Revue SNIA, n° 206, Janvier 2017
Le fait
La simulation numérique est prête à faire son entrée dans le monde de la santé. C’est du moins la volonté des instances de l’Union européenne. L’objectif poursuivi est double. D’une part, la simulation poussera la recherche lors des essais cliniques. D’autre part, elle favorisera une médecine personnalisée dans les blocs opératoires.
L’analyse
« Ce n’est pas de la magie noire », désamorce Adriano Henney, secrétaire général de l’Avicenna Alliance, qui regroupe des chercheurs et des industriels, lors d’une réunion en octobre dernier au Parlement européen de Bruxelles. Cette organisation a vocation à développer la médecine prédictive ou médecine in silico, c’est-à-dire l’utilisation de la simulation numérique dans le monde de la santé. Son développement n’en est encore qu’au stade embryonnaire mais les députés européens ont décidé de s’en emparer, notamment pour proposer un cadre règlementaire favorable à son développement.
La médecine prédictive n’est encore que peu utilisée dans les blocs opératoires européens. « Trois des cinq entreprises européennes du secteur sont françaises », indique Thierry Marchal, directeur industriel en santé d’Ansys, un éditeur de logiciels spécialisés en simulation. Ces trois sociétés proposent une simulation avant l’utilisation d’un dispositif médical (DM) sur des patients. « Par exemple, des prothèses customisées sont utilisées pour traiter la scoliose chez les adolescents. La simulation permet de donner une pression maximale sur la colonne et une pression minimum sur le corps pour diminuer la douleur », développe Thierry Marchal. (...)
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CAT devant une Thrombose veineuse superficielle .pptx
Qualité : La médecine in silico se prépare à révolutionner les essais cliniques et les blocs opératoires
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QUALITÉ-GESTIONDESRISQUES
S . N . I . A . - B u l l e t i n N ° 2 0 6 - J a n v i e r 2 0 1 7
Le fait
La simulation numérique est prête à faire son entrée dans le
monde de la santé. C’est du moins la volonté des instances
de l’Union européenne. L’objectif poursuivi est double.
D’une part, la simulation poussera la recherche lors des
essais cliniques. D’autre part, elle favorisera une médecine
personnalisée dans les blocs opératoires.
L’analyse
« Ce n’est pas de la magie noire », désamorce Adriano Henney,
secrétaire général de l’Avicenna Alliance, qui regroupe des
chercheurs et des industriels, lors d’une réunion en octobre
dernier au Parlement européen de Bruxelles. Cette organisation
a vocation à développer la médecine prédictive ou médecine
in silico, c’est-à-dire l’utilisation de la simulation numérique
dans le monde de la santé. Son développement n’en est
encore qu’au stade embryonnaire mais les députés européens
ont décidé de s’en emparer, notamment pour proposer un
cadre règlementaire favorable à son développement.
La médecine prédictive n’est encore que peu utilisée dans
les blocs opératoires européens. « Trois des cinq entreprises
européennes du secteur sont françaises », indique Thierry
Marchal, directeur industriel en santé d’Ansys, un éditeur
de logiciels spécialisés en simulation. Ces trois sociétés
proposent une simulation avant l’utilisation d’un dispositif
médical (DM) sur des patients. « Par exemple, des prothèses
customisées sont utilisées pour traiter la scoliose chez les
adolescents. La simulation permet de donner une pression
maximale sur la colonne et une pression minimum sur le
corps pour diminuer la douleur », développe Thierry Marchal.
Pour convaincre du bien-fondé de la simulation en santé, les
parties prenantes de l’Avicenna Alliance prennent exemple sur
d’autres secteurs. « Iriez-vous dans un avion ou une centrale
nucléaire si aucune simulation n’expliquait la sécurité ? Alors
pourquoi ne pas le faire en santé ? », demande Adriano
Henney. En outre, il estime que la médecine se fonde depuis
toujours sur des prédictions. « Le médecin a ses études et son
expérience pour soigner les patients. Il propose des traitements
par analogie à d’autres cas », résume-t-il. Mais, avec l’imagerie
médicale et la génomique, ce même médecin se trouve « noyé
par un tsunami d’informations ». La simulation doit ainsi
permettre au médecin de se repérer dans ce déluge.
Une assistance pour choisir le dispositif médical adéquat
Responsable du département de neurologie du CHU de
Montpellier (Hérault), Vincent Costalat utilise la médecine in
silico pour choisir le DM qu’il implantera dans le traitement des
anévrismes cérébraux. Il se base sur la solution de Sim&Cure,
une entreprise dont il est le cofondateur. « Le logiciel récupère
l’imagerie, fait une modélisation 3D du patient et une simulation
spécifique détermine la meilleure taille du DM », résume Mathieu
Sanchez, le second cofondateur, à Hospimedia. « Au lieu d’avoir
une phase manuelle un peu aléatoire, nous avons la taille
optimale en trois minutes avec une manœuvre simplifiée et plus
de sécurité et d’efficacité », constate Vincent Costalat. Un dispositif
qui a déjà été utilisé sur plus de soixante patients au CHU.
Pour le neurochirurgien, cette simulation permet de « diminuer
l’aléa thérapeutique », comme un DM qui n’est finalement pas
à la bonne taille. « Au départ, continue-t-il, on a toujours peur
que l’outil ne réponde qu’à sa problématique mais finalement
l’intérêt est beaucoup plus large que notre seul équipe ». Pour
continuer son développement, la société Sim&Cure doit se
conformer à la règlementation. « Nous sommes un logiciel de
conseil - et non un fabricant de DM - et considéré comme tel.
Nous sommes ainsi en plein processus de marquage CE », ajoute
Mathieu Sanchez, qui espère pouvoir développer l’usage de ce
logiciel sur d’autres pathologies, notamment cardiaque, sur les
marchés européen et américain.
Introduire la simulation dans les essais cliniques
Lors de la réunion au Parlement européen, le député italien
Nicola Caputo a demandé à l’Avicenna Alliance de lui indiquer
« les actions que les décideurs politiques pouvaient prendre
pour faire [de la médecine in silico] une réalité ». L’horizon
est ainsi fixé à 2020 pour faire des propositions, notamment
sur les essais cliniques. Les promoteurs de ces derniers sont
demandeurs d’une introduction massive de la simulation
pour réaliser davantage de recherche à moindre coût. « Le
problème, c’est que les essais cliniques sont des modèles
de réalité. Des populations sont sous-représentées, comme
les femmes, les enfants ou les porteurs de maladies rares.
Si les essais sont plus larges, les coûts explosent », estime
Michael Hill, vice-président recherche et développement
chez Medtronic, fabricant de dispositifs médicaux. Les deux
fondateurs de Sim&Cure ont quant à eux développé des
modèles en silicone pour tester leur solution.
Une problématique qui concerne également les fabricants
de médicaments. « Les protocoles cliniques sont faits pour
une définition générale de la maladie, pas pour une réponse
spécifique d’une petite population », rappelle Andrea Beccari,
responsable de la recherche clinique au sein du laboratoire
italien Dompé et membre de l’Avicenna Alliance. Il cite ainsi
l’Etanercept qui, selon lui, n’a aucun effet sur 2 % des patients,
guérit complètement 23 % des malades et permet une
guérison à moins de 50 % de 37 % des patients. « Le modèle
d’une maladie/un médicament est insuffisant », balaie-t-il.
L’Avicenna Alliance s’est ainsi dotée d’un plan d’actions pour
développer l’usage de la médecine in silico dans les essais
cliniques afin de bénéficier d’un nouveau cadre règlementaire.
Pour les membres de cette organisation européenne,
l’introduction de la simulation est une condition sine qua
non de la médecine personnalisée. « Je suis convaincu
que transformer le big data en médecine personnalisée
est la clef », abonde Nicola Caputo. À terme, la médecine
prédictive grâce à la recherche permettra, selon les membres
de l’Avicenna Alliance, d’anticiper le développement de
certaines pathologies. Ainsi, l’un de ses membres, le VPH
Institute, a développé un modèle de risque de fracture de
fragilité chez les personnes âgées. En cas d’utilisation à
l’échelle européenne, cet institut de recherche estime que
220 millions d’euros seront économisés et 1 400 morts
prématurées évitées chaque année.
Jérôme Robillard
Publié le 24/11/16 HOSPIMEDIA
Qualité : La médecine in silico se prépare à révolutionner
les essais cliniques et les blocs opératoires