1. Date : Novembre 2020
Pays : FR
Périodicité : Mensuel
OJD : 221725
Journaliste : Sophie Cousin
Page 1/3
CLINIQUES 9230100600508
Tous droits réservés à l'éditeur
SANTE
Les établissements de santé
de déchets par lit et
Alors que l'épidémie
continue, le vinyle,
le nitrile et le latex
commencent à manquer,
laissant craindre
L'hôpital peut-il
Les ruptures de stock
de masques et surblouses
subies pendant la crise
delaCovid-19ontmis
en lumière l'intérêt
du matériel de protection
réutilisable.
Avec des tonnes de masques, de
surblouses, de charlottes - sans
parler des écouvillons - jetés à la
poubelle, la pandémie de Co-
vid-19 a fait exploser la produc
tion de déchets des établissements de
soin. L’hôpital La Porte Verte à Versailles
(Yvelines), par exemple, est passé d’une
tonne par mois en temps normal à
6,5 tonnes en avril, au pic de l’épidémie !
Pourtant, selon une enquête réalisée en
avril dernier par le Comité développe
ment durable en santé (C2DS), 87 % des
professionnels de santé souhaitent désor
mais travailler dans un établissement
exemplaire en matière de gestion des
déchets, de transports ou de dépense
énergétique. En effet, outre le poids du
jetable et du tout plastique à usage
unique, les bâtiments, souvent anciens et
mal isolés, accusent une lourde facture
énergétique : la consommation des hôpi
taux représente 11 % de l’ensemble du
secteur tertiaire selon l’Agence de l’en
vironnement (Ademe). Mais l’heure de
la transition écologique semble avoir en
fin sonné. Le ministre Olivier Véran l’a
assuré en présentant les conclusions du
Ségur de la santé en juillet dernier :
«L’hôpital va prendre le virage du déve
loppement durable.» «Jusqu’à présent,
les indicateurs de développement du
rable étaient optionnels dans la procé
dure de certification des établissements
hospitaliers. A priori, l’obligation sera
pour 2021 Une mesure qui va tirer le sec
teur vers le haut », veut croire Olivier
Toma, fondateur du C2DS. En attendant,
nombreux sont les sites déjà engagés
dans la réduction de leur empreinte éco
logique. Et les chantiers ne manquent
pas pour bâtir un hôpital plus vert.
GASPILLAGE ALIMENTAIRE OU ÉNERGÉTIQUE,
POLLUTIONS... LE BILAN ENVIRONNEMENTAL
DES CENTRES DE SANTÉ N'EST PAS BRILLANT.
MAIS DES INITIATIVES TENTENT DE L'AMÉLIORER.
Texte Sophie Cousin
produisent une tonne
2. Date : Novembre 2020
Pays : FR
Périodicité : Mensuel
OJD : 221725
Journaliste : Sophie Cousin
Page 2/3
CLINIQUES 9230100600508
Tous droits réservés à l'éditeur
MIEUX TRIER
LES DÉCHETS INFECTIEUX
LE PROBLEME
Les déchets d'activités de soins
à risques infectieux (Dasri) représentent
des volumes très importants: 250 kilos par lit
et par an en moyenne. Leur élimination coûte
très cher car ils doivent être incinérés de façon
sécurisée ou stérilisés à la vapeur. Or 50 à 85%
de ces rebuts sont en réalité des déchets
ménagers mal triés qui, jetés dans la mauvaise
poubelle, sont traités à tort comme des Dasri,
ce qui entraîne de lourds surcoûts.
I À l'hôpital La Porte Verte de Versailles,
les consignes de tri ont été modifiées.
« Les trois exemples les plus frappants sont
les compresses, les seringues et les poches de
perfusion. Avant notre plan d'action de 2016,
ces dispositifs étaient systématiquement
éliminés en filière Dasri; aujourd'hui, ils ne le
sont que s'ils ont été en contact avec un liquide
biologique ou un patient infecté», explique
Stéphane Grazzini, directeur des soins,
de la maintenance et du biomédical de
l'établissement. À la clé, une réduction de cinq
tonnes des déchets infectieux en 2016, puis
quatre tonnes en 2017. Soit, depuis cette date,
une économie d'environ 2 500 euros
chaque année, car l'élimination d'une tonne
de Dasri coûte 700 euros, contre 45 euros
pour une tonne d'ordures ménagères.
Une poche de perfusion
ne devrait pas être jetée
dans la même poubelle
selon qu'elle a contenu
un antibiotique, une
solution de nutrition ou
un médicament
de chimiothérapie.
Diminuer
le gâchis alimentaire
LE PROBLEME
Les établissements de santé
constituent le plus grand restaurant de France.
Mais beaucoup de plateaux-repas partent
directement à la poubelle. Un hôpital moyen
de 100 lits peut produire chaque année
jusqu'à 23 tonnes de déchets alimentaires.
Environ 7 000 repas sortent
chaque jour de la cuisine du Centre hospitalier
de Valenciennes (Nord), un établissement
de 1800 lits qui accueille également des malades
à la journée. Pour limiter le gaspillage,
l'équipe a mis en place une prévision plus précise
des sorties des patients, une réduction
de 10% de la quantité de pain distribuée,
des dons quotidiens de repas aux Restas du cœur
et la revente au personnel de plateaux
à emporter le soir à prix réduit. « Les repas
sont l'élément le moins bien noté par les patients,
reconnaît Stéphane Ruyant, directeur qualité et
développement durable du CH. Mais depuis un
an, des intervenants du lycée hôtelier du Touquet
viennent échanger avec nos cuisiniers et
revisiter les menus.»Grâceà ces actions, 20%de
nourriture produite est désormais jetée, contre
environ 40% auparavant. Les aliments non
consommés sont triés dès la chambre du patient
et partent soit au compost, soit en méthanisation,
EDF achetant la totalité du gaz produit.
B.B0ISS0NNET/BSIP
3. Date : Novembre 2020
Pays : FR
Périodicité : Mensuel
OJD : 221725
Journaliste : Sophie Cousin
Page 3/3
CLINIQUES 9230100600508
Tous droits réservés à l'éditeur
ISTOCK
Éviter les médicaments polluants
LE PROBLEME
Les résidus de médicaments
polluent les eaux, qu'ils soient éliminés
par les urines après consommation ou
jetés en dehors de la filière de tri adaptée.
La transformation sexuelle observée
chez certaines espèces de poissons
(des mâles deviennentfemelles) découle
de la pollution des rivières
par des perturbateurs endocriniens.
L'hôpital de Cannes (Alpes-
Maritimes) recourt depuis 2016 à un indice
conçu en Suède, l'indice PBT(persistance,
bioaccumulation et toxicité) qui évalue
l'impact des molécules sur l'environnement
et incite à limiter la prescription des plus
toxiques, en les remplaçant si possible.
L'information, déjà présente sur la liste
des médicaments en stock, s'affichera
bientôt dans le logiciel de prescription
des médecins. Par ailleurs, la lutte
contre le gaspillage s'organise. « Quand
un patient sort, les médicaments préparés
pour lui et non consommés sont remis
en stock s'ils sont intacts. Ils servent ensuite
pour d'autres patients, alors que dans
d'autres établissements ils sont souvent
éliminés», indique Sylvie Chanton,
la pharmacienne de l'hôpital de Cannes.
Et pour les réserves obligatoires
en prévision d'un plan blanc, une rotation
/ #
des médicaments à huit mois a été mise
en place, afin qu'ils puissent être utilisés
dans les services avant péremption.
L'affaire du sang
contaminé
et l'émergence du sida
dans les années
1980 ont entraîné un
recours systématique
à des instruments
à usage unique.
EN FINIR AVEC LE TOUT JETABLE
HESEESI Les établissements de santé sont de très
gros producteurs de déchets: 700000 tonnes chaque
année, dont 80% sont des ordures ménagères.
Si les filières de tri se multiplient, il reste beaucoup à faire.
I À Saint-Chély-d'Apcher, petit hôpital
de proximité en Lozère, les patients, dont de nombreuses
personnes âgées, mangent avec plaisir dans
de la vaisselle en porcelaine. L'établissement a abandonné
la vaisselle jetable, sauf pour les patients en isolement
ou atteints de Covid-19. Par ailleurs, en attendant
la mise en place d'un composteur, les épluchures
de légumes bio servent pour les potages. Le site veut
aller de plus en plus loin dans le tri sélectif, et vise
le label Ecocert. Dans le contexte actuel, si les masques
jetables continuent à être utilisés par les soignants,
les surblouses sont en revanche lavables.
Réduire les émissions de CO, au bloc
LE PROBLÈME
I A lui seul, le bloc opératoire serait
responsable de près de 40% de l'impact
environnemental de l'hôpital. L'usage de gaz
anesthésiants, dont le desflurane et le protoxyde
d'azote, est une source considérable d'émissions
de C02. En 2017, une étude a estimé que le bilan
carbone d'un patient endormi au bloc équivaut
à celui d'un aller-retour Paris-Lyon en voiture.
! Au CHU de la Pitié-Salpêtrière,
à Paris, les anesthésistes ont monté le projet
«Vers un bloc opératoire écoresponsable», visant
notamment à éliminer les gaz anesthésiants
les plus polluants. Ainsi le protoxyde d'azote a été
2
banni et les nouveaux blocs sont même
élaborés sans tuyaux d'alimentation pour ce gaz.
«On peut s'en passer en lui substituant des
antalgiques», explique la docteure Jane Muret,
présidente de la commission développement
durable à la Société française d'anesthésie
et de réanimation. Des systèmes permettant
de récupérer à la sortie des respirateurs les gaz
anesthésiants non métabolisés par le corps
humain (soit 85% environ du volume émis) sont
en cours de commercialisation. Autre levier
pour réduire la dépense énergétique:
couper la ventilation et la climatisation
des blocs lorsqu'ils ne sont pas utilisés.
Produire
sa propre énergie
LE PROBLEME
La facture énergétique très
salée de certains établissements, due en
partie au gaspillage, pourrait être réduite.
L'hôpital de Carcassonne (Aude)
a installé 14000 panneaux photovoltaïques
sur les 24000 mètres carrés d'abris
du parking, pour un investissement
de 6,3 millions d'euros. « Les essais menés
cet été ont montré que le système
permettait de couvrir l'ensemble
des besoins de l'hôpital et de produire
de l'électricité excédentaire à revendre
à Enedis», souligne Paul Rey, responsable
technique de la gestion énergétique.
L'établissement vise ainsi 100000 euros
de recettes annuelles, ce qui lui permettra
de poursuivre sa transition énergétique.
Construit en 2014 suivant les normes HQE
(haute qualité environnementale),
l'hôpital de Carcassonne avait d'emblée
eu recours à une chaudière à bois couvrant
80% de ses besoins en chauffage.
Il sera donc à très court terme autosuffisant
sur le plan énergétique.