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Énormes
petits riens
Classe p3j – HS2020
éditions de l'école
Laufon / Laufen
Classe p3j – HS2020
Écrites dans l'esprit de La première gorgée de bière de
Philippe Delerm, ces fables tantôt révèlent les préciosités
du quotidien, tantôt posent sur elles un jugement
paradoxal.
Sommaire
Ouvrir la fenêtre
Lire
Prendre le train
Une chanson
Le chocolat
Le premier but
La voie, chemin de la réussite
Prendre une photo
La pilosité
Peindre un mur
La voiture
Se laver les cheveux
Lire un roman
La messe
Jouer à Fifa entre amis
Piques-niques de famille
Photo perso
La pluie oublieuse
Les ongles
Vu
OUVRIR LA FENÊTRE
Ouvrir la fenêtre est bien plus délicat qu’ouvrir une
porte. Lorsque l’on ouvre une porte on ne se pose pas de
question, aurais-je trop froid, trop chaud ? La fenêtre est
faite pour aérer une pièce et non pas pour en sortir.
D’autres différences creusent l’écart entre la porte et la
fenêtre, par la fenêtre on observe, par la porte on écoute.
Par une porte on quitte un lieu pour plus ou moins
longtemps, alors que par une fenêtre, c’est l’air qui quitte
son milieu pour nous rejoindre et changer l’ancien parfum
de notre habitat. Grâce à une fenêtre on s’ouvre au monde,
la porte permet de s’en couper, l’ouverture permet de voir
l’extérieur sans même s’y trouver. L’air nouveau nous
offre un moment unique de bien-être.
Une fois que l’envie de fraîcheur nous hante il faut
l’assouvir, on a besoin de la sentir sur notre peau. Pour
cela il faut tout d’abord réveiller ses jambes engourdies
afin de les trainer jusqu’au lieu de la délivrance. Quand on
aperçoit la fenêtre on peut s’imaginer une toile formée par
le cadre, la vitre, ce qui se cache à l’arrière, la nature, les
immeubles et plus particulièrement notre reflet se
mélangent afin de compléter la peinture de l’artiste. On
doit ensuite agripper la poignée froide à l’aide de toute sa
force, on la fait par la suite pivoter, on tire et l’air
s’insinue dans la salle, le vent souffle dans nos cheveux,
nous fait frissonner et renaître de nos cendres. Les rayons
du soleil qui désormais peuvent nous toucher, chatouillent
notre peau fragile. L’odeur de la sève ou encore de
l’essence arrive à nous. Parfois même, on peut deviner ce
que nos voisins mangeront. On quitte ensuite l’embrasure
en se regardant une dernière fois dans la vitre translucide.
Nos jambes maintenant pleines de vivacité, on marche
sans peine jusqu’au lieu où tout a commencé, on repose
son arrière-train sur la surface qui y était vouée. On
continue de vivre dans l’euphorie du vent qui nous a
désangoissés et détendus. Quand le moment sera venu, il
faudra la fermer en veillant à ne pas se pincer pour éviter
des larmes salées, on reprendra la poignée, poussera la
fenêtre, le bonheur pourra recommencer à tout moment.
Cependant certaines fenêtres ne s’ouvrent pas, ou encore
pire, nos hôtes ne veulent pas les ouvrir, alors toute la
gaité du moment s’effondre.
Un type de fenêtres peut être synonyme de malheur
pour certains, les soupiraux pour les prisonniers. Leur
seule chance de voir le soleil est d’espérer qu’il passe un
jour la minuscule encadrure devant laquelle passent plus
souvent d’autres prisonniers.
Un simple cadre contenant une plaque de verre peut
nous offrir la même joie que ressent l’oiseau en sortant de
sa cage. Cette invention certes imparfaite nous permet de
changer notre environnement, l’ambiance d’un lieu en
quelques secondes. Sans fenêtres la vie serait d’autant plus
triste, car elles permettent qu’on s’évade un instant.
LIRE
Ce n’est pas rien, lire, c’est voyager, ça nous emporte
dans d’autres mondes, nous fait faire des rencontres
improbables avec des créatures chimériques ou des
hommes ordinaires, des individus au caractère
imprévisible ou complètement stéréotypé, on y vit des
aventures extraordinaires, on en revient parfois changé,
notre point de vue ou encore notre esprit se sont
développés. Les livres sont un périple fabuleux, peuvent
devenir une drogue grâce à laquelle on peut quitter ce
quotidien banal et morne, dépourvu de toute féerie.
On passe devant l’étagère, nos yeux glissent sur les
volumes bien alignés. Soudainement, notre regard s’arrête
sur un ouvrage attendant sagement parmi ses semblables.
Il pourrait passer inaperçu mais un détail, sur son dos,
attire notre attention : sa couleur inhabituelle, son titre
mystérieux, la brillance de sa tranche…
On le prend, le soupèse, l’observe. On admire sa
couverture, s’étonne devant son illustration condensant
son histoire. On hume l’odeur douce de vanille et
d’amande due à la dégradation du papier. On le retourne,
on lit son résumé afin de s’enquérir du plaisir que
provoquera sa lecture. On l’ouvre, le feuillète, on caresse
la surface duveteuse de l’imprimé.
On s’installe confortablement, on commence l’ouvrage.
Dès les premières pages, on entre dans une bulle qui nous
coupe de la société, du bruit extérieur, rythmée
uniquement par le frottement feutré des pages que l’on
tourne. On goûte leur saveur ancienne en portant son doigt
à la bouche à chaque fois que l’on avance dans sa bible.
Où que l’on soit, on s’envole pour un univers distinct. On
n’est pas uniquement quelqu’un en périphérie de cette
chronique, on vit les évènements avec le protagoniste. On
rencontre les personnages, certains deviennent des amis,
d’autres des ennemis que l’on veut renverser à tout prix.
On découvre des peuples étonnants, des cultures étranges
et passionnantes, des cultes hérétiques, des despotes à
détrôner, des héros qui ont besoin d’aide pour achever leur
quête, des technologies futuristes ou médiévales, des
épées, arcs, arbalètes, parmi de l’artillerie laser.
Arrivé à la dernière page, refermant le livre, on remet
notre épée au fourreau, on laisse les dragons s’envoler. On
se rend compte que l’on est assis chez soi, à l’arrêt de bus,
sur un banc. On retrouve son corps. On repense avec
mélancolie à l’incroyable aventure que l’on vient de vivre,
à ses compagnons, à la contrée que l’on a quittée. Pour
eux, c’est fini, on essaye de continuer l’histoire afin de ne
pas les oublier et les laisser là-bas sans nous, on se
remémore l’intrigue inlassablement, on se fait des fictions
où l’on remplace d’autres adjuvants par soi-même.
Mais on est de retour sur terre, ce lieu si ennuyeux où
l’on n’est personne, où aucune péripétie ne nous attend, à
moins que l’on aille les chercher. Ayant beaucoup lu, on
entre dans un club de bibliomanes avec qui on peut
partager et, ensemble on devient quelqu’un. On range les
livres. On en reprend d’autres. Quand on a commencé de
lire, on ne peut plus s’arrêter. On lit pour sentir
l’adrénaline, être avec quelqu’un qui a une grande
destinée, s’évader de ce monde dépourvu de magie. Dire
que l’on se « cultive » n’est qu’une piètre excuse pour
cacher son besoin de s’enfuir grâce à une chose si
semblable à un stupéfiant : un roman. Quand on dévore les
bouquins, on connaît les auteurs, les styles de littérature,
on sait lesquels apporteront les effets recherchés,
euphorique, hallucinatoire, stimulant…
Le livre c’est la came de l’écrivain que le lecteur doit
faire attention de consommer avec modération s’il ne veut
pas devenir dépendant, en vouloir toujours plus au point
de courir le danger de devenir lui-même écrivain.
PRENDRE LE TRAIN
Prendre le train, c’est bien plus que faire un
déplacement. C’est un voyage, une aventure. À chaque
trajet, on découvre de nombreux nouveaux paysages,
forêts sombres, montagnes immenses, sommets enneigés,
champs sans fin où dort quelquefois un vieux tracteur
rouillé. Les rayons du soleil scintillent sur la surface de
vastes lacs bleus turquoise. On traverse des villes
bouleversantes avec leurs gratte-ciels, leur architecture
moderne, des foules d’habitants. Du train, on aperçoit des
cafés avec de petites terrasses décorées de fleurs et de
plantes exotiques. En passant, on voit plusieurs panneaux
au nom de la ville et on se demande comment font tous
ces citoyens pour ne pas s’y perdre.
Cependant la beauté du voyage ne train ne se réduit pas
à la contemplation du paysage. Ça débute quand on monte
et qu’on sent cette odeur pareille à celle d’une nouvelle
automobile. Ensuite, on se dirige vers notre compartiment
choisi particulièrement pour sa vue panoramique. On
prends le temps d’apprécier l’espace qu’on va occuper
pendant quelques minutes, éventuellement quelques
heures. On se pelotonne à petits coups sensuels sur le
siège, profitant du volume dodu, mi-compact, mi-doux.
L’appuie-tête en cuir craquelé soutient notre crâne et on
croirait qu’un énorme poids vient de s’envoler.
Évidemment que le fauteuil est très usé en revanche il est
aussi confortable que quand il a été installé il y a 15 ans.
On salue discrètement d’un coup de tête respectueux et
d’un bonjour à peine murmuré nos voisins qui s’occupent
en lisant un journal, un livre ou peut-être un magazine. On
entend au loin le cri d’un bébé, provenant sûrement de la
deuxième classe. Le contrôleur passe et vérifie nos billets
mais la plupart du temps on a des abonnements, c’est plus
simple cela évite le stress. On attend quelques minutes, le
temps que tous les passagers montent. Et tout d’un coup
on entend ce sifflement perçant mais rassurant qui
annonce le départ du lourd véhicule. Les portes se
ferment, et le train commence à avancer lentement. On
aperçoit un gros businessman essoufflé, le visage rouge,
qui court derrière les wagons, criant et agitant les bras,
espérant attirer l’attention du conducteur. Mais pas de
chance, le train prend de la vitesse et quitte le quai. Du
pauvre abandonné, il ne reste plus qu’une petite tache à
l’horizon.
On quitte enfin la ville, on commence alors à apprécier
le voyage, mais chaque courbe que passe le train aux
mouvements si gracieux nous donne envie de dormir. Le
temps ne semble plus exister dans cet espace magnifique.
On ne perçoit même plus le bruit des roues sur les rails. Il
semblerait qu’on soit tout seul. Hélas le temps passe vite,
trop vite à notre goût. Sans s’en apercevoir, on est déjà
arrivé, et sans vraiment le vouloir, on quitte sa place, on se
dirige lentement vers la sortie, on descend lourdement les
marches, montrant notre mécontentement.
Or en marchant notre humeur s’éclaircit, on sourit
même un peu en se rendant compte qu’on peut revivre
cette aventure n’importe quel jour de notre vie si on le
désire. C’est ça la magie de prendre le train, on peut le
vivre n’importe quand et n’importe où.
UNE CHANSON
Écouter et jouer de la musique, ça fait partie de nous,
c’est quelque chose qu’on fait au quotidien, à voix haute
ou dans la tête, en marchant d’un endroit à l’autre, sous la
douche, dans le bus et, bien évidemment, au cours de
danse, car sans musique nous ne danserions pas.
Quand on rentre à la maison et qu’on se sépare de nos
amis, on préfère tous marcher avec la musique nous
passant par les oreilles plutôt que rentrer tout seul perdu
dans ses pensées. Et c’est tout un rituel, écouter de la
musique. D’abord il faut prendre le fil totalement emmêlé
dans notre sac, même si beaucoup ont des écouteurs sans
fils et du coup la vie facile. Après l’avoir démêlé, on le
branche sur notre téléphone puis on dépose nos écouteurs
gentiment dans nos oreilles. On allume le précieux mobile
à la vitre toute fracturée, car on n’en prend pas tellement
soin, et d'ailleurs la plupart se dit que papa et maman vont
en acheter un nouveau après un an d’utilisation, on
l’allume donc et on se dit « pas le temps d’ouvrir toutes
ces notifications reçues », on fonce droit sur l’application
de musique, on se dirige en direction de notre playlist, on
l’ouvre et là, on aperçoit toutes nos chansons et podcasts
préférés, on s’aventure pour trouver la baliverne sur
laquelle on aimerait se jeter pendant le trajet, enfin elle
débute, on commence à marmonner, ah mais en pensée
seulement ! pas à haute voix comme à la maison, car on a
honte de chanter seul dans la rue.
On aime la mélodie et les paroles de ce chanteur, on
continue de murmurer dans notre tête, puis vient un mot
qui semble vulgaire à notre goût, ainsi on invente des
petits sons ou encore des mots pour le remplacer, par
exemple un petit bip, heureusement ce vilain mot n’aura
duré qu’un millième de secondes et, après cela, on peut
poursuivre et continuer de se croire dans les nuages, on a
envie de se trémousser, de pleurer, de faire n’importe
quoi, cependant on n’oublie pas le fait qu’on est en train
de marcher dans une ruelle et que le ciel est gris,
néanmoins on se débarrasse des points négatifs, écouter de
la musique, c’est une excuse pour se vider de nos
émotions et relâcher la pression qui se trouve dans notre
cœur.
La fin de la chanson approche et on se dit que le plaisir
sera bientôt terminé, mais deux secondes plus tard on en
trouve une autre, puis une autre, la joie peut toujours
recommencer.
Mais aussi on s'est tant plongé dans ces chansons, les
écoutant on les a tant chantées ou sifflées, claquant des
doigts, frappant des mains, on a tant bougé, vécu avec,
que peut importe si la batterie est plate, si la vitre s'est
effondrée, on finit par les recréer pour soi et interprète à
notre volonté !
LE CHOCOLAT
Une fois qu’on a fini le premier bout de chocolat, on en
veut un deuxième, puis un troisième, et après c’est une
boîte entière, néanmoins ça ne suffit pas, alors on retourne
au magasin pour en acheter une autre. Ce qu’on doit
retenir, c’est qu’on n’en mange jamais assez. Le chocolat
est un plaisir coupable. Certes c’est une merveille
mondiale et appréciée de tout le monde, mais qui traîne
bien des casseroles.
Profiter, après avoir soigneusement déplié l'emballage
et pris le chocolat dans sa main, de cette collation sucrée
et grasse qui rend dépendant et obèse, fait plus de mal que
de bien. Une fois mise en bouche on ne constate d'ailleurs
pas, en goûtant sa subtile saveur, la culpabilité qui
commence petit à petit à croître. On n’y pense pas, et
pourtant, ayant acheté du chocolat, on a fait souffrir un
enfant de plus. Cet enfant a travaillé douze heures
d’affilées en ramassant des fèves de cacao sous le soleil
écrasant à plus de 40°C, en Afrique ou en Amérique du
Sud, et n’a pas récolté dix francs de salaire par jour. Tout
ça pour un plaisir personnel et égoïste !
Lorsqu’on commence lentement à le croquer, on ne se
rend pas compte, une fois de plus, d’une autre chose
encore, et c’est que le chocolat a une fabrication non-
écologique, sa confection pollue énormément, sans
compter qu'on étouffe la planète sous des papiers
d'emballage produits inutilement et que la livraison par
bateaux ou avions cargos la salit.
Après avoir remarqué qu’on avait sali son pull en
s’étant essuyé les doigts dessus et tout en finissant de
mâcher le chocolat qui commence gentiment à devenir
onctueux, on conclut qu’on devra faire une lessive à cause
de cette petite tache brunâtre. Alors, fâché, le chocolat
presque soluble dans notre bouche, pianotant son mobile à
l’écran bientôt très gras lui aussi, on prend conscience que
ses prix augmentent chaque année partout dans le monde.
Une fois que cette gourmandise est entièrement à l’état
liquide et qu’elle descend au fond de notre cavité buccale,
on oublie vite la phrase piochée sur le web « le diabète
surgit quand on en abuse, ce qui oblige à faire un
traitement et occasionne des frais médicaux monstrueux ».
Jouissant de cette saloperie qui cause du tort à
beaucoup de personnes et finissant de l’avaler, on
remarque, lorsqu’elle entre dans notre estomac, qu’on a
dépensé bien trop d’argent pour éprouver un sentiment de
culpabilité qui, au fur et à mesure, va nous ronger de
l’intérieur. Cependant, le chocolat ayant entièrement
pénétré dans notre estomac, on a tout de suite la sensation
d’être plus nerveux, allumé. On conclut que le chocolat
nous déconcentre, nous hante l’esprit et nous empêche de
le faire fonctionner. Puis après le moment d’excitation
terminé, on se sent très las, endormi, mou. Car si le
chocolat nous excite, c’est avant de nous endormir
complètement les muscles et les neurones. Puis sa
digestion continue jusqu’au moment où le besoin d’aller
aux toilettes survient. Cependant, on s’aperçoit qu’on n’y
arrive pas. Réflexion faite, le chocolat constipe. Alors on
se sent mal pendant quelques jours jusqu’à ce que ça
passe.
Finalement, le chocolat est un poison qui nous
poignarde à chaque fois qu’on en mange, une punition que
l’on s’inflige. La seule personne à qui on peut s’en
prendre, c’est soi-même. Car pour nous le chocolat est une
maladie incurable, une drogue qu’on ne peut plus quitter.
On mange du chocolat afin d’oublier le chemin entre le
cacaotier et le velours de la boîte, toute la chaîne
d’humains concassés entre eux, et jusqu'au « fin gourmet »
après eux.
LE PREMIER BUT
Après tout, ça ne compte pas réellement : ce sentiment
de toute-puissance qui nous submerge quand on a pu
changer le résultat final n’est qu’une illusion vite dissipée.
Chacun a marqué son premier but un jour et chacun en a
encaissé plusieurs, ainsi que des défaites. Cela arrive à
n’importe quel match. C’est anodin et pourtant, les gens
nous applaudissent pour une action à peine maitrisée,
réalisée de la pointe du pied, dans l’urgence. On a affronté
tellement de difficultés pour atteindre un objectif si banal.
On y a passé des heures alors que tout cela ne sert qu’à la
joie d'un instant.
Pendant le match, on sent la fatigue et la chaleur du
soleil qui nous donnent envie de nous arrêter à chaque
minute, or il suffit d’un moment d’inattention de la part de
l’autre équipe pour pouvoir se mettre en position de tir.
On a voulu amortir la balle de la tête, et on l’a fait rouler
maladroitement jusqu’à nos pieds afin d’essayer de la
mettre en bonne position. Faute de l’avoir cognée du front
assez fort, un filet de sang nous laisse une saveur amère
sur la langue. Durant un souffle, on a le temps de pivoter
ainsi que de se préparer à tirer. On entend les
encouragements du public qui nous motivent. Une fois la
balle correctement placée, on s’élance en faisant basculer
la jambe dans le but de la faire rentrer en collision avec
l’objet tant convoité par les vingt-deux joueurs et sur
lequel convergent les yeux de la trentaine de spectateurs.
Malgré notre mouvement novice exécuté dans le stress, le
cuir, après le bruit d’impact, part en tremblant sous le
choc, monte dans le ciel et arrache les toiles d’araignées
de la cage, avant de retomber dans les filets distendus.
Une sensation de joie nous envahit. Nos camarades se
mettent à rire alors que nos adversaires pleurent. En
parallèle, des sourire se dessinent sur les visages autour de
nous, on voudrait garder cette image pour l’éternité, et
avec elle, l’odeur des cigarettes fumées par ces supporters,
le bruit strident du sifflet de l’arbitre, le goût de la victoire
que l’on entrevoit et les mains de nos coéquipiers qui
tapent dans les nôtres.
Cependant, le souvenir du premier but ne dure qu’un
instant et disparaît rapidement. Les spectateurs ont admiré,
applaudi, commenté, quand ils n’ont pas avalé ton tricot,
mais oublient l’événement fréquent qui vient de se passer.
Bientôt, personne ne se rappelle. A la fin du match, on
vient nous féliciter. On nous sort des compliments que
l’on répète tous les jours à qui veut l’entendre.
Déjà, ils ne signifient plus rien étant donné que l’autre
équipe ressort déçue du match par notre faute. Les regards
de haine et de jalousie cherchent des visages béants. On ne
sait même plus pourquoi ils ont de la rancune envers nous.
Le seul individu à repenser pleinement à l’instant n’est
peut-être que celui qui a vu la scène du plus près, le
gardien. Et pourtant, c’est celui qui nous en veut le moins,
lui qui est sûrement rongé par la culpabilité. Finalement,
tous partent plus dépités qu’heureux. Au bout d’un jour,
on ne se remémore plus le score. A la fin d’une semaine,
seule la victoire nous reste en mémoire. Et à la fin, la
réminiscence du premier but disparaît lentement pour
laisser place à l’effervescence des prochains goals.
LA VOIE, CHEMIN DE LA RÉUSSITE
Cela commence par ce petit rituel, faire le nœud de
huit, se démener afin d’enfiler ces chaussons qui font
tellement mal aux pieds que l’envie de les retirer se
présente déjà, et plonger les mains dans son dos, atteindre
l’or blanc qui asséchera les mains, créera l’adhérence
facilitant l’ascension du mur, tout en leur faisant de petites
crevasses douloureuses. Puis vient le moment où l’on
vérifie avec appréhension le système d’assurage de notre
partenaire, une fois, parfois deux. Dès lors, on est prêt, on
regarde au-dessus de soi et on voit les prises aux mille
couleurs et formes. Mais dans cette structure folle, seule la
voie nous intéresse. Ce chemin énergivore créé pour qu’on
se surpasse.
Une main agrippe une prise que l’on espère être la
première de toutes celles qui tracent la route vers l’arrivée.
La pression monte, on lâche une dernière plaisanterie à
notre assureur et l’on saisit la deuxième prise. Les pieds
viennent rejoindre les mains sur ce chemin vertical. Ça y
est, on est sur le mur. L’hésitation, si prenante au début,
fait place à la détermination. Tout devient clair, une main
après l’autre, les muscles font leur job, donnent naissance
au ballet du grimpeur qui par de voluptueux mouvements
se rapproche du sommet, or le but semble s’éloigner, lui
étant concentré sur l’effort de continuer, elle avait disparu,
complètement perdue dans un sombre recoin de son esprit,
la prise finale. Mais déjà on lève les yeux et elle surgit.
Quelle est la distance qui le sépare d’elle ? Une seule
chose est sûre, plus que l’on ne saurait supporter.
Néanmoins sous cette vague de soumission naît une
nouvelle force. On resserre les doigts, maintenant investis
d’un regain de puissance.
On la saisit à ce moment-là avec une force que l’on
croyait à jamais perdue. Vient ce sentiment d’être une
personne que les autres ne sont pas, un égal des dieux,
cependant cela ne demeure qu’un minuscule instant. Cette
sensation part aussi vite qu’elle était venue. La réalité
reprend donc le dessus et on offre un grand sourire à notre
compagnon qui nous confirme d’un signe de tête que l’on
peut lâcher ce mur, producteur non seulement de
souffrance, d’angoisse, de doute, mais aussi de
détermination et de satisfaction. On lâche alors la paroi et
c’est le vide, l’abîme. L’impression de voler comme
l’araignée se lâchant de sa toile de soie que l’on a vue le
matin en buvant son café. Toutefois cette sensation
féérique, comme celle d’avant, ne dure qu’une
malheureuse fraction de seconde, la gravité reprenant le
dessus et, en quelques mouvements, on se retrouve au
point de départ : Bras douloureux, doigts engourdis dans
la pof, heureux d’avoir atteint son objectif. On a trouvé la
voie.
PRENDRE UNE PHOTO
Bien sûr tout le monde a un téléphone portable dans sa
poche capable de prendre des dizaines de photos en
quelques secondes, mais ce n’est pas vraiment ça,
photographier, prendre une photo, c’est tout un art qui
nécessite de la passion et de la technique, c’est capturer un
instant éphémère pour le rendre éternel, et c’est donc
presque nécessairement utiliser un appareil numérique
offrant la possibilité de régler l’ouverture du diaphragme,
la vitesse d’obturation et la sensibilité afin d’obtenir un
rendu correctement exposé et net. Appareils auxquels on
peut fixer différents types d’objectifs interchangeables.
Bref, ces avantages font la différence. Au-delà de ces
questions, le processus de la photographie est un plaisir
qui nous rend réceptif et sensible, c’est également quelque
chose d’excitant, car on ne sait jamais vraiment à quoi va
ressembler le résultat final. Avec le temps et la pratique,
on commence à faire certaines choses presque
inconsciemment, comme par exemple guetter un regard,
une expression, des traits ou une nostalgie capable de
résumer ou plus exactement de révéler une vie.
Tout commence quand on décide de partir se balader
seul avec son appareil. On descend l’allée puis on marche
quelques minutes pour se retrouver dans une rue
commerçante animée où déambulent plusieurs groupes de
personnes. Certaines décontractées et gaies nous sourient,
d’autres semblent plus pressées et marchent d’un pas
rapide. On peut sentir la délicieuse odeur des marrons
grillés que vend une femme au coin de la rue. On décide
de s’arrêter, d’en acheter un petit sachet et d’en manger
quelques-uns assis tranquillement par terre. On déguste la
saveur boisée de la châtaigne, on en avale deux ou trois
avant de se remettre en route. On entre dans un immense
parc. On y contemple les couleurs orangées et l’ambiance
automnale. Les arbres, dont les feuilles commencent à
prendre des teintes flamboyantes, abritent des bancs. Sur
l’un d’eux, un vieil homme s’est assis pour y lire son
journal, on a même la chance d’apercevoir à quelques
mètres de nous un écureuil. Soudain inspiré par la beauté
de cet endroit, on sort son appareil. En ouvrant son sac on
écoute le bruit que fait la fermeture éclair puis on attrape
le précieux boîtier et on passe la lanière de cuir autour de
son poignet. On se baisse et pose un genou au sol pour
avoir un point de vue différent de celui auquel on est
habitué et trouver l’angle idéal qui rendra la photo moins
ordinaire. On regarde à travers le viseur puis on effectue
les quelques réglages nécessaires avant d’appuyer sur le
bouton de déclenchement. Il y a une seconde d’attente
avant que l’image apparaisse sur l’écran, une fois qu’elle
s’est affichée, on l’examine pour vérifier qu’elle soit nette
et exposé à notre gré. On se relève pour continuer à
déambuler dans le parc, s’arrêtant ici ou là pour
photographier tantôt la nature paisible, tantôt un groupe de
chiens joueurs courant joyeusement après une balle.
Quand vient l’heure de rentrer, on range soigneusement
son matériel, on referme son sac et on prend le chemin du
retour. Une fois arrivé à la maison, on a qu’une hâte :
découvrir et trier les clichés qu’on vient de prendre. On
espère pouvoir en trouver quelques-uns qui nous
conviennent. On fait défiler les images sur l’écran jusqu’à
ce que l’une d’entre elles attire notre attention. Elle
représente un coin boisé où se dessine un chemin en partie
recouvert de feuilles, la lumière est douce et chaude, au
premier plan on voit une famille de moineaux picorant de
petites graines et à l’arrière-plan on peut distinguer un
vieux kiosque à musique. Cette photo a quelque chose de
plus que les autres, on l’imprimera, l’accrochera, on ne
l’oubliera pas.
LA PILOSITÉ
Jambes, bras, torse… Partout on s’enlève la bourre,
sauf sur notre tête ! Alors, est-ce par volonté de revivre
l’âge innocent, par peur de vieillir qu’on les retire ? Ces
petits êtres naturels, si protecteurs, nous répugnent plantés
dans notre cuir, alors qu’ils deviennent un outil de beauté
au-dessus de notre crâne  ! Ils font partie de notre
quotidien, que l’on s’épile ou que l’on débouche le lavabo
obstrué de poils.
La mode de l’épilation est apparue, en Occident, au
XXe siècle. Par étapes, les aisselles en premier, puis les
jambes et finalement avec les minous et zizis. La
pornographie, multipliée par les médias, hier les revues,
les vidéos, la pub et la télévision, aujourd’hui par internet,
a contribué fortement à renforcer l’idéal imberbe. Le seul
endroit où l’on verra du pelage sur le petit écran, ce sera
ou dans un programme animalier ou dans des publicités
d’épilation.
Les marques nous démontrent les mérites des cires,
bandes froides, rasoirs ou encore crèmes, on nous dit que
cela est indolore, est-ce vrai ? On débourse chaque mois
une somme faramineuse pour réduire cette toison
primitive dans un salon d’esthétique ou de coiffure. La
plupart de la clientèle est féminine car chez les femmes, la
pilosité renvoie à la saleté alors que dans le monde
masculin, elle est associée à la virilité. Une fois qu’on s’y
attaque, bien des dangers guettent. En outre, la cire trop
chaude peut nous brûler, le rasoir nous couper, l’onguent
dépilatoire provoquer une allergie, de même que
l’épilation définitive au laser nous endetter. Certes, on
peut choisir d’ôter sa soie à domicile, et on est
probablement plus à l’aise dans son petit cocon pour
exécuter ce soin intime, mais non, ce coup-ci, on s’y
aventure.
Le jour tant attendu est arrivé, le rendez-vous approche
et le stress nous envahit, maintenant une boule nous prend
au ventre quand on passe la porte de l’institut. On se
déshabille devant une personne que l’on connaît à peine.
Avant ça, on voit la cire chauffée et on flaire la douce
odeur qu’elle diffuse dans toute la pièce. Une fois installée
confortablement sur un fauteuil, on sent cette chaude
substance mi-liquide, mi-solide se poser sur notre peau.
Nos muscles se contractent, la pression exercée sur la
bande nous informe que l’heure est venue. En une fraction
de seconde, un crissement strident retentit, précédant un
cri de douleur et une larme qui dégouline sur la joue
droite. C’est fait, un rectangle lisse est apparu exactement
à l’endroit souhaité. Pour autant, ce n’est que le début ! La
souffrance vient se mêler à une attente interminable. Nos
ongles s’enfoncent dans le siège et tout recommence
jusqu’à ce qu’on nous dise que c’est enfin terminé.
C’est une moindre consolation que de savoir que, si
l’on s’oppose à subir tous ces inconvénients, on risque de
ne plus être conforme aux yeux de la société.
PEINDRE UN MUR
Peindre des murs, c’est un métier, un passe-temps ou
un art. Toute personne peut peindre au risque d’un résultat
infâme.
Peindre un mur commence bien avant que votre
créativité vous emporte. D’abord, il faut choisir un outil
adéquat, ni trop épais ni trop fin. Le pinceau est très
important, il est nécessaire que ses poils ne soient pas trop
rigides, bien touffus. Oui, car lorsque l’on peint, c’est très
ennuyeux qu’un petit brin vienne gâcher notre art.
Puis, il y a ce liquide qui dès l’ouverture de la boîte
révèle une odeur répugnante qui nous remonte dans les
narines puis peu après va se diffuser dans toute la pièce.
Cette maudite peinture qui n’a jamais la teinte que l’on
souhaite et nous oblige à nous aventurer à faire des
mélanges. Une fois la coloration trouvée, on peut
commencer la partie amusante. Ah non ! Il ne faut surtout
pas oublier de protéger notre sol qui sinon se tache. Afin
d’éviter cela, on prend ce qu’il y a sous la main soit le
plus souvent du papier journal.
Maintenant, on peut enfin plonger notre pinceau dans la
couleur désirée. Il s’imbibe immédiatement, il faut donc
souvent aller et venir de notre pot de peinture jusqu’à
notre mur sans oublier de lâcher quelques gouttes qui
tombent sur le parterre ou sur nos vieux vêtements. On
commence le mouvement vertical, de haut en bas ,qu’on
va ensuite répéter une centaine de fois tout en récupérant
régulièrement de la peinture. Au bout de quelques
minutes, une douleur vient envahir notre bras, mais on
continue. Le plus ennuyeux arrive aux extrémités du mur.
Peindre précisément les bords sans dépasser les bandes
adhésives collées auparavant est un défi de plus. Tout ceci
ne vaut que pour la première couche, on attend vingt-
quatre heures avant de recommencer tout le processus le
lendemain. On prend un temps pour contempler notre
travail tout en pensant que ce mur voyagera à travers les
années. Et réfléchir à quelle bricole on pourrait y pendre,
pour le remplir, ce simple mur.
Quand on s’ennuiera sur les latrines, qu’on observera
ces cloisons en imaginant des dessins dans le crépi, ou
durant notre sommeil, quand on se réveillera éclopé du
genou à cause de ce foutu mur qui nous blessera, peu
importe laquelle, cette paroi que l’on vient de peindre aura
sa propre histoire, elle vivra sans doute plein
d’événements plus ou moins importants.
Vous vous moquez, mais tous les murs ont été créés de
la même manière, et s'ils ne se ressemble pas forcément,
ils sont vitaux pour nous les Hommes, car sans eux nous
ne bénéficierions pas de notre confort quotidien. Nous
vivons entourés de mur, nous étudions enfermés par ces
constructions. Vous êtes-vous déjà imaginé un monde
sans mur ?
LA VOITURE
C’est une horreur, une hantise, un cauchemar, la
voiture. On s’enferme dans un engin à quatre roues, on
passe de longues minutes, même parfois des heures, à s’y
ennuyer. À peine entrée que l’on rêve déjà d’en sortir. Le
mieux reste encore de regarder impatiemment la route,
attendant désespérément que les roues s’arrêtent comme
indication qu’on a réalisé le chemin nous amenant à la
destination tant attendue.
Tout commence par ce geste commun, ouvrir la
portière. Aussitôt passée l’embrasure métallique que
l’odeur si familière de l’auto nous prend subitement au
nez, c’est une sorte de mélange fait de plastique, de sapin
aromatisé et de bonbons à la menthe. On ne partirait
jamais sans ces friandises plongeant instantanément notre
palais au pôle nord. Étant petite, on en prenait seulement
pour faire la grande comme tout le monde, entre temps on
a appris à les apprécier. Une fois accoutumée à cette
senteur, on essaye tant bien que mal de se lover dans ce
siège pas toujours très confortable. Vient ensuite le
moment où l’on doit s’attacher. Ah, cette ceinture, elle est
notre pire ennemie, elle nous garde fermement fixée à la
banquette, elle nous blesse même, à cause de ce frottement
affreux contre notre cou que l’on endure lorsqu’elle est
placée un peu trop haut. Mais le bruit atroce que fait ce
fourbe mécanisme, conçu apparemment pour nuire
expressément à notre ouïe, nous assure très vite que l’on
n’aura pas de moyen d’éviter cet instrument de torture. On
trouve, malgré tout, généralement de petites techniques
atténuant cette souffrance. Le véhicule démarre à peine
qu’on se demande déjà quand on va toucher le bout. On
éprouve très tôt un sentiment d’ennui à l’idée de la durée
de ce calvaire. On s’occupe néanmoins en comptant les
autres bagnoles ou encore en observant les nuages. On se
décide à prendre notre téléphone qui ne sert pas à grand-
chose, sinon à l’écoute de deux, trois chansons
enregistrées ou au divertissement relatif qu’amènent les
quelques applications ludiques, qu’on délaisse le plus
souvent. L’autoroute quittée sans qu’on sache pourquoi,
on s’engage sur un chemin bosselé aux effets
désagréables. On sent rapidement la nausée monter,
mauvais présage, il est plus judicieux de remettre son
smartphone dans sa poche avant qu’il ne soit trop tard, la
catastrophe ne tarderait à arriver, le vomi jaillissant de
notre bouche et tapissant nos jambes. Dépourvue de toute
distraction, il ne reste à la passagère qu’à fixer la route
tout en écoutant des émissions de radio à mourir d’ennui.
Les heures passent et décisivement surgit le signe
d’espoir que l’on attendait avec fermeté. Les roues
s’arrêtent, on comprend instantanément que c’est la fin.
Cela faisait déjà longtemps que l’on avait cessé d’analyser
minutieusement chaque détail du monstrueux fourgon qui
nous emporte. On repense alors au voyage que l’on vient
d’endurer et l’on s’imagine déjà revivre cela au retour. Ça
ne s’arrêtera donc jamais.
SE LAVER LES CHEVEUX
Sans le lavage de cheveux nous ne serions pas les
mêmes.
Accumuler le gras et toutes les saletés qui virevoltent
en tout temps autour de nous ne nous conviendrait pas. Le
lavage, est-ce seulement une façon de les nettoyer ? Non,
c’est aussi une façon d’embellir notre précieuse chevelure
grâce au shampoing. Pour tout le monde la crinière est
essentielle. Les hommes comme les femmes aiment en
prendre soin. Aller chez le coiffeur, passer du temps à
désentortiller ses mèches, la tresser. Pour cette raison,
avant de les laver, nous prenons une brosse afin de les
démêler très soigneusement. Les hommes, en général,
filent à la douche sans souci de démêlant sauf certains
garçons ayant une longue chevelure et doivent eux aussi
très bien la bichonner.
Après le démêlage, nous entrons dans ce
parallélépipède où s’accumule la pression de vapeur
saturée. Une fois dedans, nous rinçons l’accumulation de
saletés de la journée. Saletés provenant de la ville, des
voitures, de la transpiration et de bien d'autres impuretés
qui se déposent sur notre crâne, qu'il soit recouvert de
cheveux courts ou longs.
Nous versons le shampoing dans le creux de notre
main. Ni trop ni trop peu, pour pouvoir l’appliquer sur nos
cheveux sans en perdre la moitié. Ensuite, nous
commençons à masser notre cuir chevelu afin de décoller
la crasse du crâne. Après quoi on prend le pommeau de
douche, l’engin qui joue un des plus grands rôles dans le
lavage des cheveux, on le lève jusqu’au-dessus de notre
tête pour rincer le tout et recevoir du savon dans les yeux
et, tout en supportant bravement cette sensation horrible
de brûlure, on laisse l'eau couler, bref, pour les adultes, ce
n’est peut-être pas un supplice.
Il y a encore quelque chose que je n’ai pas expliqué. Il
existe toutes sortes de poils. Les cheveux raides qui
manquent de souplesse, de naturel. Les cheveux ondulés,
ayant une légère forme en S. Les cheveux frisés ou
bouclés qui sont très lourds, les boucles larges leur faisant
perdre leur forme à cause du poids. Et pour finir, dernière
catégorie, les cheveux crépus. Ceux-ci sont encore plus
enroulés, en forme de Z et non pas de S, comme les
ondulés. Au contraire de ce que l’on pense, ils sont très
fins et on doit beaucoup les chouchouter.
En vieillissant nous râlons énormément sur le fait
d’avoir des cheveux blancs. Mais plutôt que de craindre
d'afficher votre âge, savez-vous exactement pourquoi ils
deviennent blancs ? Les mélanocytes ne transmettent plus
de pigment, ils ne sont donc plus fonctionnels.
Qui doute encore que la tignasse ait une signification
très importante pour nous les êtres humains ? Les cheveux
c’est une allure, un bijou qu’on a fait, et un soin de soi et
de notre être au monde.
LIRE UN ROMAN
Il n’y a pas de meilleur moyen de s’isoler, se couper du
monde, se perdre dans un autre, suivre un inconnu,
pleurer, rire, avoir peur avec lui, et pourquoi pas se
transporter dans une ville où l’on n’est jamais allé, New
York, Los Angeles, ou dans un petit village des Andes,
tous lieux fort éloignés du coin douillet où l’on s’est
installé pour lire.
Le plus important, c’est dénicher la pépite, on traverse
donc la rue, on tourne à gauche, à droite, on entre dans
cette masse épaisse, remplie d’inconnus qui se marchent
sur les pieds, et, enfin, on aperçoit la petite porte vitrée de
la bibliothèque. Passant du bruit au silence, on sort de la
foule opaque et chaotique afin d’entrer dans cet espace où
le silence est palpable. Sans hésitation, on se dirige vers
les escaliers où l’on trouve la grosse flèche orange
indiquant l’emplacement des romans. A, B, C, D, … On
effleure du bout des doigts les ouvrages de différents
écrivains, on sort quelques livres, on les range, insatisfait
de leur couverture, même si l’on est conscient que leur
beauté extérieure ne reflète en rien leur contenu, tout de
même certains méritent qu’on lise le résumé à leur dos,
avant de les reposer là où on les a pris. Une dizaine de
minutes plus tard, on se dirige vers le guichet, une série de
quatre ouvrages dans les bras et un sourire niais collé au
visage.
En sortant de ce temple des livres, le retour à la réalité
bruyante et agitée est brutal. Sur le chemin du retour, trop
impatient, on écarte la petite couverture bleu ciel veloutée
du premier livre afin de voir son contenu. L’odeur de
moisissure qui émane de ce dernier se mêlant à celle du
gaz sortant des pots d’échappement et de l’herbe
fraîchement coupée est agréable et suave, et lire dans cette
ambiance vous euphorise. On dévore les premières pages
avant d’être tiré de force de cet univers parallèle par le
trafic et les passants qu’on a bousculés par mégarde.
Enfin, de retour chez soi, on monte à l’étage et on se
love dans son lit afin de trouver la position idéale, alors
qu’on sait pertinemment qu’on va bouger toutes les cinq
minutes. On repart dans le monde d’un héros qu’on
découvre petit à petit, page après page... Les feuilles
défilent, le temps passe sans qu’on s’en rende compte, on
se tourne, une fois, deux fois, l’histoire se développe,
l’adrénaline monte, la peur croît chez le héros comme
chez lecteur, on retient son souffle, on avale les lignes
comme jamais pour découvrir le dénouement, pourtant on
sait que plus on lit, plus vite la fin approche… Le nombre
de pages diminue à droite tandis que notre main gauche
est endolorie à force de supporter autant de pages. Mais
quand la dernière page arrive, on a l’impression amère
qu’il en manque une pour finir le récit, on reste en attente,
on retient son souffle, en apnée, en vain.
On se sent trahis, comme si le personnage retournait
subitement dans l’anonymat, nous laissant flotter dans
cette fin à moitié terminée. On tourne la frêle feuille avec
précaution dans l’espoir de trouver la fin véritable, mais
hélas... À son verso, il n’y a hélas qu’une page blanche qui
s’étend devant nous, déserte.
LA MESSE
Ce n’est pas vraiment une sortie la messe.
On y va par obligation, contre notre volonté. Lorsqu’on
arrive devant l’église, on retrouve des personnes que l’on
connaît, dont certaines ricanent et d’autres font la gueule.
On observe cette architecture moderne qui essaie d’en
imiter une vieille. Tous ces vitraux multicolores et ce
manque de lumière, ce n'est pas bon pour les
claustrophobes. On s’y sent enfermé, écrasé. On respire
cette odeur de moisi, mélangée à celle du détergent pour
sol. Franchement, ça ne donne pas très envie d’aller à la
messe, ces bancs parfaitement alignés comme au tribunal,
cette charpente fadement variée. On regarde quels rituels
font les grenouilles de bénitier, on se munit d’une bible et
on va s’installer dans son siège ! Siège ? Comment peut-
on appeler cette chose horrible siège, ces planches de bois
lisses et dures, inconfortables au possible, où on se serre
les uns contre les autres, sinon banc d’infamie ? Le curé,
se croyant important, paré de sa longue robe blanche et
entouré de ses sous-fifres, les servants de messe, entre.
Les discussions cessent par respect pour lui et son métier
compliqué, compliqué car il doit faire exactement ce que
son supérieur lui dit et n’a droit à aucune vie sentimentale.
Il nous adresse un salut amical pour débuter cette
cérémonie pénible qui a lieu chaque dimanche partout
depuis trop longtemps, c’est vrai ça, quand on y pense, le
nombre de gens qui ont déjà dû endurer ce calvaire est
vertigineux.
Puis, tout au long de celle-ci, le prêtre entonnera des
chants religieux assourdissants repris par la chorale
surplombant la pièce, et l’orgue qui les pousse comme le
charretier ses boeufs. Au beau milieu de ce brouhaha, le
vieillard en toge annonce l’eucharistie, ce qui réjouit les
personnes ayant un petit creux, qui peuvent respirer et
avaler ce petit rond fade et cartonneux, couleur cul de
bébé. Tout le monde commence à en avoir mal à la tête de
ces chants sans intérêt, de cette odeur piquante et de ce
banc qui vous compresse tant contre les autres qu’il vous
oblige à vous tenir droit. On tente de passer les phrases en
arrière pour y déceler de mauvaises intentions. En vain.
Maintenant, plus qu’une seule envie, en finir. Or il faut
s’acquitter d’un sacrifice encore, donner son argent de
poche pour la quête, pour ces enfants d’Afrique qui n’ont
rien sauf un bâton avec lequel se taquiner et une boîte en
carton où s’abriter pour ne pas mourir de froid. C’est cruel
quand on y pense, on dit que ce sont des pauvres,
néanmoins dès que plus rien ne nous les rappelle, on fait
sa propre vie et on les abandonne à leur sort. Au moins la
messe nous aura fait réfléchir une minute.
On entend les cloches sonner et l’on croit que c’est
terminé, quoique ce ne soit encore que dans notre tête
qu’elles retentissent, cet effet étant dû à la concentration
durant près de deux heures à écouter un monsieur qui
fonde son discours sur des faits dont il ne sait pas lui-
même s'ils se sont véritablement passés. Quelques minutes
plus tard, après un long prêche du chanoine, les cloches se
remettent à sonner. Il semble que cette fois-ci soit la
bonne. Les gens s’étirent, décollent leurs fesses du banc et
enfilent leur manteau d’hiver. Ensuite, c’est la délivrance,
tout le monde court vers la sortie en hurlant de joie.
C’est la cohue.
JOUER À FIFA ENTRE AMIS
Jouer à Fifa entre amis, ce n’est pas vraiment un plaisir
pris en commun. On est à peine auprès des autres.
Lorsque l’on décide de jouer à Fifa, on s’ambiance
immédiatement grâce à un petit fond mélodieux, on
distribue rapidement les manettes poussiéreuses, souvent à
peine chargées voire même inutilisables, on se sort
quelques glaçons du congélateur que l’on verse
délicatement dans un verre d’Ice Tea infusé de menthe
parfumée, et surtout, on case gentiment notre dos contre
les coussins rembourrés de plumes sur le canapé. On
insère précipitamment le CD dans la console, car on n’a
qu’une envie : jouer. On allume la télévision et les choses
sérieuses commencent, finalement, le choix des équipes se
fait, certaines fois il se passe bien, d’autres fois il est un
peu plus tendu.
On aime jouer à Fifa lorsque l’on gagne mais dès que
l’on prend 1, 2, 3 buts, on n’a plus envie de jouer, on
s’énerve contre tout le monde, on gigote nerveusement, et
on essaie de convaincre les autres :
« D’abord il faut acheter une console ultra-chère, mais
ce n’est pas tout, on doit la remplacer fréquemment à
cause de l’obsolescence programmée. De plus, chaque fin
d’année on doit se payer la nouvelle version de notre jeu
favori contre une somme démesurée, pour de minimes
améliorations et des détails évidents à changer ou ajoutés
pour que les ventes soient de nouveau excellentes. Se
procurer la nouvelle version de Fifa chaque année n’est
pas obligatoire, or c’est indispensable pour une utilisation
optimale, comme par exemple jouer en ligne en
compagnie de ses amis lorsque l’on ne peut pas se
retrouver, encore un argument pour vendre chaque année
la nouvelle version...
Les entreprises de jeux vidéo veulent vous faire prendre
ce qui est dispensable pour quelque chose de très
important, alors qu’à la place de dépenser des centaines de
francs chaque année pour des consoles, jeux ou mêmes
manettes cassées lors de la perte d’un match serré, on
pourrait investir dans un article sans électronique, un bon
vieux ballon en cuir de qualité qui durera des années si
l’on en prend du soin. Ce fameux ballon avec un design
simpliste mais connu de tous qui nous fait nous retrouver.
Que ce soit sur le terrain ou au bord de celui-ci !
On pense qu’en jouant au foot virtuel on n’a pas besoin
de se doucher puisque l’on croit ne pas transpirer tandis
que le fait d’être fébrile nous fait quand même couler
quelques gouttelettes du front et donc perdre la fraîcheur
de notre parfum pour une odeur moins avenante voir
même repoussante. On aurait meilleur temps de jouer
réellement au foot, cela éviterait les problèmes d’obésité
ou de sociabilité, car à force de jouer à Fifa entre amis, on
a envie d’y jouer seul et cela peut amener de graves
perturbations du sommeil ou même de l’appétit, au final,
donc, pourquoi se rencontrer avec des amis si l’on n’est
même pas vraiment ensemble ?
Ce fameux stress n’est pas bon comme celui d’avant un
match de foot, celui qui nous donne l’envie de donner le
meilleur de nous-même, de vouloir bien faire. Cette envie,
elle est collective sur un terrain, on s’encourage les uns les
autres, l’entraîneur nous donne un coup de main moral et
le public encore aussi, il nous motive de plusieurs façons,
les nombreux applaudissements qui résonnent dans les
tribunes, de courtes phrases puissantes, tout ce qui fait que
même si l’on vient à recevoir quelques buts parfois
stupides, l’espoir reste au sein de l’équipe ! Et on garde la
tête haute pour essayer de corriger chacune de nos
erreurs... »
PIQUE-NIQUES DE FAMILLE
Pour certains, c’est génial, les pique-niques de famille,
et pour d’autres, moins… Vous aurez compris ce qu’on a
en tête : un soir d’été, quand toutes les générations se
réunissent dans le but de faire un repas dont les deux
sujets principaux de discussions seront la politique et les
commérages.
En premier lieu vient ce moment gênant où on ne sait
pas si on doit serrer la main, faire une bise ou deux, ou
trois… On tend sa droite et la laisse vaguement pendre à
la hauteur du nombril, l’autre fait de même, plus ou moins
hésitant, et finalement deux moiteurs se frôlent puis
s’écrasent l’une sur l’autre.
On balaie du regard les invités en essayant de trouver
les cousins ainsi que les cousines de notre âge et on
esquisse un sourire forcé destiné aux personnes que l’on
n’aime pas pour faire bonne figure devant les parents.
Dans une famille, il y a toujours : Sarah la cousine
blonde super belle mais bête comme ses pieds, grand-papa
Maurice qui sait toujours tout sur tout, tonton Roger qui a
trop bu, le couple qui ne fait que s’engueuler et celui qui,
à l’inverse, se lance des avalanches de : « chouchou,
chaton, doudou… », les tantes qui empestent le parfum et
qui te laissent à chaque fois une trace de rouge à lèvre sur
la joue, le radin qui n’a rien apporté sous prétexte « qu’il
n’a pas eu le temps… » Le positif dans l’histoire, se sont
les bébés trop mignons avec de grosses joues, un sourire
communicatif et à la place des yeux des billes qui nous
fixent avec attention et curiosité. On se sent obligé de les
regarder d’un regard rieur et enfantin en faisant des
grimaces avec la bouche dans le but de les faire rigoler,
parce que rien n’est plus craquant que le rire d’un
nourrisson.
Au moment du repas, il y a deux tables, celle des
adultes et celle des enfants, minuscule, en plastique, et ces
petites chaises vertes qui sont elles-mêmes plus hautes que
la table, le tout accompagné de couverts en plastiques,
d’une assiette en carton et d’un verre la Reine des Neiges.
On essaie donc de couper délicatement la viande sans que
la fourchette ne grince, ne se casse et reste plantée dedans,
et d’un petit « mmhhh, c’est super bien cuit », on fait
semblant de trouver parfaite la cuisson, alors qu’on a
l’impression de croquer dans un bout de charbon.
Finalement vient le dessert, par conséquent on se dirige au
bout de la table avec, encore et toujours, son assiette la
Reine des Neiges, dans la perspective de découvrir tout en
salivant quelle part de gâteau marbré est la plus épaisse,
sur quel mille-feuilles il y a le plus de glaçage ou au
contraire, quel est le plus petit bout de tarte aux
damassines, parce que pour faire malgré tout plaisir à tata
Francine, on devra se forcer d'en manger, alors qu'on sait
bien qu’il n’a pas de goût et que les damassines
ressemblent plutôt à des crottes de lapin qu’à des
damassines.
Les pique-niques de famille, c’est une belle comédie
aigre-douce.
PHOTO PERSO
Prendre une photo perso, ce n’est pas seulement
appuyer sur un bouton et entendre un bruit qui nous dit
que c’est fait, c’est pris, recommencer et mitrailler pour
être sûr qu’il y ait une photo de potable ! C’est bien plus
que ça ! Ce n’est pas moins qu’un art, cela requiert
passion et technique ! Et pour ceux qui aiment voir le
résultat directement sur papier, il existe les instantanés !
On a le choix, on peut passer un moment avec notre
famille, aller à un endroit qui nous plaît, ou faire une
simple balade dans un parc. Le sujet une fois déterminé,
on part de chez soi et tout commence…
Le soleil brille, on va rejoindre ses amis, on discute, on
s’amuse, et on rigole beaucoup... On aperçoit, au loin, un
gigantesque arbre au centre du parc. On s’approche et
quand notre main rencontre sa dure écorce, on éprouve
une joie et un bonheur intenses… On contemple le lierre
qui l’entoure. On savoure avec plaisir cet instant, un
sentiment très fort nous envahit. On sait qu’on a trouvé ce
qu’on cherchait : le lieu qu’il nous faut !
Un peu de soleil, mais pas trop, un vieux banc sur la
gauche, avec ces fleurs qui l’habillent… On communique
alors l’idée qui naît en nous à nos amis. On prend un peu
de recul et on sort cette magnifique housse violine dans
laquelle attends sagement notre instantané. Nos oreilles se
régalent du doux bruit que fait la fermeture. On sort
délicatement cet appareil si précieux à nos yeux et on
l’allume. On essaie ensuite de cadrer. On se déplace un
peu à droite, un peu à gauche, peut-être un peu en haut ?
Ou un peu en bas ? On cherche et là, on a trouvé, c’est le
cadrage parfait.
On lance un sourire timide à nos amis qui s’étaient
placés à côté du banc. Ils nous ont compris et nous
sourient en retour. Ça y est, le moment divin est arrivé, il
nous tend les bras. Quelques gouttelettes dévalent notre
front, comme si elles voulaient voir l’image à venir. Nos
yeux fixent l’appareil, nos mains commence à trembler et
notre cœur bat. Une légère brise souffle et l’odeur des
fleurs nous chatouillent les narines. On approche notre
doigt du bouton, on le sent et on hésite. Faut-il presser ?
Notre cœur bas de plus en plus vite, puis c’est bon. On a
pressé. On a entendu ce petit « clic » tant attendu et dont
on ne se lassera jamais.
On regarde nos amis marchant doucement dans notre
direction, on ressent la curiosité qui les envahi. On fixe
ensuite l’appareil qui est en train de sortir la photo. Après
ce qui nous a paru une éternité, on voit les premières
couleurs apparaître. Du brun, du bleu, du rose, du blanc,
du vert… Toutes ces belles couleurs et nos amis debout au
centre de ce magnifique chef d’œuvre, sourires aux lèvres.
On a réussi ! On a immortalisé ce moment si spécial ! Nos
amis regardent avec satisfaction notre photo.
En rentrant, on montrera notre prodige à notre famille,
avant de l’accrocher soigneusement à notre mur avec des
morceaux de scotch pour pas l’abîmer. Elle sera à côté
d’autres photos qui, lorsqu’on posera notre regard sur
elles, nous remémoreront des moments aussi précieux les
uns que les autres. Et si on peut être sûr d’une chose, c’est
qu’on ne les oubliera jamais…
LA PLUIE OUBLIEUSE
Assis sur un banc, contemplant ce spectacle
fantastique, on ne pense plus à rien. On entend cette douce
mélodie régulière qui nous berce et déjà berçait notre
enfance. On discerne la merveilleuse odeur de la pluie
mélangée à la terre. Sur l’entier de notre gosier s’étale une
fine couche d’humidité rafraîchissante aux mille et une
saveurs nous permettant de goûter l’atmosphère
d’habitude fade, en une bouchée.
On remarque la joie des enfants qui sautent dans
chacune des flaques, beaucoup plus amusés que lorsqu’ils
bondissent sur leur vieux trampoline quand la chaleur est à
son comble. Les voitures qui défilent laissent apparaître,
derrière le vitrage trempé, les yeux émerveillés des
bambins qui ne souhaitent qu’une seule chose, sortir de
leur cage à roulette pour enfin sentir ces tendres ficelles
d’eau le long de leurs bras frêles. On se perd réellement
dans l’instant présent. Tant que l’arrivée du bus, pourtant
bruyante, est passée inaperçue. On monte rapidement afin
de trouver une place se situant juste à côté d’une vitre
d’où l’on pourra continuer à admirer la merveille. On
aimerait, dans notre bulle, que ce moment ne finisse
jamais. Les gens autour de nous n’existent plus, comme si,
en un éclaboussement, le monde s’arrêtait…
Malheureusement, on a à peine le temps d’y songer que
l’on doit déjà en sortir.
Quand l’averse laisse place au soleil, les effluves
fraîches et sucrées de pétrichor et d’ozone accueillent à
bras ouverts les problèmes de la vie qui reprend son
cours… Les soucis, ainsi que le ciel bleuâtre,
réapparaissent. On réfléchit à ce que l’on a omis de dire,
aux actes que l’on a délaissés mais aussi à tout le stress
qui « aurait pu » ne pas exister si l’on s’en était occupé.
On se dirige alors désespérément dans notre ridicule
maisonnette dont chaque mur arbore des photos qui nous
évoquent ce que l’on n’est et ce que l’on n’a plus… Car la
pluie est la seule chose qui a toujours déjà été là. Elle a
présidé à nos premiers pas, à nos premiers mots et jusqu’à
notre premier baiser à la maternelle, aux évènements qui
sont imprimés sur ces bouts de papier et à tous ces autres
qui restent dans notre tête, à moins qu’elle ne vienne
bienheureusement les suspendre.
On ferme donc nos volets de sorte qu’on ne s’en
préoccupe plus, mais on se retrouve dans le noir, à se
maudire de plisser les yeux, de peur, quand on le fait, de
revivre le passé et de finir plus triste qu’avant.
Dans ces conditions insupportables, on s’assied sur
notre mini canapé, précisément devant l’ignoble pendule
que tante Jacqueline a « gentiment » décidé de nous
léguer. On entend le tic-tac qui s’accélère quand nous
sommes heureux et qui ralentit dès que ce sentiment a
disparu. La pluie, pourvoyeuse d’oubli, a beau être partie,
voilà qu’une nouvelle sorte d’ondée jaillit de nos yeux. Et
cette pluie-là prend plus de temps que la première avant
de s’arrêter. On finit par s’endormir en rêvant à la ouate
flottante, où l’on s’immergeait quelques heures
auparavant, au martèlement liquide, au bonheur de la terre
qui a été enrichie par cette eau, à ces microscopiques
bolides sans lesquels aucune vie ne serait possible, et au
nôtre, celui d’avoir oublié.
On se réveille les joues salées… Mais on se rappellera
chaque jour de notre vie ce précieux moment qui nous a
débarrassés, pendant quelques minutes, des inoubliables
difficultés que l’on voudrait pouvoir effacer de soi-même
aussi facilement que l’a fait cette formidable pluie, et qui
nous destine à vivre dans les régions les plus humides du
monde, l’Écosse ou la jungle équatoriale.
LES ONGLES
Les personnes qui se les rongent attirent le dédain. Les
soigneux les coupent à l’aide d’un coupe-ongle, comme
nos parents nous le faisaient; les méticuleux à l’aide de
petits ciseaux conçus à cet effet, d’autres encore les liment
parce que cela dérange d’avoir des doigts rugueux voire
coupants ; les coquets les peignent de couleurs tantôt
éclatantes tantôt sobres, les vernir n’étant pas forcément la
meilleure des idées, car le vernis émet une forte odeur
chimique qui nuit à notre système respiratoire ainsi qu’à
notre environnement, mais la majorité d’entre nous
apprécie ce genre d’émanations, quoiqu’elles aient tout
sauf des effets bienfaisants sur nos poumons...
Une fois nos ongles peints et nos mains belles, on se
sert de celles-ci quelques jours et le vernis de ceux-là
s’écaille, s’écorche et se griffe. De petites particules du
vernis se dispersent dans tous les endroits où nous
sommes passés. Cette jolie couleur que l’on avait mise sur
nos ongles finira tôt ou tard dans l’eau, donc, l’enfer étant
souvent peint des meilleures intentions, dans l’océan et
sûrement dans le ventre d’un animal innocent, personne
dans cette histoire n’ayant réfléchi plus loin que
l’extrémité de ses doigts.
Par contre, d’autres personnes arrachent leurs ongles à
l’aide des dents, devant un film ou lorsqu’on a du temps à
perdre et les mains inoccupées. Or c’est une sorte de
plaisir et de satisfaction, pareils à celui que ressentent
ceux qui, ayant construit un domino géant, au bout de
longues heures de travail font tomber la première pièce,
entraînant les autres une par une.
Les ongles, on attend des jours et des jours qu’ils
repoussent. Puis lorsqu’on se retrouve devant la télévision
ou que l’on ne sait pas quoi faire en classe, on se les
ronge, on va parfois même jusqu’à garder le petit morceau
d’ongle dans la bouche pour le mordiller, et s'il arrive
qu’il se coince entre deux molaires, alors c’est un défi de
l’en décoincer. Mais, une fois qu’on a réussi, on essaie de
le recoincer, afin de recommencer l'exercice.
Certaines personnes vont jusqu’à se manger les petits
bouts de peau même si c’est douloureux et peu ragoûtant.
Se ronger les ongles fait définitivement partie des
plaisirs infâmes que nous offrent nos doigts.
VU
On relit une fois, deux fois, change un mot ou deux et,
d’une main tremblante, finit par presser sur envoyer, alors
qu’une goutte de sueur se forme à la racine des cheveux et
qu’on est submergé par une vague de stress. Ce n’est
qu’un simple sms, et pourtant on attend, attend ces deux
simples lettres suivies de leurs trois fidèles petits points.
Les secondes finissent par se transformer en minutes.
Notre cou commence doucement à faire mal mais, malgré
l’inconfort du moment, notre attention reste plongée dans
ce petit rectangle fait de plastique et conçu par un col
roulé célèbre. On ne respire plus. On est en apnée.
Retenant sa respiration, on vagabonde dans son esprit.
Que va penser cette personne ?
Songeur on baisse les yeux sur son écran. Ils sont là, les
trois petits points sautillants. Enfin. Fébrile, on place ses
doigts sur le clavier. L’adrénaline monte, monte !
Que va être sa réponse ? Un sourire nerveux se forme
aux coins de nos lèvres. Puis plus rien. On cligne des
yeux, ébahis, essayant de comprendre ce qu’il vient de se
passer.
Les points se sont enfuis, ont décampés.
L’adrénaline redescend pour faire place à un nouveau
sentiment : l’amertume.
Discuter sans parler, pleurer sans être triste et rigoler
sans même sourire. Nos ressentis sont restreints ou au
contraire, ridiculement exagérés. Impossible de déchiffrer
quoi que ce soit dans le bombardement d’émoticônes que
l’on s’envoie à longueur de journée, se gavant de fausses
expressions au point de ne plus pouvoir distinguer le vrai
du faux.
On renifle un peu, essayant en vain de se convaincre
que tout cela importe peu, alors qu’au fond, on sait que
l’on appréhende déjà le malaise qu’on éprouvera en
présence de cette personne le lendemain.
On soupire, se frappe éventuellement, avant de s’affaler
sur sa chaise. On contemple son écran, la lumière de la
pièce y forçant son reflet. Pathétique, se dit-on. Le ridicule
de la situation est presque insoutenable. Tant d’évolutions,
de développements de la communication au sein de
l’espèce humaine et, pourtant, on en est là, ne sachant pas
comment réagir face au vide.
Là, devant à cet écran, devant ces lettres silencieuses
nous hurlant à la figure. On pourrait presque les voir, là,
moqueuses, nous pointant du doigt et gloussant devant
notre bêtise. C’est narguant. On déglutit, forcé, plein de
rancœur d’accepter un si simple mot : VU.
Classe p3j – HS2020
Hilary Vu
Priya Les ongles
Inès La pluie oublieuse
Zoé Photo perso
Julie Piques-niques de famille
Loris Jouer à Fifa entre amis
Nolan La messe
Lucia Lire un roman
Louanne Se laver les cheveux
Selenah La voiture
Gaïane Peindre un mur
Fiona La pilosité
Morgane Prendre une photo
Tobias La voie, chemin de la réussite
Solène Le premier but
Marceau Le chocolat
Maud Une chanson
Daniel Prendre le train
Clotilde Lire
Cléa Ouvrir la fenêtre
ÉNORMES PETITS RIENS
Classe p3j – HS2020
Écrites dans l'esprit de La première gorgée de bière de
Philippe Delerm ces fables tantôt révèlent les préciosités
du quotidien, tantôt posent sur elles un jugement
paradoxal.

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énormes petits riens

  • 1. Énormes petits riens Classe p3j – HS2020 éditions de l'école Laufon / Laufen
  • 2. Classe p3j – HS2020 Écrites dans l'esprit de La première gorgée de bière de Philippe Delerm, ces fables tantôt révèlent les préciosités du quotidien, tantôt posent sur elles un jugement paradoxal. Sommaire Ouvrir la fenêtre Lire Prendre le train Une chanson Le chocolat Le premier but La voie, chemin de la réussite Prendre une photo La pilosité Peindre un mur La voiture Se laver les cheveux Lire un roman La messe Jouer à Fifa entre amis Piques-niques de famille Photo perso La pluie oublieuse Les ongles Vu
  • 3. OUVRIR LA FENÊTRE Ouvrir la fenêtre est bien plus délicat qu’ouvrir une porte. Lorsque l’on ouvre une porte on ne se pose pas de question, aurais-je trop froid, trop chaud ? La fenêtre est faite pour aérer une pièce et non pas pour en sortir. D’autres différences creusent l’écart entre la porte et la fenêtre, par la fenêtre on observe, par la porte on écoute. Par une porte on quitte un lieu pour plus ou moins longtemps, alors que par une fenêtre, c’est l’air qui quitte son milieu pour nous rejoindre et changer l’ancien parfum de notre habitat. Grâce à une fenêtre on s’ouvre au monde, la porte permet de s’en couper, l’ouverture permet de voir l’extérieur sans même s’y trouver. L’air nouveau nous offre un moment unique de bien-être. Une fois que l’envie de fraîcheur nous hante il faut l’assouvir, on a besoin de la sentir sur notre peau. Pour cela il faut tout d’abord réveiller ses jambes engourdies afin de les trainer jusqu’au lieu de la délivrance. Quand on aperçoit la fenêtre on peut s’imaginer une toile formée par le cadre, la vitre, ce qui se cache à l’arrière, la nature, les immeubles et plus particulièrement notre reflet se mélangent afin de compléter la peinture de l’artiste. On doit ensuite agripper la poignée froide à l’aide de toute sa force, on la fait par la suite pivoter, on tire et l’air s’insinue dans la salle, le vent souffle dans nos cheveux, nous fait frissonner et renaître de nos cendres. Les rayons du soleil qui désormais peuvent nous toucher, chatouillent notre peau fragile. L’odeur de la sève ou encore de l’essence arrive à nous. Parfois même, on peut deviner ce
  • 4. que nos voisins mangeront. On quitte ensuite l’embrasure en se regardant une dernière fois dans la vitre translucide. Nos jambes maintenant pleines de vivacité, on marche sans peine jusqu’au lieu où tout a commencé, on repose son arrière-train sur la surface qui y était vouée. On continue de vivre dans l’euphorie du vent qui nous a désangoissés et détendus. Quand le moment sera venu, il faudra la fermer en veillant à ne pas se pincer pour éviter des larmes salées, on reprendra la poignée, poussera la fenêtre, le bonheur pourra recommencer à tout moment. Cependant certaines fenêtres ne s’ouvrent pas, ou encore pire, nos hôtes ne veulent pas les ouvrir, alors toute la gaité du moment s’effondre. Un type de fenêtres peut être synonyme de malheur pour certains, les soupiraux pour les prisonniers. Leur seule chance de voir le soleil est d’espérer qu’il passe un jour la minuscule encadrure devant laquelle passent plus souvent d’autres prisonniers. Un simple cadre contenant une plaque de verre peut nous offrir la même joie que ressent l’oiseau en sortant de sa cage. Cette invention certes imparfaite nous permet de changer notre environnement, l’ambiance d’un lieu en quelques secondes. Sans fenêtres la vie serait d’autant plus triste, car elles permettent qu’on s’évade un instant. LIRE Ce n’est pas rien, lire, c’est voyager, ça nous emporte dans d’autres mondes, nous fait faire des rencontres improbables avec des créatures chimériques ou des hommes ordinaires, des individus au caractère imprévisible ou complètement stéréotypé, on y vit des aventures extraordinaires, on en revient parfois changé, notre point de vue ou encore notre esprit se sont développés. Les livres sont un périple fabuleux, peuvent devenir une drogue grâce à laquelle on peut quitter ce quotidien banal et morne, dépourvu de toute féerie. On passe devant l’étagère, nos yeux glissent sur les volumes bien alignés. Soudainement, notre regard s’arrête sur un ouvrage attendant sagement parmi ses semblables. Il pourrait passer inaperçu mais un détail, sur son dos, attire notre attention : sa couleur inhabituelle, son titre mystérieux, la brillance de sa tranche… On le prend, le soupèse, l’observe. On admire sa couverture, s’étonne devant son illustration condensant son histoire. On hume l’odeur douce de vanille et d’amande due à la dégradation du papier. On le retourne, on lit son résumé afin de s’enquérir du plaisir que provoquera sa lecture. On l’ouvre, le feuillète, on caresse la surface duveteuse de l’imprimé. On s’installe confortablement, on commence l’ouvrage. Dès les premières pages, on entre dans une bulle qui nous coupe de la société, du bruit extérieur, rythmée uniquement par le frottement feutré des pages que l’on tourne. On goûte leur saveur ancienne en portant son doigt
  • 5. à la bouche à chaque fois que l’on avance dans sa bible. Où que l’on soit, on s’envole pour un univers distinct. On n’est pas uniquement quelqu’un en périphérie de cette chronique, on vit les évènements avec le protagoniste. On rencontre les personnages, certains deviennent des amis, d’autres des ennemis que l’on veut renverser à tout prix. On découvre des peuples étonnants, des cultures étranges et passionnantes, des cultes hérétiques, des despotes à détrôner, des héros qui ont besoin d’aide pour achever leur quête, des technologies futuristes ou médiévales, des épées, arcs, arbalètes, parmi de l’artillerie laser. Arrivé à la dernière page, refermant le livre, on remet notre épée au fourreau, on laisse les dragons s’envoler. On se rend compte que l’on est assis chez soi, à l’arrêt de bus, sur un banc. On retrouve son corps. On repense avec mélancolie à l’incroyable aventure que l’on vient de vivre, à ses compagnons, à la contrée que l’on a quittée. Pour eux, c’est fini, on essaye de continuer l’histoire afin de ne pas les oublier et les laisser là-bas sans nous, on se remémore l’intrigue inlassablement, on se fait des fictions où l’on remplace d’autres adjuvants par soi-même. Mais on est de retour sur terre, ce lieu si ennuyeux où l’on n’est personne, où aucune péripétie ne nous attend, à moins que l’on aille les chercher. Ayant beaucoup lu, on entre dans un club de bibliomanes avec qui on peut partager et, ensemble on devient quelqu’un. On range les livres. On en reprend d’autres. Quand on a commencé de lire, on ne peut plus s’arrêter. On lit pour sentir l’adrénaline, être avec quelqu’un qui a une grande destinée, s’évader de ce monde dépourvu de magie. Dire que l’on se « cultive » n’est qu’une piètre excuse pour cacher son besoin de s’enfuir grâce à une chose si semblable à un stupéfiant : un roman. Quand on dévore les bouquins, on connaît les auteurs, les styles de littérature, on sait lesquels apporteront les effets recherchés, euphorique, hallucinatoire, stimulant… Le livre c’est la came de l’écrivain que le lecteur doit faire attention de consommer avec modération s’il ne veut pas devenir dépendant, en vouloir toujours plus au point de courir le danger de devenir lui-même écrivain.
  • 6. PRENDRE LE TRAIN Prendre le train, c’est bien plus que faire un déplacement. C’est un voyage, une aventure. À chaque trajet, on découvre de nombreux nouveaux paysages, forêts sombres, montagnes immenses, sommets enneigés, champs sans fin où dort quelquefois un vieux tracteur rouillé. Les rayons du soleil scintillent sur la surface de vastes lacs bleus turquoise. On traverse des villes bouleversantes avec leurs gratte-ciels, leur architecture moderne, des foules d’habitants. Du train, on aperçoit des cafés avec de petites terrasses décorées de fleurs et de plantes exotiques. En passant, on voit plusieurs panneaux au nom de la ville et on se demande comment font tous ces citoyens pour ne pas s’y perdre. Cependant la beauté du voyage ne train ne se réduit pas à la contemplation du paysage. Ça débute quand on monte et qu’on sent cette odeur pareille à celle d’une nouvelle automobile. Ensuite, on se dirige vers notre compartiment choisi particulièrement pour sa vue panoramique. On prends le temps d’apprécier l’espace qu’on va occuper pendant quelques minutes, éventuellement quelques heures. On se pelotonne à petits coups sensuels sur le siège, profitant du volume dodu, mi-compact, mi-doux. L’appuie-tête en cuir craquelé soutient notre crâne et on croirait qu’un énorme poids vient de s’envoler. Évidemment que le fauteuil est très usé en revanche il est aussi confortable que quand il a été installé il y a 15 ans. On salue discrètement d’un coup de tête respectueux et d’un bonjour à peine murmuré nos voisins qui s’occupent en lisant un journal, un livre ou peut-être un magazine. On entend au loin le cri d’un bébé, provenant sûrement de la deuxième classe. Le contrôleur passe et vérifie nos billets mais la plupart du temps on a des abonnements, c’est plus simple cela évite le stress. On attend quelques minutes, le temps que tous les passagers montent. Et tout d’un coup on entend ce sifflement perçant mais rassurant qui annonce le départ du lourd véhicule. Les portes se ferment, et le train commence à avancer lentement. On aperçoit un gros businessman essoufflé, le visage rouge, qui court derrière les wagons, criant et agitant les bras, espérant attirer l’attention du conducteur. Mais pas de chance, le train prend de la vitesse et quitte le quai. Du pauvre abandonné, il ne reste plus qu’une petite tache à l’horizon. On quitte enfin la ville, on commence alors à apprécier le voyage, mais chaque courbe que passe le train aux mouvements si gracieux nous donne envie de dormir. Le temps ne semble plus exister dans cet espace magnifique. On ne perçoit même plus le bruit des roues sur les rails. Il semblerait qu’on soit tout seul. Hélas le temps passe vite, trop vite à notre goût. Sans s’en apercevoir, on est déjà arrivé, et sans vraiment le vouloir, on quitte sa place, on se dirige lentement vers la sortie, on descend lourdement les marches, montrant notre mécontentement. Or en marchant notre humeur s’éclaircit, on sourit même un peu en se rendant compte qu’on peut revivre cette aventure n’importe quel jour de notre vie si on le désire. C’est ça la magie de prendre le train, on peut le vivre n’importe quand et n’importe où.
  • 7. UNE CHANSON Écouter et jouer de la musique, ça fait partie de nous, c’est quelque chose qu’on fait au quotidien, à voix haute ou dans la tête, en marchant d’un endroit à l’autre, sous la douche, dans le bus et, bien évidemment, au cours de danse, car sans musique nous ne danserions pas. Quand on rentre à la maison et qu’on se sépare de nos amis, on préfère tous marcher avec la musique nous passant par les oreilles plutôt que rentrer tout seul perdu dans ses pensées. Et c’est tout un rituel, écouter de la musique. D’abord il faut prendre le fil totalement emmêlé dans notre sac, même si beaucoup ont des écouteurs sans fils et du coup la vie facile. Après l’avoir démêlé, on le branche sur notre téléphone puis on dépose nos écouteurs gentiment dans nos oreilles. On allume le précieux mobile à la vitre toute fracturée, car on n’en prend pas tellement soin, et d'ailleurs la plupart se dit que papa et maman vont en acheter un nouveau après un an d’utilisation, on l’allume donc et on se dit « pas le temps d’ouvrir toutes ces notifications reçues », on fonce droit sur l’application de musique, on se dirige en direction de notre playlist, on l’ouvre et là, on aperçoit toutes nos chansons et podcasts préférés, on s’aventure pour trouver la baliverne sur laquelle on aimerait se jeter pendant le trajet, enfin elle débute, on commence à marmonner, ah mais en pensée seulement ! pas à haute voix comme à la maison, car on a honte de chanter seul dans la rue. On aime la mélodie et les paroles de ce chanteur, on continue de murmurer dans notre tête, puis vient un mot qui semble vulgaire à notre goût, ainsi on invente des petits sons ou encore des mots pour le remplacer, par exemple un petit bip, heureusement ce vilain mot n’aura duré qu’un millième de secondes et, après cela, on peut poursuivre et continuer de se croire dans les nuages, on a envie de se trémousser, de pleurer, de faire n’importe quoi, cependant on n’oublie pas le fait qu’on est en train de marcher dans une ruelle et que le ciel est gris, néanmoins on se débarrasse des points négatifs, écouter de la musique, c’est une excuse pour se vider de nos émotions et relâcher la pression qui se trouve dans notre cœur. La fin de la chanson approche et on se dit que le plaisir sera bientôt terminé, mais deux secondes plus tard on en trouve une autre, puis une autre, la joie peut toujours recommencer. Mais aussi on s'est tant plongé dans ces chansons, les écoutant on les a tant chantées ou sifflées, claquant des doigts, frappant des mains, on a tant bougé, vécu avec, que peut importe si la batterie est plate, si la vitre s'est effondrée, on finit par les recréer pour soi et interprète à notre volonté !
  • 8. LE CHOCOLAT Une fois qu’on a fini le premier bout de chocolat, on en veut un deuxième, puis un troisième, et après c’est une boîte entière, néanmoins ça ne suffit pas, alors on retourne au magasin pour en acheter une autre. Ce qu’on doit retenir, c’est qu’on n’en mange jamais assez. Le chocolat est un plaisir coupable. Certes c’est une merveille mondiale et appréciée de tout le monde, mais qui traîne bien des casseroles. Profiter, après avoir soigneusement déplié l'emballage et pris le chocolat dans sa main, de cette collation sucrée et grasse qui rend dépendant et obèse, fait plus de mal que de bien. Une fois mise en bouche on ne constate d'ailleurs pas, en goûtant sa subtile saveur, la culpabilité qui commence petit à petit à croître. On n’y pense pas, et pourtant, ayant acheté du chocolat, on a fait souffrir un enfant de plus. Cet enfant a travaillé douze heures d’affilées en ramassant des fèves de cacao sous le soleil écrasant à plus de 40°C, en Afrique ou en Amérique du Sud, et n’a pas récolté dix francs de salaire par jour. Tout ça pour un plaisir personnel et égoïste ! Lorsqu’on commence lentement à le croquer, on ne se rend pas compte, une fois de plus, d’une autre chose encore, et c’est que le chocolat a une fabrication non- écologique, sa confection pollue énormément, sans compter qu'on étouffe la planète sous des papiers d'emballage produits inutilement et que la livraison par bateaux ou avions cargos la salit. Après avoir remarqué qu’on avait sali son pull en s’étant essuyé les doigts dessus et tout en finissant de mâcher le chocolat qui commence gentiment à devenir onctueux, on conclut qu’on devra faire une lessive à cause de cette petite tache brunâtre. Alors, fâché, le chocolat presque soluble dans notre bouche, pianotant son mobile à l’écran bientôt très gras lui aussi, on prend conscience que ses prix augmentent chaque année partout dans le monde. Une fois que cette gourmandise est entièrement à l’état liquide et qu’elle descend au fond de notre cavité buccale, on oublie vite la phrase piochée sur le web « le diabète surgit quand on en abuse, ce qui oblige à faire un traitement et occasionne des frais médicaux monstrueux ». Jouissant de cette saloperie qui cause du tort à beaucoup de personnes et finissant de l’avaler, on remarque, lorsqu’elle entre dans notre estomac, qu’on a dépensé bien trop d’argent pour éprouver un sentiment de culpabilité qui, au fur et à mesure, va nous ronger de l’intérieur. Cependant, le chocolat ayant entièrement pénétré dans notre estomac, on a tout de suite la sensation d’être plus nerveux, allumé. On conclut que le chocolat nous déconcentre, nous hante l’esprit et nous empêche de le faire fonctionner. Puis après le moment d’excitation terminé, on se sent très las, endormi, mou. Car si le chocolat nous excite, c’est avant de nous endormir complètement les muscles et les neurones. Puis sa digestion continue jusqu’au moment où le besoin d’aller aux toilettes survient. Cependant, on s’aperçoit qu’on n’y arrive pas. Réflexion faite, le chocolat constipe. Alors on
  • 9. se sent mal pendant quelques jours jusqu’à ce que ça passe. Finalement, le chocolat est un poison qui nous poignarde à chaque fois qu’on en mange, une punition que l’on s’inflige. La seule personne à qui on peut s’en prendre, c’est soi-même. Car pour nous le chocolat est une maladie incurable, une drogue qu’on ne peut plus quitter. On mange du chocolat afin d’oublier le chemin entre le cacaotier et le velours de la boîte, toute la chaîne d’humains concassés entre eux, et jusqu'au « fin gourmet » après eux. LE PREMIER BUT Après tout, ça ne compte pas réellement : ce sentiment de toute-puissance qui nous submerge quand on a pu changer le résultat final n’est qu’une illusion vite dissipée. Chacun a marqué son premier but un jour et chacun en a encaissé plusieurs, ainsi que des défaites. Cela arrive à n’importe quel match. C’est anodin et pourtant, les gens nous applaudissent pour une action à peine maitrisée, réalisée de la pointe du pied, dans l’urgence. On a affronté tellement de difficultés pour atteindre un objectif si banal. On y a passé des heures alors que tout cela ne sert qu’à la joie d'un instant. Pendant le match, on sent la fatigue et la chaleur du soleil qui nous donnent envie de nous arrêter à chaque minute, or il suffit d’un moment d’inattention de la part de l’autre équipe pour pouvoir se mettre en position de tir. On a voulu amortir la balle de la tête, et on l’a fait rouler maladroitement jusqu’à nos pieds afin d’essayer de la mettre en bonne position. Faute de l’avoir cognée du front assez fort, un filet de sang nous laisse une saveur amère sur la langue. Durant un souffle, on a le temps de pivoter ainsi que de se préparer à tirer. On entend les encouragements du public qui nous motivent. Une fois la balle correctement placée, on s’élance en faisant basculer la jambe dans le but de la faire rentrer en collision avec l’objet tant convoité par les vingt-deux joueurs et sur lequel convergent les yeux de la trentaine de spectateurs. Malgré notre mouvement novice exécuté dans le stress, le cuir, après le bruit d’impact, part en tremblant sous le
  • 10. choc, monte dans le ciel et arrache les toiles d’araignées de la cage, avant de retomber dans les filets distendus. Une sensation de joie nous envahit. Nos camarades se mettent à rire alors que nos adversaires pleurent. En parallèle, des sourire se dessinent sur les visages autour de nous, on voudrait garder cette image pour l’éternité, et avec elle, l’odeur des cigarettes fumées par ces supporters, le bruit strident du sifflet de l’arbitre, le goût de la victoire que l’on entrevoit et les mains de nos coéquipiers qui tapent dans les nôtres. Cependant, le souvenir du premier but ne dure qu’un instant et disparaît rapidement. Les spectateurs ont admiré, applaudi, commenté, quand ils n’ont pas avalé ton tricot, mais oublient l’événement fréquent qui vient de se passer. Bientôt, personne ne se rappelle. A la fin du match, on vient nous féliciter. On nous sort des compliments que l’on répète tous les jours à qui veut l’entendre. Déjà, ils ne signifient plus rien étant donné que l’autre équipe ressort déçue du match par notre faute. Les regards de haine et de jalousie cherchent des visages béants. On ne sait même plus pourquoi ils ont de la rancune envers nous. Le seul individu à repenser pleinement à l’instant n’est peut-être que celui qui a vu la scène du plus près, le gardien. Et pourtant, c’est celui qui nous en veut le moins, lui qui est sûrement rongé par la culpabilité. Finalement, tous partent plus dépités qu’heureux. Au bout d’un jour, on ne se remémore plus le score. A la fin d’une semaine, seule la victoire nous reste en mémoire. Et à la fin, la réminiscence du premier but disparaît lentement pour laisser place à l’effervescence des prochains goals. LA VOIE, CHEMIN DE LA RÉUSSITE Cela commence par ce petit rituel, faire le nœud de huit, se démener afin d’enfiler ces chaussons qui font tellement mal aux pieds que l’envie de les retirer se présente déjà, et plonger les mains dans son dos, atteindre l’or blanc qui asséchera les mains, créera l’adhérence facilitant l’ascension du mur, tout en leur faisant de petites crevasses douloureuses. Puis vient le moment où l’on vérifie avec appréhension le système d’assurage de notre partenaire, une fois, parfois deux. Dès lors, on est prêt, on regarde au-dessus de soi et on voit les prises aux mille couleurs et formes. Mais dans cette structure folle, seule la voie nous intéresse. Ce chemin énergivore créé pour qu’on se surpasse. Une main agrippe une prise que l’on espère être la première de toutes celles qui tracent la route vers l’arrivée. La pression monte, on lâche une dernière plaisanterie à notre assureur et l’on saisit la deuxième prise. Les pieds viennent rejoindre les mains sur ce chemin vertical. Ça y est, on est sur le mur. L’hésitation, si prenante au début, fait place à la détermination. Tout devient clair, une main après l’autre, les muscles font leur job, donnent naissance au ballet du grimpeur qui par de voluptueux mouvements se rapproche du sommet, or le but semble s’éloigner, lui étant concentré sur l’effort de continuer, elle avait disparu, complètement perdue dans un sombre recoin de son esprit, la prise finale. Mais déjà on lève les yeux et elle surgit. Quelle est la distance qui le sépare d’elle ? Une seule chose est sûre, plus que l’on ne saurait supporter.
  • 11. Néanmoins sous cette vague de soumission naît une nouvelle force. On resserre les doigts, maintenant investis d’un regain de puissance. On la saisit à ce moment-là avec une force que l’on croyait à jamais perdue. Vient ce sentiment d’être une personne que les autres ne sont pas, un égal des dieux, cependant cela ne demeure qu’un minuscule instant. Cette sensation part aussi vite qu’elle était venue. La réalité reprend donc le dessus et on offre un grand sourire à notre compagnon qui nous confirme d’un signe de tête que l’on peut lâcher ce mur, producteur non seulement de souffrance, d’angoisse, de doute, mais aussi de détermination et de satisfaction. On lâche alors la paroi et c’est le vide, l’abîme. L’impression de voler comme l’araignée se lâchant de sa toile de soie que l’on a vue le matin en buvant son café. Toutefois cette sensation féérique, comme celle d’avant, ne dure qu’une malheureuse fraction de seconde, la gravité reprenant le dessus et, en quelques mouvements, on se retrouve au point de départ : Bras douloureux, doigts engourdis dans la pof, heureux d’avoir atteint son objectif. On a trouvé la voie. PRENDRE UNE PHOTO Bien sûr tout le monde a un téléphone portable dans sa poche capable de prendre des dizaines de photos en quelques secondes, mais ce n’est pas vraiment ça, photographier, prendre une photo, c’est tout un art qui nécessite de la passion et de la technique, c’est capturer un instant éphémère pour le rendre éternel, et c’est donc presque nécessairement utiliser un appareil numérique offrant la possibilité de régler l’ouverture du diaphragme, la vitesse d’obturation et la sensibilité afin d’obtenir un rendu correctement exposé et net. Appareils auxquels on peut fixer différents types d’objectifs interchangeables. Bref, ces avantages font la différence. Au-delà de ces questions, le processus de la photographie est un plaisir qui nous rend réceptif et sensible, c’est également quelque chose d’excitant, car on ne sait jamais vraiment à quoi va ressembler le résultat final. Avec le temps et la pratique, on commence à faire certaines choses presque inconsciemment, comme par exemple guetter un regard, une expression, des traits ou une nostalgie capable de résumer ou plus exactement de révéler une vie. Tout commence quand on décide de partir se balader seul avec son appareil. On descend l’allée puis on marche quelques minutes pour se retrouver dans une rue commerçante animée où déambulent plusieurs groupes de personnes. Certaines décontractées et gaies nous sourient, d’autres semblent plus pressées et marchent d’un pas rapide. On peut sentir la délicieuse odeur des marrons grillés que vend une femme au coin de la rue. On décide
  • 12. de s’arrêter, d’en acheter un petit sachet et d’en manger quelques-uns assis tranquillement par terre. On déguste la saveur boisée de la châtaigne, on en avale deux ou trois avant de se remettre en route. On entre dans un immense parc. On y contemple les couleurs orangées et l’ambiance automnale. Les arbres, dont les feuilles commencent à prendre des teintes flamboyantes, abritent des bancs. Sur l’un d’eux, un vieil homme s’est assis pour y lire son journal, on a même la chance d’apercevoir à quelques mètres de nous un écureuil. Soudain inspiré par la beauté de cet endroit, on sort son appareil. En ouvrant son sac on écoute le bruit que fait la fermeture éclair puis on attrape le précieux boîtier et on passe la lanière de cuir autour de son poignet. On se baisse et pose un genou au sol pour avoir un point de vue différent de celui auquel on est habitué et trouver l’angle idéal qui rendra la photo moins ordinaire. On regarde à travers le viseur puis on effectue les quelques réglages nécessaires avant d’appuyer sur le bouton de déclenchement. Il y a une seconde d’attente avant que l’image apparaisse sur l’écran, une fois qu’elle s’est affichée, on l’examine pour vérifier qu’elle soit nette et exposé à notre gré. On se relève pour continuer à déambuler dans le parc, s’arrêtant ici ou là pour photographier tantôt la nature paisible, tantôt un groupe de chiens joueurs courant joyeusement après une balle. Quand vient l’heure de rentrer, on range soigneusement son matériel, on referme son sac et on prend le chemin du retour. Une fois arrivé à la maison, on a qu’une hâte : découvrir et trier les clichés qu’on vient de prendre. On espère pouvoir en trouver quelques-uns qui nous conviennent. On fait défiler les images sur l’écran jusqu’à ce que l’une d’entre elles attire notre attention. Elle représente un coin boisé où se dessine un chemin en partie recouvert de feuilles, la lumière est douce et chaude, au premier plan on voit une famille de moineaux picorant de petites graines et à l’arrière-plan on peut distinguer un vieux kiosque à musique. Cette photo a quelque chose de plus que les autres, on l’imprimera, l’accrochera, on ne l’oubliera pas.
  • 13. LA PILOSITÉ Jambes, bras, torse… Partout on s’enlève la bourre, sauf sur notre tête ! Alors, est-ce par volonté de revivre l’âge innocent, par peur de vieillir qu’on les retire ? Ces petits êtres naturels, si protecteurs, nous répugnent plantés dans notre cuir, alors qu’ils deviennent un outil de beauté au-dessus de notre crâne  ! Ils font partie de notre quotidien, que l’on s’épile ou que l’on débouche le lavabo obstrué de poils. La mode de l’épilation est apparue, en Occident, au XXe siècle. Par étapes, les aisselles en premier, puis les jambes et finalement avec les minous et zizis. La pornographie, multipliée par les médias, hier les revues, les vidéos, la pub et la télévision, aujourd’hui par internet, a contribué fortement à renforcer l’idéal imberbe. Le seul endroit où l’on verra du pelage sur le petit écran, ce sera ou dans un programme animalier ou dans des publicités d’épilation. Les marques nous démontrent les mérites des cires, bandes froides, rasoirs ou encore crèmes, on nous dit que cela est indolore, est-ce vrai ? On débourse chaque mois une somme faramineuse pour réduire cette toison primitive dans un salon d’esthétique ou de coiffure. La plupart de la clientèle est féminine car chez les femmes, la pilosité renvoie à la saleté alors que dans le monde masculin, elle est associée à la virilité. Une fois qu’on s’y attaque, bien des dangers guettent. En outre, la cire trop chaude peut nous brûler, le rasoir nous couper, l’onguent dépilatoire provoquer une allergie, de même que l’épilation définitive au laser nous endetter. Certes, on peut choisir d’ôter sa soie à domicile, et on est probablement plus à l’aise dans son petit cocon pour exécuter ce soin intime, mais non, ce coup-ci, on s’y aventure. Le jour tant attendu est arrivé, le rendez-vous approche et le stress nous envahit, maintenant une boule nous prend au ventre quand on passe la porte de l’institut. On se déshabille devant une personne que l’on connaît à peine. Avant ça, on voit la cire chauffée et on flaire la douce odeur qu’elle diffuse dans toute la pièce. Une fois installée confortablement sur un fauteuil, on sent cette chaude substance mi-liquide, mi-solide se poser sur notre peau. Nos muscles se contractent, la pression exercée sur la bande nous informe que l’heure est venue. En une fraction de seconde, un crissement strident retentit, précédant un cri de douleur et une larme qui dégouline sur la joue droite. C’est fait, un rectangle lisse est apparu exactement à l’endroit souhaité. Pour autant, ce n’est que le début ! La souffrance vient se mêler à une attente interminable. Nos ongles s’enfoncent dans le siège et tout recommence jusqu’à ce qu’on nous dise que c’est enfin terminé. C’est une moindre consolation que de savoir que, si l’on s’oppose à subir tous ces inconvénients, on risque de ne plus être conforme aux yeux de la société.
  • 14. PEINDRE UN MUR Peindre des murs, c’est un métier, un passe-temps ou un art. Toute personne peut peindre au risque d’un résultat infâme. Peindre un mur commence bien avant que votre créativité vous emporte. D’abord, il faut choisir un outil adéquat, ni trop épais ni trop fin. Le pinceau est très important, il est nécessaire que ses poils ne soient pas trop rigides, bien touffus. Oui, car lorsque l’on peint, c’est très ennuyeux qu’un petit brin vienne gâcher notre art. Puis, il y a ce liquide qui dès l’ouverture de la boîte révèle une odeur répugnante qui nous remonte dans les narines puis peu après va se diffuser dans toute la pièce. Cette maudite peinture qui n’a jamais la teinte que l’on souhaite et nous oblige à nous aventurer à faire des mélanges. Une fois la coloration trouvée, on peut commencer la partie amusante. Ah non ! Il ne faut surtout pas oublier de protéger notre sol qui sinon se tache. Afin d’éviter cela, on prend ce qu’il y a sous la main soit le plus souvent du papier journal. Maintenant, on peut enfin plonger notre pinceau dans la couleur désirée. Il s’imbibe immédiatement, il faut donc souvent aller et venir de notre pot de peinture jusqu’à notre mur sans oublier de lâcher quelques gouttes qui tombent sur le parterre ou sur nos vieux vêtements. On commence le mouvement vertical, de haut en bas ,qu’on va ensuite répéter une centaine de fois tout en récupérant régulièrement de la peinture. Au bout de quelques minutes, une douleur vient envahir notre bras, mais on continue. Le plus ennuyeux arrive aux extrémités du mur. Peindre précisément les bords sans dépasser les bandes adhésives collées auparavant est un défi de plus. Tout ceci ne vaut que pour la première couche, on attend vingt- quatre heures avant de recommencer tout le processus le lendemain. On prend un temps pour contempler notre travail tout en pensant que ce mur voyagera à travers les années. Et réfléchir à quelle bricole on pourrait y pendre, pour le remplir, ce simple mur. Quand on s’ennuiera sur les latrines, qu’on observera ces cloisons en imaginant des dessins dans le crépi, ou durant notre sommeil, quand on se réveillera éclopé du genou à cause de ce foutu mur qui nous blessera, peu importe laquelle, cette paroi que l’on vient de peindre aura sa propre histoire, elle vivra sans doute plein d’événements plus ou moins importants. Vous vous moquez, mais tous les murs ont été créés de la même manière, et s'ils ne se ressemble pas forcément, ils sont vitaux pour nous les Hommes, car sans eux nous ne bénéficierions pas de notre confort quotidien. Nous vivons entourés de mur, nous étudions enfermés par ces constructions. Vous êtes-vous déjà imaginé un monde sans mur ?
  • 15. LA VOITURE C’est une horreur, une hantise, un cauchemar, la voiture. On s’enferme dans un engin à quatre roues, on passe de longues minutes, même parfois des heures, à s’y ennuyer. À peine entrée que l’on rêve déjà d’en sortir. Le mieux reste encore de regarder impatiemment la route, attendant désespérément que les roues s’arrêtent comme indication qu’on a réalisé le chemin nous amenant à la destination tant attendue. Tout commence par ce geste commun, ouvrir la portière. Aussitôt passée l’embrasure métallique que l’odeur si familière de l’auto nous prend subitement au nez, c’est une sorte de mélange fait de plastique, de sapin aromatisé et de bonbons à la menthe. On ne partirait jamais sans ces friandises plongeant instantanément notre palais au pôle nord. Étant petite, on en prenait seulement pour faire la grande comme tout le monde, entre temps on a appris à les apprécier. Une fois accoutumée à cette senteur, on essaye tant bien que mal de se lover dans ce siège pas toujours très confortable. Vient ensuite le moment où l’on doit s’attacher. Ah, cette ceinture, elle est notre pire ennemie, elle nous garde fermement fixée à la banquette, elle nous blesse même, à cause de ce frottement affreux contre notre cou que l’on endure lorsqu’elle est placée un peu trop haut. Mais le bruit atroce que fait ce fourbe mécanisme, conçu apparemment pour nuire expressément à notre ouïe, nous assure très vite que l’on n’aura pas de moyen d’éviter cet instrument de torture. On trouve, malgré tout, généralement de petites techniques atténuant cette souffrance. Le véhicule démarre à peine qu’on se demande déjà quand on va toucher le bout. On éprouve très tôt un sentiment d’ennui à l’idée de la durée de ce calvaire. On s’occupe néanmoins en comptant les autres bagnoles ou encore en observant les nuages. On se décide à prendre notre téléphone qui ne sert pas à grand- chose, sinon à l’écoute de deux, trois chansons enregistrées ou au divertissement relatif qu’amènent les quelques applications ludiques, qu’on délaisse le plus souvent. L’autoroute quittée sans qu’on sache pourquoi, on s’engage sur un chemin bosselé aux effets désagréables. On sent rapidement la nausée monter, mauvais présage, il est plus judicieux de remettre son smartphone dans sa poche avant qu’il ne soit trop tard, la catastrophe ne tarderait à arriver, le vomi jaillissant de notre bouche et tapissant nos jambes. Dépourvue de toute distraction, il ne reste à la passagère qu’à fixer la route tout en écoutant des émissions de radio à mourir d’ennui. Les heures passent et décisivement surgit le signe d’espoir que l’on attendait avec fermeté. Les roues s’arrêtent, on comprend instantanément que c’est la fin. Cela faisait déjà longtemps que l’on avait cessé d’analyser minutieusement chaque détail du monstrueux fourgon qui nous emporte. On repense alors au voyage que l’on vient d’endurer et l’on s’imagine déjà revivre cela au retour. Ça ne s’arrêtera donc jamais.
  • 16. SE LAVER LES CHEVEUX Sans le lavage de cheveux nous ne serions pas les mêmes. Accumuler le gras et toutes les saletés qui virevoltent en tout temps autour de nous ne nous conviendrait pas. Le lavage, est-ce seulement une façon de les nettoyer ? Non, c’est aussi une façon d’embellir notre précieuse chevelure grâce au shampoing. Pour tout le monde la crinière est essentielle. Les hommes comme les femmes aiment en prendre soin. Aller chez le coiffeur, passer du temps à désentortiller ses mèches, la tresser. Pour cette raison, avant de les laver, nous prenons une brosse afin de les démêler très soigneusement. Les hommes, en général, filent à la douche sans souci de démêlant sauf certains garçons ayant une longue chevelure et doivent eux aussi très bien la bichonner. Après le démêlage, nous entrons dans ce parallélépipède où s’accumule la pression de vapeur saturée. Une fois dedans, nous rinçons l’accumulation de saletés de la journée. Saletés provenant de la ville, des voitures, de la transpiration et de bien d'autres impuretés qui se déposent sur notre crâne, qu'il soit recouvert de cheveux courts ou longs. Nous versons le shampoing dans le creux de notre main. Ni trop ni trop peu, pour pouvoir l’appliquer sur nos cheveux sans en perdre la moitié. Ensuite, nous commençons à masser notre cuir chevelu afin de décoller la crasse du crâne. Après quoi on prend le pommeau de douche, l’engin qui joue un des plus grands rôles dans le lavage des cheveux, on le lève jusqu’au-dessus de notre tête pour rincer le tout et recevoir du savon dans les yeux et, tout en supportant bravement cette sensation horrible de brûlure, on laisse l'eau couler, bref, pour les adultes, ce n’est peut-être pas un supplice. Il y a encore quelque chose que je n’ai pas expliqué. Il existe toutes sortes de poils. Les cheveux raides qui manquent de souplesse, de naturel. Les cheveux ondulés, ayant une légère forme en S. Les cheveux frisés ou bouclés qui sont très lourds, les boucles larges leur faisant perdre leur forme à cause du poids. Et pour finir, dernière catégorie, les cheveux crépus. Ceux-ci sont encore plus enroulés, en forme de Z et non pas de S, comme les ondulés. Au contraire de ce que l’on pense, ils sont très fins et on doit beaucoup les chouchouter. En vieillissant nous râlons énormément sur le fait d’avoir des cheveux blancs. Mais plutôt que de craindre d'afficher votre âge, savez-vous exactement pourquoi ils deviennent blancs ? Les mélanocytes ne transmettent plus de pigment, ils ne sont donc plus fonctionnels. Qui doute encore que la tignasse ait une signification très importante pour nous les êtres humains ? Les cheveux c’est une allure, un bijou qu’on a fait, et un soin de soi et de notre être au monde.
  • 17. LIRE UN ROMAN Il n’y a pas de meilleur moyen de s’isoler, se couper du monde, se perdre dans un autre, suivre un inconnu, pleurer, rire, avoir peur avec lui, et pourquoi pas se transporter dans une ville où l’on n’est jamais allé, New York, Los Angeles, ou dans un petit village des Andes, tous lieux fort éloignés du coin douillet où l’on s’est installé pour lire. Le plus important, c’est dénicher la pépite, on traverse donc la rue, on tourne à gauche, à droite, on entre dans cette masse épaisse, remplie d’inconnus qui se marchent sur les pieds, et, enfin, on aperçoit la petite porte vitrée de la bibliothèque. Passant du bruit au silence, on sort de la foule opaque et chaotique afin d’entrer dans cet espace où le silence est palpable. Sans hésitation, on se dirige vers les escaliers où l’on trouve la grosse flèche orange indiquant l’emplacement des romans. A, B, C, D, … On effleure du bout des doigts les ouvrages de différents écrivains, on sort quelques livres, on les range, insatisfait de leur couverture, même si l’on est conscient que leur beauté extérieure ne reflète en rien leur contenu, tout de même certains méritent qu’on lise le résumé à leur dos, avant de les reposer là où on les a pris. Une dizaine de minutes plus tard, on se dirige vers le guichet, une série de quatre ouvrages dans les bras et un sourire niais collé au visage. En sortant de ce temple des livres, le retour à la réalité bruyante et agitée est brutal. Sur le chemin du retour, trop impatient, on écarte la petite couverture bleu ciel veloutée du premier livre afin de voir son contenu. L’odeur de moisissure qui émane de ce dernier se mêlant à celle du gaz sortant des pots d’échappement et de l’herbe fraîchement coupée est agréable et suave, et lire dans cette ambiance vous euphorise. On dévore les premières pages avant d’être tiré de force de cet univers parallèle par le trafic et les passants qu’on a bousculés par mégarde. Enfin, de retour chez soi, on monte à l’étage et on se love dans son lit afin de trouver la position idéale, alors qu’on sait pertinemment qu’on va bouger toutes les cinq minutes. On repart dans le monde d’un héros qu’on découvre petit à petit, page après page... Les feuilles défilent, le temps passe sans qu’on s’en rende compte, on se tourne, une fois, deux fois, l’histoire se développe, l’adrénaline monte, la peur croît chez le héros comme chez lecteur, on retient son souffle, on avale les lignes comme jamais pour découvrir le dénouement, pourtant on sait que plus on lit, plus vite la fin approche… Le nombre de pages diminue à droite tandis que notre main gauche est endolorie à force de supporter autant de pages. Mais quand la dernière page arrive, on a l’impression amère qu’il en manque une pour finir le récit, on reste en attente, on retient son souffle, en apnée, en vain. On se sent trahis, comme si le personnage retournait subitement dans l’anonymat, nous laissant flotter dans cette fin à moitié terminée. On tourne la frêle feuille avec précaution dans l’espoir de trouver la fin véritable, mais hélas... À son verso, il n’y a hélas qu’une page blanche qui s’étend devant nous, déserte.
  • 18. LA MESSE Ce n’est pas vraiment une sortie la messe. On y va par obligation, contre notre volonté. Lorsqu’on arrive devant l’église, on retrouve des personnes que l’on connaît, dont certaines ricanent et d’autres font la gueule. On observe cette architecture moderne qui essaie d’en imiter une vieille. Tous ces vitraux multicolores et ce manque de lumière, ce n'est pas bon pour les claustrophobes. On s’y sent enfermé, écrasé. On respire cette odeur de moisi, mélangée à celle du détergent pour sol. Franchement, ça ne donne pas très envie d’aller à la messe, ces bancs parfaitement alignés comme au tribunal, cette charpente fadement variée. On regarde quels rituels font les grenouilles de bénitier, on se munit d’une bible et on va s’installer dans son siège ! Siège ? Comment peut- on appeler cette chose horrible siège, ces planches de bois lisses et dures, inconfortables au possible, où on se serre les uns contre les autres, sinon banc d’infamie ? Le curé, se croyant important, paré de sa longue robe blanche et entouré de ses sous-fifres, les servants de messe, entre. Les discussions cessent par respect pour lui et son métier compliqué, compliqué car il doit faire exactement ce que son supérieur lui dit et n’a droit à aucune vie sentimentale. Il nous adresse un salut amical pour débuter cette cérémonie pénible qui a lieu chaque dimanche partout depuis trop longtemps, c’est vrai ça, quand on y pense, le nombre de gens qui ont déjà dû endurer ce calvaire est vertigineux. Puis, tout au long de celle-ci, le prêtre entonnera des chants religieux assourdissants repris par la chorale surplombant la pièce, et l’orgue qui les pousse comme le charretier ses boeufs. Au beau milieu de ce brouhaha, le vieillard en toge annonce l’eucharistie, ce qui réjouit les personnes ayant un petit creux, qui peuvent respirer et avaler ce petit rond fade et cartonneux, couleur cul de bébé. Tout le monde commence à en avoir mal à la tête de ces chants sans intérêt, de cette odeur piquante et de ce banc qui vous compresse tant contre les autres qu’il vous oblige à vous tenir droit. On tente de passer les phrases en arrière pour y déceler de mauvaises intentions. En vain. Maintenant, plus qu’une seule envie, en finir. Or il faut s’acquitter d’un sacrifice encore, donner son argent de poche pour la quête, pour ces enfants d’Afrique qui n’ont rien sauf un bâton avec lequel se taquiner et une boîte en carton où s’abriter pour ne pas mourir de froid. C’est cruel quand on y pense, on dit que ce sont des pauvres, néanmoins dès que plus rien ne nous les rappelle, on fait sa propre vie et on les abandonne à leur sort. Au moins la messe nous aura fait réfléchir une minute. On entend les cloches sonner et l’on croit que c’est terminé, quoique ce ne soit encore que dans notre tête qu’elles retentissent, cet effet étant dû à la concentration durant près de deux heures à écouter un monsieur qui fonde son discours sur des faits dont il ne sait pas lui- même s'ils se sont véritablement passés. Quelques minutes plus tard, après un long prêche du chanoine, les cloches se remettent à sonner. Il semble que cette fois-ci soit la bonne. Les gens s’étirent, décollent leurs fesses du banc et
  • 19. enfilent leur manteau d’hiver. Ensuite, c’est la délivrance, tout le monde court vers la sortie en hurlant de joie. C’est la cohue. JOUER À FIFA ENTRE AMIS Jouer à Fifa entre amis, ce n’est pas vraiment un plaisir pris en commun. On est à peine auprès des autres. Lorsque l’on décide de jouer à Fifa, on s’ambiance immédiatement grâce à un petit fond mélodieux, on distribue rapidement les manettes poussiéreuses, souvent à peine chargées voire même inutilisables, on se sort quelques glaçons du congélateur que l’on verse délicatement dans un verre d’Ice Tea infusé de menthe parfumée, et surtout, on case gentiment notre dos contre les coussins rembourrés de plumes sur le canapé. On insère précipitamment le CD dans la console, car on n’a qu’une envie : jouer. On allume la télévision et les choses sérieuses commencent, finalement, le choix des équipes se fait, certaines fois il se passe bien, d’autres fois il est un peu plus tendu. On aime jouer à Fifa lorsque l’on gagne mais dès que l’on prend 1, 2, 3 buts, on n’a plus envie de jouer, on s’énerve contre tout le monde, on gigote nerveusement, et on essaie de convaincre les autres : « D’abord il faut acheter une console ultra-chère, mais ce n’est pas tout, on doit la remplacer fréquemment à cause de l’obsolescence programmée. De plus, chaque fin d’année on doit se payer la nouvelle version de notre jeu favori contre une somme démesurée, pour de minimes améliorations et des détails évidents à changer ou ajoutés pour que les ventes soient de nouveau excellentes. Se procurer la nouvelle version de Fifa chaque année n’est pas obligatoire, or c’est indispensable pour une utilisation
  • 20. optimale, comme par exemple jouer en ligne en compagnie de ses amis lorsque l’on ne peut pas se retrouver, encore un argument pour vendre chaque année la nouvelle version... Les entreprises de jeux vidéo veulent vous faire prendre ce qui est dispensable pour quelque chose de très important, alors qu’à la place de dépenser des centaines de francs chaque année pour des consoles, jeux ou mêmes manettes cassées lors de la perte d’un match serré, on pourrait investir dans un article sans électronique, un bon vieux ballon en cuir de qualité qui durera des années si l’on en prend du soin. Ce fameux ballon avec un design simpliste mais connu de tous qui nous fait nous retrouver. Que ce soit sur le terrain ou au bord de celui-ci ! On pense qu’en jouant au foot virtuel on n’a pas besoin de se doucher puisque l’on croit ne pas transpirer tandis que le fait d’être fébrile nous fait quand même couler quelques gouttelettes du front et donc perdre la fraîcheur de notre parfum pour une odeur moins avenante voir même repoussante. On aurait meilleur temps de jouer réellement au foot, cela éviterait les problèmes d’obésité ou de sociabilité, car à force de jouer à Fifa entre amis, on a envie d’y jouer seul et cela peut amener de graves perturbations du sommeil ou même de l’appétit, au final, donc, pourquoi se rencontrer avec des amis si l’on n’est même pas vraiment ensemble ? Ce fameux stress n’est pas bon comme celui d’avant un match de foot, celui qui nous donne l’envie de donner le meilleur de nous-même, de vouloir bien faire. Cette envie, elle est collective sur un terrain, on s’encourage les uns les autres, l’entraîneur nous donne un coup de main moral et le public encore aussi, il nous motive de plusieurs façons, les nombreux applaudissements qui résonnent dans les tribunes, de courtes phrases puissantes, tout ce qui fait que même si l’on vient à recevoir quelques buts parfois stupides, l’espoir reste au sein de l’équipe ! Et on garde la tête haute pour essayer de corriger chacune de nos erreurs... »
  • 21. PIQUE-NIQUES DE FAMILLE Pour certains, c’est génial, les pique-niques de famille, et pour d’autres, moins… Vous aurez compris ce qu’on a en tête : un soir d’été, quand toutes les générations se réunissent dans le but de faire un repas dont les deux sujets principaux de discussions seront la politique et les commérages. En premier lieu vient ce moment gênant où on ne sait pas si on doit serrer la main, faire une bise ou deux, ou trois… On tend sa droite et la laisse vaguement pendre à la hauteur du nombril, l’autre fait de même, plus ou moins hésitant, et finalement deux moiteurs se frôlent puis s’écrasent l’une sur l’autre. On balaie du regard les invités en essayant de trouver les cousins ainsi que les cousines de notre âge et on esquisse un sourire forcé destiné aux personnes que l’on n’aime pas pour faire bonne figure devant les parents. Dans une famille, il y a toujours : Sarah la cousine blonde super belle mais bête comme ses pieds, grand-papa Maurice qui sait toujours tout sur tout, tonton Roger qui a trop bu, le couple qui ne fait que s’engueuler et celui qui, à l’inverse, se lance des avalanches de : « chouchou, chaton, doudou… », les tantes qui empestent le parfum et qui te laissent à chaque fois une trace de rouge à lèvre sur la joue, le radin qui n’a rien apporté sous prétexte « qu’il n’a pas eu le temps… » Le positif dans l’histoire, se sont les bébés trop mignons avec de grosses joues, un sourire communicatif et à la place des yeux des billes qui nous fixent avec attention et curiosité. On se sent obligé de les regarder d’un regard rieur et enfantin en faisant des grimaces avec la bouche dans le but de les faire rigoler, parce que rien n’est plus craquant que le rire d’un nourrisson. Au moment du repas, il y a deux tables, celle des adultes et celle des enfants, minuscule, en plastique, et ces petites chaises vertes qui sont elles-mêmes plus hautes que la table, le tout accompagné de couverts en plastiques, d’une assiette en carton et d’un verre la Reine des Neiges. On essaie donc de couper délicatement la viande sans que la fourchette ne grince, ne se casse et reste plantée dedans, et d’un petit « mmhhh, c’est super bien cuit », on fait semblant de trouver parfaite la cuisson, alors qu’on a l’impression de croquer dans un bout de charbon. Finalement vient le dessert, par conséquent on se dirige au bout de la table avec, encore et toujours, son assiette la Reine des Neiges, dans la perspective de découvrir tout en salivant quelle part de gâteau marbré est la plus épaisse, sur quel mille-feuilles il y a le plus de glaçage ou au contraire, quel est le plus petit bout de tarte aux damassines, parce que pour faire malgré tout plaisir à tata Francine, on devra se forcer d'en manger, alors qu'on sait bien qu’il n’a pas de goût et que les damassines ressemblent plutôt à des crottes de lapin qu’à des damassines. Les pique-niques de famille, c’est une belle comédie aigre-douce.
  • 22. PHOTO PERSO Prendre une photo perso, ce n’est pas seulement appuyer sur un bouton et entendre un bruit qui nous dit que c’est fait, c’est pris, recommencer et mitrailler pour être sûr qu’il y ait une photo de potable ! C’est bien plus que ça ! Ce n’est pas moins qu’un art, cela requiert passion et technique ! Et pour ceux qui aiment voir le résultat directement sur papier, il existe les instantanés ! On a le choix, on peut passer un moment avec notre famille, aller à un endroit qui nous plaît, ou faire une simple balade dans un parc. Le sujet une fois déterminé, on part de chez soi et tout commence… Le soleil brille, on va rejoindre ses amis, on discute, on s’amuse, et on rigole beaucoup... On aperçoit, au loin, un gigantesque arbre au centre du parc. On s’approche et quand notre main rencontre sa dure écorce, on éprouve une joie et un bonheur intenses… On contemple le lierre qui l’entoure. On savoure avec plaisir cet instant, un sentiment très fort nous envahit. On sait qu’on a trouvé ce qu’on cherchait : le lieu qu’il nous faut ! Un peu de soleil, mais pas trop, un vieux banc sur la gauche, avec ces fleurs qui l’habillent… On communique alors l’idée qui naît en nous à nos amis. On prend un peu de recul et on sort cette magnifique housse violine dans laquelle attends sagement notre instantané. Nos oreilles se régalent du doux bruit que fait la fermeture. On sort délicatement cet appareil si précieux à nos yeux et on l’allume. On essaie ensuite de cadrer. On se déplace un peu à droite, un peu à gauche, peut-être un peu en haut ? Ou un peu en bas ? On cherche et là, on a trouvé, c’est le cadrage parfait. On lance un sourire timide à nos amis qui s’étaient placés à côté du banc. Ils nous ont compris et nous sourient en retour. Ça y est, le moment divin est arrivé, il nous tend les bras. Quelques gouttelettes dévalent notre front, comme si elles voulaient voir l’image à venir. Nos yeux fixent l’appareil, nos mains commence à trembler et notre cœur bat. Une légère brise souffle et l’odeur des fleurs nous chatouillent les narines. On approche notre doigt du bouton, on le sent et on hésite. Faut-il presser ? Notre cœur bas de plus en plus vite, puis c’est bon. On a pressé. On a entendu ce petit « clic » tant attendu et dont on ne se lassera jamais. On regarde nos amis marchant doucement dans notre direction, on ressent la curiosité qui les envahi. On fixe ensuite l’appareil qui est en train de sortir la photo. Après ce qui nous a paru une éternité, on voit les premières couleurs apparaître. Du brun, du bleu, du rose, du blanc, du vert… Toutes ces belles couleurs et nos amis debout au centre de ce magnifique chef d’œuvre, sourires aux lèvres. On a réussi ! On a immortalisé ce moment si spécial ! Nos amis regardent avec satisfaction notre photo. En rentrant, on montrera notre prodige à notre famille, avant de l’accrocher soigneusement à notre mur avec des morceaux de scotch pour pas l’abîmer. Elle sera à côté d’autres photos qui, lorsqu’on posera notre regard sur elles, nous remémoreront des moments aussi précieux les uns que les autres. Et si on peut être sûr d’une chose, c’est qu’on ne les oubliera jamais…
  • 23. LA PLUIE OUBLIEUSE Assis sur un banc, contemplant ce spectacle fantastique, on ne pense plus à rien. On entend cette douce mélodie régulière qui nous berce et déjà berçait notre enfance. On discerne la merveilleuse odeur de la pluie mélangée à la terre. Sur l’entier de notre gosier s’étale une fine couche d’humidité rafraîchissante aux mille et une saveurs nous permettant de goûter l’atmosphère d’habitude fade, en une bouchée. On remarque la joie des enfants qui sautent dans chacune des flaques, beaucoup plus amusés que lorsqu’ils bondissent sur leur vieux trampoline quand la chaleur est à son comble. Les voitures qui défilent laissent apparaître, derrière le vitrage trempé, les yeux émerveillés des bambins qui ne souhaitent qu’une seule chose, sortir de leur cage à roulette pour enfin sentir ces tendres ficelles d’eau le long de leurs bras frêles. On se perd réellement dans l’instant présent. Tant que l’arrivée du bus, pourtant bruyante, est passée inaperçue. On monte rapidement afin de trouver une place se situant juste à côté d’une vitre d’où l’on pourra continuer à admirer la merveille. On aimerait, dans notre bulle, que ce moment ne finisse jamais. Les gens autour de nous n’existent plus, comme si, en un éclaboussement, le monde s’arrêtait… Malheureusement, on a à peine le temps d’y songer que l’on doit déjà en sortir. Quand l’averse laisse place au soleil, les effluves fraîches et sucrées de pétrichor et d’ozone accueillent à bras ouverts les problèmes de la vie qui reprend son cours… Les soucis, ainsi que le ciel bleuâtre, réapparaissent. On réfléchit à ce que l’on a omis de dire, aux actes que l’on a délaissés mais aussi à tout le stress qui « aurait pu » ne pas exister si l’on s’en était occupé. On se dirige alors désespérément dans notre ridicule maisonnette dont chaque mur arbore des photos qui nous évoquent ce que l’on n’est et ce que l’on n’a plus… Car la pluie est la seule chose qui a toujours déjà été là. Elle a présidé à nos premiers pas, à nos premiers mots et jusqu’à notre premier baiser à la maternelle, aux évènements qui sont imprimés sur ces bouts de papier et à tous ces autres qui restent dans notre tête, à moins qu’elle ne vienne bienheureusement les suspendre. On ferme donc nos volets de sorte qu’on ne s’en préoccupe plus, mais on se retrouve dans le noir, à se maudire de plisser les yeux, de peur, quand on le fait, de revivre le passé et de finir plus triste qu’avant. Dans ces conditions insupportables, on s’assied sur notre mini canapé, précisément devant l’ignoble pendule que tante Jacqueline a « gentiment » décidé de nous léguer. On entend le tic-tac qui s’accélère quand nous sommes heureux et qui ralentit dès que ce sentiment a disparu. La pluie, pourvoyeuse d’oubli, a beau être partie, voilà qu’une nouvelle sorte d’ondée jaillit de nos yeux. Et cette pluie-là prend plus de temps que la première avant de s’arrêter. On finit par s’endormir en rêvant à la ouate flottante, où l’on s’immergeait quelques heures auparavant, au martèlement liquide, au bonheur de la terre qui a été enrichie par cette eau, à ces microscopiques
  • 24. bolides sans lesquels aucune vie ne serait possible, et au nôtre, celui d’avoir oublié. On se réveille les joues salées… Mais on se rappellera chaque jour de notre vie ce précieux moment qui nous a débarrassés, pendant quelques minutes, des inoubliables difficultés que l’on voudrait pouvoir effacer de soi-même aussi facilement que l’a fait cette formidable pluie, et qui nous destine à vivre dans les régions les plus humides du monde, l’Écosse ou la jungle équatoriale. LES ONGLES Les personnes qui se les rongent attirent le dédain. Les soigneux les coupent à l’aide d’un coupe-ongle, comme nos parents nous le faisaient; les méticuleux à l’aide de petits ciseaux conçus à cet effet, d’autres encore les liment parce que cela dérange d’avoir des doigts rugueux voire coupants ; les coquets les peignent de couleurs tantôt éclatantes tantôt sobres, les vernir n’étant pas forcément la meilleure des idées, car le vernis émet une forte odeur chimique qui nuit à notre système respiratoire ainsi qu’à notre environnement, mais la majorité d’entre nous apprécie ce genre d’émanations, quoiqu’elles aient tout sauf des effets bienfaisants sur nos poumons... Une fois nos ongles peints et nos mains belles, on se sert de celles-ci quelques jours et le vernis de ceux-là s’écaille, s’écorche et se griffe. De petites particules du vernis se dispersent dans tous les endroits où nous sommes passés. Cette jolie couleur que l’on avait mise sur nos ongles finira tôt ou tard dans l’eau, donc, l’enfer étant souvent peint des meilleures intentions, dans l’océan et sûrement dans le ventre d’un animal innocent, personne dans cette histoire n’ayant réfléchi plus loin que l’extrémité de ses doigts. Par contre, d’autres personnes arrachent leurs ongles à l’aide des dents, devant un film ou lorsqu’on a du temps à perdre et les mains inoccupées. Or c’est une sorte de plaisir et de satisfaction, pareils à celui que ressentent ceux qui, ayant construit un domino géant, au bout de
  • 25. longues heures de travail font tomber la première pièce, entraînant les autres une par une. Les ongles, on attend des jours et des jours qu’ils repoussent. Puis lorsqu’on se retrouve devant la télévision ou que l’on ne sait pas quoi faire en classe, on se les ronge, on va parfois même jusqu’à garder le petit morceau d’ongle dans la bouche pour le mordiller, et s'il arrive qu’il se coince entre deux molaires, alors c’est un défi de l’en décoincer. Mais, une fois qu’on a réussi, on essaie de le recoincer, afin de recommencer l'exercice. Certaines personnes vont jusqu’à se manger les petits bouts de peau même si c’est douloureux et peu ragoûtant. Se ronger les ongles fait définitivement partie des plaisirs infâmes que nous offrent nos doigts. VU On relit une fois, deux fois, change un mot ou deux et, d’une main tremblante, finit par presser sur envoyer, alors qu’une goutte de sueur se forme à la racine des cheveux et qu’on est submergé par une vague de stress. Ce n’est qu’un simple sms, et pourtant on attend, attend ces deux simples lettres suivies de leurs trois fidèles petits points. Les secondes finissent par se transformer en minutes. Notre cou commence doucement à faire mal mais, malgré l’inconfort du moment, notre attention reste plongée dans ce petit rectangle fait de plastique et conçu par un col roulé célèbre. On ne respire plus. On est en apnée. Retenant sa respiration, on vagabonde dans son esprit. Que va penser cette personne ? Songeur on baisse les yeux sur son écran. Ils sont là, les trois petits points sautillants. Enfin. Fébrile, on place ses doigts sur le clavier. L’adrénaline monte, monte ! Que va être sa réponse ? Un sourire nerveux se forme aux coins de nos lèvres. Puis plus rien. On cligne des yeux, ébahis, essayant de comprendre ce qu’il vient de se passer. Les points se sont enfuis, ont décampés. L’adrénaline redescend pour faire place à un nouveau sentiment : l’amertume. Discuter sans parler, pleurer sans être triste et rigoler sans même sourire. Nos ressentis sont restreints ou au contraire, ridiculement exagérés. Impossible de déchiffrer quoi que ce soit dans le bombardement d’émoticônes que l’on s’envoie à longueur de journée, se gavant de fausses
  • 26. expressions au point de ne plus pouvoir distinguer le vrai du faux. On renifle un peu, essayant en vain de se convaincre que tout cela importe peu, alors qu’au fond, on sait que l’on appréhende déjà le malaise qu’on éprouvera en présence de cette personne le lendemain. On soupire, se frappe éventuellement, avant de s’affaler sur sa chaise. On contemple son écran, la lumière de la pièce y forçant son reflet. Pathétique, se dit-on. Le ridicule de la situation est presque insoutenable. Tant d’évolutions, de développements de la communication au sein de l’espèce humaine et, pourtant, on en est là, ne sachant pas comment réagir face au vide. Là, devant à cet écran, devant ces lettres silencieuses nous hurlant à la figure. On pourrait presque les voir, là, moqueuses, nous pointant du doigt et gloussant devant notre bêtise. C’est narguant. On déglutit, forcé, plein de rancœur d’accepter un si simple mot : VU.
  • 27. Classe p3j – HS2020 Hilary Vu Priya Les ongles Inès La pluie oublieuse Zoé Photo perso Julie Piques-niques de famille Loris Jouer à Fifa entre amis Nolan La messe Lucia Lire un roman Louanne Se laver les cheveux Selenah La voiture Gaïane Peindre un mur Fiona La pilosité Morgane Prendre une photo Tobias La voie, chemin de la réussite Solène Le premier but Marceau Le chocolat Maud Une chanson Daniel Prendre le train Clotilde Lire Cléa Ouvrir la fenêtre ÉNORMES PETITS RIENS Classe p3j – HS2020 Écrites dans l'esprit de La première gorgée de bière de Philippe Delerm ces fables tantôt révèlent les préciosités du quotidien, tantôt posent sur elles un jugement paradoxal.