Revue "What's Up Doc" n°26 - Mai Juin 2016
Prise de poste. Visite des lieux… « Voilà ton bureau ! » La porte s’ouvre sur 4 murs sans fenêtre. Encore un cagibi réaménagé en bureau…
« Bon. Tu as vu où était la radio. L’IRM est au 2e sous-sol. Les urgences sont dans l’aile ouest, la réa à l’est. Le self est dans une annexe de l’autre côté du jardin. Et tu as peut-être repéré l’internat et toutes les chambres de garde près de l’entrée ? Y a un couloir en sous-sol qui permet d’y aller directement. Par contre les DECT n’y captent pas très bien… Tout est OK ? » Comment dire…
La fin du XXe siècle a connu un faible niveau de construction hospitalière, contrairement au XXIe. Plus de 20 milliards d’euros attribués par les plans d’aide à l’investissement Hôpital 2007 et Hôpital 2012 !
Les frontières classiques entre hôpitaux publics et cliniques privées s’effacent pour faire place aux établissements de santé amenés à répondre à des contraintes proches. Mutualisation des moyens, flexibilité des installations, modularité des espaces : les flux de patients constituent un challenge toujours renouvelé, aux enjeux qualitatifs, médicaux et économiques.
Ajoutons les perspectives du numérique, les nécessités écologiques, la reconnaissance de l’impact de la qualité du lieu : la construction hospitalière se révèle être un travail passionnant et complexe que What’s up Doc nous fait partager !
P. 18 : OÙ L'ON RÊVERAIT DE TRAVAILLER
P. 20 : LES ÉTABLISSEMENTS DE DEMAIN, DÈS L’AUBE
P. 22 : EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE : HÔPITAUX ET CLINIQUES DOIVENT S'Y METTRE !
P. 23 : NUMÉRISER LES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ
P. 24 : CONSTRUCTION DES VILLES, CONSTRUCTION DES CHAMPS
P. 26 : LES GRANDES ÉTAPES DU CHANTIER
P. 28 : ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ, UN SUJET MONDIAL
P. 29 : CONCLUSION DE L'ENQUÊTE
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2. P. 18 OÙ L'ON RÊVERAIT DE TRAVAILLER
P. 20 LES ÉTABLISSEMENTS DE DEMAIN, DÈS L’AUBE
P. 22 EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE : HÔPITAUX
ET CLINIQUES DOIVENT S'Y METTRE !
P. 23 NUMÉRISER LES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ
P. 24 CONSTRUCTION DES VILLES,
CONSTRUCTION DES CHAMPS
P. 26 LES GRANDES ÉTAPES DU CHANTIER
P. 28 ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ, UN SUJET MONDIAL
P. 29 CONCLUSION DE L'ENQUÊTE
SARAH BALFAGON, YVAN PANDELÉ,
JOHANA HALLMANN, ADRIEN RENAUD,
IDRIS AMROUCHE, LUC BLONDEAU,
ALICE DESCHENAU ET MATTHIEU DURAND
17mai-juin 2016 What’s Up Doc? 26
5. What’s Up Doc? 26 mai-juin 201620
EN-
QUÊTE
HÔPITAUX & CLINIQUES DU RÊVE À LA RÉALITÉ
LES ÉTABLISSEMENTS
DE DEMAIN, dès l’aubeAMBULATOIRE, ÉVOLUTIF, FEUTRÉ ET OUVERT : L’HÔPITAL DE DEMAIN
SE VOUDRAIT À LA FOIS PLUS TECHNIQUE ET PLUS HUMAIN.
POUR DES LENDEMAINS QUI CHANTENT, SUIVEZ LE GUIDE.
omme l’église, l’hôpital est un bâtiment si
emblématique qu’il en est venu à désigner
son institution de tutelle. Lieu de tous les
enjeux, il incarne et – dans le meilleur des
cas – anticipe les évolutions de la société.
C’est ainsi que l’hôpital pavillonnaire, reflet des
préoccupations hygiénistes du XIXe
siècle, a cédé
la place dans les années 1930 à l’impressionnant
hôpital monobloc, incarnation d’une médecine
rationaliste et technophile. Et demain, à quoi
ressemblera l’hôpital?
Ce n’est plus la taille qui compte
Finis les hôpitaux-cathédrales des années 1970,
tutoyant le ciel avec ostentation, ou les interminables
hôpitaux horizontaux : le gigantisme a fait son temps.
L’essor de l’ambulatoire, lié à la hausse de
pathologies chroniques, impose une réduction
de la capacité d’accueil qui se traduit par des bâtis
beaucoup plus compacts. Le nouveau CHU de
Nantes, sur l’île de Nantes, accueillera ainsi moins
de 1500 lits, contre 2600 à l’heure actuelle.
Le tournant ambulatoire est LA contrainte structurelle
majeure pour l’hôpital de demain. D’une logique
de « stock », liée au nombre de lits, l’hôpital
s’inscrira dans une logique de flux, qui impose
de penser au mieux les parcours patients et de
décloisonner les espaces. « L’hôpital ne va pas
augmenter en volume mais en taux de rotation »,
considère Antoine Buisseret, directeur exécutif et
architecte associé du cabinet d’architectes Groupe-6.
L’abus d’ambu ne nuit pas à la santé
« Il y a quelques années, on disait qu’il fallait un
plateau technique au cœur et des bâtiments satellites
pour les hospitalisations et les consultations »,
raconte Bruno Follin, architecte associé du cabinet
AIA architectes. « C’est en train de disparaître. »
Les circuits se raccourcissent tandis que les surfaces
se réduisent : les bureaux de consultation tutoieront
les salles d’opération, sans qu’il faille traverser
3 portes et 2 couloirs pour passer de l’un à l’autre.
« L’hôpital se resserre autour du plateau technique »,
résume Antoine Buisseret, de Groupe-6.
Le plateau technique, quant à lui, continuera de
croître au rythme des progrès de la robotique
chirurgicale et de l’imagerie, et la tendance à la
mutualisation va se poursuivre. Pièce maîtresse
de l’hôpital, il en deviendra de plus en plus la vitrine,
au sens figuré comme au sens propre. « La vraie
tendance, c’est de mettre le plateau technique en
vitrine sur le hall d’accueil », indique Bruno Follin.
« D’une logique de
"stock",liée au nombre
de lits, l’hôpital
s’inscrira dans une
logique de flux.»
7. 150 kWh/m2
immeuble
de bureaux
800 kWh/m2
hôpital
50 kWh/m2
immeuble
d'habitation
Efficacité énergétique :
hôpitaux et cliniques
doivent s’y mettre!
LA CONSTRUCTION HOSPITALIÈRE N’ÉCHAPPE PAS AU GRAND ENJEU
DU SIÈCLE : LE DÉFI ENVIRONNEMENTAL. UNE QUESTION QUI MET À RUDE
ÉPREUVE L’INGÉNIOSITÉ DES ARCHITECTES.
n ces temps de changement climatique,
tout le monde doit participer à l’effort
d’efficacité énergétique. Même l’hôpital.
Et il y a du boulot, car nos établissements
sont particulièrement énergivores.
700 ou 800 kWh/m²
« On estime la consommation énergétique d’un
hôpital à 700 ou 800 kWh/m² », explique Éric
Bussolino, directeur d’AIA Studio Environnement,
le pôle environnemental de l’agence d’architectes
AIA. « En comparaison, celle d’un immeuble de
bureaux est estimée à 100 ou 150 kWh/m², et
celle d’un immeuble d’habitation à 50 kWh/m² ».
Le problème, c’est que les normes sanitaires limitent
fortement les marges de manœuvre pour réduire
cet écart. « Quand on fait un plateau technique
d’une quinzaine de salles d’opération, par exemple,
respecter les normes pousse à la consommation
d’air et donc d’énergie », remarque Éric Bussolino.
L’énergie « open bar »
Il n’est pas question de transiger avec la sécurité
des patients, on ne peut donc que tenter de faire
porter l’effort ailleurs. « Notre société, et donc nos
hôpitaux, ont un rapport à l’énergie qui est un peu
"open bar" », regrette Éric. « Le changement passe
par une prise de conscience ».
Autrement dit : soignants et soignés doivent modifier
leurs habitudes. Éric Bussolino estime d’ailleurs que
70 % de la consommation énergétique d’un hôpital
n’est pas liée à la qualité intrinsèque des bâtiments,
mais au comportement de ceux qui les occupent.
Végétalisation et énergie renouvelable
Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de progrès possible
côté architectural. C’est en tout cas l’opinion d’Antoine
Buisseret, de Groupe-6 l'agence venant de réaliser le
Nouvel Hôpital d'Orléans (NHO), certifié Haute Qualité
environnementale (HQE) toutes phases. « L’espace des
urgences vitales étant très consommateur, l’innovation
environnementale se fait principalement dans les
espaces non médicaux comme les hébergements »,
explique-t-il. À Orléans, c'est une solution de façade
légère à ossature bois qui a été retenue.
Entre choix des matériaux, compacité des bâtiments,
végétalisation ou production d’énergie renouvelable,
une vraie mutation s’est même opérée au cours
des dernières années. Éric Bussolino remarque
d’ailleurs que presque tous les projets hospitaliers
s'inscrivent dans une démarche de certification
HQE, un processus très rigoureux visant à
réduire l’empreinte écologique des bâtiments.
Énergie positive
Pourra-t-on un jour imaginer des hôpitaux à énergie
positive, comme il existe des logements à énergie
positive? « Ce sera un sujet dans les prochaines
années, mais ce n’est pas pour demain », tranche
le spécialiste d’AIA. « La difficulté, c’est de répondre
aux pics de charge : dans un hôpital, beaucoup
de choses peuvent démarrer en même temps. »
L’alimentation énergétique doit pouvoir suivre.
Ce qui n’est pas une raison pour ne pas s’attaquer
au sujet. Aux États-Unis, le Gundersen Health System,
un groupement hospitalier de plus de 8500 employés,
a même réussi à produire plus d’énergie qu’il n’en
consommait pendant une cinquantaine de journées
sur une année. « Ils ne savaient pas que c’était
impossible, alors ils l’ont fait », aurait dit MarkTwain.
What’s Up Doc? 26 mai-juin 201622
HÔPITAUX & CLINIQUES DU RÊVE À LA RÉALITÉ
EN-
QUÊTE
9. What’s Up Doc? 26 mai-juin 201624
HÔPITAUX & CLINIQUES DU RÊVE À LA RÉALITÉ
EN-
QUÊTE
« Aujourd’hui, l’hôpital
ne se conçoit qu’au
sein d’un territoire,
et en harmonie avec lui.»
CONSTRUCTION DES VILLES,
construction des champsQU’IL SOIT CITADIN OU BUCOLIQUE, L’HÔPITAL MODERNE SE DOIT D’ÊTRE
CONNECTÉ À SON ENVIRONNEMENT.
ôpital des villes, des banlieues ou
des champs? Pour les architectes,
une chose est sûre : l’environnement
est toujours une donnée fondamentale.
« Le lieu d’implantation, urbain ou
en périphérie, est très structurant : la moitié
du travail réside dans la prise en compte
du contexte », estime Bruno Follin,
architecte associé du cabinet AIA.
« Un projet en dehors de la ville sera plus évolutif,
en revanche les enjeux de mobilité sont beaucoup
plus importants », explique Antoine Buisseret,
directeur exécutif du cabinet Groupe-6. Un enjeu
d’accessibilité d’autant plus crucial que les hôpitaux
génèrent d’importants flux de transport. En zone
rurale, l’hôpital devra donc être bâti près d’un axe
routier et disposer de parkings. En ville, c’est le
réseau de transports publics qui se trouvera sollicité.
Ainsi pour le Nouvel Hôpital d'Orléans,
l'implantation de l'arrêt de tramway a été
adaptée pour en permettre la desserte aisée.
11. 6.00
année01
année05
année04
année03
année02
UN PROJET HOSPITALIER, C’EST UN PEU COMME CONSTRUIRE SA MAISON.
ON A ENVIE QUE CE SOIT PARFAIT, QUE TOUT LE MONDE S’Y SENTE BIEN,
SOIGNANTS, SOIGNÉS, VISITEURS… COMMENT DONC EN FAIRE UN LIEU
AGRÉABLE EN TENANT COMPTE D’UN MAXIMUM DE PARAMÈTRES ?
Étape 1 : le temps de la réflexion,
des programmes et préétudes
Pour monter un projet cohérent, il faut savoir où aller
et donc définir les lignes directrices. Dans ce grand
brainstorming, de nombreux acteurs sont sollicités.
Maître d’ouvrage, urbaniste, programmiste faisant
partie d’un cabinet d’architectes sont des acteurs
clés de cette première étape. À titre consultatif, il
est possible de solliciter le corps médical qui peut
transmettre les éléments qui lui semblent pertinents
dans la réflexion concernant le projet hospitalier.
Ce qui en sort : un programme très précis des
besoins, enjeux et contraintes à tous les niveaux
d’interaction au sein de l’hôpital. Corps médical,
mais aussi restauration, service d’hygiène, et
bien sûr User Experience. Le programme aboutit
alors à un listing minutieux des études à mener
pour estimer concrètement les différents besoins.
Étape 2 : le choix de l’architecte
Le projet mis en place, il faut lancer un concours
auquel, en général, le cabinet d’architectes qui a
planché sur la première étape ne participe pas.
La raison? S’il est choisi au terme du concours,
il est possible de mettre en avant que le maître
d’œuvre a eu accès à des informations sur le projet
susceptible de l’avantager. Sa candidature sera alors
évincée et la place « remise en jeu ». Une perte
de temps inutile. Il est généralement convenu
que le premier cabinet ne sera pas l’architecte
du projet hospitalier final.
Ce qui en sort : un plan dessiné, et un dossier
complet détaillant le projet du cabinet choisi.
C’est à cette étape que l’on visualise ce
que pourrait être le complexe hospitalier
à terme. C’est une étape charnière.
Les grandes
chantier
étapes
du
What’s Up Doc? 26 mai-juin 201626
HÔPITAUX & CLINIQUES DU RÊVE À LA RÉALITÉ
EN-
QUÊTE
12. HÔPITAL
année06
année10
année09
année08
année07
Étape 3 : l’avant-projet,
ou la consolidation des bases
Il est alors temps de contextualiser le projet en
le confrontant à la réalité du terrain. Budget global,
contraintes réglementaires, organisation des
services, sont autant de choses qui se concrétisent
et pour lesquels l’intervention des médecins et
autres personnels de santé s’avère indispensable.
C’est un dossier clé qui est donc monté et soumis
à la commune. Il doit être validé au niveau de la
municipalité pour que les travaux commencent.
Ce qui en sort : des documents graphiques
extrêmement détaillés (plans avec mesures et
dimensions notamment) permettant à la commune
d’apprécier la conformité du bâtiment aux normes
en vigueur, ainsi que la cohérence de la structure.
Sont aussi fournis les plannings et la répartition
précise du budget.
Étape 4 : la construction de l’hôpital
L’étape la plus difficile. Lorsque le permis de
construire est obtenu s’engage alors un challenge
à la hauteur du bâtiment. Faire appel aux différents
corps de métiers, réaliser les devis, organiser
concrètement les plannings pour optimiser au mieux
l’avancée du projet, font partie des petites étapes qui
jalonnent cette dernière partie. Les professionnels
de santé sont généralement amenés à apporter leur
point de vue, essentiellement en fin de parcours,
sur certains détails de confort notamment, comme
le positionnement ou la largeur d’une porte. Leur
expertise est par ailleurs sollicitée concernant les
changements à prendre en compte pour intégrer
au mieux les nouvelles technologies hospitalières.
Car une construction prend au minimum 10 ans!
Ce qui laisse largement le temps à la technique
et à la machinerie médicale d’évoluer…
Ce qui en sort : un hôpital. Ni plus ni moins.
« Les professionnels de
santé sont généralement
amenés à apporter leur
point de vue, en fin
de parcours.»
mai-juin 2016 What’s Up Doc? 26 27
14. DE L’ENQUÊTE
CONCLU
-SION
L’évasion
au travail?
On oublie trop vite dans
la course à l’efficience que
la qualité tant esthétique
qu’organisationnelle
du cadre de travail
est essentielle.
Certes contenter tous
les points de vue et
toutes les demandes,
c’est faire le grand écart…
Cependant moderniser,
construire, voilà ce
que nous attendons.
Nous sommes las des
peintures qui s’effritent,
des fuites d’eaux, des
températures extrêmes,
des fauteuils déchirés
et sales, du blanc partout
ou des effets de couleurs
épileptogènes.
Las des ascenseurs en
panne, des kilomètres
à pied dans les couloirs,
de perdre des confrères
ou des patients entre
le bâtiment D 4e
étage
et le B 9e
étage…
Rêvons de lumière,
d’espaces verts,
d’ouverture, de fluidité…
Rêvons et construisons.
Prenons place dans les
projets pour penser notre
exercice, nos besoins
et ceux de nos patients.
mai-juin 2016 What’s Up Doc? 26 29
Priorités
sanitaires
Priorités
technologiques
Réflexions
énergétiques
Organisation
&design