2. I. PROBLÉMATIQUES
• / technique : Faut-il et suffit-il d’avoir un savoir-faire pour
être artiste ? Peut- on apprendre l’art ? Le génie est-il inné
ou le résultat d’un travail ? L’art est-il l’œuvre d’une
inspiration ou d’une maîtrise technique ?
8. Honoré de Balzac, La Femme supérieure, 1re partie
Manuscrit autographe et épreuves corrigées,
mai-juin 1837
9. Victor Hugo, Les Misérables
Manuscrit autographe
Les Misérables, publiés en 1862, ont été écrits au
cours de deux grandes campagnes d'écriture, entre
1845 et 1848 et entre 1860 et 1862.
Sur la page de gauche (f. 534 v°), les deux étapes de
la rédaction sont visibles. L'addition marginale du
haut appartient à la seconde, celle du bas à la
première.
La plupart des corrections dans le texte sont
tardives, y compris la correction de Jean Tréjean en
Jean Valjean. La page de droite est tout entière de
l'exil. Le chapitre, intitulé "Les zigzags de la
stratégie", décrit l'itinéraire du héros, fuyant, avec la
petite Cosette, Javert qui l'avait retrouvé.
11. Victor Hugo, Les Contemplations, "Dolor"
Manuscrit autographe.
Cette page du manuscrit des Contemplations
illustre la technique de la dilatation, par insertions
successives, d'un poème que Victor Hugo avait pu
croire terminé. La première version "définitive"
occupe la colonne de droite. Le texte s'est enrichi
par étapes, matérialisées par les accolades, puis a
été recopié sur un autre feuillet, avec des additions
supplémentaires. "Dolor" est daté dans le manuscrit
du 30 mars 1854.
12. Marcel Proust, Le Temps retrouvé
Manuscrit autographe
À l'époque du Contre Sainte-Beuve, Proust avait déjà
l'intention de clore son roman sur le thème de la fuite
du temps. Dans un cahier de 1909 figure une "soirée"
chez la princesse de Guermantes, devenue "matinée"
dans des brouillons de 1910-1911, au cours de laquelle
le Narrateur constate les ravages opérés par le temps
sur les personnes qu'il a connues dans sa jeunesse. Mais
Proust a toujours repoussé à la fin de son œuvre Le
Temps retrouvé, qui s'imposait à lui comme sa
conclusion. Dans la série des vingt cahiers contenant la
mise au net de la Recherche, Le Temps retrouvé occupe
les six derniers, enrichis de longues "paperoles". Rédigé
en 1917-1918, le texte s'est considérablement modifié
au cours des années, notamment avec l'introduction des
épisodes de la guerre. Mais le "bal de têtes" est resté
pour témoigner de la marche inexorable du temps.
13. I. PROBLÉMATIQUES
• / finalité : L’art est-il une pratique autonome et
autotélique ou a-t-il des fonctions hétéronomes
(cultuelles, édifiantes, éducatives, etc.) ? L’artiste vise-t-il
une utilité (le progrès social, etc.) ou ne vise-t-il que la
beauté ?
16. Marc RIBOUD (photogaphe)
Washington D. C, 21 octobre
1967.
Devant le Pentagone, lors d'une
marche pour la paix au Vietnam,
Jane Rose Kasmir, donne un beau
visage à la jeunesse américaine.
18. Francisco de Goya
El Tres de Mayo de 1808
Huile sur toile, 266 cm x 345 cm
1814
Musée du Prado, Madrid.
Commémore le soulèvement des
madrilènes contre l’armée française
en 1808. Après que Napoléon a
envahi l’Espagne, la population
madrilène se soulève contre l’armée
napoléonienne, mais est réprimée
dès le lendemain soir. Les Français
condamnent à mort tous ceux qui
sont arrêtés en possession d’armes.
Des centaines d’hommes furent
fusillés dans la nuit du 3 mai 1808.
19. I. PROBLÉMATIQUES
• / réalité : l’art n’est-il qu’un moyen de s’évader du réel ou
au contraire un moyen de mieux le comprendre ? Est-ce
que l’art imite ou déforme ou révèle le réel ?
20. Moro David
Fruttiera di cristallo con meloni.
1999, cm 60 x 42
(L’hyperréalisme apparaît durant
les années 1960-70, aux Etats-
Unis.)
21.
22.
23. Vincent Van Gogh, Champ de blé aux corbeaux
(1890)
Musée Vincent van Gogh Museum, Amsterdam
24. I. PROBLÉMATIQUES
• / connaissance : Le goût est-il relatif à chacun ou existe-t-il
des critères pour évaluer les œuvres d’art ? Tout le monde
est-il capable d’évaluer une œuvre d’art ou faut-il
posséder des compétences spécifiques ?
38. Les deux sens du mot art
Ensemble de règles et de techniques
dont la mise en œuvre demande une
certaine habileté acquise par
l’expérience
Production d’œuvres esthétiques
39. Les deux sens du mot art
Ensemble de règles et de techniques
dont la mise en œuvre demande une
certaine habileté acquise par
l’expérience
Production d’œuvres esthétiques
Ex: « l’art de la guerre », « l’art de la
médecine », « l’art et la manière »,
« l’art de vivre »
Ex: un tableau
40. Les deux sens du mot art
Ensemble de règles et de techniques
dont la mise en œuvre demande une
certaine habileté acquise par
l’expérience
Production d’œuvres esthétiques
Ex: « l’art de la guerre », « l’art de la
médecine », « l’art et la manière »,
« l’art de vivre »
Ex: un tableau
Henri Rousseau, La
guerre
42. Est-ce de l’art ?Est-ce un chien ?
K. Malévitch,
Carré noir, 1913
43. Est-ce de l’art ?Est-ce un chien ?
K. Malévitch,
Carré noir, 1913
Jugement de fait Jugement de fait ou de valeur ?
44. Est-ce de l’art ?Est-ce un chien ?
K. Malévitch,
Carré noir, 1913
Jugement de fait Jugement de fait ou de valeur ?
45. Est-ce de l’art ?Est-ce un chien ?
K. Malévitch,
Carré noir, 1913
Jugement de fait Jugement de fait ou de valeur ?
46. Est-ce de l’art ?Est-ce un chien ?
K. Malévitch,
Carré noir, 1913
Jugement de fait Jugement de fait ou de valeur :
« Est-ce que ça mérite d’être
appelé de l’art ? »
53. Artisan Technicien
Repose sur un tour de
main intuitif +
expérience personnelle
Méthode intellectuelle,
scientifique
54. Artisan Technicien
Repose sur un tour de
main intuitif +
expérience personnelle
Méthode intellectuelle,
scientifique
L’artisan peut œuvrer
individuellement :
l’artisan est l’auteur de
son œuvre
Division du travail :
morcellement de la
tâche, l’ouvrier n’est
qu’un chaînon Œuvre
portant la marque du
talent propre de
Production
impersonnelle, en série.
57. Technicien Artisan Artiste
Utile, profit Utile, profit Désintéressé, beau
Exécute selon un
procédé scientifique
Exécute selon des règles
liées à son expérience
personnelle, et avec son
talent et habileté
Création libre, sans
règles prédéfinies
(œuvre du génie).
58. Technicien Artisan Artiste
Utile, profit Utile, profit Désintéressé, beau
Exécute selon un
procédé scientifique
Exécute selon des règles
liées à son expérience
personnelle, et avec son
talent et habileté
Création libre, sans
règles prédéfinies
(œuvre du génie).
Production en série,
copie Production
impersonnelle
Talent et habileté propre
dans l’exécution.
Création originale et
unique,
Moyen d’expression
59. Valeurs de la société industrielle Valeurs de l’art
Efficacité technique
+ rationalité scientifique
Expression d’une subjectivité
+ création irréductible à toute recette
Recherche du profit Fin en soi + désintéressé
60. Qu’en est-il de ce qui est produit par l’industrie du
divertissement ? S’agit d’un art, de l’artisanat, d’une
industrie ?
69. D’où vient la
valeur de l’art ?
2.
L’art
manifeste la
beauté
(Baudelaire)
3.
L’art
communique
une émotion
(Tolstoï)
1.
L’art procure
un plaisir
désintéressé
(Kant)
4.
L’art devrait
être édifiant,
directement
ou
indirectement
(Tolstoï)
6.
L’art révèle le
réel
(Bergson)
7.
L’art est l’œuvre
de génies
(Kant)
5.
L’art est
thérapeutiq
ue
(Aristote)
70. D’où vient la
valeur de l’art ?
2.
L’art
manifeste la
beauté
(Baudelaire)
3.
L’art
communique
une émotion
(Tolstoï)
1.
L’art procure
un plaisir
désintéressé
(Kant)
4.
L’art devrait
être édifiant,
directement
ou
indirectement
(Tolstoï)
6.
L’art révèle le
réel
(Bergson)
7.
L’art est l’œuvre
de génies
(Kant)
5.
L’art est
thérapeutiq
ue
(Aristote)
71. D’où vient la
valeur de l’art ?
1.
L’art procure
un plaisir
désintéressé ?
(Kant)
74. « Lorsqu’il s’agit de ce qui est agréable,
chacun consent à ce que son jugement,
qu’il fonde sur un sentiment personnel (…),
soit restreint à sa seule personne. Aussi
bien disant : « Le vin des Canaries est
agréable », il admettra volontiers qu’un
autre corrige l’ expression et lui rappelle
qu’il doit dire : cela m’est agréable.
(…) Le principe : « À chacun son goût »
s’agissant des sens est un principe valable
pour ce qui est agréable. »
Kant, Critique de la faculté de juger, §7
75. Kant affirme qu’il faut distinguer
le beau et l’agréable.
Désintéressé,
universel
Intéressé,
relatif à chacun
76. Francesco di Giorgio (autrefois attribué à Piero della
Francesca), Cité idéale,
c. 1470, tempera sur panneau, 67,7 x 239,4 cm, Galleria Nazionale delle Marche,
Urbino.
77. « Si l’on me demande si je trouve beau le palais que je vois devant moi (…).
On désire uniquement savoir si la seule représentation de l’objet est
accompagnée en moi par une satisfaction, aussi indifférent que je puisse
être à l’ existence de l’ objet de cette représentation. » (§2)
« Pour jouer le rôle de juge en matière de goût il ne faut pas se soucier le
moins du monde de l’existence de l’objet, mais bien au contraire être
indifférent en ce qui y touche. » (§2)
78. John Constable,
Stour Valley and
Dedham Church, c.
1815, 55,6 x 77,8 cm,
huile sur toile, Museum
of Fine Arts, Boston.
Je peux admirer la
beauté d’un paysage,
quand bien même je ne
possède pas la terre et
n’en tire pas d’intérêt.
79. L’art, plaisir désintéressé, est-il un plaisir supérieur aux autres ?
Tricheur à l'as de carreau,
v. 1635.
Georges de La Tour (1593-
1652).
Paris, Musée du Louvre.
Huile sur toile, 106 x 145 cm.
80. D’où vient la
valeur de l’art ?
2.
L’art
manifeste la
beauté
(Baudelaire)
1.
L’art procure
un plaisir
désintéressé
(Kant)
81. La beauté peut résider dans la forme même,
indépendamment de tout contenu et de tout sens.
82. Pablo Picasso,
Musiciens aux
masques
1921
Peinture à l’huile
Museum of Modern Art
New York
Qu’est-ce qui est le plus important
ici :
l’harmonie entre les lignes et les
couleurs ou le sujet représenté ?
83. Kandinsky
La vie mélangée (Das Bunte
Leben), 1907
A Colorful Life
Tempera sur toile, 130 x 162 cm
Dépôt de la Bayerishe Landesbank
à la Städtische Galerie im
Lenbachhaus, Munich
87. Pablo PICASSO,
Les Demoiselles d'Avignon,
1907, huile sur toile, (243,9 x 233,7 cm),
Museum of Modern Art (MOMA), New-York.
88. Rembrandt (1655),
Le bœuf écorché,
Huile sur bois,
Musée du Louvre, Paris.
Le tableau est ce que l’on appelle « une
vanité » : il rappelle au spectateur sa
mortalité.
Remarquez le visage de la jeune femme
nous regardant.
90. « L’art n’est pas la représentation d’une belle
chose mais la belle représentation d’une
chose. »
E. KANT, Critique de la faculté de juger, §48
91.
92. « Imiter est en effet, dès leur enfance, une tendance naturelle aux
hommes – et ils se différencient des autres animaux en ce qu’ils
sont des êtres fort enclins à imiter et qu’ils commencent à
apprendre à travers l’imitation – comme la tendance commune à
tous, de prendre plaisir aux représentations; la preuve en est ce
qui se passe dans les faits : nous prenons plaisir à contempler
les images les plus exactes de choses dont la vue nous est
pénible dans la réalité, comme les formes d’animaux les plus
méprisés et des cadavres. » Aristote, Poétique
93. Problème moral
du plaisir esthétique
(belle photo d’un
événement horrible + plaisir
d’être du bon côté, ni
bourreau, ni victime).
94. Scène de la douche de La liste de Schindler (1993) de Spielberg a soulevé
une controverse : Peut-on montrer l’inmontrable ? Peut-on utiliser du
suspense dans une telle séquence ?
95. « Faire du suspense à partir d’une tuerie sans précédent, en faire la source d’un
ressort scénaristique, est l’équivalent obscène de ce que Spielberg a filmé
dans Schindler’s List quand, au lieu du Zyclon B attendu avec frémissement par
les spectateurs et les victimes concentrationnaires, c’est plutôt de l’eau qui sortait
des becs au-dessus de leurs têtes. Et tout le monde (le public, les victimes) était
soulagé. Employer exactement les mêmes mécanismes scénaristiques que ceux
qu’aurait employé un suspense hitchcockien pour filmer une banale histoire
d’espionnage et pour traiter le génocide de 6 millions d’individus, c’est ce qu’on
peut appeler de l’obscénité. »
André Habib, Retour sur Polytechnique : mortes tous les après-midis.
96. Sebastiao Salgado
Sahel, L'homme en
détresse, 1984-1985,
publié en 1986
Pendant le grande famine du Sahel
Éthiopie, 1985
50 x 60 cm
Après une nuit de marche, au petit
matin, les réfugiés se cachent sous
les arbres pour échapper à la
surveillance des avions éthiopiens. Le
gouvernement veut éviter que la
population du Tigré passe au
Soudan.
Des photos trop belles d’une réalité horrible ?
103. D’où vient la
valeur de l’art ?
2.
L’art
manifeste la
beauté
(Baudelaire)
3.
L’art
communique
une émotion
(Tolstoï)
1.
L’art procure
un plaisir
désintéressé
(Kant)
4.
L’art devrait
être édifiant,
directement
ou
indirectement
(Tolstoï)
104. D’où vient la
valeur de l’art ?
2.
L’art
manifeste la
beauté
(Baudelaire)
3.
L’art
communique
une émotion
(Tolstoï)
1.
L’art procure
un plaisir
désintéressé
(Kant)
4.
L’art devrait
être édifiant,
directement
ou
indirectement
(Tolstoï)
5.
L’art est
thérapeutiq
ue
(Aristote)
105. La catharsis dans la Poétique d’Aristote
: Purification de l'âme ou purgation des
passions du spectateur par la terreur et
la pitié qu'il éprouve devant le spectacle
d'une destinée tragique.
« La tragédie (...) est une
imitation faite par des
personnages en action et non
par le moyen de la narration, et
qui par l'entremise de la pitié et
de la crainte, accomplit la
purgation des émotions de ce
genre. »
Aristote, La Poétique
106. Selon S. Freud, l’art permet de
satisfaire indirectement des désirs
refoulés, ce qu’il appelle la
sublimation.
107. L’art permet de ne plus simplement
subir passivement des situations
désagréables, mais de les explorer
activement.
Il permet aussi de déplacer un désir
refoulé vers un objet esthétique.
Il permet aussi de satisfaire des
pulsions agressives sans s'en prendre
directement à l'objet.
Extrait de Mon oncle d’Amérique
Film d’Alain Resnais avec l’intervention
du biologiste Henri Laborit :
https://www.youtube.com/watch?v=Sx
LTsUEH_mA
108. L’icône, art sacré, permet une
élévation spirituelle de celui
qui la regarde.
109. D’où vient la
valeur de l’art ?
2.
L’art
manifeste la
beauté
(Baudelaire)
3.
L’art
communique
une émotion
(Tolstoï)
1.
L’art procure
un plaisir
désintéressé
(Kant)
4.
L’art devrait
être édifiant,
directement
ou
indirectement
(Tolstoï)
6.
L’art révèle le
réel
(Bergson)
5.
L’art est
thérapeutiq
ue
(Aristote)
111. Le soleil enflamme le
ciel et la lagune
vénitienne, faisant
ressortir le tracé
rapide et évocateur
des églises et des
bateaux. Venise fut
l’une des sources
d’inspiration les plus
fécondes de Turner,
grand voyageur et
amoureux des effets
aquatiques.
112. D’où vient la
valeur de l’art ?
2.
L’art
manifeste la
beauté
(Baudelaire)
3.
L’art
communique
une émotion
(Tolstoï)
1.
L’art procure
un plaisir
désintéressé
(Kant)
4.
L’art devrait
être édifiant,
directement
ou
indirectement
(Tolstoï)
6.
L’art révèle le
réel
(Bergson)
7.
L’art est l’œuvre
de génies
(Kant)
5.
L’art est
thérapeutiq
ue
(Aristote)
113. Michel-Ange, David
(1501-1504)
4,34 m de hauteur (5,14 m avec le socle).
Florence.
Le bloc de marbre blanc de Carrare dans lequel il
est sculpté a été laissé à l'abandon après l'échec
d'autres sculpteurs, car il était étroit et avait une
brèche.
Michel-Ange a su tirer parti de l'étroitesse du bloc de
marbre et il a creusé l’espace entre le bras droit et le
torse à l’endroit où se situait la brèche.
Michel–Ange a alors trente ans.
119. "L’art" : il s’agit ici de l’art compris comme production d’œuvres
esthétiques et non de l’art comme simple technique empirique
(« l’art de la guerre »).
"Règles" : Ce peut être des règles liée à la morale (règles de
bienséance); mais aussi des règles liées à un mouvement
artistique (impressionnisme, surréalisme, etc.), à un genre
(policier, western, etc.). Le terme peut aussi désigner les règles
propres à une technique.
120. "Règles" : Ce peut être des règles liée à la morale (règles de
bienséance) ; mais aussi des règles liées à un mouvement
artistique (impressionnisme, surréalisme, etc.), à un genre
(policier, western, etc.). Le terme peut aussi désigner les règles
propres à une technique : les règles d’un savoir-faire.
"Se passer" : est-ce que les règles sont accessoires, de peu
d’importance, inutiles ?
C’est une chose de dire que l’art est plus qu’un ensemble de
règles (qu’il ne se résume pas à ces règles, qu’il les dépasse) et
une autre de dire qu’il peut complètement s’en passer.
121. "Se passer" : est-ce que les règles sont accessoires, de peu
d’importance, inutiles ?
C’est une chose de dire que l’art est plus qu’un ensemble de
règles (qu’il ne se résume pas à ces règles, qu’il les dépasse) et
une autre de dire qu’il peut complètement s’en passer.
"peut se passer" : est-ce possible ? Est-ce souhaitable?
122. De quel point de vue faut-il se poser la question ?
-> de la morale ? de la société (respect de règles édictées de
l’extérieur) ?
-> du point de vue de la production (usage de recettes pour
créer une œuvre) ?
-> du point de vue de la réception (usage de règles pour
comprendre l’œuvre) ?
123. (Thèse 1 :) L’artiste doit faire appel à un savoir-faire et
donc maîtriser les règles de son art : les proportions en
peinture, son instrument en musique. Même le poète
doit composer avec les règles du langage.
Introduction : problématique
124. (Thèse 1 :) L’artiste doit faire appel à un savoir-faire et
donc maîtriser les règles de son art : les proportions en
peinture, son instrument en musique. Même le poète
doit composer avec les règles du langage. (Mise en
question :) Cependant, si l’artiste est créateur, il semble
bien que le propre de l’art soit de s’émanciper de toute
contrainte et d’affirmer son originalité. Même si le
sculpteur Rodin connaissait bien les sculptures de
Michel-Ange et s’en inspire, il ne s’est pas contenté de
le copier.
Introduction : problématique
130. Adam et Eve chassés du Paradis
Michel-Ange 1509-10
Fresque, 280 x 570.
Vatican, Chapelle Sixtine.
131. (Thèse 1 :) L’artiste doit faire appel à un savoir-faire : maîtriser les proportions
et la perspective en peinture, son instrument en musique. Même le poète
doit composer avec les règles du langage. (Mise en question :) Cependant, si
l’artiste est créateur, il semble bien que le propre de l’art soit de s’émanciper
de toute contrainte et d’affirmer son originalité. Même si le sculpteur Rodin
connaissait bien les sculptures de Michel-Ange et s’en inspire, il ne s’est pas
contenté de le copier. (Reformulation de la question :) L'artiste
comme le récepteur de l’œuvre doivent-ils se former
en apprenant un ensemble de règles ou l’art peut-il se
passer de règles ? Mais ne plus se soumettre aux
règles, est-ce s'en passer totalement ? L'artiste n'est-il
pas celui qui en crée de nouvelles ?
Introduction : problématique
134. Léonard de Vinci explique dans
son Traité de la peinture (1651),
que pour dessiner un enfant il
faut savoir que sa tête mesure un
cinquième de son corps et non un
huitième comme un adulte.
135. Léonard de Vinci explique dans
son Traité de la peinture (1651),
que pour dessiner un enfant il
faut savoir que sa tête mesure un
cinquième de son corps et non un
huitième comme un adulte.
136.
137. Etude de l’anatomie
par Léonard de Vinci.
Léonard de Vinci, comme Michel-
Ange ont étudié l’anatomie afin de
perfectionner leur représentation du
corps humain.
138.
139. L’ARTISTE DOIT SE CONFRONTER À LA RÉSISTANCE
DE LA MATIÈRE
L’artiste se confronte à une matière extérieure qu’il doit
maîtriser par une technique, et cela même dans des arts
moins manuels comme la musique (le solfège) ou la poésie
(la grammaire…).
142. Honoré de Balzac, La Femme supérieure, 1re partie
Manuscrit autographe et épreuves corrigées,
mai-juin 1837
143. Victor Hugo, Les Misérables
Manuscrit autographe
Les Misérables, publiés en 1862, ont été écrits au
cours de deux grandes campagnes d'écriture, entre
1845 et 1848 et entre 1860 et 1862.
Sur la page de gauche (f. 534 v°), les deux étapes de
la rédaction sont visibles. L'addition marginale du
haut appartient à la seconde, celle du bas à la
première.
La plupart des corrections dans le texte sont
tardives, y compris la correction de Jean Tréjean en
Jean Valjean. La page de droite est tout entière de
l'exil. Le chapitre, intitulé "Les zigzags de la
stratégie", décrit l'itinéraire du héros, fuyant, avec la
petite Cosette, Javert qui l'avait retrouvé.
145. Victor Hugo, Les Contemplations, "Dolor"
Manuscrit autographe.
Cette page du manuscrit des Contemplations
illustre la technique de la dilatation, par insertions
successives, d'un poème que Victor Hugo avait pu
croire terminé. La première version "définitive"
occupe la colonne de droite. Le texte s'est enrichi
par étapes, matérialisées par les accolades, puis a
été recopié sur un autre feuillet, avec des additions
supplémentaires. "Dolor" est daté dans le manuscrit
du 30 mars 1854.
146. Marcel Proust, Le Temps retrouvé
Manuscrit autographe
À l'époque du Contre Sainte-Beuve, Proust avait déjà
l'intention de clore son roman sur le thème de la fuite
du temps. Dans un cahier de 1909 figure une "soirée"
chez la princesse de Guermantes, devenue "matinée"
dans des brouillons de 1910-1911, au cours de laquelle
le Narrateur constate les ravages opérés par le temps
sur les personnes qu'il a connues dans sa jeunesse. Mais
Proust a toujours repoussé à la fin de son œuvre Le
Temps retrouvé, qui s'imposait à lui comme sa
conclusion. Dans la série des vingt cahiers contenant la
mise au net de la Recherche, Le Temps retrouvé occupe
les six derniers, enrichis de longues "paperoles". Rédigé
en 1917-1918, le texte s'est considérablement modifié
au cours des années, notamment avec l'introduction des
épisodes de la guerre. Mais le "bal de têtes" est resté
pour témoigner de la marche inexorable du temps.
147. DIFFÉRENCE ENTRE SAVOIR FAIRE ET SAVOIR
• Le savoir-faire ne s’acquiert que par une pratique
personnelle, même si l’on est guidé par un professeur: il
ne peut être transmis de façon théorique.
148. A.2. L’ARTISTE DOIT CONNAÎTRE LES RÈGLES
RÉGISSANT SON ART
L'art connaît des codes permettant
d’identifier à quel type d’art, à quel genre et
à quel mouvement appartient l’œuvre. Des
règles distinguent le théâtre de la danse et
du récit, le roman de la nouvelle, etc.
149. Exemple de la controverse provoquée par le spectacle
L’Histoire des larmes de Jan Fabre dans la cour d’honneur
d’Avignon, lors du festival de 2005: est-ce encore du théâtre
?
150. A.2. L’ARTISTE DOIT CONNAÎTRE LES RÈGLES
RÉGISSANT SON ART
Un cinéaste peut aussi jouer sur
les codes des « genres
cinématographiques ».
151. A.2. L’ARTISTE DOIT CONNAÎTRE LES RÈGLES
RÉGISSANT SON ART
Certains films qui obéissent à des règles plus
ou moins strictes sont parfois désignés sous
l'appellation de « films de genre ». Ceux-ci
s'adressent généralement à une audience
ciblée et fidèle qui reconnaît les règles (ainsi
que leurs transgressions). Bien que celles-ci
ne soient généralement pas écrites, elles
sont le plus souvent suivies par les
réalisateurs qui se conforment alors à un
exercice de style.
152. Ainsi, le « slasher », sous-genre du
film d'angoisse apparu
avec Halloween, la nuit des
masques de John Carpenter met en
scène des adolescents aux prises
avec un tueur en série dans une
petite ville des États-Unis.
Le masque du psychopathe, et le
thème de la transgression de l'interdit
sexuel font partie des figures
imposées.
153.
154. Le film noir est régi par des codes
autant sur le fond que la forme.
L'un des ressorts dramatiques est
généralement la confrontation du
protagoniste (souvent un détective
privé) avec une « femme fatale »
qui tente de le manipuler.
Sur le plan formel, la voix off est le
procédé narratif le plus évident.
155. Le péplum
(mot latin peplum, emprunté au grec
πέπλος / péplos signifiant
« tunique »),
est un genre cinématographique de
fiction historique dont l'action se
déroule dans l’Antiquité.
156. A.2. L’ARTISTE DOIT CONNAÎTRE LES RÈGLES
RÉGISSANT SON ART
Même si un artiste
transgresse les genres,
il doit connaître ces
codes pour pouvoir
jouer avec.
Exemple: Tarantino.
157. A.2. L’ARTISTE DOIT CONNAÎTRE LES RÈGLES
RÉGISSANT SON ART
En musique, les formes musicales n’obéissent pas aux
mêmes règles :
- une sonate est jouée par un ou deux instruments en
quatre mouvements : allegro (rapide), adagio (lent), menuet
ou scherzo (dansant), vivace (rapide) ;
- une symphonie est jouée par un orchestre, en quatre
mouvements ;
- un concerto implique un dialogue entre un soliste et
l’orchestre, en trois mouvements : allegro (rapide), andante
(lent), allegro (rapide), etc.
158. A.3. LES RÈGLES D’UNE ŒUVRE BIEN FAITE
Bien plus, l'esthétique classique
(XVIIe) considérait qu’un certains
nombre de règles régissent une
œuvre bien faite.
Le serment des Horaces, J.-L. David, 1784
159. A.3. LES RÈGLES D’UNE ŒUVRE BIEN FAITE
Comme par exemple en théâtre la
règle des 3 unités (de lieu, de
temps et d’action),
énoncée dans l’Antiquité par
Aristote dans la Poétique,
et érigée en règle pour l’art
classique au XVIIe par Boileau dans
son Art Poétique, avec d’autres
règles comme la bienséance,
l’unité de ton, etc.
160. A.3. LES RÈGLES D’UNE ŒUVRE BIEN FAITE
Boileau, Art poétique (1674) :
«Qu'en un lieu, en un jour,
un seul fait accompli tienne
jusqu'à la fin le théâtre rempli».
161. La règle des trois unités vise à renforcer l'illusion théâtrale en réduisant
l'écart entre action et représentation.
L'UNITE D'ACTION
Elle vise à supprimer les intrigues secondaires et à concentrer l'intérêt
dramatique autour d'une action unique.
L'UNITE DE TEMPS
Elle resserre les faits et les limite à vingt-quatre heures. Cette règle cherche à
entretenir l'illusion d'une coïncidence entre la durée de la fiction et le temps de
la représentation.
L'UNITE DE LIEU
L'action se déroule dans un espace unique (ex. : la salle d'un palais).
Ajoutons l'unité de ton qui découle de la volonté de séparation des genres
chez les classiques (tragédie d'un côté, comédie de l'autre) et impose à chacun
sa spécificité en matière de sujet, de héros et de niveau de langue et de ton.
162. LES REGLES DE BIENSEANCE
LA VRAISEMBLANCE
Elle veut que s'impose l'impression de vérité. L'action dramatique doit être crédible
«L'esprit n'est point ému de ce qu'il ne croit pas» (Boileau).
LA BIENSEANCE
Il s'agit, d'une part, de ne pas choquer le public (éviter la violence et l’intimité
physique...) : les batailles doivent être narrées et non montrées. D'autre part, les
actions et les sentiments du héros doivent être conformes à son rang.
« Ce qu'on ne doit point voir, qu'un récit nous l'expose :
Les yeux en le voyant saisiront mieux la chose ;
Mais il est des objets que l'art judicieux
Doit offrir à l'oreille et reculer des yeux. »
Boileau, Art Poétique, chant III, vers 51-54.
163. A.3. LES RÈGLES D’UNE ŒUVRE BIEN FAITE
Dans la peinture, la sculpture et
l’architecture, les artistes de la
Renaissance estimaient que le
nombre d'or, (1+V¯5)/2,
appelée « la divine proportion »
par Luca Pacioli, était une règle
d’harmonie à respecter.
164. A.3. LES RÈGLES D’UNE ŒUVRE BIEN FAITE
Dans la peinture, la sculpture et
l’architecture, la Renaissance
estimait que le nombre d'or,
(1+V¯5)/2, appelée « la divine
proportion » par Luca Pacioli,
était une règle d’harmonie à
respecter.
165. A.3. LES RÈGLES D’UNE ŒUVRE BIEN FAITE
De même Beauchamp a codifié
au XVIIe les cinq positions de la
danse classique.
166. A.4. LES RÈGLES PEUVENT ÊTRE SOURCE DE
CRÉATION
Ces règles peuvent sembler une
limite à la liberté créatrice de
l'artiste, mais il n’existe pas de
liberté sans contrainte.
167. A.4. LES RÈGLES PEUVENT ÊTRE SOURCE DE
CRÉATION
De plus, le génie créateur est
capable de s'épanouir à l'intérieur
de règles contraignantes comme en
témoignent les chefs-d'œuvre du
passé. Être artiste, ce n'est pas faire
n'importe quoi n'importe comment,
sous couvert d’être original, sinon il
ne serait guère difficile d'être
artiste..
168. A.4. LES RÈGLES PEUVENT ÊTRE SOURCE DE
CRÉATION
Ces règles peuvent même être
un stimulant pour la création.
C’est ainsi que les romanciers
appartenant au mouvement de
l’Oulipo (Georges Pérec,
Raymond Queneau, etc.)
s’imposaient eux-mêmes des
contraintes (par ex. Pérec a écrit
un roman sans la lettre « e »,
appelé La Disparition).
169. A.4. LES RÈGLES PEUVENT ÊTRE SOURCE DE
CRÉATION
Ces règles peuvent même être
un stimulant pour la création.
C’est ainsi que les romanciers
appartenant au mouvement de
l’Oulipo (Georges Pérec,
Raymond Queneau, etc.)
s’imposaient eux-mêmes des
contraintes (par ex. Pérec a écrit
un roman sans la lettre « e »,
appelé La Disparition).
170. A.4. LES RÈGLES PEUVENT ÊTRE SOURCE DE
CRÉATION
Ces règles peuvent même être
un stimulant pour la création.
C’est ainsi que les romanciers
appartenant au mouvement de
l’Oulipo (Georges Pérec,
Raymond Queneau, etc.)
s’imposaient eux-mêmes des
contraintes (par ex. Pérec a écrit
un roman sans la lettre « e »,
appelé La Disparition).
171. A.4. LES RÈGLES PEUVENT ÊTRE SOURCE DE
CRÉATION
Ces règles peuvent même être
un stimulant pour la création.
C’est ainsi que les romanciers
appartenant au mouvement de
l’Oulipo (Georges Pérec,
Raymond Queneau, etc.)
s’imposaient eux-mêmes des
contraintes (par ex. Pérec a écrit
un roman sans la lettre « e »,
appelé La Disparition).
172.
173. A.5. L’ART PEUT SUIVRE DES RÈGLES SELON LA
FONCTION ATTRIBUÉE DE L’ŒUVRE
Si une œuvre est destinée à orner une église, elle devra suivre des
règles qui ne seront pas les mêmes qu’une œuvre destinée à un
édifice politique ou une œuvre destinée être placée dans un
appartement privé.
174. A.5. L’ART PEUT SUIVRE DES RÈGLES SELON LA
FONCTION ATTRIBUÉE DE L’ŒUVRE
Si l’on attribue une fonction autre que la beauté à une œuvre d’art
(comme une fonction politique, religieuse, éducative, etc…), alors
cette fonction impliquera le respect de certaines règles…
175. On ne juge pas de la beauté d’un palais
comme on juge de la beauté d’une église
ou d’un cénotaphe :
la beauté d’un palais est inséparable du fait
qu’il est la demeure d’un roi,
celle d’une église un lieu de prière
et celle d’un cénotaphe le lieu de
commémoration d’un mort.
176. On ne juge pas de la beauté d’un palais
comme on juge de la beauté d’une église
ou d’un cénotaphe :
la beauté d’un palais est inséparable du fait
qu’il est la demeure d’un roi,
celle d’une église un lieu de prière
et celle d’un cénotaphe le lieu de
commémoration d’un mort.
177. DIFFÉRENCE ENTRE LA BEAUTÉ ADHÉRENTE ET LA
BEAUTÉ LIBRE SELON E. KANT
La beauté est libre quand on n’a pas besoin de connaître la fonction
de la chose pour la juger belle.
Exemple de beauté libre: « Les fleurs sont des beautés libres de la
nature ; on ne sait pas aisément, à moins d’être botaniste, ce que c’est
qu’une fleur ; et le botaniste lui même, qui reconnaît dans la fleur
l’organe de fécondation de la plante, n’a point égard à cette fin de la
nature, quand il porte sur la fleur un jugement de goût. »
178. La beauté est libre quand on n’a besoin de connaître la
fonction de la chose pour la juger belle.
179. La beauté est libre quand on n’a besoin de connaître la
fonction de la chose pour la juger belle.
180. La beauté est libre quand on n’a besoin de connaître la
fonction de la chose pour la juger belle.
« C’est ainsi que les dessins à la grecque, les rinceaux pour les
encadrements ou sur des papiers peints, etc., ne signifient rien en eux-
mêmes ; ils ne représentent rien, aucun objet sous un concept
déterminé, ce sont des beautés libres. »
182. La beauté est adhérente quand nous devons connaître la chose (c’est-
à-dire à quel moment elle remplit sa fonction, en quoi consiste sa
perfection) pour la juger telle.
Eglise orthodoxe
183. La beauté est adhérente quand nous devons connaître la chose (c’est-
à-dire à quel moment elle remplit sa fonction, en quoi consiste sa
perfection) pour la juger telle.
Annonciation (1440)
peinte par Fra Angelico
à Florence
au couvent San Marco
184. La beauté est adhérente quand nous devons connaître la chose (c’est-
à-dire à quel moment elle remplit sa fonction, en quoi consiste sa
perfection) pour la juger telle.
Ingres,
Grand Odalisque (1814)
Musée du Louvre
185.
186. La beauté est adhérente quand nous devons connaître la chose (c’est-
à-dire à quel moment elle remplit sa fonction, en quoi consiste sa
perfection) pour la juger telle.
Beau cheval = bon
cheval
187. TRANSITION
L’artiste doit donc apprendre à maîtriser les moyens de son
art. Mais cette maîtrise est commune à l’artisan et à
l’artiste : suffit-elle à faire un artiste et non un artisan ?
189. B.1. L’ARTISTE ET L’ARTISAN
• Cf. cours : les 2 sens du mot art. Le 2e sens ne se réduit pas
à un savoir-faire.
190. B.2. B.2. UN ARTISTE N’EST PAS CELUI QUI MAÎTRISE UNE
TECHNIQUE ET REPRODUIT FIDÈLEMENT LE RÉEL, MAIS
CELUI QUI EXPRIME QUELQUE CHOSE DE SON HUMANITÉ
Dans l’Antiquité, le peintre Zeuxis
aurait si bien peint des raisins que des
oiseaux venaient se casser le bec
dessus. L’intérêt d’un tel savoir-faire est
dans l’illusion qu’il procure, il est
anecdotique et n’en fait pas une œuvre
d’art à part entière. L’art est ici réduit à
une simple technique. Qu’est-ce
qu’une œuvre d’art ?
191. Extrait de l'Histoire naturelle de Pline l'Ancien :
"[Zeuxis] eut pour contemporains et pour émules Timanthès,
Androcyde, Eupompe, Parrhasius. Ce dernier, dit-on, offrit le
combat à Zeuxis. Celui-ci apporta des raisins peints avec tant de
vérité, que des oiseaux vinrent les becqueter; l’autre apporta un
rideau si naturellement représenté, que Zeuxis, tout fier de la
sentence des oiseaux, demande qu’on tirât enfin le rideau pour
faire voir le tableau. Alors, reconnaissant son illusion, il s’avoua
vaincu avec une franchise modeste, attendu que lui n’avait
trompé que des oiseaux, mais que Parrhasius avait trompé un
artiste, qui était Zeuxis."
192. Une œuvre d’art n’est pas seulement un beau produit, mais l’expression de
l’humanité même. L’art est un reflet pour l’homme de lui-même, or qu’est-ce
l’homme sinon cette réflexivité ? L’homme qui ne peut s’appréhender que par sa
manière d’appréhender le monde. L’humanité se caractérise par sa conscience –
qui le rend étranger au monde par le recul qu’elle crée. C’est cette appréhension
originale du monde par l’homme que l’art capte et transmet.
193. Vincent Van Gogh, Champ de blé aux corbeaux
1890
Musée Vincent van Gogh Museum, Amsterdam
194. Moro David
Fruttiera di cristallo con meloni.
1999, cm 60 x 42
(L’hyperréalisme apparaît durant
les années 1960-70, aux Etats-
Unis.)
195. B.3. ORIGINALITÉ DU GÉNIE ARTISTIQUE
Une œuvre d’art ne peut se contenter de suivre des recettes, sans quoi
toutes les œuvres se ressembleraient (comme les films commerciaux) et
lasseraient : nécessité de la surprise.
196. Nécessité de la péripétie.
Définition de péripétie : Événement imprévu, changement
subit de situation affectant le déroulement narratif d'une
œuvre de fiction (théâtrale, romanesque, lyrique,
cinématographique, etc.) et en soutenant l'intérêt.
197.
198. Le génie peut être incompris du fait de
son originalité.
Rodin a été refusé plusieurs fois aux
Beaux-Arts,
Van Gogh est mort dans la misère…
Kant affirme qu'une des caractéristiques
du génie artistique est son originalité.
L'artiste est un créateur, et chacune de
ses œuvres contient en elle-même des
règles nouvelles.
199. Mais le paradoxe du génie est de mêler
subjectivité et universalité.
Au contraire du scientifique, l’artiste
marque l’histoire de l’art du fait de sa
singularité : on peut imaginer une
histoire des sciences sans tel inventeur,
si Newton n’avait pas découvert la loi de
la gravité quelqu’un d’autre l’aurait
découvert.
Mais sans Michel-Ange, sans Bach, toute
la suite aurait été différente.
200. B.4. LE GÉNIE ARTISTIQUE EST UN DON NATUREL
QUI NE S’ENSEIGNE PAS
« Le génie est le talent (don naturel) qui donne à l’art ses
règles. […] Le génie est la disposition innée de l’esprit par
l’intermédiaire de laquelle la nature donne à l’art ses
règles. »
Emmanuel Kant, Critique de la faculté de juger, §46.
201. -> C’est un don naturel qui ne s’apprend pas.
-> On ne peut donc pas formuler de règles permettant d’être
un génie -> cela ne s’enseigne pas.
-> Le génie lui-même ne comprend pas comment il procède.
C’est seulement après coup, après avoir créé, qu’il peut
analyser son œuvre.
Le génie possède le pouvoir créateur, imprévisible de la
nature elle-même.
202. « [Le génie] ne peut décrire lui-même ou exposer
scientifiquement comment il réalise son produit, et au
contraire c’est en tant que nature qu’il donne la règle ; c’est
pourquoi le créateur d’un produit qu’il doit à son génie, ne sait
pas lui-même comment se trouvent en lui les idées qui s’y
rapportent et il n’est en son pouvoir ni de concevoir à volonté
ou suivant un plan de telles idées, ni de les communiquer aux
autres dans des préceptes, qui les mettraient à même de
réaliser des produits semblables. »
E. Kant, Critique de la faculté de juger, §46
203. B.5. CE NE SONT PAS DES RÈGLES MAIS UNE
INSPIRATION QUE LE GÉNIE TRANSMET À SES DISCIPLES
207. Quand des artistes géniaux comme
Latour empruntent la technique d’un
autre artiste (ici Caravage), ce n’est
jamais une simple reprise de la
technique pour elle-même : ils lui
confèrent un nouveau sens, exprimant
quelque chose de personnel et
d’universel en même temps.
Saint Joseph charpentier par Georges de La
Tour,
entre 1638 et 1645,
Musée du Louvre
208. « Le produit d’un génie […] n’est pas un exemple à imiter […],
cela constitue l’héritage dont bénéficiera un autre génie, lequel
va ainsi être éveillé au sentiment de sa propre originalité pour
exercer dans l’art sa propre liberté vis-à-vis de la contrainte
des règles. »
Kant, Critique de la faculté de juger, §49.
-> Le rapport de maître à disciple est moins de l’ordre de l’imitation, de la transmission de règles,
que de la stimulation et de l’éveil.
209. Georges de La Tour – Le Nouveau-né
1648
Musée des Beaux-Arts de Rennes
210. Le génie invente une manière de faire
originale. Même si les élèves peuvent
ensuite en tirer par la suite des règles
pour leur propre production.
Michel Ange,
L’esclave mourant (1513)
212. Mais dans les grandes œuvres d’art, la manière de faire est indissociable
de ce qu’elle exprime : on ne peut dissocier fond et forme. Il n’y a pas de
meilleure manière d’exprimer ce que dit l’œuvre que celle dont use
l’œuvre.
Signe conventionnel où la forme peut
changer en conservant le même sens.
Le Cri de Munch : la forme est indissociable de ce
que le tableau véhicule.
213. La création d’Adam par Michel-Ange dans la Chapelle Sixtine :
la forme même a un sens et véhicule une certaine image de
l’homme.
214. Quand quelqu’un copie une
technique, il dissocie le fond et la
forme, il copie la forme pour
l’appliquer à un autre contenu. Cela
revient à cultiver la manière pour
elle-même.
La Prière du matin
Jean-Baptiste Greuze (XVIIIe)
215. Une œuvre d’art géniale n’est pas seulement réussie d’un
point de vue formel, selon les règles du goût, elle doit "avoir
une âme".
« De certaines productions, dont on s’attend à ce qu’elle ses
présentent, en partie au moins, comme des œuvres d’art, on
dit : « Elles sont sans âme », bien que l’on y trouve rien à
reprocher en ce qui touche au goût. Un poème peut être très
bien fait et élégant, mais il est sans âme. […] À quoi
correspond donc ce que l’on entend ici par âme ? L’âme, au
sens esthétique, désigne le principe qui, dans l’esprit,
apporte la vie. »
E. Kant, Critique de la faculté de juger, §49
216. Cette âme, c’est ce que Kant appelle Idées esthétiques :
« Par Idée esthétique, j’entends cette représentation de
l’imagination qui donne beaucoup à penser, sans que
toutefois aucune pensée déterminée, aucun concept, ne
puisse lui être adéquate, et que par conséquent aucun
langage n’atteint complètement et ne peut rendre
compréhensible. »
E. Kant, Critique de la faculté de juger, §49
217. Transition
Mais si l'art n'est pas soumis aux règles, comment expliquer
l'existence d'écoles d'art et l'éducation esthétique ? L’éducation ne
consiste-t-elle en partie pas à éduquer et éveiller notre goût ?
219. C.1. L'ARTISTE CRÉE SES PROPRES RÈGLES
Si le génie produit des œuvres originales, il ne produit pas
non plus une œuvre absurde. Le génie est à la fois original
et exemplaire. C’est ce qu’analyse Kant dans la Critique de
la faculté de juger.
220. « L’absurde aussi pouvant être original, les produits du génie
doivent en même temps être des modèles, c'est-à-dire
exemplaires et par conséquent, que sans avoir été eux-
mêmes engendrés par l’imitation, ils doivent toutefois servir
aux autres de mesure ou de règle du jugement »
E. Kant, Critique de la faculté de juger, §46
221. L'artiste est donc bien celui qui
trouve en lui des ressources pour
créer indépendamment des règles
extérieures.
Mais s'il n'est pas soumis à des
règles, il en possède cependant :
celles qu'il se donne à lui-même.
222. Le génie est exemplaire par son
pouvoir de créer plutôt que par
l’énonciation d'une règle qu’on
copierait : il suscite un goût pour la
création esthétique plus qu’il ne
donne des recettes pour créer. Ainsi,
Beethoven suit Mozart ou Rodin suit
Michel-Ange, mais sans les copier.
223. Le génie mêle donc subjectivité et
universalité, mais aussi originalité
exemplarité.
224. S’il ne possède aucune recette
permettant d’assujettir chaque
élément de son œuvre à l’ensemble,
il doit pourtant le faire selon une
cohérence qu’il construit et qui n’est
pas donnée.
Il vise comme tout art une fin, même
si cette fin est introuvable. C’est l’un
des paradoxes de l’art, affirme Kant,
d’être « une finalité sans fin » définie,
d’opérer à partir de règles qui ne
sont pas données ni déductibles
225. - L’art vise un but, puisque chaque élément est organisé en vue
de l’ensemble.
- L’artiste crée donc des règles.
- Mais sans connaître ce but, puisque d’une part l’art n’a pas de
but défini (il n’a pas de fonction précise au contraire d’une
machine créée par un ingénieur) et que l’artiste ne sait pas à
l’avance à quoi doit ressembler le résultat final (il crée
l’ensemble ne même temps que le détail).
-- L’artiste ne suit donc pas de règles données à l’avance.
226. -Trois paradoxes du beau selon Kant :
- Plaisir désintéressé
- Universel sans concept
- Finalité sans fin (est organisé mais pas en vue d’un
but)
Paradoxes du génie :
-Original mais exemlaire
-Subjectif mais universel
227. C.2. LE GÉNIE RÉSULTE D’UN TRAVAIL INTENSIF :
ÊTRE DOUÉ NE SUFFIT PAS
L’idée de génie ne pourrait-elle pas être un concept
commode attribuant les grandes œuvres de l’humanité à un
don naturel plutôt qu’au travail ? Cela dispenserait
d’essayer de rivaliser avec de tels créateurs. C’est ce
qu’affirme Nietzsche, dans Humain, trop humain. Le génie,
selon Nietzsche, consiste moins dans sa capacité à avoir des
idées qu’à les sélectionner : et cette sélection est le fruit
d’un travail assidu. L’idée de génie serait une mystification
visant à cacher cette dimension laborieuse de l’art.
228.
229. On ne peut nier que les
grands artistes travaillaient
inlassablement : il n’est qu’à
lire les vies de Michel-Ange,
de Rodin…
230. L’inspiration elle-même est l’objet
d’une forme de travail. Un certain
nombre d’artistes ont travaillé leur
sensibilité, leur réceptivité.
231. C’est ce qu’on peut lire dans les
Lettres du voyant de Rimbaud ou les
Lettres à un jeune poète de R. M.
Rilke.
232. « Je dis qu'il faut être voyant, se
faire voyant.
Le poète se fait voyant par un long,
immense et raisonné dérèglement de
tous les sens. Toutes les formes
d'amour, de souffrance, de folie ; il
cherche lui-même, il épuise en lui
tous les poisons, pour n'en garder
que les quintessences. »
Lettre dite du voyant d’Arthur
Rimbaud
233. « Si votre vie quotidienne vous paraît
pauvre, ne l'accusez pas; accusez-
vous plutôt, dites-vous que vous
n'êtes pas assez poète pour en
convoquer les richesses.
Pour celui qui crée, il n'y a pas, en
effet, de pauvreté ni de lieu indigent,
indifférent. »
- Lettres à un jeune poète de R. M.
Rilke.
234. Mais il s’agit de travailler
à se rendre réceptif à
quelque chose qui
dépasse l’artiste lui-
même : comme un marin
lèverait les voiles tout en
étant dépendant du vent.
235. Le génie repose sur quelque chose qui
échappe à la conscience et donc à la
maîtrise volontaire, mais il doit aussi
maîtriser les moyens de son art.
Comme le marin dépend du vent, mais
doit savoir manier son navire.
C’est pourquoi Hegel affirmait que le
don du génie « pour être fécond [doit]
posséder une pensée disciplinée et
cultivée, et un exercice plus ou moins
long ».
The Ship, 1942, Salvador Dali
236. CONCLUSION
L’artiste n'est pas celui qui se « passe » des règles,
mais celui qui les « dépasse », évitant les deux
écueils du maniérisme (une recette ayant perdu son
rapport au sens profond de l’œuvre) et de
l’absurdité (une œuvre déréglée, sans forme).