1. TLM N° 105 OCT-NOV-DÉC 2016 9
IL A RÉVOLUTIONNÉ L’ACTE CHIRURGICAL
Le robot, meilleur ami
du médecin…
et du patient
DE TÉLÉOPÉRATION OU DE GUIDAGE
LES ROBOTS MÉDICAUX, ULTRA-PRÉCIS,
SURPASSENT LA MAIN DU CHIRURGIEN
DANS DE MULTIPLES GESTES,
DISPENSANT DE SURCROÎT CE DERNIER
D’OPÉRER DEBOUT DES HEURES
DURANT. UN CONFORT APPRÉCIÉ PAR
LES PRATICIENS, ET PARTAGÉ PAR LES
PATIENTS POUR LA DURÉE RÉDUITE DES
HOSPITALISATIONS ET LE NIVEAU DE LA
DOULEUR REVU À LA BAISSE…
R
iman pèse 100 kilos pour 1,60
mètre et se déplace grâce à des
mini-roulettes. Encore à l’état de
prototype, la principale mission de ce ro-
bot japonais sera de porter des personnes
dans l’incapacité de se mouvoir. Grâce à
ses capteurs, il analysera le poids, la posi-
tion, les mouvements du visage et la respi-
ration du patient dont il aura la charge. A
terme, Riman jugera seul de l’état de
santé de son compagnon humain. Ce ser-
vice d’aide à la personne nouvelle généra-
tion connaît un précédent. Le robot
HOSPI, créé par Matsushita Electric, sa-
lue déjà les visiteurs de l’hôpital
d’Okayama, au Japon. Il mémorise les vi-
sages, délivre des informations, s’occupe
de distribuer les médicaments et de trans-
porter les dossiers des malades. Pendant 7
heures —limites de la charge du robot de
120 kilos— il se déplace et se dirige seul
dans l’hôpital. Il n’est d’ailleurs pas rare
de croiser HOSPI, seul, dans l’ascenseur
pour rejoindre la chambre d’un patient et
s’occuper de lui. Ces robots d’aide à la
personne à mobilité réduite peuvent aussi
agir sur des domaines plus ciblés. C’est le
cas d’ARMin, qui prend exclusivement en
charge les personnes paraplégiques et
celles victimes d’attaques cérébrales.
D’origine suisse, cet original membre de
l’équipe médicale assure une partie de la
rééducation des patients : il leur réap-
prend à se servir de leurs bras pour de
simples mouvements. Il évalue, à l’aide de
ses capteurs, la force que le patient peut
fournir et adapte la thérapie en fonction
de celle-ci. L’aide est donc totalement in-
dividualisée.de l’accès à ces données.
La technologie médicale sauve ou amé-
liore la vie des patients depuis de nom-
breuses années. Son efficacité a large-
ment augmenté au cours des années ré-
centes grâce aux nombreuses évolutions.
Désormais plus résistants, les membres
artificiels sont produits avec de nouveaux
matériaux —plastique, fibre de
Sécurité et performances
E n quelques années la robotique mé-
dicale est devenue l’un des paramè-
tres fondamentaux du monde de la santé.
Tous les domaines sont concernés : elle
intervient au niveau de la formation, elle
accompagne déjà nombre de profession-
nels de santé, et elle s’est taillé une place
de choix dans le traitement avec la révolu-
tion en cours dans les techniques de rem-
placement d’organes ou de membres arti-
ficiels. Quel qu’il soit, le robot médical ar-
ticule une structure mécanique et motori-
sée avec une interface homme/machine,
des instruments, des composants élec-
troniques et un logiciel. Son objectif prin-
cipal est de potentialiser les capacités de
l’opérateur comme de la machine avec
pour objectif des performances inacces-
sibles par un seul des deux. Ces robots
ne remplacent donc pas la main hu-
maine, ceux utilisés en chirurgie servent
à rendre possibles des opérations qui ne
l’étaient pas auparavant ou à faciliter des
interventions complexes plutôt qu’à les
automatiser. Mais d’ores et déjà on peut
prédire, sans grand risque de se trom-
per, que la chirurgie de demain en sera
transformée de fond en comble, d’autant
que les robots répondent au besoin
d’une meilleure sécurisation, exprimé
avec une exigence croissante par les pa-
tients. Ce dossier TLM dresse un pano-
rama prospectif d’une révolution qui, au-
delà du caractère spectaculaire de ses
réalisations actuelles, n’en est encore
qu’à ses balbutiements.
Dominique Noël
Coordinatrice du dossier TLM
uuu
2. carbone, etc.— qui limitent la
quantité d’énergie nécessaire pour utiliser
le membre. L’électronique associée aux
prothèses transbitiale, transfémorale,
transradiale ou transhumérale améliore
donc le service rendu au patient en le pré-
servant d’efforts superflus. Dans le même
ordre d’idées, les malades qui recevaient
des dons d’organes peuvent à présent être
greffés de machines remplissant parfaite-
ment la fonction manquante.
Les membres bioniques, quant à eux, rem-
placent des organes qui ne sont pas vitaux,
comme la main, le bras ou encore les ré-
tines. La pensée du patient greffé contrôle
directement le membre, grâce à deux types
de technologies. Soit le membre bionique
est équipé d’un microprocesseur, soit il dis-
pose de fils de silicium reliés directement
au nerf du porteur. Ces deux engins fonc-
tionnent grâce au même mécanisme : ils
récupèrent les messages nerveux du cer-
veau, où ils sont basés, et les retransmet-
tent à la prothèse qui réagit. Les avantages
du microprocesseur sont sa capacité à en-
voyer des informations au cerveau et à ré-
guler les organes bioniques. i-LIMB
Hand, développée par Touch Bionics, a
été la première main bionique lancée sur
le marché, en 2007. Pionnière du genre,
elle est semblable à une main humaine,
avec cinq doigts contrôlés individuellement.
Pour commander le bras bionique par la
pensée les médecins implantent, au préala-
ble, les quatre principaux nerfs du bras
dans le thorax du patient. En quelques
mois, ceux-ci se développent naturelle-
ment dans le muscle. Ainsi, la greffe du
bras bionique est faite et le patient
contrôle ses nouveaux membres grâce aux
signaux électriques envoyés par son cer-
veau. Quant aux rétines bioniques, elles
fonctionnent grâce à une petite caméra sur
les lunettes du porteur. Celle-ci transmet
les informations à une puce placée sur la
rétine. Elle stimule alors le nerf optique,
qui traduit les signaux électriques en
images sans couleurs. Le nombre d’élec-
trodes placées sur la puce augmente la dé-
finition de l’image.
DES ROBOTS POUR PEAUFINER
SA FORMATION MÉDICALE CONTINUE
Les organes vitaux, comme le cœur, peu-
vent également être remplacés par des ma-
chines. Il existe actuellement deux sortes
d’organes artificiels. Ceux qui remplacent
toutes les fonctions de l’organe humain et
ceux qui le remplacent intégralement. Le
pancréas artificiel, également appelé
pompe à insuline, illustre le premier type
d’organe artificiel. Pour les patients diabé-
tiques, il permet de prévenir les complica-
tions, réduire les risques d’hypoglycémie et
d’améliorer la vie du malade dont le taux
de glycémie est difficile à équilibrer. Le
cœur artificiel complet, lui, relève de la se-
conde catégorie. Les patients atteints
d’une insuffisance cardiaque et qui ne
peuvent plus être transplantés, sont gref-
fés de cet outil. La pompe qui l’alimente
fonctionne de manière autonome, ce qui
évite aux porteurs d’être relié à une grosse
machine. De plus, le cœur artificiel —
comme d’autres organes artificiels vi-
taux— peut être plus efficace qu’une
greffe. Par exemple, le patient greffé d’un
cœur artificiel n’a pas besoin d’immuno-
suppresseurs pour éviter les rejets car ce
cas de figure est impossible.
Les médecins aussi profitent de l’évolu-
tion des technologies dans le domaine mé-
dical par de multiples biais. Ils peaufinent
leur formation médicale continue grâce à
SimMan et AirMan. Ces deux robots sont
programmés pour mimer les réactions que
des patients en situations critiques pour-
raient avoir : période pré-hospitalisation,
urgences, réanimation. Les professionnels
de santé des hôpitaux peuvent en outre
tester de nouvelles techniques sur ces ro-
bots, sans risque pour les malades, et ainsi
acquérir de nouvelles compétences. Mais,
chacun ses missions. SimMan permet aux
praticiens de parfaire leurs compétences
durant les soins intensifs et la réanimation.
TLM N° 105 OCT-NOV-DÉC 201610
T out juste un millimètre de diamètre. Grâce à sa toute petite taille,
Virob se faufile partout à l’intérieur du corps humain : vaisseaux
sanguins, système digestif, le système respiratoire, etc. Une fois dans
notre organisme, Virob peut remplir différentes missions. Tout d’abord,
les médecins accèdent, par son intermédiaire, à des zones qu’ils ne
pouvaient pas atteindre jusque-là. Une fois installé dans un endroit pré-
cis, le nano-robot y délivre une quantité précisément calculée de médi-
cament directement aux organes touchés. Les patients n’ont donc plus
à souffrir d’effets secondaires du traitement sur d’autres organes et les
médecins disposent d’une nouvelle solution pour administrer —beau-
coup plus efficacement— les médicaments. Cette réponse thérapeu-
tique peut être utilisée dans le cancer du poumon ou pour traiter les
métastases. Les principales avancées biomédicales du petit robot
sont sa capacité à rester longtemps dans le corps et à s’y déplacer
dans des espaces sinueux et infimes. Néanmoins, le petit objet a en-
core des failles. S’il s’aventure dans des endroits trop restreints il peut
s’y coincer et créer des obstructions de vaisseaux sanguins.
Autre compagnon du chirurgien issu de la révolution des nouvelles techno-
logies : Da Vinci. Ce robot, fabriqué par Intuitive Surgical, est doté de trois
ou quatre bras manipulateurs. L’un tient une caméra endoscopique pour
que le chirurgien puisse voir l’image en trois dimensions, les autres portent
les outils nécessaires à l’opération. Le robot, qui mesure deux mètres et
pèse 500 kilos, reste toujours précis dans ses mouvements. La machine
surpasse donc — du moins pour les mouvements courts— le praticien, car
elle ne tremble jamais. Mais, pour que Da Vinci agisse, il faut obligatoire-
ment qu’il soit piloté par un chirurgien. Si ce dernier retire sa tête de la par-
tie de la machine où il peut voir la vidéo de l’opération, le robot s’arrête. Si le
médecin veut que l’acte chirurgical se poursuive, il doit replacer sa tête à
l’endroit de la vidéo. Ce type de mécanisme de sécurité participe à l’effica-
cité de la robotisation du bloc opératoire et à la réduction maximale des
risques encourus par le patient. Autre exemple, si une coupure d’électricité
a lieu dans la salle d’opération, Da Vinci poursuit son travail jusqu’à 20 mi-
nutes, limite maximale de sa batterie. Parmi les prouesses chirurgicales
que le robot a déjà accomplies, les plus remarquables sont : l’ablation to-
tale de la glande thyroïde, une greffe du pancréas ou encore l’ablation de
l’utérus. Mais, cette technologie de pointe a un coût. Un hôpital français doit
débourser entre un et deux millions d’euros pour équiper ses chirurgiens
du robot. Une contrainte importante, d’autant plus que Da Vinci ne peut réa-
liser qu’une opération à la fois. Pour qu’il soit rentable, l’investissement d’un
établissement de santé doit être massif afin que les chirurgiens ne se dis-
putent pas la compagnie du robot…
D.C.
Virob et Da Vinci
uuu
3. TLM N° 105 OCT-NOV-DÉC 2016 11
Il imite les pathologies respiratoires et cir-
culatoires : respiration spontanée, contrôle
des voies aériennes, sons vocaux et physio-
logiques, troubles du rythme cardiaque…
Quant à AirMan, il simule le dégagement
des voies respiratoires difficiles pour que
les médecins s’entraînent aux incubations
complexes.
La robotisation du bloc opératoire, consé-
quence directe de l’évolution des technolo-
gies médicales, a révolutionné l’acte chi-
rurgical désormais plus précis et sécurisé.
A cet égard, deux types de robots sont pro-
posés aux chirurgiens : ceux de téléopéra-
tion et ceux de guidage. Grâce au premier,
le chirurgien peut désormais réaliser des
opérations à distance. Pour cela, il utilise
une interface électromécanique grâce à la-
quelle il mime les gestes techniques d’une
opération. Le robot, présent dans le bloc
opératoire, les reproduit au millimètre
près sur le corps du patient. Le praticien
suit l’opération et jauge de son bon dérou-
lement grâce à la retransmission en image
de l’acte. Le second modèle de robot, dit
de guidage, s’appuie sur la réalité augmen-
tée pour que le chirurgien visualise en
temps réel ses instruments dans les struc-
tures anatomiques du patient qu’il opère.
Grâce au système Surgiscope, il peut su-
perposer sa propre image sur celle du pa-
tient opéré, par résonance magnétique.
Ainsi, il voit où est son instrument, com-
ment réagit l’organe opéré… Qu’il s’agisse
du robot de téléopération ou de guidage, ils
améliorent les conditions de travail du chi-
rurgien. Auparavant, ce dernier était de-
bout en permanence et amené à se courber
pour opérer. Avec les robots, ce temps est
fini, il opère à distance assis et les bras po-
sés sur la console d’où il fait les gestes que
le robot va reproduire. La diminution de la
fatigue permet une plus grande précision.
De plus, l’appareil automa-
tise certains gestes et calcule
lui-même la position où doit
être la prothèse, ce qui réduit la phase
préopératoire à 10 minutes au maximum.
Avant, elle pouvait être plus longue car le
chirurgien devait lui-même traduire
l’échelle de la radiographie pour bien si-
tuer le membre artificiel. Mais ce gain de
temps ne concerne pas toutes les phases de
l’acte chirurgical. Le temps d’une opéra-
tion effectuée à l’aide d’un robot est plus
long qu’une intervention conventionnelle.
La formation du personnel hospitalier né-
cessite en outre temps et énergie pour met-
tre régulièrement à jours les logiciels. Les
investissements demandent donc beaucoup
d’efforts alors que les retombées restent
encore trop limitées : seules quelques opé-
rations sont faites grâce à des robots. Enfin,
les chirurgiens qui sont habitués ou préfè-
rent certains outils pour opérer seront dé-
çus. Les machines imposent le matériel
qu’il doit utiliser, par exemple un seul type
de prothèses. La robotisation du bloc opé-
ratoire est donc encore perfectible pour les
professionnels de santé. Les perspectives
pour les patients sont d’ores et déjà pro-
metteuses : la durée des séjours hospitaliers
est réduite ainsi que la douleur qu’ils peu-
vent endurer.
Diane Cacciarella n
S i les robots chirurgicaux actuels s’adaptent aux interventions à
effectuer — la chirurgie robotisée étant à même de couvrir
toute la procédure opératoire —, le premier robot date de 1983. Bap-
tisé Arthrobot, il a été le fruit d’un travail mené à Vancouver par
l’équipe dirigée par le Dr James McEwen, en collaboration avec un
chirurgien orthopédiste, le Dr Brian Day. Le tout premier du genre a
été utilisé en mars 1984 lors d’une opération de chirurgie orthopé-
dique. La même année, plus de de 60 interventions d’arthroscopie
sont réalisées et, en 1985, le National Geographic produit un film
présentant l’Arthrobot. A cette même période, d’autres projets sont
développés, notamment un bras robotisé permettant d’effectuer la
chirurgie oculaire et un second qui agit en tant qu’assistant d’exploi-
tation et parvient à remettre les instruments chirurgicaux en réponse
à des commandes vocales.
Toujours en 1985, le professeur japonais San Kwoh développe la
première interface d’aide à la chirurgie robotisée à l’aide du robot
industriel PUMA, ce dernier étant équipé d’un bras mécanique per-
mettant de manipuler un instrument chirurgical en liaison avec une
sonde et un scanner. Utilisé trois ans plus tard pour une opération
chirurgicale, ce robot a ensuite évolué vers une forme spécialisée,
le Probot, lequel a été affecté à la chirurgie de la prostate.
u Neuromate et Robodoc
Premier robot à s’imposer dans l’univers médical dès 1989, le Neuromate
est un système robotisé à bras articulés associé à un ordinateur. Il est
considéré comme « semi-actif » puisqu’il positionne et guide un instrument
actionné par le chirurgien. La dernière génération de ce robot atteint une
précision de 1/10e
de millimètre et des milliers d’opérations ont été réali-
sées avec succès partout dans le monde. Le premier prototype a permis
une utilisation clinique en 1989 et le Neuromate en est la version indus-
trielle. Second robot chirurgien, Robodoc est destiné à la chirurgie de la
hanche. Muni d’un bras équipé d’un outil de perçage, il permet la pose de
prothèses de hanches en forant —à l’aide d’une fraise— un trou dans la tête
du fémur. Il se repère par des capteurs que le médecin place sur le corps
du patient. S’appuyant sur son système « actif », Robodoc opère de ma-
nière autonome avec une précision de l’ordre du 10e
de millimètre au lieu
des 2 millimètres du chirurgien. Utilisé pour la première fois en 1992, Ro-
bodoc n’a pu s’imposer à grande échelle en raison des capteurs suscepti-
bles de générer des infections. Il a cependant inspiré les constructeurs
des robots Caspar et Aubart. L’éventail se complète des robots dits syner-
giques, tels Acrobot et Dermarob, sensibles au toucher. Dotés de cap-
teurs à même de suivre la main du médecin, ils se posent comme « la 3e
main du chirurgien », permettant à ce dernier d’éviter les zones à risque.
Aux origines de la robotique : de l’Arthrobot au robot sur mesure
4. MÈLANT MÉCANIQUE ET INTELLIGENCE
ARTIFICIELLE, LE ROBOT CONFÈRE AUX
MAINS DU CHIRURGIEN UNE EXTRÊME
PRÉCISION. DE LONGUE DATE PRÉSENTS
DANS L’INDUSTRIE, LES ROBOTS —PAR
L’ÉLOQUENT TAUX DE RÉUSSITE QU’ILS
AFFICHENT— TROUVENT DANS LA
MÉDECINE HUMAINE LEUR TERRAIN
D’ACTION LE PLUS NOBLE
C
onçus pour effectuer des tâches ré-
pétitives et précises, les robots peu-
vent être pilotés soit par une intelli-
gence artificielle soit par l’homme. Leur
principal intérêt réside dans la précision et
la fiabilité des tâches qu’ils permettent d’ac-
complir. Aujourd’hui, les évolutions techno-
logiques offrent la possibilité de concevoir
des robots capables de réaliser des tâches
de plus en plus complexes en toute autono-
mie, et ce en un temps toujours plus court
et de façon très pointue. Depuis quelques
années déjà, la robotique s’est invitée dans
la médecine pour réaliser des tâches exi-
geant autant de précision que de minutie.
Physiquement, le robot médical se présente
comme un système incluant une structure
mécanique articulée et motorisée, une in-
terface homme/machine comportant des
instruments, des composants électroniques
et bien sûr, un contrôleur logiciel. Tous ces
éléments sont intégrés de manière à réaliser
une ou plusieurs tâches médicales de façon
totalement sécurisée. L’objectif dudit robot
est de développer une coopération entre
l’homme (ici le chirurgien) et la machine (le
robot) afin d’aboutir à une intelligence ex-
ploitant les capacités de l’un et l’autre pour
réaliser une tâche qui ne pourrait être effec-
tuée avec la même qualité de résultat par
l’une des deux parties.
A ce jour, l’on distingue deux sortes de ro-
bots médicaux : les interventionnels, dits
« robots chirurgiens », utilisés en chirurgie
avec notamment le robot Da Vinci et, d’au-
tre part, les robots utilisés sur la rééduca-
tion de patients, tels les systèmes Lokomat
et In-Motion ; ces derniers assistant le travail
de rééducation du patient via une aide robo-
tisée. De fait, l’une des caractéristiques ma-
jeures du robot est d’interagir avec un envi-
ronnement humain, c’est-à-dire avec des
personnes dont le comportement peut être
imprévisible. Si cette robotisation permet au
chirurgien d’améliorer son pouvoir de per-
ception, de décision et d’action grâce, par
exemple, à l’utilisation de systèmes de vision,
de capteurs ou d’actionneurs spécifiques, il
ne faut pas oublier que toute défaillance du
système peut se révéler critique. Aussi, la sé-
curité est une question essentielle lors de la
conception d’un robot médical, en raison de
l’interaction de ce dernier avec l’être hu-
main. A ce jour, les perspectives en termes
de conception sont orientées vers la miniatu-
risation des instruments dédiés à haute dex-
térité, par exemple pour la chirurgie car-
diaque à cœur battant, ou encore des robots
tout à fait inédits tels que le robot osmotique
à contrôle biochimique.
Frédérique Guénot n
TLM N° 105 OCT-NOV-DÉC 201612
u Zeus et Da Vinci
D’autres systèmes de chirurgie robotisés se sont développés, tels le
robot Zeus ou le Da Vinci, composé de deux parties ; d’un côté, une
console permet au chirurgien de guider les bras mécaniques du ro-
bot, de l’autre la partie active du robot comporte les bras opérateurs.
À partir de la console, le chirurgien commande les bras opérateurs
ainsi qu’une double caméra. Le Da Vinci offre une excellente visuali-
sation et surtout une plus grande précision, le chirurgien réalisant
des interventions par de minuscules incisions ne dépassant pas 1 à
2 centimètres. Pour exemple, en 1998, le Da Vinci a permis d’exécu-
ter le premier pontage coronarien en Allemagne. En 1997, une re-
connexion de l’opération de trompes utérines a été effectuée avec
succès à Cleveland avec ce même robot chirurgical, qui a permis
deux ans plus tard la première opération robotique chirurgicale du
monde à cœur ouvert. Et en 2001, le Pr Marescaux a utilisé Zeus
pour effectuer une cholécystectomie depuis New-York sur une
femme à Strasbourg.
Les recherches robotiques se sont ensuite intensifiées et la pre-
mière chirurgie robotique non-pilotée a eu lieu en mai 2006 en Ita-
lie pour une intervention cardiaque. Désormais conçus en fonction
du geste chirurgical à réaliser, ces robots chirurgicaux entrent dans
plusieurs types de chirurgie, notamment la microchirurgie, la gyné-
cologie, et la chirurgie cardiaque.
u Androïd, Cyborg et Nanorobot
Si l’Android est un robot imitant et utilisant l’apparence de l’homme, le
cyborg est une personne dont les capacités physiologiques sont amé-
liorées par des prothèses ou implants bioniques. Défini comme un être
humain ayant reçu des greffes de parties mécaniques, le cyborg est
alors une fusion de l’homme et de la machine. D’une certaine façon,
l’on peut considérer que des personnes possédant aujourd’hui des
greffes bioniques sont des cyborgs.
Le nanorobot est quant à lui un robot dont les pièces qui le consti-
tuent sont de l’ordre du nano, fabriqué grâce aux nanotechnologies
émergentes. Conçus dans le cadre de la nanorobotique (domaine
d’ingénierie ayant trait à la conception et construction de nanoro-
bots de dimensions variant entre 0,1 et 10 micromètres), les nano-
robots ont toute leur pertinence en médecine. Si leur utilisation
dans le champ médical en est encore au stade de la recherche,
quelques prototypes se montrent très prometteurs. Ces derniers
seraient en effet capables de repérer et détruire des cellules cancé-
reuses, d’agir sur les fibres musculaires, de reconstruire des tissus
vivants, d’entrer dans les cellules pour en modifier le programme
génétique, d’effectuer des opérations de mini-chirurgie, de débou-
cher des artères, ou encore de participer à des missions d’explora-
tion. Parmi les prototypes les plus aboutis dans le domaine médical,
figurent Protheus, ou encore le robot marcheur. D’un diamètre de
UNE PRÉCISION DE 1/10E
DE MILLIMÈTRE
La troisième main
du chirurgien
5. TRENTE ANS APRÈS LA NAISSANCE DES
PREMIERS SPECIMENS MULTITÂCHES,
LA ROBOTIQUE MÉDICALE SE SPÉCIALISE :
CHIRURGIE DE LA PROSTATE,
ORTHOPÉDIQUE, CARDIAQUE… ELLE A
AUSSI DÉVELOPPÉ DES SYSTÈMES
D’ASSISTANCE AUX PERSONNES
DÉPENDANTES OU ATTEINTES D’UN
HANDICAP MOTEUR OU SENSORIEL
S
i la robotique médicale a eu son heure
de gloire jusqu’au début des années
2000, les équipes de recherche ont
peu à peu développé des solutions dédiées à
la tâche à effectuer alors que la robotique ini-
tiale visait à concevoir un outil adapté à une
multitude d’actions. Si le robot anthropo-
morphe à six axes imite le bras humain pour
une utilisation multi-usage, (chirurgie car-
diaque, abdominale, de la prostate…), le
principal succès actuel est le Da Vinci utilisé
pour la chirurgie de la prostate pour laquelle
il a su démontrer son intérêt. L’on peut alors
se demander quelle aurait été la structure de
ce robot si sa conception avait visé la seule
chirurgie de la prostate.
Cela étant, les progrès de ces robots chirurgi-
caux sont bénéfiques à plus d’un titre : équi-
pés d’une vision 3D et d’un zoom, ils offrent
une meilleure vision de l’opération, une plus
grande précision du geste chirurgical, les logi-
ciels de ces robots comportant des pro-
grammes de démultiplication des mouve-
ments ou bien d’automatisation du geste. De
plus, ils sont équipés d’outils d’opération très
fins, permettant des incisions réduites, et
donc des pertes sanguines limitées. Induisant
un allègement des douleurs, une réduction
des infections, des cicatrices circonscrites et
donc une récupération plus rapide. Autre
avantage pour le praticien, une moindre fa-
tigue, le chirurgien pilotant la console ou
contrôlant le bon fonctionnement du robot.
Ces avantages intéressent en premier lieu le
chirurgien, mais les conséquences de l’amé-
lioration du geste chirurgical profitent évi-
demment au patient. En revanche, le temps
d’installation et de désinstallation —de 15 à
25 minutes— est un inconvénient, sans
compter que le chirurgien doit avoir suivi une
formation spécifique. Ensuite, le risque ma-
jeur est la panne de courant, mais la plupart
des robots chirurgiens sont aujourd’hui équi-
pés d’un système de sécurité leur permettant
de fonctionner en autonomie un peu plus de
20 minutes. Dernier inconvénient, leur prix
élevé ne met pas ces robots chirurgicaux à la
portée de tous les hôpitaux.
VERS DES SYSTÈMES DÉDIÉS
La tendance actuelle est alors aux systèmes
dédiés qui incluent, entre autres, les robots
utilisés pour les interventions médicales et
chirurgicales (robots porte-aiguille, robots-
guides en chirurgie orthopédique, robots
en chirurgie transluminale ou à trocart
unique, cathéters actifs, stabilisateurs car-
diaques, robots autonomes de type cap-
sules ingérables…). Ces robots sont can-
tonnés dans des tâches qui ne les placent
pas au contact du patient.
La robotique d’assistance pour les personnes
souffrant de déficiences motrices est égale-
ment très active : elle concerne des personnes
handicapées ou des personnes âgées présen-
tant des troubles physiques sensoriels, mo-
teurs ou cognitifs. Le but de ces robots (exos-
quelettes, prothèses actives, dispositifs de pré-
vention de chute…) est d’améliorer la qualité
de vie et l’autonomie du patient. Ces struc-
tures doivent néanmoins être en capacité d’in-
teragir de façon fiable avec l’homme. Enfin,
les robots sociaux possédant des capacités cog-
nitives pour l’interaction avec les patients font
toujours l’objet de nombreux travaux.
Mais si la chirurgie robotisée s’est fortement
développée de par le monde en moins de
trente ans, rendant par là les interventions
toujours plus précises, il est encore trop tôt
pour avancer que ces robots puissent un
jour remplacer l’homme. En effet, le robot
est trop standardisé, et ne reste pour l’ins-
tant qu’un outil au service du chirurgien.
Reste que la question de la dépendance des
robots, voire celle de l’homme bionique (le
robot se posant comme une prolongation du
chirurgien) se pose avec acuité. Il est alors
légitime de s’interroger sur le rapport
homme/robot : les chercheurs s’intéressant
à la création de robots toujours plus perfor-
mants, il est à craindre que cette ambition
puisse, peut-être, faire disparaître le méde-
cin ou au moins le réduire.
F.G.
TLM N° 105 OCT-NOV-DÉC 2016 13
250 microns — soit l’épaisseur de trois
cheveux —, Protheus circulera dans le sys-
tème sanguin du patient. Contrôlé à dis-
tance grâce à des ondes électromagné-
tiques d’une puissance de 2 à 3 watts, il
aura pour mission d’explorer le corps hu-
main, transporter du nanomatériel, des
médicaments à dose concentrée, ou en-
core soigner des tumeurs. Autre prototype
de nanorobot, le robot marcheur : une fois
implanté, son rôle sera de forcer le dia-
phragme de patients ayant des difficultés
respiratoires. Si l’utilisation de ces nano-
robots pose débat au niveau médical, en
raison de leur capacité à effectuer des
tâches complexes en évoluant seuls, ve-
nant ainsi contrecarrer la vocation pre-
mière de la médecine, tout porte à croire,
au rythme où s’enchaînent les innovations,
que leur emploi se généralisera dans les
pays développés d’ici quelques années.
F.G.
INTERVENTIONS CIBLÉES, DÉFICIENCE MOTRICE…
Le nouvel office de
la robotique médicale