2. les autres régions, « la réflexion a déjà été menée dans le cadre du contrat de plan Etat-Région
et des fonds européens », continue l’élu. Alain Lambert, auteur d’un rapport sur la lutte contre
l’inflation normative aurait préféré (sic) des conférences régionales dédiées à ce sujet.
Plus grave, à l’Association des régions de France (ARF) elle-même, « on n’attend rien de ces
CRIP que président les préfets » : et vlan pour le leadership contesté des préfectures… et non
pas des régions ! A l’heure où le projet de loi portant Nouvelle organisation territoriale de la
République (Notre) va les consacrer chefs de file du développement économique, cela fait
désordre !
A l’ARF, on propose plutôt à l’Etat « une convention d’objectifs pour mieux accompagner les
petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) sur les
territoires », avec « une demande de doublement du budget de développement économique
des régions ». Sur cette dernière question, l’ARF a été en partie entendue, puisque la part de la
contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) perçue par les régions sera portée
de 23 à 50 % en 2017, même si les régions en avaient demandé 70 %. Dans ces conditions,
faut-il mentionner que le secteur rural n’a tout simplement pas été convié à ces CRIP, au
niveau communal ou intercommunal ?
Un outil redondant, voire superflu ?
Partout les collectivités estiment, à l’image de Nice Métropole, qu’ « on n’a pas attendu la
publication de cette circulaire pour faire de l’investissement une priorité. A Nice Métropole,
c’est une seconde ligne du tramway, de nouvelles stations d’épuration, un marché d’intérêt
national, etc. Avec un budget en hausse de 5 % malgré la baisse historique des dotations de
l’Etat ».
En Basse- et Haute-Normandie, c’est un plan d’urgence pour les travaux publics qui a
démarré. Idem en Loire-Atlantique dès février 2015. Partout on est conscient de la fragilité
des entreprises du BTP. En Vendée, on a lancé fin avril une charte de détection des offres
anormalement basses dans les marchés publics du bâtiment et des travaux publics. Idem en
Haute-Normandie en juin. A Strasbourg Eurométropole, on s’attaque aussi à ces dernières et «
on réfléchit à améliorer le système d’avance pour petites entreprises du secteur : pour des
marchés de moins de 400 000 euros et de moins d’un an, l’avance pourrait être portée au-delà
des 10 % actuels », précise Pierre Laplane.
Dans certaines régions, des démarches communes ont déjà été initiées, comme la démarche «
276 » entre la Basse-Normandie et ses deux départements qui a permis de dégager 1 milliard
d’euros d’investissements conjoints. C’est sans doute Alain Lambert qui résume un peu l’état
3. d’esprit général en filigrane : « Après avoir donné un coup de massue sur l’investissement
public local (-3,9 millions d’eruos de baisse de DGF pour le département de l’Orne en 2015),
il est paradoxal que l’Etat s’en fasse aujourd’hui le héraut !»
Pas de nouveaux financements
Mais n’oublions pas que les CRIP ne visent pas à faire émerger de nouveaux projets et
n’apportent aucun financement nouveau aux collectivités. Effet d’annonce, les financements
rappelés par la circulaire ministérielle étaient tous préexistants. A Nice Métropole, on les juge
très « indigents » : « Qu’est-ce qu’une augmentation de 200 millions d’euros de la dotation
d’équipements des territoires ruraux (DETR) face aux 3,7 milliards d’euros de la baisse de
dotations ? », interroge-t-on. L’augmentation du taux forfaitaire de remboursement du Fonds
de compensation de la TVA (FCTVA) de 4 % ? « Cet effort apparent ne devrait pas coûter
trop cher à l’Etat puisque l’investissement des collectivités s’effondre : - 7,3% en 2015 »,
ajoute-t-on à Nice Métropole.
Et les prêts à taux zéro accordés par la Caisse des dépôts et consignations pour bénéficier
d’une avance sur le versement du FCTVA ? « Une simple mesure de trésorerie, qui ne pourra
pas inciter les collectivités à investir durablement ». A l’eurométropole de Strasbourg, Pierre
Laplane, directeur général des services indique que « la mesure est intéressante pour des
petites communes ayant des investissements inégaux d’une année sur l’autre, non pour des
métropoles ayant comme nous des investissements lissés d’une année sur l’autre, le PTZ
ayant alors peu d’impact sur notre équilibre. De plus nous n’avons pas besoin d’y recourir,
notre trésorerie globale étant excédentaire. ». La collectivité « compte beaucoup plus sur ses
efforts de maîtrise des charges de fonctionnement pour préserver l’autofinancement », selon
Pierre Laplane.
« Donner de la visibilité physique et institutionnelle »
Pourtant, il y a ceux qui approuvent (ou s’y trouvent obligés ?). En Rhône-Alpes, Jean-
François Debat, vice-président (PS) aux finances de la région l’explique simplement : « Il est
nécessaire, demain encore plus à l’échelle d’une grande région Rhône-Alpes-Auvergne, de
coordonner au mieux les différentes stratégies de l’Etat et des collectivités territoriales sur des
projets d’investissements conjoints et de se mettre d’accord sur des calendriers d’exécution
au-delà des réunions par projets ».
4. A la préfecture de région du Limousin qui a organisé la CRIP d’installation le 15 juin dernier,
le préfet, Laurent Cayrel est bien dans son rôle : « Il faut donner aux investissements publics
une visibilité physique, mais aussi institutionnelle ». Pour la visibilité physique, la préfecture
a aligné les chiffres : programmes européens (757 millions d’euros), CPER (591 millions
d’euros), programmes spécifiques (DETR : 137 millions d’euros ; ANAH : 60 millions
d’euros ; SNCF : 360 millions d’euros), dotations prévisionnelles aux collectivités, pour un
total de 1,9 milliard d’euros d’aides de l’Etat. La préfecture du Limousin a aussi informé sur
le devenir de certains dispositifs après fusion (subsistance des programmes européens
jusqu’en 2020, déclinaison territoriale partielle des CPER), sur les marchés publics et les
mesures de simplification pour les entreprises (formalités…).
Quant à la visibilité institutionnelle, « il a fallu rassurer les collectivités locales tétanisées dans
leurs investissements, par la fusion de nos trois régions (Limousin, Aquitaine et Poitou-
Charentes) d’une part et la loi Notre d’autre part », continue Laurent Cayrel qui a rappelé qu’
« il s’agit simplement d’un changement d’échelle ». Les CRIP ont donc vocation à constituer
des espaces de dialogue et d’échanges d’informations.
Investir plus fort et plus vite… ou faire mieux avec moins ?
Pas sûr que les collectivités investissent pour autant plus vite que prévu, comme les
préfectures et l’Etat le souhaiteraient. En Limousin, malgré des Assises préalables de la
commande publique et la création d’un observatoire de la commande publique, le préfet
avoue n’avoir encore aucune visibilité sur un calendrier des investissements. Idem en Rhône-
Alpes.
La grande question est de savoir si la réduction de la voilure est conjoncturelle ou structurelle.
Dans ce dernier cas, les CRIP pas plus que les collectivités ne permettront d’ « investir plus
fort et plus vite », comme le souhaite par exemple Nicolas Mayer-Rossignol, président de la
région Haute-Normandie… Au mieux ce serait un baroud d’honneur. Et les collectivités et
entreprises seraient obligées de faire avec, l’intérêt des CRIP se limitant alors à envisager
comment faire mieux avec moins… Les collectivités, qui sont au plus près du terrain, le
pressentent. La raison de leur bouderie est bien là.
5. FOCUS
Des conclusions attendues pour début septembre
Selon la circulaire du Premier ministre, les préfets de région devront présenter leurs
conclusions « dès le début du mois de septembre 2015 afin d’établir un panorama de la
situation et de dresser le bilan et le calendrier de réalisation des décisions prises en matière
d’investissement ». Sans s’en tenir aux grands projets, il s’agit de recenser ceux qui peuvent
être lancés rapidement et d’identifier les mesures susceptibles d’en faciliter la concrétisation »
pour l’année 2015 et les suivantes, notamment dans les domaines suivants :
la mobilité multimodale ;
le renouvellement urbain et rural et la solidarité entre territoires ;
le numérique, l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation ;
la transition écologique et énergétique ;
l’innovation et les investissements d’avenir.