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Résistance
aux
antibiotiques	
  
Antibiorésistance et panne de l’innovation en
antibiothérapie : la phagothérapie peut-elle
s’imposer en tant que solution alternative ?
Claire	
  Roudot	
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  MSM	
  2013	
  
	
  
	
  
	
  
	
  
	
  
	
  
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Phage ?
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"Celui qui n'appliquera pas de nouveaux remèdes doit s'attendre à de
nouveaux maux ; car le temps est le plus grand des innovateurs"
- Francis Bacon
3
Remerciements :
Je tiens à remercier tout particulièrement Marine Henry pour avoir à maintes
reprises répondu à mes interrogations. Un grand Merci à Olivier Patey et Jérôme
Gabard de m'avoir accordé de leur temps lors de conversations téléphoniques très
informatives. Je remercie également Jean Paul Pirnay d'avoir éclairé ma réflexion et
répondu à mes questions. Enfin je souhaite remercier Frédéric Jallat pour ses
conseils et pour son engagement sans faille au bon déroulement du Mastère
Spécialisé en Management Pharmaceutique et des Biotechnologies de l'ESCP
Europe.
Je n'oublie pas Félix d'Hérelle, le précurseur1
, sans qui ce rapport ne serait sans
doute pas ce qu'il est,
- Good job Félix ! R.I.P -
En souhaitant un long et bel avenir à la phagothérapie,
Claire Roudot 2
1
« Il n'y a pas de précurseurs, il n'y a que des retardataires » - Jean Cocteau
2
Contact: claireroudot@gmail.com2
Contact: claireroudot@gmail.com
4
Table des matières:
Remerciements .................................................................................................... 3
1. Introduction ................................................................................................... 5
2. Méthodologie.................................................................................................. 8
1. Etude documentaire ................................................................................................8
2. Etude de terrains.....................................................................................................9
3. Vers un retour à l’ère pré-antibiotiques ? ......................................................11
1. Des antibiotiques inefficaces face à des bactéries toujours plus résistantes..........11
2. Comment expliquer l’émergence de souches résistantes ?...................................13
3. Développement de nouveaux antibiotiques : un état des lieux..............................14
4. Pourquoi les industriels du médicament n’investissent-ils pas d’avantage dans le
développement de nouveaux antibiotiques ? ..............................................................17
5. Initiatives mises en place pour remédier à l’antibiorésistance..............................18
6. Vers l’ère post-antibiotiques .................................................................................19
4. La phagothérapie...........................................................................................21
1. La phagothérapie : Découverte, oubli et revival....................................................21
2. Avantages de la phagothérapie.............................................................................24
3. Quelles normes pour encadrer la production de phages dédiés à la thérapie ?....28
4. « Prêt-à-porter ou Sur mesure » ?...........................................................................30
5. Quels sont les problèmes potentiellement inhérents à la phagothérapie..............33
6. Essais cliniques passés ou en cours.......................................................................37
7. Perception, opinion publique................................................................................43
5. Intérêt de la phagothérapie pour les industriels médicament........................45
1. Etats des lieux des start up et industriels impliqués ..............................................45
2. Aspect réglementaire et propriété intellectuelle ..................................................46
6. Conclusions et recommandations ..................................................................50
Glossaire des termes techniques .........................................................................52
Abréviations.........................................................................................................54
Bibliographie .......................................................................................................55
5
1. Introduction
Les bactéries sont en voie de gagner le combat face aux antibiotiques, toujours
plus résistantes elles sont responsables de plusieurs dizaines de milliers de décès
chaque année. Les chercheurs peinent à développer de nouvelles molécules et
les big pharma semblent se désintéresser de cette aire thérapeutique. Les
antibiotiques sont pourtant la clef de voûte de notre arsenal thérapeutique. Sans
antibiotique il serait impossible d’envisager sereinement une chirurgie, une
chimiothérapie ou un quelconque traitement affaiblissant le système immunitaire.
Dans un monde sans antibiotique le nombre de décès lié à des infections
opportunistes serait tel qu’il engendrerait une diminution de l’espérance de vie.
Face à ce problème, une idée fait de plus en plus parler d’elle, pourquoi ne pas
vaincre le vivant par le vivant ? Ou dit plus simplement : pourquoi ne pas remettre
à l’ordre du jour une approche datant de l’ère pré-antibiotique: la phagothérapie.
La phagothérapie consiste à utiliser des virus, appelés bactériophages (Fig 1), ou
plus communément phages, pour soigner les infections bactériennes. Les
bactériophages (littéralement les mangeurs de bactéries) sont les prédateurs
naturels des bactéries.
Fig 1: A gauche : Schéma d’un bactériophage T4. Sa structure se découpe en trois
grandes parties : la tête contenant l’ADN virale, la queue permettant l’injection de
cet ADN dans la bactérie infectée et les fibres caudales permettant l’attachement du
phage sur la membrane de la bactérie. A droite : Bactériophages (en bleu) infectant
une bactérie (en orange).
Source : UCLouvain & Phage Biotech LTD
6
Les bactériophages sont ubiquitaires, ils sont présents partout mais en quantité
plus importante dans les excréments, le sol et les eaux d'égout. Leur nombre est
estimé à 1031
, c’est l’entité biologique la plus abondante de notre biosphère. Nous
vivons en quelque sorte dans un océan de phages (Pirnay, 2012). Les phages ont
la particularité de n’infecter que les bactéries, ils sont donc notamment
incapables d’infecter des cellules humaines. Comme tous les virus, les
bactériophages ont besoin d’un hôte pour se reproduire et se multiplier. Les
bactériophages utilisent les bactéries pour se reproduire (Fig 2). Pour ce faire un
phage va se fixer à la surface d’une bactérie, percer une ouverture dans la paroi
bactérienne et y injecter son ADN. Cet ADN viral va reprogrammer la bactérie et
détourner sa machinerie interne en usine à fabriquer de nouveaux virus. Une fois
formés, ces néo virus tuent la bactérie en l’éclatant, ils sont alors prêts à infecter
d’autres bactéries.
Fig 2 : cycle de reproduction d’un bactériophage
en vert : les bactériophages, en bleu : la bactérie
Source : Nature Microbiology
7
La découverte des phages remonte à 1915 et leur première utilisation médicale
en tant qu’agent antibactérien date de 1919. Par la suite, au milieu des années 40,
avec l’avènement des antibiotiques, la phagothérapie tomba en désuétude.
Aujourd’hui, près d’un siècle après la découverte des phages, l’heure de gloire
de la phagothérapie ne serait-elle pas venue ? Les bactériophages sont-ils la
solution alternative de choix pour lutter contre les bactéries multi-résistantes aux
antibiotiques ? Pour répondre à cette question, il faut déterminer si le rapport
bénéfice/risque de la phagothérapie est favorable. Pour ce faire une étude
minutieuse des études scientifiques et des essais précliniques et cliniques
existant à ce jour est nécessaire. Un listing complet des avantages et des risques
potentiels inhérents à cette technologie doit être établi. Enfin il convient de
définir dans quel cadre réglementaire et médical la phagothérapie peut-elle être
mise en oeuvre. Les aspects de propriété intellectuelle sous-jacents à la
potentielle industrialisation de cette technologie doivent également être abordé.
Ce rapport3
tente modestement de répondre à ce cahier des charges afin
d’établir une liste de recommandations d’actions à entreprendre afin de mettre
en place une stratégie de lutte contre les bactéries multi-résistantes aux
antibiotiques.
3
Thèse professionnelle réalisée dans le cadre du Mastère Spécialisé Management
Pharmaceutique et des Biotechnologies de l’ESCP Europe
8
2. Méthodologie
La première étape de ce travail fut de se familiariser de façon globale avec le
sujet et ses problématiques, cette première étape reposa essentiellement sur la
lecture de reviews dans la presse scientifique spécialisée et des quelques articles
disponibles dans la presse généraliste. Par la suite, un mapping des acteurs clés
impliqués dans la phagothérapie fut établi, et des interlocuteurs furent
recherchés afin d’amorcer les études de terrains et conduire des interviews.
Fig 3 : Mapping des principaux acteurs impliqués dans la phagothérapie
1. Etude	
  documentaire	
  
+ Pubmed et la presse spécialisée
La majorité des sources utilisées pour la phase d’étude documentaire provient
d’articles scientifiques issus de la presse spécialisée (Nature, Bacteriophage,
Virology…). La base de donnée PubMed a permis de trouver une grande quantité
de publications en utilisant les mots clés suivants : « phage therapy », « phage
cocktails », « antimicrobial drug development », « novel antimicrobial »,
« antbiotic resistance ».
9
+ Presse généraliste
Quelques articles proviennent de la presse généraliste (Le Monde, Le Point, Le
Temps, Les Echos) et ont permis notamment d’avoir des retours et des
témoignages de la part de patients ayant eu recours à la phagothérapie.
+ Internet
Le site internet clinicaltrials.gov a permis de faire le décompte des essais
cliniques passés ou en cours concernant tous les types de traitements
antibactériens (antibiotiques et phagothérapie notamment) et d’en détailler
l’avancement (les phases 2 et 3 étant plus intéressantes à relever sachant le taux
élevé d’échec en phase 1).
Les sites internet des acteurs impliqués dans la phagothérapie ont également été
consultés (industriels, start ups, association de patients, instituts de recherche) et
ont permis d’avoir des informations sur les projets en cours.
2. Etude	
  de	
  terrains	
  
Des interviews d’experts du sujet ont été réalisées via échange d’emails ou par
discussion téléphonique (Fig 4). En premier lieu des chercheurs ont été contactés
afin de répondre aux interrogations techniques relatives à la phagothérapie. Ces
chercheurs, Dr. Marine Henry et Dr. Jean Paul Pirnay, travaillent respectivement
dans deux instituts reconnus pour leurs compétences dans le domaine à savoir
l’Institut Pasteur de Paris et le laboratoire de technologie moléculaire et cellulaire
du Centre des Grands Brûlés de l’Hôpital Militaire Reine Astrid de Bruxelles. Par
la suite, une interview auprès de Jérôme Gabard, PDG de Pherecydes Pharma, a
permis notamment d’aborder des questions liées à la production, au
réglementaire, à la propriété intellectuelle et au projet Phagoburn. Enfin il a été
intéressant de recueillir l’avis d’un praticien hospitalier qui travaille donc
directement au contact des patients. Le Dr. Olivier Patey, infectiologue, chef de
service toujours en exercice à Villeneuve-Saint-Georges a été interrogé, il est l’un
des derniers médecins avec le Dr. Alain Dublanchet a avoir administré en France
10
des phages à des patients atteints d'infections ostéo-articulaires. Enfin la société
de capital risque Sofinnova Partners, spécialisée dans les investissements en
sciences de la vie, a été contactée mais a déclaré « ne pas avoir assez
d’expérience avec des opportunités dans le domaine de phagothérapie pour
pouvoir donner des réponses suffisamment éclairées ».
Nom Fonction Institut/Société
Dr. Marine Henry Chercheur Institut Pasteur
Dr. Jean-Paul Pirnay Chercheur
Hôpital militaire Reine
Astrid
Dr. Jérôme Gabard PDG Pherecydes Pharma
Dr. Olivier Patey Chef de service, PH
CH intercommunal de
Villeneuve-Saint-Georges
Dr. Anne Horgan Associée Sofinnova Partners
Fig 4: Liste des acteurs contactés lors de l’étude de terrain
Les personnes interrogées ont permis d’éclairer l’auteur et donc d’aider à la
rédaction de ce rapport mais ils ne sont en rien impliqués dans les propos tenus
dans celui-ci, qui sont à attribuer à la seule subjectivité de l’auteur.
11
3. Vers un retour à l’ère pré-antibiotiques ?
Le premier antibiotique voit le jour en 1928 avec la découverte de la pénicilline
par Alexander Fleming. L’utilisation courante de celle-ci et le développement de
nouvelles classes d’antibiotiques remonte à la seconde guerre mondiale.
L’antibiothérapie est sans nulle doute l’un des plus grands succès médicaux du
siècle passé, elle a permis de réduire de façon considérable la mortalité due aux
maladies infectieuses et de lutter efficacement contre les grandes épidémies
telles que la tuberculose, la peste ou encore la lèpre. Aujourd’hui les
antibiotiques sont en perte de vitesse, d’une part du fait de l’apparition de
bactéries résistantes et du fait de la raréfaction des nouvelles molécules mises sur
le marché d’autre part.
1. Des	
  antibiotiques	
  inefficaces	
  face	
  à	
  des	
  bactéries	
  toujours	
  plus	
  résistantes	
  
+ Multiplication des cas de résistance
Durant ces trente dernières années, le phénomène de résistance aux
antibiotiques a cru de façon considérable et ce à l’échelle mondiale. Dans l’Union
européenne, on dénombre annuellement 25 000 décès dus à des infections par
des BMR (bactéries multi résistantes), le surcoût associé en termes de dépenses
de santé dus aux décès et aux traitements s’élève à 1,5 milliards d’euros. A
l’échelle mondiale, l’OMS estime que sur les 8 à 10 millions de nouveaux cas
annuels de tuberculose, 440 000 sont dus à des souches multi résistantes et sont la
cause de plus de 150 000 décès. D’autre part des cas de tuberculose à BHR
(bactéries hautement résistantes : étant résistante à la quasi-totalité des
antibiotiques) ont été détectés dans 64 pays.
Les BHR initialement présentes essentiellement en milieu hospitalier se
développent désormais hors des hôpitaux. Depuis le début des années 2000, une
épidémie de SARM (staphylocoque doré résistant à la méthicilline) sévit en milieu
urbain aux Etats-Unis, elle a causé 19 000 décès en 2005 soit une mortalité
supérieure à celle combinée du SIDA et de la tuberculose dans ce même pays.
12
En 2003, la bactérie Acinetobacter baumanii est la cause d’une épidémie chez les
soldats revenant d’Irak, de nombreux cas de résistance sont relevés. En France
cette même souche est en recrudescence, sa présence dans les infections
nosocomiales est passée de 2 à 3% entre 2003 et 2008, à 11% en 2011, pour une
létalité de 17%.
Des entérobactéries NDM1 résistantes à toutes les ß-lactamines (pénicillines et
céphalosporines) ainsi qu’à des antibiotiques très puissants, les carbapénèmes (à
usage hospitalier) se sont développées en Inde. Ces souches d’entérobactéries
hautement résistantes aux antibiotiques ont été retrouvées par la suite notamment
en Grande-Bretagne, en Belgique, au Canada, en Suède, aux Etats-Unis et en
Australie chez des patients ayant été hospitalisés pour la plupart dans le sous-
continent indien (Teillant, 2012).
Le rapport de surveillance de la résistance aux antimicrobiens de l’ECDC
(European Centre for Disease Prevention and Control) sur la période 2008-2011
révèle une augmentation globale à l’échelle européenne de la résistance aux
antimicrobiens chez les bactéries à gram négatif sous surveillance (Escherichia
coli, Klebsiella pneumoniae et Pseudomonas aeruginosa), tandis que la résistance
chez les bactéries à gram positif (Streptococcus pneumoniae, Staphylococcus
aureus, Enterococcus faecium et Enterococcus faecalis) semble se stabiliser voir
diminuer dans certains pays (ECDC, 2011).
+ Disparité géographique des résistances
On observe une forte hétérogénéité des niveaux de résistance selon les
localisations géographiques (Fig 5). Ainsi en Europe, la proportion de SARM varie
de moins 1% en Suède et en Norvège à plus de 25% dans des pays du sud tels
que l’Italie, le Portugal, l’Espagne ou la Grèce. Le niveau moyen de SARM en
Europe tend à diminuer depuis quelques années mais reste cependant très élevé
(17,4%). En revanche d’autres souches résistantes telle que les
entérobactéries EBLSE (Entérobactéries productrices de béta-lactamases à
spectre étendu) ou EPC (Entérobactéries productrices de carbapénèmases) sont
en augmentation constante depuis ces dix dernières années. La France se trouve
dans la moyenne européenne en terme de résistance, on y observe une
13
diminution des SARM depuis 2011. A l’inverse les résistances des entérobactéries
et de Pseudomonas aeruginosa sont par contre en augmentation dans l’hexagone.
Fig 5 : Hétérogénéité géographique : exemple du SARM
Source : EARS-Net (European Antimicrobial Resistance Surveillance Network)
2. Comment	
  expliquer	
  l’émergence	
  de	
  souches	
  résistantes	
  ?	
  
L’émergence des souches résistantes aux antibiotiques est corrélée à l’utilisation
massive d’antibiotiques chez l’Homme comme chez l’animal. La surconsommation
d’antibiotiques est essentiellement due à une mauvaise utilisation de ceux-ci, les
antibiotiques ont été trop souvent prescrits pour des infections dont l’origine était
non bactérienne (maladies infectieuses causées par des virus, champignons ou
autres parasites), or les antibiotiques sont totalement inefficients face à ces
infections d’origine non bactérienne. On estime que dans 40% des cas en soins
hospitaliers et dans 60% des cas en médecine de ville, des antibiotiques sont
inutilement prescrits contre des virus (INVS, 2013). En agroalimentaire, les
antibiotiques sont utilisés en tant que facteurs de croissance. Cette pratique
14
interdite depuis 2006 dans l’Union européenne perdure dans d’autres pays tels
que les Etats-Unis. D’après l’OMS 50% des antibiotiques produits au niveau
mondial sont destinés aux élevages.
Une mauvaise observance dans un traitement aux antibiotiques va favoriser
l’émergence des souches résistantes. Lors de l’arrêt précoce d’un traitement
seules les bactéries les plus sensibles sont tuer, la sélection naturelle favorisant
les souches les plus résistantes.
Dans les pays en développement, la contrefaçon d’antibiotiques sous-dosés et
leur vente libre contribuent grandement à l’augmentation des résistances.
Les antibiotiques peuvent agir de façon néfaste sur la flore commensale
(ensemble de bactéries naturellement présentes dans l’organisme). Les bactéries
possèdent des capacités d’adaptation rapide à leur environnement, ainsi les
bactéries de la flore commensale soumises à l’action d’antibiotiques vont mettre
en œuvre des mécanismes de résistance à leur encontre, des gènes de
résistances aux antibiotiques vont se propager par sélection naturelle. Par la suite
ces gènes de résistances peuvent se transmettre à d’autres bactéries, notamment
à des bactéries n’appartenant pas à la flore commensale. Le transfert de gène de
résistance d’une bactérie à une autre est courant quand ces gènes se trouvent
localisés sur des éléments génétiques mobiles (mécanisme de conjugaison
bactérienne4
, transmission de plasmides).
Ainsi les environnements tels que les hôpitaux ou les élevages, caractérisés par
de forts niveaux d’antibiotiques, sont des lieux favorisant l’émergence de
bactéries résistantes et peuvent devenir de véritables réservoirs à BHR.
3. Développement	
  de	
  nouveaux	
  antibiotiques	
  :	
  un	
  état	
  des	
  lieux	
  
Alors que le besoin de nouveaux antibiotiques est de plus en plus pressant, on
note une diminution constante du nombre de nouvelles molécules mises sur le
marché (Fig 2 & 3). Alors que 16 produits ont reçu le feu vert de la FDA entre
1983-1987, il n’y en a eu que deux entre 2008 et 2012.
4
La définition des mots grisés se trouve dans le glossaire des termes techniques en page 52
15
Fig 6 : Nouveaux agents antibactériens ayant reçu une autorisation de mise sur le
marché (AMM) par la FDA
Source : Les Echos, 2013
Il est à noter que parmi les quelques antibactériens mis sur le marché depuis
1998, trois d’entre eux (Gatifloxacin, Gemifloaxin et Telithromycin) ont été retirés
du marché pour cause d’effets indésirables.
En parallèle à ce déclin des AMM pour des molécules antibactériennes, il y a
également une diminution du développement de celles-ci. Une analyse via
clinicaltrial.gov révèle que seuls 7 antibiotiques sont actuellement engagés dans
des phases II ou III d’essais cliniques (Fig 4). Il y a également des molécules en
phase 1 mais le taux d’échec en phase I demeure très élevé. Il est à noter que
récemment la société de biotechnologie Polymedix a interrompu le
développement d’un de ces produits en phase II, en octobre 2012 c’était GSK qui
interrompait le développement de son « GSK 052 » également en phase II. Sur les
7 antibiotiques en cours de développement seuls 3 sont développés par des big
pharma (Merck/Schering Plough et AstraZeneca), les grands groupes semblent
se désintéresser de cette classe thérapeutique. En effet depuis 1998, seules 5 big
pharma (AstraZeneca, GSK, Merck/Schering-Plough, Johnson & Johnson,
Pfizer/Wyeth) ont eu des antibiotiques dans leur pipeline (Boucher, 2013).
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16"
1983-1987
1988-1992
1993-1997
1998-2002
2003-2007
2008-2012
AMM
16
Antibiotique
Année d’obtention
de l’AMM
Nouveau mécanisme
d’action ?
Rifapentine 1998 Non
Quinupristin/Dalfopristin 1999 Non
Moxifloxacin 1999 Non
Gatifloxacin 1999 Non
Linezolid 2000 Oui
Cefditoren pivoxil 2001 Non
Ertapenem 2001 Non
Gemifloaxin 2003 Non
Daptomycin 2003 Oui
Telithromycin 2005 Non
Tigecycline 2005 Oui
Doripenem 2007 Non
Telavancin 2009 Oui
Ceftaroline fosamil 2010 Non
Fig 7 : Antibactériens mis sur le marché depuis 1998
Source : Boucher, 2013
Produit Statut Société
Ceftolozane/taxobactam (CXA-201 ;
CXA-101/tazobactam)
Phase 3 Cubist
Ceftazidime-avibactam
(ceftazidime/NXL 104))
Phase 3 AstraZeneca
Ceftazidime-avibactam (CPT-
avibactam ; ceftaroline/NXL 104)
Phase 2 AstraZeneca
Imipenem/MK-7655 Phase 2 Merck/Schering-Plough
Plazomicin (ACHN-490) Phase 2 Archaogen
Eravacycline (TP-434) Phase 2 Tetraphase
Brilacidin Phase 2 Polymedix
Fig 8 : Antibiotiques en phase avancée de développement clinique (Phase 2 ou 3)
Source : Clinicaltrials.gov, 2013
17
4. Pourquoi	
  les	
  industriels	
  du	
  médicament	
  n’investissent-­‐ils	
  pas	
  d’avantage	
  dans	
  le	
  
développement	
  de	
  nouveaux	
  antibiotiques	
  ?	
  
+ Des médicaments très vite inefficaces et peu rémunérateurs
Des cas de résistance au Zyvox®
, molécule développée par Pfizer ont été
rapportés seulement un an après que la molécule ait été commercialisée. Pire
encore, pour le Synercid®
, molécule développée en 1999 par Aventis, des
résistances à cette molécule avait été observées avant même que celle-ci ne soit
sur le marché (Thiel, 2004).
Le coût de développement d’un médicament avoisine en moyenne le milliard
d’euros, face à cet investissement colossal, les industriels du médicament n’ont
pas de retour sur investissement suffisant avec des antibiotiques ne restant qu’une
courte période sur le marché. De plus lorsqu’un nouvel antibiotique arrive sur le
marché, sa prescription est restreinte pour retarder le plus longtemps possible
l’apparition de résistance, le chiffre d’affaire tarde donc à décoller. Les
antibiotiques sont prescrits sur des courtes durées et donc peu rémunérateurs,
les industries pharmaceutiques préfèrent se focaliser sur le développement de
classes thérapeutiques plus rémunératrices telles que l’oncologie, les maladies
du SNC (Système nerveux central) ou les maladies chroniques telles que le
diabète. Selon l’Office of Health Economics, la valeur nette économique des
antibiotiques est trois fois moins élevée que celle des anticancéreux et sept fois
moins élevée à celle des médicaments pour les maladies du SNC.
+ Une réglementation inadaptée
Les contraintes relatives au déroulement des essais cliniques ne sont pas
compatibles avec les antibiotiques destinés à soigner les patients infectés par des
souches multirésistantes. En effet les essais cliniques doivent permettre de tester
la molécule sur un grand nombre de patients. Or il n’est pas acceptable
d’attendre qu’une infection multirésistante se propage à un grand nombre de
patients pour tester un potentiel nouveau traitement.
18
Par ailleurs le système réglementaire de la HAS (Haute Autorité de Santé) basé
sur l’ASMR (Amélioration du Service Médical Rendu) qui compare en terme
d’efficacité une potentielle nouvelle molécule aux autres molécules déjà
présentes sur le marché n’est pas parfaitement adapté au problème des
résistances aux antibiotiques, dans ce cas précis on ne cherche pas une molécule
plus efficace mais capable de contourner les résistances.
5. Initiatives	
  mises	
  en	
  place	
  pour	
  remédier	
  à	
  l’antibiorésistance	
  
Face à ces deux problèmes intimement liés : l’augmentation des résistances et la
diminution des nouvelles molécules mises sur le marché, plusieurs organismes
ont tiré la sonnette d’alarme et de nombreux dispositifs ont été mis en place. Des
campagnes de prévention visant à une réduction de la consommation
d’antibiotiques ont été lancées, la rationalisation des prescriptions d’antibiotiques
a été mise en place dans de nombreux pays. Concernant la panne d’innovation en
antibiothérapie, l’IDSA (Infectious Diseases Society of America) a lancé une
initiative dénommée « 10x20 » en 2010, le but étant de regrouper des acteurs
d’horizons divers : politiques, scientifiques, industriels, économistes, spécialistes
de la propriété intellectuelle, médecins et philanthropes pour améliorer la R&D
dans le domaine des antibiotiques et à terme développer dix nouvelles molécules
d’ici 2020 (Fig 9).
Fig 9 : 10x20, l’initiative lancé par l’IDSA pour trouver de nouveaux antibiotiques
d’ici 2020
19
En mai dernier, GSK recevait 200 millions de dollars de la part du gouvernement
américain pour développer de nouveaux antibiotiques et agir à la fois contre les
menaces bio-terroristes et les résistances aux antibiotiques (GSK, 2013).
En Europe, l’IMI (Innovative Medcines Initiatives) est un partenariat public-privé
entre la commission européenne et l’EFPIA (European Federation of
Pharmaceutical Industries and Associations) visant à financer des projets au
travers d’appels d’offres. Le projet COMBACTE (Combatting Bacterial Resistance
in Europe) disposant d’un budget de 195 millions d’euros est issu du 6e
appel
d’offre de l’IMI et a pour but de faciliter l’enregistrement de nouveaux
antibiotiques (Inserm, 2013).
Malgré toutes ces initiatives, le temps de développement d’un médicament est
long (en moyenne 12 ans), et les pipelines actuels des big pharmas ne débordent
pas d’antibiotiques. Les nouveaux antibiotiques ne sont donc pas pour demain.
Plusieurs voix s’élèvent : « et si la solution était ailleurs ? ». Alors que dans
d’autres aires thérapeutiques, l’innovation est boostée par les biotechnologies et
non plus par la chimie, pourrait-il en être de même pour les antibiotiques ?
6. Vers	
  l’ère	
  post-­‐antibiotiques	
  	
  
Des alternatives aux antibiotiques ont été étudiées, elles portent notamment sur
les dérivés des plantes, les ARN thérapeutiques, les probiotiques ou les peptides
microbiens. Les plus prometteuses d’entre elles : les bactériophages, les lysines
et les bactériocines sont des produits issus du vivant. Les biotechnologies se
positionnent en tant que solution alternative face à la panne d’innovation en
antibiothérapie.
+ Les bactériocines
Les bactériocines sont des peptides microbiens produits par certaines bactéries.
Ces molécules sont dotées d’une activité bactéricide (y compris envers des
souches résistantes aux antibiotiques). Les bactéries productrices sont résistantes
20
à l’action de leur propre bactériocine. Ainsi des bactériocines sont produites par
les bactéries de la flore intestinale afin de combattre les infections intestinales. Le
mode d’action des bactériocines consiste à une perforation de la membrane des
bactéries cibles, entrainant la libération de leur contenu cellulaire et donc leur
mort. L’efficacité des bactériocines en tant qu’agents antibactériens pourrait être
limitée de part l’émergence de résistances aux bactériocines. Des recherches
complémentaires sont nécessaires afin de minimiser ou retarder l’apparition de
ce problème (Cotter, 2013).
+ Les bactériophages
Les bactériophages, virus infectant spécifiquement des bactéries, semblent être
un outil de choix pour lutter contre les souches résistantes aux antibiotiques. Leur
potentiel sera étudié de façon détaillée dans la suite de ce rapport (cf. § 4. La
phagothérapie).
+ Les lysines de bactériophages
Lorsqu’un bactériophage se réplique dans une bactérie, deux enzymes clés sont
produits : les holines qui perforent la membrane interne de la bactérie et les
lysines qui pénètrent via ce trou crée par les holines et attaquent le manteau
cellulaire bactérien jusqu’à éclater la bactérie et libérer des centaines de phages.
Des chercheurs de l’University of Maryland’s Institute for Biosciences and
Biotechnology Research ont monté que ces lysines étaient capables de détruire le
manteau cellulaire d’une bactérie depuis l’extérieur de celle ci ce en l’absence
de holine et de phage (Potera, 2013). Des lysines de ce type ont déjà été
commercialisées dans l’industrie agroalimentaire, notamment pour lutter contre
Clostridium perfringens responsable de l'entérite nécrosante chez les volailles et
d’intoxications alimentaires chez l’humain. Des applications en médecine sont
possibles, cependant tout comme les bactériocines, l’émergence de résistance
est plausible même si aucun cas n’a été rapporté pour l’instant.
21
4. La phagothérapie
1. La	
  phagothérapie	
  :	
  Découverte,	
  oubli	
  et	
  revival	
  
+ Découverte
La découverte des bactériophages (communément appelés phages) revient
conjointement à deux scientifiques, le britannique Frederick Twort et le français
Félix d’Herelle. Twort en fit l’observation en 1915 et fut le premier à décrire le
phénomène de lyse bactérienne, Felix d’Hérelle découvrit les phages en 1917 et
fut le premier à envisager leur utilisation en thérapie, il est de ce fait considéré
comme l’inventeur de la phagothérapie.
+ Succès et premiers traitements
Dès 1919, d’Hérelle utilise les phages à l’hôpital Necker-Enfants Malades. Il fera
au préalable absorber sa préparation à son entourage afin d’en vérifier
l’innocuité puis la prescrivit à des enfants atteints de dysenterie bacillaire. Cinq
enfants furent guéris. Par la suite, d’Hérelle utilisa avec succès les phages dans de
nombreux cas, il généralisa leurs rôles d’agents de guérison chez l’animal en le
testant dans le barbone du buffle, la peste chez le rat et la flacherie chez le vers à
soie. En 1921, d’Hérelle publie Le bactériophage, son rôle dans l’immunité,
ouvrage de plus de 200 pages qui sera traduit dans plusieurs langues les années
suivantes. Dans les années qui suivirent de nombreuses publications émanèrent
de différentes équipes de chercheurs dispatchées autour du globe (France,
Allemagne, Belgique, Angleterre, Etats-Unis). En 1926, d’Hérelle publia un
second ouvrage Le bactériophage et son comportement dans lequel il fait
l’inventaire des utilisations de bactériophages en médecine décrite à l’époque,
les 700 références de cet ouvrage reflètent l’ampleur du phénomène, la
phagothérapie était en voie de se généraliser en médecine. Les industries
pharmaceutiques telles que Parke-Davis, Eli Lilly, Abott et Squibb ou Robert &
Carrière s’y intéressaient de près. En France, les spécialités à base de phages du
22
laboratoire Robert & Carrière auront été pendant plusieurs années parmi les dix
meilleures ventes de l’entreprise (Dublanchet, 2008).
+ Déclin
Malgré un succès grandissant et un avenir prometteur, la phagothérapie tomba
dans l’oubli. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce déclin. D’une part alors que
les demandes ne cessaient de croître, la capacité de production des industriels
ne suivait pas, que ce soit en terme de quantité ou de qualité. Les problèmes et
polémiques liés à ce manque de qualité furent nombreux. En ligne de mire des
critiques : l’inconstance des résultats et l’hétérogénéité des préparations.
L’avènement de la pénicilline et des antibiotiques lors de la seconde guerre
mondiale vint enterrer la phagothérapie. La pénicilline avait l’avantage d’être
plus stable, plus facile d’emploi, dotée d’un large champ d’action et son
utilisation s’inscrivait parfaitement dans le paradigme chimique de l’époque.
+ L’exception de l’ex URSS
Alors que la phagothérapie tomba dans l’oubli dans les pays occidentaux elle
continua à être développée et utilisée dans les pays de l’union soviétique.
L’exemple le plus célèbre est la Géorgie et son fameux Eliava Institute basé à
Tbilisi, qui fut crée en 1933 par George Eliava, un des anciens élèves de l’Institut
Pasteur d’Hérelle (Fig 10). Plus de 1200 personnes travaillaient dans ce centre
dont la capacité de production était de plus de 2 tonnes par semaine. L’utilisation
de la phagothérapie a été et continue d’être un succès dans les pays de l’ex URSS,
le transfert de cette technologie ne s’est pas fait vers les pays occidentaux. On
relève d’ailleurs peu de publications en langue anglaise émanant de ces pays.
Initialement ce peu de publications s’explique du fait que les techniques de
phagothérapie étaient, durant la guerre froide, considérées comme secrètes
notamment à cause des applications militaires y étant associées (soins des
brûlures). De plus la phagothérapie s’étant développée bien avant l’avènement
des standards occidentaux en matière d’essais cliniques, les publications
soviétiques existantes ne suivent pas ces standards.
23
Fig 10 : En 1933, le franco-canadien Félix d’Hérelle (au centre) et le soviétique
George Eliava (à droite), fondent un institut dédié à la recherche sur les phages.
Aujourd’hui encore l’Eliava Institute accueille des patients du monde entier venant
se faire traiter par phagothérapie
Aujourd’hui certains cocktails de phages sont en vente libre en Géorgie et en
Russie, notamment « Intestiphage » un cocktail de phages ciblant 20 bactéries
gastro-intestinales. Un autre cocktail « Pyophage » est quant à lui, couramment
utilisé dans les infections de la peau et les plaies purulentes. Ce cocktail a
notamment été incorporé dans un pansement biodégradable (PhageBioDerm®
),
permettant une libération continue et régulière de phages. Ces préparations
commerciales de phages ne sont pas statiques, à l’instar du vaccin contre la
grippe, elles sont renouvelées en fonction des changements induits chez les
pathogènes. Ainsi l’institut Eliava modifie ces cocktails tous les 6 mois en fonction
de l’émergence de nouvelles souches. En Russie c’est le géant Microgen qui
produit et commercialise les préparations de phages qui sont très largement
utilisées dans beaucoup de régions de la Russie. La compagnie n’a cependant pas
publié d’articles concernant la caractérisation des phages ni réalisé d’essais
cliniques aux standards occidentaux (Abedon, 2001). Pourquoi donc
s’embêteraient-ils maintenant à effectuer ces études couteuses alors que ces
produits sont couramment utilisés et ce depuis de longues années ? Pour exporter
ces produits vers d’autres pays ? Il aurait fallu pour ce faire que les autorités
américaines ou européennes montrent un plus grand intérêt pour la
24
phagothérapie qui souffrait encore jusqu’à peu d’une réputation
«d’antibiothérapie de l’époque stalinienne».
A noter que si Microgen n’a pas publié d’études, des travaux indépendants ont
analysé la composition des cocktails commercialisés par la firme (McCallin,
2013). Une étude réalisée par des chercheurs suisses du Nestlé Research Centre
démontre que les phages présents dans le cocktail n’ont pas de gènes
indésirables et qu’aucun effet secondaire associé à l’absorption de ce cocktail par
des volontaires sains n’a été observé.
+ Un regain d’intérêt début des années 2010
Alors que les souches résistantes aux antibiotiques font de plus en plus de
victimes et que les nouveaux antibiotiques peinent à être développés, la
phagothérapie refait parler d’elle en Occident. La presse généraliste relate les
expériences de patients ayant recours au « tourisme médical » pour se soigner.
En 2012, un article du quotidien Le Monde relatait l’histoire de Caroline Lemaire,
une française de 40 ans au moment des faits, qui a échappé à l’amputation grâce à
un traitement par des bactériophages provenant de Géorgie. Le 21 mai 2013,
c’était la sénatrice PS, Maryvonne Blondin, qui interpellait la ministre de la santé
sur la nécessité, d’accélérer la recherche, d’autoriser les études in vivo et de
mener au plus vite des essais thérapeutiques. Face à ce regain d’intérêt et cette
prise de conscience concernant le fort potentiel de la phagothérapie, les choses
commencent à bouger. Ainsi le projet phagoburn, lancé le 1er
juin 2013, finance
les phases I et II d’essais cliniques dans le traitement de brûlures infectées par
Escherichia coli et Pseudomonas aeruginosa (cf. § 4.4).
2. Avantages	
  de	
  la	
  phagothérapie:	
  
+ Toxicité inhérente faible, peu d’effets secondaires associés
Contrairement aux antibiotiques, les phages sont constitués d’acides nucléiques
et de protéines, substances non toxiques pour l’organisme. Les phages n’infectent
25
que les bactéries et n’ont aucun effet sur les cellules humaines, ils n’induisent
donc pas d’effets néfastes sur celles-ci. De plus aucun effet secondaire n’a jamais
été relevé lors des utilisations de phages en thérapie ce qui n’est pas le cas avec
beaucoup d’antibiotiques (allergie aux pénicillines, toxicité des aminosides…)
(GEEPhage, 2013).
+ Spécificité d’action et protection de la flore bactérienne commensale
Chaque phage peut infecter spécifiquement une seule espèce de bactérie
donnée (plus rarement un phage peut être capable d’infecter des espèces
apparentées), cette spécificité d’action permet de sauvegarder les bactéries de la
flore commensale, bactéries naturellement présentes et essentielles au bon
fonctionnement de l’organisme. A l’inverse de nombreux antibiotiques sont à
larges spectres diminuant ainsi l’effet barrière la flore commensale (Loc-Carrillo,
2010).
+ Risque moindre d’induire des résistances
A l’inverse des antibiotiques à large spectre, la grande spécificité d’action des
phages limite le nombre de bactéries dans lesquelles des résistances peuvent se
développer.
+ Une solution contre les bactéries multi-résistantes
Le mécanisme d’action des bactériophages étant différent de celui des
antibiotiques, les phages peuvent être actifs sur des bactéries multi-résistantes
aux antibiotiques et ont le potentiel de soigner des patients en impasse
thérapeutique.
+ Action contre les biofilms
Les antibiotiques ont une efficacité sur les bactéries dites planctoniques ou
flottantes (non rattachées à un substrat) mais sont inefficaces face aux bactéries
26
présentes sous forme de biofilms. Certaines bactéries sont associées aux surfaces
et forment des populations fixées et enrobées d’une matrice auto produite
appelées biofilms. La formation de biofilms sur l’instrumentation médicale
(prothèses, cathéters, sondes urinaires…) constitue une source de contamination
contribuant au développement d’infections nosocomiales. Le contrôle des
biofilms est ainsi devenu un enjeu majeur de santé publique.
Les phages ont démontré leur efficacité à plusieurs reprises face à certains
biofilms (Abedon, 2011).
+ Un agent bactéricide sans équivoque
Les bactéries ayant été infectées par un phage lytique sont obligatoirement
vouées à la mort. A contrario, certains antibiotiques tels que les tétracyclines sont
uniquement bactériostatiques, et sont donc plus susceptibles de favoriser
l’évolution bactérienne et donc l’émergence de résistances.
+ Action synergique avec les antibiotiques
Les bactériophages et les antibiotiques n’ayant pas les mêmes mécanismes
d’action, leur administration combinée est synergique.
+ Dosage sur mesure naturel
Les phages lors de la lyse bactérienne sont capables de se multiplier
spécifiquement sur le lieu de l’infection. Un phage ayant besoin d’une bactérie
pour se multiplier, plus il y a de bactéries plus le nombre de phages sera
important et réciproquement. De ce fait les phages sont considérés comme des
antibactériens « intelligents » (GEEPhage, 2013).
+ Indice thérapeutique élevé
Les bactériophages ont un indice thérapeutique (dose thérapeutique / dose
toxique) très élevé, si tant est qu’il y ait une dose toxique, en comparaison aux
27
antibiotiques. Les quantités administrées n’ont donc pas besoin d’être ajustées
selon le poids et l’état physiologique de la personne traitée.
+ Découverte facile
Alors que la développement de nouveaux antibiotiques est laborieux (cf. § 3.3), la
découverte de nouveaux bactériophages est peu couteuse et relativement facile.
En effet, des phages contre des bactéries pathogènes peuvent être trouvés
aisément dans les eaux usées ou sur des terrains à forte concentration
bactérienne.
+ Un coût raisonnable
La production de phages dédiés à la phagothérapie implique une co-culture avec
les bactéries et une étape de purification. Le coût de la culture dépend
essentiellement des bactéries en présence. Le coût de purification quant à lui est
en constante diminution du fait de l’amélioration des techniques de purification.
Le coût global de phages à visée thérapeutique est en accord avec les coûts de
production habituels de l’industrie pharmaceutique. Par ailleurs, les coûts liés à
l’isolation et la caractérisation des phages sont très bas (Loc-Carillo, 2010).
+ Diversité des formulations et des modes d’administration
A l’instar des antibiotiques, les phages peuvent être produits sous diverses
formes galéniques (liquide, solide, crème…). Plusieurs phages peuvent
également être combinés en cocktail afin d’augmenter le spectre d’action.
+ Faible impact sur l’environnement
Les phages étant composés majoritairement d’acides nucléiques et de protéines
et possédant un spectre d’action très restreint, une fois relâchés dans
l’environnement, ils n’auront qu’un effet sur un faible nombre de bactéries. De
plus les phages ne sont pas adaptés aux environnements ensoleillés, secs ou à
28
températures extrêmes et peuvent de ce fait être rapidement inactivés (Loc-
Carillo, 2010).
+ Les phages sont des produits naturels : un argument marketing à la mode
Les phages sont naturellement présents dans l’environnement, le 100% naturel
est un argument fortement utilisé en marketing de nos jours. En effet, les
industriels utilisent cet argument pour rassurer certains consommateurs, qui bien
souvent sans raison fondée, sont de plus en plus réfractaires aux produits issus
de la chimie.
+ Les phages peuvent être génétiquement modifiés
Les phages sont constitués d’ADN, et peuvent donc être modifiés par génie
génétique. Il est ainsi possible de reproduire en laboratoire des phénomènes se
produisant naturellement, accélérer la nature en quelque sorte. En effet, dans la
nature, les phages font évoluer leurs protéines de reconnaissance des bactéries
pour s'adapter aux mutations de celles-ci (notamment à l’émergence de
résistance). Effectuer ces mutations en laboratoire a pour principal avantage de
faire évoluer les phages plus rapidement, et de ne pas devoir attendre que les
phages s’adaptent naturellement à l’évolution des bactéries (Pouillot, 2010).
Cependant à l’heure actuelle les blocages psychologiques sont encore bien trop
nombreux pour envisager d’utiliser des phages génétiquement modifiés en
thérapie, ces phages dits OGM n’ont pas la cote auprès des autorités
réglementaires et de l’opinion publique (Le Monde, 2012).
3. Quelles	
  normes	
  pour	
  encadrer	
  la	
  production	
  de	
  phages	
  dédiés	
  à	
  la	
  thérapie	
  ?	
  
Alors même qu’aucune réglementation n’encadre aujourd’hui la phagothérapie
(cf. § 5.2), il est important de s’interroger d’ores et déjà sur les normes et les
standards qu’il serait primordial de mettre en place afin de permettre aux phages
de se faire une place dans la médecine occidentale. L’établissement de normes
29
de qualité à respecter pourrait notamment s’inspirer des normes existantes
concernant les vaccins viraux ainsi que des prérequis imposés par les autorités
sanitaires concernant l’utilisation de phages dans l’agroalimentaire.
Selon les directives Q5C (Quality of Biotechnological/Biological products) de
l’ICH (International Conference on Harmonisation), une bioproduction au norme
impose au producteur d’être en mesure de prouver la stabilité, l’identité
biologique et la pureté du produit. Concernant la phagothérapie il serait donc
primordial de s’assurer d’une purification parfaite avec une concentration
d’endotoxines inférieure au seuil pyrogène.
+ Définir l’identité biologique de la préparation
L’identification des phages devra se faire de manière individuelle pour chacun
des phages d’un cocktail thérapeutique, et pourra reposer sur des critères
génomiques et phénotypiques. L’identification et la caractérisation des phages
sont primordiales afin de détecter toute contamination et de s’assurer que les lots
ne contiennent que des phages bien définis (Parracho, 2012). Enfin, il faudra bien
évidemment, et ce en tout premier lieu, s’assurer que seuls des phages lytiques
soient présents dans les préparations et s’assurer de l’absence de tout phages
tempérés. Les phages tempérés, sont capables de s’intégrer au génome
bactérien et peuvent potentiellement apporter des propriétés nouvelles
(résistances aux antibiotiques, virulence, toxines...) aux bactéries. Les outils de
séquençage et de bioinformatique disponibles permettent de faire une distinction
sans équivoque, entre les phages lytiques et les phages tempérés, en s’assurant
notamment qu’aucun gène ne code pour une fonction liée à un caractère tempéré
(en particulier les gènes codant pour les enzymes nécessaires à l’intégration du
génome du bactériophage dans celui de l’hôte bactérien).
+ Contrôle de la stérilité
Les préparations de bactériophages devront être stérilisées et respecter les
instructions relatives à la stérilité émanant de la pharmacopée internationale de la
Section 21 du Code of Federal Regulations, de la FDA et de l’ICH.
30
+ Production aux normes GMP
Tous les produits utilisés en essais cliniques doivent être produits aux normes
GMP (Good Manufacturing Practices), les bactériophages doivent donc
également être produits de façon GMP afin d’assurer efficacité, sureté et pureté.
Les détails techniques concernant le process de bioproduction (milieux de
culture, conditions de fermentation, méthode de filtration, purification et
évaluation) devront être détaillés scrupuleusement afin de compléter les
documents réglementaires indispensables à l’obtention d’autorisation
d’utilisation des lots lors d’essais cliniques (Parracho, 2012).
4. «	
  Prêt-­‐à-­‐porter	
  ou	
  Sur	
  mesure	
  »	
  ?	
  
+ deux alternatives, deux visions de la médecine
« Prêt à porter » ou « Sur mesure » ? Cette question provient d’une discussion sur
le futur de la phagothérapie ayant eu lieu lors du premier congrès international
sur les virus des microbes s’étant tenu à l’Institut Pasteur en juin 2010 (Pirnay,
2010).
La composition d’un médicament peut être déterminée de façon définitive avant
sa mise sur le marché ou alors sujette à des reformulations, c’est un des aspects
qui différencie l’approche « one-size-fits all » de l’approche dite de médecine
personnalisée. En phagothérapie deux expressions sont très souvent utilisées
dans la littérature pour opposer ces deux cas de figure, on parle de phages
« prêts-à-porter » et de phages « sur-mesure » (Chan, 2013).
La médecine personnalisée a été initiée par le géant suisse Roche avec le
lancement de l’Herceptine en 1990. Aujourd’hui les tests de diagnostic
génomique se multiplient et sont de plus en plus utilisés en clinique. Les
technologies issues de la génomique et du séquençage permettent d’obtenir de
nombreuses informations telles que les prédispositions à certaines maladies ou la
capacité ou l’incapacité à répondre positivement à un traitement.
31
La génomique a également le potentiel de servir la phagothérapie. Une analyse
du génome des bactéries présentes chez un patient permettrait d’élaborer un
cocktail de phages spécifiquement conçu pour soigner une infection chez un
patient donné.
Pour une phagothérapie personnalisée ou « sur mesure », il faudrait constituer
des banques de phages afin de pouvoir rapidement y prélever des phages pour
élaborer un cocktail sur mesure. Un des problèmes relatif à l’utilisation de
banque de phages est le laps de temps nécessaire entre l’identification d’un
phage actif dans la banque, son amplification et isolation et l’administration du
traitement au patient. Une préparation prête à l’emploi à l’avantage d’apporter un
gain de temps considérable.
A l’opposé du « sur mesure », la stratégie du « prêt à porter » consiste à établir un
cocktail unique contenant une large variété de phages (un cocktail à large
spectre) capable de tuer des bactéries reconnues pour être fréquemment
impliquées dans des infections. Cette approche « prêt à porter » peut être risquée
en cas d’échec, notamment si aucune autre préparation alternative n’est préparée
en tant que solution « back-up ». Pourtant c’est bien cette stratégie du produit
unique qui correspond le mieux au modèle classique du chemin du médicament
imposé par l’EMA et la FDA (Fig 11).
+ Le juste milieu : combiner « sur mesure » et « prêt à porter » ?
Des alternatives à ces deux stratégies opposées existent, il est notamment
possible d’imaginer mettre en œuvre des pré-formulations de plusieurs cocktails
différents, au lieu de produire un unique cocktail dédié à soigner une grande
variété d’infection, il serait possible de produire plusieurs cocktails conçus pour
être efficaces sur un nombre plus restreint de pathogènes. Dans ce cas-ci, le
cocktail dédié à lutter contre la plus probable cause d’infection du patient
pourrait directement lui être administré ; mais des cocktails contre d’autres
espèces bactériennes seraient également prêts au cas où le premier traitement se
révélait inefficace. Cette stratégie consisterait donc à utiliser des banques de
cocktails et non pas des banques de phages individuels et aurait pour principal
32
Fig 11 : Prêt à porter ou sur mesure, deux approches possibles et complémentaires
Source : Pirnay, 2010
33
avantage d’utiliser un nombre moindre de phages durant le traitement. Le point
négatif de cette stratégie dite de « banque de cocktails » est le fort coût lié à la
production d’une grande variété de cocktails.
La seconde alternative n’a pas la lourdeur due à la préparation de multiples
cocktails et n’est pas strictement de la médecine personnalisée à proprement
parler, cette stratégie opte pour un unique cocktail qui est modifiable dans le
temps. Cette dernière approche est celle qui est utilisée en Géorgie, où les
produits « prêts à porter » ne sont pas complètement statiques temporellement
parlant. Les cocktails les plus courants « Pyophage » destinés au traitement des
plaies et « Intestiphage » dédié aux infections gastro-intestinales sont mis à jour
deux fois par an afin d’y ajouter les phages spécifiques aux pathogènes
saisonniers les plus fréquents et de répondre à l’émergence de nouvelles
résistances.
5. Quels	
  sont	
  les	
  problèmes	
  potentiellement	
  inhérents	
  à	
  la	
  phagothérapie	
  
La liste des avantages que pourrait apporter la phagothérapie à la médecine
occidentale est longue (cf. § 4.4), cependant il est important de s’interroger sur
les problèmes éventuels qui pourraient être liés à l’utilisation de cette
technologie avant de crier à la solution miracle. En réfléchissant au concept de la
phagothérapie et en ayant le recul concernant les problèmes liés à l’utilisation
des antibiotiques, trois enjeux semblent primordiaux à analyser : les possibles
effets secondaires et réactions immunitaires d’une part, l’émergence de bactéries
résistantes aux bactériophages d’autre part et enfin les impacts qu’une telle
technologie pourrait éventuellement avoir sur l’environnement.
+ Effets secondaires et réponse du système immunitaire
Les bactériophages étant ubiquitaires, il paraîtrait logique que notre système
immunitaire soit tolérant à leur égard étant donné que nous y sommes
constamment confronté. Cependant, en ce qui concerne la phagothérapie, de
plus fortes doses seraient nécessaires, il est donc important de comprendre la
34
réaction du système immunitaire face à ces fortes concentrations. Relativement
peu d’études ont été menées chez les humains à ce sujet, la plupart des études
sont anciennes, datent de l’ex URSS, non traduites en anglais et leurs paramètres
n’ont pas pu être clairement identifiés. Toutefois il en ressort qu’aucune réaction
anaphylactique n’a été relevée (Abedon, 2011). A noter que plus récemment une
équipe de chercheurs polonais décrivait un impact positif des phages sur le
fonctionnement du système immunitaire, relevant une activation de la sécrétion
de cytokines résultant de l’interaction de certaines cellules du système
immunitaire avec les protéines phagiques. Ces chercheurs envisageaient une
utilisation des phages en tant qu’anti-tumoraux (Budynek, 2010). Si ces faits vont
dans le bon sens et sont prometteurs, il semble cependant primordial de
continuer les recherches sur ce sujet que ce soit au niveau fondamental ou
clinique. Enfin, il faut s’assurer que les lots de phages produits à des fins cliniques
soit hautement purifiés afin d’éviter des chocs anaphylactiques qui pourraient
être causés par des débris bactériens tels que les endotoxines provenant des
cultures de phages (les phages sont cultivés en présence de bactéries). Il faut
s’assurer que si un effet au niveau du système immunitaire est observé, celui-ci
puisse être attribué à la présence de bactériophages et non à des contaminants
d’où la nécessité d’une purification hautement contrôlée et méticuleuse (nécessité
d’une production GMP, cf. § 4.5)
+ L’émergence de bactéries résistantes aux bactériophages
Alors que la résistance aux antibiotiques est devenue un enjeu majeur de société,
une question est sur toutes les lèvres, devons nous redouter des problèmes
similaires à long terme si la phagothérapie venait à s’imposer en tant
qu’alternative de choix dans l’arsenal thérapeutique ?
Il a été démontré que les bactéries peuvent développer rapidement des
mécanismes de résistance aux bactériophages (Labrie, 2010). Plusieurs
mécanismes ont été décrits dans la littérature, les bactéries peuvent bloquer
l’adsorption du phage en bloquant le récepteur par lequel le phage s’accroche à
la bactérie (Fig 12), pour se faire les bactéries peuvent produire une matrice
extracellulaire ou des inhibiteurs compétitifs. Les bactéries peuvent également
35
bloquer la pénétration de l’ADN phagique ou le détruire par des systèmes de
restriction-modification ou grâce à des séquences CRISPR. Enfin les bactéries
peuvent également bloquer les phases de multiplication du phage, on parle de
système ABI (Abortive infection systems).
Fig 12 : Exemple de stratégies développées par les bactéries pour empêcher
l’adsorption d’un phage. 1) La bactérie devient résistante au phage en modifiant son
récepteur. 2) Le phage s’adapte et développe la capacité de se fixer à ce nouveau
récepteur 3) et 4) La bactérie produit des protéines afin de masquer le récepteur ou
d’empêcher le phage de s’y fixer
Source : Nature
Même si ces mécanismes de résistance sont différents de ceux dus aux
antibiotiques, le résultat est le même dans le cadre d’une utilisation à des fins
thérapeutique: la prolifération bactérienne ne peut plus être contrôlée par l’agent
thérapeutique initialement utilisé.
Certains défenseurs de la phagothérapie prônent souvent l’utilisation de cocktails
de phages, dans lesquels différents types de phages infectent le même type de
souches bactériennes, cela rendant l’émergence de résistance moins probable
(les bactéries ayant du mal à muter simultanément plusieurs de leurs éléments
constitutifs). Cependant, il est possible d’imaginer que l’utilisation intensive de
cocktails de phages entraine à long terme, d’une façon ou d’une autre,
l’émergence de souches résistantes à ce cocktail. C’est pourquoi certains
36
chercheurs recommandent non pas l’utilisation de cocktails mais l’utilisation d’un
seul phage spécifique à une bactérie responsable d’une infection donnée afin de
limiter l’émergence de bactéries résistantes à une grande variété de phages.
L’avantage évident des phages par rapport aux antibiotiques vis-à-vis de ce
phénomène de résistance, c’est que les phages sont des organismes vivants
capables de co-évoluer avec les bactéries. Cette co-évolution constante des
phages et des bactéries est-elle suffisante pour contrecarrer le problème des
résistances ou alors l’apparition de bactéries « superbugs » hautement résistante
est-elle inéluctable ? Plusieurs études suggèrent que l’évolution de bactéries en
« superbugs » multi résistants aux phages n’est pas probable. Il a été démontré
que les bactéries présentes dans les sols étaient plus résistantes à leurs phages
contemporains qu’aux phages du passé ou du futur, suggérant ainsi que la
résistance des bactéries aux phages n’était qu’un caractère temporaire. De façon
similaire il a été démontré que la capacité des virus à infecter les bactéries
actuelles était moindre que vis-à-vis de bactéries du passé ou du futur. D’autre
part la résistance que développe une bactérie envers un phage peut lui être
coûteuse, les bactéries résistantes peuvent perdre des caractéristiques
importantes à leur virulence quand elles changent les propriétés de leur surface
pour bloquer l’adsorption des phages. Ce désavantage lié à l’émergence de
résistance suggère qu’il serait désavantageux pour une bactérie de maintenir des
changements coûteux contre des phages avec lesquels elles ne sont plus en
contact, renforçant l’hypothèse que les résistances ne sont que temporaires
(Örmälä, 2013). Par ailleurs plusieurs équipes de chercheurs ont observé que
certaines bactéries développant une résistance à un phage devenaient
avirulentes et donc facilement éliminables par le système immunitaire (Pouillot,
2012).
Si la sélection artificielle provoquée par l’utilisation continue des phages à
l’hôpital a certes une finalité incertaine, il apparaît néanmoins qu’en milieu
naturel, l’évolution des bactéries vis à vis des phages n’a jamais rendu une
bactérie résistante à tous les phages existants sur la planète. Tous ces arguments
mis ensemble, il semble très improbable que l’utilisation intensive de phages en
thérapie conduise à une situation où nous ne puissions pas trouver de nouveaux
phages capables d’infecter des bactéries résistantes. D’un point de vue
37
historique, la phagothérapie a déjà échoué une fois, il faut donc être prudent lors
de notre deuxième essai mais un excès de pessimisme est injustifié. Alors qu’il
devient extrêmement difficile de développer de nouveaux antibiotiques, les
études menées sur les phages suggèrent que l’optimisme est de mise et qu’il est
raisonnable de penser qu’il y aura toujours dans l’environnement de nouveaux
phages disponibles pour lutter contre les bactéries résistantes.
+ Impact environnemental
Au delà des problèmes que pourraient engendrer l’émergence de bactéries
résistantes aux phages d’un point de vue clinique, ce problème de résistance
pourrait également avoir un impact négatif sur l’environnement. La diffusion de
phages en grande concentration pourrait nuire à l’équilibre fragile existant entre
les phages et leurs bactéries hôtes. Pseudomonas aeruginosa par exemple est un
pathogène opportuniste chez l’homme mais également un habitant des rivières,
des sols, et des rhizosphères, sa présence est indispensable pour le maintien de
l’équilibre des écosystèmes.
Des études complémentaires sont nécessaires afin d’obtenir une meilleure
compréhension des phénomènes liés à la coévolution des phages et des
bactéries. Il est important de développer des stratégies afin de pouvoir limiter les
impacts négatifs potentiels liés à l’utilisation de bactériophages en thérapie.
6. 	
  Essais	
  cliniques	
  passés	
  ou	
  en	
  cours	
  
La phagothérapie existant depuis le début du 20e
siècle, de nombreuses
publications relatent les résultats d’essais réalisés sur l’Homme. De nombreuses
données proviennent notamment d’Europe de l’est, en particulier de Pologne et
de Géorgie où l’utilisation de phages en thérapie est une pratique courante.
Même si ces résultats ne sont pas toujours conformes aux standards occidentaux
en terme d’essais cliniques, il est néanmoins intéressant de les analyser afin
d’avoir une vision globale du potentiel des phages pour soigner certaines
38
infections et également pour savoir dans quelles conditions (dosage, mode
d’administration...) prévoir les futurs essais cliniques.
On dénombre également quelques essais réalisés plus récemment en Europe et
aux Etats-Unis. De plus certains essais viennent d’obtenir des financements et
vont débuter très prochainement.
+ Géorgie
La Géorgie est un acteur historique de la phagothérapie notamment du fait de
l’implantation de l’Eliava Institute à Tbilisi. Le pays compte de nombreux
chercheurs et médecins habitués à travailler à l’aide de phages. Beaucoup de
données remontent à l’Union soviétique, la majeure partie des essais réalisés
dans le cadre militaire a été perdue, il reste cependant des résultats d’essais
réalisés dans le cadre civil. Un essai prophylactique a notamment été réalisé en
1960 sur un total de 30769 enfants. Des enfants habitant d’un côté d’une rue ont
reçu, sous forme de comprimés, un cocktail de phages ciblant trois bactéries
connues pour être impliquées dans la dysenterie. Les enfants habitant de l’autre
côté de la rue se sont vus administrer un placebo. Ces enfants ont été suivis de
façon hebdomadaire pendant 109 jours par des infirmières. L’administration de
phages était associée à une diminution de 3,8 fois du taux d’incidence de
dysenterie. Malheureusement, ces résultats très prometteurs ne sont retranscris
que de façon succincte dans une unique publication de 68 lignes écrite en russe
(Kutter, 2010). Même si les résultats des études géorgiennes ne sont pas toujours
très détaillés, les conclusions de chacune de ces études vont dans le même sens
et indiquent un effet positif des bactériophages dans la lutte contre les maladies
infectieuses. Ces études donnent également des indications sur les doses et
méthodes d’administration les plus courantes. Ainsi pour un adulte soufrant
d’infection gastro-intestinale, 20 à 50 mL d’un cocktail sont administrés 3 fois par
jour avant les repas. Il est mentionné qu’il faut administrer un anti-acide (du
bicarbonate de sodium) 20 à 30 minutes avant la prise de phages afin de
préserver les phages lors de leur passage par l’estomac.
39
+ Pologne
Le Hirszfeld Institute of Immunology and Experimental Therapy basé à Wroclaw
est spécialisé depuis longtemps dans la phagothérapie, il a depuis plusieurs
années produit des phages destinés à venir en aide à des patients infectés par
des bactéries multi-résistantes aux antibiotiques. L’institut a publié de
nombreuses études concernant l’utilisation de phages en clinique. En 2005,
l’institut développait ses propres essais cliniques sur les phages. Avec l’entrée de
la Pologne dans l’Union européenne, l’institut s’est adapté et est désormais en
capacité de développer des essais cliniques respectant les instructions de l’EMA.
Contrairement à la Géorgie où les cocktails de phages « prêts à porter » sont la
pratique la plus courante, en Pologne l’approche des banques de phages est
privilégiée (cf. § 4.6). Pour chaque patient des phages spécifiques sont
sélectionnés dans des banques de phages. Depuis les années 1970, plus de 2000
patients ont été traités à l’institut Hieszfeld. En 2001 l’institut publiait un rapport
résumant les résultats obtenus grâce à l’utilisation de phages en thérapie et
affichait un taux de guérison de 90%.
Des patients souffrant de septicémie ont notamment été pris en charge à l’institut
Hieszfeld. Tous ces patients avaient auparavant tenté sans succès d’être soigné à
l’aide d’antibiotiques. Au total, 71 patients ont reçu des phages et des
antibiotiques et 23 patients ont reçu uniquement des phages. Des phages dirigés
contre des pathogènes spécifiques étaient administrés oralement après
neutralisation de l’acidité gastrique. La posologie était de 3 fois par jour à une
dose de 10 mL pour les adultes et de 5mL pour les enfants. Si des bactéries
étaient présentes dans le sang, des bactériophages spécifiques à ces bactéries
étaient administrés aux patients. Dans le cas où les hémocultures étaient
négatives, les bactériophages administrés étaient spécifiques à des bactéries
issues d’autres sites (plaies, urine). Le temps médian du traitement était de 29
jours. En fin d’étude, le taux de succès (rémission complète) était de 85,1%.
Aucune différence significative n’a été observée entre les deux groupes de
patients. Ces résultats sont très prometteurs malgré le fait que ces protocoles
n’aient pas encore été testés lors d’études en double aveugle respectant les
normes standards des essais cliniques.
40
+ France
Des équipes en France ont continué à utiliser les phages après que l’institut
Pasteur ait arrêté d’en produire dans les années 90. Certains médecins ont alors
importé des phages en provenance de Russie ou de Géorgie. Le Dr. Dublanchet
et le Dr. Patey ont observé des résultats très positifs en utilisant les phages dans
des cas d’infections ostéoarticulaires graves. En couplant chirurgie de nettoyage
et injection locale de phages par fistule, ils ont ainsi éviter à certains de leurs
patients l’amputation ou la mort. Malheureusement ils ont du arrêter cette
pratique car il n’est pas légal d’importer et d’administrer des produits non
reconnus en France.
+ Essais cliniques contrôlés
Trois essais cliniques contrôlés chez l’homme ont été réalisés aux Etats-Unis, en
Belgique et au Royaume-Uni.
Au Royaume-Uni, c’est la firme Biocontrol Limited qui a fait une étude de phase I
et II sur l’utilisation de bactériophages dans des infections de l’oreille par
Pseudomonas aeruginosa. Ces infections sont particulièrement difficiles à soigner
car les bactéries s’organisent en biofilms. L’étude randomisée a été réalisée en
double aveugle et contre placebo. Au total 24 patients soufrant d’infection de
l’oreille due à une souche de P.aeruginosa résistante aux antibiotiques ont été
inclus dans cette étude. Un groupe de 12 patients a reçu un placebo, le second
groupe a reçu un cocktail de phages. Le cocktail de phages ayant été conçu de
telle sorte à ce que 86% des patients soient sensibles à au moins l’un des 6
phages du cocktails. Des améliorations significatives ont été observées dans le
groupe ayant reçu le cocktail de phages. Aucun effet secondaire n’a été relevé.
Au 42e
jour de l’étude 3 patients sur les 12 s’étant vu administré le cocktail de
phages, avaient une concentration en P.aeruginosa inférieure au seuil de
détectabilité. Aucun résultat similaire n’a été observé dans le groupe placebo
(Parracho, 2012). La firme Biocontrol Limited a fusionné en 2011 avec Targeted
Genetic Inc pour devenir Ampliphi Biosciences. Le groupe envisage désormais
de lancer une phase III pour tester ses cocktails de phages dans le traitement des
41
infections de l’oreille mais également dans les infections dermatologiques
secondaires à des brûlures ou des infections pulmonaires liées à la
mucoviscidose.
Aux Etats-Unis, la FDA a autorisé une équipe du Wound Care Centre (Lubbock,
Texas) à effectuer une phase I pour tester l’innocuité du cocktail de phages
« WPP-201 » produit par la société Intralytic. Le cocktail a été testé sur des
patients souffrant d’ulcères des membres. Les conclusions de l’étude démontrent
l’innocuité du cocktail de phages « WPP-201 ».
En Belgique, une étude a été réalisée au centre des brûlés de l’hôpital militaire
Reine Astrid. L’étude a testé l’innocuité d’un cocktail de 3 phages lors
d’applications topiques chez 9 patients brûlés atteints d’infection par P.aeruginosa
et/ou S.aureus. Le protocole modeste de cette étude pilote ne permettait pas une
évaluation adéquate de l’efficacité mais a néanmoins permis de montrer qu’il n’y
avait aucun effet secondaire lié à l’application topique de bactériophages sur les
brûlures. Cette étude a également eu le mérite de familiariser le personnel
soignant de l’hôpital Reine Astrid avec la phagothérapie et de le convaincre de
l’innocuité et du potentiel de cette approche. L’équipe est prête à s’impliquer
dans un nouvel essai clinique plus important : le projet phagoburn.
+ Le projet phagoburn
Le projet Phagoburn est un projet de R&D financé par la Commission européenne
dans le cadre du programme de financement FP7 (7th Framework Programme for
Research and Development). Ce projet d’un budget de 5 millions d’euros a été
lancé le 1er
juin 2013 et va durer 27 mois. Son but est d’évaluer la phagothérapie
en tant que traitement des infections des plaies pour traiter les infections cutanées
provoquées par les bactéries Escherichia coli et Pseudomonas aeruginosa chez les
patients brûlés. Le projet financera notamment les phases I et II d’un essai
clinique dans le but d’évaluer l’innocuité, l’efficacité et la pharmacodynamique
de deux cocktails de phages. Cet essai va débuter mi-2014 et se déroulera sur 15
mois. L’essai se déroulera simultanément en France (hôpitaux d’instruction des
armées de Percy) en Belgique (hôpital Reine Astrid) et en Suisse dans différentes
unités hospitalières dédiées à la prise en charge des grands brûlés.
42
Ce projet collaboratif regroupe plusieurs partenaires issus de 3 pays :
• Le Ministère français de la défense est coordinateur du projet à travers le
service de santé des armées et l’hôpital militaire de Percy
• La biotech française Pherecydes Pharma spécialisée dans la phagothérapie
• La PME française Clean Cells spécialisée dans la sécurisation et
caractérisation des biomédicaments
• Le centre des brûlés de l’hôpital militaire Reine Astrid en Belgique
• Le centre des brûlés de Lausanne situé dans le Centre Hospitalier
Universitaire Vaudois
• Plusieurs hôpitaux : le CHU de Nantes, le Centre hospitalier Saint Joseph et
Saint Luc, le Grand Hôpital de Charleroi – Loverval ainsi que le CHU de
Liège
• La CRO Statitec responsable du data management relatif aux essais
cliniques
• L’association de patient PhagEspoirs dont le but est de promouvoir la
recherche et l’utilisation des bactériophages en diagnostic et en thérapie
• La PME France Europe Innovation en charge de la gestion des aspects
financiers, administratifs et de la communication
Fig 13 : Première étude clinique européenne sur la phagothérapie pour traiter les
brûlures infectées par E. coli et/ou P. aeruginosa.
43
7. Perception,	
  opinion	
  publique	
  
La perception de la phagothérapie varie selon les observateurs. Si on relève un
avis globalement très favorable chez les experts, les médecins et les patients
concernés, on note à l’inverse un apriori négatif de l’opinion publique face à ce
sujet. Evidemment il n’est pas difficile de convaincre un patient souffrant d’une
infection multi-résistante aux antibiotiques de recourir à la phagothérapie pour
tenter de se soigner et d’éviter de ce fait l’amputation ou la mort. Le Dr. Olivier
Patey et le Dr. Jérôme Larché reçoivent de nombreuses demandes émanant de
patients en échec thérapeutique. L’opinion publique est plus réservée. En effet
quand on définit rapidement la phagothérapie, on parle de l’utilisation de virus en
tant que médicaments. Or le terme virus est connoté négativement, pour le
commun des mortels ce terme est associé à la grippe, au SIDA et aux épidémies.
Dans l’imaginaire collectif les virus sont des êtres « méchants » et incontrôlables
avec lesquels il vaut mieux ne pas être confronté. Les seules représentations des
virus sont celles de virus pathogènes pour l’Homme et sont donc légitimement
peu flatteuses à leur égard (Fig 14).
Fig 14 : Représentation négative des virus dans l’imaginaire collectif
L’image de la phagothérapie souffre de la mauvaise réputation des virus et un
réel travail de communication est nécessaire afin de faire comprendre à tous que
les bactériophages sont des « gentils » virus inoffensifs pour l’Homme (Fig 15).
Un travail de vulgarisation scientifique est nécessaire afin d’expliquer ce sujet
complexe. En effet nombre d’arguments en faveur de la phagothérapie sont très
délicats à comprendre. A titre d’exemple certains arguments démontrant
l’innocuité des phages pour les humains se basent sur des analyses génomiques
44
réalisées via des outils bioinformatiques. Ces arguments ne sont pas convaincants
pour des personnes ne sachant pas ce qu’est la bioinformatique. Hormis ce lourd
travail de vulgarisation scientifique, il faut également communiquer d’avantage
sur la phagothérapie afin de faire parler de cette technologie qui reste encore
trop marginale. Le lobbying des patients et des organisations à but non lucratif
tels que GEEPhage, P.H.A.G.E et PHAGESPOIRS ont un rôle important à jouer
auprès des autorités réglementaires et politiques pour accélérer les choses. La
médiatisation des témoignages de patients soignés par phagothérapie, à l’instar
de ceux de Serge Fortuna et de Caroline Lemaire, est une aide précieuse pour
faire accélérer la prise de conscience. Dans le passé, pour d’autres maladies
(SIDA, myopathies...), des associations de patients ont réussi à pousser les
pouvoirs politiques à investir massivement dans la recherche et le
développement.
Fig 15 : Exemple de campagne de communication pour promouvoir la
phagothérapie
Source : L’image du bactériophage provient de l’équipe iGEM 2008 d’Heidelberg
45
5. Intérêt de la phagothérapie pour les industriels
médicament
1. Etats	
  des	
  lieux	
  des	
  start	
  up	
  et	
  industriels	
  impliqués	
  
Fig 16 : Cartographie des industriels de la phagothérapie
On dénombre 10 entreprises travaillant sur la phagothérapie. Ce sont toutes des
start-up et des PME à l’exception du géant russe Microgen. Aucune big pharma
occidentale n’a à l’heure actuelle investi dans la phagothérapie. Certaines de ces
entreprises se focalisent uniquement l’utilisation des phages en médecine,
d’autres envisagent également l’utilisation des phages dans d’autres domaines
applicatifs tels que l’agroalimentaire, la défense ou le traitement de l’eau. En ce
qui concerne les applications en médecine, elles se concentrent sur le traitement
des maladies infectieuses à l’exception de NeuroPhage qui travaille au
développement de phages dans le cadre du traitement des maladies du système
nerveux central (Alzeihmer, Parkinson). La société AmpliPhi, issue de la fusion
entre le britannique Biocontrol et l’américain Targeted Genetic, a acquis en 2012
la société australienne Special Phages Services et dispose désormais de 3 sites
industriels.
46
2. Aspect	
  réglementaire	
  et	
  propriété	
  intellectuelle.	
  	
  
Deux problèmes majeurs semblent expliquer l’absence d’intérêt des big pharma
pour la phagothérapie : le flou réglementaire d’une part et les difficultés liées au
brevetage des phages d’autre part. Avec un coût de développement moyen
frôlant le milliard d’euros, les industriels du médicament ne peuvent pas se
permettre d’investir dans le développement d’un médicament si celui-ci ne peut
être protégé par des brevets ou si aucun cadre réglementaire n’encadre son
utilisation.
+ Quelle propriété intellectuelle pour la phagothérapie ?
Les problèmes liés au brevetage du vivant sont nombreux et ne concernent pas
que la phagothérapie. On se rappelle du scandale provoqué par Craig Venter qui
souhaitait breveter des séquences ADN ou des contestations lorsque Myriad
Genetics avait obtenu des brevets sur les gènes BRCA1 et BRCA2 afin de protéger
ses tests de dépistage du cancer du sein. La phagothérapie cumule deux
problèmes : c’est une technologie qui n’est pas nouvelle et qui repose sur
l’utilisation d’entités biologiques. Dans la loi américaine relative aux brevets,
seules les technologies nouvelles peuvent être protégées par un brevet, ce qui
signifie pour les phages qu’ils ne doivent pas avoir été isolés ou produits
auparavant. Or la phagothérapie est une vieille technologie et les phages ont été
isolés depuis bien longtemps. La phagothérapie ne rentre pas non plus dans le
cadre de la loi européenne qui autorise de breveter des substances connues pour
des utilisations médicales uniquement si cette pratique est novatrice. Certaines
sociétés, uniquement des start up et des PME, ont tout de même réussi à breveter
des bactériophages à usage médical. En 2001 La société Intralytix avait réussi à
obtenir le brevet EP1250143 A2 qui protégeait « une méthode destinée à réduire
le risque d'infection ou de sepsie bactérienne chez un patient sensible, consistant
à traiter le patient sensible avec une composition pharmaceutique renfermant un
bactériophage ». Mais ce brevet lui a été retiré en 2004. Des alternatives sont
envisageables pour contourner ce problème lié à la propriété intellectuelle, on
pourrait tenter de breveter non pas les phages mais leurs procédés de
47
production ou alors leurs méthodes d’administration (ex : pansement à base de
phages pour soigner les brûlures). L’alternative la plus simple serait de breveter
des phages n’existant pas dans la nature : les phages génétiquement modifiés.
Mais dans ce cas-ci c’est le blocage psychologique des autorités et de l’opinion
publique face au fameuses trois lettres O-G-M qui fait barrage.
La complexité de la protection intellectuelle pour la phagothérapie a longtemps
découragé les capitaux-risqueurs et les big pharma. On observe depuis peu un
regain d’intérêt des capitaux-risqueurs pour cette thématique, des biotechs ayant
réussi à breveter des cocktails de phages pour une application thérapeutique
donnée. Les législations actuelles relatives à la propriété intellectuelle restent
néanmoins peu adaptées à la phagothérapie et trop figées voir démodées pour
bon nombre de produits issus des biotechnologies. Des solutions alternatives sont
envisageables : l’OMS ou les gouvernements des pays concernés pourraient
garantir aux entreprises finançant le développement de la phagothérapie dans un
type d’infection un droit d’exclusivité sur cette thérapie pendant un nombre défini
d’années.
+ Quel cadre réglementaire pour la phagothérapie ?
Ni la FDA ni l’EMA ne prévoient un cadre réglementaire adapté à la
phagothérapie. La FDA s’est inspirée du protocole initialement prévu pour les
antibiotiques pour réglementer la phagothérapie (Keen, 2012). Ceci implique
pour un cocktail de phages que chacun des phages le composant passent à
travers un essai clinique individualisé. La composition d’un cocktail de phages ne
peut donc pas être changée sans repasser par le processus d’IND (Investigational
New Drug). Cette politique réglementaire ne prend pas en compte la différence
majeure entre les bactériophages et les antibiotiques : la qualité principale des
phages reposant dans leur caractère évolutif. Il faut revoir cette réglementation et
tenter de l’adapter sur le modèle développé pour le vaccin de la grippe, le
FluMist®
. Chaque année la composition de ce vaccin saisonnier est reformulée
afin de s’adapter à l’évolution des virus grippaux. Dans ce cas précis la FDA
n’impose pas un nouvel essai clinique annuel mais a autorisé de façon globale la
48
manière dont le vaccin contre la grippe est développé. La FDA pourrait s’inspirer
de ce procédé réglementaire et autoriser la phagothérapie en réglementant les
procédés de production de cocktails de phages. Cette alternative permettrait
ainsi d’adapter les cocktails en fonction de l’évolution des résistances
bactériennes sans avoir à repasser par la procédure de mise sur le marché.
En Europe, l’EMA ne prévoit pas non plus d’encadrement spécifique pour la
phagothérapie. En effet aucune des catégories de la directive 2001/83/EC (Fig
17) régissant les produits médicaux à usage humain n’est parfaitement adaptée à
la phagothérapie (Pirnay, 2012). La catégorie qui correspondrait le mieux à la
phagothérapie est la « Well-Established Medicinal Products » étant donné que la
phagothérapie est une pratique ancienne. Cependant la plupart des essais
cliniques ayant été effectués en dehors de l’Union européenne, ils ne sont pas
pris en compte par l’EMA.
Fig 17 : Code communautaire relatif aux médicaments à usage humain
Part I: Standardized Marketing Authorization Dossier
Requirements
Part II: Specific Marketing Authorization Dossier
Requirements
Well-established medicinal use
Essentially similar medicinal products
Additional data required in specific situations
Similar biological medicinal products
Fixed combination medicinal products
Documentation for applications in exceptional circumstances
Mixed marketing authorization applications
Part III: Particular medicinal products
Biological medicinal products
Plasma-derived medicinal products
Vaccines
Radio-pharmaceutical and precursors
Radio-pharmaceuticals
Radio-pharmaceuticals precursors for radio-labelling purposes
Homeopathic medicinal products
Herbal medicinal products
Orphan medicinal products
Part IV: Advanced therapy medicinal products
Gene therapy medicinal products
Somatic cell therapy medicinal products
Tissue engineered products
49
La solution la plus adaptée semble être de créer une sous-catégorie dédiée à la
phagothéapie dans la catégorie « Particular Medicinal Products » comme cela l’a
déjà été fait dans le passé pour un certain nombre de produits pharmaceutiques
non conventionnels.
+ L’alternative de la déclaration d’Helsinki
La déclaration d’Helsinki est un document officiel de l'Association médicale
mondiale, représentante des médecins dans le monde. L’article 35 de cette
déclaration prévoit le dispositif suivant : « Dans le cadre du traitement d’un
patient, faute d’interventions avérées ou faute d’efficacité de ces interventions, le
médecin, après avoir sollicité les conseils d’experts et avec le consentement
éclairé du patient ou de son représentant légal, peut recourir à une intervention
non avérée si, selon son appréciation professionnelle, elle offre une chance de
sauver la vie, rétablir la santé ou alléger les souffrances du patient ». Cet article
35 permet l’utilisation de phages dans le cadre d’impasses thérapeutiques, on
parle d’usage compassionnel. C’est dans le cadre de cette déclaration d’Helsinki
que certains médecins américains, canadiens et européens ont, de façon
sporadique, administré des phages à leurs patients (Teillant, 2012). Cette
alternative a le mérite de permettre l’utilisation de la phagothérapie dans certains
cas bien précis, mais elle ne permet pas de généraliser de façon durable la
phagothérapie au sein de la médecine moderne. De plus les médecins se
découragent face au problème de l’approvisionnement, ils ne savent pas toujours
où se procurer les phages et sont parfois réticents à l’idée d’administrer des
phages produits de façons non GMP en provenance d’Europe de l’Est.
50
6. Conclusions et recommandations
Après avoir analysé les données cliniques existantes et mis en perspective les
avantages et les risques inhérents à la phagothérapie, il semble plus que
raisonnable d’affirmer que le rapport bénéfice/risque de cette technologie est
positif dans le cadre de la prise en charge de patients en impasse thérapeutique.
Il est inadmissible de laisser comme seules opportunités l’amputation ou la mort à
des patients qui pourraient tenter de se faire soigner via l’administration de
bactériophages.
Le gouvernement français doit réagir au plus vite s’il veut endiguer le tourisme
médical vers les pays d’Europe de l’Est. Il faut agir vite mais de façon rigoureuse
afin de ne pas reproduire les erreurs déjà commises dans le passé. Deux erreurs
sont à proscrire tout particulièrement. La première concerne la production de
phages, il faut imposer des normes GMP afin d’éviter une qualité hétérogène des
lots qui conduirait à des résultats variables et décrédibiliserait la phagothérapie,
comme cela fût le cas dans les années 1930. Une production GMP est également
nécessaire afin de garantir l’innocuité des lots en s’assurant notamment de
l’absence de tout contaminants bactériens ou de phages tempérés. La deuxième
erreur historique à ne pas commettre est celle qui a été commise avec les
antibiotiques, il faut utiliser les phages avec parcimonie et rigueur afin de limiter
au maximum l’émergence de résistances.
Parmi les actions à mener afin de favoriser l’émergence de la phagothérapie, il
faut en tout premier lieu réglementer la phagothérapie au sein des textes de
l’EMA et de la FDA afin de lever le flou juridique actuel qui décourage les
investisseurs. Il semble cohérent pour ce faire de se baser sur le modèle
réglementaire encadrant les vaccins saisonniers contre la grippe. Enfin, il faut
motiver les big pharma et les capital-risqueurs à investir dans la R&D en
phagothérapie. Face aux problèmes liés au brevetage du vivant, il faut que les
politiques et l’OMS garantissent des droits d’exclusivité (dans le cadre d’une
pathologie précise) aux industriels développant la phagothérapie afin de leur
garantir une protection intellectuelle et donc un retour sur investissement.
Enfin il faut financer des projets de recherche fondamentale afin de mesurer de
façon plus précise les risques, notamment environnementaux, liés à une
51
utilisation à grande échelle de la phagothérapie. Les projets de recherche
doivent se focaliser en premier lieu sur la compréhension des phénomènes liés à
la coévolution rapide des phages et des bactéries.
La phagothérapie a déjà raté son heure de gloire dans les années 1930. A
l’époque le paradigme dominant était la chimie et les antibiotiques se sont tout
naturellement imposés. Aujourd’hui le paradigme biotechnologique gagne du
terrain et la phagothérapie qui était peut être en avance sur son temps, a
désormais le contexte et les outils technologiques en sa faveur. Les avancées
réalisées en biologie moléculaire, en génomique et en bioinformatique vont
permettre d’encadrer au mieux son retour sur le devant de la scène. Il ne reste
plus qu’à convaincre l’opinion publique et les politiques de l’intérêt de cette
technologie au sein de notre arsenal thérapeutique. Espérons que la raison et
l’innovation l’emportent sur la peur et l’excès de précaution.
52
Glossaire des termes techniques :
ASMR : l'amélioration de service médical rendu est une évaluation utilisée par la
commission de transparence de la Haute Autorité de santé (HAS) pour jauger
l'intérêt d'un nouveau médicament dans l'amélioration du service médical rendu
dans une stratégie thérapeutique1. Un médicament efficace pour une pathologie
dans laquelle de nombreux traitements sont efficaces aura une amélioration de
service médical rendu faible. A contrario, un médicament efficace pour une
pathologie dans laquelle il n'existe pas de médicament efficace aura un service
médical rendu important.
Biofilm : membrane composée de micro-organismes adhérant entre eux et à une
surface, et marquée par la sécrétion d’une matrice adhésive et protectrice.
Choc anaphylactique : réaction allergique exacerbée, entraînant dans la plupart
des cas de graves conséquences et pouvant engager le pronostic vital.
Conjugaison bactérienne : la conjugaison est une méthode non sexuée utilisée
par les bactéries afin de s'échanger des informations génétiques. Elle consiste en
une transmission de plasmides de conjugaison d'une bactérie donneuse à une
bactérie receveuse et, potentiellement, son intégration dans le génome de celle-
ci.
Cytokines : les cytokines sont des substances de signalisation cellulaire
synthétisées par les cellules du système immunitaire, agissant à distance sur
d'autres cellules pour en réguler l'activité et la fonction.
Endotoxines : substances libérées par les bactéries lors de leur destruction.
Gram+/- : la distinction entre bactéries Gram positif et bactéries Gram négatif
repose sur une différence de composition pariétale. La paroi des bactéries Gram
positif est riche en acide teichoïque, absent chez les bactéries Gram négatif et en
acide diaminopimélique, moins abondant chez les Gram négatif lesquelles ont
une paroi plus riche en lipides.
Phage lytique : Phage produisant dans la bactérie une infection conduisant au
cycle lytique. La bactérie est lysée et les particules virales nouvellement
synthétisées sont libérées.
Phages tempérés : Phage dont le génome peut s'intégrer dans l'ADN de la
cellule hôte et en transformer les propriétés.
53
Plasmide : molécule d'ADN surnuméraire distincte de l'ADN chromosomique,
capable de réplication autonome et non essentielle à la survie de la cellule.
Rhizosphère : région du sol directement formée et influencée par les racines et
les micro-organismes associés.
Séquences CRISPR : l'acronyme CRISPR ou Clustered Regularly Interspaced
Short Palindromic Repeats désigne en génétique une famille de séquences
répétées. Cette famille se caractérise par des séries de répétitions directes,
courtes (de 21 à 37 paires de bases) et régulièrement espacées par des
séquences, généralement uniques, de 20 à 40 paires de bases.
Septicémie : infection généralisée de l'organisme, due à des microorganismes
pathogènes de type bactérien.
Système de restriction-modification : Système de défense des bactéries vis-à-
vis des bactériophages, incluant des enzymes de restriction pour digérer l’ADN
parasite et des enzymes de méthylation pour protéger l’ADN de la bactérie.
54
Abréviations :
AMM Autorisation de mise sur le marché
ASMR Amélioration du service médical rendu
BHR Bactéries hautement résistantes
BMR Bactéries multi-résistantes
ECDC European Centre for Disease Prevention and Control
EMA European Medicine Agency
FDA Food and Drug Administration
GMP Good Manufacturing Practises
NDM1 New Dehli Metallo beta Lactamase 1
SARM Staphylocoque doré résistant à la méthicilline
SNC Système Nerveux Central
55
Bibliographie
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BOUCHER H, “10x20 Progress – Development of New Drugs Actives against Gram
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Antibiorésistance et panne de l’innovation en antibiothérapie : la phagothérapie peut-elle s’imposer en tant que solution alternative ?

  • 1. mmaire : mmaire  :  ..............................................................................................................................................  1   1.     +   +   Résistance aux antibiotiques   Antibiorésistance et panne de l’innovation en antibiothérapie : la phagothérapie peut-elle s’imposer en tant que solution alternative ? Claire  Roudot  –  MSM  2013               +     Phage ?
  • 2. 2 "Celui qui n'appliquera pas de nouveaux remèdes doit s'attendre à de nouveaux maux ; car le temps est le plus grand des innovateurs" - Francis Bacon
  • 3. 3 Remerciements : Je tiens à remercier tout particulièrement Marine Henry pour avoir à maintes reprises répondu à mes interrogations. Un grand Merci à Olivier Patey et Jérôme Gabard de m'avoir accordé de leur temps lors de conversations téléphoniques très informatives. Je remercie également Jean Paul Pirnay d'avoir éclairé ma réflexion et répondu à mes questions. Enfin je souhaite remercier Frédéric Jallat pour ses conseils et pour son engagement sans faille au bon déroulement du Mastère Spécialisé en Management Pharmaceutique et des Biotechnologies de l'ESCP Europe. Je n'oublie pas Félix d'Hérelle, le précurseur1 , sans qui ce rapport ne serait sans doute pas ce qu'il est, - Good job Félix ! R.I.P - En souhaitant un long et bel avenir à la phagothérapie, Claire Roudot 2 1 « Il n'y a pas de précurseurs, il n'y a que des retardataires » - Jean Cocteau 2 Contact: claireroudot@gmail.com2 Contact: claireroudot@gmail.com
  • 4. 4 Table des matières: Remerciements .................................................................................................... 3 1. Introduction ................................................................................................... 5 2. Méthodologie.................................................................................................. 8 1. Etude documentaire ................................................................................................8 2. Etude de terrains.....................................................................................................9 3. Vers un retour à l’ère pré-antibiotiques ? ......................................................11 1. Des antibiotiques inefficaces face à des bactéries toujours plus résistantes..........11 2. Comment expliquer l’émergence de souches résistantes ?...................................13 3. Développement de nouveaux antibiotiques : un état des lieux..............................14 4. Pourquoi les industriels du médicament n’investissent-ils pas d’avantage dans le développement de nouveaux antibiotiques ? ..............................................................17 5. Initiatives mises en place pour remédier à l’antibiorésistance..............................18 6. Vers l’ère post-antibiotiques .................................................................................19 4. La phagothérapie...........................................................................................21 1. La phagothérapie : Découverte, oubli et revival....................................................21 2. Avantages de la phagothérapie.............................................................................24 3. Quelles normes pour encadrer la production de phages dédiés à la thérapie ?....28 4. « Prêt-à-porter ou Sur mesure » ?...........................................................................30 5. Quels sont les problèmes potentiellement inhérents à la phagothérapie..............33 6. Essais cliniques passés ou en cours.......................................................................37 7. Perception, opinion publique................................................................................43 5. Intérêt de la phagothérapie pour les industriels médicament........................45 1. Etats des lieux des start up et industriels impliqués ..............................................45 2. Aspect réglementaire et propriété intellectuelle ..................................................46 6. Conclusions et recommandations ..................................................................50 Glossaire des termes techniques .........................................................................52 Abréviations.........................................................................................................54 Bibliographie .......................................................................................................55
  • 5. 5 1. Introduction Les bactéries sont en voie de gagner le combat face aux antibiotiques, toujours plus résistantes elles sont responsables de plusieurs dizaines de milliers de décès chaque année. Les chercheurs peinent à développer de nouvelles molécules et les big pharma semblent se désintéresser de cette aire thérapeutique. Les antibiotiques sont pourtant la clef de voûte de notre arsenal thérapeutique. Sans antibiotique il serait impossible d’envisager sereinement une chirurgie, une chimiothérapie ou un quelconque traitement affaiblissant le système immunitaire. Dans un monde sans antibiotique le nombre de décès lié à des infections opportunistes serait tel qu’il engendrerait une diminution de l’espérance de vie. Face à ce problème, une idée fait de plus en plus parler d’elle, pourquoi ne pas vaincre le vivant par le vivant ? Ou dit plus simplement : pourquoi ne pas remettre à l’ordre du jour une approche datant de l’ère pré-antibiotique: la phagothérapie. La phagothérapie consiste à utiliser des virus, appelés bactériophages (Fig 1), ou plus communément phages, pour soigner les infections bactériennes. Les bactériophages (littéralement les mangeurs de bactéries) sont les prédateurs naturels des bactéries. Fig 1: A gauche : Schéma d’un bactériophage T4. Sa structure se découpe en trois grandes parties : la tête contenant l’ADN virale, la queue permettant l’injection de cet ADN dans la bactérie infectée et les fibres caudales permettant l’attachement du phage sur la membrane de la bactérie. A droite : Bactériophages (en bleu) infectant une bactérie (en orange). Source : UCLouvain & Phage Biotech LTD
  • 6. 6 Les bactériophages sont ubiquitaires, ils sont présents partout mais en quantité plus importante dans les excréments, le sol et les eaux d'égout. Leur nombre est estimé à 1031 , c’est l’entité biologique la plus abondante de notre biosphère. Nous vivons en quelque sorte dans un océan de phages (Pirnay, 2012). Les phages ont la particularité de n’infecter que les bactéries, ils sont donc notamment incapables d’infecter des cellules humaines. Comme tous les virus, les bactériophages ont besoin d’un hôte pour se reproduire et se multiplier. Les bactériophages utilisent les bactéries pour se reproduire (Fig 2). Pour ce faire un phage va se fixer à la surface d’une bactérie, percer une ouverture dans la paroi bactérienne et y injecter son ADN. Cet ADN viral va reprogrammer la bactérie et détourner sa machinerie interne en usine à fabriquer de nouveaux virus. Une fois formés, ces néo virus tuent la bactérie en l’éclatant, ils sont alors prêts à infecter d’autres bactéries. Fig 2 : cycle de reproduction d’un bactériophage en vert : les bactériophages, en bleu : la bactérie Source : Nature Microbiology
  • 7. 7 La découverte des phages remonte à 1915 et leur première utilisation médicale en tant qu’agent antibactérien date de 1919. Par la suite, au milieu des années 40, avec l’avènement des antibiotiques, la phagothérapie tomba en désuétude. Aujourd’hui, près d’un siècle après la découverte des phages, l’heure de gloire de la phagothérapie ne serait-elle pas venue ? Les bactériophages sont-ils la solution alternative de choix pour lutter contre les bactéries multi-résistantes aux antibiotiques ? Pour répondre à cette question, il faut déterminer si le rapport bénéfice/risque de la phagothérapie est favorable. Pour ce faire une étude minutieuse des études scientifiques et des essais précliniques et cliniques existant à ce jour est nécessaire. Un listing complet des avantages et des risques potentiels inhérents à cette technologie doit être établi. Enfin il convient de définir dans quel cadre réglementaire et médical la phagothérapie peut-elle être mise en oeuvre. Les aspects de propriété intellectuelle sous-jacents à la potentielle industrialisation de cette technologie doivent également être abordé. Ce rapport3 tente modestement de répondre à ce cahier des charges afin d’établir une liste de recommandations d’actions à entreprendre afin de mettre en place une stratégie de lutte contre les bactéries multi-résistantes aux antibiotiques. 3 Thèse professionnelle réalisée dans le cadre du Mastère Spécialisé Management Pharmaceutique et des Biotechnologies de l’ESCP Europe
  • 8. 8 2. Méthodologie La première étape de ce travail fut de se familiariser de façon globale avec le sujet et ses problématiques, cette première étape reposa essentiellement sur la lecture de reviews dans la presse scientifique spécialisée et des quelques articles disponibles dans la presse généraliste. Par la suite, un mapping des acteurs clés impliqués dans la phagothérapie fut établi, et des interlocuteurs furent recherchés afin d’amorcer les études de terrains et conduire des interviews. Fig 3 : Mapping des principaux acteurs impliqués dans la phagothérapie 1. Etude  documentaire   + Pubmed et la presse spécialisée La majorité des sources utilisées pour la phase d’étude documentaire provient d’articles scientifiques issus de la presse spécialisée (Nature, Bacteriophage, Virology…). La base de donnée PubMed a permis de trouver une grande quantité de publications en utilisant les mots clés suivants : « phage therapy », « phage cocktails », « antimicrobial drug development », « novel antimicrobial », « antbiotic resistance ».
  • 9. 9 + Presse généraliste Quelques articles proviennent de la presse généraliste (Le Monde, Le Point, Le Temps, Les Echos) et ont permis notamment d’avoir des retours et des témoignages de la part de patients ayant eu recours à la phagothérapie. + Internet Le site internet clinicaltrials.gov a permis de faire le décompte des essais cliniques passés ou en cours concernant tous les types de traitements antibactériens (antibiotiques et phagothérapie notamment) et d’en détailler l’avancement (les phases 2 et 3 étant plus intéressantes à relever sachant le taux élevé d’échec en phase 1). Les sites internet des acteurs impliqués dans la phagothérapie ont également été consultés (industriels, start ups, association de patients, instituts de recherche) et ont permis d’avoir des informations sur les projets en cours. 2. Etude  de  terrains   Des interviews d’experts du sujet ont été réalisées via échange d’emails ou par discussion téléphonique (Fig 4). En premier lieu des chercheurs ont été contactés afin de répondre aux interrogations techniques relatives à la phagothérapie. Ces chercheurs, Dr. Marine Henry et Dr. Jean Paul Pirnay, travaillent respectivement dans deux instituts reconnus pour leurs compétences dans le domaine à savoir l’Institut Pasteur de Paris et le laboratoire de technologie moléculaire et cellulaire du Centre des Grands Brûlés de l’Hôpital Militaire Reine Astrid de Bruxelles. Par la suite, une interview auprès de Jérôme Gabard, PDG de Pherecydes Pharma, a permis notamment d’aborder des questions liées à la production, au réglementaire, à la propriété intellectuelle et au projet Phagoburn. Enfin il a été intéressant de recueillir l’avis d’un praticien hospitalier qui travaille donc directement au contact des patients. Le Dr. Olivier Patey, infectiologue, chef de service toujours en exercice à Villeneuve-Saint-Georges a été interrogé, il est l’un des derniers médecins avec le Dr. Alain Dublanchet a avoir administré en France
  • 10. 10 des phages à des patients atteints d'infections ostéo-articulaires. Enfin la société de capital risque Sofinnova Partners, spécialisée dans les investissements en sciences de la vie, a été contactée mais a déclaré « ne pas avoir assez d’expérience avec des opportunités dans le domaine de phagothérapie pour pouvoir donner des réponses suffisamment éclairées ». Nom Fonction Institut/Société Dr. Marine Henry Chercheur Institut Pasteur Dr. Jean-Paul Pirnay Chercheur Hôpital militaire Reine Astrid Dr. Jérôme Gabard PDG Pherecydes Pharma Dr. Olivier Patey Chef de service, PH CH intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges Dr. Anne Horgan Associée Sofinnova Partners Fig 4: Liste des acteurs contactés lors de l’étude de terrain Les personnes interrogées ont permis d’éclairer l’auteur et donc d’aider à la rédaction de ce rapport mais ils ne sont en rien impliqués dans les propos tenus dans celui-ci, qui sont à attribuer à la seule subjectivité de l’auteur.
  • 11. 11 3. Vers un retour à l’ère pré-antibiotiques ? Le premier antibiotique voit le jour en 1928 avec la découverte de la pénicilline par Alexander Fleming. L’utilisation courante de celle-ci et le développement de nouvelles classes d’antibiotiques remonte à la seconde guerre mondiale. L’antibiothérapie est sans nulle doute l’un des plus grands succès médicaux du siècle passé, elle a permis de réduire de façon considérable la mortalité due aux maladies infectieuses et de lutter efficacement contre les grandes épidémies telles que la tuberculose, la peste ou encore la lèpre. Aujourd’hui les antibiotiques sont en perte de vitesse, d’une part du fait de l’apparition de bactéries résistantes et du fait de la raréfaction des nouvelles molécules mises sur le marché d’autre part. 1. Des  antibiotiques  inefficaces  face  à  des  bactéries  toujours  plus  résistantes   + Multiplication des cas de résistance Durant ces trente dernières années, le phénomène de résistance aux antibiotiques a cru de façon considérable et ce à l’échelle mondiale. Dans l’Union européenne, on dénombre annuellement 25 000 décès dus à des infections par des BMR (bactéries multi résistantes), le surcoût associé en termes de dépenses de santé dus aux décès et aux traitements s’élève à 1,5 milliards d’euros. A l’échelle mondiale, l’OMS estime que sur les 8 à 10 millions de nouveaux cas annuels de tuberculose, 440 000 sont dus à des souches multi résistantes et sont la cause de plus de 150 000 décès. D’autre part des cas de tuberculose à BHR (bactéries hautement résistantes : étant résistante à la quasi-totalité des antibiotiques) ont été détectés dans 64 pays. Les BHR initialement présentes essentiellement en milieu hospitalier se développent désormais hors des hôpitaux. Depuis le début des années 2000, une épidémie de SARM (staphylocoque doré résistant à la méthicilline) sévit en milieu urbain aux Etats-Unis, elle a causé 19 000 décès en 2005 soit une mortalité supérieure à celle combinée du SIDA et de la tuberculose dans ce même pays.
  • 12. 12 En 2003, la bactérie Acinetobacter baumanii est la cause d’une épidémie chez les soldats revenant d’Irak, de nombreux cas de résistance sont relevés. En France cette même souche est en recrudescence, sa présence dans les infections nosocomiales est passée de 2 à 3% entre 2003 et 2008, à 11% en 2011, pour une létalité de 17%. Des entérobactéries NDM1 résistantes à toutes les ß-lactamines (pénicillines et céphalosporines) ainsi qu’à des antibiotiques très puissants, les carbapénèmes (à usage hospitalier) se sont développées en Inde. Ces souches d’entérobactéries hautement résistantes aux antibiotiques ont été retrouvées par la suite notamment en Grande-Bretagne, en Belgique, au Canada, en Suède, aux Etats-Unis et en Australie chez des patients ayant été hospitalisés pour la plupart dans le sous- continent indien (Teillant, 2012). Le rapport de surveillance de la résistance aux antimicrobiens de l’ECDC (European Centre for Disease Prevention and Control) sur la période 2008-2011 révèle une augmentation globale à l’échelle européenne de la résistance aux antimicrobiens chez les bactéries à gram négatif sous surveillance (Escherichia coli, Klebsiella pneumoniae et Pseudomonas aeruginosa), tandis que la résistance chez les bactéries à gram positif (Streptococcus pneumoniae, Staphylococcus aureus, Enterococcus faecium et Enterococcus faecalis) semble se stabiliser voir diminuer dans certains pays (ECDC, 2011). + Disparité géographique des résistances On observe une forte hétérogénéité des niveaux de résistance selon les localisations géographiques (Fig 5). Ainsi en Europe, la proportion de SARM varie de moins 1% en Suède et en Norvège à plus de 25% dans des pays du sud tels que l’Italie, le Portugal, l’Espagne ou la Grèce. Le niveau moyen de SARM en Europe tend à diminuer depuis quelques années mais reste cependant très élevé (17,4%). En revanche d’autres souches résistantes telle que les entérobactéries EBLSE (Entérobactéries productrices de béta-lactamases à spectre étendu) ou EPC (Entérobactéries productrices de carbapénèmases) sont en augmentation constante depuis ces dix dernières années. La France se trouve dans la moyenne européenne en terme de résistance, on y observe une
  • 13. 13 diminution des SARM depuis 2011. A l’inverse les résistances des entérobactéries et de Pseudomonas aeruginosa sont par contre en augmentation dans l’hexagone. Fig 5 : Hétérogénéité géographique : exemple du SARM Source : EARS-Net (European Antimicrobial Resistance Surveillance Network) 2. Comment  expliquer  l’émergence  de  souches  résistantes  ?   L’émergence des souches résistantes aux antibiotiques est corrélée à l’utilisation massive d’antibiotiques chez l’Homme comme chez l’animal. La surconsommation d’antibiotiques est essentiellement due à une mauvaise utilisation de ceux-ci, les antibiotiques ont été trop souvent prescrits pour des infections dont l’origine était non bactérienne (maladies infectieuses causées par des virus, champignons ou autres parasites), or les antibiotiques sont totalement inefficients face à ces infections d’origine non bactérienne. On estime que dans 40% des cas en soins hospitaliers et dans 60% des cas en médecine de ville, des antibiotiques sont inutilement prescrits contre des virus (INVS, 2013). En agroalimentaire, les antibiotiques sont utilisés en tant que facteurs de croissance. Cette pratique
  • 14. 14 interdite depuis 2006 dans l’Union européenne perdure dans d’autres pays tels que les Etats-Unis. D’après l’OMS 50% des antibiotiques produits au niveau mondial sont destinés aux élevages. Une mauvaise observance dans un traitement aux antibiotiques va favoriser l’émergence des souches résistantes. Lors de l’arrêt précoce d’un traitement seules les bactéries les plus sensibles sont tuer, la sélection naturelle favorisant les souches les plus résistantes. Dans les pays en développement, la contrefaçon d’antibiotiques sous-dosés et leur vente libre contribuent grandement à l’augmentation des résistances. Les antibiotiques peuvent agir de façon néfaste sur la flore commensale (ensemble de bactéries naturellement présentes dans l’organisme). Les bactéries possèdent des capacités d’adaptation rapide à leur environnement, ainsi les bactéries de la flore commensale soumises à l’action d’antibiotiques vont mettre en œuvre des mécanismes de résistance à leur encontre, des gènes de résistances aux antibiotiques vont se propager par sélection naturelle. Par la suite ces gènes de résistances peuvent se transmettre à d’autres bactéries, notamment à des bactéries n’appartenant pas à la flore commensale. Le transfert de gène de résistance d’une bactérie à une autre est courant quand ces gènes se trouvent localisés sur des éléments génétiques mobiles (mécanisme de conjugaison bactérienne4 , transmission de plasmides). Ainsi les environnements tels que les hôpitaux ou les élevages, caractérisés par de forts niveaux d’antibiotiques, sont des lieux favorisant l’émergence de bactéries résistantes et peuvent devenir de véritables réservoirs à BHR. 3. Développement  de  nouveaux  antibiotiques  :  un  état  des  lieux   Alors que le besoin de nouveaux antibiotiques est de plus en plus pressant, on note une diminution constante du nombre de nouvelles molécules mises sur le marché (Fig 2 & 3). Alors que 16 produits ont reçu le feu vert de la FDA entre 1983-1987, il n’y en a eu que deux entre 2008 et 2012. 4 La définition des mots grisés se trouve dans le glossaire des termes techniques en page 52
  • 15. 15 Fig 6 : Nouveaux agents antibactériens ayant reçu une autorisation de mise sur le marché (AMM) par la FDA Source : Les Echos, 2013 Il est à noter que parmi les quelques antibactériens mis sur le marché depuis 1998, trois d’entre eux (Gatifloxacin, Gemifloaxin et Telithromycin) ont été retirés du marché pour cause d’effets indésirables. En parallèle à ce déclin des AMM pour des molécules antibactériennes, il y a également une diminution du développement de celles-ci. Une analyse via clinicaltrial.gov révèle que seuls 7 antibiotiques sont actuellement engagés dans des phases II ou III d’essais cliniques (Fig 4). Il y a également des molécules en phase 1 mais le taux d’échec en phase I demeure très élevé. Il est à noter que récemment la société de biotechnologie Polymedix a interrompu le développement d’un de ces produits en phase II, en octobre 2012 c’était GSK qui interrompait le développement de son « GSK 052 » également en phase II. Sur les 7 antibiotiques en cours de développement seuls 3 sont développés par des big pharma (Merck/Schering Plough et AstraZeneca), les grands groupes semblent se désintéresser de cette classe thérapeutique. En effet depuis 1998, seules 5 big pharma (AstraZeneca, GSK, Merck/Schering-Plough, Johnson & Johnson, Pfizer/Wyeth) ont eu des antibiotiques dans leur pipeline (Boucher, 2013). 0" 2" 4" 6" 8" 10" 12" 14" 16" 1983-1987 1988-1992 1993-1997 1998-2002 2003-2007 2008-2012 AMM
  • 16. 16 Antibiotique Année d’obtention de l’AMM Nouveau mécanisme d’action ? Rifapentine 1998 Non Quinupristin/Dalfopristin 1999 Non Moxifloxacin 1999 Non Gatifloxacin 1999 Non Linezolid 2000 Oui Cefditoren pivoxil 2001 Non Ertapenem 2001 Non Gemifloaxin 2003 Non Daptomycin 2003 Oui Telithromycin 2005 Non Tigecycline 2005 Oui Doripenem 2007 Non Telavancin 2009 Oui Ceftaroline fosamil 2010 Non Fig 7 : Antibactériens mis sur le marché depuis 1998 Source : Boucher, 2013 Produit Statut Société Ceftolozane/taxobactam (CXA-201 ; CXA-101/tazobactam) Phase 3 Cubist Ceftazidime-avibactam (ceftazidime/NXL 104)) Phase 3 AstraZeneca Ceftazidime-avibactam (CPT- avibactam ; ceftaroline/NXL 104) Phase 2 AstraZeneca Imipenem/MK-7655 Phase 2 Merck/Schering-Plough Plazomicin (ACHN-490) Phase 2 Archaogen Eravacycline (TP-434) Phase 2 Tetraphase Brilacidin Phase 2 Polymedix Fig 8 : Antibiotiques en phase avancée de développement clinique (Phase 2 ou 3) Source : Clinicaltrials.gov, 2013
  • 17. 17 4. Pourquoi  les  industriels  du  médicament  n’investissent-­‐ils  pas  d’avantage  dans  le   développement  de  nouveaux  antibiotiques  ?   + Des médicaments très vite inefficaces et peu rémunérateurs Des cas de résistance au Zyvox® , molécule développée par Pfizer ont été rapportés seulement un an après que la molécule ait été commercialisée. Pire encore, pour le Synercid® , molécule développée en 1999 par Aventis, des résistances à cette molécule avait été observées avant même que celle-ci ne soit sur le marché (Thiel, 2004). Le coût de développement d’un médicament avoisine en moyenne le milliard d’euros, face à cet investissement colossal, les industriels du médicament n’ont pas de retour sur investissement suffisant avec des antibiotiques ne restant qu’une courte période sur le marché. De plus lorsqu’un nouvel antibiotique arrive sur le marché, sa prescription est restreinte pour retarder le plus longtemps possible l’apparition de résistance, le chiffre d’affaire tarde donc à décoller. Les antibiotiques sont prescrits sur des courtes durées et donc peu rémunérateurs, les industries pharmaceutiques préfèrent se focaliser sur le développement de classes thérapeutiques plus rémunératrices telles que l’oncologie, les maladies du SNC (Système nerveux central) ou les maladies chroniques telles que le diabète. Selon l’Office of Health Economics, la valeur nette économique des antibiotiques est trois fois moins élevée que celle des anticancéreux et sept fois moins élevée à celle des médicaments pour les maladies du SNC. + Une réglementation inadaptée Les contraintes relatives au déroulement des essais cliniques ne sont pas compatibles avec les antibiotiques destinés à soigner les patients infectés par des souches multirésistantes. En effet les essais cliniques doivent permettre de tester la molécule sur un grand nombre de patients. Or il n’est pas acceptable d’attendre qu’une infection multirésistante se propage à un grand nombre de patients pour tester un potentiel nouveau traitement.
  • 18. 18 Par ailleurs le système réglementaire de la HAS (Haute Autorité de Santé) basé sur l’ASMR (Amélioration du Service Médical Rendu) qui compare en terme d’efficacité une potentielle nouvelle molécule aux autres molécules déjà présentes sur le marché n’est pas parfaitement adapté au problème des résistances aux antibiotiques, dans ce cas précis on ne cherche pas une molécule plus efficace mais capable de contourner les résistances. 5. Initiatives  mises  en  place  pour  remédier  à  l’antibiorésistance   Face à ces deux problèmes intimement liés : l’augmentation des résistances et la diminution des nouvelles molécules mises sur le marché, plusieurs organismes ont tiré la sonnette d’alarme et de nombreux dispositifs ont été mis en place. Des campagnes de prévention visant à une réduction de la consommation d’antibiotiques ont été lancées, la rationalisation des prescriptions d’antibiotiques a été mise en place dans de nombreux pays. Concernant la panne d’innovation en antibiothérapie, l’IDSA (Infectious Diseases Society of America) a lancé une initiative dénommée « 10x20 » en 2010, le but étant de regrouper des acteurs d’horizons divers : politiques, scientifiques, industriels, économistes, spécialistes de la propriété intellectuelle, médecins et philanthropes pour améliorer la R&D dans le domaine des antibiotiques et à terme développer dix nouvelles molécules d’ici 2020 (Fig 9). Fig 9 : 10x20, l’initiative lancé par l’IDSA pour trouver de nouveaux antibiotiques d’ici 2020
  • 19. 19 En mai dernier, GSK recevait 200 millions de dollars de la part du gouvernement américain pour développer de nouveaux antibiotiques et agir à la fois contre les menaces bio-terroristes et les résistances aux antibiotiques (GSK, 2013). En Europe, l’IMI (Innovative Medcines Initiatives) est un partenariat public-privé entre la commission européenne et l’EFPIA (European Federation of Pharmaceutical Industries and Associations) visant à financer des projets au travers d’appels d’offres. Le projet COMBACTE (Combatting Bacterial Resistance in Europe) disposant d’un budget de 195 millions d’euros est issu du 6e appel d’offre de l’IMI et a pour but de faciliter l’enregistrement de nouveaux antibiotiques (Inserm, 2013). Malgré toutes ces initiatives, le temps de développement d’un médicament est long (en moyenne 12 ans), et les pipelines actuels des big pharmas ne débordent pas d’antibiotiques. Les nouveaux antibiotiques ne sont donc pas pour demain. Plusieurs voix s’élèvent : « et si la solution était ailleurs ? ». Alors que dans d’autres aires thérapeutiques, l’innovation est boostée par les biotechnologies et non plus par la chimie, pourrait-il en être de même pour les antibiotiques ? 6. Vers  l’ère  post-­‐antibiotiques     Des alternatives aux antibiotiques ont été étudiées, elles portent notamment sur les dérivés des plantes, les ARN thérapeutiques, les probiotiques ou les peptides microbiens. Les plus prometteuses d’entre elles : les bactériophages, les lysines et les bactériocines sont des produits issus du vivant. Les biotechnologies se positionnent en tant que solution alternative face à la panne d’innovation en antibiothérapie. + Les bactériocines Les bactériocines sont des peptides microbiens produits par certaines bactéries. Ces molécules sont dotées d’une activité bactéricide (y compris envers des souches résistantes aux antibiotiques). Les bactéries productrices sont résistantes
  • 20. 20 à l’action de leur propre bactériocine. Ainsi des bactériocines sont produites par les bactéries de la flore intestinale afin de combattre les infections intestinales. Le mode d’action des bactériocines consiste à une perforation de la membrane des bactéries cibles, entrainant la libération de leur contenu cellulaire et donc leur mort. L’efficacité des bactériocines en tant qu’agents antibactériens pourrait être limitée de part l’émergence de résistances aux bactériocines. Des recherches complémentaires sont nécessaires afin de minimiser ou retarder l’apparition de ce problème (Cotter, 2013). + Les bactériophages Les bactériophages, virus infectant spécifiquement des bactéries, semblent être un outil de choix pour lutter contre les souches résistantes aux antibiotiques. Leur potentiel sera étudié de façon détaillée dans la suite de ce rapport (cf. § 4. La phagothérapie). + Les lysines de bactériophages Lorsqu’un bactériophage se réplique dans une bactérie, deux enzymes clés sont produits : les holines qui perforent la membrane interne de la bactérie et les lysines qui pénètrent via ce trou crée par les holines et attaquent le manteau cellulaire bactérien jusqu’à éclater la bactérie et libérer des centaines de phages. Des chercheurs de l’University of Maryland’s Institute for Biosciences and Biotechnology Research ont monté que ces lysines étaient capables de détruire le manteau cellulaire d’une bactérie depuis l’extérieur de celle ci ce en l’absence de holine et de phage (Potera, 2013). Des lysines de ce type ont déjà été commercialisées dans l’industrie agroalimentaire, notamment pour lutter contre Clostridium perfringens responsable de l'entérite nécrosante chez les volailles et d’intoxications alimentaires chez l’humain. Des applications en médecine sont possibles, cependant tout comme les bactériocines, l’émergence de résistance est plausible même si aucun cas n’a été rapporté pour l’instant.
  • 21. 21 4. La phagothérapie 1. La  phagothérapie  :  Découverte,  oubli  et  revival   + Découverte La découverte des bactériophages (communément appelés phages) revient conjointement à deux scientifiques, le britannique Frederick Twort et le français Félix d’Herelle. Twort en fit l’observation en 1915 et fut le premier à décrire le phénomène de lyse bactérienne, Felix d’Hérelle découvrit les phages en 1917 et fut le premier à envisager leur utilisation en thérapie, il est de ce fait considéré comme l’inventeur de la phagothérapie. + Succès et premiers traitements Dès 1919, d’Hérelle utilise les phages à l’hôpital Necker-Enfants Malades. Il fera au préalable absorber sa préparation à son entourage afin d’en vérifier l’innocuité puis la prescrivit à des enfants atteints de dysenterie bacillaire. Cinq enfants furent guéris. Par la suite, d’Hérelle utilisa avec succès les phages dans de nombreux cas, il généralisa leurs rôles d’agents de guérison chez l’animal en le testant dans le barbone du buffle, la peste chez le rat et la flacherie chez le vers à soie. En 1921, d’Hérelle publie Le bactériophage, son rôle dans l’immunité, ouvrage de plus de 200 pages qui sera traduit dans plusieurs langues les années suivantes. Dans les années qui suivirent de nombreuses publications émanèrent de différentes équipes de chercheurs dispatchées autour du globe (France, Allemagne, Belgique, Angleterre, Etats-Unis). En 1926, d’Hérelle publia un second ouvrage Le bactériophage et son comportement dans lequel il fait l’inventaire des utilisations de bactériophages en médecine décrite à l’époque, les 700 références de cet ouvrage reflètent l’ampleur du phénomène, la phagothérapie était en voie de se généraliser en médecine. Les industries pharmaceutiques telles que Parke-Davis, Eli Lilly, Abott et Squibb ou Robert & Carrière s’y intéressaient de près. En France, les spécialités à base de phages du
  • 22. 22 laboratoire Robert & Carrière auront été pendant plusieurs années parmi les dix meilleures ventes de l’entreprise (Dublanchet, 2008). + Déclin Malgré un succès grandissant et un avenir prometteur, la phagothérapie tomba dans l’oubli. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce déclin. D’une part alors que les demandes ne cessaient de croître, la capacité de production des industriels ne suivait pas, que ce soit en terme de quantité ou de qualité. Les problèmes et polémiques liés à ce manque de qualité furent nombreux. En ligne de mire des critiques : l’inconstance des résultats et l’hétérogénéité des préparations. L’avènement de la pénicilline et des antibiotiques lors de la seconde guerre mondiale vint enterrer la phagothérapie. La pénicilline avait l’avantage d’être plus stable, plus facile d’emploi, dotée d’un large champ d’action et son utilisation s’inscrivait parfaitement dans le paradigme chimique de l’époque. + L’exception de l’ex URSS Alors que la phagothérapie tomba dans l’oubli dans les pays occidentaux elle continua à être développée et utilisée dans les pays de l’union soviétique. L’exemple le plus célèbre est la Géorgie et son fameux Eliava Institute basé à Tbilisi, qui fut crée en 1933 par George Eliava, un des anciens élèves de l’Institut Pasteur d’Hérelle (Fig 10). Plus de 1200 personnes travaillaient dans ce centre dont la capacité de production était de plus de 2 tonnes par semaine. L’utilisation de la phagothérapie a été et continue d’être un succès dans les pays de l’ex URSS, le transfert de cette technologie ne s’est pas fait vers les pays occidentaux. On relève d’ailleurs peu de publications en langue anglaise émanant de ces pays. Initialement ce peu de publications s’explique du fait que les techniques de phagothérapie étaient, durant la guerre froide, considérées comme secrètes notamment à cause des applications militaires y étant associées (soins des brûlures). De plus la phagothérapie s’étant développée bien avant l’avènement des standards occidentaux en matière d’essais cliniques, les publications soviétiques existantes ne suivent pas ces standards.
  • 23. 23 Fig 10 : En 1933, le franco-canadien Félix d’Hérelle (au centre) et le soviétique George Eliava (à droite), fondent un institut dédié à la recherche sur les phages. Aujourd’hui encore l’Eliava Institute accueille des patients du monde entier venant se faire traiter par phagothérapie Aujourd’hui certains cocktails de phages sont en vente libre en Géorgie et en Russie, notamment « Intestiphage » un cocktail de phages ciblant 20 bactéries gastro-intestinales. Un autre cocktail « Pyophage » est quant à lui, couramment utilisé dans les infections de la peau et les plaies purulentes. Ce cocktail a notamment été incorporé dans un pansement biodégradable (PhageBioDerm® ), permettant une libération continue et régulière de phages. Ces préparations commerciales de phages ne sont pas statiques, à l’instar du vaccin contre la grippe, elles sont renouvelées en fonction des changements induits chez les pathogènes. Ainsi l’institut Eliava modifie ces cocktails tous les 6 mois en fonction de l’émergence de nouvelles souches. En Russie c’est le géant Microgen qui produit et commercialise les préparations de phages qui sont très largement utilisées dans beaucoup de régions de la Russie. La compagnie n’a cependant pas publié d’articles concernant la caractérisation des phages ni réalisé d’essais cliniques aux standards occidentaux (Abedon, 2001). Pourquoi donc s’embêteraient-ils maintenant à effectuer ces études couteuses alors que ces produits sont couramment utilisés et ce depuis de longues années ? Pour exporter ces produits vers d’autres pays ? Il aurait fallu pour ce faire que les autorités américaines ou européennes montrent un plus grand intérêt pour la
  • 24. 24 phagothérapie qui souffrait encore jusqu’à peu d’une réputation «d’antibiothérapie de l’époque stalinienne». A noter que si Microgen n’a pas publié d’études, des travaux indépendants ont analysé la composition des cocktails commercialisés par la firme (McCallin, 2013). Une étude réalisée par des chercheurs suisses du Nestlé Research Centre démontre que les phages présents dans le cocktail n’ont pas de gènes indésirables et qu’aucun effet secondaire associé à l’absorption de ce cocktail par des volontaires sains n’a été observé. + Un regain d’intérêt début des années 2010 Alors que les souches résistantes aux antibiotiques font de plus en plus de victimes et que les nouveaux antibiotiques peinent à être développés, la phagothérapie refait parler d’elle en Occident. La presse généraliste relate les expériences de patients ayant recours au « tourisme médical » pour se soigner. En 2012, un article du quotidien Le Monde relatait l’histoire de Caroline Lemaire, une française de 40 ans au moment des faits, qui a échappé à l’amputation grâce à un traitement par des bactériophages provenant de Géorgie. Le 21 mai 2013, c’était la sénatrice PS, Maryvonne Blondin, qui interpellait la ministre de la santé sur la nécessité, d’accélérer la recherche, d’autoriser les études in vivo et de mener au plus vite des essais thérapeutiques. Face à ce regain d’intérêt et cette prise de conscience concernant le fort potentiel de la phagothérapie, les choses commencent à bouger. Ainsi le projet phagoburn, lancé le 1er juin 2013, finance les phases I et II d’essais cliniques dans le traitement de brûlures infectées par Escherichia coli et Pseudomonas aeruginosa (cf. § 4.4). 2. Avantages  de  la  phagothérapie:   + Toxicité inhérente faible, peu d’effets secondaires associés Contrairement aux antibiotiques, les phages sont constitués d’acides nucléiques et de protéines, substances non toxiques pour l’organisme. Les phages n’infectent
  • 25. 25 que les bactéries et n’ont aucun effet sur les cellules humaines, ils n’induisent donc pas d’effets néfastes sur celles-ci. De plus aucun effet secondaire n’a jamais été relevé lors des utilisations de phages en thérapie ce qui n’est pas le cas avec beaucoup d’antibiotiques (allergie aux pénicillines, toxicité des aminosides…) (GEEPhage, 2013). + Spécificité d’action et protection de la flore bactérienne commensale Chaque phage peut infecter spécifiquement une seule espèce de bactérie donnée (plus rarement un phage peut être capable d’infecter des espèces apparentées), cette spécificité d’action permet de sauvegarder les bactéries de la flore commensale, bactéries naturellement présentes et essentielles au bon fonctionnement de l’organisme. A l’inverse de nombreux antibiotiques sont à larges spectres diminuant ainsi l’effet barrière la flore commensale (Loc-Carrillo, 2010). + Risque moindre d’induire des résistances A l’inverse des antibiotiques à large spectre, la grande spécificité d’action des phages limite le nombre de bactéries dans lesquelles des résistances peuvent se développer. + Une solution contre les bactéries multi-résistantes Le mécanisme d’action des bactériophages étant différent de celui des antibiotiques, les phages peuvent être actifs sur des bactéries multi-résistantes aux antibiotiques et ont le potentiel de soigner des patients en impasse thérapeutique. + Action contre les biofilms Les antibiotiques ont une efficacité sur les bactéries dites planctoniques ou flottantes (non rattachées à un substrat) mais sont inefficaces face aux bactéries
  • 26. 26 présentes sous forme de biofilms. Certaines bactéries sont associées aux surfaces et forment des populations fixées et enrobées d’une matrice auto produite appelées biofilms. La formation de biofilms sur l’instrumentation médicale (prothèses, cathéters, sondes urinaires…) constitue une source de contamination contribuant au développement d’infections nosocomiales. Le contrôle des biofilms est ainsi devenu un enjeu majeur de santé publique. Les phages ont démontré leur efficacité à plusieurs reprises face à certains biofilms (Abedon, 2011). + Un agent bactéricide sans équivoque Les bactéries ayant été infectées par un phage lytique sont obligatoirement vouées à la mort. A contrario, certains antibiotiques tels que les tétracyclines sont uniquement bactériostatiques, et sont donc plus susceptibles de favoriser l’évolution bactérienne et donc l’émergence de résistances. + Action synergique avec les antibiotiques Les bactériophages et les antibiotiques n’ayant pas les mêmes mécanismes d’action, leur administration combinée est synergique. + Dosage sur mesure naturel Les phages lors de la lyse bactérienne sont capables de se multiplier spécifiquement sur le lieu de l’infection. Un phage ayant besoin d’une bactérie pour se multiplier, plus il y a de bactéries plus le nombre de phages sera important et réciproquement. De ce fait les phages sont considérés comme des antibactériens « intelligents » (GEEPhage, 2013). + Indice thérapeutique élevé Les bactériophages ont un indice thérapeutique (dose thérapeutique / dose toxique) très élevé, si tant est qu’il y ait une dose toxique, en comparaison aux
  • 27. 27 antibiotiques. Les quantités administrées n’ont donc pas besoin d’être ajustées selon le poids et l’état physiologique de la personne traitée. + Découverte facile Alors que la développement de nouveaux antibiotiques est laborieux (cf. § 3.3), la découverte de nouveaux bactériophages est peu couteuse et relativement facile. En effet, des phages contre des bactéries pathogènes peuvent être trouvés aisément dans les eaux usées ou sur des terrains à forte concentration bactérienne. + Un coût raisonnable La production de phages dédiés à la phagothérapie implique une co-culture avec les bactéries et une étape de purification. Le coût de la culture dépend essentiellement des bactéries en présence. Le coût de purification quant à lui est en constante diminution du fait de l’amélioration des techniques de purification. Le coût global de phages à visée thérapeutique est en accord avec les coûts de production habituels de l’industrie pharmaceutique. Par ailleurs, les coûts liés à l’isolation et la caractérisation des phages sont très bas (Loc-Carillo, 2010). + Diversité des formulations et des modes d’administration A l’instar des antibiotiques, les phages peuvent être produits sous diverses formes galéniques (liquide, solide, crème…). Plusieurs phages peuvent également être combinés en cocktail afin d’augmenter le spectre d’action. + Faible impact sur l’environnement Les phages étant composés majoritairement d’acides nucléiques et de protéines et possédant un spectre d’action très restreint, une fois relâchés dans l’environnement, ils n’auront qu’un effet sur un faible nombre de bactéries. De plus les phages ne sont pas adaptés aux environnements ensoleillés, secs ou à
  • 28. 28 températures extrêmes et peuvent de ce fait être rapidement inactivés (Loc- Carillo, 2010). + Les phages sont des produits naturels : un argument marketing à la mode Les phages sont naturellement présents dans l’environnement, le 100% naturel est un argument fortement utilisé en marketing de nos jours. En effet, les industriels utilisent cet argument pour rassurer certains consommateurs, qui bien souvent sans raison fondée, sont de plus en plus réfractaires aux produits issus de la chimie. + Les phages peuvent être génétiquement modifiés Les phages sont constitués d’ADN, et peuvent donc être modifiés par génie génétique. Il est ainsi possible de reproduire en laboratoire des phénomènes se produisant naturellement, accélérer la nature en quelque sorte. En effet, dans la nature, les phages font évoluer leurs protéines de reconnaissance des bactéries pour s'adapter aux mutations de celles-ci (notamment à l’émergence de résistance). Effectuer ces mutations en laboratoire a pour principal avantage de faire évoluer les phages plus rapidement, et de ne pas devoir attendre que les phages s’adaptent naturellement à l’évolution des bactéries (Pouillot, 2010). Cependant à l’heure actuelle les blocages psychologiques sont encore bien trop nombreux pour envisager d’utiliser des phages génétiquement modifiés en thérapie, ces phages dits OGM n’ont pas la cote auprès des autorités réglementaires et de l’opinion publique (Le Monde, 2012). 3. Quelles  normes  pour  encadrer  la  production  de  phages  dédiés  à  la  thérapie  ?   Alors même qu’aucune réglementation n’encadre aujourd’hui la phagothérapie (cf. § 5.2), il est important de s’interroger d’ores et déjà sur les normes et les standards qu’il serait primordial de mettre en place afin de permettre aux phages de se faire une place dans la médecine occidentale. L’établissement de normes
  • 29. 29 de qualité à respecter pourrait notamment s’inspirer des normes existantes concernant les vaccins viraux ainsi que des prérequis imposés par les autorités sanitaires concernant l’utilisation de phages dans l’agroalimentaire. Selon les directives Q5C (Quality of Biotechnological/Biological products) de l’ICH (International Conference on Harmonisation), une bioproduction au norme impose au producteur d’être en mesure de prouver la stabilité, l’identité biologique et la pureté du produit. Concernant la phagothérapie il serait donc primordial de s’assurer d’une purification parfaite avec une concentration d’endotoxines inférieure au seuil pyrogène. + Définir l’identité biologique de la préparation L’identification des phages devra se faire de manière individuelle pour chacun des phages d’un cocktail thérapeutique, et pourra reposer sur des critères génomiques et phénotypiques. L’identification et la caractérisation des phages sont primordiales afin de détecter toute contamination et de s’assurer que les lots ne contiennent que des phages bien définis (Parracho, 2012). Enfin, il faudra bien évidemment, et ce en tout premier lieu, s’assurer que seuls des phages lytiques soient présents dans les préparations et s’assurer de l’absence de tout phages tempérés. Les phages tempérés, sont capables de s’intégrer au génome bactérien et peuvent potentiellement apporter des propriétés nouvelles (résistances aux antibiotiques, virulence, toxines...) aux bactéries. Les outils de séquençage et de bioinformatique disponibles permettent de faire une distinction sans équivoque, entre les phages lytiques et les phages tempérés, en s’assurant notamment qu’aucun gène ne code pour une fonction liée à un caractère tempéré (en particulier les gènes codant pour les enzymes nécessaires à l’intégration du génome du bactériophage dans celui de l’hôte bactérien). + Contrôle de la stérilité Les préparations de bactériophages devront être stérilisées et respecter les instructions relatives à la stérilité émanant de la pharmacopée internationale de la Section 21 du Code of Federal Regulations, de la FDA et de l’ICH.
  • 30. 30 + Production aux normes GMP Tous les produits utilisés en essais cliniques doivent être produits aux normes GMP (Good Manufacturing Practices), les bactériophages doivent donc également être produits de façon GMP afin d’assurer efficacité, sureté et pureté. Les détails techniques concernant le process de bioproduction (milieux de culture, conditions de fermentation, méthode de filtration, purification et évaluation) devront être détaillés scrupuleusement afin de compléter les documents réglementaires indispensables à l’obtention d’autorisation d’utilisation des lots lors d’essais cliniques (Parracho, 2012). 4. «  Prêt-­‐à-­‐porter  ou  Sur  mesure  »  ?   + deux alternatives, deux visions de la médecine « Prêt à porter » ou « Sur mesure » ? Cette question provient d’une discussion sur le futur de la phagothérapie ayant eu lieu lors du premier congrès international sur les virus des microbes s’étant tenu à l’Institut Pasteur en juin 2010 (Pirnay, 2010). La composition d’un médicament peut être déterminée de façon définitive avant sa mise sur le marché ou alors sujette à des reformulations, c’est un des aspects qui différencie l’approche « one-size-fits all » de l’approche dite de médecine personnalisée. En phagothérapie deux expressions sont très souvent utilisées dans la littérature pour opposer ces deux cas de figure, on parle de phages « prêts-à-porter » et de phages « sur-mesure » (Chan, 2013). La médecine personnalisée a été initiée par le géant suisse Roche avec le lancement de l’Herceptine en 1990. Aujourd’hui les tests de diagnostic génomique se multiplient et sont de plus en plus utilisés en clinique. Les technologies issues de la génomique et du séquençage permettent d’obtenir de nombreuses informations telles que les prédispositions à certaines maladies ou la capacité ou l’incapacité à répondre positivement à un traitement.
  • 31. 31 La génomique a également le potentiel de servir la phagothérapie. Une analyse du génome des bactéries présentes chez un patient permettrait d’élaborer un cocktail de phages spécifiquement conçu pour soigner une infection chez un patient donné. Pour une phagothérapie personnalisée ou « sur mesure », il faudrait constituer des banques de phages afin de pouvoir rapidement y prélever des phages pour élaborer un cocktail sur mesure. Un des problèmes relatif à l’utilisation de banque de phages est le laps de temps nécessaire entre l’identification d’un phage actif dans la banque, son amplification et isolation et l’administration du traitement au patient. Une préparation prête à l’emploi à l’avantage d’apporter un gain de temps considérable. A l’opposé du « sur mesure », la stratégie du « prêt à porter » consiste à établir un cocktail unique contenant une large variété de phages (un cocktail à large spectre) capable de tuer des bactéries reconnues pour être fréquemment impliquées dans des infections. Cette approche « prêt à porter » peut être risquée en cas d’échec, notamment si aucune autre préparation alternative n’est préparée en tant que solution « back-up ». Pourtant c’est bien cette stratégie du produit unique qui correspond le mieux au modèle classique du chemin du médicament imposé par l’EMA et la FDA (Fig 11). + Le juste milieu : combiner « sur mesure » et « prêt à porter » ? Des alternatives à ces deux stratégies opposées existent, il est notamment possible d’imaginer mettre en œuvre des pré-formulations de plusieurs cocktails différents, au lieu de produire un unique cocktail dédié à soigner une grande variété d’infection, il serait possible de produire plusieurs cocktails conçus pour être efficaces sur un nombre plus restreint de pathogènes. Dans ce cas-ci, le cocktail dédié à lutter contre la plus probable cause d’infection du patient pourrait directement lui être administré ; mais des cocktails contre d’autres espèces bactériennes seraient également prêts au cas où le premier traitement se révélait inefficace. Cette stratégie consisterait donc à utiliser des banques de cocktails et non pas des banques de phages individuels et aurait pour principal
  • 32. 32 Fig 11 : Prêt à porter ou sur mesure, deux approches possibles et complémentaires Source : Pirnay, 2010
  • 33. 33 avantage d’utiliser un nombre moindre de phages durant le traitement. Le point négatif de cette stratégie dite de « banque de cocktails » est le fort coût lié à la production d’une grande variété de cocktails. La seconde alternative n’a pas la lourdeur due à la préparation de multiples cocktails et n’est pas strictement de la médecine personnalisée à proprement parler, cette stratégie opte pour un unique cocktail qui est modifiable dans le temps. Cette dernière approche est celle qui est utilisée en Géorgie, où les produits « prêts à porter » ne sont pas complètement statiques temporellement parlant. Les cocktails les plus courants « Pyophage » destinés au traitement des plaies et « Intestiphage » dédié aux infections gastro-intestinales sont mis à jour deux fois par an afin d’y ajouter les phages spécifiques aux pathogènes saisonniers les plus fréquents et de répondre à l’émergence de nouvelles résistances. 5. Quels  sont  les  problèmes  potentiellement  inhérents  à  la  phagothérapie   La liste des avantages que pourrait apporter la phagothérapie à la médecine occidentale est longue (cf. § 4.4), cependant il est important de s’interroger sur les problèmes éventuels qui pourraient être liés à l’utilisation de cette technologie avant de crier à la solution miracle. En réfléchissant au concept de la phagothérapie et en ayant le recul concernant les problèmes liés à l’utilisation des antibiotiques, trois enjeux semblent primordiaux à analyser : les possibles effets secondaires et réactions immunitaires d’une part, l’émergence de bactéries résistantes aux bactériophages d’autre part et enfin les impacts qu’une telle technologie pourrait éventuellement avoir sur l’environnement. + Effets secondaires et réponse du système immunitaire Les bactériophages étant ubiquitaires, il paraîtrait logique que notre système immunitaire soit tolérant à leur égard étant donné que nous y sommes constamment confronté. Cependant, en ce qui concerne la phagothérapie, de plus fortes doses seraient nécessaires, il est donc important de comprendre la
  • 34. 34 réaction du système immunitaire face à ces fortes concentrations. Relativement peu d’études ont été menées chez les humains à ce sujet, la plupart des études sont anciennes, datent de l’ex URSS, non traduites en anglais et leurs paramètres n’ont pas pu être clairement identifiés. Toutefois il en ressort qu’aucune réaction anaphylactique n’a été relevée (Abedon, 2011). A noter que plus récemment une équipe de chercheurs polonais décrivait un impact positif des phages sur le fonctionnement du système immunitaire, relevant une activation de la sécrétion de cytokines résultant de l’interaction de certaines cellules du système immunitaire avec les protéines phagiques. Ces chercheurs envisageaient une utilisation des phages en tant qu’anti-tumoraux (Budynek, 2010). Si ces faits vont dans le bon sens et sont prometteurs, il semble cependant primordial de continuer les recherches sur ce sujet que ce soit au niveau fondamental ou clinique. Enfin, il faut s’assurer que les lots de phages produits à des fins cliniques soit hautement purifiés afin d’éviter des chocs anaphylactiques qui pourraient être causés par des débris bactériens tels que les endotoxines provenant des cultures de phages (les phages sont cultivés en présence de bactéries). Il faut s’assurer que si un effet au niveau du système immunitaire est observé, celui-ci puisse être attribué à la présence de bactériophages et non à des contaminants d’où la nécessité d’une purification hautement contrôlée et méticuleuse (nécessité d’une production GMP, cf. § 4.5) + L’émergence de bactéries résistantes aux bactériophages Alors que la résistance aux antibiotiques est devenue un enjeu majeur de société, une question est sur toutes les lèvres, devons nous redouter des problèmes similaires à long terme si la phagothérapie venait à s’imposer en tant qu’alternative de choix dans l’arsenal thérapeutique ? Il a été démontré que les bactéries peuvent développer rapidement des mécanismes de résistance aux bactériophages (Labrie, 2010). Plusieurs mécanismes ont été décrits dans la littérature, les bactéries peuvent bloquer l’adsorption du phage en bloquant le récepteur par lequel le phage s’accroche à la bactérie (Fig 12), pour se faire les bactéries peuvent produire une matrice extracellulaire ou des inhibiteurs compétitifs. Les bactéries peuvent également
  • 35. 35 bloquer la pénétration de l’ADN phagique ou le détruire par des systèmes de restriction-modification ou grâce à des séquences CRISPR. Enfin les bactéries peuvent également bloquer les phases de multiplication du phage, on parle de système ABI (Abortive infection systems). Fig 12 : Exemple de stratégies développées par les bactéries pour empêcher l’adsorption d’un phage. 1) La bactérie devient résistante au phage en modifiant son récepteur. 2) Le phage s’adapte et développe la capacité de se fixer à ce nouveau récepteur 3) et 4) La bactérie produit des protéines afin de masquer le récepteur ou d’empêcher le phage de s’y fixer Source : Nature Même si ces mécanismes de résistance sont différents de ceux dus aux antibiotiques, le résultat est le même dans le cadre d’une utilisation à des fins thérapeutique: la prolifération bactérienne ne peut plus être contrôlée par l’agent thérapeutique initialement utilisé. Certains défenseurs de la phagothérapie prônent souvent l’utilisation de cocktails de phages, dans lesquels différents types de phages infectent le même type de souches bactériennes, cela rendant l’émergence de résistance moins probable (les bactéries ayant du mal à muter simultanément plusieurs de leurs éléments constitutifs). Cependant, il est possible d’imaginer que l’utilisation intensive de cocktails de phages entraine à long terme, d’une façon ou d’une autre, l’émergence de souches résistantes à ce cocktail. C’est pourquoi certains
  • 36. 36 chercheurs recommandent non pas l’utilisation de cocktails mais l’utilisation d’un seul phage spécifique à une bactérie responsable d’une infection donnée afin de limiter l’émergence de bactéries résistantes à une grande variété de phages. L’avantage évident des phages par rapport aux antibiotiques vis-à-vis de ce phénomène de résistance, c’est que les phages sont des organismes vivants capables de co-évoluer avec les bactéries. Cette co-évolution constante des phages et des bactéries est-elle suffisante pour contrecarrer le problème des résistances ou alors l’apparition de bactéries « superbugs » hautement résistante est-elle inéluctable ? Plusieurs études suggèrent que l’évolution de bactéries en « superbugs » multi résistants aux phages n’est pas probable. Il a été démontré que les bactéries présentes dans les sols étaient plus résistantes à leurs phages contemporains qu’aux phages du passé ou du futur, suggérant ainsi que la résistance des bactéries aux phages n’était qu’un caractère temporaire. De façon similaire il a été démontré que la capacité des virus à infecter les bactéries actuelles était moindre que vis-à-vis de bactéries du passé ou du futur. D’autre part la résistance que développe une bactérie envers un phage peut lui être coûteuse, les bactéries résistantes peuvent perdre des caractéristiques importantes à leur virulence quand elles changent les propriétés de leur surface pour bloquer l’adsorption des phages. Ce désavantage lié à l’émergence de résistance suggère qu’il serait désavantageux pour une bactérie de maintenir des changements coûteux contre des phages avec lesquels elles ne sont plus en contact, renforçant l’hypothèse que les résistances ne sont que temporaires (Örmälä, 2013). Par ailleurs plusieurs équipes de chercheurs ont observé que certaines bactéries développant une résistance à un phage devenaient avirulentes et donc facilement éliminables par le système immunitaire (Pouillot, 2012). Si la sélection artificielle provoquée par l’utilisation continue des phages à l’hôpital a certes une finalité incertaine, il apparaît néanmoins qu’en milieu naturel, l’évolution des bactéries vis à vis des phages n’a jamais rendu une bactérie résistante à tous les phages existants sur la planète. Tous ces arguments mis ensemble, il semble très improbable que l’utilisation intensive de phages en thérapie conduise à une situation où nous ne puissions pas trouver de nouveaux phages capables d’infecter des bactéries résistantes. D’un point de vue
  • 37. 37 historique, la phagothérapie a déjà échoué une fois, il faut donc être prudent lors de notre deuxième essai mais un excès de pessimisme est injustifié. Alors qu’il devient extrêmement difficile de développer de nouveaux antibiotiques, les études menées sur les phages suggèrent que l’optimisme est de mise et qu’il est raisonnable de penser qu’il y aura toujours dans l’environnement de nouveaux phages disponibles pour lutter contre les bactéries résistantes. + Impact environnemental Au delà des problèmes que pourraient engendrer l’émergence de bactéries résistantes aux phages d’un point de vue clinique, ce problème de résistance pourrait également avoir un impact négatif sur l’environnement. La diffusion de phages en grande concentration pourrait nuire à l’équilibre fragile existant entre les phages et leurs bactéries hôtes. Pseudomonas aeruginosa par exemple est un pathogène opportuniste chez l’homme mais également un habitant des rivières, des sols, et des rhizosphères, sa présence est indispensable pour le maintien de l’équilibre des écosystèmes. Des études complémentaires sont nécessaires afin d’obtenir une meilleure compréhension des phénomènes liés à la coévolution des phages et des bactéries. Il est important de développer des stratégies afin de pouvoir limiter les impacts négatifs potentiels liés à l’utilisation de bactériophages en thérapie. 6.  Essais  cliniques  passés  ou  en  cours   La phagothérapie existant depuis le début du 20e siècle, de nombreuses publications relatent les résultats d’essais réalisés sur l’Homme. De nombreuses données proviennent notamment d’Europe de l’est, en particulier de Pologne et de Géorgie où l’utilisation de phages en thérapie est une pratique courante. Même si ces résultats ne sont pas toujours conformes aux standards occidentaux en terme d’essais cliniques, il est néanmoins intéressant de les analyser afin d’avoir une vision globale du potentiel des phages pour soigner certaines
  • 38. 38 infections et également pour savoir dans quelles conditions (dosage, mode d’administration...) prévoir les futurs essais cliniques. On dénombre également quelques essais réalisés plus récemment en Europe et aux Etats-Unis. De plus certains essais viennent d’obtenir des financements et vont débuter très prochainement. + Géorgie La Géorgie est un acteur historique de la phagothérapie notamment du fait de l’implantation de l’Eliava Institute à Tbilisi. Le pays compte de nombreux chercheurs et médecins habitués à travailler à l’aide de phages. Beaucoup de données remontent à l’Union soviétique, la majeure partie des essais réalisés dans le cadre militaire a été perdue, il reste cependant des résultats d’essais réalisés dans le cadre civil. Un essai prophylactique a notamment été réalisé en 1960 sur un total de 30769 enfants. Des enfants habitant d’un côté d’une rue ont reçu, sous forme de comprimés, un cocktail de phages ciblant trois bactéries connues pour être impliquées dans la dysenterie. Les enfants habitant de l’autre côté de la rue se sont vus administrer un placebo. Ces enfants ont été suivis de façon hebdomadaire pendant 109 jours par des infirmières. L’administration de phages était associée à une diminution de 3,8 fois du taux d’incidence de dysenterie. Malheureusement, ces résultats très prometteurs ne sont retranscris que de façon succincte dans une unique publication de 68 lignes écrite en russe (Kutter, 2010). Même si les résultats des études géorgiennes ne sont pas toujours très détaillés, les conclusions de chacune de ces études vont dans le même sens et indiquent un effet positif des bactériophages dans la lutte contre les maladies infectieuses. Ces études donnent également des indications sur les doses et méthodes d’administration les plus courantes. Ainsi pour un adulte soufrant d’infection gastro-intestinale, 20 à 50 mL d’un cocktail sont administrés 3 fois par jour avant les repas. Il est mentionné qu’il faut administrer un anti-acide (du bicarbonate de sodium) 20 à 30 minutes avant la prise de phages afin de préserver les phages lors de leur passage par l’estomac.
  • 39. 39 + Pologne Le Hirszfeld Institute of Immunology and Experimental Therapy basé à Wroclaw est spécialisé depuis longtemps dans la phagothérapie, il a depuis plusieurs années produit des phages destinés à venir en aide à des patients infectés par des bactéries multi-résistantes aux antibiotiques. L’institut a publié de nombreuses études concernant l’utilisation de phages en clinique. En 2005, l’institut développait ses propres essais cliniques sur les phages. Avec l’entrée de la Pologne dans l’Union européenne, l’institut s’est adapté et est désormais en capacité de développer des essais cliniques respectant les instructions de l’EMA. Contrairement à la Géorgie où les cocktails de phages « prêts à porter » sont la pratique la plus courante, en Pologne l’approche des banques de phages est privilégiée (cf. § 4.6). Pour chaque patient des phages spécifiques sont sélectionnés dans des banques de phages. Depuis les années 1970, plus de 2000 patients ont été traités à l’institut Hieszfeld. En 2001 l’institut publiait un rapport résumant les résultats obtenus grâce à l’utilisation de phages en thérapie et affichait un taux de guérison de 90%. Des patients souffrant de septicémie ont notamment été pris en charge à l’institut Hieszfeld. Tous ces patients avaient auparavant tenté sans succès d’être soigné à l’aide d’antibiotiques. Au total, 71 patients ont reçu des phages et des antibiotiques et 23 patients ont reçu uniquement des phages. Des phages dirigés contre des pathogènes spécifiques étaient administrés oralement après neutralisation de l’acidité gastrique. La posologie était de 3 fois par jour à une dose de 10 mL pour les adultes et de 5mL pour les enfants. Si des bactéries étaient présentes dans le sang, des bactériophages spécifiques à ces bactéries étaient administrés aux patients. Dans le cas où les hémocultures étaient négatives, les bactériophages administrés étaient spécifiques à des bactéries issues d’autres sites (plaies, urine). Le temps médian du traitement était de 29 jours. En fin d’étude, le taux de succès (rémission complète) était de 85,1%. Aucune différence significative n’a été observée entre les deux groupes de patients. Ces résultats sont très prometteurs malgré le fait que ces protocoles n’aient pas encore été testés lors d’études en double aveugle respectant les normes standards des essais cliniques.
  • 40. 40 + France Des équipes en France ont continué à utiliser les phages après que l’institut Pasteur ait arrêté d’en produire dans les années 90. Certains médecins ont alors importé des phages en provenance de Russie ou de Géorgie. Le Dr. Dublanchet et le Dr. Patey ont observé des résultats très positifs en utilisant les phages dans des cas d’infections ostéoarticulaires graves. En couplant chirurgie de nettoyage et injection locale de phages par fistule, ils ont ainsi éviter à certains de leurs patients l’amputation ou la mort. Malheureusement ils ont du arrêter cette pratique car il n’est pas légal d’importer et d’administrer des produits non reconnus en France. + Essais cliniques contrôlés Trois essais cliniques contrôlés chez l’homme ont été réalisés aux Etats-Unis, en Belgique et au Royaume-Uni. Au Royaume-Uni, c’est la firme Biocontrol Limited qui a fait une étude de phase I et II sur l’utilisation de bactériophages dans des infections de l’oreille par Pseudomonas aeruginosa. Ces infections sont particulièrement difficiles à soigner car les bactéries s’organisent en biofilms. L’étude randomisée a été réalisée en double aveugle et contre placebo. Au total 24 patients soufrant d’infection de l’oreille due à une souche de P.aeruginosa résistante aux antibiotiques ont été inclus dans cette étude. Un groupe de 12 patients a reçu un placebo, le second groupe a reçu un cocktail de phages. Le cocktail de phages ayant été conçu de telle sorte à ce que 86% des patients soient sensibles à au moins l’un des 6 phages du cocktails. Des améliorations significatives ont été observées dans le groupe ayant reçu le cocktail de phages. Aucun effet secondaire n’a été relevé. Au 42e jour de l’étude 3 patients sur les 12 s’étant vu administré le cocktail de phages, avaient une concentration en P.aeruginosa inférieure au seuil de détectabilité. Aucun résultat similaire n’a été observé dans le groupe placebo (Parracho, 2012). La firme Biocontrol Limited a fusionné en 2011 avec Targeted Genetic Inc pour devenir Ampliphi Biosciences. Le groupe envisage désormais de lancer une phase III pour tester ses cocktails de phages dans le traitement des
  • 41. 41 infections de l’oreille mais également dans les infections dermatologiques secondaires à des brûlures ou des infections pulmonaires liées à la mucoviscidose. Aux Etats-Unis, la FDA a autorisé une équipe du Wound Care Centre (Lubbock, Texas) à effectuer une phase I pour tester l’innocuité du cocktail de phages « WPP-201 » produit par la société Intralytic. Le cocktail a été testé sur des patients souffrant d’ulcères des membres. Les conclusions de l’étude démontrent l’innocuité du cocktail de phages « WPP-201 ». En Belgique, une étude a été réalisée au centre des brûlés de l’hôpital militaire Reine Astrid. L’étude a testé l’innocuité d’un cocktail de 3 phages lors d’applications topiques chez 9 patients brûlés atteints d’infection par P.aeruginosa et/ou S.aureus. Le protocole modeste de cette étude pilote ne permettait pas une évaluation adéquate de l’efficacité mais a néanmoins permis de montrer qu’il n’y avait aucun effet secondaire lié à l’application topique de bactériophages sur les brûlures. Cette étude a également eu le mérite de familiariser le personnel soignant de l’hôpital Reine Astrid avec la phagothérapie et de le convaincre de l’innocuité et du potentiel de cette approche. L’équipe est prête à s’impliquer dans un nouvel essai clinique plus important : le projet phagoburn. + Le projet phagoburn Le projet Phagoburn est un projet de R&D financé par la Commission européenne dans le cadre du programme de financement FP7 (7th Framework Programme for Research and Development). Ce projet d’un budget de 5 millions d’euros a été lancé le 1er juin 2013 et va durer 27 mois. Son but est d’évaluer la phagothérapie en tant que traitement des infections des plaies pour traiter les infections cutanées provoquées par les bactéries Escherichia coli et Pseudomonas aeruginosa chez les patients brûlés. Le projet financera notamment les phases I et II d’un essai clinique dans le but d’évaluer l’innocuité, l’efficacité et la pharmacodynamique de deux cocktails de phages. Cet essai va débuter mi-2014 et se déroulera sur 15 mois. L’essai se déroulera simultanément en France (hôpitaux d’instruction des armées de Percy) en Belgique (hôpital Reine Astrid) et en Suisse dans différentes unités hospitalières dédiées à la prise en charge des grands brûlés.
  • 42. 42 Ce projet collaboratif regroupe plusieurs partenaires issus de 3 pays : • Le Ministère français de la défense est coordinateur du projet à travers le service de santé des armées et l’hôpital militaire de Percy • La biotech française Pherecydes Pharma spécialisée dans la phagothérapie • La PME française Clean Cells spécialisée dans la sécurisation et caractérisation des biomédicaments • Le centre des brûlés de l’hôpital militaire Reine Astrid en Belgique • Le centre des brûlés de Lausanne situé dans le Centre Hospitalier Universitaire Vaudois • Plusieurs hôpitaux : le CHU de Nantes, le Centre hospitalier Saint Joseph et Saint Luc, le Grand Hôpital de Charleroi – Loverval ainsi que le CHU de Liège • La CRO Statitec responsable du data management relatif aux essais cliniques • L’association de patient PhagEspoirs dont le but est de promouvoir la recherche et l’utilisation des bactériophages en diagnostic et en thérapie • La PME France Europe Innovation en charge de la gestion des aspects financiers, administratifs et de la communication Fig 13 : Première étude clinique européenne sur la phagothérapie pour traiter les brûlures infectées par E. coli et/ou P. aeruginosa.
  • 43. 43 7. Perception,  opinion  publique   La perception de la phagothérapie varie selon les observateurs. Si on relève un avis globalement très favorable chez les experts, les médecins et les patients concernés, on note à l’inverse un apriori négatif de l’opinion publique face à ce sujet. Evidemment il n’est pas difficile de convaincre un patient souffrant d’une infection multi-résistante aux antibiotiques de recourir à la phagothérapie pour tenter de se soigner et d’éviter de ce fait l’amputation ou la mort. Le Dr. Olivier Patey et le Dr. Jérôme Larché reçoivent de nombreuses demandes émanant de patients en échec thérapeutique. L’opinion publique est plus réservée. En effet quand on définit rapidement la phagothérapie, on parle de l’utilisation de virus en tant que médicaments. Or le terme virus est connoté négativement, pour le commun des mortels ce terme est associé à la grippe, au SIDA et aux épidémies. Dans l’imaginaire collectif les virus sont des êtres « méchants » et incontrôlables avec lesquels il vaut mieux ne pas être confronté. Les seules représentations des virus sont celles de virus pathogènes pour l’Homme et sont donc légitimement peu flatteuses à leur égard (Fig 14). Fig 14 : Représentation négative des virus dans l’imaginaire collectif L’image de la phagothérapie souffre de la mauvaise réputation des virus et un réel travail de communication est nécessaire afin de faire comprendre à tous que les bactériophages sont des « gentils » virus inoffensifs pour l’Homme (Fig 15). Un travail de vulgarisation scientifique est nécessaire afin d’expliquer ce sujet complexe. En effet nombre d’arguments en faveur de la phagothérapie sont très délicats à comprendre. A titre d’exemple certains arguments démontrant l’innocuité des phages pour les humains se basent sur des analyses génomiques
  • 44. 44 réalisées via des outils bioinformatiques. Ces arguments ne sont pas convaincants pour des personnes ne sachant pas ce qu’est la bioinformatique. Hormis ce lourd travail de vulgarisation scientifique, il faut également communiquer d’avantage sur la phagothérapie afin de faire parler de cette technologie qui reste encore trop marginale. Le lobbying des patients et des organisations à but non lucratif tels que GEEPhage, P.H.A.G.E et PHAGESPOIRS ont un rôle important à jouer auprès des autorités réglementaires et politiques pour accélérer les choses. La médiatisation des témoignages de patients soignés par phagothérapie, à l’instar de ceux de Serge Fortuna et de Caroline Lemaire, est une aide précieuse pour faire accélérer la prise de conscience. Dans le passé, pour d’autres maladies (SIDA, myopathies...), des associations de patients ont réussi à pousser les pouvoirs politiques à investir massivement dans la recherche et le développement. Fig 15 : Exemple de campagne de communication pour promouvoir la phagothérapie Source : L’image du bactériophage provient de l’équipe iGEM 2008 d’Heidelberg
  • 45. 45 5. Intérêt de la phagothérapie pour les industriels médicament 1. Etats  des  lieux  des  start  up  et  industriels  impliqués   Fig 16 : Cartographie des industriels de la phagothérapie On dénombre 10 entreprises travaillant sur la phagothérapie. Ce sont toutes des start-up et des PME à l’exception du géant russe Microgen. Aucune big pharma occidentale n’a à l’heure actuelle investi dans la phagothérapie. Certaines de ces entreprises se focalisent uniquement l’utilisation des phages en médecine, d’autres envisagent également l’utilisation des phages dans d’autres domaines applicatifs tels que l’agroalimentaire, la défense ou le traitement de l’eau. En ce qui concerne les applications en médecine, elles se concentrent sur le traitement des maladies infectieuses à l’exception de NeuroPhage qui travaille au développement de phages dans le cadre du traitement des maladies du système nerveux central (Alzeihmer, Parkinson). La société AmpliPhi, issue de la fusion entre le britannique Biocontrol et l’américain Targeted Genetic, a acquis en 2012 la société australienne Special Phages Services et dispose désormais de 3 sites industriels.
  • 46. 46 2. Aspect  réglementaire  et  propriété  intellectuelle.     Deux problèmes majeurs semblent expliquer l’absence d’intérêt des big pharma pour la phagothérapie : le flou réglementaire d’une part et les difficultés liées au brevetage des phages d’autre part. Avec un coût de développement moyen frôlant le milliard d’euros, les industriels du médicament ne peuvent pas se permettre d’investir dans le développement d’un médicament si celui-ci ne peut être protégé par des brevets ou si aucun cadre réglementaire n’encadre son utilisation. + Quelle propriété intellectuelle pour la phagothérapie ? Les problèmes liés au brevetage du vivant sont nombreux et ne concernent pas que la phagothérapie. On se rappelle du scandale provoqué par Craig Venter qui souhaitait breveter des séquences ADN ou des contestations lorsque Myriad Genetics avait obtenu des brevets sur les gènes BRCA1 et BRCA2 afin de protéger ses tests de dépistage du cancer du sein. La phagothérapie cumule deux problèmes : c’est une technologie qui n’est pas nouvelle et qui repose sur l’utilisation d’entités biologiques. Dans la loi américaine relative aux brevets, seules les technologies nouvelles peuvent être protégées par un brevet, ce qui signifie pour les phages qu’ils ne doivent pas avoir été isolés ou produits auparavant. Or la phagothérapie est une vieille technologie et les phages ont été isolés depuis bien longtemps. La phagothérapie ne rentre pas non plus dans le cadre de la loi européenne qui autorise de breveter des substances connues pour des utilisations médicales uniquement si cette pratique est novatrice. Certaines sociétés, uniquement des start up et des PME, ont tout de même réussi à breveter des bactériophages à usage médical. En 2001 La société Intralytix avait réussi à obtenir le brevet EP1250143 A2 qui protégeait « une méthode destinée à réduire le risque d'infection ou de sepsie bactérienne chez un patient sensible, consistant à traiter le patient sensible avec une composition pharmaceutique renfermant un bactériophage ». Mais ce brevet lui a été retiré en 2004. Des alternatives sont envisageables pour contourner ce problème lié à la propriété intellectuelle, on pourrait tenter de breveter non pas les phages mais leurs procédés de
  • 47. 47 production ou alors leurs méthodes d’administration (ex : pansement à base de phages pour soigner les brûlures). L’alternative la plus simple serait de breveter des phages n’existant pas dans la nature : les phages génétiquement modifiés. Mais dans ce cas-ci c’est le blocage psychologique des autorités et de l’opinion publique face au fameuses trois lettres O-G-M qui fait barrage. La complexité de la protection intellectuelle pour la phagothérapie a longtemps découragé les capitaux-risqueurs et les big pharma. On observe depuis peu un regain d’intérêt des capitaux-risqueurs pour cette thématique, des biotechs ayant réussi à breveter des cocktails de phages pour une application thérapeutique donnée. Les législations actuelles relatives à la propriété intellectuelle restent néanmoins peu adaptées à la phagothérapie et trop figées voir démodées pour bon nombre de produits issus des biotechnologies. Des solutions alternatives sont envisageables : l’OMS ou les gouvernements des pays concernés pourraient garantir aux entreprises finançant le développement de la phagothérapie dans un type d’infection un droit d’exclusivité sur cette thérapie pendant un nombre défini d’années. + Quel cadre réglementaire pour la phagothérapie ? Ni la FDA ni l’EMA ne prévoient un cadre réglementaire adapté à la phagothérapie. La FDA s’est inspirée du protocole initialement prévu pour les antibiotiques pour réglementer la phagothérapie (Keen, 2012). Ceci implique pour un cocktail de phages que chacun des phages le composant passent à travers un essai clinique individualisé. La composition d’un cocktail de phages ne peut donc pas être changée sans repasser par le processus d’IND (Investigational New Drug). Cette politique réglementaire ne prend pas en compte la différence majeure entre les bactériophages et les antibiotiques : la qualité principale des phages reposant dans leur caractère évolutif. Il faut revoir cette réglementation et tenter de l’adapter sur le modèle développé pour le vaccin de la grippe, le FluMist® . Chaque année la composition de ce vaccin saisonnier est reformulée afin de s’adapter à l’évolution des virus grippaux. Dans ce cas précis la FDA n’impose pas un nouvel essai clinique annuel mais a autorisé de façon globale la
  • 48. 48 manière dont le vaccin contre la grippe est développé. La FDA pourrait s’inspirer de ce procédé réglementaire et autoriser la phagothérapie en réglementant les procédés de production de cocktails de phages. Cette alternative permettrait ainsi d’adapter les cocktails en fonction de l’évolution des résistances bactériennes sans avoir à repasser par la procédure de mise sur le marché. En Europe, l’EMA ne prévoit pas non plus d’encadrement spécifique pour la phagothérapie. En effet aucune des catégories de la directive 2001/83/EC (Fig 17) régissant les produits médicaux à usage humain n’est parfaitement adaptée à la phagothérapie (Pirnay, 2012). La catégorie qui correspondrait le mieux à la phagothérapie est la « Well-Established Medicinal Products » étant donné que la phagothérapie est une pratique ancienne. Cependant la plupart des essais cliniques ayant été effectués en dehors de l’Union européenne, ils ne sont pas pris en compte par l’EMA. Fig 17 : Code communautaire relatif aux médicaments à usage humain Part I: Standardized Marketing Authorization Dossier Requirements Part II: Specific Marketing Authorization Dossier Requirements Well-established medicinal use Essentially similar medicinal products Additional data required in specific situations Similar biological medicinal products Fixed combination medicinal products Documentation for applications in exceptional circumstances Mixed marketing authorization applications Part III: Particular medicinal products Biological medicinal products Plasma-derived medicinal products Vaccines Radio-pharmaceutical and precursors Radio-pharmaceuticals Radio-pharmaceuticals precursors for radio-labelling purposes Homeopathic medicinal products Herbal medicinal products Orphan medicinal products Part IV: Advanced therapy medicinal products Gene therapy medicinal products Somatic cell therapy medicinal products Tissue engineered products
  • 49. 49 La solution la plus adaptée semble être de créer une sous-catégorie dédiée à la phagothéapie dans la catégorie « Particular Medicinal Products » comme cela l’a déjà été fait dans le passé pour un certain nombre de produits pharmaceutiques non conventionnels. + L’alternative de la déclaration d’Helsinki La déclaration d’Helsinki est un document officiel de l'Association médicale mondiale, représentante des médecins dans le monde. L’article 35 de cette déclaration prévoit le dispositif suivant : « Dans le cadre du traitement d’un patient, faute d’interventions avérées ou faute d’efficacité de ces interventions, le médecin, après avoir sollicité les conseils d’experts et avec le consentement éclairé du patient ou de son représentant légal, peut recourir à une intervention non avérée si, selon son appréciation professionnelle, elle offre une chance de sauver la vie, rétablir la santé ou alléger les souffrances du patient ». Cet article 35 permet l’utilisation de phages dans le cadre d’impasses thérapeutiques, on parle d’usage compassionnel. C’est dans le cadre de cette déclaration d’Helsinki que certains médecins américains, canadiens et européens ont, de façon sporadique, administré des phages à leurs patients (Teillant, 2012). Cette alternative a le mérite de permettre l’utilisation de la phagothérapie dans certains cas bien précis, mais elle ne permet pas de généraliser de façon durable la phagothérapie au sein de la médecine moderne. De plus les médecins se découragent face au problème de l’approvisionnement, ils ne savent pas toujours où se procurer les phages et sont parfois réticents à l’idée d’administrer des phages produits de façons non GMP en provenance d’Europe de l’Est.
  • 50. 50 6. Conclusions et recommandations Après avoir analysé les données cliniques existantes et mis en perspective les avantages et les risques inhérents à la phagothérapie, il semble plus que raisonnable d’affirmer que le rapport bénéfice/risque de cette technologie est positif dans le cadre de la prise en charge de patients en impasse thérapeutique. Il est inadmissible de laisser comme seules opportunités l’amputation ou la mort à des patients qui pourraient tenter de se faire soigner via l’administration de bactériophages. Le gouvernement français doit réagir au plus vite s’il veut endiguer le tourisme médical vers les pays d’Europe de l’Est. Il faut agir vite mais de façon rigoureuse afin de ne pas reproduire les erreurs déjà commises dans le passé. Deux erreurs sont à proscrire tout particulièrement. La première concerne la production de phages, il faut imposer des normes GMP afin d’éviter une qualité hétérogène des lots qui conduirait à des résultats variables et décrédibiliserait la phagothérapie, comme cela fût le cas dans les années 1930. Une production GMP est également nécessaire afin de garantir l’innocuité des lots en s’assurant notamment de l’absence de tout contaminants bactériens ou de phages tempérés. La deuxième erreur historique à ne pas commettre est celle qui a été commise avec les antibiotiques, il faut utiliser les phages avec parcimonie et rigueur afin de limiter au maximum l’émergence de résistances. Parmi les actions à mener afin de favoriser l’émergence de la phagothérapie, il faut en tout premier lieu réglementer la phagothérapie au sein des textes de l’EMA et de la FDA afin de lever le flou juridique actuel qui décourage les investisseurs. Il semble cohérent pour ce faire de se baser sur le modèle réglementaire encadrant les vaccins saisonniers contre la grippe. Enfin, il faut motiver les big pharma et les capital-risqueurs à investir dans la R&D en phagothérapie. Face aux problèmes liés au brevetage du vivant, il faut que les politiques et l’OMS garantissent des droits d’exclusivité (dans le cadre d’une pathologie précise) aux industriels développant la phagothérapie afin de leur garantir une protection intellectuelle et donc un retour sur investissement. Enfin il faut financer des projets de recherche fondamentale afin de mesurer de façon plus précise les risques, notamment environnementaux, liés à une
  • 51. 51 utilisation à grande échelle de la phagothérapie. Les projets de recherche doivent se focaliser en premier lieu sur la compréhension des phénomènes liés à la coévolution rapide des phages et des bactéries. La phagothérapie a déjà raté son heure de gloire dans les années 1930. A l’époque le paradigme dominant était la chimie et les antibiotiques se sont tout naturellement imposés. Aujourd’hui le paradigme biotechnologique gagne du terrain et la phagothérapie qui était peut être en avance sur son temps, a désormais le contexte et les outils technologiques en sa faveur. Les avancées réalisées en biologie moléculaire, en génomique et en bioinformatique vont permettre d’encadrer au mieux son retour sur le devant de la scène. Il ne reste plus qu’à convaincre l’opinion publique et les politiques de l’intérêt de cette technologie au sein de notre arsenal thérapeutique. Espérons que la raison et l’innovation l’emportent sur la peur et l’excès de précaution.
  • 52. 52 Glossaire des termes techniques : ASMR : l'amélioration de service médical rendu est une évaluation utilisée par la commission de transparence de la Haute Autorité de santé (HAS) pour jauger l'intérêt d'un nouveau médicament dans l'amélioration du service médical rendu dans une stratégie thérapeutique1. Un médicament efficace pour une pathologie dans laquelle de nombreux traitements sont efficaces aura une amélioration de service médical rendu faible. A contrario, un médicament efficace pour une pathologie dans laquelle il n'existe pas de médicament efficace aura un service médical rendu important. Biofilm : membrane composée de micro-organismes adhérant entre eux et à une surface, et marquée par la sécrétion d’une matrice adhésive et protectrice. Choc anaphylactique : réaction allergique exacerbée, entraînant dans la plupart des cas de graves conséquences et pouvant engager le pronostic vital. Conjugaison bactérienne : la conjugaison est une méthode non sexuée utilisée par les bactéries afin de s'échanger des informations génétiques. Elle consiste en une transmission de plasmides de conjugaison d'une bactérie donneuse à une bactérie receveuse et, potentiellement, son intégration dans le génome de celle- ci. Cytokines : les cytokines sont des substances de signalisation cellulaire synthétisées par les cellules du système immunitaire, agissant à distance sur d'autres cellules pour en réguler l'activité et la fonction. Endotoxines : substances libérées par les bactéries lors de leur destruction. Gram+/- : la distinction entre bactéries Gram positif et bactéries Gram négatif repose sur une différence de composition pariétale. La paroi des bactéries Gram positif est riche en acide teichoïque, absent chez les bactéries Gram négatif et en acide diaminopimélique, moins abondant chez les Gram négatif lesquelles ont une paroi plus riche en lipides. Phage lytique : Phage produisant dans la bactérie une infection conduisant au cycle lytique. La bactérie est lysée et les particules virales nouvellement synthétisées sont libérées. Phages tempérés : Phage dont le génome peut s'intégrer dans l'ADN de la cellule hôte et en transformer les propriétés.
  • 53. 53 Plasmide : molécule d'ADN surnuméraire distincte de l'ADN chromosomique, capable de réplication autonome et non essentielle à la survie de la cellule. Rhizosphère : région du sol directement formée et influencée par les racines et les micro-organismes associés. Séquences CRISPR : l'acronyme CRISPR ou Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats désigne en génétique une famille de séquences répétées. Cette famille se caractérise par des séries de répétitions directes, courtes (de 21 à 37 paires de bases) et régulièrement espacées par des séquences, généralement uniques, de 20 à 40 paires de bases. Septicémie : infection généralisée de l'organisme, due à des microorganismes pathogènes de type bactérien. Système de restriction-modification : Système de défense des bactéries vis-à- vis des bactériophages, incluant des enzymes de restriction pour digérer l’ADN parasite et des enzymes de méthylation pour protéger l’ADN de la bactérie.
  • 54. 54 Abréviations : AMM Autorisation de mise sur le marché ASMR Amélioration du service médical rendu BHR Bactéries hautement résistantes BMR Bactéries multi-résistantes ECDC European Centre for Disease Prevention and Control EMA European Medicine Agency FDA Food and Drug Administration GMP Good Manufacturing Practises NDM1 New Dehli Metallo beta Lactamase 1 SARM Staphylocoque doré résistant à la méthicilline SNC Système Nerveux Central
  • 55. 55 Bibliographie ABEDON S, “Bacteriophages and Biofilms », Nova Publishers, 2011 ABEDON S, “Phage treatment of human infections”, Bacteriophage, 2011 BOUCHER H, “10x20 Progress – Development of New Drugs Actives against Gram Negative Bacilli: An Update From the Infectious Diseases Society of America, Clinical Infectious Diseases, 2013 BUDYNEK P, “Bacteriophages and cancer”, Arch Microbiol, 2010 CHAN B, “Phage Therapy Pharmacology, Phage Cocktails”, Advances in Applied Microbiology, 2012 CHAN B, “Phage cocktails and the future of phage therapy”, Future Microbiology, 2013 COTTER P, “Bacteriocins — a viable alternative to antibiotics?”, Nature Reviews Microbiology, 2013 DRULIS-KAWA Z, “Learning from bacteriophages – Advantages and Limitations of Phage and Phage-Encoded Protein Applications”, Current Protein and Peptide Science, 2012 DUBLANCHET A, “Brève histoire de la phagothérapie”, Médecine et maladies infectieuses, 2008 DUCRUET C, “L'abandon des antibiotiques par les industriels menace la sécurité sanitaire“, Les Echos, 13 Mai 2013, p.19 DUPONT P, “Le marteau et l’enclume“, Principes de Santé, n°57, Juin 2013 ELIAVA INSTIUTE, http://www.eliava-institute.org, consulté le 15 juillet 2013 FINCH R, “Regulatory opportunities to encourage technology solutions to antibacterial drug resistance”, Journal of Antimicrobial Chemotherapy, 2011 GRAVITZ L, “Turning a new phage“, Nature Medicine, 2012 GEEPhage, http://www.geephage.org, consulté le 16 août 2013 GSK, http://www.gsk.com/media/press-releases/2013/glaxosmithkline-awarded- up-to--200-million-by-u-s--government-to.html, consulté le 15 Juillet 2013 HAS, www.has-sante.fr, consulté le 25 Juillet 2013
  • 56. 56 HENRY M, “Tools from viruses: Bacteriophage successes and beyond”, Virology, 2012 INVS (Institut de veille sanitaire), http://www.invs.sante.fr/Dossiersthematiques/ Maladies-infectieuses/Resistance-aux-anti-infectieux/, consulté le 15 Juillet 2013 Intralytix, http://www.intralytix.com, consulté le 15 juillet 2013 KEEN E, “Phage therapy: concept to cure”, Frontiers in microbiology, 2012 KROPINSKI AM, “Phage Therapy – Everything old is new again”, Can J Infect Dis Med Microbiol, 2006 KUTTER E, “Phage Therapy in Clinical Practise: Treatment of Human Infections “, Current Pharmaceutical Biotechnology, 2010 LABRIE S, “Bacteriophage resistance mechanisms”, Nature Reviews Microbiology, 2010 Le LIEN, www. http://lelien-association.fr/, consulté le 16 août 2013 LOC-CARRILLO C, “Pros and cons of phage therapy”, Bacteriophage, 2010 MC CALIN S, “Safety analysis of a Russian phage cocktail: From MetaGenomic analysis to oral application in healthy human subjects”, Virology, 2013 ÖRMÄLÄ A, “Phage therapy: should bacterial resistance to phages be a concern, even in the long run?” Bacteriophage, 2013 PARRACHO H, “The role of regulated clinical trials in the development of bacteriophage therapeutics”, Journal of Molecular and Genetic Medicine, 2012 PIRNAY JP, “The Phage Therapy Paradigm: Prêt à porter or Sur-mesure ? », Pharm Res, 2011 PIRNAY JP, “Introducing yesterday’s phage therapy in today’s medicine”, Future Virology, 2012 POTERA C, “Phage Renaissance: new hope against antibiotic resistance”, Environmental Health Perspectives, 2013 POUILLOT F, “Genetically engineered virulent phage banks in the detection and control of emergent pathogenic bacteria”, Biosecurity and Bioterrorism: Biodefense Strategy, Practice and Science, 2010 POUILLOT F, “Phage therapy in E.coli meningitis”, Antimicrobial Agents and Chemotherapy, 2012
  • 57. 57 THIEL K, “Old dogma, new tricks – 21st Century phage therapy”, Nature Biotechnology, 2004 JOERGER RD, “Alternative to antibiotics: bacteriocins, antimicrobial peptides and bacteriophages”, Poultry Science, 2003 MERRIL C, “Long-circulating bacteriophage as antibacterial agents”, Proc. Natl. Acad. Sci, 1996 PAL C, “Coevolution with viruses drives the evolution of bacterial mutation rates”, Nature, 2007 PHAGESPOIRS, http://phagespoirs.unblog.fr, consulté le 16 août 2013 P.H .A.G.E, http://www.p-h-a-g-e.org/, consulté le 16 août 2013 Pherecydes Pharma, www.pherecydes-pharma.com, consulté le 15 juillet 2013 SALAUN B, “La sénatrice croit aux phages“, Le Télégramme, 25 mai 2013, p.15 TEILLANT A, “Les bactéries résistantes aux antibiotiques“, La note d’analyse, n°299, Novembre 2012 VERBECKEN G, “Optimizing the European Regulatory Framework for Sustainable Bacteriophage Therapy in Human Medicine”, Arch. Immol. Ther. Exp, 2012 WITTEBOLE X, “A historical overview of bacteriophage therapy as an alternative to antibiotics for the treatment of bacterial pathogens”, Virulence, 2013 WOOTTON L, “A new barrier at mucosal surfaces”, Nature Reviews Microbiology, 2013