Journée sécurité et bien-être au travail du 04/04/2019 (3/6)

CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DU LUXEMBOURG BELGE
Journée sécurité et bien-être sur le lieu de travail – 04/04/2019 (3/6)
De l’accident à la consignation des énergies: retour d’expérience
Oratrice: Lesley LYCKE – Conseiller en Prévention, Euro-Locks Bastogne

JOURNÉE SÉCURITÉ ET BIEN-ÊTRE
SUR LE LIEU DE TRAVAIL
4 AVRIL 2019

DE L’ACCIDENT
À LA CONSIGNATION DES ÉNERGIES:
RETOUR D’EXPÉRIENCE

PRÉSENTATIONS
LYCKE Lesley
o Formation de gradué en électromécanique (2003)
o Conseiller en prévention niveau II depuis 2006
o Conseiller en prévention niveau I depuis 2011
Euro-locks SA Bastogne - Direction du SIPP
8 Rue de la Fontaine, B-6600 Bastogne
lesley.lycke@euro-locks.be
061/210.597

PRÉSENTATIONS
EURO-LOCKS
o Fabrication de serrures et systèmes de verrouillage, de la matière première au produit fini;
o Division européenne du groupe anglais Lowe & Fletcher;
o Usine implantée à Bastogne depuis 1972;
o 240 travailleurs;
o Site de 10 000 m².

ACCIDENT DU 22/11/2017
Environnement
o Accident survenu dans l’atelier de moulage, sur une machine de fonderie.
Equipement de travail
o Fonction de la machine :
Moulage sous pression de pièces en Zamak
(Zamak = Alliage à >95% de Zinc + Aluminium + Magnésium + Cuivre)

Equipement de travail
o Principe d’une machine de fonderie :

Circonstances
o Machine de 1972, mise en conformité en octobre 2007;
o Machine de marque FRECH, modèle DAW20. 20 tonnes de pression d’injection;
o La campagne de moulage précédente à celle de l’accident utilisait un ancien moule dit « à
tirage ». Ce moule est équipé d’un gros piston hydraulique.

Circonstances
o Particularité : Le piston du moule à tirage impose de travailler avec la porte arrière de la
machine ouverte, et donc de ponter l’interrupteur de sécurité (!);
o Un opérateur (ayant 30 ans d’expérience) réalise un changement de production. Il démonte le
moule à tirage de la machine et monte un moule conventionnel à la place;
o L’interrupteur de sécurité est laissé ponté (!);
o L’opérateur procède aux premiers essais, réalise quelques pièces, et lance la production;
o Après quelques temps, l’éjection des pièces commence à poser des problème (les pièces restent
collées dans le moule). Il faut réaliser un réglage de la machine;

Circonstances
o L’opérateur se charge d’effectuer le réglage (opération assez courante). Pour cela, il doit agir sur
un limiteur de débit placé à l’arrière de la machine, sur le plateau mobile. Il passe donc à
l’arrière de la machine, et ouvre la porte de protection.

Circonstances
o La machine est laissée en mode « production ». Etant donné que l’interrupteur de sécurité est
toujours ponté (suite à l’utilisation antécédente du moule à tirage), la machine ne s’arrête pas, et
continue d’effectuer ses cycles de production;

Circonstances
o Il faut agir sur un limiteur de débit hydraulique. Ce n’est plus le limiteur d’origine; son réglage
doit se faire avec une clé Allen. L’opérateur prend une clé Allen (clé en « T »), et la positionne sur
une des vis de réglage, lors d’une phase d’ouverture de moule. La machine tourne toujours;

Circonstances
o L’opérateur, par réflexe, habitude,… pose le doigt à l’extrémité de la clé;
o MAIS : Le limiteur se trouve sur le plateau mobile de la machine;
o Or, le plateau mobile est une pièce en mouvement, et la machine tourne…

Circonstances
o A ce moment, la machine « ferme » le moule, le verrouille (20T de pression) avant d’injecter le
métal;
o L’extrémité du doigt de l’opérateur est écrasé entre le bout de la clé et le plateau fixe.

Conséquences
o Amputation partielle de la 1ière phalange de l’index. AT « Grave »;
o 85 jours d’Incapacité de Travail;
o Premiers constats par la Police (car appel des urgences). Mise à la arrêt de la machine et visite
de l’Inspection. Dossier transmis à l’Auditorat du Travail.

Analyse des causes de l’accident (arbre des causes)
o Utilisation, lors de la production précédente, d’un moule à tirage (dernier exemplaire du genre). Il
empêche de fermer la porte de protection, d’où pontage de l’interrupteur de sécurité;
o Interrupteur de sécurité toujours ponté lors de la production le jour de l’AT;
o Limiteur de débit à réglage par vis Allen (et non plus à molette, comme à l’origine). C’est ici tout
le risque lié au fait de ne pas utiliser des pièces d’origine;
o Vis de réglage du limiteur située dans l’axe de la machine (un limiteur d’origine est monté
perpendiculairement à l’axe de la machine);
o Réglage du limiteur très peu sensible (de nombreux tours de vis sont nécessaires avant de
constater un changement de vitesse de la machine);

Analyse des causes de l’accident
o Absence de procédure relative au montage/démontage du moule à tirage et de l’interrupteur de
sécurité (pas de procédure de consignation);
o Réglages effectués avec la machine en mode production (« gain de temps » (!));
o Clé Allen en « T » utilisée dans sa longueur;
o Machine mise en conformité 10 ans avant l’accident. Mais:
 Les roulettes des portes s’usent mal, et rendent leur manœuvre plus difficile;
 Les interrupteurs de sécurité seraient trop sensibles, engendreraient des arrêts intempestifs et
servent de butées pour les portes (!);
NB : Lors de l’analyse de l’accident, plusieurs interrupteurs pontés ont été retrouvés, sur d’autres
machines…

Mesures prises suite à l’accident
o Le jour de l’accident, ordre de la direction générale de rebuter le moule à tirage (!) par
adaptation d’un moule conventionnel;
o Remontage immédiat de l’interrupteur de sécurité + contrôle fonctionnel de tous les autres
interrupteurs;
o Sur toutes les machines de la même génération, placement et essai de blocs de guidage et de
protection des interrupteurs de sécurité;

Mesures prises suite à l’accident
o Révisions / amélioration des roulettes de portes (placement de roues montées sur roulements à
billes). Plus faciles à régler, moins sensibles aux vibrations, elles limitent fortement les risques
d’arrêts intempestifs;
o Remplacement du limiteur de débit à vis par un modèle « d’origine », à molette.

PRÉVENTION
Autres mesures prises, en complément
o Recommandation du SIPP (pour pallier à une maintenance moins qu’adéquate) de réaliser un
contrôle périodique des interrupteurs et BP d’arrêt d’urgence :
 Conseillé par le SIPP: contrôle sur base
hebdomadaire (idem Euro-Locks France),
voire bihebdomadaire;
 Dans les faits, contrôle réalisé 1x/mois;
 Contrôle documenté, daté et signé;
 Original conservé au SIPP et conclusions
directement transmises au service technique,
pour action(s) corrective(s) éventuelle(s).

PRÉVENTION
 Ce contrôle assure de maintenir les équipements
de travail à niveau tel qu’ils satisfassent, tout
au long de leur utilisation, aux dispositions
qui leur sont applicables (Art. IV.2-13 du Code)
 Contrôle étendu à un second service utilisant des machines dangereuses (atelier de découpe
presses), à la suggestion du SIPP et à la demande du responsable de la zone;
 Remise en conformité du parc machines de la section presses (action générale à l’entreprise,
portée au plan annuel depuis 2015,… soit 2 ans avant l’accident!).

PRÉVENTION
o Etude et développement de la procédure de consignation des énergies

CONSIGNATION DES ÉNERGIES
Consignation? Pourquoi?

Définition de la consignation
o Selon l’IRNS : La consignation est une procédure de mise en sécurité destinée à assurer la
protection des personnes et des équipements contre les conséquences de tout maintien accidentel
ou de toute apparition ou réapparition intempestive d’énergie ou de fluide dangereux sur ces
équipements.
Concernent toutes les énergies (électrique, hydraulique, pneumatique, cinétique, potentielle,…) et
substances dangereuses (gaz, vapeurs, liquides, toxiques, corrosifs, inflammables,…).
o Pays anglophones : LOTO (Lock Out Tag Out)
o Canada : Cadenassage

Les 7 Règles d’Or de la consignation
1. Coordination (communiquer avec responsable de zone, préparer les travaux);
2. Séparation (coupure énergies et fluides via disjoncteur, sectionneur, vanne,…)
3. Condamnation (verrouillage, cadenas, retrait liaison mécanique, bride pleine,…)
4. Vérification (mesure, essai, vérification visuelle)
5. Notification (étiquette(s) accrochée(s) au cadenas, nom, prénom, date, durée,…)
6. Délimitation de la zone à risques (balisage, ruban, cônes,…)
7. Mise à disposition - Exécution de la tâche
+ Mettre à la terre, décharger, mettre en court-circuit
+ Immobilisation de mécanismes (verrouillage, blocage, étançon, béquille,…)
+ Purge, rinçage, décontamination de conduites, réservoirs, cuves
+ Ventilation (milieu confiné, gaz,…)

CONSIGNATION DES ÉNERGIES – EN PRATIQUE
Il n’existe pas de procédure de consignation « toute faite ». Il faut la créer, l’adapter à l’entreprise
dufait de la diversité des situations, des risques en présence, de la « culture sécurité » de l’entreprise.
Conditions préalables
o Appui indispensable (inconditionnel) du (haut) management
o Idéalement, la consignation devrait être mise en œuvre par conviction/souci de prévention...
o Pas simple si l’entreprise n’a pas de réelle Culture Sécurité
o La mise en œuvre de la consignation a un coût… (plutôt un investissement !)
Déclencheur = AT du 22/11/2017, mais surtout, la remarque/exigence de l’inspection du travail lors
de la visite qui a suivi…

o La consignation concerne toutes les énergies et tous les fluides. Elle suppose donc d’avoir une
bonne connaissance/compréhension des systèmes afin de consigner toute la ligne (ex : fermer une
vanne sur une conduit impose aussi de consigner l’énergie initiant le mouvement (pompe,
compresseur, etc.))
NB : Ne pas oublier les énergies telles que l’inertie, la pesanteur, le vent dans pales d’un ventilateur
qui peuvent tourner et générer une tension…
o De fait, la consignation ne peut être un projet du seul ressort du conseiller en prévention ou du
SIPP. Elle impose la collaboration, l’implication de tous les services (service technique,
maintenance, ateliers concernés,...).

Mise en œuvre à Euro-Locks
o En accord avec la direction technique, et tenant compte des principaux risques, décision
d’aborder la consignation d’abord pour les travaux électriques.
MAIS…
o Travaux sur installation électrique autorisés uniquement pour le personnel habilité BA4-BA5
(art.47 du RGIE) : Avant de parler de consignation, il faut définir leur formation, leur rayon
d’action, leurs compétences.
Redéfinir le rôle des BA4, BA5 et BA5HT, et développement de la procédure qui les encadre. On se
limitait à une formation-type BA4-BA5 dispensée par un organisme extérieur, mais c’est nettement
insuffisant car ne tient pas compte des spécificités et des risques liés à l’installation électrique propre
à l’entreprise. Ce complément de formation va être développé tout prochainement.

→ Formation sur risques spécifiques impose une analyse des risques (obligatoire) de l’installation
électrique (art. I.2-5, I.2-6 ET I.2-7 du Code du BET)
Analyse prévue durant la fermeture annuelle (en même temps que contrôle périodiques HT et BT), en
collaboration avec Vinçotte, le sous-traitant en charge de nos installations électriques fixes, un
technicien de maintenance, un CP.
→ Prérequis à l’analyse : plans de l’installation électrique à jour
Demande de mise à jour de tous les plans électriques de l’entreprise au sous-traitant (demande faite
en décembre 2017,
dossier reçu en janvier 2019).
Contrôle des plans (et du repérage des circuits)
+ mise en place d’une version papier près de
chaque armoire électrique, de chaque TGBT.

o Achat du matériel de consignation
RDV avec des spécialistes en matière de consignation. La gamme de produits en la matière est (très)
vaste.
Quelques conseils:
- Standardiser un maximum le matériel de consignation (quitte à adapter quelques éléments de vos
installations);
- Choisir du matériel simple et rapide à placer;
- Energies électriques dans les armoires = Utiliser des cadenas
sans élément en métal;
- Cadenas dédiés uniquement à la consignation,… et inversement !
- 1 cadenas = 1 clé. JAMAIS de double !
- Possibilité de choisir un code couleur par métier

o Vérifier si tout ce qu’on veut consigner est « consignable » (sectionneurs, disjoncteurs, vannes, etc.)
Demande de prêt de matériel de consignation au fournisseur, et vérification de la compatibilité avec
tout le contenu des armoires électriques (différentes marques de disjoncteurs, tailles, nombre de
modules, type de fusibles, etc.).
Essai de moraillons pour la consignation à plusieurs intervenants

Vérifier que tous les interrupteurs-sectionneurs soient cadenassables.
Vérifier que ceux qui le sont autorisent bien le passage du cadenas (taille, dimension des ouvertures)
Conseil : Tenir compte des possibilités de consignation lors de l’achat de tout nouvel équipement de travail
(procédure des 3 feux verts)

o Repérage des points de consignation
Réalisation d’un inventaire des points de consignation de chaque équipement de travail, atelier par
atelier (électricité, eau, air comprimé).
Réalisation de plaquettes en matière synthétique (tenue dans le temps), avec code couleurs,
pictogramme, et repérage de l’équipement concerné.

Lors de l’inventaire des points de consignation, contrôle de leur accessibilité. Exemple ci-dessous avec
l’arrivée d’air sur une machine de fonderie… à 3 mètres du sol !

Note sur la « Séparation »
La séparation (coupure des énergies et des fluides) doit être physique, clairement visible.
→ Un Arrêt d’urgence
→ Un « Stop » sur le circuit de pilotage
Ne sont pas considérés comme une séparation de la source d’énergie !
Par contre, le retrait d’une prise de contact est une séparation correcte… mais il faut la condamner!

Note sur la « Vérification »
La vérification d’absence de tension est un travail sous tension !
Révision du matériel à disposition des techniciens de maintenance;
- EPI : Vêtements NOMEX, gants de protection électrique,
recherche de visières de protection pour risque électrique;
- Vérification de la catégorie de tous les multimètres (1 à 4);
- Rappel de l’importance de « sonner » les cordons;
- Demande au service technique de vérifier que
chaque technicien habilité dispose bien d’outils
isolés électriquement, propres, et avec isolation
en parfait état.

Note sur la « Notification »
L’étiquette accrochée au cadenas doit au moins reprendre :
o Désignation de l’installation consignée (nom, numéro,…);
o Raison(s) de la consignation (ex : remplacement moteur);
o Le nom et prénom de l’opérateur qui a consigné. Eviter les initiales (dangereux si homonymes
dans le service);
o N° de téléphone ou de GSM où joindre
l’opérateur;
o Date et durée de la consignation
(éviter 1h à 4h, préférer 13h à 16h).

Procédure de consignation
o Procédure à garder le PLUS SIMPLE POSSIBLE !!
o Définir qui fait quoi, dans quelles limites. Définir un « chargé de consignation », garant de la
bonne application de la procédure. Tenir compte des mentalités, de l’historique, des compétences
de chacun;
o Former le personnel à la consignation, le sensibiliser à l’importance de la procédure;
o Information des autres travailleurs (ligne hiérarchique, maîtrise, responsables de zones) de ce
qu’est la consignation;
o Eliminer dès le départ les raisons (parfois légitimes) de « frauder » la procédure. D’où le (long)
travail préparatoire, sur le terrain, en amont;

o Insister sur l’importance de documenter la consignation (établir une fiche ou un registre de
consignation rempli par le chargé de consignation, auquel on joint l’étiquette de consignation à la
fin du travail). Loin d’être une paperasse inutile, la fiche;
 Permet de savoir si une consignation est en cours;
 Retrace l’historique d’une consignation (ex: travail entamé mais non terminé, changement de
pause, etc.)
 Permet de vérifier que la procédure est bien appliquée, et par tout le monde (Audits de
terrain);
 Peut servir en cas d’accident (élément de preuve).

o Passe-partout : il peut s’avérer utile (ex: oubli de « déconsigner » une installation), mais attention
aux responsabilités endossées. Il faut bien définir les conditions d’utilisation du passe-partout :
 Emplacement de clé ?
 Qui l’utilise ?
 Dans quelles situations ?
 Sous quelles conditions ?
o Définir clairement dans la procédure ce qui se passe en cas de non respect de la consignation
(sanctions)… et veiller à leur stricte application.

o Idéalement, une fois la procédure prête, la faire tester/valider en pratique par des opérateurs
(judicieusement choisis et qualifiés) qui n’ont pas participé à sa rédaction (groupe-pilote).
o Considérer également la question des entreprises extérieures:
 Mentionner la procédure de consignation dans vos règles de sécurité, et l’obligation de la
respecter;
 Votre sous-traitant ne connaît pas nécessairement vos installations: le chargé de consignation
de votre entreprise a ici un rôle de première importance.

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