2. Généralités
9 millions d’angines diagnostiquées / an en France
La majorité des angines est d’origine virale
Habituellement bénin, gravité potentielle liée à certaines
étiologies
Clinique = infection douloureuse et fébrile des amygdales
voire de l’ensemble du pharynx
Installation rapide
Fièvre (intensité variable)
Douleur constrictive spontanée de l’oropharynx
Odynophagie
Adénopathies satellites
Absence de toux
Examen de l’oropharynx différents types anatomocliniques
5. Étiologies
Enfants : 60-75% virales
25-40% SBHA (pic d’incidence entre 5 et 15 ans)
Adultes : 75-90% virales
10-25% SBHA
Virus +++ : rhinovirus, coronavirus, VRS, Myxovirus
influenzae et parainfluenzae, adénovirus, EBV, VIH (rare)
Bactéries :
Streptococcus pyogenes (SBHA) ++
plus rarement : autres streptocoques β-hémolytiques (C et G)
Arcanobacterium haemolyticum
Neisseria gonorrhoeae
6. Angines à SBHA : épidémiologie
Bactérie strictement
humaine
Réservoir pharyngé
Portage asymptomatique
chez :
5% des adultes
20% des enfants
25% entourage d’un cas
d’angine à SBHA
50% dans les épidémies
Transmission aérienne Fréquence des infections à
SBHA : enquête nationale (1995)
7. Streptococcus pyogenes
Famille des streptococcaceae
Cocci gram positif, disposés en
chaînettes
Immobile
Catalase négative
Aéro-tolérant culture sous CO2
Gélose au sang : β-hémolyse
Classification de Lancefield
propriétés antigénique du
polysaccharide C antigène A
8. Streptococcus pyogenes :
facteurs de virulence (1)
Capsule protection contre la
phagocytose
invisible à l’ED
parfois aspect muqueux
en culture
Protéines de surface
Protéine M
adhérence aux cellules épithéliales
+ inhibition de la phagocytose
100 types antigéniques (pouvoir rhumatogène ou néphro-
toxique associé à certains types M)
Acides téichoïques adhérence aux cellules épithéliales
Protéine F (= récepteur de la fibronectine) adhérence aux
cellules épithéliales
9. Streptococcus pyogenes :
facteurs de virulence (2)
Toxines
Toxines érythrogènes A, C (B et F)
= exotoxines pyrogènes
Conversion lysogénique
Activité superantigénique
scarlatine, syndrome de choc toxique
Streptolysines O et S = hémolysines
Streptolysine O (sensible à l’O2)
immunogène ASLO (diagnostic indirect)
Streptolysine S
Enzymes facilitent l’invasion + protection contre défenses de l’hôte
Streptokinase (fibrinolytique)
Streptodornase B (= DNase B) immunogène (diagnostic indirect)
Autre : hyaluronidase, C5a-peptidase, nicotinamide désaminase…
10. Angines à SBHA : clinique
Pas de distinction clinique entre angine virale et angine
streptococcique (sauf si scarlatine typique)
Évolution favorable en 4 jours le plus souvent
Formes érythémateuses
Oropharynx inflammatoire
du volume des amygdales
Formes érythématopultacées
Oropharynx inflammatoire
Enduit pultacé recouvrant les
amygdales
11. Angines à SBHA :
manifestations toxiniques
Scarlatine
= Angine streptococcique + une éruption cutanée due aux
toxines érythrogènes
Vomissements / tachycardie exanthème apparaissant au
bout de 24 à 48h suivi d’une desquamation entre le 8ème et
30ème jour + énanthème (cycle de la langue)
Choc toxique streptococcique
Rare (complique le plus souvent les infections cutanées ou
sous-cutanées), souches avec toxine érythrogène A le plus
souvent
Fièvre, hypotension, éruption scarlatiniforme, diarrhée,
défaillance multiviscérale et syndrome de détresse
respiratoire aiguë
13. Angines à SBHA : complications
septiques locorégionales
Incidence = 1%
Phlegmon périamygdalien
Fièvre élevée, odynophagie,
otalgie, trismus
Tuméfaction du voile du palais
+ œdème de la luette
Abcès rétropharyngé
Fièvre, dysphagie douloureuse + dyspnée
Adénophlegmon
Douleurs cervicales suivies d’un torticolis fébrile avec AEG
Cellulites cervicales
14. Angines à SBHA :
Syndromes post-streptococciques
Rhumatisme articulaire aigu (RAA)
Mécanisme auto-immun : parenté antigénique entre régions
de la protéine M et macromolécules tissulaires (laminine,
myosine, collagène) réactions croisées avec certains tissus
Sous-types M1, 3, 5, 6 et 18
Susceptibilité génétique probable (HLA DR2, HLA DR4)
Manifestations cliniques isolées ou associées
Survenue 15 à 20j après angine à SBHA
Signes généraux (fièvre/TD)
Atteinte articulaire (polyarthrite migratrice)
Atteinte cardiaque gravité du RAA
Endocarde = endocardite rhumatismale (Risque +++ d’endocardite
infectieuse)
Myocarde peut aboutir à une IC
Péricarde (pronostic favorable)
Atteintes cutanées
15. Angines à SBHA :
Rhumatisme articulaire aigu (RAA)
Risque = 1 à 3 % après angine à SBHA non traitée
Facteurs de risque :
Âge entre 5 et 25 ans
Antécédent personnel de RAA
Angines à SBHA récidivantes
Conditions socio-économiques défavorables
Vie en collectivité
Séjour en pays d’endémie de RAA
Prévention = antibiothérapie des angines à
SBHA
Réduction du risque
Importante de la fréquence dans PI (rôle également des
modifications socio-économiques + évolution des souches?)
En France : 10 cas/an
Fréquence qui reste élevée dans les PVD (et DOM-TOM)
16. Angines à SBHA :
Syndromes post-streptococciques
Glomérulonéphrite aiguë post-streptococcique
Le plus souvent post-infection cutanée (10 à 20j après)
Rare (150-200 cas/an en France)
Mécanisme : dépôt de complexes immuns lésions FG
Affinité de certains Ag streptococciques pour le glomérule
Sous-type M12
Preuves de l’efficacité de la prévention par ATB non apportées
Érythème noueux
Dermohypodermite nodulaire aiguë
Chorée de Sydenham
Survenue tardive (jusqu’à plusieurs mois après) et installation
progressive
Clinique : mouvements involontaires, anarchiques, diffus, bilatéraux
Régression spontanée en quelques mois
17. Diagnostic étiologique
Intérêt
Mise en place d’une antibiothérapie si SBHA
- prévention des complications
- limitation de la dissémination à l’entourage
- accélération de la guérison (24h)
Lutter contre la sur-prescription d’antibiotiques
Moyens diagnostiques
Scores cliniques (ex : score de Mac Isaac)
Tests de diagnostic rapide (TDR) du SBHA
Diagnostic bactériologique (prélèvement de gorge)
18. Tests de diagnostic rapide
du SBHA = Doctor’s test
Principe : tests immuno-chromatographiques rapides
détectant l’antigène A après extraction du polysaccharide C
Performances
VPN ≥ 96%
Tests d’élimination du diagnostic d’angine à SBHA
Rapidité (< 5 min) / simplicité diagnostic immédiat au
cabinet du médecin
Indications
Chez l’enfant à partir de 3 ans
Chez l’adulte si score de Mac Isaac 2
Spécificité ≥ 95%
Sensibilité ≥ 90%
VPP ≥ 90%
20. Diagnostic bactériologique :
prélèvement de gorge
Peu réalisé en pratique (délai de 1-2j)
Dans contexte angine aiguë ou en l’absence de
contexte, recherche de :
SBHA (Méthode de référence)
Streptocoques β-hémolytiques C et G
Arcanobacterium haemolyticum si rash cutané associé
Prélèvement
Écouvillonnage des amygdales (ou des piliers du voile du palais
et de la paroi postérieure du pharynx en cas d’amygdalectomie)
Avant antibiothérapie
Éviter tout contact salivaire
Si acheminement > 2h milieu de transport de type Stuart ou
Amies
2 écouvillons ED
Mise en culture
21. Diagnostic bactériologique
Examen direct (étalement sur lame)
Coloration de gram
Intérêt : mise en évidence de l’association fuso-
spirochétienne (Angine de Vincent)
Mise en culture
Choix des milieux en fonction du contexte
Angine aiguë ou absence de contexte : gélose sang
avec ou sans mélange inhibiteur, incubation sous CO2
(5-10%) ou en anaérobiose pendant 48h
Identification des germes avec pouvoir pathogène sur
le pharynx
Ne pas mentionner ni les bactéries commensales du
pharynx ni les bactéries de passage pathogènes dans
d’autres circonstances cliniques
22. Diagnostic bactériologique :
identification des streptocoques
Colonies β-hémolytiques
Cocci gram positif, en
chaînettes
Catalase négative
Groupage antigénique
Extraction enzymatique de l’Ag
(polysaccharide C) (37°)
Agglutination de particules de
latex sensibilisées avec des Ac
anti-groupe A, B, C, D, F et G
23. Diagnostic bactériologique :
antibiogramme
Sensibilité du SBHA aux antibiotiques
Pénicillines : toujours sensible à la pénicilline G
Macrolides (et kétolides)
Taux de résistance en augmentation (entre 20 à 30% en 2003)
Mécanismes : acquisition du gène ermB modification de
la cible (phénotype MLSB), efflux
Prescription après antibiogramme et restriction de leur
indication aux patients ayant une CI aux -lactamines
Réalisation d’un antibiogramme (prélèvement de gorge)
SBHA sur demande (utilisation des macrolides)
SBHC et G idem et fonction de la quantité de germes
Arcanobacterium haemolyticum
24. Antibiothérapie des angines
à SBHA (Afssaps, 2005)
Traitement :
TDR positif
Culture positive
Traitement historique de référence = pénicilline
V (Oracilline®) 10j (3 prises/j)
Privilégier les traitements courte durée pour
améliorer l’observance
Traitements symptomatiques : antalgiques/
antipyrétiques
Efficacité sur la prévention du RAA jusqu’à 9j
après début des symptômes
25. Antibiothérapie des angines
à SBHA (Afssaps, 2005)
Traitement recommandé = Amoxicilline 6j (2 g en
2 prises/j)
Allergie aux pénicillines sans CI aux
céphalosporines = C2G ou C3G orales
Céfuroxime axétil 4j
Cefpodoxime proxétil 5j
Céfotiam héxétil 5j
CI aux -lactamines
Macrolides (antibiogramme)
Azithromycine 3j
Clarithromycine 5j
Josamycine 5j
Pristinamycine au moins 8j de traitement
26. Récapitulatif : prise en charge
d’une angine aiguë (Afssaps, 2005)
Pas de facteurs
de risque de RAA
Traitement symptomatique :
antalgique et/ou antipyrétique
Négatif
Facteurs de
risque de RAA
Culture
Négatif
Antibiothérapie
Positif
Signes évocateurs d’une angine
TDR
Traitements courts
Antibiothérapie
Positif
27. Autres étiologies bactériennes
Arcanobacterium haemolyticum
Autres Streptocoques β-hémolytiques
Groupes C et G
Possible toxine érythrogène (conversion lysogénique)
scarlatine (exceptionnel)
Complications exceptionnelles
Pas de risque de RAA
Rares glomérulonéphrites aiguës
Neisseria gonorrhoeae
Formes pharyngées le plus souvent asymptomatiques
Bilan d’une IST (contexte)
Mise en culture sur géloses chocolat enrichies avec ou sans
inhibiteur (type VCAT)
Autres : Corynebacterium diphtheriae, Association fusospirillaire
28. Arcanobacterium haemolyticum
Anciennement Corynebacterium haemolyticum
Clinique :
Angine érythémateuse ou érythématopultacée
(pas de distinction clinique avec SBHA/virus)
+ rash scarlatiniforme dans > 30% des cas
+ adénopathie dans 50%
Surtout chez les 15-25 ans
Fréquence estimée : 0,5 à 3%
Complications exceptionnelles
Autre : infections cutanées (ulcères chroniques) et
exceptionnellement infections invasives surtout chez
diabétique/alcoolique/néoplasie (endocardite/
ostéomyélite/méningite/pneumonie/abcès)
29. Arcanobacterium haemolyticum
Bacille gram positif corynéforme
-hémolytique
Aéro-anaérobie facultatif
Immobile
Réservoir principalement humain (commensal
des voies aériennes supérieures et de la peau)
Transmission aérienne
Facteurs de virulence
-hémolysine
Neuraminidase
Phospholipase D cytotoxicité + dissémination de
l’infection
30. Arcanobacterium haemolyticum
Diagnostic
souvent après infections récidivantes
car diagnostic pouvant être mis en défaut
Mise en culture (prélèvement de gorge)
Géloses au sang sous CO2 48-72h
Sang de mouton : petites colonies avec
zone d’hémolyse étroite (visible souvent
après 48-72h)
Sang de lapin, cheval ou humain : colonies plus grosses
et hémolyse plus importante et plus précoce
2 aspects : colonies lisses-blanchâtres ou rugueuses-
grisâtres
Milieu Loeffler : aspect identique à C. diphtheriae mais
pousse mal sur milieu au tellurite
31. Arcanobacterium haemolyticum
Identification
Coloration de Gram
Catalase négative
Reverse camp test positif
Galerie d’identification
Séquençage (gène 16S)
Infection polymicrobienne
possible
32. Arcanobacterium haemolyticum
Antibiogramme et traitement
Sensible aux macrolides (Erythromycine,
Azithromycine), à la Gentamycine,
Clindamycine et aux Céphalosporines
Généralement sensible aux pénicillines mais
quelques échecs de ttt signalés
Résistant au Cotrimoxazole
Traitement par macrolides (Erythromycine)
Autre : pénicillines
36. Diphtérie : généralités
URGENCE diagnostique et thérapeutique
Angine pseudomembraneuse liée à une
souche toxinogène de Corynebacterium
diphtheriae
Rarissime en France mais toujours
endémique dans de nombreux pays en voie
de développement et en Europe de l’Est
37. Agent causal :
Corynebacterium diphtheriae
Bacille Gram positif, immobile, non capsulé,
non sporulé, aéro-anaérobie facultatif
Métabolisme fermentatif
Catalase +, Oxydase -
Germe exigeant :
Milieu de Loeffler (sérum de bœuf coagulé) :
colonies en taches de cire
Gélose sang : colonies de petite taille (1-2 mm),
hémolyse β inconstante
38. Milieux de culture
La culture nécessite de nombreux facteurs de croissance dont
le fer
Milieu de Loeffler
Milieu classique d’isolement
Permet une pousse sélectivement plus rapide (6h) de C.
diphtheriae que des autres germes de la flore oropharyngée
Milieu de Loeffler
stérile
Milieu de Loeffler
colonies de C. diphtheriae
39. Milieux d’identification
Milieu GHT (gélose, hémoglobine, tellurite)
Le tellurite de potassium inhibe la plupart des germes
commensaux
Les colonies de C. diphtheriae apparaissent noires par réduction
du tellurite.
Milieu de Tinsdale (sang laqué,
cystéine et tellurite)
Même principe que le milieu GHT, mais les
colonies de C. diphtheriae sont entourées d’un
halo noir par production d’H2S à partir de la
cystéine
Permet de différencier C. diphtheriae des autres
corynébactéries, qui sont H2S -
43. Toxine diphtérique
Exotoxine protéique de 62 kDa,
sécrétée en croissance
exponentielle et inhibant la
synthèse protéique de tous les
tissus (toxine pantrope)
Sécrétée sous forme de pro-
enzyme
Deux fragments A et B liés par
ponts disulfures
Trois domaines :
Domaine enzymatique
Domaine de fixation aux récepteurs
Domaine hydrophobe de
translocation trans-membranaire
Fragment B, 38 kDa
Fragment A, 24 kDa
44. Physiopathogénie
Sécrétion et diffusion par voie sanguine
Internalisation après liaison à un récepteur
ubiquitaire, le pro-HB-EGFL-R (heparine-binding
EGF-like receptor)
Activation par protéolyse
Inhibition de l’EF2 (Facteur d’élongation 2)
ribosomal
BLOCAGE DE LA SYNTHESE
PROTEIQUE
45. Régulation de la sécrétion
La toxine diphtérique est codée par le gène tox porté par un
phage bêta
Seules les souches lysogènes sont sécrétrices
L’expression du gène tox est régulée par un répresseur, codé
par le gène toxR porté par le chromosome bactérien
Ce répresseur nécessite la présence de fer ( > 100µg/l) pour
inhiber l’expression de tox
Le fer étant en très faible quantité
dans les sécrétions oropharyngées, la
toxine est sécrétée sans retenue
46. Diagnostic du caractère toxinogène : mise
en évidence du gène tox par PCR
Examen le plus couramment utilisé
Nécessite l’envoi des souches au CNR
(Institut Pasteur, Paris)
Utilisation d’amorces ciblant spécifiquement
les fragments A et B de la toxine
La PCR peut être effectuée directement sur
les prélèvements de fausses membranes
avec une sensibilité de 77 %*
*Development of a direct PCR assay for
detection of the diphtheria toxin gene.
H Nakao and T Popovic
J Clin Microbiol. 1997 July; 35(7): 1651–1655.
47. Epidémiologie
Réservoir strictement humain pour C. diphtheriae
Transmission aérienne par la salive
Endémique dans les PVD et l’Europe de l’Est
Incidence mondiale annuelle de 150 000 cas pour
4000 décès
En France : la dernière épidémie autochtone
remonte à 1989 dans l’Ariège (3 cas)
Deux cas isolés depuis, tous deux à Paris :
Un cas d’importation en 2002
Deux cas autochtones à C. ulcerans en 2003 et 2005
48. Un mot sur C. ulcerans…
C. ulcerans est une corynébactérie proche
de C. diphtheriae
Elle peut être infectée par le phage bêta et
sécréter la toxine pantrope
Son réservoir est animal (bovins, équins) ;
elle peut être responsable de zoonose
La transmission interhumaine est
exceptionnelle
50. Présentation clinique :
examen général
Angine diphtérique commune
Incubation inférieure à 7 jours
Début progressif, fébricule, dysphagie,
malaise
L’angine s’accompagne d’adénopathies
sous-angulo-maxillaires parfois
volumineuses et douloureuses ; on
parle de « bull-neck » ou de cou
proconsulaire
52. Examen endo-buccal
Amygdales recouvertes d’un enduit
blanchâtre, de blanc nacré à grisâtre
Ces fausses membranes sont adhérentes
et extensives
Elles sont composées de polynucléaires
englués dans la fibrine, et de nombreux
bacilles
Initialement localisées, elles s’étendent
dans tous les directions
54. Extension des fausses
membranes
Vers la luette et le nasopharynx
Voix nasonnée
Coryza séreux, puis mucopurulent et
hémorragique
Vers le larynx : le croup ou laryngite
diphtérique
Dysphonie avec toux et voix rauque
Puis toux et voix éteinte, risque d’asphyxie
Urgence thérapeutique (assistance ventilatoire)
A noter que des souches non toxinogènes de C. diphtheriae causent
également des angines à fausses membranes localisées : on ne
parle pas de diphtérie, et il n’y a pas d’extension au larynx
De nos jours, on parle de croup ou « faux croup » pour désigner la
laryngite virale sous-glottique de l’enfant
55. Manifestations toxiniques
La toxine bloque la synthèse protéique
de la plupart des tissus de l’organisme
Cependant, au plan clinique, les
manifestations sont principalement
cardiaques, neurologiques et dans une
moindre mesure, rénales
56. Atteinte myocardique
Elle réalise le syndrome malin
secondaire de Marfan, principale
cause de décès
Elle débute précocement, avant le dixième jour
On relève des troubles de la conduction et des
troubles du rythme à type d’extrasystoles, de blocs
auriculo-ventriculaires
Le risque de décès brutal est permanent et se
prolonge durant toute la convalescence
Des séquelles tardives (bloc de conduction) sont
possibles
57. Atteinte neurologique
Paralysie vélopalatine précoce (J15)
Trouble de la phonation
Paralysie de l’accommodation
Risque de fausse route
Annonciatrice de myocardite
Paralysies des membres, tardives (J30) :
Syndrome malin tardif de Grenet
Paralysies diffuses et extensives
Atteinte possible des nerfs crâniens avec paralysie des
muscles respiratoires
URGENCE THERAPEUTIQUE
Assistance ventilatoire
La cytochimie du LCR montre une dissociation albumino-cytologique
rappelant celle du syndrome de Guillain-Barré
Ces atteintes neurologiques sont régressives
58. Atteinte rénale
Plus rare que les atteintes myocardiques et
neurologiques, elle associe :
Protéinurie
Hématurie
Insuffisance rénale oligo-anurique
Elle est régressive
59. Conduite diagnostique
Diagnostic évoqué sur la clinique devant une angine
pseudo-membraneuse chez un patient de tout âge
non ou mal vacciné ayant séjourné récemment en
zone d’endémie
Le diagnostic différentiel de l’angine pseudo-
membraneuse est la mononucléose infectieuse
Signes cliniques supplémentaires : purpura du voile du
palais, éruption diffuse maculeuse, splénomégalie
inconstante
Signes biologiques : syndrome mononucléosique
Confirmation : MNI test, sérologie spécifique (IgM antiVCA)
60. Diagnostic de certitude
Prélèvement de gorge réalisé à l’écouvillon
au niveau de la lésion
Adressé en urgence au laboratoire de
microbiologie pour examen direct et
ensemencement sur milieux spécifiques
Le laboratoire doit être prévenu de la
suspicion de diphtérie
L’identification sera confirmée par le CNR
Diphtérie (Institut Pasteur) qui recherchera
le gène tox par PCR
61. Attitude thérapeutique
La diphtérie est une urgence thérapeutique
Le traitement repose sur la neutralisation de
la toxine par sérothérapie et sur l’élimination
de la source de toxine par antibiothérapie
L’hospitalisation est systématique, en
réanimation si besoin (croup, troubles du
rythme, détresse respiratoire)
62. Sérothérapie
On utilise un sérum antidiphtérique équin
Injecté le plus rapidement possible selon la
méthode de Besredka (administration
fractionnée sous surveillance pour éviter un
choc anaphylactique)
Ce sérum neutralise la toxine présente dans
le sang mais ne rétablit pas les fonctions
des cellules déjà atteintes
La vaccination en relais de la sérothérapie
est systématique car la maladie est peu
immunisante
63. Antibiothérapie
Pénicilline G ou A par voie
intraveineuse avec relais oral dès que
possible, pour une durée de 14 jours
Alternative : érythromycine
65. Prévention collective :
vaccination obligatoire
Généralisée en France depuis 1945
Inscrite au Programme Etendu de Vaccination de
L’OMS (PEV) depuis 1974
Obligatoire chez le nourrisson
3 injections à un mois d'intervalle à partir de l'âge de 2
mois, rappel entre 16 et 18 mois, puis à 6 ans, 11 ans et 16-
18 ans
Elle n’est plus recommandée dans la population
générale après l’âge de 18 ans mais reste
obligatoire chez les professionnels de santé
(une injection tous les dix ans)
Le taux de sujets correctement protégés diminue avec l’âge
74 % à 20 ans contre 33 % après 65 ans
66. L’anatoxine diphtérique
Elle est constituée du fragment A de la toxine
pantrope, traité par la chaleur, le formol et associée
à l’hydroxyde d’aluminium
Elle est fortement antigénique mais dénuée de
pouvoir pathogène
Aucune contre-indication
Les anticorps produits sont neutralisants et
protecteurs
L’anatoxine est le plus souvent associée aux
vaccins antitétaniques, coqueluche et poliomyélite
67. Prévention individuelle
Patient :
Isolement respiratoire
Levé après deux prélèvements de gorge
négatifs réalisés à 24 h d’intervalle après
arrêt des antibiotiques
Déclaration obligatoire auprès de la
DDASS
68. Prévention individuelle
Sujets contact :
Dépistage et traitement antibiotique
systématique (pénicilline / macrolide)
Rappel vaccinal par anatoxine
Voyageurs :
Rappel vaccinal recommandé pour les
voyageurs en zone d’endémie (ex-URSS, Asie
du Sud-Est…)
Le vaccin habituel est le Revaxis (Diphtérie-
Tétanos-Polio)
69. Résumé : en pratique
Angine pseudo-membraneuse chez un patient à risque
Prélèvement de gorge adressé en urgence au laboratoire en
précisant la suspicion diagnostique
Examen direct : forte présomption en cas de bacilles gram +
prédominants
Le traitement ne doit pas attendre la confirmation :
sérothérapie et antibiothérapie (pénicilline G ou A / macrolide)
Diagnostic bactériologique sur milieux spéciaux : milieu de
Loeffler puis isolement sur milieu de Tinsdale ; ou milieu
classique au sang et identification par galerie commerciale
Envoi de la souche au CNR pour recherche du gène tox par
PCR
Déclaration du cas auprès de la DDASS
Recherche, dépistage et antibioprophylaxie des sujets
contacts
71. Angine de Vincent
Décrite par Jean Vincent en 1896
Présentation clinique :
Mauvaise hygiène bucco-dentaire chez un adolescent ou
un adulte jeune
Examen buccal : ulcération unilatérale profonde,
recouverte de membranes grisâtres, souple
Rechercher un point de départ endobuccal (gingivite,
carie, péricoronarite)
Adénopathie satellite sous-angulomaxillaire homolatérale
Fièvre modérée
Odynophagie latéralisée
Haleine fétide +++
72. Diagnostic microbiologique
Se fait sur l’examen direct
Coloration de Gram de l’étalement sur lame
de l’écouvillonnage de l’ulcération
Met en évidence la prolifération de deux
commensaux de l’oropharynx : le bacille
fusiforme (Fusobacterium necrophorum)
associé à des spirochètes du genre
Borrelia, dits spirochètes de Vincent
73. Syndrome de Lemierre
Complication rare mais grave de l’angine de
Vincent
Classiquement liée à un retard diagnostique
(présentation atypique)
Extension de contiguïté vers la veine jugulaire
Thrombophlébite jugulaire septique :
Septicémie à Fusobacterium necrophorum
Emboles septiques gagnant le cœur droit puis la
circulation pulmonaire
74. Syndrome de Lemierre
Diagnostic : altération brutale de l’état général dans les
suites d’une angine méconnue ou traitée par
macrolides
Examen direct, hémocultures positives à F. necrophorum
Evolution sans traitement :
Endocardite infectieuse
Emboles paradoxaux
Choc septique
Traitement : C3G parentérale, relais oral par
clindamycine
76. Fusobacterium necrophorum
Bacille Gram négatif anaérobie, non
sporulé, non capsulé, de forme polymorphe
Famille des bacteroïdaceae : comprend
également Bacteroïdes et Leptothrix
77. Habitat et pathogénicité
Réservoir : homme et animaux, commensal
de l’oropharynx et du tube digestif
Pathogénicité : opportuniste après
effraction, baisse des défenses
immunitaires, déséquilibre de flore
Infection ulcérante, purulente ou
gangreneuse
Cas particulier : le Noma (stomatite
gangreneuse)
Pas de transmission interhumaine
78. Antibiothérapie
Sensibilité : pénicilline, clindamycine,
chloramphénicol, métronidazole
Résistance aux macrolides
Pas d’antibiogramme réalisé en pratique
Traitements de choix :
Pénicilline V 100 000 UI/kg/j pendant 10 jours
Alternative : métronidazole
79. Résumé : en pratique
Angine ulcérée unilatérale chez un adulte
jeune en mauvais état général
Eliminer une syphilis, une néoplasie
amygdalienne
Eliminer une complication (Sd de Lemierre)
Ecouvillonnage et étalement sur lame de
l’enduit recouvrant l’ulcère
Coloration de Gram
Mise en évidence de l’association
fusospirillaire
Pas de culture, pas d’antibiogramme
Antibiothérapie : pénicilline V 10 j
81. Présentation clinique
Absence de signes généraux
Notion de contage à l’interrogatoire
Examen buccal : ulcération peu profonde,
peu sensible, indurée
Présence d’une adénopathie satellite
indolore
82. Diagnostic microbiologique
T. pallidum n’est pas cultivable sur milieux
usuels
L’examen direct de la lésion n’est pas
recommandé en raison de la présence de
tréponèmes commensaux
Diagnostic indirect par sérologie J0 + J15 :
Test non tréponémique (VDRL)
Test tréponémique (TPHA, ELISA, FTA-Abs)
Traitement : pénicilline retard
83. Rappel – quatre entités
cliniques
Erythémato-pultacée
Virale
SBHA
Arcanobactérie
Forme trompeuse d’angine de
Vincent
Pseudo-membraneuse
Diphtérie
MNI
Vésiculeuse
Toujours virale
Ulcéro-nécrotique
Angine de Vincent
Chancre syphilitique
Hémopathie, agranulocytose,
cancer amygdalien
Notes de l'éditeur
Exanthème : éruption maculopapuleuse début au niveau du thorax et de la racine des membres, extension en 1-2j aux extrémités et sur le tronc en respectant les paumes et les plantes (fin piqueté rouge s’effaçant à la vitropression ou à l’étirement) ; aspect souffleté du visage (signe de Trousseau) ; prurit possible Énanthème : langue saburrale (enduit blanchâtre) puis desquamation de la périphérie au centre, aspect framboisée au 6ème jour, lisse au 9ème, normale au 14èmej.
Rappel sur flore de l‘oropharynx : staphylocoques non aureus, corynébactéries, S. aureus, Streptocoques oraux, pneumocoque, SBHA, Neisseria, Moraxella catarrhalis, Haemophilus, Stomatococcus
En 2001 : 8% de R aux macrolides Kétolides : même mécanisme de R que les macrolides mais fréquence moins importante (1 à 22%)
L’immunité vaccinale nécessite un titre d’anticorps supérieur à 0.1 UI/ml Une étude de séroprévalence réalisée en 1994 a montré que 49 % des patients âgés de 15 ans et plus avaient un titre protecteur Le taux de sujets protégés diminuait avec l’âge : 74% de 15 à 39 ans, 46% de 40 à 64 ans, 33% au-delà de 65 ans* *VINCENT-BALLEREAU F, SCHRIVE I, FISCH A et al. Immunité antidiphtérique de la population française adulte d'après une enquête sérologique multicentrique - B.E.H 1995;15:65-6
Le genre Fusobacterium comprend les espèces suivantes : F. necrophorum , le plus virulent F. mortiferum F. nucleatum , le plus fréquemment isolé Autres : F. varium, F. gonidiaformans , F alocis, F. pseudonecrophorum, F. salci, F. ulcerans