Intervention de G Révérend au colloque "papa dans touts ses états ou quelle la place du père en périnatalité" Saint Amand Les Eaux, 19 janvier 2010 organisé par le réseau périnatalité du Hainaut
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Les pères en périnatalité G Reverend
1. Les pères en périnatalité : vraie place ou strapontin ?
Gérard REVEREND, président de l’association [les papas = les mamans]
En tant que promoteur citoyen de l’implication paternelle, il convient de saluer les
professionnels pour l’interrogation faite dans ce colloque sur le regard porté sur la place
des pères auprès de l’enfant très jeune ; ce regard reste fortement chargé par un
héritage culturel fortement ébranlé par la démocratisation en cours de la sphère privée
(concomitamment d’ailleurs à celle de la sphère publique) avec notamment la révolution
anthropologique du féminisme , la nouvelle place de l’enfance… et les « nouveaux pères »
dont le statut reste très fragile , autrement dit un statut d’exclusion sociale.
Questionner une place… ou le sens de la question ?
La question de la place des pères de ce colloque reprend celle plus générale de la société
(par exemple « quelle place pour le Père ? », « de quel Père la société a-t-elle besoin ? »
Quand ce n’est pas « où sont les pères ? ») et pose bien implicitement une incertitude
paternelle face à une certitude jamais réinterrogée : celle de la place de la mère ; autant
dire que l’on se retrouve ainsi dans le champ patriarcal (« mater certissimae, pater
incertus »)… C’est cette question que nous allons questionner en l’éclairant des faits
socio- historiques qu’elle contient.
Des faits socio-historiques qui continuent de façonner notre regard sur des places
parentales hiérarchisées selon le sexe , malgré des mutations socio-parentales
majeures :
La perception de places parentales très différenciées et hiérarchisées selon le sexe,
dans un modèle unique, somme toute, traditionnel (et même traditionaliste pour ne pas
dire réactionnaire) reste largement prégnant et tend encore à l’injonction. Ce modèle est
2. une caractéristique française et n’est en rien « naturel » ou « universel » (la Suède, par
exemple a développé un modèle « individualiste » assez peu différencié sur le plan sexué,
y compris dans les statuts parentaux). On est là sous le poids des politiques publiques
(arrêt Griesmar, CEJ) et c’est sous Vichy que ces représentations se sont cristallisées,
avec une institutionnalisation aboutie des conceptions maternalistes et natalistes dans
une glorification maternelle initiée dés le 19 ème siècle, l’exclusion corolaire des pères
auprès de l’enfant étant implicite mais puissante. Les discours « savants » naturalistes
(notamment médicaux) ont repris et cautionné les injonctions théocratiques (ainsi que les
mouvements familiaux dés le début du vingtième siècle) et largement participé au
materno-centrage. La création de l‘Ordre des médecins a été conçue et développée,
entre autres, pour promouvoir auprès du public, le maternalisme… et « l’hygiène sociale et
raciale » ; les médecins, sages-femmes et pharmaciens ont été ainsi intégrés dans la
propagande familialiste, les mères ont été traitées comme une « corporation »). Les
années 50 ont pérennisé et développé ces représentations aboutissant au modèle « mère
au foyer / père gagne-pain ». Les discours médico-psychologiques (surtout en France
avec la théorisation lacanienne de la « fonction paternelle » pouvant être tenue par
n’importe quelle personne ou structure investie d’« autorictas », autrement dit le Père
peut être substitué, le père réel étant qualifié de « figure fantoche »), de manière
réduite et caricaturale par les médias mais peut-être encore plus par les diffusions
professionnelles des discours savants (formations , publications). Le terme de
« prééminence maternelle naturelle » en est une illustration parfaite. Sur le fond la
convergence complexe de tous les facteurs socio-historiques a façonné un véritable
tabou de la présence du père auprès de l’enfant très jeune… qui est sans aucun doute en
cause dans les questionnements sur les nouveaux pères… c’est dire des pères impliqués.
Les données connues des évolutions sociales démontrent pourtant que ce modèle
hautement différencié est devenu statistiquement minoritaire et que les pratiques
familiales se vivent dans une très grande diversité. L’état actualisé des mutations des
savoirs sur la petite enfance tend largement à confirmer que la coparentalité effective
est largement plus bénéfique pour la construction de l’enfant et ce, dés les premières
heures de la vie. L’implication paternelle précoce augmente chez l’enfant l’estime de soi ,
la construction de l’identité sexuée , la socialisation , les résultats scolaires et l’insertion
sociale et professionnelle … et décharge avantageusement les mères . La période
d’accueil de l’enfant est critique et un soutien réel à la future paternité permet de
faciliter le lien père/enfant …
3. Effets : stress des injonctions sociales contradictoires pour les deux parents !
80 % des mères travaillent aujourd’hui et le congé de paternité démontre que les pères
sont près à s’investir largement dans les soins du bébé… quand la société est capable de
concevoir la coparentalité et de créer des mesures adéquates en ce sens (14 jours dans
la vie d’un enfant…). Le marché du travail (fortement sexiste !) et les politiques familiales
continuent de favoriser une quasi exclusivité de la place des mères (ou du féminin dans
l’accueil de la petite enfance) auprès des jeunes enfants. Les mères sont ainsi invitées
socialement à assumer un sacrifice de leur carrière et de leur liberté… et les pères à
travailler plus et être donc moins disponibles dans leur famille. Pourtant les pères sont
largement disposés, selon tous les indicateurs connus, à s’investir beaucoup plus dans leur
famille mais ils en sont empêchés par la prégnance de représentations et l’absence de
mesures institutionnelles adéquates. Les deux sexes se retrouvent renvoyés à leurs
places assignées traditionnellement contre leur désir réciproque de partage et se
trouvent impliqués dans des injonctions contradictoires dont il convient de rappeler la
forte charge de souffrance (« double bind »)… La confrontation à des modèles
antagonistes tend à diviser et à opposer les personnes de chaque sexe mais aussi à
augmenter les conflits parentaux et donc les séparations.
Divorces ou le siège éjectable des pères :
Hormis les 15 % actuels de résidence alternée, la garde des enfants est confiée 9 fois
sur 10 aux mères avec des possibilités institutionnelles particulièrement réduites de
maintien du lien enfant/père (30 % des enfants perdent tout contact avec leur père
après séparation parentale ), les pères ont une probabilité de 1 % par année d’âge de
l’enfant d’obtenir la garde des enfants et n’ont aucun moyen réel de pouvoir être
présents et reconnus dans l’éducation de leurs enfants lorsque la mère s’y oppose après
séparation. Les mères sont ainsi poussées socialement à pratiquer une exclusivité
(parfois à la limite du théâtralisme) selon une norme puissamment intériorisée. Quand on
parle d’exclusivité il convient de rappeler qu’il y a une toujours une exclusion corollaire…
avec la caution des institutions qui vaut tacite incitation .
Les débats sur les nécessaires évolutions du traitement social des séparations ont été le
prétexte pour une poignée de médecins instrumentalisés de réactiver un maternalisme
extrême en lui donnant un alibi et une caution à visage médical. Les méthodes de ces
discours se rapprochent d’une rhétorique polémiste, usant notamment de l’argument
d’autorité, d’un sécuritarisme outrancier faisant fi de la charge de la preuve ou de
l’impact sur le public (l’article R.4127-13 du code santé publique est ainsi violé ). On peut
illustrer avec le cas du Docteur Maurice Berger qui décrit des « pathologies habituelles
4. de la résidence alternée » (sans aucune étude à l’appui…) et écrit (dans des revues
savantes avec comité de lecture) que les enfants risquent des destructions cérébrales
irréversibles s’ils ne dorment pas chez leur mère tous les soirs jusqu’à 9 ans et qu’il
convient pour éviter ce risque » d’introduire le père très progressivement et à doses
homéopathiques »… sans oublier des injures écrites à un chercheur connu ne partageant
pas son avis, une véritable pathologisation de toute personne pouvant diverger de ses
certitudes et même une politisation politicienne de ces débats .
Perspectives d’évolution :
Tant que l’on raisonne en « mère et père », nous sommes renvoyés à des représentations
parentales opposées avec des jeux complexes d’exclusion croisée que l’on risque
d’entretenir à notre insu. Le fait de considérer un couple de parents accueillant et
élevant un enfant permet déjà de sortir de l’ornière… et des questions.
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