#2 entamer une révolution culturelle au travers de l'innovation
1. ENTAMERUNE
REVOLUTION
CULTURELLEAU
TRAVERSDE PLUS
D’INNOVATION
ETDECOLLABORATION
Dans ce monde digital où les relations entre clients et marques sont
bouleversées, il devient nécessaire de repenser toute la démarche de
création de produits et de services afin de permettre une innovation
plus rapide, en phase avec ces clients ultra-connectés et très évolutifs.
Mais comment réussir la transition vers un marketing d’avenir?
Faut-il adopter une démarche de rupture en se réorganisant
totalement? Adopter une approche plus tactique en optimisant les
processus-clés de la fonction marketing?
C’est sans doute au prix d’une réelle « révolution culturelle » que le
CMO pourra redonner une impulsion à la démarche d’innovation
marketing. Pour (re)prendre le pouvoir au sein de l’entreprise, il
peut (re)mobiliser l’ensemble des collaborateurs autour d’un outil
digital collaboratif des employés et partenaires dans une dynamique
entrepreneuriale et collaborative.
Par Jean-Baptiste Arnaud, Manager, Caline Sioufi, Manager
et Clément Favier, Senior Consultant, du bureau de Paris
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2. 18 JOURNAL OF MARKETING REVOLUTION #2
La montée en puissance
du digital a révolutionné
le marketing
La montée en puissance du digital
a profondément transformé le rap-
port de force entre les clients et les
marques. Les clients sont devenus de
réels consom’acteurs, qui prennent
progressivement possession des
marques, dictent les nouvelles ten-
dances, et partagent en temps réel leur
avis sur les réseaux sociaux. Face à ce
phénomène, les entreprises doivent se
mettre en ordre de marche pour initier
leur révolution.
Quelle forme doit prendre cette révo-
lution ? C’est avant tout sur le front de
l’innovation que doit se jouer la révo-
lution marketing. Le time-to-market
doit s’accélérer afin de répondre aux
attentes de clients de plus en plus exi-
geants, de plus en plus changeants car
de plus en plus sachants.
L’identification des besoins clients
reste bien sûr le principal ressort de
l’innovation, et c’est ainsi que les en-
treprises ont investi depuis quelques
années dans la mise en place de sys-
tèmes d’écoute 2.0 permettant de
mieux comprendre les préoccupations
de leurs clients. Ces derniers sont de
plus en plus sollicités dans des pro-
cessus de co-conception des produits.
Mais ces initiatives resteront des épi-
phénomènes si les entreprises ne se
transforment pas en profondeur, en
parvenant à entraîner l’ensemble des
fonctions de l’entreprise autour de
l’innovation et vers une plus grande
agilité.
C’est donc potentiellement tout le
modèle opérationnel de l’entreprise
qui doit être repensé afin de per-
mettre cette accélération. Mais dans
le contexte actuel de réduction bud-
gétaire, le CMO peut-il vraiment plaider
pour une refonte totale des modes de
collaboration au sein de l’entreprise ?
Et si oui, comment ?
Une révolution culturelle
interne favorisant l’innovation
et le travail collaboratif
permettra de répondre aux
nouveaux enjeux marketing
Rassurons d’emblée les financiers : la
révolution marketing tient avant tout à
un changement d’attitude. L’innovation
est en effet une posture d’entreprise ; il
n’est donc pas nécessaire d’opérer une
réorganisation profonde, coûteuse en
temps et en énergie, mais plutôt d’inci-
ter les employés à travailler autrement,
et surtout, à penser autrement.
Cette « révolution culturelle » s’appuie
ainsi sur deux piliers majeurs : la créa-
tion d’un état d’esprit entrepreneurial
favorisant l’innovation, et une collabo-
ration accrue.
La révolution culturelle vise en
premier lieu à créer — ou à réinstal-
ler — une véritable culture entre-
preneuriale, stimuler la créativité de
tous les collaborateurs, intensifier la
proposition d’idées nouvelles, favoriser
l’expérimentation et la prise de risques
maîtrisée. Chacun doit être convaincu
qu’il a un rôle à jouer dans l’innovation,
que ses idées peuvent contribuer, ou
générer un projet d’ampleur. Trois en-
treprises peuvent illustrer cette pos-
ture d’innovation.
Tout d’abord Google consacre une part
significative de son budget marketing
donc du temps de ses collaborateurs à
l’exploration de sujets nouveaux selon
la règle stratégique du « 70-20-10 » :
70 % des projets liés au développe-
ment des fonctionnalités cœur (search
& ads), 20 % pour le développement
de fonctionnalités annexes au cœur
(News, Maps,…) et 10 % sur des sujets
de rupture (Picasa, Orkut,…).
Coca-Cola a adopté une stratégie ana-
logue, en veillant à recueillir un retour
d’expérience systématique auprès
des clients mais aussi de ses équipes
impliquées tout au long de la chaîne de
valeur, sur les innovations de rupture
ayant échoué, mais aussi les réus-
sites. C’est à ce titre que l’Allemagne
est devenue le pays qui réalise toutes
les campagnes de Noël pour le monde
entier.
Chez General Electric enfin, chaque
responsable de Business Unit est tenu
de proposer 3 idées innovantes tous
les ans. C’est au cours de sessions an-
nuelles organisées avec le CEO, les CXO
et les principaux clients de l’entreprise
que sont priorisés les investissements
dédiés aux idées innovantes.
Le deuxième pilier de la révolution
culturelle est la collaboration. Pour
proposer des idées marketing corres-
pondant aux attentes du client dans
des délais de plus en plus courts, il est
nécessaire, au-delà de l’écoute active
externe, de casser les silos internes, de
renforcer et d’accélérer les échanges
entre les différentes fonctions de l’en-
treprise. L’innovation dépasse le seul
cadre de la fonction marketing et les
idées de rupture proviennent souvent
d’autres collaborateurs, qui raisonnent
comme des clients potentiels, tout
en infusant dans leur réflexion leur
connaissance de l’entreprise et leur
savoir-faire. Ainsi, un responsable
logistique pourra détecter des oppor-
tunités réalistes d’amélioration de la
distribution grâce à sa connaissance
de la fonction et des limites des outils.
Dans les années 1950 déjà, Taiichi
Ohno a révolutionné les méthodes de
production en promouvant la collabo-
ration interne. Les ouvriers de Toyota
étaient encouragés à proposer des
solutions afin d’optimiser la produc-
tion. Les Managers quant à eux étaient
incités à sortir de leurs bureaux pour
aller à la rencontre des ouvriers. Ce
« crowdsourcing » s’est révélé être
un outil puissant de développement
des compétences et d’implication des
opérateurs dans le changement, tout
en évitant le recours à de lourds inves-
tissements.
Cette démarche d’innovation, au-delà
des portes de la fonction marketing,
ne remet pas en cause le leadership du
CMO dans la création produit ou la re-
lation client, bien au contraire ! L’entre-
prise doit devenir l’un de ses terrains
de jeu, au même titre que les études
3. 19
de marché et l’écoute client sur les ré-
seaux sociaux publics. Charge ensuite
à ses équipes de capter les idées, les
sélectionner, les mettre en perspec-
tive, leur donner du sens afin de parve-
nir à les incarner et les apporter sur le
marché dans un délai raccourci.
Le CMO ne doit donc pas craindre
d’élargir la réflexion marketing à toute
l’entreprise. C’est au contraire en
mobilisant les collaborateurs autour
de l’innovation, source des profits de
demain, qu’il (re)prendra le pouvoir au
sein de l’entreprise. Cette révolution
culturelle est la clé de l’expansion de
l’influence du CMO.
Le Réseau Social d’Entreprise
(RSE) est l’outil digital
qui permettra au CMO
d’accélérer cette révolution
culturelle dans sa Direction,
et plus largement dans toute
l’entreprise
Dans sa démarche, le CMO peut comp-
ter sur un dispositif d’avenir : le Réseau
Social d’Entreprise (RSE). Cet outil
digital collaboratif permet de favoriser
l’innovation et l’échange entre des col-
laborateurs mobilisés autour d’un in-
térêt commun. Pour Alexandre Ricard,
Directeur Général Délégué du Groupe
Pernod Ricard, qui a mis en place un tel
réseau social en 2012, il s’agit d’un réel
« booster de l’innovation, car il facilite
la génération et le partage d’idées ».
Partager les idées et les connais-
sances
Le RSE permet de rassembler exper-
tises et talents « parfois » inconnus
et de développer une intelligence
collective. À travers la création de ré-
seaux et de communautés, des pôles
de compétences internationaux se
créent sur les sujets les plus porteurs.
Ce vecteur d’engagement puissant
remet l’humain au cœur de l’entreprise
et renforce l’envie de réussir ensemble.
Booster l’innovation
Le RSE développe également l’esprit
d’entreprenariat en encourageant cha-
cun à poster des idées dans une « boîte
à idées digitale » ouverte à tous. Une
audience plus large peut ainsi partici-
per à des brainstormings en réunissant
des experts autour d’une idée ou d’un
thème spécifique.
Accélérer les projets
Le RSE permet ensuite d’améliorer
la gestion de projet, grâce à un en-
vironnement unique dans lequel les
membres peuvent partager facilement
de l’information et des documents et
collaborer de manière plus efficace
et transparente. La réactivité projet,
et donc le time-to-market, peuvent
être fortement améliorés grâce à une
utilisation intelligente du RSE. Cela est
particulièrement vrai pour des équipes
décentralisées (régionales ou interna-
tionales) : les contraintes liées à la dis-
tance et/ou au décalage horaire sont
ainsi effacées. Le RSE permet en effet
de faciliter le partage de documents et
la planification des évènements colla-
boratifs.
Améliorer les processus et l’efficacité
opérationnels
La collaboration est enfin renforcée
grâce au partage de bonnes pratiques
et de retours d’expérience qui cassent
les silos entre certaines entités. Dans
les processus métier récurrents égale-
ment, l’outil collaboratif facilite la prise
de décisions et évite souvent l’organi-
sation, la multiplication de réunions ou
l’envoi d’e-mails inutiles, permettant à
chacun d’être plus efficace dans son
travail quotidien. Une étude Salesforce.
com montre notamment que le RSE
permet de trouver une information
52 % plus rapidement et réduit de 27 %
le nombre de réunions.
Le CMO peut se positionner comme le
porteur du RSE afin d’être l’initiateur
de la « révolution culturelle » pour
une collaboration et une innovation
accrues. Cependant, pour réussir la
mise en place du RSE et générer une
réelle adhésion, quelques bonnes pra-
tiques s’avèrent indispensables.
L’implication du CEO et la
simplicité d’utilisation de
l’outil sont les éléments clés
pour réussir la révolution
culturelle
L’implication du CEO/COO est un fac-
teur clé de succès pour la mise en
place et l’adhésion autour du Réseau
Social d’Entreprise. Le CMO a donc la
responsabilité de convaincre le CEO et
ses pairs de la valeur ajoutée du RSE.
Pour que cela fonctionne, il est néces-
saire de montrer l’exemple. Le CEO doit
donc se positionner comme sponsor
du projet et s’assurer de l’adhésion
de l’ensemble du top management.
Pour y parvenir, tous les membres du
comité exécutif doivent être formés
à l’utilisation du réseau social, y être
actifs et être incentivés sur son taux
d’utilisation. Ce sont quelques-unes
des bonnes pratiques mises en place
chez Pernod Ricard.
Ensuite, le RSE doit avoir une utili-
té dans le travail au quotidien pour
réussir à entraîner l’ensemble des
collaborateurs dans le projet. Pour
garantir l’utilisation sur le long terme,
la première étape consiste à réaliser
une phase pilote dans laquelle des cas
utilisateurs permettront de valider les
besoins. Ensuite le travail avec chacun
les métiers/marques/marchés est
primordial pour les aider à innover dans
leurs processus grâce au RSE.
La simplicité d’utilisation est l’autre
maître-mot pour lever les barrières à
l’adoption de l’outil. Il est impératif que
le RSE soit parfaitement et facilement
interfacé avec le poste de travail des
Le Réseau Social
d’Entreprise «est un
booster de l’innovation
car il facilite la génération
et le partage d’idées
Alexandre Ricard, Directeur Général Délégué, Pernod
Ricard
4. 20 JOURNAL OF MARKETING REVOLUTION #2
collaborateurs. L’outil doit être acces-
sible, ergonomique et consultable à
tout moment, de n’importe où et sur
n’importe quelle plateforme (fixe ou
mobile).
Enfin, la conduite du changement
est essentielle pour parvenir à modi-
fier les modes de fonctionnement et
opérer la révolution culturelle interne.
Le CMO doit donc s’assurer d’une vé-
ritable campagne de communication
marketing à travers tous les supports
possibles (newsletter, affichage, vidéos
de présentation mettant en scène des
membres du Top Management,…). Et
parce que ce réseau social est utilisé
dans le monde spécifique de l’entre-
prise, cela passe nécessairement par
l’organisation de sessions d’initiation
et de formation aux nouveaux usages,
surtout pour les collaborateurs non
technophiles (formations en groupe,
e-learning, support online avec ques-
tions/réponses,…). Un système de ré-
férents RSE au sein de chaque équipe
finira de convaincre les plus récalci-
trants !
Conclusion
La mise en place de nouvelles plate-
formes digitales collaboratives re-
présente un investissement d’avenir
pour les entreprises et demeure moins
coûteux et risqué qu’une refonte orga-
nisationnelle qui s’étale généralement
sur 2 ans. En effet, en l’espace de 8 à
12 mois, les CMOs ont l’opportunité de
révolutionner les méthodes de travail
pour gagner en efficacité et exacerber
l’innovation. Angela Ahrendts, CEO de
Burberry, et pionnière sur la digitalisa-
tion des entreprises, lance un message
aux autres dirigeants : « A tous les CEO
sceptiques, vous devez absolument
créer une entreprise sociale et collabo-
rative, aujourd’hui ! ».
À terme, notez que ces plateformes
digitales peuvent être ouvertes à l’ex-
terne, soit en amont à des fournisseurs
ou partenaires telles que les agences
de design ou de communication, soit en
aval à des « consommateurs experts »
soigneusement sélectionnés par les
marques pour leur fidélité, leur niveau
d’expertise produits ou leur fort inté-
rêt manifesté sur les réseaux sociaux
grands publics. Plus qu’une « écoute
sélective », les murs de l’entreprise
s’ouvrent, un dialogue direct peut alors
s’instaurer. C’est la vision d’Alexandre
Ricard : « C’est comme si on avait tous
les collaborateurs autour d’une même
table, qui peuvent discuter de n’im-
porte quel sujet avec nos clients, nos
consommateurs et également avec
nos fournisseurs ».
À tous les CEO
sceptiques, vous
devez absolument
créer une entreprise
sociale et collaborative,
aujourd’hui !
Angela Ahrendts, CEO de Burberry
Boxes / illustrations
Focus sur le groupe Pernod
Ricard
Focus sur le groupe Burberry
Source : Nucleus Research
Facilité d’accès
à l’information
utile
Réduction
du nombre
de réunion
27 % 52 %
le RSE est un formidable support de
circulation des idées
le RSE est un vecteur d’efficacité
Par marché, marque, fonction
ou projet… le réseau rassemble
aujourd’hui pas moins de
2 800 communautés
Concrètement, le client doit avoir un
accès total à Burberry, de n’importe
quel terminal, où qu’il soit, avec
exactement la même perception de
la marque, de la culture d’entreprise
quel que soit l’endroit, le moment ou
le mode de connexion
Vous devez être complètement
connectés à quiconque approche
votre marque. Et si vous n’y allez
pas, je me demande quel sera votre
business model dans cinq ans
Alexandre Ricard
Directeur Général Délégué
Angela Ahrendts
CEO