Publication de Yvon Gervaise dans les annales de la SECF (Societe des Experts Chimistes de France ) N° 992 juin 2020 cette communication a pour propos un éclairage sur les Coronavirus et en particulier sur l’un d’eux le SRAS-CoV 2 responsable de la pandémie actuelle CoViD-19. Cet éclairage est celui d’un expert-chimiste et homme de laboratoire.
Je me suis donc attaché à montrer la genèse des techniques de biologie moléculaire, discipline dans laquelle des chimistes ont joué un rôle de premier plan.
Au-delà d’un regard émerveillé sur les mécanismes moléculaires à l’oeuvre dans le vivant, j’ai aussi essayé de vous faire entrevoir les bases technico-scientifiques de la technique d’analyse RT-PCR à l’oeuvre dans les laboratoires pour détecter le Coronavirus
"La matière dans sa composition et ses interactions" discours à l'Académie
CoViD19: un éclairage sur les coronavirus et les fondements de la RT-PCR
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Un éclairage sur les coronavirus
Yvon GERVAISE, Ingénieur INSCIR-INSA Rouen, E.S.C. (ExpertScience - Consulting)
http://www.expertscience.fr ; Mail : gervaise.yvon@gmail.com
DÉCHIFFRONS LES ACRONYMES :
Avant de traiter de la famille des coronavirus, dont l’un a été identifié comme l’agent causal de
la pandémie mondiale actuelle, il convient d’apporter les précisions suivantes, en déchiffrant
les acronymes souvent repris:
• SARSr-CoV (Sever Acute Respiratory Syndrome related-Coronavirus) est le nom
scientifique officiel de l’espèce de Coronavirus causant des syndromes respiratoires
aigus sévères.
• SARS-CoV-2 severe acute respiratory syndrome coronavirus 2) en
français coronavirus 2 du syndrome respiratoire aigu sévère) est la souche de
virus (Coronavirus) caractérisée et identifiée comme responsable de la nouvelle
pandémie (CoViD -19), pneumonie apparue en décembre 2019 à Wuhan en chine.
• CoViD-19 (Corona Virus Disease 2019) maladie provoquée par le virus (SARS-CoV-
2), apparue en Chine décembre 2019 et propagée sous forme de pandémie sur la
planète entière.
Après avoir précisé les différentes appellations utilisées lors de cette pandémie née en Chine
fin 2019 à WUHAN, puis vécue en Europe et dans le monde en ce premier semestre 2020, il
apparait plus clairement que SARS-CoV-2 est Le Virus, c’est à dire le pathogène qui infecte
les humains, et qui provoque la maladie CoViD-19 causée par ce Coronavirus se traduisant
par une pneumonie sévère.
Le 11 février 2020, l’OMS avec l’organisation de la santé animale et l’ONU (pour l’alimentation
et l’agriculture) nomment la maladie :CoViD 19 (Corona Virus Disease 2019).
S’agissant d’une maladie, on devrait dire La CoViD-19 pour désigner cette maladie mais les
journalistes ont pris l’habitude de dire le CoViD-19.
LA MALADIE CoViD 19 EST UNE ZOONOSE
La maladie COVID-19 est une zoonose, une infection passée de l’animal à l’homme. Le
réservoir naturel de son agent causal, le virus SARS-CoV-2, semble être la chauve-souris avec
la possibilité d’un réservoir intermédiaire : le pangolin qui assurerait la transmission à l’homme.
En 2003, le coronavirus SARS-CoV responsable de l’épisode de SRAS 2003 (syndrome
respiratoire aigu sévère) avait pour réservoir la civette palmée. En 2012, le Coronavirus
MERS-CoV qui a provoqué le syndrome respiratoire du moyen orient avait pour réservoir le
dromadaire. À titre de comparaison, les virus de la grippe ont pour réservoirs des espèces
animales aviaires ou porcines.
Deux souches de virus de l’espèce SARSr-CoV Coronavirus ont provoqué des flambées de
maladies respiratoires graves chez l’humain :
- le SARS-CoV-1 Coronavirus qui a provoqué le SRAS 2003.
- le SARS-CoV-2 Coronavirus qui, depuis fin 2019, est la cause de la pandémie CoViD-19.
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Il existe des centaines d’autres souches de virus de l’espèce Coronavirus (SARSr-CoV) qui
sont connues pour n’infecter que des espèces non humaines, en particulier les chauves-souris
qui en sont un réservoir majeur.
DÉCRYPTAGE DES DIFFÉRENTS CORONAVIRUS
La famille des coronavirus comprend quatre groupes :
• Les alpha et bêta coronavirus qui affectent les mammifères et l’homme en particulier
1. Les Coronavirus alpha sont responsables de pathologies respiratoires et
intestinales généralement bénignes chez l’enfant, ils se sont adaptés à
l’homme depuis longtemps parmi les alpha coronavirus : le NL 63-CoV, virus
saisonnier, est bénin.
2. Les coronavirus bêta mènent à des pathologies différentes :
- des pathologies bénignes et saisonnières comme celles dues aux virus HKU1
et OC43- CoV.
- des pathologies sévères : telles celles dues au coronavirus SARS-CoV 1
(responsable du SRAS 2003), ou au MERS-CoV (responsable du syndrome
respiratoire du moyen orient survenu en 2012) ou au SARS-CoV -2
(responsable de la pandémie actuelle CoViD-19).
• Les Gamma-coronavirus qui infectent les oiseaux
• Les Delta -coronavirus qui infectent les oiseaux et les mammifères
HISTOIRE DE LA CARACTÉRISATION DU SARS-CoV-2
La caractérisation du Coronavirus SARS-CoV-2, responsable de la nouvelle pandémie CoViD
-19 pneumonie apparue en décembre 2019 à Wuhan, a débuté en Chine.
Grâce aux immenses progrès en biologie moléculaire, les techniques de séquençage et de
génie génétique ont été déterminantes pour déchiffrer l’ARN du Coronavirus SARS-CoV-2.
L’institut Pasteur a séquencé le génome complet du virus en janvier 2020, ce virus était alors
dénommé 2019 -nCoV, ces travaux ont été conduits sur la plate-forme de microbiologie
mutualisée(P2M) dédiée au séquençage du génome des bactéries, des virus, des
champignons et des parasites.
Dès le 9 janvier 2020, les autorités chinoises et l’OMS avaient annoncé la découverte de ce
nouveau coronavirus appelé alors : 2019 n-CoV, isolé le 7 Janvier 2020 et identifié comme
agent causal des pneumonies de Wuhan en Chine.
Par la suite, ce coronavirus, en considération notamment de son arbre phylogénétique et de
son génome, sera dénommé SARS-Cov-2.
La connaissance des séquences du génome de ce virus était indispensable pour développer
toutes les recherches et les test PCR (Polymerase Chain Reaction). Ces données sont
répertoriées pour la France au CNR (Centre National de Référence) de l’Institut Pasteur. Ce
centre est piloté par Vincent ENOUF, directeur P2M, et Sylvie Van Der WERF, directrice du
laboratoire de génétique moléculaire des virus respiratoires
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La séquence de ce nouveau virus SARS-CoV-2 est différente mais proche de celle du SARS-
CoV-1 et, plus éloignée du MERS-CoV, ces trois Coronavirus induisent une pathologie
caractérisée par un Syndrome Respiratoire Aiguë Sévère (SRAS). Ce coronavirus SARS CoV-
2 est à ARN simple brin positif, lorsque son génome est libéré dans le cytoplasme de la cellule
infectée, il peut être, en grande partie, directement traduit par la machinerie de traduction de
la cellule infectée et s’y multiplier.
COMPARAISON DU CORONAVIRUS ET DES VIRUS GRIPPAUX
Le Virus SARS-CoV 2 est totalement différent des virus de la grippe :
Les virus de la grippe sont enveloppés aussi, ils contiennent huit fragments d’ARN négatif (l’
ARN négatif nécessite dans la cellule d’être transformé en ARN positif avant de pouvoir être
traduit en protéines ) .
La grippe « espagnole » de 1918 avait pour agent causal un virus filtrant découvert grâce aux
travaux du Rouennais Charles NICOLE associé à Charles le BAILLY. Ce virus fut isolé et
cultivé en 1933 par une équipe anglaise. Elle utilisa le furet comme animal d’expérience
comme l’a rappelé le docteur Karl FELTGEN * dans son excellente communication « une
pandémie dévastatrice : la grippe « espagnole »
Rf : * colloque du 10 novembre 2018, publié par l’Académie des Sciences, Belles lettres et
Arts de Rouen
Les virus de la grippe (Myxovirus influenzae) sont repartis en trois types A,B,C seuls les types
A et B jouent un rôle important d’un point de vue pathogène.
Comme indiqué précédemment, le génome des virus grippaux est à ARN négatif comportant
huit segments codant pour des protéines. Au niveau de l’enveloppe de ces virus, deux
molécules de surface glycoprotéines expliquent leur pouvoir pathogène :
- l’Hémagglutinine (H) qui permet la fixation sur les récepteurs de la cellule cible et donc la
pénétration du virus dans les cellules.
- la Neuraminidase (N) qui permet le bourgeonnement et le détachement des virus à la
surface des cellules hôtes.
Par contre, le Coronavirus SARS-CoV-2 fait partie de la grande famille des virus enveloppés,
c’est un virus ARN simple brin positif, qui pénètre dans sa cellule hôte se liant au récepteur
ACE. Si l’on observe le génome du coronavirus SARS-CoV-2, on découvre un
génome relativement grand puisqu’il a 30 kilobases et il code pour une vingtaine de protéines.
Les coronavirus ont les plus grands génomes parmi les virus à ARN, le VIH en comparaison
a un génome de 9 kilobases (9000 Nucléotides)
Par ailleurs, les virus grippaux présentent de nombreuses variations de structure de leurs
molécules de H1 à H18 et de N1 à N11. Chez les virus grippaux du groupe A surviennent
parfois des variations brutales d’H et N, celles-ci sont consécutives à des réassorts génétiques
(Échanges de fragments de génome entre souches humaines et souches animales) entraînant
l’apparition de sous-types contre lesquelles l’homme n’est pas immunisé.
Ainsi ont circulé des virus de type H1N1, H3N2 ...
Après ce détour par les virus grippaux revenons au Coronavirus.
LES CARACTÉRISTIQUES MOLÉCULAIRES DU SRAS-Cov-2
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Le génome du virus responsable de la pandémie CoViD 19 code les protéines
suivantes :
• La protéine S (pour Spike), un trimère qui se lie au moment de l’infection au
récepteur de la cellule hôte : le récepteur ACE2. Ce type de cellules avec ce
type de récepteur est présent, notamment, dans les poumons, le cœur, le foie,
les reins et l’intestin.
La protéine S permet l’entrée du virus dans les cellules et le déclenchement du
cycle infectieux après interaction du virus avec son récepteur. Une fois dans la
cellule le virus y libère son ARN dans le cytoplasme initiant la production de
nouvelles particules virales.
• La protéine M (Membrane) donne sa forme couronne au virus (Corona).
• La protéine E (Enveloppe) sert à l’assemblage et à la libération de nouveaux
virus, fabriqués dans la cellule, en dehors de la cellule infectée.
• La protéine N (Nucléoprotéine) qui se lit à l’ARN et forme un complexe
Ribonucléoprotéique Impliqué dans le bourgeonnement des nouveaux virions
dans la cellule.
MÉCANISME « MOLÉCULAIRE » D’INFECTION DU CORONAVIRUS
Le virus est inapte à se reproduire seul, ailleurs que dans les cellules d’accueil. En effet, le
SARS -CoV-2 est un Ribovirus qui compte une molécule d’ARN à simple brin dont le
patrimoine génétique est formé d’ARN et non d’ADN.
Le virus a donc besoin, pour se multiplier, d’une cellule, véritable « usine moléculaire » :
Un segment d’ARN du virus contient un gène qui code la transcriptase-inverse : une enzyme
qui permet la transcription réversible d’ADN à partir de l’ARN du virus.
Cet ADN ainsi fabriqué à partir de l’ARN virale permet maintenant au virus de se multiplier
dans la cellule hôte.
La compréhension du coronavirus à ARN par la connaissance des propriétés
d’une molécule d’ADN , décryptage
L’ARN comporte dans sa structure un sucre Ribose au lieu du sucre Déoxyribose dans l’ADN
L’ADN, à la différence de l’ARN, possède une structure double Hélice (double brin) structurée
suivant l’appariement de ses bases A (Adénine) G (Guanine) T (Thymine) C (Cytosine).
Cette conformation moléculaire confère à l’ADN des propriétés remarquables : l’hybridation,
la réplication :
• L’hybridation : l’ADN a la faculté de passer de l’état de simple brin à l’état double
brin de façon réversible, ce mécanisme d’hybridation est régi par l’appariement
qui suit la loi de complémentarité (type liaison hydrogène) entre les bases
Chimiques de l’ADN appariement spécifique (A-T), (G-C).
• La Réplication de l’ADN est le processus au cours duquel l’ADN est synthétisé
grâce à l’ADN polymérase, ce mécanisme permet d’obtenir à partir d’une
molécule d’ADN deux molécules d’ADN identiques à la molécule initiale.
« QU’EST-CE QUE LA VIE » l’impact phénoménal du livre d’ Erwin Schrödinger
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SCHRÖDINGER influença les scientifiques qui devaient tenir les premiers rôles dans la saga
de la biologie moléculaire, parmi lesquels CRICK et WATSON découvreurs de l’ADN.
Ce ne fut pas par ses équations qu’il fut précurseur et Influenceur mais par la publication d’un
livre « Qu’est-ce que la vie ? » paru en 1944 et rassemblant une série de conférences données
l’année précédente à l’Institute For Advanced Studies de Dublin (Trinity College).
Selon SCHRÖDINGER, la vie ne pouvait se concevoir que comme un processus de stockage
et de transmission d’informations biologiques, les chromosomes devenant ainsi de simples
vecteurs de l’information. Il expliquait que la quantité d’informations, que chaque cellule devait
pouvoir accueillir, étant extrêmement importante, ces dernières devaient être
compactées sous la forme d’un code génétique. D’après SCHRÖDINGER ces codes étaient
inscrits dans les matériaux moléculaires : les chromosomes.
Comment la physique et la chimie pouvaient-elles rendre compte des événements qui se
déroulent à l’intérieur des frontières d’un organisme vivant ?
Dans son essai de vulgarisation « Qu’est-ce que la vie ? » Erwin SCHRÖDINGER s’était
attaché à cette question importante en introduisant dans son ouvrage l’idée d’un cristal
apériodique où l’information génétique serait contenue. Par cette réflexion, dans ses
conférences et son livre SCHRÖDINGER avait touché la corde sensible auprès d’une nouvelle
génération de chercheurs intrigués par l’essence de la vie. Ainsi, CRICK (codécouvreur de
l’ADN) qui avait prévu de continuer ses recherches sur les mines magnétiques, décida, sous
l’influence de ce livre de SCHRÖDINGER, de s’orienter vers la Biologie au Cavendish
(université de Cambridge). Cette histoire nous est rapportée par James WATSON, lui-même
(Codécouvreur de l’ADN) dans un livre « ADN le secret de la vie » copublié avec Andrew
BERRY en 2003. Au moment où la biologie moléculaire joue un rôle primordial dans les
investigations scientifiques sur le Coronavirus, ce récit a une valeur épistémologique. Il illustre
la convergence entre la biologie (science qui étudie tous les aspects du vivant) et la biochimie
(science qui étudie la structure et les mécanismes réactionnels des molécules du vivant) pour
donner la biologie moléculaire.
Comment fonctionne le test PCR pour détecter le Coronavirus SRAS-CoV- 2
Le test PCR (Polymérase Chain Réaction) fonctionne suivant le principe de détection du
matériel génétique du virus, en l’occurrence l’opération consiste à extraire l’ARN du virus et à
en amplifier des séquences spécifiques par la technique PCR. Cette technique ne
fonctionnant que sur les molécules d’ADN, l’ARN viral doit être préalablement transformé en
ADNc (complémentaire) par une enzyme transcriptase Reverse (RT). L’ADNc correspondant
au virus (si celui-ci est présent dans le prélèvement) est ensuite fortement amplifié par une
réaction de polymérase en chaîne (PCR). L’ensemble de ce processus conduit à désigner la
méthode d’analyse du virus par l’acronyme (RT -PCR).
D’où nous vient cette technique d’amplification de l’ADN ?
Kary MULLIS est l’inventeur de la PCR : prix Nobel de chimie en 1993
Jusqu’au milieu des années 1980 l’opération d’amplification de l’ADN était réalisée par le biais
de la méthode de clonage moléculaire Cohen-Boyer. Cette méthode consiste à découper le
fragment d’ADN désiré, puis l’insérer dans un plasmide, et enfin, introduire le plasmide ainsi
modifié dans une cellule bactérienne. La culture bactérienne se développe et permet d’obtenir
les copies du fragment d’ADN. Il suffit, après, de purifier l’ensemble de la masse d’ADN
issue de la population bactérienne afin d’en extraire les copies de fragments voulus.
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Ce procédé restait peu pratique et long, un grand pas en avant a été franchi avec l’invention
de la technique d’amplification de l’ADN par PCR (Polymerase Chain Réaction. La PCR
permet d’amplifier un segment d’ADN déterminé dans un temps très court, sans qu’il soit
nécessaire d’utiliser et de manipuler des bactéries.
Dans son livre « ADN les secrets de la vie » James WATSON nous révèle le moment où l’idée
de cette invention (la PCR) émergea, dans l’esprit Kary MULLIS. Un vendredi soir, en avril
1983, alors qu’il roulait cramponné au volant de sa voiture, progressant le long des lacets
d’une route de montagne baignée par la lune, dans la région des forêts de séquoia au nord de
la Californie.
Rf * : Kary MULLIS « The unusual origin of the Polymer Chain Reaction» Scientific American,
1990, N° 262.
La PCR une technique aux principes d’une merveilleuse simplicité…
La première étape consiste à synthétiser par le biais de méthodes chimiques deux petits
segments d’ADN simple brin appelés « amorces ». Les séquences de ses amorces
correspondent à celle des régions situées de part et d’autre du segment d’ADN que l’on
souhaite amplifier. Elles encadrent le gène que l’on vise. Ces amorces sont ajoutées à un ADN
matrice ; concrètement cet ADN comporte l’intégralité du génome et le but de l’opération sera
donc de l’amener à reproduire uniquement la région cible.
En partant de l’ADN matrice à température 95°C, on induit la séparation de ses deux brins et
l’on permet ainsi à chaque amorce de se lier sur chaque brin au segment de 20 paires de
bases dont la séquence est complémentaire de la sienne. A ce stade, on disposera donc de 2
îlots de 20 paires de bases d’ADN double brin accroché le long de deux brins séparés de
l’ADN matrice. On ajoutera l’enzyme (ADN polymérase) au mélange réactionnel, celle-ci ne
commencera à copier qu’à l’endroit où l’amorce et la région complémentaire du brin matrice
forment un îlot à deux brins. Grâce à l’ADN polymérase on obtiendra donc une copie
complémentaire de la région ADN matrice qui constitue le gène que l’on vise. Au terme de ce
premier cycle du processus la quantité totale d’ADN cible aura doublé.
À chaque fois que l’on répétera l’opération, le nombre de copies du segment d’ADN encadré
par les amorces sera multiplié par deux, au terme de 25 cycles de PCR, c’est-à-dire en moins
de deux heures, la quantité d’ADN cible aura augmenté de deux puissance 25 fois, donc
environ de 34 millions de fois. Au terme de ces cycles PCR, la solution de départ constituée
d’un mélange d’ADN matrice, d’amorces d’ADN polymérase et de nucléotides en suspension
sera devenue un concentré de segments d’ADN cible.
Le problème majeur rencontré lors des premières utilisations de la technique PCR tenait au
fait que l’ADN polymérase, l’enzyme qui accomplit la partie la plus importante du travail, est
détruite à une température de 95°C, il était donc nécessaire d’ajouter une nouvelle dose de
l’enzyme à tous les 25 cycles. En ce point, résidait l’obstacle majeur d’application de la
technique PCR. Cet obstacle fut franchi quand on eut l’idée de recourir à un ADN polymérase
qui provenait d’un organisme autre que E. coli qui vit à 37°C. Cette source d’ADN polymérase
utilisée provenait d’une bactérie qui vit dans les sources d’eau chaude (Thermus aquaticus) et
qui permet d’opérer à 95°C.
La technique PCR est aujourd’hui automatisée, utilisant une ADN polymérase résistante à la
chaleur et un automate Thermocycleur issu d’un brevet initial du laboratoire Hoffman- Laroche.
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La détection du Coronavirus SARS -CoV-2 par RT-PCR en temps réel
Le virus SARS-CoV-2 ne contenant que de l’ARN (non amplifiable) celui -ci doit être extrait
puis converti en ADNc (ADN complémentaire). Cette conversion en ADNc est obtenue par
une enzyme transcriptase inverse (Reverse transcriptase RT). L’enzyme transcriptase est un
ADN polymérase (ARN dépendante) capable d’utiliser le brin d’ARN du virus comme matrice
pour catalyser la synthèse du brin d’ADN complémentaire, cette étape de transcription peut se
faire en présence d’amorce notamment d’amorce spécifique de l’ARN cible du virus. La PCR
s’applique alors à la molécule d’ADNc spécifique de l’ARN du virus.
L’opération d’amplification de l’ADN au cœur de la technique PCR s’opère par une répétition
des cycles de température. Chaque cycle contient 3 étapes :
• Étape 1 dénaturation (déshybridation) opérée à 95 °C permet de dénaturer l’ADN
double brin en deux simples brins.
• Étape 2 hybridation qui permet l’appariement des amorces sens et anti sens de
s’hybrider aux ADNc matrice grâce à une température qui leur est
thermodynamiquement favorable (2 à 60 secondes à température 56°C- 64°C). Les
amorces sont constituées à partir de la connaissance de la séquence spécifique cible
du génome du virus.
• Étape 3 élongation au cours de cette phase les polymérases parcourent le brin matrice
et synthétisent. Le brin complémentaire à partir des nucléotides présents dans le
milieu réactionnel.
À la fin de cette étape la quantité d’ADN est multipliée par deux. La répétition de ces cycles,
par exemple 25 fois, permet d’obtenir une grande quantité dADNc détectable, avec
notamment, le recours à un adduit fluorophore.
LES CINQ ETAPES PRATIQUES DU DÉPISTAGE DE LA CoViD 19
• Prélèvement échantillon nasopharyngé avec un écouvillon,
• Inactivation du virus par chauffage à 65 °C dans un incubateur pendant 10 min
(Biosécurité),
• Préparation dans un tube du mélange échantillon et réactifs (polymérase, amorces
spécifiques du virus …),
• Réalisation de la RT-PCR : le mélange est placé dans l’appareil qui va multiplier
l’ADNc de l’ARN du virus (si celui est présent dans l’échantillon), il sera ainsi détecté,
• Interprétation des courbes de l’appareil et émission du bulletin d’analyse.
CONCLUSION
Ma communication avait pour propos un éclairage sur les Coronavirus et en particulier sur l’un
d’eux le SRAS-CoV 2 responsable de la pandémie actuelle CoViD-19. Cet éclairage est celui
d’un expert-chimiste et homme de laboratoire.
Je me suis donc attaché à montrer la genèse des techniques de biologie moléculaire, discipline
dans laquelle des chimistes ont joué un rôle de premier plan.
Au-delà d’un regard émerveillé sur les mécanismes moléculaires à l’œuvre dans le vivant, j’ai
aussi essayé de vous faire entrevoir les bases technico-scientifiques de la technique d’analyse
RT-PCR à l’œuvre dans les laboratoires pour détecter le Coronavirus.