normalement exprimées par les cellules et
que le virus détourne pour son propre usage. C'est ainsi que les rhinovirus et les poliovirus
utilisent comme récepteur une protéine normalement exprimée par les cellules stimulées par
les médiateurs de l'inflammation. Le virus VIH utilise comme récepteur la protéine CD4,
normalement exprimée par certains lymphocytes et monocytes.
Après interaction entre le virus et son récepteur spécifique, l'entrée dans la cellule fait appel
aux mécanismes généraux d'endocytose. Le virion est capté dans une vésicule d'endocytose.
Celle-ci est internalisée dans le cytoplasme. Elle rejoint le système endosomal et finit par
fusionner avec un lysosome. Là, la capside virale est dégradée, le génome viral est libéré et
passe dans le cytoplasme. Le processus de réplication peut commencer.
12. LE CYCLE VIRAL
Réplication virale et synthèse des protéines virales
Le génome viral contient habituellement toutes les informations nécessaires pour assurer sa
réplication et la synthèse des protéines virales. Il existe cependant quelques exceptions à la
règle : certains virus, comme le virus de l'hépatite D ou certains rétrovirus, ont besoin d'autres
virus pour assurer leur réplication. Ce sont des virus défectifs.
La réplication d'un génome viral DNA obéit aux mêmes règles que celle de n'importe quel
DNA. L'DNA viral se réplique directement en nouvelles molécules qui constitueront autant de
nouveaux génomes viraux. Parallèlement, certains gènes du DNA viral sont transcrits sous
forme de molécules d'ARN messagers qui seront elles-mêmes traduites en protéines. C'est la
machinerie cellulaire qui est mise à profit pour ce processus : enzymes de réplication du DNA,
ribosomes, ARN de transfert, acides aminés sont fournis par la cellule hôte.
13. LE CYCLE VIRAL
Lorsque le génome viral est formé d'ARN, le processus est plus
complexe. L'ARN viral doit être d'abord transcrit en DNA, grâce à
une enzyme spécifique, la transcriptase reverse. La copie DNA sera
à son tour transcrite en nouveaux génomes ARN.
Une fois le génome viral répliqué et les protéines nécessaires
synthétisées, les nouveaux virions seront assemblés, habituellement
à l'intérieur du réticulum endoplasmique de la cellule hôte.
14. LE CYCLE VIRAL
Sortie de la cellule
Les virions matures sortent de la cellule par différentes méthodes. La plus drastique est la
destruction pure et simple de la cellule hôte et la libération de tous les virions dans le milieu
extracellulaire. C'est ainsi que, à la fin de leur cycle de réplication, les rhinovirus détruisent les
cellules épithéliales de la muqueuse respiratoire. Le mélange formé par les vestiges de ces
cellules, associées au mucus produit en réponse à l'agression de la muqueuse et à l'œdème
inflammatoire de la muqueuse, est responsable de la sécrétion nasale caractéristique des
infections dues à ces virus.
D'autres virus respectent davantage leurs cellules hôtes. Ils sortent de la cellule en provoquant
un bourgeonnement de la surface cellulaire qui emprisonne le génome viral et sa capside. Il
en résulte une vésicule de surface qui se détache et emporte le virion entouré par un
fragment de membrane plasmique de la cellule hôte. Ce processus est suivi par beaucoup de
rétrovirus et par le virus VIH.
15.
16. LE CYCLE VIRAL
Propagation dans l'organisme
La propagation des virions libérés peut se faire par voie
sanguine ou lymphatique. Plus rarement, elle se fait de
proche en proche, d'une cellule à l'autre au sein d'un
même tissu. C'est ainsi que le virus de la rage passe
directement de cellule nerveuse en cellule nerveuse.
18. MÉCANISMES DE DÉFENSE ANTIVIRALE
Le premier mécanisme de défense antivirale, comme dans tout système de défense
antiinfectieuse, est le rôle de barrière joué par la peau et les muqueuses. Nous avons vu que
beaucoup de muqueuses sont facilement infectées par les virus et que la peau elle-même
peut être franchie en utilisant des vecteurs appropriés.
Les cellules du système monocytaire-macrophagique constituent une deuxième ligne de
défense. Leur rôle essentiel consiste dans la phagocytose des virions, insuffisante pour le
contrôle de l'infection, mais indispensable pour la mise en jeu d'une réponse immunitaire
spécifique.
Les lymphocytes sont les principaux agents de défense antivirale. Plusieurs méthodes sont
employées :
La sécrétion de substances à effet antiviral : c'est le cas des interférons,
La synthèse et la sécrétion d'anticorps spécifiques : ils jouent un rôle important pour prévenir
la réinfection ultérieure par la même souche virale,
La production de lymphocytes cytotoxiques, capables de détruire les cellules cibles infectées
par le virus.
19. MÉCANISMES DE DÉFENSE ANTIVIRALE
Les cellules infectées par les virus expriment en effet à leur surface des néo-antigènes, le plus
souvent des protéines virales, qui les font reconnaître comme étrangères par les lymphocytes
cytotoxiques. Deux moyens permettent la destruction des cellules cibles par les lymphocytes
cytotoxiques :
L’interaction directe avec la cible par l'intermédiaire de protéines membranaires spécifiques
(système Fas),
La sécrétion d'enzymes spécifiques (perforine, granzymes). Dans les deux cas, la mort de la
cellule cible se fait par apoptose. Dans cette forme de mort cellulaire, la cellule se rétracte sur
elle-même et se condense, et sa membrane demeure imperméable. Les virions qu'elle contient
ne peuvent donc pas sortir dans le milieu extracellulaire et sont détruits en même temps que
leur cellule hôte, le plus souvent après phagocytose par des macrophages. Cette forme de
mort cellulaire limite donc la dissémination virale dans l'organisme.
20. MÉCANISMES DE DÉFENSE ANTIVIRALE
Beaucoup de virus ont développé des stratégies pour échapper aux effets du
système immunitaire. L'une des stratégies les plus utilisées est la variabilité
antigénique. Les souches virales mutent très rapidement et acquièrent de
nouveaux motifs antigéniques qui nécessitent la rééducation du système
immunitaire. C'est la stratégie utilisée par le virus de la grippe, celui du SIDA et
celui de l'hépatite C. D'autres virus développent des stratégies très complexes.
Plusieurs virus sont ainsi capables d'empêcher la reconnaissance de leur
cellule hôte par le système immunitaire ou de bloquer l'apoptose de leur
cellule hôte.
23. EVOLUTION DES INFECTIONS VIRALES
a) Evolution virologique : D'un point de vue virologique, il est possible de
distinguer trois types d'infections virales :
Les infections productives : forte réplication, production de nombreux virions,
débordement du système immunitaire par le nombre,
Les infections persistantes : faible réplication, production de rares virions,
échappement au système immunitaire par développement de stratégies
spécifiques (variabilité antigénique, inhibition de l'apoptose, ...)
Les infections latentes : absence de réplication pendant de longues périodes,
courtes réactivations souvent favorisées par un déficit immunitaire transitoire.
24. EVOLUTION DES INFECTIONS VIRALES
Evolution clinique : Le premier contact d'un organisme avec un virus (ou une
nouvelle souche d'un virus déjà rencontré) correspond à l'infection primaire.
Celle-ci n'est pas toujours symptomatique. Elle est en fait souvent inapparente
:
c'est même la règle pour certains virus, comme celui de la rubéole, le
cytomégalovirus, le virus de l'hépatite C ou le virus VIH. L'évolution clinique
ultérieure dépend du type d'infection virale. Trois cas de figures sont possibles
:
Infection primaire isolée, sans persistance ni latence virales ultérieures,
Infection primaire suivie par une infection latente,
Infection primaire suivie par une infection persistante.
25. EVOLUTION DES INFECTIONS VIRALES
Certaines infections virales se limitent à l'infection primaire : il n'y a
ni persistance, ni latence virales ultérieures. C'est le cas de la
rubéole, des oreillons, de l'hépatite A, de la grippe, pour ne citer
que quelques exemples. L’infection primaire peut se présenter
cliniquement comme une infection aiguë symptomatique. Elle est
parfois inapparente et sa seule trace ultérieure sera une sérologie
positive témoignant de l’immunisation du sujet : c’est un cas de
figure fréquemment rencontré au cours de la rubéole.
26. EVOLUTION DES INFECTIONS VIRALES
Dans de nombreux cas, l'infection primaire est suivie d'une latence virale.
L'infection se réactive plus ou moins fréquemment, sur un mode
symptomatique ou non.
Toutes les formes cliniques sont possibles : réactivation unique symptomatique
(varicelle suivie plusieurs décennies après par un zona), réactivations multiples
souvent symptomatiques (herpès), réactivations multiples habituellement
asymptomatiques (virus d'Epstein-Barr), réactivations exceptionnelles favorisées
par un état d'immunodépression (cytomégalovirus). Enfin, certaines infections
primaires sont suivies par une infection persistante. Deux exemples
particulièrement significatifs sont les infections par les virus des hépatites B et
C. Si l'infection persistante est asymptomatique, le sujet infecté et déclaré
porteur sain. Si elle est symptomatique, le terme d'infection virale chronique
peut alors être employé.
27. REFERENCES
Robbins S.L., Cotran R.S., Kumar V. ; Pathologic Basis of
Disease. W.B. Sauders Co, Philadelphia, 1984.
Vinay KUMAR, Abul ABBAS et Jon ASTER; Robbins Basic
Pathology, 10ème Edition, Canada, Elsevier , 2018, 910p
Atoba BOKELE, Physiologie Pathologique, Cours Inédit, G3
BIOMED, UNIGOM, Faculté de Médecine.