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Les interconnexions
entre Unités d’Activité
Stratégiques
de Michael PORTER
Passage sur la notion de la Strategic Business Unit,
de la diversification
et des niveaux de la stratégie
By Maryam
RAHOU
M. Rahou Page 2 sur 41
Quant à Michael PORTER… - 3 -
Préambule : A propos de la Strategic Business Unit, de la diversification et
des niveaux de la stratégie
- 4 -
 La Strategic Business Unit ………………………………………………………………………………………………………..
& Segmentation stratégique
- 4 -
 La diversification ………………………………………………………………………………………………………………………
& Notion de « métier »
- 8 -
 Les niveaux de la stratégie ………………………………………………………………………………………………………
& Stratégie horizontale
- 11 -
Pourquoi parler des interconnexions… ? - 17 -
 Face au contexte de la décentralisation et d’enthousiasme pour la synergie …………………….
& Introduction du concept d’« organisation horizontale »
- 18 -
 Pour une mise en perspective de l’analyse de portefeuille …………………………………………………..
& Mise en relief d’un management stratégique suivant les liaisons entre SBU
- 21 -
Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques - 26 -
 Les interconnexions tangibles …………………………………………………………………………………………………..
Ou le partage des activités
- 28 -
 Les interconnexions intangibles ……………………………………………………………………………………………….
Ou le transfert de compétences
- 32 -
Conclusion - 36 -
Bibliographie - 39 -
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Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
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Quant à Michael PORTER…
Titulaire d’un PhD en économie et d’un MBA en stratégie de la HBS.
Ingénieur en mécanique aéronautique et diplômé de l’Université de
Princeton. Michael Porter est professeur de stratégie depuis 1973 à la
HBS et également professeur Honoris Causa au Groupe HEC.
Consultant en stratégie auprès de multinationales, Porter intervient
comme formateur auprès des décideurs économiques et politiques.
Il a créé le groupe « Compétitivité et stratégie » de la HBS, ainsi que
les ateliers CEO pour les dirigeants des grandes entreprises.
Au milieu des années quatre-vingt, il est nommé par Ronald Reagan
à la commission sur la compétitivité industrielle pour étudier les
techniques de concurrence. Il a ainsi obtenu de nombreux prix pour
récompenser ses recherches et publications.
Domaines de recherche
Michael Porter est spécialiste de la stratégie concurrentielle et de la
compétitivité internationale. Dans son ouvrage clé "Competitive
Strategy", il présente des techniques d’analyse qui permettent de
cerner un secteur d’activité et de prévoir le comportement des
concurrents. M. Porter a défini trois stratégies concurrentielles à
exercer au niveau d’un domaine d’activité, appelées « stratégies
génériques » qui sont : (i) la différenciation, (ii) la domination par les
coûts et (iii) la focalisation.
Dans ses recherches sur les contextes concurrentiels, il a identifié
cinq forces à prendre en compte pour l’élaboration d’une stratégie
efficace dans n’importe quel secteur : concurrents, offreurs des
produits de substitution, nouveaux entrants, pouvoir de négociation
des clients et pouvoir de négociation des fournisseurs.
Principales publications
 Competitive Strategy, Mc Millan Publishing, 1980, traduction :
Choix Stratégiques et concurrence, Economica, 1982 ;
 Competitive Advantage, Free Press, 1985, traduction : L’Avantage
concurrentiel, Dunod, 2003, InterEditions, 1986 (1ère Edition) ;
 Competitive Advantage of Nations, Harvard Business School
Press, 1990, traduction : L’Avantage concurrentiel des nations,
InterEditions, 1993 ;
 Avec L. Fahey et R. Randall Robert, Les paramètres essentiels
de la gestion stratégique des entreprises, Maxima, 1997 ;
 Avec Hirotaka Takeuchi, Marico Sakakibara, Can Japan Compete
?, McMillan Press, 2000.
Source : DURAND R., (2005), Strategor, Dunod, 4ème Edition, pp. 844-845
Page 3
Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
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Préambule : A propos de la Strategic Business Unit, de la
diversification et des niveaux de la stratégie
L’objectif ici est d’aborder les définitions des concepts clés et
également les relations possibles entre eux dans le but d’apporter
un éclairage et de faire progresser les connaissances autour de la
notion de Strategic Business Unit (SBU), de la diversification et
des niveaux de la stratégie.
La Strategic Business Unit
& Segmentation stratégique
La notion de Strategic Business Unit (SBU) est la traduction
anglaise de celle d’Unité d’Affaire Stratégique ou encore d’Unité
d’Activité Stratégique (UAS)1. Néanmoins, il arrive que certains
ouvrages en matière de stratégie relient, à tort, la notion de SBU
avec ce qu’on appelle un Domaine d’Activité Stratégique (DAS).
Pour illustrer cette interférence existante entre les deux notions, les
deux définitions ci-après ont été sélectionnées :
1
L’expression d’Unité d’Activité Stratégique (UAS) a été puisée de l’ouvrage de
Michael Porter "L’avantage concurrentiel". Il convient à mentionner que nous
utiliserons ici indifféremment l’expression de SBU, d’UAS, d’unité d’activité ou
seulement d’unité par souci de simplification.
 « Un domaine d’activité stratégique (DAS) – ou strategic
business unit (SBU) – est une sous-partie de l’organisation à
laquelle il est possible d’allouer ou retirer des ressources de
manière indépendante et qui correspond à une combinaison
spécifique de facteurs clés de succès.2 » ;
 « DAS (Domaine d’Activité Stratégique) (strategic business
unit) : ensemble d’activités d’une entreprise où les facteurs clés
de succès sont semblables et reposent sur des ressources ou des
savoir-faire communs.3 ».
En fait, la notion de Strategic Business Unit est plus qu’une simple
segmentation stratégique, c'est-à-dire un découpage de l’activité de
l’organisation en DAS (business) car une SBU, à la différence d’un
DAS, dispose la particularité d’être assimilée à une quasi-entreprise,
voire une subdivision autonome de l’organisation « Unit » définie
autour d’un DAS et pour laquelle il est utile de formuler une
stratégie concurrentielle distincte : une « business strategy4 ».
2
FRERY F. et al., (2005), Stratégique, Pearson Education, 7ème
Edition, p. 284.
3
DURAND R., (2005), Op. Cit., p. 850.
4
Cf. p. 15 de ce document.
Page 4
Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
M. Rahou Page 5 sur 41
Une SBU est dirigée de façon autonome avec des objectifs par un
manager qui est responsable de son fonctionnement. Elle dispose, à
ce titre, de ses propres ressources/compétences, son propre marché
et correspond à une combinaison de FCS5. En effet, un DAS est une
sous-partie d’une organisation du point de vue de la prise de
décision stratégique, mais il ne constitue pas nécessairement une
division du point de vue structurel6 : « unité ou unit ».
Figure n°1 : Corrélation entre un DAS et une SBU
+
Source : Conception de l’auteur
Il convient à noter que sur un plan d’ordre terminologique, certains
auteurs américains utilisent à côté de la notion de SBU celle de la
Strategic Business Area (SBA) qui signifie la zone géographique
dans laquelle l’organisation va agir à travers son DAS7.
Un DAS étant le résultat d’une segmentation stratégique et vu
l’interdépendance entre la notion de DAS et celle de SBU, on juge
utile le fait d’expliciter, même de la manière la plus concise que
possible, qu’est-ce que c’est la segmentation stratégique fondée sur
l’identification des DAS et ayant pour objectif principal de fournir
au dirigeant une représentation du champ de bataille approprié sur
lequel il va opérer.
5
Les Facteurs Clés de Succès (FCS) constituent les éléments stratégiques que
l’organisation doit maitriser en vue de surpasser la concurrence (FRERY F. et al.,
(2005), Op. Cit., p. 717).
6
Idem, p. 288.
7
KESSAB E., (2010), Cours de « Management stratégique » (prise de note), ENCG –
Oujda.
La segmentation stratégique qui évoque l’action de découpage,
cherche à découper les activités d’une organisation (et non du
marché qui renvoie à la notion de segmentation marketing8) en des
sous-ensembles homogènes mais mutuellement distincts appelés
chacun un DAS pour lequel il est possible de formuler une stratégie
particulière (business strategy) qui n’est pas nécessairement la
même pour tous les DAS.
Pratiquement parlant, la segmentation stratégique vise à identifier
au sein de l’activité globale de l’entreprise _qui se présente la
plupart du temps comme un ensemble confus de produits,
marchés, technologies, outils de production, etc._ les ensembles
pertinents, homogènes du point de vue de la formulation de la
stratégie et donc de l’allocation des ressources, à partir desquels les
dirigeants pourront construire la réflexion stratégique. On parle
dans ce cas d’une segmentation par découpage dans laquelle on
part du sommet pour identifier les grands secteurs d’activités, puis
les branches qui correspondent aux segments9.
Ainsi, dans un groupe chimique, on peut identifier les grands
secteurs suivants (métiers) : fibres, colorants, peintures. Ce dernier,
en l’occurrence le secteur de peintures, regroupe des DAS (segments
8
La segmentation marketing repose sur la segmentation de la clientèle afin de
définir des couples produits/clients ce qui permet d’obtenir des segments de
marché. De ce fait, la segmentation marketing, à la différence de la segmentation
stratégique, concerne un seul secteur d’activité de l’organisation et s’inscrit dans
une perspective de court terme qui peut être remise en question au quotidien
(FRERY F. et al., (2005), Op. Cit., pp. 284-285).
9
DURAND R., (2005), Op. Cit., pp. 13 et 264. Il est à préciser ici qu’un "segment"
dit aussi "segment stratégique" est similaire à un DAS (Cf. Idem, p. 854).
SBU DAS Unité
Page 5
Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
M. Rahou Page 6 sur 41
stratégiques) tels que : bâtiment, industrie, réparation automobile,
construction automobile, grand public, marine. Chaque segment
stratégique contient de sa part des segments de marché10 auxquels
est associée une politique fonctionnelle de marketing.
L’autre option là-dessus consiste à procéder par regroupement,
c'est-à-dire partir des produits et/ou services commercialisés par
l’entreprise pour les regrouper en segments stratégiques aussi
homogènes que possibles. Appartiendront au même segment des
produits/services ayant les trois caractéristiques suivantes :
1. Ils correspondent à une combinaison cohérente de FCS ;
2. Ils appartiennent à la même chaine de valeur et ont une
structure de coûts semblables ;
3. Ils font face aux mêmes concurrents.
Selon la même référence, ces trois critères se recoupent en général ;
les produits et services considérés sur le premier critère se
regroupent le plus souvent sur les deux autres caractéristiques
également. A mentionner qu’il est souvent intéressant de mener
successivement les 2 démarches de segmentation, par découpage et
par regroupement, pour voir comment elles convergent. De surcroit,
on note que les trois critères de segmentation présentés ci-dessus
entant que critères de regroupement peuvent être utilisés
pareillement comme des critères de découpage11.
10
GODELIER E., (2006), « Modèles et pratiques de la stratégie d’entreprise », p. 18.
http://crg.polytechnique.fr/fichiers/crg/perso/fichiers/godelier_482_Mod_les_str
at_giques__2006_.pdf
11
DURAND R., (2005), Op. Cit., p. 265.
Figure n°2 : Les modalités de la segmentation stratégique
Le découpage Le regroupement
Source : GODELIER E., (2006), Op. Cit., p. 19
En fait, l’embarrât dans lequel se trouvent les organisations pour
opérer une segmentation stratégique a amené certains praticiens à
préconiser un certain nombre de critères de segmentation ventilés
en critères internes et externes permettant de se prononcer sur le
fait qu’on a affaire à un même DAS ou à des DAS différents12. Il
s’agit alors de critères de regroupement.
Partant, appartiennent au même DAS deux sous parties d’une
organisation (deux divisions, deux implantations géographiques,
deux unités opérationnelles, voire deux lignes de produits ou de
services, etc.) qui partagent les critères suivants13 :
1. Même clientèle ;
2. Même marché pertinent ;
3. Même réseaux de distribution ;
4. Même concurrents ;
5. Même technologies ;
6. Même compétences ;
12
KESSAB E., (2010), Op. Cit.
13
Pour plus de détails au sujet des critères, Cf. FRERY F. et al., (2005), Op. Cit., pp.
286-288.
Page 6
Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
M. Rahou Page 7 sur 41
7. Synergies ;
8. Coûts partagés prépondérants (coûts de structure).
Dans le prolongement des critères de segmentation, certains auteurs
avancent deux critères clés qui doivent permettre de valider ou
d’invalider une segmentation en DAS à priori14 :
1. Le premier indicateur concerne la répercussion de la
segmentation stratégique retenue en termes d’allocations de
ressources et son homogénéité avec le type d’avantage
concurrentiel recherché pour chaque DAS ;
2. Le deuxième indicateur fait référence aux FCS dans la mesure
où les environnements concurrentiels de deux DAS ne doivent
pas partager la même combinaison de facteurs clés de succès
et nécessiter donc la même capacité stratégique15.
Lorsqu’on effectue une segmentation stratégique, les confusions
sont fréquemment liées au fait que les divisions qui composent les
organisations ne sont pas nécessairement définies en fonction des
DAS. Un domaine d’activité stratégique est une subdivision d’une
organisation du point de vue de la prise de décision stratégique,
mais il ne constitue pas nécessairement une division structurelle.
Cela explique en partie pourquoi les grands groupes se réorganisent
très fréquemment : ils ne font que suivre, ou parfois anticiper,
l’évolution nécessaire mouvante de leurs activités16.
14
FRERY F. et al., (2005), Op. Cit., p. 289.
15
La capacité stratégique d’une organisation vient de l’aptitude de ses ressources
et compétences à lui permettre de survivre et de prospérer (Idem, p. 715).
16
Idem, p. 13.
La dernière étape de la segmentation stratégique consiste à analyser
les interconnexions entre DAS (ou UAS) : les partages de ressources,
les transferts de compétences (connaissances, savoir-faire, etc.) et
les synergies actuelles et/ou potentielles entre les DAS définis, et ce,
afin de les regrouper en bases stratégiques (BS).
La notion de BS attire l’attention sur les liens de dépendance qui
existent entre certains DAS17. Elle se définit comme un « Ensemble
de domaines d’activités stratégiques entre lesquels il existe des
partages de ressources et de compétences, ou des complémentarités
de gamme, ou des cessions internes, réels ou potentiel.18 ».
Entre les DAS d’une même base, il existe des liens qui font que l’on
ne peut pas prendre de décision sur un DAS sans affecter un autre
DAS appartenant à cette base. Par définition, il ne doit exister
aucun lien significatif entre deux BS d’une entreprise, sauf19 :
1. Coût de la direction générale et des services financiers ;
2. Partage du cash-flow pour lequel les BS sont en concurrence.
Clairement, la notion de base stratégique trouve sa place en matière
des niveaux de segmentation (stratégique et marketing) qui s’articulent
comme suit20 :
17
BARON-GAY. MESSIER. et SIMARD., (2005), « La segmentation stratégique », p. 10.
http://managementworld.a.m.f.unblog.fr/files/2008/06/segmentationstrat.ppt
18
Idem, p. 4.
19
Idem.
20
Idem, p. 5.
Page 7
Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
M. Rahou Page 8 sur 41
1. Base stratégique, à laquelle une stratégie horizontale21 est
associée, précisant les liens entre les domaines d’activité qui la
composent ;
2. Domaine d’activités stratégiques, auquel est associée une
stratégie d’affaire ou business strategy ayant pour rôle de
préciser le positionnement adopté ;
3. Segment de marché, auquel une stratégie fonctionnelle de
marketing est associée ;
4. Micro-segment, auquel est associée une stratégie client en
vue d’affiner chaque relation client-fournisseur de l’entreprise.
Enfin, une dernière idée concerne la resegmentation stratégique,
dans le sens qu’une segmentation stratégique de départ n’est jamais
définitive notamment avec les turbulences de l’environnement ou à
la suite d’une stratégie délibérée. Ainsi, plusieurs DAS peuvent être
regroupés en un seul, dans le même esprit, on peut imaginer qu’un
DAS unique peut être divisé et fragmenté en plusieurs DAS
autonomes par la suite22.
Pour conclure, la Strategic Business Unit peut être définie comme
une départementalisation basée sur la segmentation stratégique.
Par ailleurs, dès qu’une organisation opère dans au moins deux
Strategic Business Units, elle est qualifiée comme étant diversifiée
sachant bien qu’une diversification requiert une identification et
gestion des liaisons (interconnexions) entre les différentes unités
d’activité qui en ressortent.
21
On a consacré un titre sur les niveaux de la stratégie (Cf. pp. 11-16 de ce
document) y compris la stratégie horizontale.
22
FRERY F. et al., (2005), Op. Cit., p. 289.
La diversification
& Notion de « métier »
La diversification veut dire le « développement de l’entreprise dans
des domaines autres que son métier de base. (...) Précisons en outre
que la diversification est définie strictement comme la décision d’une
entreprise d’entrer dans un nouveau domaine d’activité. Une
entreprise diversifiée est donc une entreprise présente dans au moins
deux domaines d’activités (ou « businesses ») différents. Par entrée
dans un nouveau domaine d’activité nous entendons un ajout au
portefeuille d’activités d’un nouveau métier correspondant à une
chaine de valeur spécifique, et non pas simplement une extension de
la gamme des produits ou des services offerts par l’entreprise alors
qu’elle reste en fait dans son industrie d’appartenance.23 ».
Dès lors, la diversification24 consiste pour une organisation à s’engager
sur des domaines d’activité où elle n’est pas encore présente, tant en
termes d’offres que de marchés.
23
DURAND R., (2005), Op. Cit., pp. 257 et 260. La logique adoptée par Strategor
fait du métier un élément spécifique à chaque DAS. Néanmoins, on note que des
auteurs tels que Christophe Boisseau (Cf. BOISSEAU C., (2003/2004), « Marketing
1 : Stratégie et politique générale d’entreprise », p. 10) et Eric Godelier (Cf.
GODELIER E., (2006), Op. Cit., p. 18) raisonnent selon une autre logique qui fait
qu’un métier peut contenir plusieurs DAS.
24
Il convient à noter que certains auteurs parlent de diversification géographique
(internationalisation) et de diversification verticale (intégration verticale) outre
celle de métier. Il est donc à préciser que nous retiendrons ici la notion de
diversification dans le sens de diversification de métier/DAS.
Page 8
Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
M. Rahou Page 9 sur 41
On ne peut pas parler de diversification sans évoquer la notion de
synergie. L’idée selon laquelle la combinaison d’activités différentes
mais voisines peut créer une valeur par synergie a été très répandue
et a servi à justifier le vaste mouvement de diversification qui a
prévalu dans les années 60 et début des années 7025. En effet, toute
stratégie de diversification exploite plus ou moins des éléments de
synergie tirés de l’activité principale de l’entreprise. De fait, si la
combinaison de FCS diffère d’un segment stratégique à l’autre, il est
des facteurs qui entrent dans la composition de plusieurs DAS
différents. En s’appuyant sur ces facteurs/compétences communes,
l’entreprise, dans le cadre de sa nouvelle activité, tirera un avantage
concurrentiel de par son expérience acquise dans son activité
traditionnelle. Dans de nombreux cas, la diversification procède
d’une évolution progressive, fondée sur l’utilisation la plus pertinente
possible d’éventuelles synergies de compétences, comme étant de
pivots ouvrant de nouveaux champs d’activité26.
Figure n°3 : Synergies et diversification
Source : DURAND R., (2005), Op. Cit., p. 207
25
PORTER M., (1999), L’avantage concurrentiel : Comment devancer ses concurrents
et maintenir son avance, Edition Dunod, pp. 381-382.
26
DURAND R., (2005), Op. Cit., pp. 205-206.
Une autre définition de la diversification qui ne se voit pas lointe de la
première (d’ailleurs tirée de la même référence que celle précédente)
s’énonce comme suit : « la diversification correspond aux mouvements
stratégiques qui se concrétisent par un changement de domaine
d’activité, c'est-à-dire par la prise en compte d’un nouvel ensemble de
facteurs clés de succès. Ces mouvements peuvent se traduire
subjectivement, soit par l’élargissement du métier de l’entreprise,
soit par la coexistence de plusieurs métiers.27 ». Cette deuxième
définition attire l’attention sur le rôle que peut jouer l’aspect subjectif
dans l’appréhension du métier de l’organisation et par conséquence
de ses mouvements stratégiques, en l’occurrence sa diversification.
En fait, alors que le terme du DAS possède une connotation objective,
celui du métier dispose d’un caractère subjectif et renvoie à la
« perception que l’on a à l’intérieur de l’entreprise de ce que l’on sait
et pense pouvoir faire.28 ».
Partant, et par rapport à ce caractère subjectif, la notion de métier
peut conduire une organisation à s’aventurer dans des voies de
diversification non appropriées d’où l’intérêt de son identification.
Or, il n’est pas toujours simple de reconnaitre le métier d’une
entreprise même pour ceux qui y bossent ; pour Anis BOUAYAD,
l’auteur de l’ouvrage "Stratégie et métier de l'entreprise : Pourquoi et
comment définir le métier de votre entreprise", plusieurs dirigeants
ne sont pas en mesure de répondre instantanément à la question :
"Quel est mon métier ?" et de nombreux sont ceux qui devraient se
la poser, ou prendre le temps d'y réfléchir. Il y a alors de fortes
27
Idem, p. 205.
28
Idem, p. 399.
Page 9
Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
M. Rahou Page 10 sur 41
chances qu'ils constatent que la définition de son métier « s'avère
une tâche aussi nécessaire que complexe, voire périlleuse.29 ».
Pratiquement parlant, on entend par métier, au niveau de l’analyse
stratégique, une combinaison de compétences et de savoir-faire qui
se trouvent réunis dans une organisation et qui confèrent à celle-ci
un aspect particulier. L’identification du métier se fait à ce titre en
cherchant les compétences « cœurs » (core competencies) ou
stratégiques qui permettent de créer un avantage concurrentiel par
ce qu’ils présentent un critère d’originalité et sont l’apanage de
ceux qui travaillent dans l’organisation. On regroupe par la suite
ces compétences stratégiques en un ou plusieurs métiers.
De sa part, une compétence est une aptitude VRIST (Valorisable,
Rare, Inimitable, Non-Substituable, Non-Transférable). Soulignant
qu’une aptitude se conçoit comme étant la capacité d’associer et de
combiner un ensemble particulier de ressources qui caractérisent
une organisation. L’organisation se définit de la sorte comme un
ensemble de compétences, et, parmi toutes ses compétences, elle en
détache certaines qu’elle juge fondamentales, appelées compétences
« cœur » ou compétences stratégiques, car permettant de créer un
avantage concurrentiel en combinant trois aspects30 :
 Elles correspondent à ce que l’organisation sait et peut mieux
faire que ses compétiteurs (le filtre VRIST) ;
29
BOUAYAD A., (2000), Stratégie et métier de l'entreprise : Pourquoi et comment
définir le métier de votre entreprise, Dunod. Cité par :
http://www.amazon.fr/Strat%C3%A9gie-lentreprise-Pourquoi-comment-
entreprise/dp/2100051539
30
DURAND R., (2005), Op. Cit., p. 98.
 Elles distinguent l’organisation de ses concurrents ;
 Elles interviennent au niveau de l’architecture, c'est-à-dire de
la structure d’organisation et de ses principes d’organisation.
Par suite, ce sont ces compétences-là dites stratégiques qui définissent
le métier d’une organisation. Voilà pourquoi, une analyse interne
fondée sur les ressources et compétences31 s’avère d’une importance
indéniable lorsqu’il s’agit pour une organisation de définir son métier.
Toutefois, des auteurs préconise pour cette affaire d’associer de
manière interactive l’analyse interne et celle externe permettant de
se rendre compte des forces environnementales essentielles pour
l’organisation ainsi que des facteurs clés de succès de son secteur et
ses activités. Pour eux, seule une telle approche permettra d’éviter le
dépérissement, la disparition ou la diversification hasardeuse, car
elle donne son sens et sa cohérence aux choix stratégiques.
Néanmoins et particulièrement avec les turbulences assistées par
l’environnement, actuellement, l’approche par les ressources et les
compétences se voit préférable, solide et avantageuse en matière
d’identification du métier en comparaison avec la méthode fondée
sur l’analyse externe car un métier « ce n’est pas seulement le
résultat d’une étude détaillée du contexte concurrentiel. Un métier,
cela se vit. C’est la pratique quotidienne de milliers d’individus de
toutes compétences qui ont la même activité. La spécificité d’un
métier est donc directement liée à la façon dont l’entreprise le vit et
l’agence en interne.32 ».
31
Pour plus d’informations là-dessus, s’initier en matière du courant de la Ressource-
Based View (RBV) et celui de la Competence-Based View (CBV).
32
Idem, p. 402.
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Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
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Les niveaux de la stratégie
& Stratégie horizontale
En matière de stratégie, les auteurs en distinguent souvent deux
niveaux phares : le niveau corporate (stratégie d’entreprise ou de
groupe) et le niveau business (stratégie par domaine d’activité). Or,
disent Frédéric Fréry et al, la stratégie intervient à plusieurs niveaux
dans une organisation et il est possible d’identifier au moins trois
niveaux distincts de la stratégie organisationnelle : la stratégie
d’entreprise, les stratégies de DAS et les stratégies opérationnelles33.
Puisqu’il est objet dans cette section d’aborder les niveaux de la
stratégie, on verra que ce troisième niveaux n’en fait pas parti.
D’ailleurs, l’appellation « stratégies opérationnelles » ne s’avère pas
justifiée pour deux raisons :
 D’abord, la première raison concerne le prédicat « stratégie » ;
maladroitement appelées « stratégies opérationnelles » (ou même
stratégies fonctionnelles), compte tenu de la dichotomie notoire
entre stade stratégique et celui opérationnel/fonctionnel, l’inclusion
de ces stratégies opérationnelles/fonctionnelles parmi les niveaux
de la stratégie nuit au prestige de cette dernière entant que décision
élaborée par le top management qu’engage le long terme et qui
permet de gagner des avantages concurrentiels.
33
FRERY F. et al., (2005), Op. Cit., p. 12.
Effectivement, le mot « stratégie » et le qualificatif « stratégique »
sont parfois appliqués de façon abusive à différents domaines. Ils
sont ainsi souvent utilisés dans des situations où d'autres termes,
plus modestes et plus spécifiques, tels que politique, concept, idée,
plan, alliance ou tactique, seraient en fait plus appropriés34.
La stratégie consiste à la définition d'actions cohérentes qui
interviennent selon une logique séquentielle dans le but d’atteindre
des objectifs. Elle se traduit ensuite, au niveau opérationnel en
plans ou programmes d'actions par fonctions.
 Ensuite, dès qu’on franchi le stade de la business strategy, on se
positionne, littéralement parlant, au niveau tactique et non opérationnel,
en se référant, là-dessus, à la distinction fameuse entre les 3 niveaux
de décision qui doivent être pris dans une organisation35 :
1. Décisions stratégiques : ces décisions engagent l’entreprise
sur une longue période (> 5 ans) et sont prises par le plus haut
niveau hiérarchique, c’est-à-dire soit par la DG soit par l’État.
Elles sont uniques et occasionnelles ;
2. Décisions tactiques : engagent l’entreprise à moyen terme (de
2 à 5 ans) et sont prises par les encadrements supérieurs. Ces
décisions sont peu fréquentes, peu prévisibles ;
3. Décisions opérationnelles : engagent l’entreprise à court terme
(< 2 ans). Les décisions sont prises par les exécutants. Elles
sont fréquentes, très prévisibles.
34
Stratégie,Wikipédia, dernière modification effectuée le 04/04/2015 à 04:56.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Strat%C3%A9gie
35
Prise de décision,Wikipédia, dernière modification effectuée le 15/05/2015 à 11:48.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Prise_de_d%C3%A9cision
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Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
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Ceci dit, les décisions que Frédéric Fréry et al appellent « stratégies
opérationnelles » relèvent en réalité du niveau tactique, d’où la non
adéquation de l’adjectif « opérationnelles ». Le niveau tactique joue
un rôle de relais entre les choix stratégiques en amont et leur
traduction en action concrète en aval, ce qui renvoie au processus
relevant du cycle de Contrôle de gestion.
En tout cas, qu’elles soient stratégies opérationnelles, fonctionnelles
ou autres, il parait qu’il n’en est question que d’appellation car les
auteurs se mettent d’accord que ce niveau n’est qu’une déclinaison
de la stratégie par fonction. Pour autant, le mieux consiste à parler
de « politiques fonctionnelles » (ou « politiques tactiques ») ou lieu
de « stratégies » afin de se démarquer du niveau stratégique. Dès
lors, les politiques fonctionnelles se définissent de la sorte :
Bref, les politiques fonctionnelles déterminent comment chaque
fonction articule effectivement les stratégies définies au niveau
global, également au niveau des DAS36. Elles sont spécifiques à une
fonction car les décisions n’engagent en général que cette dernière,
éventuellement au sein d’un domaine d’activité. Elles sont le plus
souvent prises par la DG et les cadres supérieurs en charge de la
fonction concernée. Les politiques fonctionnelles ont pour objectif
d’assurer la mise en œuvre effective des stratégies globales
(corporate strategies) et par domaine d’activité (business strategies).
De bons choix en matière des politiques fonctionnelles assurent la
performance des stratégies des niveaux supérieurs37.
36
FRERY F. et al., (2005), Op. Cit., p. 13.
37
LECOCQ X. et al., (2009), Stratégie, Pearson Education France, p. 41.
En fonction donc des orientations stratégiques exprimées aux niveaux
corporate et business, l’entreprise définit sa politique financière
(ex : augmentation de capital ou endettement), de production (ex :
intégration ou sous-traitance), de RH (ex : internalisation ou
externalisation du recrutement : recourt aux cabinets de recrutement),
de marketing (ex : ciblage différencié ou indifférencié), etc. Dès
lors, lorsqu’on parlera des niveaux de la stratégie, on fera référence
à la corporate et à la business strategy. On verra qu’il existe un
niveau intermédiaire, celui de la stratégie horizontale (horizontal
strategy) inventée par M. Porter :
 Le premier niveau est celui de la stratégie d’entreprise ou de
groupe (corporate strategy). Elle concerne le dessin et le périmètre
de l’organisation dans sa globalité. Cela inclut le choix de couverture
géographique, de diversité de l’offre de produits et services et la
manière dont les ressources sont allouées entre les activités38.
Lorsqu’on est placé au niveau corporate, l’entreprise ou l’organisation
est amenée à choisir entre :
 Une stratégie de spécialisation : un métier/DAS39 unique,
voire le choix du maintien dans un seul domaine d’activité et
l’exploitation de compétences bien maîtrisées (ex : Renault, Accor,
38
FRERY F. et al., (2005), Op. Cit., p. 12.
39
Comme on l’a déjà mentionné pour ce qui est de la diversification, lorsqu’on
parle de la stratégie de spécialisation, la distinction entre métier et DAS n’est pas
tranchée entre auteurs ; certains raisonnent : métier = DAS, d’autres : un seul
métier peut donner lieu à plusieurs DAS,… chose qui marque les différences
constatées au niveau des ouvrages lorsqu’il s’agit de définir les stratégies de
spécialisation et de diversification.
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Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
M. Rahou Page 13 sur 41
Boeing). La spécialisation se définit comme la « concentration,
mobilisation et renforcement constants des ressources d’une entreprise
sur un domaine d’activité particulier pour y renforcer sa position.40 ».
La spécialisation peut prendre plusieurs formes : une spécialisation
en termes de produit (1 produit pour différents marchés, ex :
Boiron), une spécialisation en termes de technologie (une seule
technologie particulière, ex : OLITEC Modem), ou encore une
spécialisation géographique (ex : agences de voyage). Les formes de
spécialisation dépendent de la phase de démarrage (first mover41)
aussi bien que de maturité du DAS, de la position concurrentielle
de l’entreprise (forte vs faible ?) et de la taille de l’entreprise (PME
vs grande entreprise ?)42.
 Une stratégie de diversification : plusieurs métiers (ex :
Lagardère, Vivendi, Mitsubishi). Pareillement pour ce qui est de la
spécialisation, il n’existe pas une seule modalité de diversification.
On parle ainsi de diversification géographique43 (ex : Bombardier),
diversification verticale44 (ex : Benetton) ou encore d’intégration
horizontale45 (ex : Air France)46.
40
BOJIN J. et SCOETTL JM., (2005), Les outils de la stratégie, Editions d’Organisation,
p. 400.
41
Le first mover est un anglicisme désignant le premier acteur se lançant sur un
marché.
42
GODELIER E., (2006), Op. Cit., pp. 26-27.
43
La diversification géographique est l’implantation de l’entreprise dans des
zones géographiques nouvelles pour elle et où les facteurs clés de succès ne sont
pas forcément les mêmes que ceux des zones actuelles (BOJIN J. et SCOETTL JM.,
(2005), Op. Cit., p. 391).
44
La diversification verticale ou encore l’intégration verticale est l’extension
des activités de l’entreprise, soit vers l’amont (production de matières premières
 Le deuxième niveau en matière de stratégie qu’on a qualifié
d’« intermédiaire » est celui de la stratégie horizontale. En effet,
M. Porter part du principe que la stratégie du groupe (corporate
strategy) est constituée par la réponse fournie aux deux questions
suivantes47 :
1. Dans quel segment stratégique la firme doit-elle se diversifier ?
2. Comment coordonner les stratégies des différentes unités
(SBU) qui la composent ?
Clairement, la deuxième question ci-dessus fait référence à ce
niveau intermédiaire. Sur le plan temporel, l’élaboration d’une
stratégie horizontale ne succède pas forcément le choix d’une
stratégie de diversification au niveau de la corporate strategy et
précède l’élaboration des business strategies, car on peut tout de
même imaginer que la stratégie horizontale intervient après avoir
arrêté les stratégies par domaines d’activité. Elle est cependant
préparée dans une logique corporate par le top management : selon
Porter, « la stratégie horizontale, et non la gestion de portefeuille, est
la véritable mission de la haute direction de l’entreprise.48 ».
ou de produits intermédiaires), soit vers l’aval (distribution, commercialisation)
(BOJIN J. et SCOETTL JM., (2005), Op. Cit., p. 391).
45
La diversification horizontale appelée également intégration horizontale est
l’extension d’activités de l’entreprise à de nouveaux domaines, complémentaires
du portefeuille d’activités existantes (BOJIN J. et SCOETTL JM., (2005), Op. Cit., p.
391).
46
GODELIER E., (2006), Op. Cit., pp. 26 et 32.
47
PORTER M., (1999), Op. Cit., p. 433.
48
Idem, p. 383.
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Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
M. Rahou Page 14 sur 41
Par niveau intermédiaire, on ne raisonne donc pas en terme
temporel mais, plutôt, en terme de l’étendu du champ couvert par
la stratégie.
Les firmes diversifiées ont prêté beaucoup plus d’attention à la
première qu’à la seconde question49 qui débouche sur la mise en
place d’une stratégie horizontale et renvoie par occasion au test,
avancé par M. Porter50, de l’avantage apporté pour conduire une
diversification faisant en sorte que le groupe doit pouvoir fournir
un avantage concurrentiel significatif à l’unité acquise, tout comme
celle-ci doit apporter un bénéfice au groupe51.
La stratégie horizontale est un ensemble d’objectifs et de mesures
cordonnées entre des unités de l’entreprise distinctes mais reliées.
Elle s’impose au niveau du groupe, du secteur et du siège d’une
firme diversifiée. Elle ne supprime pas la nécessité d’unités distinctes
au sein de l’entreprise et ne remplace pas les stratégies propres à
ces unités.
Cette stratégie assure plutôt une coordination explicite entre les
unités de la firme, qui fait de la stratégie du siège ou du groupe
quelque chose de plus que la somme des stratégies propres aux
différentes unités. C’est le mécanisme par lequel une firme diversifiée
renforce l’avantage concurrentiel de ses unités.
49
Idem, p. 433.
50
En fait, en plus du test de l’avantage apporté, Porter parle de deux autres tests
essentiels pour la création de valeur dans une diversification. Il s’agit du test de
l’attrait et du coût à l’entrée (BOJIN J. et SCOETTL JM., (2005), Op. Cit., p. 304).
51
Idem, p. 303.
La stratégie horizontale s’appuie sur l’avantage concurrentiel et non
sur des considérations financières ou boursières. Les stratégies
d’entreprise assises sur des motifs purement financiers n’offrent
qu’une justification illusoire de la diversification. De plus, les bienfaits
des stratégies financières sont souvent éphémères. Seule la stratégie
horizontale justifie la diversification et fait de l’entreprise autre
chose qu’un fonds commun de placement amélioré. A ajouter qu’en
l’absence d’une stratégie horizontale qui exploite réellement les
interconnexions, l’apparition d’une « pénalité de conglomérat52 »
est souvent justifiée53.
On a annoncé auparavant que la dernière étape d’une segmentation
stratégique consiste à analyser les interconnexions actuelles et/ou
potentielles entre les DAS définis afin de les regrouper en bases
stratégiques54, alors qu’en fait, la mission de segmentation stratégique
ne peut pas être couronnée en l’absence d’une stratégie horizontale
propre à chaque base stratégique. La dite stratégie a pour qualité de
coiffer le processus de segmentation stratégique.
D’après Porter, de nombreuses firmes diversifiées ont accordé peu
d’attention, voire aucune, à la coordination des stratégies des unités,
dans le moment où il est de plus en plus important d’y veiller et
d’entrer dans de nouveaux secteurs dont la contribution à l’avantage
concurrentiel soit claire au sein de l’entreprise55.
52
Un conglomérat est un groupe qui possède des activités dans des domaines
fort différents et non liés tels que le BTP, la finance ou l'électricité. A titre
d’exemple, General Electric est un conglomérat.
53
PORTER M., (1999), Op. Cit., pp. 382-383.
54
Cf. p. 7 de ce document.
55
Idem, p. 433.
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Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
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 Le deuxième niveau est celui des stratégies par domaine d’activité
(business strategy). La notion de « business strategy », ou stratégie
concurrentielle, est la stratégie mise en œuvre par une organisation
dans un domaine d’activité donné afin de maximiser sa performance
dans ce DAS. Elle ne doit pas être confondue avec celle de la
« corporate strategy » qui concerne la stratégie de l’organisation
dans son ensemble axée sur la question de diversification et
d’identification des domaines d’activités dans lesquels l’organisation
doit investir et se développer56.
La business strategy revient généralement à définir comment un
avantage peut être obtenu par rapport aux concurrents et quels
nouveaux marchés peuvent être identifiés ou construits57. Ceci dit,
pour chacun des domaines d’activités considérés, et compte tenu
des résultats de l’analyse concurrentielle58, une stratégie appropriée
permettant à l’entreprise de se créer un avantage compétitif durable
doit être mise en œuvre59.
Les différentes options offertes en la matière forment ce qu’on
appelle les 3 stratégies génériques de Michael Porter, c'est-à-dire les
approches qui permettent d’établir un avantage concurrentiel au
niveau d’un DAS. La discussion sur les stratégies génériques part du
postulat qui fait qu’une organisation construit un avantage
concurrentiel en proposant à ses clients ce qu’ils demandent ou ce
56
DURAND R., (2005), Op. Cit., p.259.
57
FRERY F. et al., (2005), Op. Cit., p. 12.
58
L’analyse concurrentielle convient à analyser pour chaque DAS (DURAND R.,
(2005), Op. Cit., p. 13).
59
Idem, p. 13.
dont ils ont besoin de manière plus efficace et/ou efficiente que ses
concurrents via une approche difficilement imitable par ces derniers.
Pratiquement, le choix d’une stratégie générique revient à se
positionner en termes de coût (stratégie de domination par les coûts),
de valeur (stratégie de différenciation) ou de marché (stratégie de
niche)60.
Bien entendu, la construction par l’organisation d’un avantage
concurrentiel doit s’appuyer sur l’éventail des ressources et
compétences spécifiques dont elle dispose. Ces compétences
distinctives pourront, selon les cas, être davantage cohérentes avec
la mise en œuvre d’une stratégie de coût61, de valeur ou de marché.
De l’autre côté, il doit nécessairement exister un lien entre les
stratégies par domaine d’activité et la stratégie de l’entreprise dans
son ensemble, car la seconde alimente et contraint les premières62.
En guise de conclusion, le traitement des niveaux de la stratégie se
recoupe avec la démarche générale de l’analyse stratégique :
Tableau n°1 : la démarche générale de l’analyse stratégique
1ère étape Définition des domaines d’activités de l’entreprise.
2ème étape Analyse concurrentielle de chacun de ces domaines d’activité.
3ème étape Choix d’une stratégie générique pour chaque domaine identifié.
4ème étape Détermination des voies de développement stratégique vers de
nouvelles activités.
5ème étape Management du portefeuille d’activités et mise en place d’une
stratégie horizontale.
Source : DURAND R., (2005), Op. Cit., p. 15 (Avec adaptation)
60
FRERY F. et al., (2005), Op. Cit., pp. 290, 291, 295 et 304.
61
DURAND R., (2005), Op. Cit., p. 14.
62
FRERY F. et al., (2005), Op. Cit., p. 13.
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Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
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La première étape dans cette démarche permet de passer du niveau
corporate au niveau business. Les deuxième et troisième étapes sont
exclusivement consacrées à la business strategy. La quatrième étape
permet de revenir au niveau corporate qui est également la perspective
adoptée dans la cinquième étape63.
Effectivement, le raisonnement stratégique est de nature complexe ;
il ne découle pas d'un raisonnement linéaire mais d’un va et vient
entre le niveau corporate et celui business.
63
DURAND R., (2005), Op. Cit., p. 15.
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Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
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Pourquoi parler des interconnexions… ?
Les évolutions observées par Michael Porter l’ont conduit à bâtir un
cadre conceptuel qui agence les interconnexions actuelles et/ou
potentielles entre unités d’activité stratégiques.
M. Porter stipule au niveau de l’avantage concurrentiel : « Plusieurs
forces considérables, apparues notamment dans les années 70, vont
contraindre les firmes à reconsidérer leur attitude à l’égard de la
synergie. Les développements économiques, technologiques ainsi que
des pressions concurrentielles accrues renforcent l’avantage que peut
prendre une firme qui sait identifier et exploiter les interconnexions
entre des activités distinctes mais voisines.64 ».
Pour appuyer son raisonnement, l’auteur se base sur 4 points, qu’il
a appelé « forces puissantes », ayant joué irrésistiblement dans les
années quatre-vingt et quatre-vingt-dix en faveur d’une exploitation
des interconnexions65 :
1. Les années quatre-vingt ont vu une transformation du mode
de diversification ; l’accent est mis sur la diversification dans
des domaines connexes chose qui explique d’autre part la vogue
de la gestion de portefeuille ;
64
PORTER M., (1999), Op. Cit., p. 382.
65
Idem, pp. 384-387.
2. En outre, la croissance ayant sensiblement ralenti dans le
monde occidental, la priorité est donnée aux résultats, et par
conséquent à l’avantage concurrentiel qu’à la croissance. Alors
que jadis des unités très autonomes ont pu être le vecteur de
la croissance, le dur environnement des années 80 les a obligés
à mieux coordonner leurs stratégies en vue d’exploiter les
interconnexions ;
3. Ensuite, l’exploitation des interconnexions, auparavant trop
complexe et couteuse, devient désormais possible grâce au
progrès technologique qui facilite la communication et réduit
les coûts de coordination entre unités. La sophistication croissante
des SI ouvre des perspectives d’interconnexions car elle brise
les barrières entre secteurs et tend à les rapprocher ;
4. Enfin, comme conséquence aux trois forces précédentes, une
concurrence multipolaire s’est développée. Les concurrents
multipolaires sont des firmes qui luttent les unes contre les
autres non pas au niveau d’une seule unité, mais de plusieurs
unités connexes à la fois. Conformément, seule la stratégie
horizontale, qui s’applique justement à de telles unités
connexes voire interconnectées, offre la perspective globale
pour faire face à des concurrents multipolaires.
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Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
M. Rahou Page 18 sur 41
En fait, ce qu’on vient de citer sont des facteurs que Porter les a
considérés jouer en faveur de l’exploitation des interconnexions
entre unités stratégiques.
Cependant, on juge que la prise en conscience de la pertinence
d’analyse des interconnexions entre unités d’activité stratégiques et,
subséquemment, des enjeux de leur exploitation, a été inspirée par
Michael Porter comme réaction à un certain nombre de pratiques
erronées qu’il a observé au cours des années soixante et début des
années soixante-dix.
On estime que l’essentiel de ces observations se résume de la sorte :
« La décentralisation, combinée au désenchantement à l’égard de
la synergie, a renforcé l’idée selon laquelle la gestion de portefeuille
est la principale tâche stratégique de la haute direction.66 ». Or, pour
Michael Porter, « la stratégie horizontale, et non la gestion de
portefeuille, est la véritable mission de la haute direction de
l’entreprise.67 ».
On explique… :
1. Face au contexte de la décentralisation et d’enthousiasme pour
la synergie ;
2. Pour une mise en perspective de la gestion ou de l’analyse de
portefeuille…
66
Idem, p. 382.
67
Idem, p. 383.
Face au contexte de la décentralisation et
d’enthousiasme pour la synergie
& Introduction du concept d’« organisation horizontale »
Au cours des années 60 et au début des années 70, de nombreuses
entreprises s’étaient diversifiées en invoquant le prétexte de la
synergie qui fait que la combinaison d’activités différentes mais
voisines pouvait créer une valeur par synergie.
Néanmoins, les entreprises semblaient se douter des bienfaits de la
synergie à partir de la fin des années soixante-dix, bien qu’en réalité,
l’échec de la synergie vient de l’incapacité des firmes à la comprendre
et à la concrétiser dans la pratique par manque des outils d’analyse
nécessaires, et ce, même lorsqu’une réelle possibilité de synergie
existe68.
Pour ce faire, Porter s’est donné à cette problématique d’exploitation
de la synergie en faisant surtout comprendre le contenu de la
synergie, d’ailleurs jadis obscure : « Le plus souvent, la synergie a été
comprise en termes d’interconnexions intangibles, c'est-à-dire le
transfert de compétences d’une unité à une autre. ». Avec cela, « Les
interconnexions intangibles furent au centre des débats sur la
synergie. Les difficultés de découvrir et d’exploiter les interconnexions
intangibles importantes expliquent pour une grande part la déception
que de nombreuses firmes ont ressentie à l’égard de la synergie. ».
Or, « La synergie ne correspond pas à une, mais à trois idées
68
Idem, pp. 381-382.
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Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
M. Rahou Page 19 sur 41
fondamentalement différentes (en l’occurrence, les interconnexions
tangibles, intangibles et de concurrence). Il n’est pas surprenant que
la synergie ait été un concept aussi flou. »69.
Ceci dit, pour Porter, la notion de synergie est par là synonyme de
celle d’« interconnexions » comprises en termes d’interconnexions
à la fois tangibles, intangibles et de concurrence. Partant de l’idée
de synergie, l’auteur développe alors le concept des interconnexions
peut être par ce que ce dernier apparait plus connu et admissible
que celui de la synergie.
La problématique de concrétisation de la synergie revient donc à
l’exploitation des interconnexions entre unités pour l’obtention
d’un avantage concurrentiel. La dite problématique se résout peu à
peu lorsque Michael Porter identifie trois types d’interconnexions70,
qui peuvent d’ailleurs coexister :
1. Les interconnexions tangibles ;
2. Les interconnexions intangibles ;
3. Les interconnexions de concurrence.
D’après l’auteur, les interconnexions ne reposent pas sur l’idée
fameuse de « l’adéquation » qui sous-tend la plupart des discussions
sur la synergie, mais sur des possibilités bien réelles de réduire les
coûts et de renforcer la différenciation dans pratiquement toutes les
activités de la chaine de valeur71.
69
Idem, pp. 390 et 420.
70
Cf. p. 27 de ce document.
71
Idem, p. 382.
En réalité, à la fin des années 70, la synergie, semblait-il, était une
idée intéressante mais qui se concrétisait rarement dans la pratique.
En conséquence, l’enthousiasme pour la synergie s’était envolé en
ouvrant les portes pour un nouveau mode de gestion, celui de la
décentralisation des activités, voire une responsabilisation des
dirigeants des unités et leur récompensation en fonction des
résultats.
Toutefois, conformément à M. Porter, des mécanismes favorisant les
interconnexions devaient être mis en place dans les structures
décentralisées afin d’assurer le succès de la stratégie horizontale72.
Il s’agit, en l’occurrence, de l’idée d’« organisation horizontale », que
l’on qualifie dorénavant comme étant la thèse que l’auteur propose
face à la problématique de mise en œuvre de la synergie.
Certainement, la décentralisation reste une nécessité dans les firmes
diversifiées, mais elle doit être recoupée par des mécanismes visant
à assurer l’exploitation des interconnexions importantes.
Du point de vue organisationnel, l’avantage concurrentiel introduit
pour la première fois le concept d’« organisation transverse », qualifié
par l’auteur d’organisation horizontale, qui peut être défini comme
le type d’organisation visant un optimum global, par opposition aux
organisations qui ne peuvent obtenir que la somme des optimums
locaux.
72
Idem, pp. 382-383.
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Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
M. Rahou Page 20 sur 41
Porter introduit le concept comme étant le mode d’organisation
permettant d’exploiter les interconnexions entre départements
d’une même firme. Autrement dit, c’est l’ensemble des pratiques
d’organisation qui facilitent les interconnexions.
L’organisation horizontale doit relier entre elles les unités de la
structure verticale. Il faut trouver un équilibre entre les éléments
verticaux et ceux horizontaux d’une firme diversifiée pour libérer
les potentialités des interconnexions73. Cette organisation repose
sur quatre éléments74 :
1. La structure horizontale correspond à un découpage transverse
dans certains domaines, au regroupement d’unités ou à une
centralisation partielle ;
2. Les systèmes horizontaux concernent la gestion transverse de
la planification, du contrôle et du choix des investissements ;
3. Les pratiques horizontales des ressources humaines sont
destinées à faciliter la coopération ;
4. Enfin, des structures horizontales de résolution des conflits
peuvent se révéler nécessaires.
La combinaison de ces éléments horizontaux et d’une structure
verticale (sans correspondre pour autant à une structure matricielle)
73
YAN H., (2000/2001), « Les fiches de lecture de la Chaire D.S.O – Michael Porter :
L’avantage concurrentiel ». http://mip-
ms.cnam.fr/servlet/com.univ.collaboratif.utils.LectureFichiergw?ID_FICHIER=12
95877017838
74
FLEURY H., (1998/1999), « L’avantage concurrentiel : Comment devancer ses
concurrents et maintenir son avance – Résumé de l’édition traduite de
l’américain par Philippe de Lavergne », p. 9.
http://lverdon.free.fr/resumes/avantage.doc
semble suffisamment novatrice à l’auteur pour parler d’une nouvelle
forme d’organisation75.
L’organisation horizontale permet de surmonter des obstacles à
l’exploitation concrète des interconnexions entre unités même
lorsqu’une réelle possibilité de synergie existe76 car même des
interconnexions offrant un réel intérêt peuvent se révéler difficiles à
mettre en place. C’est le cas quand les avantages procurés ne sont
pas (ou ne semblent pas) répartis de manière égale entre les unités
d’activité stratégiques.
Les responsables de ces dernières peuvent aussi craindre une perte
d’autonomie, surtout si la culture répandue dans l’entreprise jusqu’à
présent a été une décentralisation poussée, avec une identité propre
à chaque division77.
Aucun mécanisme unique cherchant à encourager la coopération
entre les unités ne suffit à garantir que toutes les interconnexions
stratégiquement souhaitables seront exploitées. Il faut recourir à
plusieurs pratiques qui se renforcent les unes les autres. Les dirigeants
du siège, à travers leur attitude, leur articulation des finalités de
l’entreprise, leur volonté de créer des valeurs communes et une
identité d’entreprise forte, ont un rôle majeur à jouer pour développer
l’organisation horizontale78.
75
Idem.
76
YAN H., (2000/2001), Op. Cit.
77
FLEURY H., (1998/1999), Op. Cit, p. 9.
78
YAN H., (2000/2001), Op. Cit.
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Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
M. Rahou Page 21 sur 41
Pour une mise en perspective de l’analyse
de portefeuille
& Mise en relief d’un management stratégique suivant les liaisons
entre SBU
Dès lors qu’une entreprise s’est diversifiée, et est donc présente sur
plusieurs domaines d’activité différents, se pose le problème du
management intégré de l’ensemble de ces activités pour déterminer
si leur somme constitue un ensemble équilibré et cohérent. Si tel
n’est pas le cas, l’entreprise est censée faire évoluer la composition
de son portefeuille et formuler une véritable « stratégie de portefeuille
d’activités »79.
Les premiers modèles d’analyse stratégique sont venus des États-
Unis, dans les années 60. Le plus connu est celui de la HBS proposé
pour la première fois dans un ouvrage devenu classique signé des
professeurs Learned, Christensen, Andrews et Guth, et connu sous le
nom LCAG, ou encore sous l’acronyme « SWOT » (Strengths,
Weaknesses, Opportunities, Threats).
Ce modèle apparait aujourd’hui dépassé et simpliste et il est avant
tout adapté à l’analyse des stratégies concurrentielles (business
strategies). L’analyse des stratégies de groupe (corporate strategies)
a été formalisée plus tardivement de façon très largement
indépendante par des cabinets de conseil en stratégie80.
79
DURAND R., (2005), Op. Cit., pp. 14-15.
80
Idem, pp.11- 13.
Les « modèles de portefeuille d’activités » ont pour finalité de
formaliser et de faciliter une telle gestion globale d’un ensemble
diversifié d’activités. Pour cela, ils concentrent l’analyse sur deux
dimensions principales81 :
1. La valeur des domaines d’activité considérés ;
2. La position concurrentielle de l’entreprise sur chacun de ces
domaines.
Au niveau stratégique, l’analyse de portefeuille constitue le
fondement des décisions de développement, de diversification et de
désengagement. Ces décisions sont reprises ensuite par un processus
formel différent, au niveau opérationnel, pour être traduites en
programmes et finalement en budgets82.
Lorsqu’on parle des modèles d’analyse de portefeuille, la littérature
fait référence en la matière à 3 matrices : la matrice croissance/part
de marché relative, la matrice maturité/position concurrentielle et
la matrice attraits/atouts83 :
1. La matrice croissance/part de marché relative : développée
par le Boston Consulting Group (BCG), cette matrice s’articule
autour de 2 variables clés : (i) taux de croissance du segment
stratégique (faible/fort) et (ii) part de marché relative de
l’entreprise par rapport à son principal concurrent (faible/forte).
C’est la plus ancienne et la plus élémentaire, voire simple. La
81
Idem, p. 14.
82
Idem, p. 604.
83
BOJIN J. et SCOETTL JM., Op. Cit., p. 261.
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matrice BCG détermine 4 types d’activités (vedette, dilemme,
poids mort, vache à lait) et considère l’entreprise comme un
portefeuille de segments contribuant chacun à sa croissance
et sa rentabilité. Chaque position sur la matrice représente
une stratégie spécifique (maintient, rentabilisation, arrêt,
reconversion,…), cependant une vision d’ensemble permet
d’envisager des transferts de ressources pour assurer l’avenir
de l’entreprise de manière à ce qu’un équilibre global entre les
activités soit préservé84.
2. La matrice maturité/position concurrentielle : développée
par Arthur D. Little, la matrice d’ADL est qualifiée parfois d’école
« organique » pour la distinguer de l’école dite « mécanique »
de la BCG. La matrice maturité/position concurrentielle part
d’une approche multicritère qui prend en compte (i) le degré
de maturité de l’activité divisée selon les quatre phases du
cycle de vie des segments (démarrage, croissance, maturité,
déclin) et (ii) la position compétitive qui mesure les forces
relativement aux concurrents en déterminant les FCS de
l’activité envisagée (marginale, défavorable, favorable, forte,
dominante). De la sorte, les segments sont situés dans une
matrice de 20 (45) cases. Par rapport à la matrice BCG, le
modèle d’ADL fournit des prescriptions stratégiques moins
tranchées : stratégie d’abandon, stratégie de développement,
stratégie de développement sélectif. Pourtant, la matrice ADL
permet d’analyser les stratégies de chaque concurrent et de
prévoir son avenir à plus ou moins LT85.
84
Idem, pp. 262-265.
85
Idem, pp. 276-281.
3. La matrice attraits/atouts : développée par le fameux cabinet
McKinsey lors d’une importante étude concernant la stratégie
d’une des divisions de General Electric86, la matrice attraits/
atouts repose sur le principe que les facteurs à prendre en
compte varient en fonction des industries ou des entreprises. La
matrice McKinsey utilise également une analyse multicritères :
elle croise 2 dimensions, l’attrait d’une activité pour l’entreprise
(faible, moyen, élevé) et les atouts que celle-ci possède pour y
réussir (faible, moyen, élevé), chacune composée de plusieurs
critères. Les segments se situent donc dans une matrice à neuf
cases. Trois grands types de stratégies de portefeuille s’en
dégagent en fonction de la zone où se situe le segment, il
s’agit alors d’investir, de sélectionner ou de moissonner87.
L’analyse de portefeuille d’activités correspond à une étape dans
l’analyse stratégique qui mérite d’être affinée et corrigée, voire
dépassée.
Outils éprouvés, les trois présentations matricielles de gestion de
portefeuille ci-dessus, d’ailleurs particulièrement utiles aux grands
groupes diversifiés, disposent d’avantages évidents mais aussi des
limites88. Le tableau ci-après dresse un panorama des apports et
limites de l’analyse de portefeuille :
86
A noter que la BCG travaillait à l’époque simultanément dans une autre
division et appliquait sa matrice croissance/part de marché relative (Idem, p.
285).
87
Idem, pp. 284-291.
88
Idem, p. 295.
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Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
M. Rahou Page 23 sur 41
Tableau n°2 : Apports et limites des analyses de portefeuille
Apports
 Apport d’orientations externes prenant en compte des variables que
les outils de gestion ou de planification d’entreprises négligent parfois
de prendre en considération.
 Fixation d’objectifs spécifiques à chaque activité qui donnent des
indicateurs sur la stratégie envisageable pour chacun des segments.
 Équilibrage de marges brutes d’autofinancement par l’identification
des zones qui nécessitent des investissements par rapport à celles qui
doivent les financer.
Limites
 Des conditions de validité restrictives : stabilité de la structure de
l’industrie, progression prévisible de la technologie, évolution lente
des besoins des clients, peu d’opportunités d’innovation.
 Structure des modèles fondés sur une méthode de segmentation
pas toujours bien définie et des variables explicative réduites ou non
pertinentes (au moins dans la BCG).
 Non prise en compte des synergies entre les segments.
 Recommandations qui en découlent trop schématiques du type :
j’investis, je maintiens, je désinvestis.
 Mise en œuvre qui en découle part d’une approche technocratique.
 Non prise en considération des aspects « soft » de l’entreprise.
 Absence de créativité stratégique : les conditions de la concurrence
ne sont pas remises en causes et la déstabilisation ou un changement
radical dans la façon de définir le métier ne sont pas envisagés.
Source : Conception de l’auteur sur la base de BOJIN J. et SCOETTL JM., (2005), Op. Cit., pp.
295-301
Michael Porter propose une mise en perspective de l’analyse de
portefeuille dans l’ensemble des choix stratégiques d’un groupe
diversifié. Selon Porter, l’analyse de portefeuille n’est qu’un concept
parmi d’autres pour gérer stratégiquement un groupe car ce dernier
doit apporter une valeur supplémentaire : le groupe représente
davantage que la simple somme des SBU qui le compose89.
89
Idem, p. 303.
Figure n°4 : Management stratégique suivant les liaisons entre SBU
Source : BOJIN J. et SCOETTL JM., (2005), Op. Cit., p. 308
Ainsi, l’approche portérienne souligne les limites de l’analyse de
portefeuille en proposant d’autres grilles qui insistent davantage
sur les relations entre les SBU. Partant, Michael Porter distingue
quatre concepts clés pour conduire la stratégie d’un groupe
diversifié90 :
1. Le management par l’analyse de portefeuille : dans le
management par l’analyse de portefeuille, il s’agit de maitriser
les résultats en reportant les ressources transférables d’une
unité qui génère des liquidités vers une autre qui en a besoin
pour devenir profitable ;
2. La stratégie de restructuration : cette dernière concerne
essentiellement les unités acquises issues d’organisations
défaillantes ou d’industries en pleine mutation. Le groupe
intervient alors pour modifier la stratégie ou introduire une
nouvelle technologie. Après assainissement, le groupe revend
90
Idem, pp. 305-311.
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Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
M. Rahou Page 24 sur 41
les unités les plus solides dont les résultats sont positifs pour
réduire le coût de l’acquisition. Il arrive fréquemment que les
groupes qui se restructurent profitent des stratégies de
portefeuille antérieures. Pour se distinguer de ses dernières,
les meilleures entreprises considèrent qu’elles n’acquièrent
pas seulement une entreprise mais qu’elles restructurent une
industrie ;
3. Le transfert de compétences : le transfert de compétences
est une base solide pour la stratégie d’un groupe diversifié.
Chaque SBU a une chaine de valeur spécifique91, mais il est
possible de mettre en commun les compétences acquises entre
les différentes unités d’activité. Deux entreprises types qui se
sont diversifiées en s’appuyant sur le transfert de compétences
sont : « 3M » et « Pepsico » ;
4. Le partage d’activités : partager les activités consiste à relier
sur le terrain les domaines de plusieurs SBU. A titre d’exemple,
Procter & Gamble emploie un système de distribution et une
force de vente commune pour les serviettes en papier et les
couches-culottes. Le partage d’activités dégage un avantage
compétitif en diminuant les coûts ou en permettant de se
différencier plus encore (ex : services apportés aux clients).
Une analyse du coût et des bénéfices envisageables concernant
le partage d’activités doit permettre d’évaluer les synergies
possibles. Le coût de la coordination doit être compensé par
les avantages retirés.
91
Cf. pp. 26-27 de ce document.
Chacune de ces quatre concepts stratégiques ne peut être mis en
application qu’après avoir rempli les trois conditions définis (qu’on
a auparavant cité92) par les tests essentiels de la création de valeur
dans une diversification93.
Porter, après avoir étudié la stratégie et les résultats de nombreuses
entreprises, suggère que les activités partagées et les transferts de
compétences94 devraient à l’avenir générer davantage de valeur que
la gestion de portefeuille95. En termes d’intérêt, une firme peut élaborer
à partir de l’exploitation des interconnexions96 :
1. Une stratégie horizontale avec les unités existantes ;
2. Une stratégie de diversification pour entrer dans de nouveaux
secteurs.
Par ailleurs, l’identification des interconnexions possibles concernant
un secteur, y compris les interconnexions de concurrence, permet à
l’entreprise de prévoir quels seront les prochains concurrents les
plus probables. Ces derniers sont ceux pour lesquels le secteur est97 :
92
Cf. p. 14 de ce document.
93
Idem, p. 305.
94
Bien entendu, au niveau de l’avantage concurrentiel, Porter identifie 3 types
d’interconnexions potentielles entre UAS qui sont : (i) le partage d’activités, (ii) le
transfert de compétences et (iii) les interconnexions de concurrence. Néanmoins,
ce sont uniquement les 2 premières formes d’interconnexions qui sont permises
par la chaine de valeur et donc basées sur une analyse interne (Cf. p. 27 de ce
document).
95
Idem, p. 311.
96
PORTER M., (1999), Op. Cit., p. 384.
97
Idem, p. 432.
Page 24
Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
M. Rahou Page 25 sur 41
 Un moyen logique de créer ou d’étendre une interconnexion
importante ;
 Une extension nécessaire pour contrer les interconnexions
des concurrents.
L’analyse portérienne débouche sur le fait que chaque interconnexion
possible conduira à d’autres secteurs et que, inversement, l’entreprise
peut découvrir de nouvelles interconnexions, et donc de nouveaux
concurrents éventuels, en examinant les secteurs où les concurrents
sont présents mais dont la firme est absente. En identifiant des
secteurs connexes, une firme peut localiser les concurrents potentiels
dont l’entrée dans les secteurs où la firme est présente serait
logique98.
L’exploitation des interconnexions devient fondamentale pour se
procurer un avantage concurrentiel par rapport à ses concurrents.
98
Idem.
Page 25
Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
M. Rahou Page 26 sur 41
Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques
Pour développer des synergies, il faut que les SBU ne soient pas
seulement en concurrence mais qu’elles coopèrent. Un des moyens
de concevoir ces liaisons s’appuie sur la chaine de valeur99.
En effet, le concept de chaîne de valeur a été introduit en 1986 par
Michael Porter dans son ouvrage "L'avantage concurrentiel". La
chaine de valeur, qui décompose l'activité de l'entreprise en séquence
d'opérations élémentaires, se voit comme un outil de repérage des
activités et des fonctions qui distinguent l’organisation de ses
concurrents en positif ou en négatif.
Basée principalement sur une analyse de la valeur, des coûts et des
marges, la chaine de valeur permet de prendre conscience des
activités clés déterminant la capacité d'une organisation à obtenir
un avantage concurrentiel dans un secteur ou segment. Il y a trois
grandes catégories d’activités dans une chaîne de valeur :
1. Les activités primaires liées à la production : fabrication ;
2. Les activités primaires liées à la vente et à la relation
client : commercialisation, marketing, services après-vente ;
3. Les activités de soutien : infrastructures de l’entreprise,
gestion des ressources humaines, R&D, achats.
99
BOJIN J. et SCOETTL JM., Op. Cit., p. 309.
Figure n°5 : La chaine de valeur de Michael Porter
Les activités principales bénéficient du support des activités de
soutien qui contribuent à augmenter leur efficacité ou efficience. Le
niveau de détail de la décomposition en activités élémentaires doit
être guidé par l’importance des dites activités à l’égard de l’avantage
concurrentiel. La chaîne de valeur permet de mettre en évidence les
Page 26
Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
M. Rahou Page 27 sur 41
activités clés de la firme, c’est à dire celles qui ont un impact réel en
termes de coût ou de différenciation par rapport aux concurrents100.
Chaque segment ou encore SBU correspond à une chaine de valeur
spécifique qui va de la conception à la vente décrivant la série des
étapes et activités discrètes réalisées par une unité dans son domaine
d’activité et c’est sur cette chaine que la SBU dégage des avantages
concurrentiels. La chaine de valeur permet deux types de relations
entre les SBU101 :
1. Le transfert de compétences ou interconnexions intangibles ;
2. Le partage des activités appelé « interconnexions tangibles ».
Quoique le transfert de compétences et le partage des activités sont
les deux types d’interconnexions permises par la chaine de valeur
entre SBU, Michael Porter et dans son chef d’œuvre "L’avantage
concurrentiel"102 apparu en 1985, identifie 3 types d’interconnexions
possibles entre les UAS d’une organisation : (i) les interconnexions
tangibles, (ii) intangibles et (iii) de concurrence.
Ceux-ci forment les trois types d’interconnexions possibles entre
unités d’activité qui, pour Porter, « Toutes ont des effets importants,
mais distincts, sur l’avantage concurrentiel.103 ».
100
YAN H., (2000/2001), Op. Cit.
101
BOJIN J. et SCOETTL JM., Op. Cit., p. 309.
102
Il sera affaire au niveau de cette section d’une reproduction synthétique du
chapitre 9 dudit ouvrage appelé « Les interconnexions entre unités de l’entreprise »,
sans pour autant se prêter à une analyse supplémentaire.
103
PORTER M., (1999), Op. Cit., p. 388.
Les interconnexions de concurrence surviennent quand les rivaux
de la firme se combattent sur plusieurs terrains. Ces derniers,
appelés « concurrents multipolaires », créent inévitablement des
liaisons entre secteurs parce que les actions qu’ils entreprennent
dans un secteur ont des incidences sur un autre. Lorsqu’on est face
à des interconnexions de concurrence, l’organisation lutte contre
ses concurrentes diversifiées par l’intermédiaire de plusieurs unités.
L’avantage concurrentiel de la firme face à ces concurrents alors
multipolaires dépend en grande partie de la pertinence et l’efficience
des interconnexions qu’exploitent les unités en question.
Les trois types d’interconnexions peuvent apparaitre simultanément.
Les interconnexions tangibles qui concernent certaines activités
créatrices de valeur peuvent être complétées par des interconnexions
intangibles entre d’autres activités. Les activités communes à deux
activités peuvent être améliorées par un savoir-faire acquis dans des
activités similaires d’autres unités.
Des interconnexions tangibles et intangibles interviennent souvent
quand des concurrents multipolaires sont présents. Mais chaque type
d’interconnexion conduit à un avantage concurrentiel par des voies
différentes. Si les interconnexions de concurrence sont indépendantes
des interconnexions tangibles et intangibles, elles coexistent souvent
par ce que ces deux dernières offrent une base de différenciation ; les
interconnexions de concurrence rendent crucial la découverte et
l’exploitation des interconnexions tangibles et intangibles. Partant,
un concurrent multipolaire peut obliger une firme à exploiter une
interconnexion au risque de subir un désavantage concurrentiel104.
104
Idem, pp. 389, 390 et 421.
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Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
M. Rahou Page 28 sur 41
Les interconnexions tangibles
Ou le partage des activités
« La chaine de valeur constitue le point de départ de l’analyse des
interconnexions tangibles.105 ». C’est par cette réplique que commence
notre auteur ses propos concernant les interconnexions tangibles
dans son ouvrage référentiel.
Les interconnexions tangibles correspondent à la mise en commun
d’activités créatrices de valeur appartenant à différentes unités de
l’entreprise, qu’autorisent des clients, des canaux de distribution,
des technologies ou d’autres facteurs communs106.
Une unité peut pratiquement partager n’importe quelle activité
créatrice de valeur avec une autre unité de la firme, qu’il s’agisse
d’une activité principale ou d’une activité de soutien, d’une ou de
plusieurs activités. Toutefois, si presque toutes les activités créatrices
de valeur sont communes, on n’a en réalité plus affaire à des UAS
distinctes, mais à une seule.
La mise en commun des activités crée ainsi un avantage concurrentiel
lorsqu’elle permet une baisse des coûts ou un accroissement de la
différenciation de manière à compenser les coûts supplémentaires
qu’elle engendre107 :
105
Idem, p. 391.
106
Idem, p. 388.
107
Idem, pp. 391-395.
1. Le partage améliora nettement la différenciation s’il concerne
une activité importante pour la différenciation. En outre, la
mise en commun peut jouer sur la différenciation soit (i) en
accentuant le caractère unique de l’activité commune quand
cette dernière devient plus intéressante pour l’acheteur ou (ii)
en réduisant le coût de cette singularité via les facteurs qui
commandent l’évolution des coûts des activités différenciées ;
2. La mise en commun d’activités n’aura d’effet sensible sur
les coûts totaux de la firme que si les activités créatrices de
valeur concernées représentent une fraction importante des
coûts d’exploitation ou des actifs immobilisées.
Généralement, il est rare que toutes les unités concernées par une
interconnexion y voient un avantage équivalent car la mise en
commun d’une activité n’aboutira pas à une amélioration égale des
coûts, ou encore de la différenciation, à l’égard de toutes les unités
de l’entreprise. La portée des interconnexions dépend108 :
1. D’échelle des unités : généralement, les grandes unités d’une
entreprise se montrent rarement enthousiastes devant les
interconnexions avec des unités plus petites. En fait, alors que
ces dernières connaitront une amélioration extraordinaire de
leurs coûts, les grandes unités ne tireront pas grand profit, par
les coûts, d’une mise en commun d’une activité ;
2. Des différences dans la structure des secteurs propre à
chaque unité : une faible amélioration des coûts peut, entre
108
Idem, pp. 396-397.
Page 28
Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
M. Rahou Page 29 sur 41
autres, ne pas avoir la même importance selon qu’il s’agit d’un
secteur où la firme lutte par les coûts (stratégie de domination
par les coûts) ou par la qualité (stratégie de différenciation) ;
3. Des stratégies des unités concernées : une interconnexion
qui renforce la singularité peut être très intéressante pour une
unité et peu pour une autre !
Pour identifier les interconnexions tangibles dans une firme, il est
utile de commencer par recenser toutes les formes de mise en
commun d’activités qui interviennent dans la pratique ainsi que les
différentes façons par lesquelles elles peuvent créer un avantage
concurrentiel. Michael Porter identifie cinq grandes catégories au
sujet des formes de mise en commun des activités dont chacune
d’elles soulève des problèmes spécifiques. Il s’agit des109 :
 Interconnexions tenant au marché : elles concernent toute mise
en commun d’activités principales qui touchent à la clientèle, depuis
la logistique externe jusqu’aux services, chose qui inclut la vente et
le service après-vente. Les possibilités de mise en commun sont plus
riches quand les unités ont des clients et des circuits de distribution
communs à condition de s’éloigner de la tendance à considérer de
façon trop large les clients et les circuits. En effet110 :
 Les interconnexions dans le marché ne sont potentiellement
intéressantes que lorsque les acheteurs du produit sont les
mêmes ou en contact les uns avec les autres ;
109
Idem, pp. 403-405.
110
Idem, pp. 405 et 408.
 Bien que deux produits puissent être vendus par l’intermédiaire
de grands magasins, il n’y aura probablement que de faibles
interconnexions entre circuits de distribution si l’un est vendu
dans des chaines populaires et l’autre dans des grands magasins
de prestige.
Enfin, il est souvent plus facile de mettre en commun des activités
indirectes, comme les études de marché, la gestion de la force de
vente et la production de publicité, que des activités directes parce
qu’elles entrainent moins de coûts de compromis111.
 Interconnexions dans la production : ce type d’interconnexions
renvoi à la mise en commun d’activités créatrices de valeur situées
en amont, telles que la logistique interne, la fabrication des pièces,
l’assemblage, la vérification, et des fonctions indirectes tel que
l’entretien et l’infrastructure du site. Le choix des activités à mettre
en commun dépendra des stratégies des unités concernées : deux
unités ayant opté pour une stratégie de différenciation auront plus
de chances d’avoir des seuils de tolérance ou normes de vérification
proches que deux unités dont l’une choisit la domination par les coûts
et l’autre la différenciation112.
 Interconnexions dans les approvisionnements : elles font
référence à la mise en commun des moyens de production communs
achetés à l’extérieur et qui existent souvent (moyens de production
communs) dans les firmes diversifiées, indépendamment des matières
premières et des grands équipements. Les interconnexions dans les
111
Idem, p. 409.
112
Idem, pp. 409-410.
Page 29
Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
M. Rahou Page 30 sur 41
approvisionnements sont évidemment intéressantes d’autant plus
que les fournisseurs sont de plus en plus désireux de négocier des
contrats qui couvrent l’ensemble des besoins mondiaux d’une firme
et de jouer sur les prix. Cependant, il ne faut pas aller loin dans la
voie d’approvisionnements communs faute de ne pas percevoir les
coûts de compromis potentiels ou de mise en place d’un processus
d’approvisionnement rigide qui ne laisse aucune place à des occasions
de négociation impromptues113.
 Interconnexions technologiques : qui dit interconnexions
technologiques dit une mise en commun de l’une des activités de
développement technologique au niveau de la chaine de valeur. Les
interconnexions technologiques naissent d’un partage des activités
principales et interviennent le plus souvent en conjonction avec les
interconnexions de production ou celles de marché. Néanmoins, les
promesses de certaines interconnexions technologiques peuvent
être illusoires particulièrement quand les disciplines scientifiques
partagées sont bien moins vitales pour la réussite des unités que
celles qui ne le sont pas. Par surcroit, pour avoir un impact, les
interconnexions technologiques doivent porter sur des technologies
qui font la différence en termes de coûts ou de différenciation114.
 Interconnexions dans l’infrastructure : cette catégorie porte
sur des activités telles que la gestion financière, le service juridique,
la comptabilité ou la gestion des ressources humaines. Certaines
activités relatives à l’infrastructure sont presque toujours communes
dans les firmes diversifiées. La mise en commun n’a, souvent, pas
113
Idem, p. 410.
114
Idem, pp. 414-415.
grand effet sur l’avantage concurrentiel, parce que l’infrastructure ne
représente pas une fraction importante des coûts et que la mise en
commun n’a guère d’effet sur la différenciation.
En matière des interconnexions dans l’infrastructure, celles financières
ont été considérées comme un avantage important que la firme
diversifiée procure à ses unités et il en existe deux sources : (i) la
collecte et (ii) l’utilisation des capitaux (essentiellement le fond de
roulement). On discute si souvent des interconnexions financières
par ce qu’elles sont les plus faciles à exploiter et par ce qu’elles
entrainent, en général, peu de coûts de compromis.
Toutefois, les interconnexions financières sont rarement la base d’un
avantage concurrentiel important vu que les économies d’échelle
sont généralement modestes dans le financement. D’autres formes
d’interconnexions dans l’infrastructure peuvent avoir de l’importance
dans certains secteurs. Ainsi et à titre d’exemple :
 Une infrastructure commune pour l’embauche et la formation
peut avoir un intérêt pour les prestataires de services ;
 Des relations communes avec les pouvoirs publics peuvent
constituer un avantage substantiel pour les firmes spécialisées
dans les ressources naturelles115.
Porter stipule que le partage d’activités implique, pourtant, des
coûts qui vont des coûts de coordination à la nécessité de modifier
les stratégies des unités pour faciliter le partage. On en distingue116 :
115
Idem, pp. 416-417.
116
Idem, p. 391.
Page 30
Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
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 Les coûts de coordination : il s’agit des coûts qu’implique la
coordination en termes d’argent, de personnel ou encore de temps.
Ces coûts se diffèrent en fonction du degré de complexité de l’activité
partagée et du partage proprement dit. Souvent considérés comme
élevés par les petites unités, les coûts de coordination sont perçus
différemment par les diverses unités117.
 Les coûts de compromis : ils concernent les coûts nécessaires
pour que la mise en commun soit conduite de façon optimale pour
chacune des unités concernées, autrement dit, pour que l’activité
créatrice de valeur soit mise en commun d’une manière à ce qu’elle
satisfera les besoins de toutes les unités concernées par ce partage.
Les coûts de compromis varieront souvent d’une unité de l’entreprise
à l’autre. Il se peut qu’une unité dont le produit est difficile à vendre
doive consentir un compromis plus grand pour bénéficier d’une force
de vente commune, puisqu’il se peut qu’une force de vente commune
signifie que les vendeurs accordent moins d’attention au produit de
chacune des unités et les connaissent moins bien qu’une force de
vente qui se consacrerait exclusivement au produit d’une unité. Les
coûts de compromis peuvent aussi varier, par ce que les stratégies
des différentes unités donnent à l’activité, créatrice de valeur, mise
en commun un poids différent.
Les compromis sont quasiment inévitables. Leurs coûts peuvent
être minimes ou, au contraire, si grands qu’ils annulent l’intérêt de
la mise en commun. Les coûts de compromis sont beaucoup moins
117
Idem, p. 398.
grands, lorsque les stratégies des unités concernées sont cohérentes
à l’égard du rôle que joue l’activité créatrice de valeur commune.
Cette cohérence n’exige que peu de sacrifice, ou même aucun de la
part des unités concernées, si leurs orientations stratégiques sont
coordonnées. De même, ces coûts sont souvent moindres lorsqu’une
activité est conçue pour être mise en commun que lorsqu’elle est
partagée après coup. Les coûts de compromis nécessaires pour
exploiter une interconnexion seront des préoccupations bien réelles
que les unités mettront en avant quand une mise en commun sera
discutée118.
 Les coûts de rigidité : la rigidité selon Porter peut se manifester
par une difficulté potentielle à réagir face à la concurrence ou par
des obstacles à la sortie du domaine d’activité ; une mise en commun
peut rendre plus difficile une réaction rapide face aux concurrents.
La mise en commun peut aussi élever les obstacles à la sortie puisque
le désinvestissement d’une unité peut nuire à d’autres unités avec
lesquelles elle partage une activité. A la différence des autres, les coûts
de rigidité ne sont pas immédiats, ils dépondront de la probabilité
qu’apparaisse un besoin de réagir ou encore de sortir d’un secteur
d’activité119.
Il faut comparer les avantages que procure le partage d’une activité
avec ses coûts de coordination, de compromis et de rigidité en vue de
déterminer l’avantage concurrentiel net de cette mise en commun.
Il faut procéder à une évaluation séparée de l’avantage concurrentiel
118
Idem, pp. 398-401.
119
Idem, p. 401.
Page 31
Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
M. Rahou Page 32 sur 41
tiré d’une interconnexion pour chacune des unités de l’entreprise
concernées. La valeur de l’interconnexion pour la firme est alors la
somme des avantages nets des unités concernées120.
Quoique les développements accélérés des nouvelles technologies, la
déréglementation et l’accentuation de la concurrence ont multiplié
les avantages du partage d’activités121, à même de réduire les coûts
de coordination, de compromis et, dans une moindre mesure, ceux
de rigidité, les unités peuvent tout de même se montrer hostiles
face à l’exploitation d’une interconnexion peut être par ce que122 :
 Les coûts nécessaires pour l’exploitation d’une interconnexion
peuvent paraitre beaucoup plus évidents que ses avantages
qui peuvent sembler théoriques ou hasardeuses ;
 La mise en commun d’une activité soulève le plus souvent des
questions d’organisation, de protection du domaine d’activité
et d’autonomie. Les interconnexions ne seront ainsi exploitées
que s’il existe une stratégie horizontale explicite ;
 L’avantage concurrentiel net que procure une interconnexion
sera plus ou moins durable selon les réactions que les concurrents
feront montrer pour contrer l’avantage concurrentiel suscité
par l’interconnexion. Là-dessus, deux possibilités existent : soit
(i) reproduire l’interconnexion ou (ii) la contrer par d’autres
moyens comme l’augmentation de la part de marché ou
l’exploitation d’une autre interconnexion.
120
Idem, pp. 401-402.
121
BOJIN J. et SCOETTL JM., Op. Cit., p. 311.
122
PORTER M., (1999), Op. Cit., pp. 401-402.
Les interconnexions intangibles
Ou le transfert de compétences
Les interconnexions intangibles passent en fait par le transfert
de compétences génériques ou de savoir-faire de gestion particulier
d’une unité à l’autre, voire d’une chaine de valeur à une autre, afin
de permettre à l’unité bénéficiaire de se procurer d’un avantage
concurrentiel et de lutter de mieux contre ses concurrents.
Autrement dit, le savoir-faire acquis par l’organisation en matière
d’exploitation d’une unité existante peut très bien être transféré à
une nouvelle unité structurellement semblable en lui permettant
d’améliorer la façon dont elle lutte contre ses concurrents.
En effet, les unités qui ne peuvent mettre en commun certaines
activités (partage d’activités) peuvent néanmoins se ressembler à
plusieurs égards : type de client, type d’achat du client, type de
processus de fabrication, type de rapports avec les pouvoirs publics...
Cela étant, diverses ressemblances structurelles entre unités d’une
entreprise peuvent être à l’origine des interconnexions intangibles123 :
1. Une stratégie de base identique ;
2. Un même type de client (pas forcément les mêmes clients) ;
3. Une configuration identique de la chaine de valeur (comme
les sites dispersés d’extraction et de traitement des minerais) ;
4. Des activités créatrices de valeur importantes identiques (ex :
relations avec les pouvoirs publics).
123
Idem, pp. 389 et 418.
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Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
M. Rahou Page 33 sur 41
Les interconnexions intangibles peuvent s’opérer réciproquement
de la même manière, c'est-à-dire d’une nouvelle unité vers des unités
existantes. Egalement, ce type d’interconnexions, à savoir le transfert
de compétences, se traduit souvent par le fait qu’une firme utilise la
même stratégie de base dans plusieurs de ses unités. Cela ne fait que
refléter les compétences acquises par les cadres dans la mise en œuvre
d’une stratégie particulière.
Le transfert d’un savoir-faire général peut intervenir n’importe où
dans la chaine de valeur124 :
 Philip Morris a transféré ses compétences en matière de
commercialisation des biens de consommation conditionnés
du secteur des cigarettes aux bières ;
 Emerson Electric a transféré son savoir-faire de conception
d’usine et de réduction des coûts, lorsque fut acquis le fabricant
de tronçonneuses Beaird-Poulant.
Effectivement, la chaine de valeur offre un moyen systématique pour
rechercher les interconnexions intangibles du moment qu’il est
impossible de dresser une liste complète des principaux types de
transfert de compétences, puisque les ressemblances structurelles
possibles entre unités se comptent par milliers.
Une firme peut donc examiner les principales activités créatrices de
valeur dans ses unités afin de mettre à jour toute ressemblance,
entre elles ou dans leur configuration, qui serait susceptible de
124
Idem.
justifier une interconnexion intangible ou de révéler des compétences
applicables à de nouveaux secteurs d’activité.
Le savoir-faire existant dans une unité a déjà été payé, son transfert
implique toujours un coût, qui devra, alors, rester inférieur au coût
du développement du savoir-faire en interne dans l’unité bénéficiaire.
Ces coûts de transfert varient entre125 :
 Le temps passé par une personne qualifiée en charge du transfert
du savoir ;
 Le risque de fuite du savoir à l’extérieur ;
 Les coûts d’adaptation.
Les interconnexions intangibles ont une influence sur l’avantage
concurrentiel lorsque le transfert du savoir-faire permet à l’unité qui
en bénéficie une réduction de ses coûts ou un renforcement de son
caractère unique, voire de sa différenciation _qui dépasse les coûts
du transfert_ grâce à des changements de politique ou à une meilleure
compréhension des facteurs qui régissent l’évolution des coûts et la
différenciation.
Porter précise également 3 questions qui priment pour l’avantage
concurrentiel lors de l’identification de ce genre d’interconnexions
et auxquels il faut répondre simultanément126 :
1. Jusqu'à quel point les activités créatrices de valeur des
unités de l’entreprise sont-elles semblables ?
125
Idem, pp. 418-419.
126
Idem, pp. 418 et 420.
Page 33
Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
M. Rahou Page 34 sur 41
2. Quelle est l’importance des activités créatrices de valeur
concernées dans la lutte contre la concurrence ?
3. Quel serait l’impact du savoir-faire éventuellement transféré
sur l’avantage concurrentiel de l’unité qui en bénéficie ?
C’est pourquoi, le piège le plus fréquent consiste à identifier des
interconnexions intangibles illusoires ou sans importance pour
l’avantage concurrentiel, soit par ce que le savoir-faire transférable127 :
1. N’a pas d’effet sur les activités créatrices de valeur ;
2. Ou qu’il procure des informations déjà connues de la part de
la concurrence.
Fréquemment, semble-t-il d’après M. Porter, les interconnexions de
type intangibles sont artificielles ; elles représentent plutôt une
rationalisation à postériori de diversifications entreprises pour
d’autres motifs… Une exploitation efficace des opérations de transfert
de compétences exige une compréhension des unités de l’entreprise
concernées et des secteurs dans lesquels elles luttent.
Le transfert effectif du savoir-faire est en outre aussi important que
le savoir-faire proprement dit, quel que soit l’intérêt de ce dernier
pour l’unité bénéficiaire. Pourtant, il y a des facteurs qui rendent les
interconnexions intangibles difficiles à exploiter à moins de mettre
en place une configuration structurelle, voire une forme d’organisation
favorable128 :
127
Idem, p. 421.
128
Idem, pp. 420-421.
1. Impliquant la diffusion des mêmes compétences, le transfert
de savoir-faire engendre le plus souvent une réticence de la part
du personnel de l’unité propriétaire du savoir-faire qui peut
hésiter à prendre sur son temps et se révéler jaloux ;
2. De sa part, le personnel de l’unité bénéficiaire du transfert peut
se montrer circonspect ou hésitant quant à la valeur du savoir-
faire hérité ;
3. Encore, le transfert de compétences demeure un processus
délicat et les dirigeants peuvent avoir du mal à en saisir les
avantages lorsqu’ils le comparent aux interconnexions tangibles,
du moment que la notion du savoir-faire acquière une dimension
subjective !
Certainement, le transfert de compétences doit s’accompagner de
mécanismes institutionnels, d’un échange de cadres et d’employés,
et être, notamment, soutenu par la volonté des dirigeants.
Pour conclure, alors que les interconnexions intangibles sont très
répandues, sous une forme ou une autre, et qu’il est toujours possible
de mettre le doigt sur quelques ressemblances structurelles dans
une activité créatrice de valeur pour n’importe quel couple d’unités
de l’entreprise ou presque129, cette forme d’interconnexion, c'est-à-
dire le transfert de compétences d’une unité à une autre, est d’après
Michael Porter, peut-être la plus éphémère et ce sont les partages
d’activités et les interconnexions de concurrence qui ont des liens
les plus forts avec l’avantage concurrentiel, et ce sont les plus faciles
à mettre en œuvre.
129
Idem, p. 419.
Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
Page 34
M. Rahou Page 35 sur 41
Le rôle des interconnexions intangibles quoique potentiellement
important, est souvent incertain dans la création d’un avantage
concurrentiel et truffé d’embuches. Il n’est donc pas étonnant que
de nombreuses firmes aient éprouvé beaucoup de difficultés à en
tirer profit dans la pratique130.
130
Idem, p. 390.
Page 35
Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
Les Interconnexions entre les Unités d'Activité Stratégiques de Michael PORTER
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Les Interconnexions entre les Unités d'Activité Stratégiques de Michael PORTER

  • 1. M. Rahou Page 1 sur 41 Photo : Presidencia PERU/Flickr/Creative commons peppertt.com Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER Passage sur la notion de la Strategic Business Unit, de la diversification et des niveaux de la stratégie By Maryam RAHOU
  • 2. M. Rahou Page 2 sur 41 Quant à Michael PORTER… - 3 - Préambule : A propos de la Strategic Business Unit, de la diversification et des niveaux de la stratégie - 4 -  La Strategic Business Unit ……………………………………………………………………………………………………….. & Segmentation stratégique - 4 -  La diversification ……………………………………………………………………………………………………………………… & Notion de « métier » - 8 -  Les niveaux de la stratégie ……………………………………………………………………………………………………… & Stratégie horizontale - 11 - Pourquoi parler des interconnexions… ? - 17 -  Face au contexte de la décentralisation et d’enthousiasme pour la synergie ……………………. & Introduction du concept d’« organisation horizontale » - 18 -  Pour une mise en perspective de l’analyse de portefeuille ………………………………………………….. & Mise en relief d’un management stratégique suivant les liaisons entre SBU - 21 - Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques - 26 -  Les interconnexions tangibles ………………………………………………………………………………………………….. Ou le partage des activités - 28 -  Les interconnexions intangibles ………………………………………………………………………………………………. Ou le transfert de compétences - 32 - Conclusion - 36 - Bibliographie - 39 - Page 2 Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
  • 3. M. Rahou Page 3 sur 41 Quant à Michael PORTER… Titulaire d’un PhD en économie et d’un MBA en stratégie de la HBS. Ingénieur en mécanique aéronautique et diplômé de l’Université de Princeton. Michael Porter est professeur de stratégie depuis 1973 à la HBS et également professeur Honoris Causa au Groupe HEC. Consultant en stratégie auprès de multinationales, Porter intervient comme formateur auprès des décideurs économiques et politiques. Il a créé le groupe « Compétitivité et stratégie » de la HBS, ainsi que les ateliers CEO pour les dirigeants des grandes entreprises. Au milieu des années quatre-vingt, il est nommé par Ronald Reagan à la commission sur la compétitivité industrielle pour étudier les techniques de concurrence. Il a ainsi obtenu de nombreux prix pour récompenser ses recherches et publications. Domaines de recherche Michael Porter est spécialiste de la stratégie concurrentielle et de la compétitivité internationale. Dans son ouvrage clé "Competitive Strategy", il présente des techniques d’analyse qui permettent de cerner un secteur d’activité et de prévoir le comportement des concurrents. M. Porter a défini trois stratégies concurrentielles à exercer au niveau d’un domaine d’activité, appelées « stratégies génériques » qui sont : (i) la différenciation, (ii) la domination par les coûts et (iii) la focalisation. Dans ses recherches sur les contextes concurrentiels, il a identifié cinq forces à prendre en compte pour l’élaboration d’une stratégie efficace dans n’importe quel secteur : concurrents, offreurs des produits de substitution, nouveaux entrants, pouvoir de négociation des clients et pouvoir de négociation des fournisseurs. Principales publications  Competitive Strategy, Mc Millan Publishing, 1980, traduction : Choix Stratégiques et concurrence, Economica, 1982 ;  Competitive Advantage, Free Press, 1985, traduction : L’Avantage concurrentiel, Dunod, 2003, InterEditions, 1986 (1ère Edition) ;  Competitive Advantage of Nations, Harvard Business School Press, 1990, traduction : L’Avantage concurrentiel des nations, InterEditions, 1993 ;  Avec L. Fahey et R. Randall Robert, Les paramètres essentiels de la gestion stratégique des entreprises, Maxima, 1997 ;  Avec Hirotaka Takeuchi, Marico Sakakibara, Can Japan Compete ?, McMillan Press, 2000. Source : DURAND R., (2005), Strategor, Dunod, 4ème Edition, pp. 844-845 Page 3 Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
  • 4. M. Rahou Page 4 sur 41 Préambule : A propos de la Strategic Business Unit, de la diversification et des niveaux de la stratégie L’objectif ici est d’aborder les définitions des concepts clés et également les relations possibles entre eux dans le but d’apporter un éclairage et de faire progresser les connaissances autour de la notion de Strategic Business Unit (SBU), de la diversification et des niveaux de la stratégie. La Strategic Business Unit & Segmentation stratégique La notion de Strategic Business Unit (SBU) est la traduction anglaise de celle d’Unité d’Affaire Stratégique ou encore d’Unité d’Activité Stratégique (UAS)1. Néanmoins, il arrive que certains ouvrages en matière de stratégie relient, à tort, la notion de SBU avec ce qu’on appelle un Domaine d’Activité Stratégique (DAS). Pour illustrer cette interférence existante entre les deux notions, les deux définitions ci-après ont été sélectionnées : 1 L’expression d’Unité d’Activité Stratégique (UAS) a été puisée de l’ouvrage de Michael Porter "L’avantage concurrentiel". Il convient à mentionner que nous utiliserons ici indifféremment l’expression de SBU, d’UAS, d’unité d’activité ou seulement d’unité par souci de simplification.  « Un domaine d’activité stratégique (DAS) – ou strategic business unit (SBU) – est une sous-partie de l’organisation à laquelle il est possible d’allouer ou retirer des ressources de manière indépendante et qui correspond à une combinaison spécifique de facteurs clés de succès.2 » ;  « DAS (Domaine d’Activité Stratégique) (strategic business unit) : ensemble d’activités d’une entreprise où les facteurs clés de succès sont semblables et reposent sur des ressources ou des savoir-faire communs.3 ». En fait, la notion de Strategic Business Unit est plus qu’une simple segmentation stratégique, c'est-à-dire un découpage de l’activité de l’organisation en DAS (business) car une SBU, à la différence d’un DAS, dispose la particularité d’être assimilée à une quasi-entreprise, voire une subdivision autonome de l’organisation « Unit » définie autour d’un DAS et pour laquelle il est utile de formuler une stratégie concurrentielle distincte : une « business strategy4 ». 2 FRERY F. et al., (2005), Stratégique, Pearson Education, 7ème Edition, p. 284. 3 DURAND R., (2005), Op. Cit., p. 850. 4 Cf. p. 15 de ce document. Page 4 Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
  • 5. M. Rahou Page 5 sur 41 Une SBU est dirigée de façon autonome avec des objectifs par un manager qui est responsable de son fonctionnement. Elle dispose, à ce titre, de ses propres ressources/compétences, son propre marché et correspond à une combinaison de FCS5. En effet, un DAS est une sous-partie d’une organisation du point de vue de la prise de décision stratégique, mais il ne constitue pas nécessairement une division du point de vue structurel6 : « unité ou unit ». Figure n°1 : Corrélation entre un DAS et une SBU + Source : Conception de l’auteur Il convient à noter que sur un plan d’ordre terminologique, certains auteurs américains utilisent à côté de la notion de SBU celle de la Strategic Business Area (SBA) qui signifie la zone géographique dans laquelle l’organisation va agir à travers son DAS7. Un DAS étant le résultat d’une segmentation stratégique et vu l’interdépendance entre la notion de DAS et celle de SBU, on juge utile le fait d’expliciter, même de la manière la plus concise que possible, qu’est-ce que c’est la segmentation stratégique fondée sur l’identification des DAS et ayant pour objectif principal de fournir au dirigeant une représentation du champ de bataille approprié sur lequel il va opérer. 5 Les Facteurs Clés de Succès (FCS) constituent les éléments stratégiques que l’organisation doit maitriser en vue de surpasser la concurrence (FRERY F. et al., (2005), Op. Cit., p. 717). 6 Idem, p. 288. 7 KESSAB E., (2010), Cours de « Management stratégique » (prise de note), ENCG – Oujda. La segmentation stratégique qui évoque l’action de découpage, cherche à découper les activités d’une organisation (et non du marché qui renvoie à la notion de segmentation marketing8) en des sous-ensembles homogènes mais mutuellement distincts appelés chacun un DAS pour lequel il est possible de formuler une stratégie particulière (business strategy) qui n’est pas nécessairement la même pour tous les DAS. Pratiquement parlant, la segmentation stratégique vise à identifier au sein de l’activité globale de l’entreprise _qui se présente la plupart du temps comme un ensemble confus de produits, marchés, technologies, outils de production, etc._ les ensembles pertinents, homogènes du point de vue de la formulation de la stratégie et donc de l’allocation des ressources, à partir desquels les dirigeants pourront construire la réflexion stratégique. On parle dans ce cas d’une segmentation par découpage dans laquelle on part du sommet pour identifier les grands secteurs d’activités, puis les branches qui correspondent aux segments9. Ainsi, dans un groupe chimique, on peut identifier les grands secteurs suivants (métiers) : fibres, colorants, peintures. Ce dernier, en l’occurrence le secteur de peintures, regroupe des DAS (segments 8 La segmentation marketing repose sur la segmentation de la clientèle afin de définir des couples produits/clients ce qui permet d’obtenir des segments de marché. De ce fait, la segmentation marketing, à la différence de la segmentation stratégique, concerne un seul secteur d’activité de l’organisation et s’inscrit dans une perspective de court terme qui peut être remise en question au quotidien (FRERY F. et al., (2005), Op. Cit., pp. 284-285). 9 DURAND R., (2005), Op. Cit., pp. 13 et 264. Il est à préciser ici qu’un "segment" dit aussi "segment stratégique" est similaire à un DAS (Cf. Idem, p. 854). SBU DAS Unité Page 5 Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
  • 6. M. Rahou Page 6 sur 41 stratégiques) tels que : bâtiment, industrie, réparation automobile, construction automobile, grand public, marine. Chaque segment stratégique contient de sa part des segments de marché10 auxquels est associée une politique fonctionnelle de marketing. L’autre option là-dessus consiste à procéder par regroupement, c'est-à-dire partir des produits et/ou services commercialisés par l’entreprise pour les regrouper en segments stratégiques aussi homogènes que possibles. Appartiendront au même segment des produits/services ayant les trois caractéristiques suivantes : 1. Ils correspondent à une combinaison cohérente de FCS ; 2. Ils appartiennent à la même chaine de valeur et ont une structure de coûts semblables ; 3. Ils font face aux mêmes concurrents. Selon la même référence, ces trois critères se recoupent en général ; les produits et services considérés sur le premier critère se regroupent le plus souvent sur les deux autres caractéristiques également. A mentionner qu’il est souvent intéressant de mener successivement les 2 démarches de segmentation, par découpage et par regroupement, pour voir comment elles convergent. De surcroit, on note que les trois critères de segmentation présentés ci-dessus entant que critères de regroupement peuvent être utilisés pareillement comme des critères de découpage11. 10 GODELIER E., (2006), « Modèles et pratiques de la stratégie d’entreprise », p. 18. http://crg.polytechnique.fr/fichiers/crg/perso/fichiers/godelier_482_Mod_les_str at_giques__2006_.pdf 11 DURAND R., (2005), Op. Cit., p. 265. Figure n°2 : Les modalités de la segmentation stratégique Le découpage Le regroupement Source : GODELIER E., (2006), Op. Cit., p. 19 En fait, l’embarrât dans lequel se trouvent les organisations pour opérer une segmentation stratégique a amené certains praticiens à préconiser un certain nombre de critères de segmentation ventilés en critères internes et externes permettant de se prononcer sur le fait qu’on a affaire à un même DAS ou à des DAS différents12. Il s’agit alors de critères de regroupement. Partant, appartiennent au même DAS deux sous parties d’une organisation (deux divisions, deux implantations géographiques, deux unités opérationnelles, voire deux lignes de produits ou de services, etc.) qui partagent les critères suivants13 : 1. Même clientèle ; 2. Même marché pertinent ; 3. Même réseaux de distribution ; 4. Même concurrents ; 5. Même technologies ; 6. Même compétences ; 12 KESSAB E., (2010), Op. Cit. 13 Pour plus de détails au sujet des critères, Cf. FRERY F. et al., (2005), Op. Cit., pp. 286-288. Page 6 Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
  • 7. M. Rahou Page 7 sur 41 7. Synergies ; 8. Coûts partagés prépondérants (coûts de structure). Dans le prolongement des critères de segmentation, certains auteurs avancent deux critères clés qui doivent permettre de valider ou d’invalider une segmentation en DAS à priori14 : 1. Le premier indicateur concerne la répercussion de la segmentation stratégique retenue en termes d’allocations de ressources et son homogénéité avec le type d’avantage concurrentiel recherché pour chaque DAS ; 2. Le deuxième indicateur fait référence aux FCS dans la mesure où les environnements concurrentiels de deux DAS ne doivent pas partager la même combinaison de facteurs clés de succès et nécessiter donc la même capacité stratégique15. Lorsqu’on effectue une segmentation stratégique, les confusions sont fréquemment liées au fait que les divisions qui composent les organisations ne sont pas nécessairement définies en fonction des DAS. Un domaine d’activité stratégique est une subdivision d’une organisation du point de vue de la prise de décision stratégique, mais il ne constitue pas nécessairement une division structurelle. Cela explique en partie pourquoi les grands groupes se réorganisent très fréquemment : ils ne font que suivre, ou parfois anticiper, l’évolution nécessaire mouvante de leurs activités16. 14 FRERY F. et al., (2005), Op. Cit., p. 289. 15 La capacité stratégique d’une organisation vient de l’aptitude de ses ressources et compétences à lui permettre de survivre et de prospérer (Idem, p. 715). 16 Idem, p. 13. La dernière étape de la segmentation stratégique consiste à analyser les interconnexions entre DAS (ou UAS) : les partages de ressources, les transferts de compétences (connaissances, savoir-faire, etc.) et les synergies actuelles et/ou potentielles entre les DAS définis, et ce, afin de les regrouper en bases stratégiques (BS). La notion de BS attire l’attention sur les liens de dépendance qui existent entre certains DAS17. Elle se définit comme un « Ensemble de domaines d’activités stratégiques entre lesquels il existe des partages de ressources et de compétences, ou des complémentarités de gamme, ou des cessions internes, réels ou potentiel.18 ». Entre les DAS d’une même base, il existe des liens qui font que l’on ne peut pas prendre de décision sur un DAS sans affecter un autre DAS appartenant à cette base. Par définition, il ne doit exister aucun lien significatif entre deux BS d’une entreprise, sauf19 : 1. Coût de la direction générale et des services financiers ; 2. Partage du cash-flow pour lequel les BS sont en concurrence. Clairement, la notion de base stratégique trouve sa place en matière des niveaux de segmentation (stratégique et marketing) qui s’articulent comme suit20 : 17 BARON-GAY. MESSIER. et SIMARD., (2005), « La segmentation stratégique », p. 10. http://managementworld.a.m.f.unblog.fr/files/2008/06/segmentationstrat.ppt 18 Idem, p. 4. 19 Idem. 20 Idem, p. 5. Page 7 Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
  • 8. M. Rahou Page 8 sur 41 1. Base stratégique, à laquelle une stratégie horizontale21 est associée, précisant les liens entre les domaines d’activité qui la composent ; 2. Domaine d’activités stratégiques, auquel est associée une stratégie d’affaire ou business strategy ayant pour rôle de préciser le positionnement adopté ; 3. Segment de marché, auquel une stratégie fonctionnelle de marketing est associée ; 4. Micro-segment, auquel est associée une stratégie client en vue d’affiner chaque relation client-fournisseur de l’entreprise. Enfin, une dernière idée concerne la resegmentation stratégique, dans le sens qu’une segmentation stratégique de départ n’est jamais définitive notamment avec les turbulences de l’environnement ou à la suite d’une stratégie délibérée. Ainsi, plusieurs DAS peuvent être regroupés en un seul, dans le même esprit, on peut imaginer qu’un DAS unique peut être divisé et fragmenté en plusieurs DAS autonomes par la suite22. Pour conclure, la Strategic Business Unit peut être définie comme une départementalisation basée sur la segmentation stratégique. Par ailleurs, dès qu’une organisation opère dans au moins deux Strategic Business Units, elle est qualifiée comme étant diversifiée sachant bien qu’une diversification requiert une identification et gestion des liaisons (interconnexions) entre les différentes unités d’activité qui en ressortent. 21 On a consacré un titre sur les niveaux de la stratégie (Cf. pp. 11-16 de ce document) y compris la stratégie horizontale. 22 FRERY F. et al., (2005), Op. Cit., p. 289. La diversification & Notion de « métier » La diversification veut dire le « développement de l’entreprise dans des domaines autres que son métier de base. (...) Précisons en outre que la diversification est définie strictement comme la décision d’une entreprise d’entrer dans un nouveau domaine d’activité. Une entreprise diversifiée est donc une entreprise présente dans au moins deux domaines d’activités (ou « businesses ») différents. Par entrée dans un nouveau domaine d’activité nous entendons un ajout au portefeuille d’activités d’un nouveau métier correspondant à une chaine de valeur spécifique, et non pas simplement une extension de la gamme des produits ou des services offerts par l’entreprise alors qu’elle reste en fait dans son industrie d’appartenance.23 ». Dès lors, la diversification24 consiste pour une organisation à s’engager sur des domaines d’activité où elle n’est pas encore présente, tant en termes d’offres que de marchés. 23 DURAND R., (2005), Op. Cit., pp. 257 et 260. La logique adoptée par Strategor fait du métier un élément spécifique à chaque DAS. Néanmoins, on note que des auteurs tels que Christophe Boisseau (Cf. BOISSEAU C., (2003/2004), « Marketing 1 : Stratégie et politique générale d’entreprise », p. 10) et Eric Godelier (Cf. GODELIER E., (2006), Op. Cit., p. 18) raisonnent selon une autre logique qui fait qu’un métier peut contenir plusieurs DAS. 24 Il convient à noter que certains auteurs parlent de diversification géographique (internationalisation) et de diversification verticale (intégration verticale) outre celle de métier. Il est donc à préciser que nous retiendrons ici la notion de diversification dans le sens de diversification de métier/DAS. Page 8 Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
  • 9. M. Rahou Page 9 sur 41 On ne peut pas parler de diversification sans évoquer la notion de synergie. L’idée selon laquelle la combinaison d’activités différentes mais voisines peut créer une valeur par synergie a été très répandue et a servi à justifier le vaste mouvement de diversification qui a prévalu dans les années 60 et début des années 7025. En effet, toute stratégie de diversification exploite plus ou moins des éléments de synergie tirés de l’activité principale de l’entreprise. De fait, si la combinaison de FCS diffère d’un segment stratégique à l’autre, il est des facteurs qui entrent dans la composition de plusieurs DAS différents. En s’appuyant sur ces facteurs/compétences communes, l’entreprise, dans le cadre de sa nouvelle activité, tirera un avantage concurrentiel de par son expérience acquise dans son activité traditionnelle. Dans de nombreux cas, la diversification procède d’une évolution progressive, fondée sur l’utilisation la plus pertinente possible d’éventuelles synergies de compétences, comme étant de pivots ouvrant de nouveaux champs d’activité26. Figure n°3 : Synergies et diversification Source : DURAND R., (2005), Op. Cit., p. 207 25 PORTER M., (1999), L’avantage concurrentiel : Comment devancer ses concurrents et maintenir son avance, Edition Dunod, pp. 381-382. 26 DURAND R., (2005), Op. Cit., pp. 205-206. Une autre définition de la diversification qui ne se voit pas lointe de la première (d’ailleurs tirée de la même référence que celle précédente) s’énonce comme suit : « la diversification correspond aux mouvements stratégiques qui se concrétisent par un changement de domaine d’activité, c'est-à-dire par la prise en compte d’un nouvel ensemble de facteurs clés de succès. Ces mouvements peuvent se traduire subjectivement, soit par l’élargissement du métier de l’entreprise, soit par la coexistence de plusieurs métiers.27 ». Cette deuxième définition attire l’attention sur le rôle que peut jouer l’aspect subjectif dans l’appréhension du métier de l’organisation et par conséquence de ses mouvements stratégiques, en l’occurrence sa diversification. En fait, alors que le terme du DAS possède une connotation objective, celui du métier dispose d’un caractère subjectif et renvoie à la « perception que l’on a à l’intérieur de l’entreprise de ce que l’on sait et pense pouvoir faire.28 ». Partant, et par rapport à ce caractère subjectif, la notion de métier peut conduire une organisation à s’aventurer dans des voies de diversification non appropriées d’où l’intérêt de son identification. Or, il n’est pas toujours simple de reconnaitre le métier d’une entreprise même pour ceux qui y bossent ; pour Anis BOUAYAD, l’auteur de l’ouvrage "Stratégie et métier de l'entreprise : Pourquoi et comment définir le métier de votre entreprise", plusieurs dirigeants ne sont pas en mesure de répondre instantanément à la question : "Quel est mon métier ?" et de nombreux sont ceux qui devraient se la poser, ou prendre le temps d'y réfléchir. Il y a alors de fortes 27 Idem, p. 205. 28 Idem, p. 399. Page 9 Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
  • 10. M. Rahou Page 10 sur 41 chances qu'ils constatent que la définition de son métier « s'avère une tâche aussi nécessaire que complexe, voire périlleuse.29 ». Pratiquement parlant, on entend par métier, au niveau de l’analyse stratégique, une combinaison de compétences et de savoir-faire qui se trouvent réunis dans une organisation et qui confèrent à celle-ci un aspect particulier. L’identification du métier se fait à ce titre en cherchant les compétences « cœurs » (core competencies) ou stratégiques qui permettent de créer un avantage concurrentiel par ce qu’ils présentent un critère d’originalité et sont l’apanage de ceux qui travaillent dans l’organisation. On regroupe par la suite ces compétences stratégiques en un ou plusieurs métiers. De sa part, une compétence est une aptitude VRIST (Valorisable, Rare, Inimitable, Non-Substituable, Non-Transférable). Soulignant qu’une aptitude se conçoit comme étant la capacité d’associer et de combiner un ensemble particulier de ressources qui caractérisent une organisation. L’organisation se définit de la sorte comme un ensemble de compétences, et, parmi toutes ses compétences, elle en détache certaines qu’elle juge fondamentales, appelées compétences « cœur » ou compétences stratégiques, car permettant de créer un avantage concurrentiel en combinant trois aspects30 :  Elles correspondent à ce que l’organisation sait et peut mieux faire que ses compétiteurs (le filtre VRIST) ; 29 BOUAYAD A., (2000), Stratégie et métier de l'entreprise : Pourquoi et comment définir le métier de votre entreprise, Dunod. Cité par : http://www.amazon.fr/Strat%C3%A9gie-lentreprise-Pourquoi-comment- entreprise/dp/2100051539 30 DURAND R., (2005), Op. Cit., p. 98.  Elles distinguent l’organisation de ses concurrents ;  Elles interviennent au niveau de l’architecture, c'est-à-dire de la structure d’organisation et de ses principes d’organisation. Par suite, ce sont ces compétences-là dites stratégiques qui définissent le métier d’une organisation. Voilà pourquoi, une analyse interne fondée sur les ressources et compétences31 s’avère d’une importance indéniable lorsqu’il s’agit pour une organisation de définir son métier. Toutefois, des auteurs préconise pour cette affaire d’associer de manière interactive l’analyse interne et celle externe permettant de se rendre compte des forces environnementales essentielles pour l’organisation ainsi que des facteurs clés de succès de son secteur et ses activités. Pour eux, seule une telle approche permettra d’éviter le dépérissement, la disparition ou la diversification hasardeuse, car elle donne son sens et sa cohérence aux choix stratégiques. Néanmoins et particulièrement avec les turbulences assistées par l’environnement, actuellement, l’approche par les ressources et les compétences se voit préférable, solide et avantageuse en matière d’identification du métier en comparaison avec la méthode fondée sur l’analyse externe car un métier « ce n’est pas seulement le résultat d’une étude détaillée du contexte concurrentiel. Un métier, cela se vit. C’est la pratique quotidienne de milliers d’individus de toutes compétences qui ont la même activité. La spécificité d’un métier est donc directement liée à la façon dont l’entreprise le vit et l’agence en interne.32 ». 31 Pour plus d’informations là-dessus, s’initier en matière du courant de la Ressource- Based View (RBV) et celui de la Competence-Based View (CBV). 32 Idem, p. 402. Page 10 Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
  • 11. M. Rahou Page 11 sur 41 Les niveaux de la stratégie & Stratégie horizontale En matière de stratégie, les auteurs en distinguent souvent deux niveaux phares : le niveau corporate (stratégie d’entreprise ou de groupe) et le niveau business (stratégie par domaine d’activité). Or, disent Frédéric Fréry et al, la stratégie intervient à plusieurs niveaux dans une organisation et il est possible d’identifier au moins trois niveaux distincts de la stratégie organisationnelle : la stratégie d’entreprise, les stratégies de DAS et les stratégies opérationnelles33. Puisqu’il est objet dans cette section d’aborder les niveaux de la stratégie, on verra que ce troisième niveaux n’en fait pas parti. D’ailleurs, l’appellation « stratégies opérationnelles » ne s’avère pas justifiée pour deux raisons :  D’abord, la première raison concerne le prédicat « stratégie » ; maladroitement appelées « stratégies opérationnelles » (ou même stratégies fonctionnelles), compte tenu de la dichotomie notoire entre stade stratégique et celui opérationnel/fonctionnel, l’inclusion de ces stratégies opérationnelles/fonctionnelles parmi les niveaux de la stratégie nuit au prestige de cette dernière entant que décision élaborée par le top management qu’engage le long terme et qui permet de gagner des avantages concurrentiels. 33 FRERY F. et al., (2005), Op. Cit., p. 12. Effectivement, le mot « stratégie » et le qualificatif « stratégique » sont parfois appliqués de façon abusive à différents domaines. Ils sont ainsi souvent utilisés dans des situations où d'autres termes, plus modestes et plus spécifiques, tels que politique, concept, idée, plan, alliance ou tactique, seraient en fait plus appropriés34. La stratégie consiste à la définition d'actions cohérentes qui interviennent selon une logique séquentielle dans le but d’atteindre des objectifs. Elle se traduit ensuite, au niveau opérationnel en plans ou programmes d'actions par fonctions.  Ensuite, dès qu’on franchi le stade de la business strategy, on se positionne, littéralement parlant, au niveau tactique et non opérationnel, en se référant, là-dessus, à la distinction fameuse entre les 3 niveaux de décision qui doivent être pris dans une organisation35 : 1. Décisions stratégiques : ces décisions engagent l’entreprise sur une longue période (> 5 ans) et sont prises par le plus haut niveau hiérarchique, c’est-à-dire soit par la DG soit par l’État. Elles sont uniques et occasionnelles ; 2. Décisions tactiques : engagent l’entreprise à moyen terme (de 2 à 5 ans) et sont prises par les encadrements supérieurs. Ces décisions sont peu fréquentes, peu prévisibles ; 3. Décisions opérationnelles : engagent l’entreprise à court terme (< 2 ans). Les décisions sont prises par les exécutants. Elles sont fréquentes, très prévisibles. 34 Stratégie,Wikipédia, dernière modification effectuée le 04/04/2015 à 04:56. http://fr.wikipedia.org/wiki/Strat%C3%A9gie 35 Prise de décision,Wikipédia, dernière modification effectuée le 15/05/2015 à 11:48. https://fr.wikipedia.org/wiki/Prise_de_d%C3%A9cision Page 11 Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
  • 12. M. Rahou Page 12 sur 41 Ceci dit, les décisions que Frédéric Fréry et al appellent « stratégies opérationnelles » relèvent en réalité du niveau tactique, d’où la non adéquation de l’adjectif « opérationnelles ». Le niveau tactique joue un rôle de relais entre les choix stratégiques en amont et leur traduction en action concrète en aval, ce qui renvoie au processus relevant du cycle de Contrôle de gestion. En tout cas, qu’elles soient stratégies opérationnelles, fonctionnelles ou autres, il parait qu’il n’en est question que d’appellation car les auteurs se mettent d’accord que ce niveau n’est qu’une déclinaison de la stratégie par fonction. Pour autant, le mieux consiste à parler de « politiques fonctionnelles » (ou « politiques tactiques ») ou lieu de « stratégies » afin de se démarquer du niveau stratégique. Dès lors, les politiques fonctionnelles se définissent de la sorte : Bref, les politiques fonctionnelles déterminent comment chaque fonction articule effectivement les stratégies définies au niveau global, également au niveau des DAS36. Elles sont spécifiques à une fonction car les décisions n’engagent en général que cette dernière, éventuellement au sein d’un domaine d’activité. Elles sont le plus souvent prises par la DG et les cadres supérieurs en charge de la fonction concernée. Les politiques fonctionnelles ont pour objectif d’assurer la mise en œuvre effective des stratégies globales (corporate strategies) et par domaine d’activité (business strategies). De bons choix en matière des politiques fonctionnelles assurent la performance des stratégies des niveaux supérieurs37. 36 FRERY F. et al., (2005), Op. Cit., p. 13. 37 LECOCQ X. et al., (2009), Stratégie, Pearson Education France, p. 41. En fonction donc des orientations stratégiques exprimées aux niveaux corporate et business, l’entreprise définit sa politique financière (ex : augmentation de capital ou endettement), de production (ex : intégration ou sous-traitance), de RH (ex : internalisation ou externalisation du recrutement : recourt aux cabinets de recrutement), de marketing (ex : ciblage différencié ou indifférencié), etc. Dès lors, lorsqu’on parlera des niveaux de la stratégie, on fera référence à la corporate et à la business strategy. On verra qu’il existe un niveau intermédiaire, celui de la stratégie horizontale (horizontal strategy) inventée par M. Porter :  Le premier niveau est celui de la stratégie d’entreprise ou de groupe (corporate strategy). Elle concerne le dessin et le périmètre de l’organisation dans sa globalité. Cela inclut le choix de couverture géographique, de diversité de l’offre de produits et services et la manière dont les ressources sont allouées entre les activités38. Lorsqu’on est placé au niveau corporate, l’entreprise ou l’organisation est amenée à choisir entre :  Une stratégie de spécialisation : un métier/DAS39 unique, voire le choix du maintien dans un seul domaine d’activité et l’exploitation de compétences bien maîtrisées (ex : Renault, Accor, 38 FRERY F. et al., (2005), Op. Cit., p. 12. 39 Comme on l’a déjà mentionné pour ce qui est de la diversification, lorsqu’on parle de la stratégie de spécialisation, la distinction entre métier et DAS n’est pas tranchée entre auteurs ; certains raisonnent : métier = DAS, d’autres : un seul métier peut donner lieu à plusieurs DAS,… chose qui marque les différences constatées au niveau des ouvrages lorsqu’il s’agit de définir les stratégies de spécialisation et de diversification. Page 12 Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
  • 13. M. Rahou Page 13 sur 41 Boeing). La spécialisation se définit comme la « concentration, mobilisation et renforcement constants des ressources d’une entreprise sur un domaine d’activité particulier pour y renforcer sa position.40 ». La spécialisation peut prendre plusieurs formes : une spécialisation en termes de produit (1 produit pour différents marchés, ex : Boiron), une spécialisation en termes de technologie (une seule technologie particulière, ex : OLITEC Modem), ou encore une spécialisation géographique (ex : agences de voyage). Les formes de spécialisation dépendent de la phase de démarrage (first mover41) aussi bien que de maturité du DAS, de la position concurrentielle de l’entreprise (forte vs faible ?) et de la taille de l’entreprise (PME vs grande entreprise ?)42.  Une stratégie de diversification : plusieurs métiers (ex : Lagardère, Vivendi, Mitsubishi). Pareillement pour ce qui est de la spécialisation, il n’existe pas une seule modalité de diversification. On parle ainsi de diversification géographique43 (ex : Bombardier), diversification verticale44 (ex : Benetton) ou encore d’intégration horizontale45 (ex : Air France)46. 40 BOJIN J. et SCOETTL JM., (2005), Les outils de la stratégie, Editions d’Organisation, p. 400. 41 Le first mover est un anglicisme désignant le premier acteur se lançant sur un marché. 42 GODELIER E., (2006), Op. Cit., pp. 26-27. 43 La diversification géographique est l’implantation de l’entreprise dans des zones géographiques nouvelles pour elle et où les facteurs clés de succès ne sont pas forcément les mêmes que ceux des zones actuelles (BOJIN J. et SCOETTL JM., (2005), Op. Cit., p. 391). 44 La diversification verticale ou encore l’intégration verticale est l’extension des activités de l’entreprise, soit vers l’amont (production de matières premières  Le deuxième niveau en matière de stratégie qu’on a qualifié d’« intermédiaire » est celui de la stratégie horizontale. En effet, M. Porter part du principe que la stratégie du groupe (corporate strategy) est constituée par la réponse fournie aux deux questions suivantes47 : 1. Dans quel segment stratégique la firme doit-elle se diversifier ? 2. Comment coordonner les stratégies des différentes unités (SBU) qui la composent ? Clairement, la deuxième question ci-dessus fait référence à ce niveau intermédiaire. Sur le plan temporel, l’élaboration d’une stratégie horizontale ne succède pas forcément le choix d’une stratégie de diversification au niveau de la corporate strategy et précède l’élaboration des business strategies, car on peut tout de même imaginer que la stratégie horizontale intervient après avoir arrêté les stratégies par domaines d’activité. Elle est cependant préparée dans une logique corporate par le top management : selon Porter, « la stratégie horizontale, et non la gestion de portefeuille, est la véritable mission de la haute direction de l’entreprise.48 ». ou de produits intermédiaires), soit vers l’aval (distribution, commercialisation) (BOJIN J. et SCOETTL JM., (2005), Op. Cit., p. 391). 45 La diversification horizontale appelée également intégration horizontale est l’extension d’activités de l’entreprise à de nouveaux domaines, complémentaires du portefeuille d’activités existantes (BOJIN J. et SCOETTL JM., (2005), Op. Cit., p. 391). 46 GODELIER E., (2006), Op. Cit., pp. 26 et 32. 47 PORTER M., (1999), Op. Cit., p. 433. 48 Idem, p. 383. Page 13 Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
  • 14. M. Rahou Page 14 sur 41 Par niveau intermédiaire, on ne raisonne donc pas en terme temporel mais, plutôt, en terme de l’étendu du champ couvert par la stratégie. Les firmes diversifiées ont prêté beaucoup plus d’attention à la première qu’à la seconde question49 qui débouche sur la mise en place d’une stratégie horizontale et renvoie par occasion au test, avancé par M. Porter50, de l’avantage apporté pour conduire une diversification faisant en sorte que le groupe doit pouvoir fournir un avantage concurrentiel significatif à l’unité acquise, tout comme celle-ci doit apporter un bénéfice au groupe51. La stratégie horizontale est un ensemble d’objectifs et de mesures cordonnées entre des unités de l’entreprise distinctes mais reliées. Elle s’impose au niveau du groupe, du secteur et du siège d’une firme diversifiée. Elle ne supprime pas la nécessité d’unités distinctes au sein de l’entreprise et ne remplace pas les stratégies propres à ces unités. Cette stratégie assure plutôt une coordination explicite entre les unités de la firme, qui fait de la stratégie du siège ou du groupe quelque chose de plus que la somme des stratégies propres aux différentes unités. C’est le mécanisme par lequel une firme diversifiée renforce l’avantage concurrentiel de ses unités. 49 Idem, p. 433. 50 En fait, en plus du test de l’avantage apporté, Porter parle de deux autres tests essentiels pour la création de valeur dans une diversification. Il s’agit du test de l’attrait et du coût à l’entrée (BOJIN J. et SCOETTL JM., (2005), Op. Cit., p. 304). 51 Idem, p. 303. La stratégie horizontale s’appuie sur l’avantage concurrentiel et non sur des considérations financières ou boursières. Les stratégies d’entreprise assises sur des motifs purement financiers n’offrent qu’une justification illusoire de la diversification. De plus, les bienfaits des stratégies financières sont souvent éphémères. Seule la stratégie horizontale justifie la diversification et fait de l’entreprise autre chose qu’un fonds commun de placement amélioré. A ajouter qu’en l’absence d’une stratégie horizontale qui exploite réellement les interconnexions, l’apparition d’une « pénalité de conglomérat52 » est souvent justifiée53. On a annoncé auparavant que la dernière étape d’une segmentation stratégique consiste à analyser les interconnexions actuelles et/ou potentielles entre les DAS définis afin de les regrouper en bases stratégiques54, alors qu’en fait, la mission de segmentation stratégique ne peut pas être couronnée en l’absence d’une stratégie horizontale propre à chaque base stratégique. La dite stratégie a pour qualité de coiffer le processus de segmentation stratégique. D’après Porter, de nombreuses firmes diversifiées ont accordé peu d’attention, voire aucune, à la coordination des stratégies des unités, dans le moment où il est de plus en plus important d’y veiller et d’entrer dans de nouveaux secteurs dont la contribution à l’avantage concurrentiel soit claire au sein de l’entreprise55. 52 Un conglomérat est un groupe qui possède des activités dans des domaines fort différents et non liés tels que le BTP, la finance ou l'électricité. A titre d’exemple, General Electric est un conglomérat. 53 PORTER M., (1999), Op. Cit., pp. 382-383. 54 Cf. p. 7 de ce document. 55 Idem, p. 433. Page 14 Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
  • 15. M. Rahou Page 15 sur 41  Le deuxième niveau est celui des stratégies par domaine d’activité (business strategy). La notion de « business strategy », ou stratégie concurrentielle, est la stratégie mise en œuvre par une organisation dans un domaine d’activité donné afin de maximiser sa performance dans ce DAS. Elle ne doit pas être confondue avec celle de la « corporate strategy » qui concerne la stratégie de l’organisation dans son ensemble axée sur la question de diversification et d’identification des domaines d’activités dans lesquels l’organisation doit investir et se développer56. La business strategy revient généralement à définir comment un avantage peut être obtenu par rapport aux concurrents et quels nouveaux marchés peuvent être identifiés ou construits57. Ceci dit, pour chacun des domaines d’activités considérés, et compte tenu des résultats de l’analyse concurrentielle58, une stratégie appropriée permettant à l’entreprise de se créer un avantage compétitif durable doit être mise en œuvre59. Les différentes options offertes en la matière forment ce qu’on appelle les 3 stratégies génériques de Michael Porter, c'est-à-dire les approches qui permettent d’établir un avantage concurrentiel au niveau d’un DAS. La discussion sur les stratégies génériques part du postulat qui fait qu’une organisation construit un avantage concurrentiel en proposant à ses clients ce qu’ils demandent ou ce 56 DURAND R., (2005), Op. Cit., p.259. 57 FRERY F. et al., (2005), Op. Cit., p. 12. 58 L’analyse concurrentielle convient à analyser pour chaque DAS (DURAND R., (2005), Op. Cit., p. 13). 59 Idem, p. 13. dont ils ont besoin de manière plus efficace et/ou efficiente que ses concurrents via une approche difficilement imitable par ces derniers. Pratiquement, le choix d’une stratégie générique revient à se positionner en termes de coût (stratégie de domination par les coûts), de valeur (stratégie de différenciation) ou de marché (stratégie de niche)60. Bien entendu, la construction par l’organisation d’un avantage concurrentiel doit s’appuyer sur l’éventail des ressources et compétences spécifiques dont elle dispose. Ces compétences distinctives pourront, selon les cas, être davantage cohérentes avec la mise en œuvre d’une stratégie de coût61, de valeur ou de marché. De l’autre côté, il doit nécessairement exister un lien entre les stratégies par domaine d’activité et la stratégie de l’entreprise dans son ensemble, car la seconde alimente et contraint les premières62. En guise de conclusion, le traitement des niveaux de la stratégie se recoupe avec la démarche générale de l’analyse stratégique : Tableau n°1 : la démarche générale de l’analyse stratégique 1ère étape Définition des domaines d’activités de l’entreprise. 2ème étape Analyse concurrentielle de chacun de ces domaines d’activité. 3ème étape Choix d’une stratégie générique pour chaque domaine identifié. 4ème étape Détermination des voies de développement stratégique vers de nouvelles activités. 5ème étape Management du portefeuille d’activités et mise en place d’une stratégie horizontale. Source : DURAND R., (2005), Op. Cit., p. 15 (Avec adaptation) 60 FRERY F. et al., (2005), Op. Cit., pp. 290, 291, 295 et 304. 61 DURAND R., (2005), Op. Cit., p. 14. 62 FRERY F. et al., (2005), Op. Cit., p. 13. Page 15 Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
  • 16. M. Rahou Page 16 sur 41 La première étape dans cette démarche permet de passer du niveau corporate au niveau business. Les deuxième et troisième étapes sont exclusivement consacrées à la business strategy. La quatrième étape permet de revenir au niveau corporate qui est également la perspective adoptée dans la cinquième étape63. Effectivement, le raisonnement stratégique est de nature complexe ; il ne découle pas d'un raisonnement linéaire mais d’un va et vient entre le niveau corporate et celui business. 63 DURAND R., (2005), Op. Cit., p. 15. Page 16 Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
  • 17. M. Rahou Page 17 sur 41 Pourquoi parler des interconnexions… ? Les évolutions observées par Michael Porter l’ont conduit à bâtir un cadre conceptuel qui agence les interconnexions actuelles et/ou potentielles entre unités d’activité stratégiques. M. Porter stipule au niveau de l’avantage concurrentiel : « Plusieurs forces considérables, apparues notamment dans les années 70, vont contraindre les firmes à reconsidérer leur attitude à l’égard de la synergie. Les développements économiques, technologiques ainsi que des pressions concurrentielles accrues renforcent l’avantage que peut prendre une firme qui sait identifier et exploiter les interconnexions entre des activités distinctes mais voisines.64 ». Pour appuyer son raisonnement, l’auteur se base sur 4 points, qu’il a appelé « forces puissantes », ayant joué irrésistiblement dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix en faveur d’une exploitation des interconnexions65 : 1. Les années quatre-vingt ont vu une transformation du mode de diversification ; l’accent est mis sur la diversification dans des domaines connexes chose qui explique d’autre part la vogue de la gestion de portefeuille ; 64 PORTER M., (1999), Op. Cit., p. 382. 65 Idem, pp. 384-387. 2. En outre, la croissance ayant sensiblement ralenti dans le monde occidental, la priorité est donnée aux résultats, et par conséquent à l’avantage concurrentiel qu’à la croissance. Alors que jadis des unités très autonomes ont pu être le vecteur de la croissance, le dur environnement des années 80 les a obligés à mieux coordonner leurs stratégies en vue d’exploiter les interconnexions ; 3. Ensuite, l’exploitation des interconnexions, auparavant trop complexe et couteuse, devient désormais possible grâce au progrès technologique qui facilite la communication et réduit les coûts de coordination entre unités. La sophistication croissante des SI ouvre des perspectives d’interconnexions car elle brise les barrières entre secteurs et tend à les rapprocher ; 4. Enfin, comme conséquence aux trois forces précédentes, une concurrence multipolaire s’est développée. Les concurrents multipolaires sont des firmes qui luttent les unes contre les autres non pas au niveau d’une seule unité, mais de plusieurs unités connexes à la fois. Conformément, seule la stratégie horizontale, qui s’applique justement à de telles unités connexes voire interconnectées, offre la perspective globale pour faire face à des concurrents multipolaires. Page 17 Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
  • 18. M. Rahou Page 18 sur 41 En fait, ce qu’on vient de citer sont des facteurs que Porter les a considérés jouer en faveur de l’exploitation des interconnexions entre unités stratégiques. Cependant, on juge que la prise en conscience de la pertinence d’analyse des interconnexions entre unités d’activité stratégiques et, subséquemment, des enjeux de leur exploitation, a été inspirée par Michael Porter comme réaction à un certain nombre de pratiques erronées qu’il a observé au cours des années soixante et début des années soixante-dix. On estime que l’essentiel de ces observations se résume de la sorte : « La décentralisation, combinée au désenchantement à l’égard de la synergie, a renforcé l’idée selon laquelle la gestion de portefeuille est la principale tâche stratégique de la haute direction.66 ». Or, pour Michael Porter, « la stratégie horizontale, et non la gestion de portefeuille, est la véritable mission de la haute direction de l’entreprise.67 ». On explique… : 1. Face au contexte de la décentralisation et d’enthousiasme pour la synergie ; 2. Pour une mise en perspective de la gestion ou de l’analyse de portefeuille… 66 Idem, p. 382. 67 Idem, p. 383. Face au contexte de la décentralisation et d’enthousiasme pour la synergie & Introduction du concept d’« organisation horizontale » Au cours des années 60 et au début des années 70, de nombreuses entreprises s’étaient diversifiées en invoquant le prétexte de la synergie qui fait que la combinaison d’activités différentes mais voisines pouvait créer une valeur par synergie. Néanmoins, les entreprises semblaient se douter des bienfaits de la synergie à partir de la fin des années soixante-dix, bien qu’en réalité, l’échec de la synergie vient de l’incapacité des firmes à la comprendre et à la concrétiser dans la pratique par manque des outils d’analyse nécessaires, et ce, même lorsqu’une réelle possibilité de synergie existe68. Pour ce faire, Porter s’est donné à cette problématique d’exploitation de la synergie en faisant surtout comprendre le contenu de la synergie, d’ailleurs jadis obscure : « Le plus souvent, la synergie a été comprise en termes d’interconnexions intangibles, c'est-à-dire le transfert de compétences d’une unité à une autre. ». Avec cela, « Les interconnexions intangibles furent au centre des débats sur la synergie. Les difficultés de découvrir et d’exploiter les interconnexions intangibles importantes expliquent pour une grande part la déception que de nombreuses firmes ont ressentie à l’égard de la synergie. ». Or, « La synergie ne correspond pas à une, mais à trois idées 68 Idem, pp. 381-382. Page 18 Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
  • 19. M. Rahou Page 19 sur 41 fondamentalement différentes (en l’occurrence, les interconnexions tangibles, intangibles et de concurrence). Il n’est pas surprenant que la synergie ait été un concept aussi flou. »69. Ceci dit, pour Porter, la notion de synergie est par là synonyme de celle d’« interconnexions » comprises en termes d’interconnexions à la fois tangibles, intangibles et de concurrence. Partant de l’idée de synergie, l’auteur développe alors le concept des interconnexions peut être par ce que ce dernier apparait plus connu et admissible que celui de la synergie. La problématique de concrétisation de la synergie revient donc à l’exploitation des interconnexions entre unités pour l’obtention d’un avantage concurrentiel. La dite problématique se résout peu à peu lorsque Michael Porter identifie trois types d’interconnexions70, qui peuvent d’ailleurs coexister : 1. Les interconnexions tangibles ; 2. Les interconnexions intangibles ; 3. Les interconnexions de concurrence. D’après l’auteur, les interconnexions ne reposent pas sur l’idée fameuse de « l’adéquation » qui sous-tend la plupart des discussions sur la synergie, mais sur des possibilités bien réelles de réduire les coûts et de renforcer la différenciation dans pratiquement toutes les activités de la chaine de valeur71. 69 Idem, pp. 390 et 420. 70 Cf. p. 27 de ce document. 71 Idem, p. 382. En réalité, à la fin des années 70, la synergie, semblait-il, était une idée intéressante mais qui se concrétisait rarement dans la pratique. En conséquence, l’enthousiasme pour la synergie s’était envolé en ouvrant les portes pour un nouveau mode de gestion, celui de la décentralisation des activités, voire une responsabilisation des dirigeants des unités et leur récompensation en fonction des résultats. Toutefois, conformément à M. Porter, des mécanismes favorisant les interconnexions devaient être mis en place dans les structures décentralisées afin d’assurer le succès de la stratégie horizontale72. Il s’agit, en l’occurrence, de l’idée d’« organisation horizontale », que l’on qualifie dorénavant comme étant la thèse que l’auteur propose face à la problématique de mise en œuvre de la synergie. Certainement, la décentralisation reste une nécessité dans les firmes diversifiées, mais elle doit être recoupée par des mécanismes visant à assurer l’exploitation des interconnexions importantes. Du point de vue organisationnel, l’avantage concurrentiel introduit pour la première fois le concept d’« organisation transverse », qualifié par l’auteur d’organisation horizontale, qui peut être défini comme le type d’organisation visant un optimum global, par opposition aux organisations qui ne peuvent obtenir que la somme des optimums locaux. 72 Idem, pp. 382-383. Page 19 Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
  • 20. M. Rahou Page 20 sur 41 Porter introduit le concept comme étant le mode d’organisation permettant d’exploiter les interconnexions entre départements d’une même firme. Autrement dit, c’est l’ensemble des pratiques d’organisation qui facilitent les interconnexions. L’organisation horizontale doit relier entre elles les unités de la structure verticale. Il faut trouver un équilibre entre les éléments verticaux et ceux horizontaux d’une firme diversifiée pour libérer les potentialités des interconnexions73. Cette organisation repose sur quatre éléments74 : 1. La structure horizontale correspond à un découpage transverse dans certains domaines, au regroupement d’unités ou à une centralisation partielle ; 2. Les systèmes horizontaux concernent la gestion transverse de la planification, du contrôle et du choix des investissements ; 3. Les pratiques horizontales des ressources humaines sont destinées à faciliter la coopération ; 4. Enfin, des structures horizontales de résolution des conflits peuvent se révéler nécessaires. La combinaison de ces éléments horizontaux et d’une structure verticale (sans correspondre pour autant à une structure matricielle) 73 YAN H., (2000/2001), « Les fiches de lecture de la Chaire D.S.O – Michael Porter : L’avantage concurrentiel ». http://mip- ms.cnam.fr/servlet/com.univ.collaboratif.utils.LectureFichiergw?ID_FICHIER=12 95877017838 74 FLEURY H., (1998/1999), « L’avantage concurrentiel : Comment devancer ses concurrents et maintenir son avance – Résumé de l’édition traduite de l’américain par Philippe de Lavergne », p. 9. http://lverdon.free.fr/resumes/avantage.doc semble suffisamment novatrice à l’auteur pour parler d’une nouvelle forme d’organisation75. L’organisation horizontale permet de surmonter des obstacles à l’exploitation concrète des interconnexions entre unités même lorsqu’une réelle possibilité de synergie existe76 car même des interconnexions offrant un réel intérêt peuvent se révéler difficiles à mettre en place. C’est le cas quand les avantages procurés ne sont pas (ou ne semblent pas) répartis de manière égale entre les unités d’activité stratégiques. Les responsables de ces dernières peuvent aussi craindre une perte d’autonomie, surtout si la culture répandue dans l’entreprise jusqu’à présent a été une décentralisation poussée, avec une identité propre à chaque division77. Aucun mécanisme unique cherchant à encourager la coopération entre les unités ne suffit à garantir que toutes les interconnexions stratégiquement souhaitables seront exploitées. Il faut recourir à plusieurs pratiques qui se renforcent les unes les autres. Les dirigeants du siège, à travers leur attitude, leur articulation des finalités de l’entreprise, leur volonté de créer des valeurs communes et une identité d’entreprise forte, ont un rôle majeur à jouer pour développer l’organisation horizontale78. 75 Idem. 76 YAN H., (2000/2001), Op. Cit. 77 FLEURY H., (1998/1999), Op. Cit, p. 9. 78 YAN H., (2000/2001), Op. Cit. Page 20 Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
  • 21. M. Rahou Page 21 sur 41 Pour une mise en perspective de l’analyse de portefeuille & Mise en relief d’un management stratégique suivant les liaisons entre SBU Dès lors qu’une entreprise s’est diversifiée, et est donc présente sur plusieurs domaines d’activité différents, se pose le problème du management intégré de l’ensemble de ces activités pour déterminer si leur somme constitue un ensemble équilibré et cohérent. Si tel n’est pas le cas, l’entreprise est censée faire évoluer la composition de son portefeuille et formuler une véritable « stratégie de portefeuille d’activités »79. Les premiers modèles d’analyse stratégique sont venus des États- Unis, dans les années 60. Le plus connu est celui de la HBS proposé pour la première fois dans un ouvrage devenu classique signé des professeurs Learned, Christensen, Andrews et Guth, et connu sous le nom LCAG, ou encore sous l’acronyme « SWOT » (Strengths, Weaknesses, Opportunities, Threats). Ce modèle apparait aujourd’hui dépassé et simpliste et il est avant tout adapté à l’analyse des stratégies concurrentielles (business strategies). L’analyse des stratégies de groupe (corporate strategies) a été formalisée plus tardivement de façon très largement indépendante par des cabinets de conseil en stratégie80. 79 DURAND R., (2005), Op. Cit., pp. 14-15. 80 Idem, pp.11- 13. Les « modèles de portefeuille d’activités » ont pour finalité de formaliser et de faciliter une telle gestion globale d’un ensemble diversifié d’activités. Pour cela, ils concentrent l’analyse sur deux dimensions principales81 : 1. La valeur des domaines d’activité considérés ; 2. La position concurrentielle de l’entreprise sur chacun de ces domaines. Au niveau stratégique, l’analyse de portefeuille constitue le fondement des décisions de développement, de diversification et de désengagement. Ces décisions sont reprises ensuite par un processus formel différent, au niveau opérationnel, pour être traduites en programmes et finalement en budgets82. Lorsqu’on parle des modèles d’analyse de portefeuille, la littérature fait référence en la matière à 3 matrices : la matrice croissance/part de marché relative, la matrice maturité/position concurrentielle et la matrice attraits/atouts83 : 1. La matrice croissance/part de marché relative : développée par le Boston Consulting Group (BCG), cette matrice s’articule autour de 2 variables clés : (i) taux de croissance du segment stratégique (faible/fort) et (ii) part de marché relative de l’entreprise par rapport à son principal concurrent (faible/forte). C’est la plus ancienne et la plus élémentaire, voire simple. La 81 Idem, p. 14. 82 Idem, p. 604. 83 BOJIN J. et SCOETTL JM., Op. Cit., p. 261. Page 21 Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
  • 22. M. Rahou Page 22 sur 41 matrice BCG détermine 4 types d’activités (vedette, dilemme, poids mort, vache à lait) et considère l’entreprise comme un portefeuille de segments contribuant chacun à sa croissance et sa rentabilité. Chaque position sur la matrice représente une stratégie spécifique (maintient, rentabilisation, arrêt, reconversion,…), cependant une vision d’ensemble permet d’envisager des transferts de ressources pour assurer l’avenir de l’entreprise de manière à ce qu’un équilibre global entre les activités soit préservé84. 2. La matrice maturité/position concurrentielle : développée par Arthur D. Little, la matrice d’ADL est qualifiée parfois d’école « organique » pour la distinguer de l’école dite « mécanique » de la BCG. La matrice maturité/position concurrentielle part d’une approche multicritère qui prend en compte (i) le degré de maturité de l’activité divisée selon les quatre phases du cycle de vie des segments (démarrage, croissance, maturité, déclin) et (ii) la position compétitive qui mesure les forces relativement aux concurrents en déterminant les FCS de l’activité envisagée (marginale, défavorable, favorable, forte, dominante). De la sorte, les segments sont situés dans une matrice de 20 (45) cases. Par rapport à la matrice BCG, le modèle d’ADL fournit des prescriptions stratégiques moins tranchées : stratégie d’abandon, stratégie de développement, stratégie de développement sélectif. Pourtant, la matrice ADL permet d’analyser les stratégies de chaque concurrent et de prévoir son avenir à plus ou moins LT85. 84 Idem, pp. 262-265. 85 Idem, pp. 276-281. 3. La matrice attraits/atouts : développée par le fameux cabinet McKinsey lors d’une importante étude concernant la stratégie d’une des divisions de General Electric86, la matrice attraits/ atouts repose sur le principe que les facteurs à prendre en compte varient en fonction des industries ou des entreprises. La matrice McKinsey utilise également une analyse multicritères : elle croise 2 dimensions, l’attrait d’une activité pour l’entreprise (faible, moyen, élevé) et les atouts que celle-ci possède pour y réussir (faible, moyen, élevé), chacune composée de plusieurs critères. Les segments se situent donc dans une matrice à neuf cases. Trois grands types de stratégies de portefeuille s’en dégagent en fonction de la zone où se situe le segment, il s’agit alors d’investir, de sélectionner ou de moissonner87. L’analyse de portefeuille d’activités correspond à une étape dans l’analyse stratégique qui mérite d’être affinée et corrigée, voire dépassée. Outils éprouvés, les trois présentations matricielles de gestion de portefeuille ci-dessus, d’ailleurs particulièrement utiles aux grands groupes diversifiés, disposent d’avantages évidents mais aussi des limites88. Le tableau ci-après dresse un panorama des apports et limites de l’analyse de portefeuille : 86 A noter que la BCG travaillait à l’époque simultanément dans une autre division et appliquait sa matrice croissance/part de marché relative (Idem, p. 285). 87 Idem, pp. 284-291. 88 Idem, p. 295. Page 22 Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
  • 23. M. Rahou Page 23 sur 41 Tableau n°2 : Apports et limites des analyses de portefeuille Apports  Apport d’orientations externes prenant en compte des variables que les outils de gestion ou de planification d’entreprises négligent parfois de prendre en considération.  Fixation d’objectifs spécifiques à chaque activité qui donnent des indicateurs sur la stratégie envisageable pour chacun des segments.  Équilibrage de marges brutes d’autofinancement par l’identification des zones qui nécessitent des investissements par rapport à celles qui doivent les financer. Limites  Des conditions de validité restrictives : stabilité de la structure de l’industrie, progression prévisible de la technologie, évolution lente des besoins des clients, peu d’opportunités d’innovation.  Structure des modèles fondés sur une méthode de segmentation pas toujours bien définie et des variables explicative réduites ou non pertinentes (au moins dans la BCG).  Non prise en compte des synergies entre les segments.  Recommandations qui en découlent trop schématiques du type : j’investis, je maintiens, je désinvestis.  Mise en œuvre qui en découle part d’une approche technocratique.  Non prise en considération des aspects « soft » de l’entreprise.  Absence de créativité stratégique : les conditions de la concurrence ne sont pas remises en causes et la déstabilisation ou un changement radical dans la façon de définir le métier ne sont pas envisagés. Source : Conception de l’auteur sur la base de BOJIN J. et SCOETTL JM., (2005), Op. Cit., pp. 295-301 Michael Porter propose une mise en perspective de l’analyse de portefeuille dans l’ensemble des choix stratégiques d’un groupe diversifié. Selon Porter, l’analyse de portefeuille n’est qu’un concept parmi d’autres pour gérer stratégiquement un groupe car ce dernier doit apporter une valeur supplémentaire : le groupe représente davantage que la simple somme des SBU qui le compose89. 89 Idem, p. 303. Figure n°4 : Management stratégique suivant les liaisons entre SBU Source : BOJIN J. et SCOETTL JM., (2005), Op. Cit., p. 308 Ainsi, l’approche portérienne souligne les limites de l’analyse de portefeuille en proposant d’autres grilles qui insistent davantage sur les relations entre les SBU. Partant, Michael Porter distingue quatre concepts clés pour conduire la stratégie d’un groupe diversifié90 : 1. Le management par l’analyse de portefeuille : dans le management par l’analyse de portefeuille, il s’agit de maitriser les résultats en reportant les ressources transférables d’une unité qui génère des liquidités vers une autre qui en a besoin pour devenir profitable ; 2. La stratégie de restructuration : cette dernière concerne essentiellement les unités acquises issues d’organisations défaillantes ou d’industries en pleine mutation. Le groupe intervient alors pour modifier la stratégie ou introduire une nouvelle technologie. Après assainissement, le groupe revend 90 Idem, pp. 305-311. Page 23 Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
  • 24. M. Rahou Page 24 sur 41 les unités les plus solides dont les résultats sont positifs pour réduire le coût de l’acquisition. Il arrive fréquemment que les groupes qui se restructurent profitent des stratégies de portefeuille antérieures. Pour se distinguer de ses dernières, les meilleures entreprises considèrent qu’elles n’acquièrent pas seulement une entreprise mais qu’elles restructurent une industrie ; 3. Le transfert de compétences : le transfert de compétences est une base solide pour la stratégie d’un groupe diversifié. Chaque SBU a une chaine de valeur spécifique91, mais il est possible de mettre en commun les compétences acquises entre les différentes unités d’activité. Deux entreprises types qui se sont diversifiées en s’appuyant sur le transfert de compétences sont : « 3M » et « Pepsico » ; 4. Le partage d’activités : partager les activités consiste à relier sur le terrain les domaines de plusieurs SBU. A titre d’exemple, Procter & Gamble emploie un système de distribution et une force de vente commune pour les serviettes en papier et les couches-culottes. Le partage d’activités dégage un avantage compétitif en diminuant les coûts ou en permettant de se différencier plus encore (ex : services apportés aux clients). Une analyse du coût et des bénéfices envisageables concernant le partage d’activités doit permettre d’évaluer les synergies possibles. Le coût de la coordination doit être compensé par les avantages retirés. 91 Cf. pp. 26-27 de ce document. Chacune de ces quatre concepts stratégiques ne peut être mis en application qu’après avoir rempli les trois conditions définis (qu’on a auparavant cité92) par les tests essentiels de la création de valeur dans une diversification93. Porter, après avoir étudié la stratégie et les résultats de nombreuses entreprises, suggère que les activités partagées et les transferts de compétences94 devraient à l’avenir générer davantage de valeur que la gestion de portefeuille95. En termes d’intérêt, une firme peut élaborer à partir de l’exploitation des interconnexions96 : 1. Une stratégie horizontale avec les unités existantes ; 2. Une stratégie de diversification pour entrer dans de nouveaux secteurs. Par ailleurs, l’identification des interconnexions possibles concernant un secteur, y compris les interconnexions de concurrence, permet à l’entreprise de prévoir quels seront les prochains concurrents les plus probables. Ces derniers sont ceux pour lesquels le secteur est97 : 92 Cf. p. 14 de ce document. 93 Idem, p. 305. 94 Bien entendu, au niveau de l’avantage concurrentiel, Porter identifie 3 types d’interconnexions potentielles entre UAS qui sont : (i) le partage d’activités, (ii) le transfert de compétences et (iii) les interconnexions de concurrence. Néanmoins, ce sont uniquement les 2 premières formes d’interconnexions qui sont permises par la chaine de valeur et donc basées sur une analyse interne (Cf. p. 27 de ce document). 95 Idem, p. 311. 96 PORTER M., (1999), Op. Cit., p. 384. 97 Idem, p. 432. Page 24 Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
  • 25. M. Rahou Page 25 sur 41  Un moyen logique de créer ou d’étendre une interconnexion importante ;  Une extension nécessaire pour contrer les interconnexions des concurrents. L’analyse portérienne débouche sur le fait que chaque interconnexion possible conduira à d’autres secteurs et que, inversement, l’entreprise peut découvrir de nouvelles interconnexions, et donc de nouveaux concurrents éventuels, en examinant les secteurs où les concurrents sont présents mais dont la firme est absente. En identifiant des secteurs connexes, une firme peut localiser les concurrents potentiels dont l’entrée dans les secteurs où la firme est présente serait logique98. L’exploitation des interconnexions devient fondamentale pour se procurer un avantage concurrentiel par rapport à ses concurrents. 98 Idem. Page 25 Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
  • 26. M. Rahou Page 26 sur 41 Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques Pour développer des synergies, il faut que les SBU ne soient pas seulement en concurrence mais qu’elles coopèrent. Un des moyens de concevoir ces liaisons s’appuie sur la chaine de valeur99. En effet, le concept de chaîne de valeur a été introduit en 1986 par Michael Porter dans son ouvrage "L'avantage concurrentiel". La chaine de valeur, qui décompose l'activité de l'entreprise en séquence d'opérations élémentaires, se voit comme un outil de repérage des activités et des fonctions qui distinguent l’organisation de ses concurrents en positif ou en négatif. Basée principalement sur une analyse de la valeur, des coûts et des marges, la chaine de valeur permet de prendre conscience des activités clés déterminant la capacité d'une organisation à obtenir un avantage concurrentiel dans un secteur ou segment. Il y a trois grandes catégories d’activités dans une chaîne de valeur : 1. Les activités primaires liées à la production : fabrication ; 2. Les activités primaires liées à la vente et à la relation client : commercialisation, marketing, services après-vente ; 3. Les activités de soutien : infrastructures de l’entreprise, gestion des ressources humaines, R&D, achats. 99 BOJIN J. et SCOETTL JM., Op. Cit., p. 309. Figure n°5 : La chaine de valeur de Michael Porter Les activités principales bénéficient du support des activités de soutien qui contribuent à augmenter leur efficacité ou efficience. Le niveau de détail de la décomposition en activités élémentaires doit être guidé par l’importance des dites activités à l’égard de l’avantage concurrentiel. La chaîne de valeur permet de mettre en évidence les Page 26 Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
  • 27. M. Rahou Page 27 sur 41 activités clés de la firme, c’est à dire celles qui ont un impact réel en termes de coût ou de différenciation par rapport aux concurrents100. Chaque segment ou encore SBU correspond à une chaine de valeur spécifique qui va de la conception à la vente décrivant la série des étapes et activités discrètes réalisées par une unité dans son domaine d’activité et c’est sur cette chaine que la SBU dégage des avantages concurrentiels. La chaine de valeur permet deux types de relations entre les SBU101 : 1. Le transfert de compétences ou interconnexions intangibles ; 2. Le partage des activités appelé « interconnexions tangibles ». Quoique le transfert de compétences et le partage des activités sont les deux types d’interconnexions permises par la chaine de valeur entre SBU, Michael Porter et dans son chef d’œuvre "L’avantage concurrentiel"102 apparu en 1985, identifie 3 types d’interconnexions possibles entre les UAS d’une organisation : (i) les interconnexions tangibles, (ii) intangibles et (iii) de concurrence. Ceux-ci forment les trois types d’interconnexions possibles entre unités d’activité qui, pour Porter, « Toutes ont des effets importants, mais distincts, sur l’avantage concurrentiel.103 ». 100 YAN H., (2000/2001), Op. Cit. 101 BOJIN J. et SCOETTL JM., Op. Cit., p. 309. 102 Il sera affaire au niveau de cette section d’une reproduction synthétique du chapitre 9 dudit ouvrage appelé « Les interconnexions entre unités de l’entreprise », sans pour autant se prêter à une analyse supplémentaire. 103 PORTER M., (1999), Op. Cit., p. 388. Les interconnexions de concurrence surviennent quand les rivaux de la firme se combattent sur plusieurs terrains. Ces derniers, appelés « concurrents multipolaires », créent inévitablement des liaisons entre secteurs parce que les actions qu’ils entreprennent dans un secteur ont des incidences sur un autre. Lorsqu’on est face à des interconnexions de concurrence, l’organisation lutte contre ses concurrentes diversifiées par l’intermédiaire de plusieurs unités. L’avantage concurrentiel de la firme face à ces concurrents alors multipolaires dépend en grande partie de la pertinence et l’efficience des interconnexions qu’exploitent les unités en question. Les trois types d’interconnexions peuvent apparaitre simultanément. Les interconnexions tangibles qui concernent certaines activités créatrices de valeur peuvent être complétées par des interconnexions intangibles entre d’autres activités. Les activités communes à deux activités peuvent être améliorées par un savoir-faire acquis dans des activités similaires d’autres unités. Des interconnexions tangibles et intangibles interviennent souvent quand des concurrents multipolaires sont présents. Mais chaque type d’interconnexion conduit à un avantage concurrentiel par des voies différentes. Si les interconnexions de concurrence sont indépendantes des interconnexions tangibles et intangibles, elles coexistent souvent par ce que ces deux dernières offrent une base de différenciation ; les interconnexions de concurrence rendent crucial la découverte et l’exploitation des interconnexions tangibles et intangibles. Partant, un concurrent multipolaire peut obliger une firme à exploiter une interconnexion au risque de subir un désavantage concurrentiel104. 104 Idem, pp. 389, 390 et 421. Page 27 Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
  • 28. M. Rahou Page 28 sur 41 Les interconnexions tangibles Ou le partage des activités « La chaine de valeur constitue le point de départ de l’analyse des interconnexions tangibles.105 ». C’est par cette réplique que commence notre auteur ses propos concernant les interconnexions tangibles dans son ouvrage référentiel. Les interconnexions tangibles correspondent à la mise en commun d’activités créatrices de valeur appartenant à différentes unités de l’entreprise, qu’autorisent des clients, des canaux de distribution, des technologies ou d’autres facteurs communs106. Une unité peut pratiquement partager n’importe quelle activité créatrice de valeur avec une autre unité de la firme, qu’il s’agisse d’une activité principale ou d’une activité de soutien, d’une ou de plusieurs activités. Toutefois, si presque toutes les activités créatrices de valeur sont communes, on n’a en réalité plus affaire à des UAS distinctes, mais à une seule. La mise en commun des activités crée ainsi un avantage concurrentiel lorsqu’elle permet une baisse des coûts ou un accroissement de la différenciation de manière à compenser les coûts supplémentaires qu’elle engendre107 : 105 Idem, p. 391. 106 Idem, p. 388. 107 Idem, pp. 391-395. 1. Le partage améliora nettement la différenciation s’il concerne une activité importante pour la différenciation. En outre, la mise en commun peut jouer sur la différenciation soit (i) en accentuant le caractère unique de l’activité commune quand cette dernière devient plus intéressante pour l’acheteur ou (ii) en réduisant le coût de cette singularité via les facteurs qui commandent l’évolution des coûts des activités différenciées ; 2. La mise en commun d’activités n’aura d’effet sensible sur les coûts totaux de la firme que si les activités créatrices de valeur concernées représentent une fraction importante des coûts d’exploitation ou des actifs immobilisées. Généralement, il est rare que toutes les unités concernées par une interconnexion y voient un avantage équivalent car la mise en commun d’une activité n’aboutira pas à une amélioration égale des coûts, ou encore de la différenciation, à l’égard de toutes les unités de l’entreprise. La portée des interconnexions dépend108 : 1. D’échelle des unités : généralement, les grandes unités d’une entreprise se montrent rarement enthousiastes devant les interconnexions avec des unités plus petites. En fait, alors que ces dernières connaitront une amélioration extraordinaire de leurs coûts, les grandes unités ne tireront pas grand profit, par les coûts, d’une mise en commun d’une activité ; 2. Des différences dans la structure des secteurs propre à chaque unité : une faible amélioration des coûts peut, entre 108 Idem, pp. 396-397. Page 28 Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
  • 29. M. Rahou Page 29 sur 41 autres, ne pas avoir la même importance selon qu’il s’agit d’un secteur où la firme lutte par les coûts (stratégie de domination par les coûts) ou par la qualité (stratégie de différenciation) ; 3. Des stratégies des unités concernées : une interconnexion qui renforce la singularité peut être très intéressante pour une unité et peu pour une autre ! Pour identifier les interconnexions tangibles dans une firme, il est utile de commencer par recenser toutes les formes de mise en commun d’activités qui interviennent dans la pratique ainsi que les différentes façons par lesquelles elles peuvent créer un avantage concurrentiel. Michael Porter identifie cinq grandes catégories au sujet des formes de mise en commun des activités dont chacune d’elles soulève des problèmes spécifiques. Il s’agit des109 :  Interconnexions tenant au marché : elles concernent toute mise en commun d’activités principales qui touchent à la clientèle, depuis la logistique externe jusqu’aux services, chose qui inclut la vente et le service après-vente. Les possibilités de mise en commun sont plus riches quand les unités ont des clients et des circuits de distribution communs à condition de s’éloigner de la tendance à considérer de façon trop large les clients et les circuits. En effet110 :  Les interconnexions dans le marché ne sont potentiellement intéressantes que lorsque les acheteurs du produit sont les mêmes ou en contact les uns avec les autres ; 109 Idem, pp. 403-405. 110 Idem, pp. 405 et 408.  Bien que deux produits puissent être vendus par l’intermédiaire de grands magasins, il n’y aura probablement que de faibles interconnexions entre circuits de distribution si l’un est vendu dans des chaines populaires et l’autre dans des grands magasins de prestige. Enfin, il est souvent plus facile de mettre en commun des activités indirectes, comme les études de marché, la gestion de la force de vente et la production de publicité, que des activités directes parce qu’elles entrainent moins de coûts de compromis111.  Interconnexions dans la production : ce type d’interconnexions renvoi à la mise en commun d’activités créatrices de valeur situées en amont, telles que la logistique interne, la fabrication des pièces, l’assemblage, la vérification, et des fonctions indirectes tel que l’entretien et l’infrastructure du site. Le choix des activités à mettre en commun dépendra des stratégies des unités concernées : deux unités ayant opté pour une stratégie de différenciation auront plus de chances d’avoir des seuils de tolérance ou normes de vérification proches que deux unités dont l’une choisit la domination par les coûts et l’autre la différenciation112.  Interconnexions dans les approvisionnements : elles font référence à la mise en commun des moyens de production communs achetés à l’extérieur et qui existent souvent (moyens de production communs) dans les firmes diversifiées, indépendamment des matières premières et des grands équipements. Les interconnexions dans les 111 Idem, p. 409. 112 Idem, pp. 409-410. Page 29 Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
  • 30. M. Rahou Page 30 sur 41 approvisionnements sont évidemment intéressantes d’autant plus que les fournisseurs sont de plus en plus désireux de négocier des contrats qui couvrent l’ensemble des besoins mondiaux d’une firme et de jouer sur les prix. Cependant, il ne faut pas aller loin dans la voie d’approvisionnements communs faute de ne pas percevoir les coûts de compromis potentiels ou de mise en place d’un processus d’approvisionnement rigide qui ne laisse aucune place à des occasions de négociation impromptues113.  Interconnexions technologiques : qui dit interconnexions technologiques dit une mise en commun de l’une des activités de développement technologique au niveau de la chaine de valeur. Les interconnexions technologiques naissent d’un partage des activités principales et interviennent le plus souvent en conjonction avec les interconnexions de production ou celles de marché. Néanmoins, les promesses de certaines interconnexions technologiques peuvent être illusoires particulièrement quand les disciplines scientifiques partagées sont bien moins vitales pour la réussite des unités que celles qui ne le sont pas. Par surcroit, pour avoir un impact, les interconnexions technologiques doivent porter sur des technologies qui font la différence en termes de coûts ou de différenciation114.  Interconnexions dans l’infrastructure : cette catégorie porte sur des activités telles que la gestion financière, le service juridique, la comptabilité ou la gestion des ressources humaines. Certaines activités relatives à l’infrastructure sont presque toujours communes dans les firmes diversifiées. La mise en commun n’a, souvent, pas 113 Idem, p. 410. 114 Idem, pp. 414-415. grand effet sur l’avantage concurrentiel, parce que l’infrastructure ne représente pas une fraction importante des coûts et que la mise en commun n’a guère d’effet sur la différenciation. En matière des interconnexions dans l’infrastructure, celles financières ont été considérées comme un avantage important que la firme diversifiée procure à ses unités et il en existe deux sources : (i) la collecte et (ii) l’utilisation des capitaux (essentiellement le fond de roulement). On discute si souvent des interconnexions financières par ce qu’elles sont les plus faciles à exploiter et par ce qu’elles entrainent, en général, peu de coûts de compromis. Toutefois, les interconnexions financières sont rarement la base d’un avantage concurrentiel important vu que les économies d’échelle sont généralement modestes dans le financement. D’autres formes d’interconnexions dans l’infrastructure peuvent avoir de l’importance dans certains secteurs. Ainsi et à titre d’exemple :  Une infrastructure commune pour l’embauche et la formation peut avoir un intérêt pour les prestataires de services ;  Des relations communes avec les pouvoirs publics peuvent constituer un avantage substantiel pour les firmes spécialisées dans les ressources naturelles115. Porter stipule que le partage d’activités implique, pourtant, des coûts qui vont des coûts de coordination à la nécessité de modifier les stratégies des unités pour faciliter le partage. On en distingue116 : 115 Idem, pp. 416-417. 116 Idem, p. 391. Page 30 Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
  • 31. M. Rahou Page 31 sur 41  Les coûts de coordination : il s’agit des coûts qu’implique la coordination en termes d’argent, de personnel ou encore de temps. Ces coûts se diffèrent en fonction du degré de complexité de l’activité partagée et du partage proprement dit. Souvent considérés comme élevés par les petites unités, les coûts de coordination sont perçus différemment par les diverses unités117.  Les coûts de compromis : ils concernent les coûts nécessaires pour que la mise en commun soit conduite de façon optimale pour chacune des unités concernées, autrement dit, pour que l’activité créatrice de valeur soit mise en commun d’une manière à ce qu’elle satisfera les besoins de toutes les unités concernées par ce partage. Les coûts de compromis varieront souvent d’une unité de l’entreprise à l’autre. Il se peut qu’une unité dont le produit est difficile à vendre doive consentir un compromis plus grand pour bénéficier d’une force de vente commune, puisqu’il se peut qu’une force de vente commune signifie que les vendeurs accordent moins d’attention au produit de chacune des unités et les connaissent moins bien qu’une force de vente qui se consacrerait exclusivement au produit d’une unité. Les coûts de compromis peuvent aussi varier, par ce que les stratégies des différentes unités donnent à l’activité, créatrice de valeur, mise en commun un poids différent. Les compromis sont quasiment inévitables. Leurs coûts peuvent être minimes ou, au contraire, si grands qu’ils annulent l’intérêt de la mise en commun. Les coûts de compromis sont beaucoup moins 117 Idem, p. 398. grands, lorsque les stratégies des unités concernées sont cohérentes à l’égard du rôle que joue l’activité créatrice de valeur commune. Cette cohérence n’exige que peu de sacrifice, ou même aucun de la part des unités concernées, si leurs orientations stratégiques sont coordonnées. De même, ces coûts sont souvent moindres lorsqu’une activité est conçue pour être mise en commun que lorsqu’elle est partagée après coup. Les coûts de compromis nécessaires pour exploiter une interconnexion seront des préoccupations bien réelles que les unités mettront en avant quand une mise en commun sera discutée118.  Les coûts de rigidité : la rigidité selon Porter peut se manifester par une difficulté potentielle à réagir face à la concurrence ou par des obstacles à la sortie du domaine d’activité ; une mise en commun peut rendre plus difficile une réaction rapide face aux concurrents. La mise en commun peut aussi élever les obstacles à la sortie puisque le désinvestissement d’une unité peut nuire à d’autres unités avec lesquelles elle partage une activité. A la différence des autres, les coûts de rigidité ne sont pas immédiats, ils dépondront de la probabilité qu’apparaisse un besoin de réagir ou encore de sortir d’un secteur d’activité119. Il faut comparer les avantages que procure le partage d’une activité avec ses coûts de coordination, de compromis et de rigidité en vue de déterminer l’avantage concurrentiel net de cette mise en commun. Il faut procéder à une évaluation séparée de l’avantage concurrentiel 118 Idem, pp. 398-401. 119 Idem, p. 401. Page 31 Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
  • 32. M. Rahou Page 32 sur 41 tiré d’une interconnexion pour chacune des unités de l’entreprise concernées. La valeur de l’interconnexion pour la firme est alors la somme des avantages nets des unités concernées120. Quoique les développements accélérés des nouvelles technologies, la déréglementation et l’accentuation de la concurrence ont multiplié les avantages du partage d’activités121, à même de réduire les coûts de coordination, de compromis et, dans une moindre mesure, ceux de rigidité, les unités peuvent tout de même se montrer hostiles face à l’exploitation d’une interconnexion peut être par ce que122 :  Les coûts nécessaires pour l’exploitation d’une interconnexion peuvent paraitre beaucoup plus évidents que ses avantages qui peuvent sembler théoriques ou hasardeuses ;  La mise en commun d’une activité soulève le plus souvent des questions d’organisation, de protection du domaine d’activité et d’autonomie. Les interconnexions ne seront ainsi exploitées que s’il existe une stratégie horizontale explicite ;  L’avantage concurrentiel net que procure une interconnexion sera plus ou moins durable selon les réactions que les concurrents feront montrer pour contrer l’avantage concurrentiel suscité par l’interconnexion. Là-dessus, deux possibilités existent : soit (i) reproduire l’interconnexion ou (ii) la contrer par d’autres moyens comme l’augmentation de la part de marché ou l’exploitation d’une autre interconnexion. 120 Idem, pp. 401-402. 121 BOJIN J. et SCOETTL JM., Op. Cit., p. 311. 122 PORTER M., (1999), Op. Cit., pp. 401-402. Les interconnexions intangibles Ou le transfert de compétences Les interconnexions intangibles passent en fait par le transfert de compétences génériques ou de savoir-faire de gestion particulier d’une unité à l’autre, voire d’une chaine de valeur à une autre, afin de permettre à l’unité bénéficiaire de se procurer d’un avantage concurrentiel et de lutter de mieux contre ses concurrents. Autrement dit, le savoir-faire acquis par l’organisation en matière d’exploitation d’une unité existante peut très bien être transféré à une nouvelle unité structurellement semblable en lui permettant d’améliorer la façon dont elle lutte contre ses concurrents. En effet, les unités qui ne peuvent mettre en commun certaines activités (partage d’activités) peuvent néanmoins se ressembler à plusieurs égards : type de client, type d’achat du client, type de processus de fabrication, type de rapports avec les pouvoirs publics... Cela étant, diverses ressemblances structurelles entre unités d’une entreprise peuvent être à l’origine des interconnexions intangibles123 : 1. Une stratégie de base identique ; 2. Un même type de client (pas forcément les mêmes clients) ; 3. Une configuration identique de la chaine de valeur (comme les sites dispersés d’extraction et de traitement des minerais) ; 4. Des activités créatrices de valeur importantes identiques (ex : relations avec les pouvoirs publics). 123 Idem, pp. 389 et 418. Page 32 Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
  • 33. M. Rahou Page 33 sur 41 Les interconnexions intangibles peuvent s’opérer réciproquement de la même manière, c'est-à-dire d’une nouvelle unité vers des unités existantes. Egalement, ce type d’interconnexions, à savoir le transfert de compétences, se traduit souvent par le fait qu’une firme utilise la même stratégie de base dans plusieurs de ses unités. Cela ne fait que refléter les compétences acquises par les cadres dans la mise en œuvre d’une stratégie particulière. Le transfert d’un savoir-faire général peut intervenir n’importe où dans la chaine de valeur124 :  Philip Morris a transféré ses compétences en matière de commercialisation des biens de consommation conditionnés du secteur des cigarettes aux bières ;  Emerson Electric a transféré son savoir-faire de conception d’usine et de réduction des coûts, lorsque fut acquis le fabricant de tronçonneuses Beaird-Poulant. Effectivement, la chaine de valeur offre un moyen systématique pour rechercher les interconnexions intangibles du moment qu’il est impossible de dresser une liste complète des principaux types de transfert de compétences, puisque les ressemblances structurelles possibles entre unités se comptent par milliers. Une firme peut donc examiner les principales activités créatrices de valeur dans ses unités afin de mettre à jour toute ressemblance, entre elles ou dans leur configuration, qui serait susceptible de 124 Idem. justifier une interconnexion intangible ou de révéler des compétences applicables à de nouveaux secteurs d’activité. Le savoir-faire existant dans une unité a déjà été payé, son transfert implique toujours un coût, qui devra, alors, rester inférieur au coût du développement du savoir-faire en interne dans l’unité bénéficiaire. Ces coûts de transfert varient entre125 :  Le temps passé par une personne qualifiée en charge du transfert du savoir ;  Le risque de fuite du savoir à l’extérieur ;  Les coûts d’adaptation. Les interconnexions intangibles ont une influence sur l’avantage concurrentiel lorsque le transfert du savoir-faire permet à l’unité qui en bénéficie une réduction de ses coûts ou un renforcement de son caractère unique, voire de sa différenciation _qui dépasse les coûts du transfert_ grâce à des changements de politique ou à une meilleure compréhension des facteurs qui régissent l’évolution des coûts et la différenciation. Porter précise également 3 questions qui priment pour l’avantage concurrentiel lors de l’identification de ce genre d’interconnexions et auxquels il faut répondre simultanément126 : 1. Jusqu'à quel point les activités créatrices de valeur des unités de l’entreprise sont-elles semblables ? 125 Idem, pp. 418-419. 126 Idem, pp. 418 et 420. Page 33 Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER
  • 34. M. Rahou Page 34 sur 41 2. Quelle est l’importance des activités créatrices de valeur concernées dans la lutte contre la concurrence ? 3. Quel serait l’impact du savoir-faire éventuellement transféré sur l’avantage concurrentiel de l’unité qui en bénéficie ? C’est pourquoi, le piège le plus fréquent consiste à identifier des interconnexions intangibles illusoires ou sans importance pour l’avantage concurrentiel, soit par ce que le savoir-faire transférable127 : 1. N’a pas d’effet sur les activités créatrices de valeur ; 2. Ou qu’il procure des informations déjà connues de la part de la concurrence. Fréquemment, semble-t-il d’après M. Porter, les interconnexions de type intangibles sont artificielles ; elles représentent plutôt une rationalisation à postériori de diversifications entreprises pour d’autres motifs… Une exploitation efficace des opérations de transfert de compétences exige une compréhension des unités de l’entreprise concernées et des secteurs dans lesquels elles luttent. Le transfert effectif du savoir-faire est en outre aussi important que le savoir-faire proprement dit, quel que soit l’intérêt de ce dernier pour l’unité bénéficiaire. Pourtant, il y a des facteurs qui rendent les interconnexions intangibles difficiles à exploiter à moins de mettre en place une configuration structurelle, voire une forme d’organisation favorable128 : 127 Idem, p. 421. 128 Idem, pp. 420-421. 1. Impliquant la diffusion des mêmes compétences, le transfert de savoir-faire engendre le plus souvent une réticence de la part du personnel de l’unité propriétaire du savoir-faire qui peut hésiter à prendre sur son temps et se révéler jaloux ; 2. De sa part, le personnel de l’unité bénéficiaire du transfert peut se montrer circonspect ou hésitant quant à la valeur du savoir- faire hérité ; 3. Encore, le transfert de compétences demeure un processus délicat et les dirigeants peuvent avoir du mal à en saisir les avantages lorsqu’ils le comparent aux interconnexions tangibles, du moment que la notion du savoir-faire acquière une dimension subjective ! Certainement, le transfert de compétences doit s’accompagner de mécanismes institutionnels, d’un échange de cadres et d’employés, et être, notamment, soutenu par la volonté des dirigeants. Pour conclure, alors que les interconnexions intangibles sont très répandues, sous une forme ou une autre, et qu’il est toujours possible de mettre le doigt sur quelques ressemblances structurelles dans une activité créatrice de valeur pour n’importe quel couple d’unités de l’entreprise ou presque129, cette forme d’interconnexion, c'est-à- dire le transfert de compétences d’une unité à une autre, est d’après Michael Porter, peut-être la plus éphémère et ce sont les partages d’activités et les interconnexions de concurrence qui ont des liens les plus forts avec l’avantage concurrentiel, et ce sont les plus faciles à mettre en œuvre. 129 Idem, p. 419. Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER Page 34
  • 35. M. Rahou Page 35 sur 41 Le rôle des interconnexions intangibles quoique potentiellement important, est souvent incertain dans la création d’un avantage concurrentiel et truffé d’embuches. Il n’est donc pas étonnant que de nombreuses firmes aient éprouvé beaucoup de difficultés à en tirer profit dans la pratique130. 130 Idem, p. 390. Page 35 Les interconnexions entre Unités d’Activité Stratégiques de Michael PORTER