Les ECN: à prendre ou à laisser?
Les 3, 4 et 5 juin, plus de 6300 étudiants de D4 ont joué leur avenir lors de la sixième édition des ECN (Epreuves Classantes Nationales). Cette épreuve, qui marque l’entrée dans l’internat, est sujet à controverse autant auprès des étudiants, que des Professeurs et Doyens de faculté. C’est pourquoi l’ANEMF se lance dans une réflexion sur leur avenir et leur refonte éventuelle. Afin de mieux comprendre et pouvoir débattre efficacement, il faut revenir sur les raisons de la création de cette épreuve, son évolution et les limites qu’elle a atteint aujourd’hui
1. 20 - ANEMF.org n°21 / Septembre 2009
Etudes Les ECN
Les ECN: à prendre ou à laisser?
Les 3, 4 et 5 juin, plus de 6300 étudiants de D4 ont joué leur avenir lors de la
sixième édition des ECN (Epreuves Classantes Nationales). Cette épreuve, qui
marquel’entréedansl’internat,estsujetàcontroverseautantauprèsdesétudiants,
que des Professeurs et Doyens de faculté.
C’estpourquoi l’ANEMFse lancedansuneréflexionsurleuraveniret leurrefonte
éventuelle.
Afin de mieux comprendre et pouvoir débattre efficacement, il faut revenir sur
les raisons de la création de cette épreuve, son évolution et les limites qu’elle a
atteint aujourd’hui.
L’internat et le
résidanat jusqu’en 2004
Avant la création des ECN, deux
systèmes coexistaient :
D’un côté il y avait le résidanat,
ouvert à tous et qui correspond
à l’actuel internat de médecine
générale. Les étudiants se limitaient
au programme de la faculté, qui
pouvait être très différent d’une ville
à l’autre, avec de grandes disparités
au niveau de la formation.
De l’autre côté il y avait l’internat,
pour ceux qui se
destinaient à une
«spécialité». Pour
y accéder, il fallait
passer un concours
très sélectif, avec
un programme
national différent
de celui de la faculté : 150 QCM
en 3h, 6 à 12 cas cliniques sous
forme de QCM en 1h et 12 dossiers
diagnostiques et thérapeutiques
en 6h. Dès la quatrième année
les étudiants intéressés rentraient
dans la préparation de ce concours,
et le bachotage primait sur
l’apprentissage en stage ou à la
faculté.
Le concours se déroulait dans
deux zones avec un nombre de
postes d’internes de spécialité
réparti entre le Nord et le Sud de la
France.
Pourquoi changer ?
C’est l’ANEMF qui, à la fin des
années 90, a initié la réforme de
l’internat dans le but de valoriser la
médecine générale et résoudre les
disparités pédagogiques.
Aprèsdenombreuses négociations
entre Doyens, ministère et
étudiants, les ECN ont vu le jour en
juin 2004 : un examen pour tous,
écrit,anonyme, basésurunnouveau
programme national.
On parle dorénavant d’Epreuves
Classantes Nationales (ECN) et non
plus de concours car il y a autant de
postes à pourvoir que de candidats
(ce n’est pas non
plus un examen
puisqu’il ne s’agit
pas d’avoir la
moyenne pour être
pris).
Les ECN
ouvraient aussi
la porte à des avantages non
négligeablespour les futurs internes
de médecine générale :
Accès aux carrières universitai
res (enseignement avec les postes
de PU et MCU, Recherche)
Accès en
fonction de leur
classement à des
meilleurs CHU
et à des meilleurs
stages.
Abolition de
la différence de
tarification entre la
médecine générale et la médecine
spécialisée.
Revalorisation de la discipline
demédecinegénéraledanslemonde
de la santé et face au public.
Mais, si les ECN apparaissaient
à certains égards comme un
aboutissement, plusieurs chantiers
restaient ouverts et déjà on
apercevait les limites du système :
Le problème de la correction
des épreuves avec l’augmentation
prévue du numérus clausus de 5000
à 8000 étudiants.
La question démographique : les
ECN et l’internat permettront ils
de réguler efficacement les flux des
futurs spécialistes ?
6 ans plus tard, état des
lieux
La mise en place de cette
nouvelle épreuve a provoqué des
progrès pédagogiques indéniables.
Bien que subsistent des différences
entre les facultés, la mise en place
du programme national a permis
d’homogénéiser la formation sur
l’ensemble du territoire en plus de
l’émulation des facultés pour mieux
préparer les étudiants et obtenir de
meilleurs résultats.
C’est aussi avec
satisfaction que nos
aînés constatent que
les D4 d’aujourd’hui
ont un bien meilleur
niveau qu’il y a une
dizaine d’années.
Malgré ces
avancées, le bilan reste très mitigé.
Les étudiants et les professeurs
ont vu avec le temps apparaître
« Nos aînés constatent
que les D4 d’aujourd’hui
ont un bien meilleur
niveau qu’il y a une
dizaine d’années »
«les ECN ont vu le jour
en juin 2004 : un examen
pour tous, écrit, anonyme,
basé sur un nouveau
programme national.»
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les effets pervers du système. Un
biais particulièrement néfaste de
cette épreuve est au niveau de la
docimologie. En effet, pour un
niveau de connaissances médicales
équivalent, la différence entre
deux étudiants se fait souvent sur
la méthodologie : le « déballage
» de mots clés, des « tiroirs » dont
les étudiants ne connaissent pas
toujours la signification pratique.
Un dilemme
pédagogique aux
conséquences néfastes
Rappelonsnous que les ECN ne
sont faites que pour classer et non
préjuger du niveau réel des futurs
médecins incluant
la clinique. C’est le
rôle de la faculté
de nous préparer
et nous évaluer de
ce côté là. Lourd
dilemme pour
les responsables
pédagogiques qui doivent se plier
aux exigences du système avec
des étudiants qui cherchent une
rentabilité maximale de leur temps,
allant jusqu’à faire la part belle au
bachotage plutôt que de s’investir
en stage.
Le Doyen d’une faculté classée
première aux ECN témoigne: « Plus
on se bat pour une pédagogie active
et forte de la faculté, moins on a de
bons résultats aux ECN. »
Les étudiants en sont conscients
aussi, « Niveau pédagogie, ce
classement des facs a eu un effet
pervers catastrophique sur nos
promos. En D3 D4, des lettres
officielles arrivent dans les services
pour que l’on laisse les étudiants
bachoterau lieu d’aller en stage. A la
visiteon nousdemandederépondre
à des questions bêtement. Ça fait
peur. » confie une étudiante de D2.
Depuis leur
instauration, les
ECN ont certes
atteint une part
des objectifs
initiaux, mais les
limites du système
se ressentent de
plus en plus. Les étudiants tout
comme les professeurs témoignent
d’une situation déplorable, et dont
la qualité de l’enseignement pâtit
lourdement.
Fautil alors réformer le système
des ECN ? Quand la majorité des
D4 attestent ne pas se sentir assez
préparés pour devenir internes, la
question mérite d’être posée.
Célia Chiron,
Vice Présidente en charge des
Etudes Médicales de l’ANEMF
0809
Dans ce genre de
problématique, plus que jamais,
l’ANEMF est là pour représenter
la voix des étudiants.
Alors n’hésitez pas à donner
votre avis , vos idées, ou vos
critiques par mail à etudes-med@
anemf.org
« Plus on se bat pour
une pédagogie active et
forte de la faculté, moins
on a de bons résultats aux
ECN. »
Débat sur la réforme des ECN à la faculté de
médecine Paris 6.
Au premier plan, JeanMarie Desmont,
conseiller du Ministère de la Santé
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