CAT devant une Thrombose veineuse superficielle .pptx
Immortalité et alchimie intérieure en Chine (Muriel Baryosher-Chemouny)
1. Immortalité et
alchimie intérieure en Chine
1 Religions & Histoire no 52
DOSSIER Immortalité. Croyances et pratiques dans les religions du monde
L’immortalité a préoccupé bon nombre de grandes civilisations. La Chine s’y est pour sa part
intéressée depuis la plus haute Antiquité. Ses récits mythiques évoquent les immortels au corps
radiant couvert de plumes, se nourrissant de rosée, chevauchant des grues ou des dragons,
tandis que l’histoire témoigne de la recherche effrénée des îles d’immortalité et des ingrédients
rédempteurs. Une alchimie d’un genre particulier a également été conçue en Chine pour permettre
à l’homme d’obtenir la « longue vie ».
Muriel CHEMOUNY, chargée de mission à la Fondation maison des sciences de l’homme (FMSH, Paris)
3. parce que le langage est emprunté à
l’alchimie. L’œuvre alchimique ne se pro-
duit désormais plus à l’extérieur de soi,
mais dans le corps symbolique, modèle
analogique de l’univers chinois, avec la
tête ronde comme le ciel, les pieds carrés
comme la terre et les cinq viscères
comme les planètes. L’alchimie intérieure
puise sa symbolique dans le fonds cultu-
rel chinois. La représentation de la marche
de l’univers, de son processus – tout
comme celle du corps humain – se fonde
sur les mutations telles qu’elles ont été
représentées et systématisées dans le
Yijing ou Classique des mutations (VIIIe
-
IIIe
siècle avant notre ère)1. Ce livre
recueille les figures qu’aurait tracées
l’empereur mythique Fuxi (vers 4000 avant
notre ère) à partir de l’observation du ciel
et de la terre. « Dans les temps anciens,
[Fuxi] régna sur le monde. Levant les yeux,
il contempla les figurations qui sont dans
le ciel et, baissant les yeux, contempla
les phénomènes qui sont sur la terre. Il
considéra les marques visibles sur le corps
des oiseaux et des animaux ainsi que les
dispositions avantageuses offertes par la
terre; il emprunta, à proximité, à sa propre
personne de même que, à distance, aux
réalités extérieures. Il commença alors à
créer les huit trigrammes afin de commu-
niquer avec le pouvoir de l’Efficience infi-
nie [à l’œuvre dans l’univers] et de classer
les conditions de tous les êtres. » (Yijing,
Xici II, 2).
Les huit trigrammes fondamentaux men-
tionnés dans le texte sont formés de trois
traits superposés dont les uns sont conti-
nus et les autres discontinus, le tout s’ins-
crivant dans un carré virtuel. Le continu
et le discontinu représentent les deux
souffles primordiaux Yin et Yang, source
des transformations et des mutations
dans l’univers symbolique chinois. Les
Occidentaux nomment volontiers ces deux
souffles primordiaux « matière-énergie ».
Ils sont à la fois opposés et complé-
mentaires. Obscur/lumineux, pair/impair,
féminin/masculin, sommeil/éveil, souple/
rigide, intérieur/extérieur, froid/chaud,
3 Religions & Histoire no 52
DOSSIER Immortalité. Croyances et pratiques dans les religions du monde
Les Tang, qui succèdent à la dynastie des
Sui, règnent de 618 à 907.
fangshi, « maîtres des techniques », spé-
cialistes lettrés des arts ésotériques
(devins, géomanciens astrologues, thau-
maturges, alchimistes, etc.) instruits de
la Voie du ciel et de la terre et des inter-
actions et transmutations à l’œuvre dans
l’univers. Il se présenta à l’empereur Wudi
afin de lui transmettre les enseignements
relatifs à la fabrication de l’or alchimi-
que comme « art de prolonger la vie
selon les pratiques de l’Empereur
Jaune ». C’est ainsi que ce Fils
du Ciel, le premier, pratiqua
en personne l’alchimie afin
de convoquer les immortels.
En effet, seule leur présence
permettrait de fabriquer l’or
alchimique, dont on façon-
nerait ensuite des ustensiles
pour boire et pour manger aux
propriétés de pureté, d’inalté-
rabilité, d’incorruptibilité
et de pérennité qui se
transmettraient à celui
qui les utiliserait. Mais en
dépit de sa pratique alchi-
mique, Wudi ne parvint pas
davantage que son prédéces-
seur à éviter la mort…
Tête ronde et pieds carrés
À l’époque des Tang émerge
une alchimie dont les pratiques
relatives à la longévité s’exercent
non plus sur des substances exté-
rieures minérales, végétales ou
autres, mais sur les propres ingré-
dients du corps de l’adepte, que ce
dernier purifie et transmute par des
méthodes psychophysiologiques (thé-
rapeutiques, gymniques, sexuelles)
et par des exercices respira-
toires et de visualisation
que mentionnait déjà
l’alchimiste Ge Hong
au IIIe
siècle dans
son Traité ésoté-
rique du Maître
qui embrasse
la simplicité
(Baopuzi nei-
pian). On parle
alors d’alchimie
intérieure, neidan,