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Turner inspiré à la lumière du lorrain
1. Turner inspiré à la lumière du Lorrain
Le Lorrain, Paysage avec les noces d’Isaac et de Rebecca » 1650
Turner, Lever de soleil à travers la vapeur, avant 1807
2. Le Lorrain, Port de mer et embarquement de la reine de Saba, 1648
Turner, Didon faisant construire Carthage, 1815
3. Turner a toujours, en effet, voulu représenter le soleil et sa lumière comme le Lorrain l’avait fait un
siècle et demi avant lui.
C’est lorsqu’il avait 25 ans, en 1799 que le jeune Turner découvrit deux tableaux du Lorrain dont le Port
de mer et embarquement de la reine de Saba qui appartenait alors au riche collectionneur londonien John
Julius Angerstein :
« Alors qu’il était encore jeune (il avait 25 ans), Turner vint voir les tableaux d’Angerstein. Celui-ci entra
dans la pièce alors que le jeune peintre regardait le « Port de mer » de Claude. Il trouva Turner dans
tous ses états et en larmes, lui en demanda la raison et le pressa de lui répondre. Turner s’écria alors
avec véhémence : « c’est que jamais je ne serai capable de peindre quelque chose de semblable ! »
Ce tableau est typique de la méthode du Lorrain, premier peintre au monde a avoir osé peindre le
soleil : celui-ci est d’un jaune d’or très pâle et l’impression de lumière aveuglante est apportée par la
légère brûme sur laquelle il se détache qui est d’un jaune moins clair ainsi que par la présence d’un mince
nuage qui passe devant lui, très clair lui aussi. Les nuages présentent un côté éclairé et un côté sombre
et les colonnes et recoins des deux grands bâtiments souligner eux aussi les contrastes entre la clarté et
l’ombre, ainsi que les vagues de la mer. Mais surtout une longue ligne de lumière étrangement rectiligne
traverse l’eau et conduit le regard jusqu’au soleil.
C’est exactement la technique que Turner adoptera un siècle et demi plus tard. L’atmosphère générale
aura cependant changé : le siècle du Lorrain est celui de l’architecture classique, aux lignes droites et
épurées. Les bâtiments à la perspective parfaite encadrent rigoureusmeent la scène et apportent une
ambiance paisible et calme. Tout est à sa place et le monde est en ordre. Le Français du 17e siècle
domine le cadre de sa vie.
Le paysage romantique de Turner ne se laisse pas encadrer ; les bâtiments ne sont pas alignés, leurs
lignes ne sont pas nettes ; la nature est sauvage, le sol a en grande partie disparu, les personnages sont
flous et leur activité indistincte. L’Anglais vivant dans un 19e siècle romantique se sent flotter dans la
liberté d’un monde ondoyant.
Turner, Italie moderne, les pifferari, 1838
4. Ce tableau est plus tardif et manifeste l’évolution personnelle de Turner vers un monde de plus en plus
vaporeux et fluide. La nature n’est plus vraiment représentée ; même les parties les plus proches du
spectateur sont imprécises et indistinctes. Les couleurs où les jaunes et les bruns dominent sont sans
doute plus symboliques que réalistes. Le grand ciel aux fins nuages qui s’étirent et leur reflet dans l’eau,
la lumière baignant le paysage créent une atmosphère onirique. Le spectateur est renvoyé à lui-même et
à sa méditation intérieure.
Celle-ci est d’ailleurs prolongée par l’intégration dans cet immense paysage onirique d’un petit groupe
explicitement religieux : celui des « pifferari » représentés dans le coin en bas à gauche. C'étaient des
musiciens des Abruzzes en Italie qui se rendaient au moment de Noël en pèlerinage à Rome pour
atténuer les douleurs de l’accouchement de la Vierge Marie en jouant de leurs cornemuses. En
représentant ces petits personnages et en les mentionnant explicitement dans le titre, Turner semble
suggérer qu’une telle élévation pieuse s’harmonise parfaitement avec le mouvement de la nature telle
que l’homme spirituel peut se la représenter.
Turner, Keelmen Heaving in Coals by Night, 1835
Le tableau placé en exergue « Keelmen Heaving in Coals by Night » représente des dockers chargeant
sur des bateaux, à la lumière d’immenses torches, le charbon arrivé sur les barges de la rivière Tyne. La
lune a pris la place du soleil au centre de la toile.
Ce n’est plus la religion qui élargit l’horizon de la pensée de Turner mais une réflexion sur le travail et la
peine des hommes. Leur lumière rougeoyante et ses fumées noires font un contraste impressionnant et
fantastique avec la pureté du ciel et ses reflets sur la mer.
En s’efforçant d’imiter la lumière et le soleil du Lorrain, Turner ne peut plus accepter sa vision de la
France officielle et figée du 17e siècle. Il ne se contente pas non plus de regarder et de représenter la
nature comme Corot et les impressionnistes le feront quelques décennies plus tard. Il peint la nature avec
certainement une grande élévation de pensée en la représentant de manière floue et vague de sorte que
le spectateur peut y voir ce qu’il porte lui-même dans son âme.