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D.U. Gestion et résolution des conflits, négociation et médiation/ 2014 
Université Paris Descartes 
Du Burn-Out chez les éducateurs 
(L’épuisement professionnel, 
Comment faire face ? ) 
Barbara Graebling
SOMMAIRE 
INTRODUCTION 1 
PREMIERE PARTIE – Vers une définition du burn out 2 
I -Le burn out ou épuisement professionnel (constat) 2 
II – Le stress 4 
1) L’approche physiologique et comportementale 4 
2) L’approche cognitive 6 
III – L’investissement professionnel 8 
1) La motivation 9 
2) L’auto-détermination 11 
3) Le soi 14 
IV – L’épuisement professionnel 15 
1) L’individu (travaux de H.Freudenberger) 16 
2) L’organisation (travaux de C.Maslach) 18 
3) Burn Out et métiers de la relation d’aide - Rapport d’UNIFAF 20 
4) Synthèse 22 
DEUXIEME PARTIE – les entretiens 24 
I – Analyse des entretiens 24 
II – Discussion 36 
TROISIEME PARTIE – Comment faire face ? 40 
I – Pourquoi lutter contre le burn out 40 
II – La posture des cadres de proximité 41 
1) Donner du sens 42 
2) Construire un programme 43 
3) Dialoguer 44 
III – Les professionnels de terrain 45 
1) L’éthique 46 
2) La relation éducative 49 
CONCLUSION 52 
BIBLIOGRAPHIE 53
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INTRODUCTION 
Exerçant auprès de professionnels des métiers du social et du médico-social, je fais le désolant constat, chez un grand nombre d’entre eux, de leur état d’épuisement ou de leur banalisation des actes professionnels. 
J’ai voulu comprendre quelle pouvait être l’origine de ce malaise. En effet, ces professions se font généralement avec un vrai choix d’engagement et voir après quelques années de pratique, des personnes assez désespérées, ne comprenant plus le sens de leur travail et peu valorisées par leur métier est assez questionnant. Il est important, particulièrement lorsque l’on travaille avec des êtres humains, d’être enthousiaste et d’aimer ce qu’on fait. 
J’ai tout d’abord tenté de comprendre le phénomène du stress, comment il survient ? Comment les individus peuvent ou non le gérer. ? Toujours dans cette ligne, je me suis interrogée sur le fonctionnement de la motivation pour comprendre quel est le moteur de l’investissement dans la vie professionnelle. Ensuite, j’ai consulté les ouvrages et cherché à saisir l’esprit de deux auteurs particulièrement reconnus car ayant ouvert l’un et l’autre le champ des recherches sur l’épuisement professionnel. Tous deux ont orienté leur travail de façon un peu différente. H.Freudenberger se questionne plutôt sur l’individu alors que C.Maslach attribue les raisons de l’épuisement aux organisations. Puisque je parle ici des professionnels du social et du médicosocial il m’a paru intéressant de consulter le rapport de l’UNIFAF (OPCA des métiers du social) qui a fait un travail riche sur ce sujet. 
Dans un deuxième temps j’ai ouvert un fil de conversation sur le forum LeSocial.fr afin de vérifier auprès de professionnels anonymes ce qu’ils pouvaient exprimer à propos du burn out. Ils avaient tous quelque chose de pertinent à en dire, ce qui m’a confortée dans l’idée de mener des entretiens. J’ai donc rencontré 6 professionnels pour mener des entretiens semi-directifs. J’ai analysé leurs propos à partir des éléments théoriques exposés en première partie. 
A partir de cette analyse, j’ai essayé de dégager des points importants qui semblent poser problème dans la pratique professionnelle et participer au stress et au découragement. Je souligne succinctement dans la troisième partie, les éléments qui me sont apparus dans les entretiens comme devant faire l’objet d’une réflexion et je suggère des pistes pour alimenter cette réflexion, autant pour les cadres intermédiaires (les chefs de service) que pour les professionnels.
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Première partie - Vers une définition du burn out 
I - Le burn out ou épuisement professionnel (constat) 
Après une carrière dans le social (établissement accueillant des adolescents en situation familiale difficile), j’exerce différentes activités dont l’accompagnement de candidats à la validation des acquis de l’expérience. J’accueille des candidats de toutes professions mais en raison de ma spécialisation dans les métiers du social et du médico-social, les candidats viennent majoritairement de ce champ professionnel. Les postulants au diplôme souhaitent obtenir soit le diplôme de moniteur-éducateur, soit compléter celui-ci déjà obtenu en préparant le diplôme d’éducateur spécialisé. Ce sont des métiers de la relation d’aide. 
Ces professionnels accompagnent des publics en difficulté, publics très diversifiés avec quelquefois des modes d’accueil, là aussi très diversifiés. Le champ social comprend l’accompagnement d’enfants ou d’adolescents dont la situation familiale compromet leur éducation voire les met en danger. L’accompagnement peut se faire dans le cadre familial ou dans un établissement dans lequel ces jeunes sont accueillis. Les adultes en rupture sociale peuvent également bénéficier d’aide avec par exemple un accueil en Centre d’hébergement collectif ou individuel. Dans le champ médico-social, il s’agit de l’accompagnement de personnes bénéficiant d’un statut accordé par la Maison Départementale du Handicap. Des enfants déficients, souffrant de trouble(s) du développement, ou inadaptés à la vie sociale et scolaire peuvent être soit accompagnés dans leur vie scolaire et familiale soit accueillis dans des établissements spécialisés. Des personnes adultes souffrant de handicap peuvent également être accueillies en établissement ou bénéficier d’accueil en journée. Ces exemples ne sont absolument pas exhaustifs mais permettent de balayer succinctement ces deux champs de travail. 
Dès les premiers candidats reçus, j’entends des plaintes régulières sur les difficultés à exercer leur métier. Les conflits professionnels ne doivent pas apparaître dans les écrits de la VAE et bien que ces professionnels soient informés sur la nécessaire coupure à faire entre leur vécu et la réflexion sur les éléments de la prise en charge du public, je reste attentive à leurs propos. Manifestement ça déborde ! 
Un nombre important parmi les, environ, 30 candidats que j’ai accompagnés en individuel au cours des 3 dernières années, me font part de leur constat de ne pas être entendus, d’avoir le
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sentiment de ne pas être pris en compte. Généralement cette plainte s’adresse à leur hiérarchie mais quelquefois il semble que l’équipe ne soit pas solidaire et que le travail se fasse difficilement ensemble, chacun restant sur ses gardes vis-à-vis de ses collègues. Le travail avec les salariés des autres professions s’avère aussi compliqué. Il n’y a pas de compréhension des rôles et des différences de rôle chacun s’arrogeant les compétences du savoir. Puis ce qui apparaît dans le discours c’est le manque de reconnaissance et souvent, la motivation qui a conduit à s’engager dans l’obtention du diplôme (que ce soit moniteur éducateur ou éducateur spécialisé) est d’être enfin reconnu. Certains espèrent même pouvoir trouver un autre emploi, ayant désinvesti l’accompagnement de leur public. Leur travail semble ne plus avoir de sens. 
Parallèlement à ces accompagnements en individuel, j’interviens dans une école du travail social pour des candidats qui bénéficient de quelques heures complémentaires de formation collective pour cette validation des acquis. Le thème du cours qui m’est attribué est « expression et valorisation » J’ai, dans ce cadre, rencontré une cinquantaine de professionnels. Le groupe ne permet pas d’entrer dans des considérations plus personnelles mais lorsque j’aborde la question de l’exercice du métier et que je questionne pour repérer les actions mises en place et la manière dont elles ont été construites je remarque qu’il est souvent très difficile d’obtenir des réponses. Ces professionnels ne comprennent pas de quoi je parle, ils se regardent et manifestement se demandent si nous pratiquons la même langue. Je donne quelques exemples possibles et là, généralement, les personnes saisissent enfin mon propos, mais réagissent par : - mais, c’est banal !!! La banalité dont ils parlent est en fait toute la richesse de leur métier mais elle est mise de côté. La pratique, l’accompagnement, la relation, les actions quotidiennes, toutes les idées qu’ils ont pour inventer, trouver des pistes, pour aider les personnes ne semblent pas avoir d’intérêt. Bref, tous les éléments dont on dit qu’ils sont le coeur du métier sont banalisés. L’accompagnement spécifique en fonction des publics demande une adaptation constante pour aider les personnes à progresser et à s’intégrer. Apprendre les rapports humains, les rapports sociaux, les échanges, demande souvent de la part des professionnels un peu d’inventivité : modifier des règles sportives pour faire pratiquer collectivement des enfants dits « inadaptés », créer des jeux pour que des adolescents handicapés apprennent à gérer un budget, organiser des sorties pour des personnes handicapées et les ouvrir à la culture, préparer des repas avec des adolescents pour partager avec eux des moments chaleureux, prendre le temps de s’installer autour d’un café avec des familles en centre de réinsertion sociale pour leur permettre de parler tranquillement de leurs inquiétudes.
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Comment ne pas faire le lien entre cette appréciation dévalorisée de leurs actions quotidiennes avec l’idée qu’ils se font de leur métier et par extension, d’eux-mêmes ? 
Ils sont manifestement épuisés, certains sous traitements anxiolytiques, d’autres ont déjà dû être en arrêt maladie. Beaucoup se disent stressés. 
Manque de reconnaissance, absence de définition claire de leur métier, peu de sens donné aux actions, difficultés à travailler avec les autres professionnels, peu ou pas de dialogue avec la hiérarchie semble être le tableau récurrent qui apparait avec l’épuisement et la démotivation. Quels éléments théoriques peuvent aider à comprendre ? 
II - Le stress 
Définition de l’agence européenne pour la sécurité et la santé au travail : Le stress est ressenti lorsqu'un déséquilibre est perçu entre ce qui est exigé de la personne et les ressources dont elle dispose pour répondre à ces exigences. 
Le stress peut-être défini, soit comme la réponse de l’organisme exposé à des situations potentiellement nocives, soit comme le résultat d’une interaction entre l’individu et son environnement ou encore, la conséquence d’une transaction dynamique entre l’individu et la situation. 
1 – l’approche physiologique et comportementale 
C’est d’abord une explication biologique qui définit le stress comme le syndrome d’adaptation. (Hans Selye, 1956). Selye définit deux types de stress : le stress aidant et le stress nuisible. Le stress aidant est bénéfique pour l'organisme humain (« eustress ») car il permet d’agir – la parole étant considérée comme action - ce qui est nécessaire pour maintenir son équilibre. En revanche le stress est nuisible, (« dystress ») dans les situations où l’on est empêché d’agir, par manque de moyen, d’information ou par évaluation faussée de la situation. L’organisme a pour objectif de maintenir son équilibre interne (homéostasie) Pour maintenir ou retrouver cet équilibre, Selye propose un modèle, le syndrome général d’adaptation qui se déroule en trois étapes : 
a) la réaction d’alarme, - réponse de l’organisme face à la perturbation. L’individu mobilise ses ressources.
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b) la phase de résistance et d’adaptation - recharge des moyens de défense utilisés dans la première phase 
c) la phase d’épuisement – Soit les ressources sont suffisantes et l’individu retrouve son niveau de résistance normal – soit les ressources sont épuisées, ou l’agression dure dans le temps et l’adaptation devient impossible. 
Pour Henri Laborit, le stress est lié à l’inhibition de l’action, comme il le démontre dans une expérience de laboratoire : 
Cette expérience se fait en 3 temps : 
a) Un rat est placé dans une cage. Un signal annonce que le sol va être électrifié. L’animal trouve très vite la solution pour entrer dans une cage mitoyenne dont le sol n’est pas électrifié. Dans cette situation, aucun stress n’apparaît. 
b) Un rat est placé dans une cage dont le sol est électrifié mais il n’a aucune solution pour y échapper. L’action est inhibée. Le rat ne peut ni agir, ni fuir. La situation provoque une hypertension. Si l’expérience est stoppée et la tension vérifiée un mois après, elle n’a quasiment pas changé. La situation a provoqué une hypertension chronique. Si le rat est disséqué, on découvre un ulcère à l’estomac. 
c) Deux rats sont placés dans la cage sans possibilité de s’échapper. Ils deviennent agressifs et se battent. Dans cette situation, Il n’y a pas de traces physiologiques de stress, comme dans la première situation. Les comportements agressifs peuvent paraître inadaptés mais il s’agit cependant d’une action qui permet d’évacuer le stress. 
Ensuite il stipule qu’il y a deux attitudes possibles dans l’inhibition de l’action « celle de l’attente en tension dans laquelle un espoir existe encore de pouvoir contrôler l’environnement (elle est à l’origine de l’anxiété), et celle de la dépression dans laquelle il y a un abandon de tout espoir. » (document internet olivier.hammam.free.fr/ Extrait de la colombe assassinée de Laborit ) 
On retrouve ici la description faite par les professionnels qui tentent de sortir d’une situation stressante dont ils ont bien repéré tous les symptômes et dans laquelle ils ont l’impression d’être coincés. La recherche d’obtention du diplôme pour changer de lieu de travail va bien dans ce sens.
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Barbara Bonnefoy confirme que le stress peut expliquer le comportement d’engagement dans le conflit. 
Cependant, un agent stresseur déterminé n’appelle pas une réponse spécifique. Cette explication physiologique et comportementale d’une adaptation à des agents stresseurs ne tient pas compte des différences individuelles et des interactions avec le milieu. 
2 – l’approche cognitive 
Pour l’approche cognitive, ce ne sont pas les agents stresseurs qui sont seuls à l’origine du stress mais la façon dont l’individu va les appréhender et les gérer. Un même agent peut être source de stress pour certains mais source de défi et de dépassement de soi pour d’autres. Il ne s’agit donc pas d’une simple réaction stimulus-réponse dans laquelle toutes les situations provoqueraient une réaction identique mais l’interaction entre certaines caractéristiques de l’individu et du contexte qui sont sources de conflit ou qui génèrent des comportements d’ajustement. 
 Dans la définition du lieu de contrôle – ou LOC - l’évaluation du stress peut être liée à la 
façon dont l’individu en attribue la cause soit comme indépendant de sa volonté, il ne peut agir sur la situation, on parle alors de lieu de contrôle externe, soit il se considère comme pouvant agir sur la situation, on parle alors de lieu de contrôle interne (Rotter 1966). 
 Pour Bandura (1977) c’est le sentiment d’auto-efficacité personnelle qui permet de modeler l’environnement. Ce sentiment renvoie à la confiance que le sujet a en ses capacités, notion proche de l’estime de soi, alors que le lieu de contrôle interne/externe renvoie plutôt à un trait de personnalité acquis par apprentissage social. 
 L’attitude des individus face à une situation possiblement stressante en modifie la perception. L’anxiété-trait est un élément durable de la personnalité qui accentue les potentialités d’une situation stressante en l’évaluant comme dangereuse voire menaçante. L’anxiété-état est plus épisodique et reste cadrée dans le temps. 
 L’endurance (Hardiness) correspond au sens de la maîtrise personnelle face aux évènements et à penser que les problèmes sont des défis plus que des menaces. 
Les modèles interactionnistes dépassent donc ceux impliquant des relations causales linéaires. C’est bien la rencontre entre l’individu et le contexte qui peut être pathogène ou salutogène et non les facteurs pris séparément. Cependant, cette conception implique que ce seraient ces facteurs qui auraient une fonction protectrice ou pathogène. Un autre modèle : le modèle
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transactionnaliste prend en compte l’individu et le contexte dans une relation qui permet la modification de l’un et de l’autre dans un mouvement dynamique. 
Ce modèle est introduit par Lazarus et Folkmann (1984) (in Psychologie de la santé M. Bruchon- Schweitzer – Dunod - 2002 - ; Le stress, Laurent Guillet – De Boeck 2012) Les trois niveaux de stress y sont inclus: social, psychologique, et physiologique. L’individu et son environnement sont compris dans une relation dynamique interagissante, le stress étant l’écart entre les exigences situationnelles et les capacités d’un sujet, réelles ou perçues. 
Dans ce modèle, le processus d’évaluation donne une signification à la situation. Les variables personnelles : valeurs, croyances, responsabilité, ressources influent sur la perception de la situation qui elle-même peut impliquer des pressions sociales, être ambigüe ou menaçante, … en fait, représenter un contexte subjectif. Les stratégies d’ajustement mises en place pour faire face à la situation : réponses cognitives, émotionnelles et comportementales tendent à, soit modifier la situation soit modifier l’individu qui vit la situation. 
On remarque régulièrement dans les descriptions des professionnels cet écart entre leurs valeurs personnelles et les ressources avec les attentes de l’institution. 
L’évaluation se fait en plusieurs phases : L’évaluation primaire correspond au stress perçu (modifications physiologiques), l’évaluation secondaire au contrôle perçu (sentiments positifs ou négatifs), puis une phase de réévaluation (importance des conséquences). Dans le stress perçu, la subjectivité de la situation est aussi évaluée en fonction des ressources disponibles. Le contrôle perçu est une croyance qu’a l’individu d’avoir ou non les ressources suffisantes pour gérer la situation. Un degré élevé de contrôle perçu favorise un bon ajustement au travail mais un degré peu élevé de contrôle perçu peut être compensé par le soutien social perçu. Le soutien social perçu n’est pas le soutien réellement reçu mais l’évaluation, là aussi subjective, satisfaisante ou non, qui est faite des ressources sociales potentiellement disponibles face aux exigences de la situation vécue comme stressante. Cette évaluation se fait en termes de disponibilité et/ou de qualité de l’aide possible. Une évaluation positive atténue l’impact d’un évènement, d’autant plus si ce soutien perçu est considéré comme un soutien de qualité. Il renforcerait alors le contrôle perçu et encouragerait l’individu à adopter des stratégies actives face aux évènements (stratégies centrées sur le problème) plutôt que des stratégies passives (stratégies centrées sur l’émotion) Ces stratégies d’ajustement aux situations stressantes sont définies sous le terme de coping (to cope = faire face) Lazarus (1966) D’abord identifié aux concepts de défenses associés à la psychanalyse, le coping a un rôle complémentaire de celles
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ci. Les défenses agissent pour réduire la tension liée à des conflits intrapsychiques ou à d’anciens évènements de vie. Leur action est inconsciente, rigide et distord généralement la réalité. Pour certains auteurs, il est nécessaire d’y inclure les stratégies, conscientes et inconscientes de régulation émotionnelle et de résolution de problème pour s’ajuster à un évènement actuel perçu comme menaçant. Inscrit dans la perspective transactionnaliste de gestion du stress, c’est un processus multidimensionnel, qui aide à faire face aux différents aspects mais aussi aux différents enjeux des situations et adapté au contexte. Les stratégies d’ajustement utilisées peuvent être cognitives ou comportementales, centrées sur le problème ou centrées sur l’émotion. 
Les stratégies centrées sur l’émotion dites stratégies passives ou évitantes, peuvent être positives dans les situations incontrôlables. C’est plus l’adéquation de la stratégie à la situation qui est essentielle. Une stratégie centrée sur l’émotion, par exemple : relaxation, activité sportive pour évacuer le stress dans une situation sans contrôle possible est préférable à une stratégie centrée sur le problème alors que les connaissances ou moyens pour résoudre la situation ne sont pas à disposition. Si l’individu dispose des moyens nécessaires pour résoudre le problème, ou bien lorsqu’il a la possibilité de les rechercher, les stratégies dites actives ou vigilantes, c'est-à-dire centrées sur le problème sont plus adaptées. 
Le peu de distanciation inévitable dans les métiers de la relation d’aide mais aussi l’engagement affectif incontournable ne favorise pas la réflexion nécessaire pour construire des stratégies adaptées. La recherche des moyens pour construire une action centrée sur le problème nécessite un travail en collaboration qui est souvent rendu impossible par la non prise en compte du stress vécu dans le quotidien par les professionnels et de l’engagement relationnel. 
Malgré toutes les difficultés rencontrées dans la vie professionnelle dont le stress est un élément important, qu’est-ce qui engage tant dans un métier ? 
III - L’investissement professionnel 
Différents éléments sont à prendre à compte et celui qui parait central pour les organisations et pour les managers, c’est la motivation des personnes.
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1) La motivation 
La motivation est le moteur ou la force interne qui nous fait agir et qui induit nos comportements de façon durable. La motivation est changeante, elle évolue pour une même personne, dans le temps ou en fonction de circonstances. Elle peut se définir comme étant le facteur de déclenchement de l’activité, de la direction de l’activité, de l’intensité et de la persistance du comportement. Différentes théories expliquent ce qu’est la motivation mais probablement qu’aucune à elle seule ne peut être un modèle définitif et unique. 
 Les premières explications concernent la réduction des besoins physiologiques afin de maintenir au mieux l’équilibre homéostasique de l’organisme par la recherche d’apaisement ou l’évitement des tensions. 
 Pour la psychanalyse c’est l’expression des désirs cachés qui se sont noués, dès l’enfance, sur des objets d’investissements. 
 Pour l’approche comportementale c’est le cadre des théories de l’apprentissage qui explique la motivation par un comportement appris. 
 Dans le cadre des motivations sociales, on trouve le besoin d’accomplissement. Ce besoin vise autant une satisfaction personnelle qu’une reconnaissance sociale. 
 Dans le cadre de la psychologie humaniste c’est la pyramide de Maslow et ses différentes étapes qui expliqueraient le ressort de la motivation. Les besoins sont hiérarchiquement organisés et la satisfaction de l’un permettrait de passer à l’étape suivante. Les besoins élémentaires situés en bas de la pyramide représentent les besoins physiologiques, puis viennent les besoins concernant la sécurité matérielle, l’affection et l’acceptation par les autres puis les besoins cognitifs et enfin la réalisation de soi. 
 La psychologie sociale prend en compte l’effet combiné de la situation et de la personne. 
La motivation centrale sur laquelle s’adossent toutes les autres, est le besoin d’appartenance à un groupe « l’appartenance à un groupe aide les individus à survivre psychologiquement et physiquement » (Susan Fiske 2008 page 29) 
Après la nécessité d’avoir des relations fortes et stables qui caractérisent ce besoin d’appartenance, Susan Fiske (2008) classe les motivations en deux catégories les motivations plutôt cognitives : comprendre et contrôler les motivations plutôt affectives : se valoriser, faire confiance
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Comprendre : comprendre son environnement afin de pouvoir agir ou réagir en cas de nécessité et comprendre pour donner du sens. Les échanges de théories explicatives des évènements entre les personnes et la construction d’éléments communs qui font ensuite référence sont une élaboration des représentations sociales. Cette compréhension partagée permet de s’adapter à la vie dans le groupe. 
Contrôler : se sentir compétent et efficace, avoir des responsabilités, savoir que l’on peut obtenir du soutien en cas de nécessité. Chacun aspire à comprendre le lien entre le comportement et les résultats. Si tel n’est pas le cas, les gens recherchent les informations et font des efforts constants pour prendre la situation en main et tenter de réussir à atteindre leurs buts. Un certain nombre d’études démontrent que les personnes qui contrôlent la situation dans leur environnement sont en meilleure santé et se sentent plus heureux. 
Comprendre et contrôler sont de nature cognitive et « concernent avant tout, la prise d’information, les pensées, les croyances, ainsi que la résolution de problème » (Susan Fiske 2008 page 35) 
La valorisation de soi : estime personnelle et possibilité de se perfectionner – besoin de s’accomplir. Le Feed back positif aide à se sentir bien au sein du groupe, cimente les relations et participe à la continuité et l’équilibre du groupe 
La confiance, forme d’intelligence sociale, contribue à la vie dans les groupes en facilitant les échanges d’information et les ressources. Elle permet aussi une entraide pour éviter les difficultés. Faire confiance permet de percevoir le monde comme bienveillant alors que l’absence de confiance génère un climat d’insécurité. 
 Dans le cadre de la psychologie cognitive, E.L. Deci et R.MRyan (2005) ont étudié l’impact des besoins d’autonomie et de compétence sur la motivation individuelle pour laquelle ils distinguent deux types de motivation : la motivation extrinsèque et la motivation intrinsèque. La motivation extrinsèque s’appuie sur les avantages dérivés de l’activité comme le salaire, une promotion ; pour les enfants ou les étudiants, des bonnes notes ou la réussite aux examens. (causalité externe) La motivation intrinsèque représente le plaisir que procure une activité, comme satisfaisant le besoin de se réaliser, le besoin d’autonomie ainsi que le besoin de se sentir compétent. (causalité interne) Etre compétent implique de développer ses capacités par l’accumulation de connaissances et d’expérimentation afin d’interagir
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avec son milieu (professionnel par exemple) mais également à rechercher la maîtrise des compétences. 
Ces chercheurs ont développé plus avant ces concepts, dans le cadre de la théorie de l’autodétermination. 
2) L’auto détermination 
Naturellement porté vers le défi, l’intégration de nouvelles connaissances, la recherche de liens sociaux, l’individu interagit avec son environnement qui favorise ou entrave ses potentialités. 
Pour la théorie de l’autodétermination la réalisation de soi est le critère d’existence de bien être. 
La réalisation de soi passe par la satisfaction des besoins psychologiques fondamentaux : autonomie, compétences, relations aux autres, 
satisfaction qui facilite la croissance, l’intégrité et le bien-être. L’autonomie c’est décider soi même de son action et pouvoir la réaliser ; la compétence renvoie au sentiment d’efficacité personnelle et de maîtrise de l’environnement ; la relation aux autres comprend l’appartenance et le sentiment d’avoir de la valeur pour d’autres personnes. 
Ces besoins sont la source de l’énergie humaine et la recherche de leur satisfaction est un but qui fournit le sens de l’activité. 
On retrouve ici la motivation comme moteur de l’activité. Il est possible de classer plusieurs types de régulation de la motivation sur un continuum qui comprend une échelle de six indicateurs ( Ryan et Deci 2002) : 
trois types de régulation considérés comme autodéterminés : Motivation intrinsèque, Motivation extrinsèque avec régulation intégrée et Motivation extrinsèque avec régulation identifiée (motivations autonomes) 
et deux types comme contraintes : Motivation extrinsèque avec régulation introjectée, Motivation extrinsèque avec régulation externe (motivations contrôlées) 
Et pour terminer l’amotivation.
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Les motivations autonomes : 
La motivation intrinsèque : on accomplit des tâches dont la réalisation apporte en elles- mêmes la satisfaction et en se sentant à l’origine du comportement. Un feed-back positif augmente la motivation intrinsèque en informant sur les compétences, mais un évènement extérieur, incitateur à la réalisation de la tâche qui déplacerait la motivation vers une causalité externe a un effet de désinvestissement, l’individu ressentant son action comme contrôlée de l’extérieur. Cependant, le climat dans lequel les évènements extérieurs interviennent est prépondérant pour l’interprétation qui en sera faite et donc pour leurs effets. 
Régulation intégrée : La motivation extrinsèque est totalement intégrée à la personnalité, aux valeurs, à l’identité même. Le comportement est en harmonie avec les valeurs et se maintient durablement. 
Régulation identifiée ; les tâches à réaliser sont comprises comme une nécessité, acceptée et reconnue. Même si elles ne sont pas agréables à exécuter elles sont considérées comme importantes pour la réalisation de certains objectifs ou concordant avec les valeurs personnelles. Cette étape participe à l’intégration des moeurs, des coutumes et des valeurs sociales. 
Les Motivations contraintes : 
Régulation introjectée : Il y a un certain accord entre la valeur personnelle et la réalisation des tâches attendues ou exigées par l’environnement. Par exemple, atteindre tel objectif permettra de s’identifier comme bon professionnel. Le contexte peut donc permettre de faire ressortir un intérêt personnel. Il s’agit ici d’une pression interne afin d’éviter une culpabilité ou satisfaire des attentes sociales afin de satisfaire un sentiment de valeur personnel, mais les contraintes n’ont pas été totalement appropriées comme faisant partie de soi. 
Ce n’est pas le cas de la Régulation externe qui engage dans l’action pour éviter un problème ou par obligation de conformité. Si la pression externe disparait, le comportement n’est pas maintenu durablement. Elle répond aussi à la fonction économique du travail. 
A l’extrême du continuum on trouve l’amotivation, absence totale de motivation, concept proche de la résignation acquise. 
Les personnes ayant une forte motivation autonome sont en meilleure santé, plus énergiques, mieux investies dans leur vie professionnelle. Corrélativement, les personnes qui ont un indice
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plus élevé de motivation contrôlée ou d’amotivation ont plus de conséquences négatives dans leur vie. Il est important de souligner que tous les types de motivation sont présents chez les individus mais à des degrés divers. C’est la plus grande importance de l’un ou l’autre type de motivation qui a des conséquences salutaires ou non. 
C’est la satisfaction des besoins psychologiques : autonomie, compétence, appartenance, qui influe sur la motivation et dont les effets seront : un bien être physiologique et psychologique et une meilleure adaptation à l’environnement et au contexte. A l’inverse, lorsque l’environnement social entrave les besoins, cela génère mal-être, aliénation et dysfonctionnement. 
La théorie de l’autodétermination prend en compte le contexte (qui favorise ou entrave les besoins) mais aussi les ressources internes des individus. Les orientations causales (Deci et Ryan 1985) définissent trois orientations motivationnelles : autonome, contrôlée et impersonnelle chacune étant plus ou moins importante chez chaque individu. L’orientation autonome particularise les personnes plutôt proactives et qui ont plus tendance à assumer la responsabilité de leurs actes. Cette orientation est reliée aux régulations, intrinsèque, intégrée et identifiée. 
L’orientation contrôlée spécifie plutôt les personnes qui agissent en fonction de différentes formes de contrôle qu’elles perçoivent de l’environnement. Elles sont plus sensibles aux attentes des autres qu’à leur propre volonté. Cette orientation est reliée aux régulations, externe et introjectée. 
L’orientation impersonnelle caractérise les personnes qui estiment que la réussite échappe à leur contrôle et se sentent inefficaces pour modifier les évènements. Cette orientation est reliée à l’amotivation. 
« Ces orientations sont le résultat des interactions sociales antérieures de l’individu » (Deci et Ryan – 1985) 
Pour compléter cet ensemble, on peut indiquer le contenu des buts (Deci et Ryan 2002) qui précise l’effet plus satisfaisant de la réalisation de buts directement reliés aux besoins fondamentaux et désignés comme buts intrinsèques (développement personnel..) par rapport aux buts extrinsèques (l’argent, la renommée personnelle…)
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Pour la théorie de l’autodétermination, l’actualisation de soi et l’environnement social sont les deux pôles de l’interface qui caractérise l’individu. 
Tableau proposé par P.Sarrazin et al.. 
On peut remarquer dans les différents commentaires des professionnels que les choix des institutions s’orientent le plus souvent vers une réponse au législateur (mise en application des nouvelles lois, et de l’évaluation externe) en oubliant l’individu. Les motivations externalisées découragent les acteurs qui désinvestissent leur rôle. 
3 ) Le Soi 
Il en existe de nombreuses définitions mais nous allons retenir ici : le concept de soi qui correspond à la façon de nous définir, l’estime de soi à la façon dont nous nous évaluons et la présentation de soi, la façon dont nous nous présentons, aux autres mais aussi à nous même. Ces composantes correspondent respectivement à la cognition, aux affects et au comportement. 
Le soi se construit progressivement par l’accumulation des expériences et dans l’interaction avec le milieu social et culturel, se développe et évolue en fonction des besoins de la personne. 
Le concept de Soi : Les éléments de la connaissance de soi, informations sur soi, compétences, expériences, permettent de maintenir une stabilité interne mais autorisent aussi une flexibilité
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suffisante pour s’adapter lorsque l’environnement le nécessite, comme par exemple les interactions dans le monde professionnel. Ces interactions peuvent favoriser l’épanouissement ou au contraire engager dans un processus aliénant. En effet, une croyance sur Soi forte construite à partir de compétences référencées et reconnues rend l’individu moins malléable. A contrario une croyance sur Soi faible rend plus dépendant et donc plus vulnérable. 
L’estime de Soi : 
L’auto évaluation se construit aussi à partir des interactions avec un désir de maintenir une évaluation de soi positive. L’estime de soi est une composante centrale du Soi et en lien avec les valeurs. L’estime de soi est corrélée à l’écart entre le soi réel et l’idéal de Soi. 
Une faible estime de soi signifie peu de ressources pour lutter contre des menaces provenant de l’environnement. Les personnes ayant une faible estime, ont tendance à expliquer les évènements négatifs par des causes internes et pour se protéger, elles développent un comportement très conformiste, ce qui génère des difficultés à s’adapter. 
Plus l’estime de soi est forte, plus elle est stable et plus l’estime de soi est faible, plus elle est instable, sensible aux variations situationnelles. 
La présentation de Soi : 
C’est la façon de se présenter pour maîtriser l’impression que nous allons donner de nous même afin de contrôler nos interactions. L’autoprésentation peut s’apparenter à un rôle que nous devons jouer. 
Ces conceptions de soi définissent une construction qui permet de réguler la conduite humaine en fonction des situations. Le Soi est un élément central dans les changements de la motivation au travail. 
Il n’est pas inutile d’ajouter que l’identité sociale est une partie du Concept de Soi. « Cette partie du concept de soi qui provient de la conscience qu’a l’individu d’appartenir à un groupe social (ou à des groupes sociaux), ainsi que la valeur et la signification émotionnelle qu’il attache à cette appartenance » (Tajfel, 1981) » L’identité sociale s’articule entre des facteurs
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cognitifs (catégorisation sociale) et motivationnels (vouloir se distinguer positivement sur une échelle de valeurs) 
Une identité professionnelle mal définie fragilise encore plus les professionnels de terrain. Ne pouvant clairement construire des objectifs, avec des outils définis par leur métier, ils sont régulièrement interpelés par la hiérarchie ou les autres acteurs de leur environnement (psychologues, aide sociale, juge pour enfants) qui leur disent quoi faire. Dans ce contexte, ils ne donnent pas l’impression de pouvoir se situer clairement, s’affirmer dans leur propre dimension. 
IV - L’épuisement professionnel 
Le stress prolongé et permanent qui use l’individu a été étudié depuis quelques années. D’abord c’est Harold B.Bradley (1969) qui apparente ce stress comme spécifique au travail et l’intitule Burn Out. 
A la suite de ce premier article deux études plus approfondies vont paraitre : 
Les premières recherches sont celles de Herbert.Freudenberger (1974) qui réitère cette définition du burn out comme l’exposition à un stress permanent, et peu de temps après ce sont les travaux de Christina Maslach (1976) qui sont publiés. Ce sont aujourd’hui les deux auteurs reconnus comme ayant ouvert la voie aux travaux de recherche approfondis sur l’épuisement professionnel. Par ailleurs, une étude a été menée en France par UNIFAF, l’OPCA des établissements sociaux et médico-sociaux et un rapport a été publié en 2006 sur le burn out des professionnels de ces secteurs d’activité. 
1) L’individu (travaux de H Freudenberger) 
Freudenberger est psychiatre, psychanalyste. C’est d’abord son expérience personnelle qui va le confronter au burn out. Après ses heures de travail il intervient bénévolement dans une « free clinic » à New York qui accueille de jeunes toxicomanes. Il s’investit totalement dans ce projet que ce soit en temps ou émotionnellement. Il ne compte pas les heures de travail et reste souvent tard dans la nuit. Il est totalement tourné vers une réussite nécessaire, ne peut plus penser sereinement aux difficultés qui se présentent et ne perçoit pas les changements qui
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commencent à s’opérer en lui malgré les remarques de ses amis et de sa famille : amaigrissement, toutes ses idées sont orientées vers son action bénévole, il ne s’occupe plus de sa famille… jusqu’au jour où il ne peut plus se lever et dort durant 48 heures d’affilée. 
- " En tant que psychanalyste et praticien, je me suis rendu compte que les gens sont parfois victimes d'incendie, tout comme les immeubles. Sous la tension produite par la vie dans notre monde complexe, leurs ressources internes en viennent à se consommer comme sous l'action des flammes, ne laissant qu'un vide immense à l'intérieur, même si l'enveloppe externe semble plus ou moins intacte" (, Freudenberger 1980, page 3) 
Il observe alors les équipes de bénévoles qui travaillent avec lui et remarque que rapidement, environ après un an, tout le monde se démobilise et semble beaucoup moins motivé par cet engagement. Les bénévoles se heurtent à d’innombrables difficultés, les jeunes toxicomanes ne répondant pas à leurs espoirs d’évolution. La réussite attendue ne se réalise pas. Cependant, l’image que les bénévoles ont d’eux-mêmes, l’idée qu’ils s’étaient faite de leur réussite, l’image de héros qu’ils s’étaient attribuée, ne leur permet pas de prendre conscience de la situation. Leur volonté d’aboutir aux objectifs qu’ils s’étaient fixés pour valider ce qu’ils imaginaient de leur réussite personnelle les engage un peu plus, en investissement émotionnel et en temps, dans leurs activités professionnelles. Les personnes ont donc tendance dans un premier temps, à surinvestir. L’hyperactivité se révèle être un des premiers éléments, le premier signe que le dérapage est engagé. Moins les résultats sont présents, plus la personne investit en espérant compenser, comme si l’absence de résultats était due à son manque de compétence et qu’elle serait donc seule responsable d’un échec. Puis, le stress s’installe et la déception entraîne la fuite, les conflits entre collègues, le cynisme et les attitudes négatives vis-à-vis du public qui vont constituer le tableau symptomatologique. Ce sont ensuite les symptômes physiques qui apparaissent : fatigue, insomnies, symptômes physiques du stress, douleurs diverses. Une étape de plus et la personne semble totalement dépressive. Cependant, les symptômes de la dépression vont différer de ceux habituellement reconnus, car ici il n’y a pas de dépréciation personnelle ou pas seulement mais essentiellement de la colère. 
De plus la personne est désorientée, absorbée dans ses pensées en permanence et ne peut plus faire face à ses obligations familiales et professionnelles. Les échanges intellectuels et donc la réflexion nécessaire pour la profession deviennent impossibles.
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D’après Freudenberger, il y a un décalage entre l’idéal que s’était fixé la personne dans sa réalisation professionnelle avec la réalité qui ne correspond pas à ses attentes, à ses espoirs. C’est ce décalage, cette atteinte dans l’image de soi, qui va engendrer l’épuisement, « que l’on diagnostique chez les idéalistes »( Freudenberger 1980 page 35.) 
Cette première description met donc l’accent sur les symptômes et sur la cause de cet épuisement qui serait dû à un fort investissement personnel, qui ne conduit pas à produire la « récompense » attendue. 
Il s’agit donc essentiellement de facteurs individuels même si Freudenberger souligne que les attentes sociales vis-à-vis des individus ont un impact sur l’image que la personne a d’elle- même et influencent donc, de manière indirecte, le risque de burn out. 
On peut noter dans ces travaux, que l’investissement intense des bénévoles déçus par l’impossibilité d’atteindre des objectifs qu’ils s’étaient eux-mêmes fixés, donne l’impression que les choix et les possibilités des personnes accompagnés n’ont pas réellement été pris en compte. 
2) L’organisation (travaux de Christina Maslach) 
Dans un monde qui change et qui privilégie la finance, le profit immédiat sans en mesurer les conséquences à plus long terme, le décalage entre l’individu et le travail est trop important. 
Les valeurs de l’entreprise qui ne sont pas suffisamment clarifiées au profit d’une vague formulation de la mission globale et les politiques pour atteindre des objectifs assez abstraits, par ailleurs en décalage avec le vécu quotidien des professionnels est une source de stress importante. 
La disparité entre la fin et les moyens, les stratégies qui ne permettent pas dans la réalité d’atteindre les objectifs fixés entrainent un désengagement des personnes dans leur activité professionnelle. 
Les conséquences sont immédiates avec moins de possibilité de contrôle sur les actions, donc une perte d’autonomie, moins de reconnaissance pour ce qui est accompli qui laisse un sentiment d’injustice, des écarts entre les valeurs personnelles et les attentes professionnelles. Les relations se dégradent et l’esprit de groupe qui était un soutien dans la vie professionnelle, disparaît.
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« Le burn out est l’indice de la séparation entre ce que les gens sont et ce qu’ils doivent faire » (C.Maslach,M.P.Leiter 2011, page 42) 
Les trois dimensions en sont l’épuisement émotionnel, le cynisme, l’inefficacité : 
La charge émotionnelle est trop lourde et devient chronique poussant au-delà des limites émotionnelles de l’individu. 
Le cynisme se caractérise par une attitude distante et impersonnelle. On traite un cas et plus une personne. 
Cette attitude dévalorise le rôle professionnel, engage une baisse de l’accomplissement 
et donne le sentiment d’être inefficace et inutile jusqu’à l’impression d’être en échec personnel. 
Pour C. Maslach, ce n’est pas l’individu qui est en cause mais l’environnement humain dans lequel il travaille. 
« La structure et le fonctionnement de l’entreprise déterminent la façon dont les gens interagissent et font leur job «(C.Maslach,M.P.Leiter 2011 page 44) 
Les auteurs soulignent l’importance des émotions négatives qui gomment le plaisir qu’il y avait à travailler et qui alimentait la motivation. Les échangent deviennent hostiles et émaillés de sarcasmes et de critiques. Les relations se dégradent, les différends et les conflits entre collègues ou avec la hiérarchie deviennent récurrents. Le travail d’équipe se délite et l’hostilité engendre l’hostilité et la spirale descendante du burn out est engagée. L’expression de sentiments négatifs affecte l’entourage qui renvoie des émotions négatives en isolant les personnes ce qui entretient la spirale négative. Isolées, elles sont confortées dans l’idée qu’il s’agit de leur échec personnel. Elles recherchent d’ailleurs des solutions personnelles : psychothérapie, changement de carrière. L’entreprise attribue également la cause à l’individu et l’enferme un peu plus. Si celui-ci a des attentes vis-à-vis de sa hiérarchie, l’incompréhension est totale et les conflits s’aggravent. 
Christina Maslach(1993) relève que la mise à distance et le désengagement se retrouvent dans les stratégies verbales catégorisant les clients sous des termes abstraits, techniques, ou stigmatisants. Elle utilise le terme de dépersonnalisation pour désigner ces attitudes. D’autres stratégies sont aussi mises en place comme une application stricte du règlement afin de limiter l’implication personnelle. La perte d’efficacité qui s’ensuit provoque absentéisme et turn over.
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En 1996, elle publie, Le Maslach Burnout Inventory’s ( MBI) avec Susan Jakson et Michael Leiter, un test qui permet de mesurer le syndrome d’épuisement professionnel. 
Ici, on peut recouper exactement les descriptions faites par les professionnels de terrain. Ils sont écrasés par l’organisation qui les rend toujours coupables des difficultés. Leur hiérarchie les pense trop fragiles, leur suggère de se faire aider (ailleurs) et éventuellement se débarrasse des plus fragiles. Ces professionnels ne perçoivent pas que leurs difficultés dans leur entourage familial ou social proviennent de cet épuisement et ils ont le sentiment qu’effectivement ils ne sont pas capables d’assumer leurs différents rôles en raison de dysfonctionnements personnels. 
3) Burn out et métiers de la relation d’aide (rapport UNIFAF) 
Dans un premier temps les recherches sur le burn out ont mis en évidence l’impact majeur de l’activité professionnelle dans les métiers de la relation d’aide sur l’état de santé des professionnels. Les recherches se sont étendues progressivement à d’autres professions. Cependant toutes font état d’un risque plus élevé pour les professionnels en contact avec du public. 
Puisque il s’agit ici de traiter spécifiquement de l’épuisement professionnel dans les métiers du social et du médico-social, il est intéressant d’aller voir ce qu’en dit l’UNIFAF (OPCA des établissements sociaux et médico-sociaux) dans le rapport effectué à l’occasion de la mise en place d’un programme de formation en direction des professionnels en souffrance. 
En 2006, donc avant les lois sur les risques psychosociaux, UNIFAF Rhône Alpes, a mis en place un programme de formation pour les personnels du social et du médico-social afin de tenter de trouver des solutions au mal être grandissant dans la profession. Celui-ci n’était pas encore suffisamment identifié et ce programme devient ainsi un bilan des situations vécues et propose des pistes de travail pour prendre en compte ces problèmes. 
Il en ressort un risque majeur d’abord dans la prise en charge, éducative, sociale ou thérapeutique en lien avec l’évolution des publics en situation de plus en plus extrême mais également une modification de la culture professionnelle en lien avec des changements dans les politiques sociales et dans l’organisation du monde médico-social. Les établissements se positionnent dorénavant plus comme des supers structures gestionnaires. Les cadres de proximité portent ces changements au sein des établissements ce qui provoque des tensions avec les professionnels de terrain qui ont le sentiment d’une disparition des valeurs
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fondamentales du métier. Les nouveaux éléments à prendre en compte dans les établissements provoquent une surcharge de travail, impliquant les professionnels dans diverses commissions et réunions. L’objectif premier est de leur permettre de maîtriser de nouveaux outils mais dans les faits, ces temps sont plus généralement vécus comme alimentant l’éloignement d’avec les personnes accompagnées. 
Par ailleurs, les désaccords sur le contenu des prises en charge ne sont pas arbitrés ce qui entretient des différends voire des conflits dans les équipes. Des luttes entre les différents corps de métiers participent au climat conflictuel. De plus, le mode d’organisation de l’activité n’est pas toujours adéquat ce qui provoque un manque d’encadrement pendant les temps forts des prises en charge. 
On note aussi qu’une analyse des signalements de maltraitance institutionnelle dans les établissements, montre que dans 70 % des cas signalés on repère un dysfonctionnement organisationnel dans la structure d’accueil. Cela confirme ce qui était déjà suspecté à savoir que l’institution peut devenir maltraitante autant des professionnels que du public. Cette relation entre la souffrance au travail et la maltraitance institutionnelle est une particularité, une spécificité du secteur social, médico-social, sanitaire et social. 
Page 12 du rapport « Si l’attribution à des causes personnelles ou au contraire à des causes environnementales, a toujours opposé les acteurs du monde du travail, l’approche psychosociale du risque tranche très clairement dans ce débat en privilégiant avant tout les causes environnementales de travail, c’est-à-dire l’activité et ses conditions relationnelles, organisationnelles et sociales d’exercice. » 
Pour une compréhension d’une situation de stress prolongé et de souffrance au travail, c’est donc dans un premier temps l’analyse de l’environnement de travail et du lien à l’activité professionnelle qui sera privilégiée. Si les conditions de travail sont acceptables, il sera nécessaire, dans un deuxième temps de faire une recherche des causes dans la situation personnelle des individus. 
En effet le lien cause-effet n’est pas spécifique et les conséquences ne sont pas les mêmes selon les personnes mais aussi selon les compensations des facteurs entre eux. Les actions de prévention consistent d’ailleurs lorsque le risque ne peut pas être supprimé, à développer des mécanismes de compensation.
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4) Synthèse 
Tout d’abord la description des symptômes physiques ainsi que celle de la dégradation de la santé en général est commune à tous les travaux concernant le burn out. On repère systématiquement les symptômes identifiant le burn out : l’épuisement émotionnel, la dépersonnalisation ou constat de cynisme dans les relations, l’inefficacité. L’apparition des symptômes se fait toujours dans cette chronologie. 
Les personnes qui souffrent d’épuisement sont généralement celles qui sont les plus idéalistes et donc profondément engagées dans leur profession et même fortement engagées émotionnellement. On remarque chez elles une grande volonté de réussir. Les objectifs ne sont pas toujours clairement définis par l’institution ou par la hiérarchie ou sont irréalistes ce qui laisse le champ plus libre à un engagement (trop) personnel. L’institution dans ce cas ne représente pas le cadre nécessaire qui permettrait d’enrayer cet excès d’espoir dans une réussite un peu trop absolue. Par ailleurs, les actions demandées ou attendues peuvent être en inadéquation avec les valeurs ou l’analyse de la situation que fait le professionnel et ne pas toujours avoir un sens cohérent. Les moyens ne sont pas toujours présents que ce soit la formation suffisante, le travail en pluridisciplinarité, l‘organisation, et/ou les temps de réflexion collective. La hiérarchie parait défaillante et pour le moins absente, éloignée des réalités de terrain, alors que, particulièrement pour les cadres de proximité, leur rôle serait d’être plus engagés auprès des équipes, de connaître et comprendre les situations, entendre les différents points de vue et prendre des décisions en tenant compte de tous ces éléments. Finalement, les professionnels de terrain se retrouvent très seuls. 
Toutes ces difficultés sont à mettre en parallèle avec les besoins non satisfaits des professionnels : besoin d’autonomie, besoin de contrôler ses actions, besoin de reconnaissance et réalisation de soi à travers son métier, ces besoins concourant à la valeur que chacun s’accorde, participant de l’identité professionnelle et de l’identité personnelle. 
Ayala Pines (A.Pines,E.Aronson, D. Kafry 1990) précise même que l’épuisement et la lassitude peuvent s’installer uniquement dans les situations où ces besoins ne sont pas satisfaits et donc éteindre la motivation.
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A partir de ces éléments, il est possible d’établir des critères qui vont permettre d’analyser les entretiens semi-directifs réalisés auprès des professionnels. Un fil de conversation sur un forum spécialisé peut sur certains points enrichir la réflexion. L’identification ou la définition de l’épuisement par les professionnels ou de leur souffrance et les conséquences Comment ont-ils vécu le fait de craquer ? La/les difficultés rencontrées /l’évaluation qu’en fait le professionnel Le soutien collectif, pluridisciplinaire ou hiérarchique L’orientation, l’organisation des activités, les objectifs, les valeurs (projet d’établissement et projet de service) Les professionnels se sentent-ils reconnus dans leur fonction ? Quels sont les outils leur permettant d’exercer leur métier ?
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Deuxième partie - Les entretiens 
Avant d’organiser les entretiens, j’ai engagé un fil de conversation sur un site spécialisé : Lesocial.fr. Il est difficile de relancer la conversation avec les internautes. Cependant, ces premières réactions m’ont permis de confirmer la faisabilité des entretiens. 
J’ai ensuite rencontré six professionnels. J’ai précisé que je réalisais un travail de recherche sur le burn out des professionnels du social. Je n’ai pas évalué leur épuisement au moyen d’un questionnaire par exemple, mais j’ai considéré que leur acceptation à une participation valait comme une évaluation de leur part d’avoir souffert ou de souffrir d’un burn out. 
I - Analyse des entretiens 
Comment ont-ils évalué leurs difficultés comme étant un épuisement professionnel, ou un burn out ? Quels sont les indices qui leur ont fait suspecter qu’ils étaient envahis par leurs problèmes professionnels ? Marina : Je n’arrivais pas à aller travailler, alors j’allais voir mon médecin. Je n’arrivais pas à sortir de chez moi le WE – Je prenais une RTT le lundi mais le mardi je n’y arrivais pas non plus. Le médecin me donnait des anti dépresseurs. / Je vais voir un médecin, le mien étant en congés. Ce médecin m’a posé un tas de question et m’a dit que je souffrais de troubles psychosociaux, m’a dit qu’il fallait que je change de traitement et que j’aille voir un psychothérapeute. Je suis allée voir sur internet et j’ai vu des descriptions du burn out et j’ai reconnu ce que j’avais. Cédric : Au départ, je repère rien puisque j’ai la tête dans le guidon, je suis aveugle à tous les symptômes qui pourraient m’alerter que je ne vais pas bien ou que je devrais lever le pied / Donc épuisé, quand je rentrais chez moi j’avais pas digéré mon temps de soirée, des nuits j’ai envie de dire très courtes, très agitées, ça veut dire qu’on repart le lendemain pas forcément détendu, j’ai pas envie de dire avec une boule au ventre mais quand même un stress à se dire aujourd’hui je suis encore à devoir faire mes preuves/ mon corps souffrait, j’avais mal aux genoux, mal aux reins, j’ai eu un zona, tellement ça me rongeait de l’intérieur ; savoir si j’allais continuer ou pas, démissionner ou pas, je rentrais chez moi, j’avais plein de crachats sur mon dos ; non seulement c’était dur avec la hiérarchie mais c’était dur aussi avec les enfants.
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Lorsque j’ai été arrêté les enfants ont été surpris. / La médecine du travail – elle a dit on va vous mettre en arrêt - 4 mois d’arrêt maladie, - c’est toujours dans mon dossier Elise : je m’en suis pas rendu compte au début à quel point ça me prenait la tête ; ah mais je m’en suis pas rendu compte parce que j’avais la tête dans le guidon/– je rentrais chez moi le soir et mon ami me disait : mais il faut que tu fasses quelque chose, tu te rends pas compte, tu es où là ? Mais non, je comprenais pas, tellement j’étais barrée dans ce truc là/ Je me suis mise à pleurer au travail,/ je me rappelle pas comment je suis sortie de l’établissement, apparemment je me suis arrêtée au secrétariat pour dire que je partais et je suis arrivée chez moi, je sais même pas comment /je suis allée voir mon médecin généraliste ; lui il a compris en me voyant qu’il y avait eu un clash à mon travail,/ Il m’a donné 15 jours d’arrêt. 15 jours après je suis retournée le voir parce que je me sentais incapable de retourner travailler. Je le voyais bien parce que chez moi, j’étais incapable de faire à manger, de m’occuper de la maison, et une perte de confiance totale Frédéric : La difficulté c’est de se détacher après le travail ; au bout de 7 ans, là je n’y arrive plus ça prend sur notre vie personnelle –la vie personnelle le soir avec ma compagne, la nuit aussi, ça me trotte – c’est des nuits blanches, c’est ça qui devient difficile même les we aussi, quand on fait beaucoup de ballades avec ma compagne, ça me prend, ça me taraude, qu’est-ce que j’ai fait, qu’est ce que j’ai pas fait. Pendant les vacances aussi, avant j’arrivais à me mettre en jachère, vraiment oublier le travail/ J’ai un traitement anxiolytique. Chantal : je me suis sentie en insécurité/ d’avoir tous les matins, du mal à partir au travail, de retarder le moment de partir de , à la limite, de vouloir prendre quelque chose pour me rassurer – emmener un livre pour lire le midi, je lisais jamais, emmener ma facture, tiens je ferai mon chèque à midi mais je le faisais jamais, mais je le savais mais il fallait que j’emmène quelque chose de la maison / quand je repartais le soir du travail de pas avoir eu le temps de penser de la journée,/ J’ai eu une extinction de voix pendant 3 semaines. Cortisone, ça ne revenait pas, donc j’ai été en arrêt de travail une semaine, reprise du travail, / J’ai fait un lumbago donc encore un arrêt de travail. J’ai repris le travail et encore quelque chose et encore en arrêt. Je suis allée voir un psychiatre. Il s’est mis en contact avec la médecine du travail et j’ai été mise à mi-temps thérapeutique pendant un an. Liliane : je n’étais plus patiente, je commençais à crier, / J’ai eu beaucoup d’absences les deux dernières années (ensuite elle a démissionné)
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Chacun est totalement investi dans son travail et aucun des signes avant coureurs d’un épuisement ne semblent les alerter. Ils sont fixés sur ce qu’ils ont à faire. Ils ne perçoivent pas qu’ils perdent pied et que leur travail perd en qualité. Leur condition physique et psychologique s’est dégradée peu à peu mais leur volonté d’atteindre les objectifs reste intacte et ils ne perçoivent plus rien de leur état. C’est seulement au point extrême qu’ils réagissent en allant voir un médecin qui pose le diagnostic. Comment ont-ils vécu le fait de craquer ? Marina : Ben oui, je suis responsable d’avoir craqué. Cédric : moi je me sentais pas bien, pas un bon éducateur, comme une merde, c’est comme ça que je me vivais Elise : je ne faisais peut-être pas ce qu’il faut, / c’était parce que je savais pas bien m’y prendre, j’ai entendu des choses de cet ordre là Frédéric : (parle d’un autre lieu de travail où il considère que les conditions étaient plus favorables) : On n’était pas jugé Chantal : J’ai l’impression d’être partie comme une voleuse, Liliane : Quand on avait le cadre d’astreinte pour lui signaler qu’un enfant était pas rentré ou était parti, c’était la première question : qu’est-ce que vous avez fait pour l’en empêcher ? 
La culpabilité apparaît clairement même si la manière de la dire est détournée – en parlant d’un autre lieu par exemple où elle n’existait pas - Il semble que ce sentiment de culpabilité soit présent très tôt dans l’épuisement, culpabilité qui peut aussi être suscitée par l’entourage professionnel voire par les cadres et on pourrait se questionner sur la part de cette culpabilité dans l’impossibilité pour les professionnels de reconnaître leur mal être. 
Après coup, Ils cherchent à comprendre, veulent donner du sens à cette lente descente, cette brûlure interne dirait H. Freudengerber, ou ce craquage dirait C. Maslach.
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Comment est-ce que les professionnels expliquent l’enchaînement et l’ampleur des problèmes ? Marina : J’en faisais un peu trop/ Une chef de service qui a fait un remplacement a vu que je m’investissais trop dans une situation très compliquée. Je n’ai jamais eu autant de situations aussi compliquées en étant seule. / C’est un travail très dur le suivi AEMO Il faut avoir des nerfs d’acier – ce que je n’ai pas/ ça fait quand même 6 situations sur les 29 qui étaient très difficiles. / Les temps de synthèses sont agités. Tout le monde parle, on peut pas réfléchir tranquille, aller au bout d’une idée. / Ce qu’on dit est tourné en dérision, on n’a pas plus de piste de réflexion, Il n’y a pas de reconnaissance. Cédric : c’est une période où il y a un turn over dans l’équipe, /. Je pense que je me suis retrouvé un moment, le pilier de l’équipe et il a fallu gérer des personnes nouvelles et puis ce travail, il fallait que je prouve, ça faisait 5/6 ans que j’étais là , j’avais déjà passé 2 ans difficiles où je n’avais pas l’adhésion de ma hiérarchie/ l’impression de porter seul l’équipe/ j’agis en disant je veux me persuader d’être reconnu comme bon éducateur et d’un autre côté on a l’impression que plus on en fait et plus on vous en donne à faire . Et c’est ce qui s’est passé, comme on est perçu comme quelqu’un qui est actif qui va jusque au bout de son action et qui sait pas dire non – moi je ne savais pas dire non à mon chef – ce qui fait que dès qu’il y avait un remplacement à faire ou un écrit en urgence à faire pour une visite ou pour un psychiatre, ou un rapport d’incident, aujourd’hui j’ai envie de dire que c’est toujours travailler dans l’urgence qui crée cet état de stress en fin de compte – on doit toujours avoir une capacité d’adaptation et à un moment ma capacité d’adaptation s’est trouvée diminuée parce que j’étais usé à toujours réagir à l’urgence, au quart de tour, à l’instant pour le moment d’après. / l’outil informatique est intrusif dans notre vie privée, on reçoit des mails pour nous dire qu’il faut penser à telle ou telle chose pour le lendemain à un moment donné on se demande où est la limite du début et de la fin du travail Elise : Ben oui, j’ai pris des coups, j’avais même des bleus sur les seins, et puis quand j’ai averti la direction il faut faire quelque chose parce que moi j’en peux plus et carrément plus mais c’était parce que je savais pas bien m’y prendre, j’ai entendu des choses de cet ordre là ; y a eu ça et quand j’ai commencé à tirer un peu plus fort la sonnette d’alarme , comme par hasard, enfin je l’ai perçu comme ça , on fait tout pour ne pas en parler, même plus en réunion ; si on essaye de parler de Jérémy, on bifurque pour changer de sujet parce que…/ Il y avait pas si longtemps que ça que l’on pouvait prononcer le mot autisme dans cet établissement ; J’ai essayé de tirer la sonnette d’alarme, ça a fait un flop – je suis allée voir je ne sais combien de
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fois les psys,/ Moi, je voulais que l’on réfléchisse à son retour, comment on le prend en charge, qu’est-ce qu’on fait avec ce jeune, Frédéric c’est cet enfant surtout qui m’a… cette année surtout, les autres enfants on avait des espaces pour en parler mais là vraiment cet enfant, ça nous a mis au sein de l’équipe en mésentente avec les collègues, on n’est pas sur la même longueur d’onde, il nous a mis aussi en difficulté / comme on parle (en équipe pluridisciplinaire) de moins en moins des enfants mais qu’on parle des conflits d’équipe alors../ Des conflits entre les éducateurs et la direction mais moi je ne me sens pas concerné. Mais ça envahit tout./ c’est pas réglé pendant les réunions alors vous sortez des réunions, vous êtes sur votre faim/ plus d’espace pour en parler – vous rentrez avec ça chez vous et vous attendez la réunion pour en parler mais y a pas d’espace pour en parler Chantal : il y avait de la violence entre les adultes, entre les enfants il y en a toujours eu mais il y avait de la violence des enfants sur les adultes, des adultes sur les enfants, entre les adultes entre eux , je dirais même entre la direction et le personnel,/ quand je repartais le soir du travail de pas avoir eu le temps de penser de la journée,/ prise dans le mouvement sans arrêt, le mouvement, le mouvement, le mouvement, sans arrêt tout le temps et donc pas de place pour penser pour se poser ; / on arrivait plus à parler d’autre chose que des problèmes au travail et plus à rire, à sourire, on était toujours tendus, je me sentais toujours tendue./ Ben si, il y avait des temps de réunion mais on parlait pas ; c’était pas de la réflexion, c’était de l’organisation ; c’était les projets, les orientations des jeunes, une sortie, un conseil de discipline demandé par quelqu’un on en parle un peu mais point./ quand j’avais un problème avec un jeune, j’allais voir son psy, mais des fois il le voyait pas donc il pouvait rien m’en dire mais c’était pas grave parce que je pouvais quand même m’exprimer sur ce qui se passait et le psy m’en renvoyait quelque chose – moi je le faisais mais j’avais pas de temps pour le faire, je prévenais ma chef de service que je serais en retard mais j’avais pas le droit, elle me le disait, j’avais pas le droit, mais je le faisais quand même Liliane : quand j’ai été embauchée, un jour il y avait un enfant qui faisait une maquette, il m’a demandé un cutter pour faire sa maquette, je lui ai donné et le collègue, le soir, me dit qu’il a éventré des matelas – en fait il ne fallait pas lui donner de cutter à cet enfant – tout le monde le savait mais moi je venais d’arriver – personne ne m’avait rien dit, il fallait que je me débrouille toute seule ;/ il y avait les réunions de synthèse, de coordination etc. d’organisation, des projets à mettre en place, oui on discutait des problèmes mais on ne trouvait pas de solution/
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Si certains font état d’une surcharge de travail, ce qui parait réellement récurrent c’est l’absence de dialogue, de réflexion et de pensée. Etre en permanence dans l’action, sans aucune réflexion, empêche de se détacher, de prendre un peu de distance vis-à-vis des situations toujours émotivement impliquantes, dans ce type de profession. Alors que l’épuisement professionnel empêche de penser, on perçoit ici que cette absence de pensée peut être aussi à l’origine de l’enchaînement des problèmes. Peuvent-ils compter sur le soutien de leurs collègues, sur leur hiérarchie ou sur d’autres professionnels ? Marina : Votre chef de service vous soutenait ? (elle rigole) Elle le disait : Allez ! Je vous soutiens ! Mais elle n’a pas pris du temps pour un rendez-vous une fois de temps en temps, je sais pas une fois par semaine ou même une fois par mois pour qu’on puisse parler des situations. Cédric : à partir du moment où on ne rentre plus dans le moule de l’ITEP et qu’on est un peu trop montré du doigt/ Parce que vous êtes en difficulté, vous devenez le paria des autres, des collègues, de la hiérarchie ? De tout le monde. La configuration de l’ITEP ce sont des unités qui vivent en autarcie ; on a pas de lien ensemble. Elise : J’ai essayé de tirer la sonnette d’alarme, ça a fait un flop – je suis allée voir je ne sais combien de fois les psys,/ le fait d’être complètement isolée dans mon groupe, parce que tout le monde avait la trouille de Jérémy, donc j’étais une pestiférée aussi, et j’ai eu un sentiment de solitude professionnelle mais énorme/ Des fois j’appelais au secours, personne ne venait, j’étais toute seule / On est tellement dans le système qu’après on ne sait même plus demander de l’aide. Frédéric : Oui, il y a un manque de soutien, un manque de piste, de formation. Tout le monde dit que c’est difficile. On nous dit il faut les tenir (les enfants). Il y a des éducateurs qui disent être à la limite de la maltraitance. Ils sont pas soutenus. Chantal : à partir du moment où je me suis sentie en insécurité, j’ai pris rendez-vous avec le directeur pour lui dire : « là, il y a quelque chose qui va pas, parce que moi je me suis toujours sentie en sécurité même dans les moments les plus difficiles et maintenant je ne suis plus en sécurité c’est qu’il se passe quelque chose dans l’institution » et il m’a répondu : » les enfants
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sont là pour leur violence pas pour leurs cors aux pieds « donc qu’on me réponde ça et pas autre chose et qu’on ne m’aide pas, c’est bien de la violence aussi ça. / de l’aide apportée par notre chef de service, non il n’y en avait pas. / on était seul et on arrivait plus à communiquer Liliane : il ne fallait pas solliciter ni le chef de service, ni le directeur, ni les collègues – c’était à nous de gérer cette violence au quotidien ; moi je comprenais pas, les autres éducateurs me disaient, c’est à nous de nous débrouiller, moi j’étais pas d’accord je voulais que la hiérarchie intervienne et nous soutienne / En fait il y avait des rumeurs entre collègue. Pas de soutien, de l’animosité entre plusieurs professionnels, tout était prétexte à se plaindre les uns des autres. 
On remarque l’isolement de tous. Ils ne se sentent pas soutenus, ni par leurs collègues, ni par la hiérarchie. 
Il est utile de saisir comment les personnels peuvent comprendre les attentes de l’institution. Pour se situer dans une organisation, il est nécessaire que les objectifs de cette organisation soient clairs et clairement compris, que les attentes vis-à-vis du personnel soient aussi bien délimitées. 
Quels sont les objectifs de l’institution et quelles sont les attentes vis-à-vis des professionnels ? Quel cadre est posé ? Marina : Quels sont les critères pour écrire les rapports ? Chacun voit Il n’y a pas un cadre précis ? Non, d’ailleurs j’ai dit à ma chef de service que j’ai vu des rapports dans lesquels il y a des jugements sur les familles de la part des éducateurs ! Elle m’a dit que ça ne me regardait pas. Donc chacun évalue en fonction de quoi, alors ? Ben .. En fait on doit décider, il faudrait faire un travail sur nous même, on a que nous. Cédric : à l’époque je vivais mon travail comme un.., je me réduisais à un simple gardiennage, je ne voyais pas où allait mon action, comment la diriger Quand vous avez commencé cet atelier, vous saviez ce que vous faisiez ? C’était un bouche trou – il fallait remplir les deux heures qu’on m’avait demandées/ Au lieu de subir il vaut mieux agir ; déjà c’était encore un sujet, j’aurais pu être rancunier vis-à-vis de mon chef, / Voilà, je suis dans une situation, où je dois prouver que je suis capable de gérer un groupe l’après midi et en essayant de mettre une thématique parce que si je dois faire des choses.. – pendant tout ce mois là, j’étais colère,
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colère, mais vraiment colère, de m’imposer quelque chose à laquelle je n’avais pas réfléchi, colère d’être déjà en situation de travail parce que les enfants étaient déjà présents, ça faisait un mois qu’on roulait et que je faisais un pseudo occupationnel à ne pas savoir quoi faire, quoi mener comme activité, je voyais pas. Il a fallu que ma colère s’amenuise, s’éteigne pour me dire je vais pas faire 10 mois comme ça sinon je vais péter un plomb, d’où la création petit à petit, après avoir analysé le groupe que j’avais que je suis arrivé à construire l’atelier 4 saisons. / Moi j’ai eu la chance d’avoir un groupe fixe, les autres comme ils savent pas ce qu’ils vont faire, les gamins, ça génère du stress, de l’angoisse, autant chez les éducateurs que chez les jeunes, je le vois bien que le vendredi c’est de l’occupationnel – ils triment ils se demandent ce qu’ils vont pouvoir faire, mais on leur a pas donné les moyens. Quand un éducateur est recruté, l’institution ne prend pas le temps de lui expliquer le sens du travail, il faut qu’il se débrouille ?C’est la formation sur le terrain, l’information sur le terrain entre collègues – y a pas forcément, les pistes ou les conseils que la direction pourrait donner ne sont pas les bonnes clés, j’ai en mémoire l’exemple d’un jeune salarié à qui la direction a dit, il faut être ferme dès que vous arrivez il faut installer votre autorité, ben lui il a pas craqué mais les enfants ont craqué sur lui. Elise : Le projet d’établissement ? On reçoit des personnes déficientes, des personnes avec TED mais il n’y a pas de groupe spécifique et ces personnes sont mélangées avec les autres. Qu’en dit le centre ressource autisme ? Qu’il ne faut pas mélanger les personnes avec autisme avec les autres. Ce n’est pas la même prise en charge. Il y a des choses qu’on peut mettre en place et qui peuvent quand même servir pour les déficients intellectuels. Mais ne serait-ce que ce qui est de l’ordre de la communication. Ils sont en général plus visuels. Il y a des choses que j’ai apprises, un planning pour chaque gamin qu’il a dans sa poche, à tout moment s’il est angoissé il peut regarder Est-ce que vous êtes en train de me dire qu’il n’y a pas tout ça ? J’ai posé la question sur les méthodes ; D’accord mais il faudrait peut-être que tout le monde sache ce qu’est le PECS par exemple (communication par image) comment on fonctionne avec les personnes autistes, comment on met ça en place Les gens ne connaissent pas les méthodes, la manière de faire avec les autistes ? Non Alors il y a un projet d’accueillir des personnes autistes mais y a-t-il un projet éducatif pour ces personnes ? Non, on va pas les aider les personnes autistes, ça ne fonctionnera pas ça c’est sûr ; Est-ce que ce sont les éducateurs qui montent les projets, qui se débrouillent ? Ben oui, ce sont les éducateurs qui se débrouillent.
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Frédéric : (dans cette institution tous les éducateurs doivent animer un ou plusieurs ateliers) Ça fonctionne bien votre atelier ? Oui très bien, je vais aussi en ouvrir un à l’extérieur pour une association qui s’occupe de femmes en difficulté. L’atelier slam, ça a été un combat au début, c’était apparenté à de l’art de la rue, au rap, j’ai dû argumenter, faire 5/6 pages pour expliquer, j’ai dû faire mes preuves. Finalement à la kermesse quand ils voient les enfants slamer …– pas de prise de risque, s’autoriser à..C’est quoi les risques ? Je ne sais pas, peut-être la peur que je leur apprenne des gros mots, ils faisaient allusion au rap Qui ? La direction – j’ai proposé un projet écrit, bien développé – et la kermesse ça fait vitrine. L’atelier boxe aussi – c’est la pédopsychiatre qui l’a soutenu ce projet - l’ancienne directrice avait peur qu’ils utilisent la boxe pour se battre et la pédopsychiatre lui a expliqué qu’au contraire ils pouvaient s’extraire de leur violence avec un contenant, un cadrant. Chantal : Ben le projet (moi j’étais sur la scolarité) c’était d’amener les jeunes à réintégrer une scolarité normale, apprendre à lire et à écrire parce que la majorité ne savait pas, sortir de l’institution en ayant des bases scolaires, voilà mais. / Les éducateurs qui sont arrivés les dernières années n’étaient pas dans la violence, mais ils démarraient, ils savaient pas faire. Il y en avait beaucoup qui savaient pas. La difficulté dans ce genre d’institution c’est de trouver du monde pour travailler là. Parce que les adolescents caractériels, les gens y courent pas après. Donc y avait des stagiaires, des contrats CES, des gens jeunes ou des gens qui avaient 40 ou 50 ans et qui avaient besoin de travailler et qui venaient là mais qui restaient pas, qui savaient pas ce qu’il fallait faire, qui faisaient rien. 
Le travail au quotidien parait déjà très compliqué. La question du projet de l’institution semblait tomber à plat, cependant on peut échanger sur les actions quotidiennes. Elles ne sont généralement pas reconnues comme faisant partie d’un ensemble général et d’ailleurs chacun se « débrouille. » Ce qui parait surprenant c’est que les éducateurs semblent gérer le public comme ils peuvent, en assumer la responsabilité au quotidien et que les orientations des institutions sont absentes, incohérentes, pas comprises ou trop générales pour en tirer des applications concrètes qui donneraient du sens aux actions des professionnels. Pour autant ils travaillent et on remarque même qu’ils doivent quelquefois lutter pour mettre en place des actions qu’ils maitrisent, pour lesquelles ils ont ailleurs plusieurs années d’expérience.
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Se sentent-ils reconnus, considérés, respectés, pris en compte ? Marina : Il n’y a pas de reconnaissance. Mes collègues me disaient : tu n’as qu’a les placer (les enfants) Je ne peux pas faire ça comme ça ! Tout le monde sait que c’est difficile mais personne n’en parle, les responsables n’en parlent pas, on doit endosser, on est payé pour ça, on doit faire face. Il y a des chefs de service qui sont plus reconnaissants que d’autres mais la nôtre est très égocentrique, mais elle a quand même accepté qu’on fasse de l’analyse des pratiques. Il y a déjà eu un remplaçant qui savait dire les choses, nous rassurer, être dans la reconnaissance, il analysait plus les situations et restituait plus nos efforts. Il s’adaptait vraiment aux questions qu’on se posait, il commençait pas ses phrases par des reproches ou des sous-entendus. Cédric : en juin on est appelé sur notre temps libre pour faire des réunions d’équipe pour organiser la rentrée de septembre, faire les plannings, construire les groupes et en septembre tout ce travail là n’est pas pris en compte, on tient pas compte de ce qu’on a dit de ce qu’on a pensé, elle est où la reconnaissance ? là je commençais à bouillir. On vous a imposé des horaires ? Oui on m’a imposé des horaires et en plus de façon pas judicieuse ; j’apprends en septembre que je travaille le vendredi après midi en collaboration avec l’éducateur technique mais cette information là je l’ai que sur un planning hebdomadaire, sur une ligne, je n’ai aucune autre information, c'est-à-dire que depuis le 1er septembre jusqu’à la fin. / Si j’étais en usine le résultat de mon travail serait concret et palpable – là, ce n’est pas du tout le cas, donc ce qui veut dire que la reconnaissance que j’ai aujourd’hui c’est 10 ans après les premiers jeunes dont je me suis occupé qui reviennent et qui évoquent avec moi ce qu’ils ont retenu de leur vie dans l’institution, les moments forts, les moments les moins agréables et la reconnaissance est là, quand je vois un ancien qui pousse la porte de l’institution. Elise : des examens de sang pour contrôler son traitement, qui n’étaient vraiment pas bon, et le médecin a baissé son traitement. J’ai pas été au courant et puis je me suis aperçu qu’il avait de plus en plus de stéréotypies et qu’il commençait à être agressif avec moi ; je me demande ce qui se passe et là j’apprends que son traitement a été baissé , on va lui en donner un autre ; je vais voir le psychiatre pour savoir ce qu’il y a, je ne suis pas au courant et il me dit ben oui, au niveau de sa santé, les analyses de sang sont vraiment très mauvaises, on va mettre un autre traitement en place./Je suis allée en formation, j’avais plein de documents, des fiches pour faire des transmissions, les éléments de travail avec les autistes, comment on écrit un projet personnalisé pour une personne autiste, ce n’est pas la même façon que pour un enfant
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déficient, il y a des choses à préciser, ce pavé, je l’ai donné à ma chef de service quand je suis rentrée de formation. Je lui ai dit, ça c’est une mine d’or, dis moi ce qu’on peut utiliser dans l’établissement ; elle m’a dit, ah oui ça m’intéresse ; la semaine suivante le « paveton » était dans mon casier avec un mot : merci, j’ai photocopié ce qui m’intéressait, pour l’instant on continue comme toujours. Là, j’étais déconfite – ça a été un déclencheur. Je me suis dit, ils m’ont payé une formation et le retour que j’en ai c’est ça, ce truc ça m’a fait culpabiliser, je me suis éclatée, j’ai appris plein de choses, j’ai compris un peu mieux comment on s’occupe des personnes autistes et je vais pouvoir mettre quelque chose en place et là, fff, ben non, tu vas pas t’en occuper comme il faudrait, tu continues comme avant ; ça veut dire quoi ? ça veut dire qu’on veut pas avancer, qu’on m’a empêché d’avancer et pendant ce temps là on maltraite les enfants. / Frédéric : le pôle éducatif n’est pas assez entendu, écouté, manque de confiance – il y a même une expression : on est bon qu’à donner du dentifrice aux enfants. Pour dire un peu le mal être. / de plus en plus, il y a non reconnaissance de l’identité éducative ; par la direction mais aussi par le pôle thérapeutique – quelquefois il y a des décisions qui sont prises entre le pôle de direction et le pôle thérapeutique sans associer les éducateurs. Des décisions sur quoi ?Les orientations des enfants, des rendez-vous, sur des traitements là ça me concerne aussi, parfois un enfant qui n’arrive pas à dormir – on pense à un traitement léger et on découvre qu’il a de l’atarax, voilà – vous vous dites qu’est ce qui se passe ? on aurait aimé que ce soit parlé ; ce qui est difficile c’est qu’après vous avez les parents qui vous disent qu’ils ont lu dans le cahier que l’infirmière a noté que l’enfant a de l’atarax, mais comment ça ? Alors, là vous êtes démuni – on leur suggère de téléphoner à l’infirmière et à la pédopsychiatre – mais on a le sentiment que c’est à deux vitesses. – il y a d’autres exemples où les éducateurs ne sont pas associés ?Oui, des rendez-vous famille Qui prend les rendez-vous ?La chef de service coordinatrice –avant c’était parlé ensemble. Avant Noël je vois arriver le papa de Sullivan qui a un rendez-vous avec la pédopsychiatre alors que je ne suis pas au courant et je suis référent de cet enfant. C’est un papa qui vient de l’autre bout de la France donc c’est difficile de le faire se déplacer alors là on aurait pu « faire d’une pierre deux coups » mince alors. J’en parle parce que ça me concerne et on me répond : bah oui, on a oublié, on n’a pas pensé – c’est particulier. Chantal : je faisais des projets, je cherchais des idées, je les transmettais par écrit à ma chef de service et puis voilà, mais ça faisait rien ; un jour je lui ai expliqué ça, j’ai réfléchi à des manières de s’en sortir, j’ai eu des idées, je vous ai donné des projets, ils sont où ? Elle a ouvert
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son tiroir et ma pile de projets était là. Elle en a jamais rien fait. / Il y avait une nouvelle chef de service. J’ai cru que ça allait changer. Elle a tenu compte de chacun. J’étais à mi temps et chez moi je travaillais pour construire des projets et préparer la rentrée suivante. A la rentrée suivante je devais avoir un nouveau poste et je l’ai pas eu. Elle l’a donné à quelqu’un d’autre. Elle a pris mes idées, elle a mis en place mes projets mais avec quelqu’un d’autre. Plus jeune. Je devais avoir une autre salle mieux aménagée, avec un ordinateur et assez pour occuper les jeunes, faire un sas en fait et je voulais sortir avec les jeunes pour faire des enquêtes métier. Leur faire découvrir des métiers ; j’avais pris rendez-vous avec des entreprises, on avait commencé et ensuite on faisait des comptes rendus, je faisais faire des comptes rendus par les jeunes de ce qu’on avait vu ; ça marchait bien – c’était plus concret, je ne voulais plus être dans le vague, avoir des vrais projets. Entre temps j’avais fait une formation universitaire « approche psychopathologique et éducative des adolescents difficiles » C’est à partir de cette formation que j’ai pu construire des projets mais ils ont été utilisés par quelqu’un d’autre. 
Dit ouvertement ou non, l’absence de reconnaissance est flagrante. Des décisions sont prises concernant les enfants ou les personnes suivies sans même que les éducateurs concernés soient informés. L’énergie qu’ils mettent en oeuvre pour trouver des solutions dans le cadre des prises en charge n’est absolument pas prise en compte. Quels sont les outils de l’éducateur ? Marina : notre seul outil c’est nous même. Cédric : C’est à nous de construire des outils. Elise : Avoir des projets Frédéric : les outils, c’est l’équipe, les réunions, les formations. Et le travail avec les partenaires et avec la famille. Chantal : Dans mon cas, en premier c’était l’accueil et le silence Liliane : C’est ce qu’on a au quotidien
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A cette question, ils ont peu de chose à dire alors que de définir les outils, permettrait aussi de définir un peu mieux leur métier et leur identité professionnelle. Ils ont des outils, ils s’en servent mais n’ont pas forcément le sentiment que ce soient de vrais dispositifs éducatifs, de réelles compétences. Difficiles dans ces conditions d’analyser les effets puisqu’il n’y a pas d’attente de résultat spécifique. 
Je relève à ce sujet deux commentaires d’internaute - Plumette : Notre problème est que souvent nous parvenons à nous décrire mais par la négation (ex: hé oh moi je ne suis pas psy ou un simple animateur!) Nous avons des difficultés à nous décrire, décrire notre spécificité et nos compétences 
Et Flo : La grande spécificité de l'éducateur est le fait qu'il doive trouver en autonomie des moyens d'atteindre des objectifs pour l'usager en mêlant quelques connaissances pratiques à sa propre personnalité. Car finalement, notre savoir-être est notre seul véritable outil pour accompagner. 
II - Discussion 
Dans le discours de chacun apparaît l’investissement important dans leur travail. Ils sont totalement habités par les résultats possibles et perdent de vue leur propre souffrance. Cependant les résultats attendus n’apparaissent pas clairement. Nous retrouvons ici les causes du burn out signalées par H.Freudenberger. Il parait évident de ne pas oublier de signaler le sentiment de culpabilité de ces professionnels. Est-ce que l’impossibilité de percevoir leur propre souffrance n’est pas finalement en lien avec ce sentiment ? Leurs explications donnent aussi l’impression que cette culpabilité vient comme seule raison possible de leur épuisement. En les questionnant un peu plus on perçoit l’absence de distanciation – donc un investissement trop important – qu’ils expliquent par le manque de temps de réflexion, d’échanges, de travail pluridisciplinaire. Ils sont aspirés par l’action et n’ont plus de temps pour penser. L’impossibilité de réfléchir est également citée sur le fil de discussion du forum le social. ( Dédale, on ne me demande plus de réfléchir, d’improviser, de prendre des risques, de débattre, d’échanger, d'inventer, de prendre des initiatives, mais juste d'écrire des projets que personne ne lit, que nous n'arrivons pas en mettre en oeuvre - Laure, on se bat pour donner du sens aux actions, pour que les choses qui sont faites (entretiens, accompagnements divers, projets perso etc.) soient réfléchies en amont et en aval, pour qu'il y ait de la réflexion et que les actes prennent compte de la singularité des personnes - ) Ils se disent en général assez
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isolés, sans soutien, quelquefois uniquement de la hiérarchie ou des psychologues et quelquefois aussi de leurs collègues. Chacun tente de se préserver comme il peut et ne s’implique pas dans les difficultés de l’autre. Les cadres ne perçoivent pas la souffrance des professionnels de terrain ou ne savent pas comment y remédier. Ils ont même des attitudes culpabilisantes à leur égard et la première dépersonnalisation est peut-être ici. Voici à ce sujet, le commentaire de Nabs sur le forum le Social : Le burn out, c'est la déshumanisation des éducateurs, des maîtresses de maison, des stagiaires, de tout le personnel. Il y a certainement une relation à faire entre ce qu’ils vivent en tant que professionnels et l’attitude qu’ils peuvent ensuite avoir avec les personnes accompagnées. Cette dépersonnalisation des publics, soulignée autant par H.Freudenberger que par C.Maslach transparaît quelquefois dans leur attitude désespérée. Finalement les professionnels ne voient plus que les difficultés ou les problèmes de comportement des personnes accompagnées. Un manque d’empathie pour les personnes accompagnées note Flo, sur le forum le social. On remarque aussi l’impossibilité de définir clairement les projets des institutions, ce qui est spécifiquement attendu dans leur service et quel rôle ils ont à y jouer. Les définitions très généralistes ne peuvent pas leur permettre de clarifier leur propre fonction. Les objectifs généraux et à très long terme ne constituent pas des supports suffisants pour construire des actions sur le court terme et dans le quotidien, dans l’ici et maintenant. Ces actions ont donc peu de sens quant à leurs effets possibles. Laure, sur le forum, l’expose ainsi : Les objectifs de l'établissement sont expliqués dans les projets associatifs et d'établissement, mais bien souvent tout ça ce n'est que de l'écrit pour faire joli, car dans la réalité les moyens ne sont pas donnés pour parvenir aux objectifs cités (en gros viser à l'autonomie, l'épanouissement, la socialisation etc etc). 
On retrouve ici les manques de l’organisation soulignés par C.Maslach : des projets trop généraux ou pas clairs, pas suffisamment de temps pour penser, se distancier et construire des actions soutenues par la hiérarchie, des rôles mal définis. 
Par ailleurs il est important de noter l’absence de reconnaissance. Les publics avec lesquels les éducateurs travaillent ne sont pas dans la capacité d’être dans un échange reconnaissant de l’aide apportée. Sauf, comme le souligne Cédric, lorsqu’un jeune devenu adulte, revient saluer et dire tout ce que son passage dans l’institution lui a apporté, et que là, l’éducateur a quand même le sentiment d’avoir posé sa petite brique. La reconnaissance est attendue de la part de la hiérarchie et personne ne parait l’obtenir. Pas de reconnaissance ni dans les actions quotidiennes, ni dans la volonté d’amener de nouveaux projets pour trouver des solutions aux problèmes qui paraissent insolubles. On a vu que même là, les propositions ne sont pas
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retenues, les compétences non prises en compte. Ils ne peuvent pas dans ces conditions exploiter leur capacité et tenter de maîtriser les difficultés rencontrées. Ils subissent mais il n’est pas question qu’ils aient des idées pour traiter les problèmes, ce qui ne peut que leur renvoyer une image négative d’eux-mêmes. Ils ne peuvent qu’être perdus et ne plus savoir quoi faire. Alors qu’ils portent seuls l’accompagnement des publics, on pourrait se dire qu’ils ont un peu d’autonomie. Ce serait confondre la réflexion collective permettant de trouver des solutions en fonction des connaissances, des compétences et de la qualité de la relation qui a été nouée, qui serait une manière de travailler en autonomie, avec l’isolement dans lequel se retrouvent ces professionnels. Ces professions d’aide engagent émotionnellement. Le travail de réflexion collectif et le positionnement des cadres n’est pas un frein à l’autonomie mais au contraire la possibilité de l’atteindre. On ne retrouve donc pas ici les besoins fondamentaux indiqués dans la théorie de l’autodétermination : autonomie, compétence, relation aux autres qui permettent de se réaliser. En reprenant la définition de la motivation de Susan Fiske on note que l’appartenance à un groupe semble plus que compromise par les conflits et par l’absence de définition claire des rôles. Cette absence de définition claire peut influer sur la perception que l’on a dans les propos, du manque de considération vis-à-vis de ces professionnels comme s’ils étaient quantité négligeable, perception qu’ils semblent avoir aussi d’eux-mêmes. Le besoin de comprendre et de contrôler n’est pas pris en compte par l’institution puisque leurs propositions restent dans les tiroirs. Les éducateurs semblent exclus de certaines décisions prises par d’autres membres de l’équipe pluridisciplinaire ou par la hiérarchie. Ils ne peuvent donc rien maîtriser. Il est bien difficile dans ce cas de travailler en confiance et de garder un peu d’estime de soi. 
Il est nécessaire que le travail s’effectue dans un cadre spécifique. Laisser seul l’éducateur porter les situations c’est prendre le risque qu’il s’engage dans une évaluation des problématiques plus centrée sur l’émotion que sur le problème lui-même et qu’il s’enlise. L’éducateur n’est pas un expert qui peut gérer seul les accompagnements puisqu’il s’agit d’une relation humaine. Dans ce domaine ce n’est pas de l’expertise mais un cheminement progressif qui constitue l’essence du travail. Un cheminement fait d’essais, de recherches et d’à peu près. Nous avons vu dans la gestion transactionnaliste du stress que le soutien perçu influence le contrôle perçu. Il faut souligner qu’il existe encore dans un certain nombre d’institutions la possibilité de bénéficier d’analyse des pratiques avec des intervenants extérieurs. En l’absence de soutien réel ou possible, de temps d’analyse des pratiques mais tout autant du soutien de la hiérarchie, on ne peut attendre des éducateurs qu’ils soient très efficaces longtemps dans leur
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recherche de solution et dans l’accompagnement quotidien. D’ailleurs sans plus aucune solution ils finissent par craquer. 
La question n’a pas été ouvertement posée lors des entretiens mais où sont les cadres de proximité ? Ce qui transparaît c’est la surcharge de travail administratif mais aussi le besoin de se protéger eux-mêmes des situations qui paraissent inextricables. 
Sur le forum, quelques commentaires signalent également l’absence des cadres : Laure : au contraire il serait + que nécessaire que la direction ait connaissance des enjeux de l'accompagnement des personnes, et des problématiques liées à chacune d'entre elles. Flo : Laure je rejoins absolument ton point de vue par rapport au fossé qui se creuse entre les professionnels du terrain et la hiérarchie qui est de plus en plus happée par des questions d'ordre politique, Alex : je pense que les conseils généraux, les a.r.s, (agences régionales de santé) les directions oublient les difficultés que nous rencontrons au quotidien dans la prise en charge des publics accueillis. 
Finalement, toutes ces remarques laissent le sentiment que les professionnels de terrain et le personnel d’encadrement ne regardent pas dans la même direction. 
Nous voyons dans ces cas d’usure professionnelle des arrêts maladie à répétition ou de très longue durée, certains évoquent un fort turn over dans leur institution. Ces éléments démontrent en eux mêmes la nécessité de trouver des solutions pour tenter de sortir de ces dysfonctionnements coûteux financièrement et humainement.
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Du burn out chez les éducateurs2

  • 1. D.U. Gestion et résolution des conflits, négociation et médiation/ 2014 Université Paris Descartes Du Burn-Out chez les éducateurs (L’épuisement professionnel, Comment faire face ? ) Barbara Graebling
  • 2. SOMMAIRE INTRODUCTION 1 PREMIERE PARTIE – Vers une définition du burn out 2 I -Le burn out ou épuisement professionnel (constat) 2 II – Le stress 4 1) L’approche physiologique et comportementale 4 2) L’approche cognitive 6 III – L’investissement professionnel 8 1) La motivation 9 2) L’auto-détermination 11 3) Le soi 14 IV – L’épuisement professionnel 15 1) L’individu (travaux de H.Freudenberger) 16 2) L’organisation (travaux de C.Maslach) 18 3) Burn Out et métiers de la relation d’aide - Rapport d’UNIFAF 20 4) Synthèse 22 DEUXIEME PARTIE – les entretiens 24 I – Analyse des entretiens 24 II – Discussion 36 TROISIEME PARTIE – Comment faire face ? 40 I – Pourquoi lutter contre le burn out 40 II – La posture des cadres de proximité 41 1) Donner du sens 42 2) Construire un programme 43 3) Dialoguer 44 III – Les professionnels de terrain 45 1) L’éthique 46 2) La relation éducative 49 CONCLUSION 52 BIBLIOGRAPHIE 53
  • 3. 1 INTRODUCTION Exerçant auprès de professionnels des métiers du social et du médico-social, je fais le désolant constat, chez un grand nombre d’entre eux, de leur état d’épuisement ou de leur banalisation des actes professionnels. J’ai voulu comprendre quelle pouvait être l’origine de ce malaise. En effet, ces professions se font généralement avec un vrai choix d’engagement et voir après quelques années de pratique, des personnes assez désespérées, ne comprenant plus le sens de leur travail et peu valorisées par leur métier est assez questionnant. Il est important, particulièrement lorsque l’on travaille avec des êtres humains, d’être enthousiaste et d’aimer ce qu’on fait. J’ai tout d’abord tenté de comprendre le phénomène du stress, comment il survient ? Comment les individus peuvent ou non le gérer. ? Toujours dans cette ligne, je me suis interrogée sur le fonctionnement de la motivation pour comprendre quel est le moteur de l’investissement dans la vie professionnelle. Ensuite, j’ai consulté les ouvrages et cherché à saisir l’esprit de deux auteurs particulièrement reconnus car ayant ouvert l’un et l’autre le champ des recherches sur l’épuisement professionnel. Tous deux ont orienté leur travail de façon un peu différente. H.Freudenberger se questionne plutôt sur l’individu alors que C.Maslach attribue les raisons de l’épuisement aux organisations. Puisque je parle ici des professionnels du social et du médicosocial il m’a paru intéressant de consulter le rapport de l’UNIFAF (OPCA des métiers du social) qui a fait un travail riche sur ce sujet. Dans un deuxième temps j’ai ouvert un fil de conversation sur le forum LeSocial.fr afin de vérifier auprès de professionnels anonymes ce qu’ils pouvaient exprimer à propos du burn out. Ils avaient tous quelque chose de pertinent à en dire, ce qui m’a confortée dans l’idée de mener des entretiens. J’ai donc rencontré 6 professionnels pour mener des entretiens semi-directifs. J’ai analysé leurs propos à partir des éléments théoriques exposés en première partie. A partir de cette analyse, j’ai essayé de dégager des points importants qui semblent poser problème dans la pratique professionnelle et participer au stress et au découragement. Je souligne succinctement dans la troisième partie, les éléments qui me sont apparus dans les entretiens comme devant faire l’objet d’une réflexion et je suggère des pistes pour alimenter cette réflexion, autant pour les cadres intermédiaires (les chefs de service) que pour les professionnels.
  • 4. 2 Première partie - Vers une définition du burn out I - Le burn out ou épuisement professionnel (constat) Après une carrière dans le social (établissement accueillant des adolescents en situation familiale difficile), j’exerce différentes activités dont l’accompagnement de candidats à la validation des acquis de l’expérience. J’accueille des candidats de toutes professions mais en raison de ma spécialisation dans les métiers du social et du médico-social, les candidats viennent majoritairement de ce champ professionnel. Les postulants au diplôme souhaitent obtenir soit le diplôme de moniteur-éducateur, soit compléter celui-ci déjà obtenu en préparant le diplôme d’éducateur spécialisé. Ce sont des métiers de la relation d’aide. Ces professionnels accompagnent des publics en difficulté, publics très diversifiés avec quelquefois des modes d’accueil, là aussi très diversifiés. Le champ social comprend l’accompagnement d’enfants ou d’adolescents dont la situation familiale compromet leur éducation voire les met en danger. L’accompagnement peut se faire dans le cadre familial ou dans un établissement dans lequel ces jeunes sont accueillis. Les adultes en rupture sociale peuvent également bénéficier d’aide avec par exemple un accueil en Centre d’hébergement collectif ou individuel. Dans le champ médico-social, il s’agit de l’accompagnement de personnes bénéficiant d’un statut accordé par la Maison Départementale du Handicap. Des enfants déficients, souffrant de trouble(s) du développement, ou inadaptés à la vie sociale et scolaire peuvent être soit accompagnés dans leur vie scolaire et familiale soit accueillis dans des établissements spécialisés. Des personnes adultes souffrant de handicap peuvent également être accueillies en établissement ou bénéficier d’accueil en journée. Ces exemples ne sont absolument pas exhaustifs mais permettent de balayer succinctement ces deux champs de travail. Dès les premiers candidats reçus, j’entends des plaintes régulières sur les difficultés à exercer leur métier. Les conflits professionnels ne doivent pas apparaître dans les écrits de la VAE et bien que ces professionnels soient informés sur la nécessaire coupure à faire entre leur vécu et la réflexion sur les éléments de la prise en charge du public, je reste attentive à leurs propos. Manifestement ça déborde ! Un nombre important parmi les, environ, 30 candidats que j’ai accompagnés en individuel au cours des 3 dernières années, me font part de leur constat de ne pas être entendus, d’avoir le
  • 5. 3 sentiment de ne pas être pris en compte. Généralement cette plainte s’adresse à leur hiérarchie mais quelquefois il semble que l’équipe ne soit pas solidaire et que le travail se fasse difficilement ensemble, chacun restant sur ses gardes vis-à-vis de ses collègues. Le travail avec les salariés des autres professions s’avère aussi compliqué. Il n’y a pas de compréhension des rôles et des différences de rôle chacun s’arrogeant les compétences du savoir. Puis ce qui apparaît dans le discours c’est le manque de reconnaissance et souvent, la motivation qui a conduit à s’engager dans l’obtention du diplôme (que ce soit moniteur éducateur ou éducateur spécialisé) est d’être enfin reconnu. Certains espèrent même pouvoir trouver un autre emploi, ayant désinvesti l’accompagnement de leur public. Leur travail semble ne plus avoir de sens. Parallèlement à ces accompagnements en individuel, j’interviens dans une école du travail social pour des candidats qui bénéficient de quelques heures complémentaires de formation collective pour cette validation des acquis. Le thème du cours qui m’est attribué est « expression et valorisation » J’ai, dans ce cadre, rencontré une cinquantaine de professionnels. Le groupe ne permet pas d’entrer dans des considérations plus personnelles mais lorsque j’aborde la question de l’exercice du métier et que je questionne pour repérer les actions mises en place et la manière dont elles ont été construites je remarque qu’il est souvent très difficile d’obtenir des réponses. Ces professionnels ne comprennent pas de quoi je parle, ils se regardent et manifestement se demandent si nous pratiquons la même langue. Je donne quelques exemples possibles et là, généralement, les personnes saisissent enfin mon propos, mais réagissent par : - mais, c’est banal !!! La banalité dont ils parlent est en fait toute la richesse de leur métier mais elle est mise de côté. La pratique, l’accompagnement, la relation, les actions quotidiennes, toutes les idées qu’ils ont pour inventer, trouver des pistes, pour aider les personnes ne semblent pas avoir d’intérêt. Bref, tous les éléments dont on dit qu’ils sont le coeur du métier sont banalisés. L’accompagnement spécifique en fonction des publics demande une adaptation constante pour aider les personnes à progresser et à s’intégrer. Apprendre les rapports humains, les rapports sociaux, les échanges, demande souvent de la part des professionnels un peu d’inventivité : modifier des règles sportives pour faire pratiquer collectivement des enfants dits « inadaptés », créer des jeux pour que des adolescents handicapés apprennent à gérer un budget, organiser des sorties pour des personnes handicapées et les ouvrir à la culture, préparer des repas avec des adolescents pour partager avec eux des moments chaleureux, prendre le temps de s’installer autour d’un café avec des familles en centre de réinsertion sociale pour leur permettre de parler tranquillement de leurs inquiétudes.
  • 6. 4 Comment ne pas faire le lien entre cette appréciation dévalorisée de leurs actions quotidiennes avec l’idée qu’ils se font de leur métier et par extension, d’eux-mêmes ? Ils sont manifestement épuisés, certains sous traitements anxiolytiques, d’autres ont déjà dû être en arrêt maladie. Beaucoup se disent stressés. Manque de reconnaissance, absence de définition claire de leur métier, peu de sens donné aux actions, difficultés à travailler avec les autres professionnels, peu ou pas de dialogue avec la hiérarchie semble être le tableau récurrent qui apparait avec l’épuisement et la démotivation. Quels éléments théoriques peuvent aider à comprendre ? II - Le stress Définition de l’agence européenne pour la sécurité et la santé au travail : Le stress est ressenti lorsqu'un déséquilibre est perçu entre ce qui est exigé de la personne et les ressources dont elle dispose pour répondre à ces exigences. Le stress peut-être défini, soit comme la réponse de l’organisme exposé à des situations potentiellement nocives, soit comme le résultat d’une interaction entre l’individu et son environnement ou encore, la conséquence d’une transaction dynamique entre l’individu et la situation. 1 – l’approche physiologique et comportementale C’est d’abord une explication biologique qui définit le stress comme le syndrome d’adaptation. (Hans Selye, 1956). Selye définit deux types de stress : le stress aidant et le stress nuisible. Le stress aidant est bénéfique pour l'organisme humain (« eustress ») car il permet d’agir – la parole étant considérée comme action - ce qui est nécessaire pour maintenir son équilibre. En revanche le stress est nuisible, (« dystress ») dans les situations où l’on est empêché d’agir, par manque de moyen, d’information ou par évaluation faussée de la situation. L’organisme a pour objectif de maintenir son équilibre interne (homéostasie) Pour maintenir ou retrouver cet équilibre, Selye propose un modèle, le syndrome général d’adaptation qui se déroule en trois étapes : a) la réaction d’alarme, - réponse de l’organisme face à la perturbation. L’individu mobilise ses ressources.
  • 7. 5 b) la phase de résistance et d’adaptation - recharge des moyens de défense utilisés dans la première phase c) la phase d’épuisement – Soit les ressources sont suffisantes et l’individu retrouve son niveau de résistance normal – soit les ressources sont épuisées, ou l’agression dure dans le temps et l’adaptation devient impossible. Pour Henri Laborit, le stress est lié à l’inhibition de l’action, comme il le démontre dans une expérience de laboratoire : Cette expérience se fait en 3 temps : a) Un rat est placé dans une cage. Un signal annonce que le sol va être électrifié. L’animal trouve très vite la solution pour entrer dans une cage mitoyenne dont le sol n’est pas électrifié. Dans cette situation, aucun stress n’apparaît. b) Un rat est placé dans une cage dont le sol est électrifié mais il n’a aucune solution pour y échapper. L’action est inhibée. Le rat ne peut ni agir, ni fuir. La situation provoque une hypertension. Si l’expérience est stoppée et la tension vérifiée un mois après, elle n’a quasiment pas changé. La situation a provoqué une hypertension chronique. Si le rat est disséqué, on découvre un ulcère à l’estomac. c) Deux rats sont placés dans la cage sans possibilité de s’échapper. Ils deviennent agressifs et se battent. Dans cette situation, Il n’y a pas de traces physiologiques de stress, comme dans la première situation. Les comportements agressifs peuvent paraître inadaptés mais il s’agit cependant d’une action qui permet d’évacuer le stress. Ensuite il stipule qu’il y a deux attitudes possibles dans l’inhibition de l’action « celle de l’attente en tension dans laquelle un espoir existe encore de pouvoir contrôler l’environnement (elle est à l’origine de l’anxiété), et celle de la dépression dans laquelle il y a un abandon de tout espoir. » (document internet olivier.hammam.free.fr/ Extrait de la colombe assassinée de Laborit ) On retrouve ici la description faite par les professionnels qui tentent de sortir d’une situation stressante dont ils ont bien repéré tous les symptômes et dans laquelle ils ont l’impression d’être coincés. La recherche d’obtention du diplôme pour changer de lieu de travail va bien dans ce sens.
  • 8. 6 Barbara Bonnefoy confirme que le stress peut expliquer le comportement d’engagement dans le conflit. Cependant, un agent stresseur déterminé n’appelle pas une réponse spécifique. Cette explication physiologique et comportementale d’une adaptation à des agents stresseurs ne tient pas compte des différences individuelles et des interactions avec le milieu. 2 – l’approche cognitive Pour l’approche cognitive, ce ne sont pas les agents stresseurs qui sont seuls à l’origine du stress mais la façon dont l’individu va les appréhender et les gérer. Un même agent peut être source de stress pour certains mais source de défi et de dépassement de soi pour d’autres. Il ne s’agit donc pas d’une simple réaction stimulus-réponse dans laquelle toutes les situations provoqueraient une réaction identique mais l’interaction entre certaines caractéristiques de l’individu et du contexte qui sont sources de conflit ou qui génèrent des comportements d’ajustement.  Dans la définition du lieu de contrôle – ou LOC - l’évaluation du stress peut être liée à la façon dont l’individu en attribue la cause soit comme indépendant de sa volonté, il ne peut agir sur la situation, on parle alors de lieu de contrôle externe, soit il se considère comme pouvant agir sur la situation, on parle alors de lieu de contrôle interne (Rotter 1966).  Pour Bandura (1977) c’est le sentiment d’auto-efficacité personnelle qui permet de modeler l’environnement. Ce sentiment renvoie à la confiance que le sujet a en ses capacités, notion proche de l’estime de soi, alors que le lieu de contrôle interne/externe renvoie plutôt à un trait de personnalité acquis par apprentissage social.  L’attitude des individus face à une situation possiblement stressante en modifie la perception. L’anxiété-trait est un élément durable de la personnalité qui accentue les potentialités d’une situation stressante en l’évaluant comme dangereuse voire menaçante. L’anxiété-état est plus épisodique et reste cadrée dans le temps.  L’endurance (Hardiness) correspond au sens de la maîtrise personnelle face aux évènements et à penser que les problèmes sont des défis plus que des menaces. Les modèles interactionnistes dépassent donc ceux impliquant des relations causales linéaires. C’est bien la rencontre entre l’individu et le contexte qui peut être pathogène ou salutogène et non les facteurs pris séparément. Cependant, cette conception implique que ce seraient ces facteurs qui auraient une fonction protectrice ou pathogène. Un autre modèle : le modèle
  • 9. 7 transactionnaliste prend en compte l’individu et le contexte dans une relation qui permet la modification de l’un et de l’autre dans un mouvement dynamique. Ce modèle est introduit par Lazarus et Folkmann (1984) (in Psychologie de la santé M. Bruchon- Schweitzer – Dunod - 2002 - ; Le stress, Laurent Guillet – De Boeck 2012) Les trois niveaux de stress y sont inclus: social, psychologique, et physiologique. L’individu et son environnement sont compris dans une relation dynamique interagissante, le stress étant l’écart entre les exigences situationnelles et les capacités d’un sujet, réelles ou perçues. Dans ce modèle, le processus d’évaluation donne une signification à la situation. Les variables personnelles : valeurs, croyances, responsabilité, ressources influent sur la perception de la situation qui elle-même peut impliquer des pressions sociales, être ambigüe ou menaçante, … en fait, représenter un contexte subjectif. Les stratégies d’ajustement mises en place pour faire face à la situation : réponses cognitives, émotionnelles et comportementales tendent à, soit modifier la situation soit modifier l’individu qui vit la situation. On remarque régulièrement dans les descriptions des professionnels cet écart entre leurs valeurs personnelles et les ressources avec les attentes de l’institution. L’évaluation se fait en plusieurs phases : L’évaluation primaire correspond au stress perçu (modifications physiologiques), l’évaluation secondaire au contrôle perçu (sentiments positifs ou négatifs), puis une phase de réévaluation (importance des conséquences). Dans le stress perçu, la subjectivité de la situation est aussi évaluée en fonction des ressources disponibles. Le contrôle perçu est une croyance qu’a l’individu d’avoir ou non les ressources suffisantes pour gérer la situation. Un degré élevé de contrôle perçu favorise un bon ajustement au travail mais un degré peu élevé de contrôle perçu peut être compensé par le soutien social perçu. Le soutien social perçu n’est pas le soutien réellement reçu mais l’évaluation, là aussi subjective, satisfaisante ou non, qui est faite des ressources sociales potentiellement disponibles face aux exigences de la situation vécue comme stressante. Cette évaluation se fait en termes de disponibilité et/ou de qualité de l’aide possible. Une évaluation positive atténue l’impact d’un évènement, d’autant plus si ce soutien perçu est considéré comme un soutien de qualité. Il renforcerait alors le contrôle perçu et encouragerait l’individu à adopter des stratégies actives face aux évènements (stratégies centrées sur le problème) plutôt que des stratégies passives (stratégies centrées sur l’émotion) Ces stratégies d’ajustement aux situations stressantes sont définies sous le terme de coping (to cope = faire face) Lazarus (1966) D’abord identifié aux concepts de défenses associés à la psychanalyse, le coping a un rôle complémentaire de celles
  • 10. 8 ci. Les défenses agissent pour réduire la tension liée à des conflits intrapsychiques ou à d’anciens évènements de vie. Leur action est inconsciente, rigide et distord généralement la réalité. Pour certains auteurs, il est nécessaire d’y inclure les stratégies, conscientes et inconscientes de régulation émotionnelle et de résolution de problème pour s’ajuster à un évènement actuel perçu comme menaçant. Inscrit dans la perspective transactionnaliste de gestion du stress, c’est un processus multidimensionnel, qui aide à faire face aux différents aspects mais aussi aux différents enjeux des situations et adapté au contexte. Les stratégies d’ajustement utilisées peuvent être cognitives ou comportementales, centrées sur le problème ou centrées sur l’émotion. Les stratégies centrées sur l’émotion dites stratégies passives ou évitantes, peuvent être positives dans les situations incontrôlables. C’est plus l’adéquation de la stratégie à la situation qui est essentielle. Une stratégie centrée sur l’émotion, par exemple : relaxation, activité sportive pour évacuer le stress dans une situation sans contrôle possible est préférable à une stratégie centrée sur le problème alors que les connaissances ou moyens pour résoudre la situation ne sont pas à disposition. Si l’individu dispose des moyens nécessaires pour résoudre le problème, ou bien lorsqu’il a la possibilité de les rechercher, les stratégies dites actives ou vigilantes, c'est-à-dire centrées sur le problème sont plus adaptées. Le peu de distanciation inévitable dans les métiers de la relation d’aide mais aussi l’engagement affectif incontournable ne favorise pas la réflexion nécessaire pour construire des stratégies adaptées. La recherche des moyens pour construire une action centrée sur le problème nécessite un travail en collaboration qui est souvent rendu impossible par la non prise en compte du stress vécu dans le quotidien par les professionnels et de l’engagement relationnel. Malgré toutes les difficultés rencontrées dans la vie professionnelle dont le stress est un élément important, qu’est-ce qui engage tant dans un métier ? III - L’investissement professionnel Différents éléments sont à prendre à compte et celui qui parait central pour les organisations et pour les managers, c’est la motivation des personnes.
  • 11. 9 1) La motivation La motivation est le moteur ou la force interne qui nous fait agir et qui induit nos comportements de façon durable. La motivation est changeante, elle évolue pour une même personne, dans le temps ou en fonction de circonstances. Elle peut se définir comme étant le facteur de déclenchement de l’activité, de la direction de l’activité, de l’intensité et de la persistance du comportement. Différentes théories expliquent ce qu’est la motivation mais probablement qu’aucune à elle seule ne peut être un modèle définitif et unique.  Les premières explications concernent la réduction des besoins physiologiques afin de maintenir au mieux l’équilibre homéostasique de l’organisme par la recherche d’apaisement ou l’évitement des tensions.  Pour la psychanalyse c’est l’expression des désirs cachés qui se sont noués, dès l’enfance, sur des objets d’investissements.  Pour l’approche comportementale c’est le cadre des théories de l’apprentissage qui explique la motivation par un comportement appris.  Dans le cadre des motivations sociales, on trouve le besoin d’accomplissement. Ce besoin vise autant une satisfaction personnelle qu’une reconnaissance sociale.  Dans le cadre de la psychologie humaniste c’est la pyramide de Maslow et ses différentes étapes qui expliqueraient le ressort de la motivation. Les besoins sont hiérarchiquement organisés et la satisfaction de l’un permettrait de passer à l’étape suivante. Les besoins élémentaires situés en bas de la pyramide représentent les besoins physiologiques, puis viennent les besoins concernant la sécurité matérielle, l’affection et l’acceptation par les autres puis les besoins cognitifs et enfin la réalisation de soi.  La psychologie sociale prend en compte l’effet combiné de la situation et de la personne. La motivation centrale sur laquelle s’adossent toutes les autres, est le besoin d’appartenance à un groupe « l’appartenance à un groupe aide les individus à survivre psychologiquement et physiquement » (Susan Fiske 2008 page 29) Après la nécessité d’avoir des relations fortes et stables qui caractérisent ce besoin d’appartenance, Susan Fiske (2008) classe les motivations en deux catégories les motivations plutôt cognitives : comprendre et contrôler les motivations plutôt affectives : se valoriser, faire confiance
  • 12. 10 Comprendre : comprendre son environnement afin de pouvoir agir ou réagir en cas de nécessité et comprendre pour donner du sens. Les échanges de théories explicatives des évènements entre les personnes et la construction d’éléments communs qui font ensuite référence sont une élaboration des représentations sociales. Cette compréhension partagée permet de s’adapter à la vie dans le groupe. Contrôler : se sentir compétent et efficace, avoir des responsabilités, savoir que l’on peut obtenir du soutien en cas de nécessité. Chacun aspire à comprendre le lien entre le comportement et les résultats. Si tel n’est pas le cas, les gens recherchent les informations et font des efforts constants pour prendre la situation en main et tenter de réussir à atteindre leurs buts. Un certain nombre d’études démontrent que les personnes qui contrôlent la situation dans leur environnement sont en meilleure santé et se sentent plus heureux. Comprendre et contrôler sont de nature cognitive et « concernent avant tout, la prise d’information, les pensées, les croyances, ainsi que la résolution de problème » (Susan Fiske 2008 page 35) La valorisation de soi : estime personnelle et possibilité de se perfectionner – besoin de s’accomplir. Le Feed back positif aide à se sentir bien au sein du groupe, cimente les relations et participe à la continuité et l’équilibre du groupe La confiance, forme d’intelligence sociale, contribue à la vie dans les groupes en facilitant les échanges d’information et les ressources. Elle permet aussi une entraide pour éviter les difficultés. Faire confiance permet de percevoir le monde comme bienveillant alors que l’absence de confiance génère un climat d’insécurité.  Dans le cadre de la psychologie cognitive, E.L. Deci et R.MRyan (2005) ont étudié l’impact des besoins d’autonomie et de compétence sur la motivation individuelle pour laquelle ils distinguent deux types de motivation : la motivation extrinsèque et la motivation intrinsèque. La motivation extrinsèque s’appuie sur les avantages dérivés de l’activité comme le salaire, une promotion ; pour les enfants ou les étudiants, des bonnes notes ou la réussite aux examens. (causalité externe) La motivation intrinsèque représente le plaisir que procure une activité, comme satisfaisant le besoin de se réaliser, le besoin d’autonomie ainsi que le besoin de se sentir compétent. (causalité interne) Etre compétent implique de développer ses capacités par l’accumulation de connaissances et d’expérimentation afin d’interagir
  • 13. 11 avec son milieu (professionnel par exemple) mais également à rechercher la maîtrise des compétences. Ces chercheurs ont développé plus avant ces concepts, dans le cadre de la théorie de l’autodétermination. 2) L’auto détermination Naturellement porté vers le défi, l’intégration de nouvelles connaissances, la recherche de liens sociaux, l’individu interagit avec son environnement qui favorise ou entrave ses potentialités. Pour la théorie de l’autodétermination la réalisation de soi est le critère d’existence de bien être. La réalisation de soi passe par la satisfaction des besoins psychologiques fondamentaux : autonomie, compétences, relations aux autres, satisfaction qui facilite la croissance, l’intégrité et le bien-être. L’autonomie c’est décider soi même de son action et pouvoir la réaliser ; la compétence renvoie au sentiment d’efficacité personnelle et de maîtrise de l’environnement ; la relation aux autres comprend l’appartenance et le sentiment d’avoir de la valeur pour d’autres personnes. Ces besoins sont la source de l’énergie humaine et la recherche de leur satisfaction est un but qui fournit le sens de l’activité. On retrouve ici la motivation comme moteur de l’activité. Il est possible de classer plusieurs types de régulation de la motivation sur un continuum qui comprend une échelle de six indicateurs ( Ryan et Deci 2002) : trois types de régulation considérés comme autodéterminés : Motivation intrinsèque, Motivation extrinsèque avec régulation intégrée et Motivation extrinsèque avec régulation identifiée (motivations autonomes) et deux types comme contraintes : Motivation extrinsèque avec régulation introjectée, Motivation extrinsèque avec régulation externe (motivations contrôlées) Et pour terminer l’amotivation.
  • 14. 12 Les motivations autonomes : La motivation intrinsèque : on accomplit des tâches dont la réalisation apporte en elles- mêmes la satisfaction et en se sentant à l’origine du comportement. Un feed-back positif augmente la motivation intrinsèque en informant sur les compétences, mais un évènement extérieur, incitateur à la réalisation de la tâche qui déplacerait la motivation vers une causalité externe a un effet de désinvestissement, l’individu ressentant son action comme contrôlée de l’extérieur. Cependant, le climat dans lequel les évènements extérieurs interviennent est prépondérant pour l’interprétation qui en sera faite et donc pour leurs effets. Régulation intégrée : La motivation extrinsèque est totalement intégrée à la personnalité, aux valeurs, à l’identité même. Le comportement est en harmonie avec les valeurs et se maintient durablement. Régulation identifiée ; les tâches à réaliser sont comprises comme une nécessité, acceptée et reconnue. Même si elles ne sont pas agréables à exécuter elles sont considérées comme importantes pour la réalisation de certains objectifs ou concordant avec les valeurs personnelles. Cette étape participe à l’intégration des moeurs, des coutumes et des valeurs sociales. Les Motivations contraintes : Régulation introjectée : Il y a un certain accord entre la valeur personnelle et la réalisation des tâches attendues ou exigées par l’environnement. Par exemple, atteindre tel objectif permettra de s’identifier comme bon professionnel. Le contexte peut donc permettre de faire ressortir un intérêt personnel. Il s’agit ici d’une pression interne afin d’éviter une culpabilité ou satisfaire des attentes sociales afin de satisfaire un sentiment de valeur personnel, mais les contraintes n’ont pas été totalement appropriées comme faisant partie de soi. Ce n’est pas le cas de la Régulation externe qui engage dans l’action pour éviter un problème ou par obligation de conformité. Si la pression externe disparait, le comportement n’est pas maintenu durablement. Elle répond aussi à la fonction économique du travail. A l’extrême du continuum on trouve l’amotivation, absence totale de motivation, concept proche de la résignation acquise. Les personnes ayant une forte motivation autonome sont en meilleure santé, plus énergiques, mieux investies dans leur vie professionnelle. Corrélativement, les personnes qui ont un indice
  • 15. 13 plus élevé de motivation contrôlée ou d’amotivation ont plus de conséquences négatives dans leur vie. Il est important de souligner que tous les types de motivation sont présents chez les individus mais à des degrés divers. C’est la plus grande importance de l’un ou l’autre type de motivation qui a des conséquences salutaires ou non. C’est la satisfaction des besoins psychologiques : autonomie, compétence, appartenance, qui influe sur la motivation et dont les effets seront : un bien être physiologique et psychologique et une meilleure adaptation à l’environnement et au contexte. A l’inverse, lorsque l’environnement social entrave les besoins, cela génère mal-être, aliénation et dysfonctionnement. La théorie de l’autodétermination prend en compte le contexte (qui favorise ou entrave les besoins) mais aussi les ressources internes des individus. Les orientations causales (Deci et Ryan 1985) définissent trois orientations motivationnelles : autonome, contrôlée et impersonnelle chacune étant plus ou moins importante chez chaque individu. L’orientation autonome particularise les personnes plutôt proactives et qui ont plus tendance à assumer la responsabilité de leurs actes. Cette orientation est reliée aux régulations, intrinsèque, intégrée et identifiée. L’orientation contrôlée spécifie plutôt les personnes qui agissent en fonction de différentes formes de contrôle qu’elles perçoivent de l’environnement. Elles sont plus sensibles aux attentes des autres qu’à leur propre volonté. Cette orientation est reliée aux régulations, externe et introjectée. L’orientation impersonnelle caractérise les personnes qui estiment que la réussite échappe à leur contrôle et se sentent inefficaces pour modifier les évènements. Cette orientation est reliée à l’amotivation. « Ces orientations sont le résultat des interactions sociales antérieures de l’individu » (Deci et Ryan – 1985) Pour compléter cet ensemble, on peut indiquer le contenu des buts (Deci et Ryan 2002) qui précise l’effet plus satisfaisant de la réalisation de buts directement reliés aux besoins fondamentaux et désignés comme buts intrinsèques (développement personnel..) par rapport aux buts extrinsèques (l’argent, la renommée personnelle…)
  • 16. 14 Pour la théorie de l’autodétermination, l’actualisation de soi et l’environnement social sont les deux pôles de l’interface qui caractérise l’individu. Tableau proposé par P.Sarrazin et al.. On peut remarquer dans les différents commentaires des professionnels que les choix des institutions s’orientent le plus souvent vers une réponse au législateur (mise en application des nouvelles lois, et de l’évaluation externe) en oubliant l’individu. Les motivations externalisées découragent les acteurs qui désinvestissent leur rôle. 3 ) Le Soi Il en existe de nombreuses définitions mais nous allons retenir ici : le concept de soi qui correspond à la façon de nous définir, l’estime de soi à la façon dont nous nous évaluons et la présentation de soi, la façon dont nous nous présentons, aux autres mais aussi à nous même. Ces composantes correspondent respectivement à la cognition, aux affects et au comportement. Le soi se construit progressivement par l’accumulation des expériences et dans l’interaction avec le milieu social et culturel, se développe et évolue en fonction des besoins de la personne. Le concept de Soi : Les éléments de la connaissance de soi, informations sur soi, compétences, expériences, permettent de maintenir une stabilité interne mais autorisent aussi une flexibilité
  • 17. 15 suffisante pour s’adapter lorsque l’environnement le nécessite, comme par exemple les interactions dans le monde professionnel. Ces interactions peuvent favoriser l’épanouissement ou au contraire engager dans un processus aliénant. En effet, une croyance sur Soi forte construite à partir de compétences référencées et reconnues rend l’individu moins malléable. A contrario une croyance sur Soi faible rend plus dépendant et donc plus vulnérable. L’estime de Soi : L’auto évaluation se construit aussi à partir des interactions avec un désir de maintenir une évaluation de soi positive. L’estime de soi est une composante centrale du Soi et en lien avec les valeurs. L’estime de soi est corrélée à l’écart entre le soi réel et l’idéal de Soi. Une faible estime de soi signifie peu de ressources pour lutter contre des menaces provenant de l’environnement. Les personnes ayant une faible estime, ont tendance à expliquer les évènements négatifs par des causes internes et pour se protéger, elles développent un comportement très conformiste, ce qui génère des difficultés à s’adapter. Plus l’estime de soi est forte, plus elle est stable et plus l’estime de soi est faible, plus elle est instable, sensible aux variations situationnelles. La présentation de Soi : C’est la façon de se présenter pour maîtriser l’impression que nous allons donner de nous même afin de contrôler nos interactions. L’autoprésentation peut s’apparenter à un rôle que nous devons jouer. Ces conceptions de soi définissent une construction qui permet de réguler la conduite humaine en fonction des situations. Le Soi est un élément central dans les changements de la motivation au travail. Il n’est pas inutile d’ajouter que l’identité sociale est une partie du Concept de Soi. « Cette partie du concept de soi qui provient de la conscience qu’a l’individu d’appartenir à un groupe social (ou à des groupes sociaux), ainsi que la valeur et la signification émotionnelle qu’il attache à cette appartenance » (Tajfel, 1981) » L’identité sociale s’articule entre des facteurs
  • 18. 16 cognitifs (catégorisation sociale) et motivationnels (vouloir se distinguer positivement sur une échelle de valeurs) Une identité professionnelle mal définie fragilise encore plus les professionnels de terrain. Ne pouvant clairement construire des objectifs, avec des outils définis par leur métier, ils sont régulièrement interpelés par la hiérarchie ou les autres acteurs de leur environnement (psychologues, aide sociale, juge pour enfants) qui leur disent quoi faire. Dans ce contexte, ils ne donnent pas l’impression de pouvoir se situer clairement, s’affirmer dans leur propre dimension. IV - L’épuisement professionnel Le stress prolongé et permanent qui use l’individu a été étudié depuis quelques années. D’abord c’est Harold B.Bradley (1969) qui apparente ce stress comme spécifique au travail et l’intitule Burn Out. A la suite de ce premier article deux études plus approfondies vont paraitre : Les premières recherches sont celles de Herbert.Freudenberger (1974) qui réitère cette définition du burn out comme l’exposition à un stress permanent, et peu de temps après ce sont les travaux de Christina Maslach (1976) qui sont publiés. Ce sont aujourd’hui les deux auteurs reconnus comme ayant ouvert la voie aux travaux de recherche approfondis sur l’épuisement professionnel. Par ailleurs, une étude a été menée en France par UNIFAF, l’OPCA des établissements sociaux et médico-sociaux et un rapport a été publié en 2006 sur le burn out des professionnels de ces secteurs d’activité. 1) L’individu (travaux de H Freudenberger) Freudenberger est psychiatre, psychanalyste. C’est d’abord son expérience personnelle qui va le confronter au burn out. Après ses heures de travail il intervient bénévolement dans une « free clinic » à New York qui accueille de jeunes toxicomanes. Il s’investit totalement dans ce projet que ce soit en temps ou émotionnellement. Il ne compte pas les heures de travail et reste souvent tard dans la nuit. Il est totalement tourné vers une réussite nécessaire, ne peut plus penser sereinement aux difficultés qui se présentent et ne perçoit pas les changements qui
  • 19. 17 commencent à s’opérer en lui malgré les remarques de ses amis et de sa famille : amaigrissement, toutes ses idées sont orientées vers son action bénévole, il ne s’occupe plus de sa famille… jusqu’au jour où il ne peut plus se lever et dort durant 48 heures d’affilée. - " En tant que psychanalyste et praticien, je me suis rendu compte que les gens sont parfois victimes d'incendie, tout comme les immeubles. Sous la tension produite par la vie dans notre monde complexe, leurs ressources internes en viennent à se consommer comme sous l'action des flammes, ne laissant qu'un vide immense à l'intérieur, même si l'enveloppe externe semble plus ou moins intacte" (, Freudenberger 1980, page 3) Il observe alors les équipes de bénévoles qui travaillent avec lui et remarque que rapidement, environ après un an, tout le monde se démobilise et semble beaucoup moins motivé par cet engagement. Les bénévoles se heurtent à d’innombrables difficultés, les jeunes toxicomanes ne répondant pas à leurs espoirs d’évolution. La réussite attendue ne se réalise pas. Cependant, l’image que les bénévoles ont d’eux-mêmes, l’idée qu’ils s’étaient faite de leur réussite, l’image de héros qu’ils s’étaient attribuée, ne leur permet pas de prendre conscience de la situation. Leur volonté d’aboutir aux objectifs qu’ils s’étaient fixés pour valider ce qu’ils imaginaient de leur réussite personnelle les engage un peu plus, en investissement émotionnel et en temps, dans leurs activités professionnelles. Les personnes ont donc tendance dans un premier temps, à surinvestir. L’hyperactivité se révèle être un des premiers éléments, le premier signe que le dérapage est engagé. Moins les résultats sont présents, plus la personne investit en espérant compenser, comme si l’absence de résultats était due à son manque de compétence et qu’elle serait donc seule responsable d’un échec. Puis, le stress s’installe et la déception entraîne la fuite, les conflits entre collègues, le cynisme et les attitudes négatives vis-à-vis du public qui vont constituer le tableau symptomatologique. Ce sont ensuite les symptômes physiques qui apparaissent : fatigue, insomnies, symptômes physiques du stress, douleurs diverses. Une étape de plus et la personne semble totalement dépressive. Cependant, les symptômes de la dépression vont différer de ceux habituellement reconnus, car ici il n’y a pas de dépréciation personnelle ou pas seulement mais essentiellement de la colère. De plus la personne est désorientée, absorbée dans ses pensées en permanence et ne peut plus faire face à ses obligations familiales et professionnelles. Les échanges intellectuels et donc la réflexion nécessaire pour la profession deviennent impossibles.
  • 20. 18 D’après Freudenberger, il y a un décalage entre l’idéal que s’était fixé la personne dans sa réalisation professionnelle avec la réalité qui ne correspond pas à ses attentes, à ses espoirs. C’est ce décalage, cette atteinte dans l’image de soi, qui va engendrer l’épuisement, « que l’on diagnostique chez les idéalistes »( Freudenberger 1980 page 35.) Cette première description met donc l’accent sur les symptômes et sur la cause de cet épuisement qui serait dû à un fort investissement personnel, qui ne conduit pas à produire la « récompense » attendue. Il s’agit donc essentiellement de facteurs individuels même si Freudenberger souligne que les attentes sociales vis-à-vis des individus ont un impact sur l’image que la personne a d’elle- même et influencent donc, de manière indirecte, le risque de burn out. On peut noter dans ces travaux, que l’investissement intense des bénévoles déçus par l’impossibilité d’atteindre des objectifs qu’ils s’étaient eux-mêmes fixés, donne l’impression que les choix et les possibilités des personnes accompagnés n’ont pas réellement été pris en compte. 2) L’organisation (travaux de Christina Maslach) Dans un monde qui change et qui privilégie la finance, le profit immédiat sans en mesurer les conséquences à plus long terme, le décalage entre l’individu et le travail est trop important. Les valeurs de l’entreprise qui ne sont pas suffisamment clarifiées au profit d’une vague formulation de la mission globale et les politiques pour atteindre des objectifs assez abstraits, par ailleurs en décalage avec le vécu quotidien des professionnels est une source de stress importante. La disparité entre la fin et les moyens, les stratégies qui ne permettent pas dans la réalité d’atteindre les objectifs fixés entrainent un désengagement des personnes dans leur activité professionnelle. Les conséquences sont immédiates avec moins de possibilité de contrôle sur les actions, donc une perte d’autonomie, moins de reconnaissance pour ce qui est accompli qui laisse un sentiment d’injustice, des écarts entre les valeurs personnelles et les attentes professionnelles. Les relations se dégradent et l’esprit de groupe qui était un soutien dans la vie professionnelle, disparaît.
  • 21. 19 « Le burn out est l’indice de la séparation entre ce que les gens sont et ce qu’ils doivent faire » (C.Maslach,M.P.Leiter 2011, page 42) Les trois dimensions en sont l’épuisement émotionnel, le cynisme, l’inefficacité : La charge émotionnelle est trop lourde et devient chronique poussant au-delà des limites émotionnelles de l’individu. Le cynisme se caractérise par une attitude distante et impersonnelle. On traite un cas et plus une personne. Cette attitude dévalorise le rôle professionnel, engage une baisse de l’accomplissement et donne le sentiment d’être inefficace et inutile jusqu’à l’impression d’être en échec personnel. Pour C. Maslach, ce n’est pas l’individu qui est en cause mais l’environnement humain dans lequel il travaille. « La structure et le fonctionnement de l’entreprise déterminent la façon dont les gens interagissent et font leur job «(C.Maslach,M.P.Leiter 2011 page 44) Les auteurs soulignent l’importance des émotions négatives qui gomment le plaisir qu’il y avait à travailler et qui alimentait la motivation. Les échangent deviennent hostiles et émaillés de sarcasmes et de critiques. Les relations se dégradent, les différends et les conflits entre collègues ou avec la hiérarchie deviennent récurrents. Le travail d’équipe se délite et l’hostilité engendre l’hostilité et la spirale descendante du burn out est engagée. L’expression de sentiments négatifs affecte l’entourage qui renvoie des émotions négatives en isolant les personnes ce qui entretient la spirale négative. Isolées, elles sont confortées dans l’idée qu’il s’agit de leur échec personnel. Elles recherchent d’ailleurs des solutions personnelles : psychothérapie, changement de carrière. L’entreprise attribue également la cause à l’individu et l’enferme un peu plus. Si celui-ci a des attentes vis-à-vis de sa hiérarchie, l’incompréhension est totale et les conflits s’aggravent. Christina Maslach(1993) relève que la mise à distance et le désengagement se retrouvent dans les stratégies verbales catégorisant les clients sous des termes abstraits, techniques, ou stigmatisants. Elle utilise le terme de dépersonnalisation pour désigner ces attitudes. D’autres stratégies sont aussi mises en place comme une application stricte du règlement afin de limiter l’implication personnelle. La perte d’efficacité qui s’ensuit provoque absentéisme et turn over.
  • 22. 20 En 1996, elle publie, Le Maslach Burnout Inventory’s ( MBI) avec Susan Jakson et Michael Leiter, un test qui permet de mesurer le syndrome d’épuisement professionnel. Ici, on peut recouper exactement les descriptions faites par les professionnels de terrain. Ils sont écrasés par l’organisation qui les rend toujours coupables des difficultés. Leur hiérarchie les pense trop fragiles, leur suggère de se faire aider (ailleurs) et éventuellement se débarrasse des plus fragiles. Ces professionnels ne perçoivent pas que leurs difficultés dans leur entourage familial ou social proviennent de cet épuisement et ils ont le sentiment qu’effectivement ils ne sont pas capables d’assumer leurs différents rôles en raison de dysfonctionnements personnels. 3) Burn out et métiers de la relation d’aide (rapport UNIFAF) Dans un premier temps les recherches sur le burn out ont mis en évidence l’impact majeur de l’activité professionnelle dans les métiers de la relation d’aide sur l’état de santé des professionnels. Les recherches se sont étendues progressivement à d’autres professions. Cependant toutes font état d’un risque plus élevé pour les professionnels en contact avec du public. Puisque il s’agit ici de traiter spécifiquement de l’épuisement professionnel dans les métiers du social et du médico-social, il est intéressant d’aller voir ce qu’en dit l’UNIFAF (OPCA des établissements sociaux et médico-sociaux) dans le rapport effectué à l’occasion de la mise en place d’un programme de formation en direction des professionnels en souffrance. En 2006, donc avant les lois sur les risques psychosociaux, UNIFAF Rhône Alpes, a mis en place un programme de formation pour les personnels du social et du médico-social afin de tenter de trouver des solutions au mal être grandissant dans la profession. Celui-ci n’était pas encore suffisamment identifié et ce programme devient ainsi un bilan des situations vécues et propose des pistes de travail pour prendre en compte ces problèmes. Il en ressort un risque majeur d’abord dans la prise en charge, éducative, sociale ou thérapeutique en lien avec l’évolution des publics en situation de plus en plus extrême mais également une modification de la culture professionnelle en lien avec des changements dans les politiques sociales et dans l’organisation du monde médico-social. Les établissements se positionnent dorénavant plus comme des supers structures gestionnaires. Les cadres de proximité portent ces changements au sein des établissements ce qui provoque des tensions avec les professionnels de terrain qui ont le sentiment d’une disparition des valeurs
  • 23. 21 fondamentales du métier. Les nouveaux éléments à prendre en compte dans les établissements provoquent une surcharge de travail, impliquant les professionnels dans diverses commissions et réunions. L’objectif premier est de leur permettre de maîtriser de nouveaux outils mais dans les faits, ces temps sont plus généralement vécus comme alimentant l’éloignement d’avec les personnes accompagnées. Par ailleurs, les désaccords sur le contenu des prises en charge ne sont pas arbitrés ce qui entretient des différends voire des conflits dans les équipes. Des luttes entre les différents corps de métiers participent au climat conflictuel. De plus, le mode d’organisation de l’activité n’est pas toujours adéquat ce qui provoque un manque d’encadrement pendant les temps forts des prises en charge. On note aussi qu’une analyse des signalements de maltraitance institutionnelle dans les établissements, montre que dans 70 % des cas signalés on repère un dysfonctionnement organisationnel dans la structure d’accueil. Cela confirme ce qui était déjà suspecté à savoir que l’institution peut devenir maltraitante autant des professionnels que du public. Cette relation entre la souffrance au travail et la maltraitance institutionnelle est une particularité, une spécificité du secteur social, médico-social, sanitaire et social. Page 12 du rapport « Si l’attribution à des causes personnelles ou au contraire à des causes environnementales, a toujours opposé les acteurs du monde du travail, l’approche psychosociale du risque tranche très clairement dans ce débat en privilégiant avant tout les causes environnementales de travail, c’est-à-dire l’activité et ses conditions relationnelles, organisationnelles et sociales d’exercice. » Pour une compréhension d’une situation de stress prolongé et de souffrance au travail, c’est donc dans un premier temps l’analyse de l’environnement de travail et du lien à l’activité professionnelle qui sera privilégiée. Si les conditions de travail sont acceptables, il sera nécessaire, dans un deuxième temps de faire une recherche des causes dans la situation personnelle des individus. En effet le lien cause-effet n’est pas spécifique et les conséquences ne sont pas les mêmes selon les personnes mais aussi selon les compensations des facteurs entre eux. Les actions de prévention consistent d’ailleurs lorsque le risque ne peut pas être supprimé, à développer des mécanismes de compensation.
  • 24. 22 4) Synthèse Tout d’abord la description des symptômes physiques ainsi que celle de la dégradation de la santé en général est commune à tous les travaux concernant le burn out. On repère systématiquement les symptômes identifiant le burn out : l’épuisement émotionnel, la dépersonnalisation ou constat de cynisme dans les relations, l’inefficacité. L’apparition des symptômes se fait toujours dans cette chronologie. Les personnes qui souffrent d’épuisement sont généralement celles qui sont les plus idéalistes et donc profondément engagées dans leur profession et même fortement engagées émotionnellement. On remarque chez elles une grande volonté de réussir. Les objectifs ne sont pas toujours clairement définis par l’institution ou par la hiérarchie ou sont irréalistes ce qui laisse le champ plus libre à un engagement (trop) personnel. L’institution dans ce cas ne représente pas le cadre nécessaire qui permettrait d’enrayer cet excès d’espoir dans une réussite un peu trop absolue. Par ailleurs, les actions demandées ou attendues peuvent être en inadéquation avec les valeurs ou l’analyse de la situation que fait le professionnel et ne pas toujours avoir un sens cohérent. Les moyens ne sont pas toujours présents que ce soit la formation suffisante, le travail en pluridisciplinarité, l‘organisation, et/ou les temps de réflexion collective. La hiérarchie parait défaillante et pour le moins absente, éloignée des réalités de terrain, alors que, particulièrement pour les cadres de proximité, leur rôle serait d’être plus engagés auprès des équipes, de connaître et comprendre les situations, entendre les différents points de vue et prendre des décisions en tenant compte de tous ces éléments. Finalement, les professionnels de terrain se retrouvent très seuls. Toutes ces difficultés sont à mettre en parallèle avec les besoins non satisfaits des professionnels : besoin d’autonomie, besoin de contrôler ses actions, besoin de reconnaissance et réalisation de soi à travers son métier, ces besoins concourant à la valeur que chacun s’accorde, participant de l’identité professionnelle et de l’identité personnelle. Ayala Pines (A.Pines,E.Aronson, D. Kafry 1990) précise même que l’épuisement et la lassitude peuvent s’installer uniquement dans les situations où ces besoins ne sont pas satisfaits et donc éteindre la motivation.
  • 25. 23 A partir de ces éléments, il est possible d’établir des critères qui vont permettre d’analyser les entretiens semi-directifs réalisés auprès des professionnels. Un fil de conversation sur un forum spécialisé peut sur certains points enrichir la réflexion. L’identification ou la définition de l’épuisement par les professionnels ou de leur souffrance et les conséquences Comment ont-ils vécu le fait de craquer ? La/les difficultés rencontrées /l’évaluation qu’en fait le professionnel Le soutien collectif, pluridisciplinaire ou hiérarchique L’orientation, l’organisation des activités, les objectifs, les valeurs (projet d’établissement et projet de service) Les professionnels se sentent-ils reconnus dans leur fonction ? Quels sont les outils leur permettant d’exercer leur métier ?
  • 26. 24 Deuxième partie - Les entretiens Avant d’organiser les entretiens, j’ai engagé un fil de conversation sur un site spécialisé : Lesocial.fr. Il est difficile de relancer la conversation avec les internautes. Cependant, ces premières réactions m’ont permis de confirmer la faisabilité des entretiens. J’ai ensuite rencontré six professionnels. J’ai précisé que je réalisais un travail de recherche sur le burn out des professionnels du social. Je n’ai pas évalué leur épuisement au moyen d’un questionnaire par exemple, mais j’ai considéré que leur acceptation à une participation valait comme une évaluation de leur part d’avoir souffert ou de souffrir d’un burn out. I - Analyse des entretiens Comment ont-ils évalué leurs difficultés comme étant un épuisement professionnel, ou un burn out ? Quels sont les indices qui leur ont fait suspecter qu’ils étaient envahis par leurs problèmes professionnels ? Marina : Je n’arrivais pas à aller travailler, alors j’allais voir mon médecin. Je n’arrivais pas à sortir de chez moi le WE – Je prenais une RTT le lundi mais le mardi je n’y arrivais pas non plus. Le médecin me donnait des anti dépresseurs. / Je vais voir un médecin, le mien étant en congés. Ce médecin m’a posé un tas de question et m’a dit que je souffrais de troubles psychosociaux, m’a dit qu’il fallait que je change de traitement et que j’aille voir un psychothérapeute. Je suis allée voir sur internet et j’ai vu des descriptions du burn out et j’ai reconnu ce que j’avais. Cédric : Au départ, je repère rien puisque j’ai la tête dans le guidon, je suis aveugle à tous les symptômes qui pourraient m’alerter que je ne vais pas bien ou que je devrais lever le pied / Donc épuisé, quand je rentrais chez moi j’avais pas digéré mon temps de soirée, des nuits j’ai envie de dire très courtes, très agitées, ça veut dire qu’on repart le lendemain pas forcément détendu, j’ai pas envie de dire avec une boule au ventre mais quand même un stress à se dire aujourd’hui je suis encore à devoir faire mes preuves/ mon corps souffrait, j’avais mal aux genoux, mal aux reins, j’ai eu un zona, tellement ça me rongeait de l’intérieur ; savoir si j’allais continuer ou pas, démissionner ou pas, je rentrais chez moi, j’avais plein de crachats sur mon dos ; non seulement c’était dur avec la hiérarchie mais c’était dur aussi avec les enfants.
  • 27. 25 Lorsque j’ai été arrêté les enfants ont été surpris. / La médecine du travail – elle a dit on va vous mettre en arrêt - 4 mois d’arrêt maladie, - c’est toujours dans mon dossier Elise : je m’en suis pas rendu compte au début à quel point ça me prenait la tête ; ah mais je m’en suis pas rendu compte parce que j’avais la tête dans le guidon/– je rentrais chez moi le soir et mon ami me disait : mais il faut que tu fasses quelque chose, tu te rends pas compte, tu es où là ? Mais non, je comprenais pas, tellement j’étais barrée dans ce truc là/ Je me suis mise à pleurer au travail,/ je me rappelle pas comment je suis sortie de l’établissement, apparemment je me suis arrêtée au secrétariat pour dire que je partais et je suis arrivée chez moi, je sais même pas comment /je suis allée voir mon médecin généraliste ; lui il a compris en me voyant qu’il y avait eu un clash à mon travail,/ Il m’a donné 15 jours d’arrêt. 15 jours après je suis retournée le voir parce que je me sentais incapable de retourner travailler. Je le voyais bien parce que chez moi, j’étais incapable de faire à manger, de m’occuper de la maison, et une perte de confiance totale Frédéric : La difficulté c’est de se détacher après le travail ; au bout de 7 ans, là je n’y arrive plus ça prend sur notre vie personnelle –la vie personnelle le soir avec ma compagne, la nuit aussi, ça me trotte – c’est des nuits blanches, c’est ça qui devient difficile même les we aussi, quand on fait beaucoup de ballades avec ma compagne, ça me prend, ça me taraude, qu’est-ce que j’ai fait, qu’est ce que j’ai pas fait. Pendant les vacances aussi, avant j’arrivais à me mettre en jachère, vraiment oublier le travail/ J’ai un traitement anxiolytique. Chantal : je me suis sentie en insécurité/ d’avoir tous les matins, du mal à partir au travail, de retarder le moment de partir de , à la limite, de vouloir prendre quelque chose pour me rassurer – emmener un livre pour lire le midi, je lisais jamais, emmener ma facture, tiens je ferai mon chèque à midi mais je le faisais jamais, mais je le savais mais il fallait que j’emmène quelque chose de la maison / quand je repartais le soir du travail de pas avoir eu le temps de penser de la journée,/ J’ai eu une extinction de voix pendant 3 semaines. Cortisone, ça ne revenait pas, donc j’ai été en arrêt de travail une semaine, reprise du travail, / J’ai fait un lumbago donc encore un arrêt de travail. J’ai repris le travail et encore quelque chose et encore en arrêt. Je suis allée voir un psychiatre. Il s’est mis en contact avec la médecine du travail et j’ai été mise à mi-temps thérapeutique pendant un an. Liliane : je n’étais plus patiente, je commençais à crier, / J’ai eu beaucoup d’absences les deux dernières années (ensuite elle a démissionné)
  • 28. 26 Chacun est totalement investi dans son travail et aucun des signes avant coureurs d’un épuisement ne semblent les alerter. Ils sont fixés sur ce qu’ils ont à faire. Ils ne perçoivent pas qu’ils perdent pied et que leur travail perd en qualité. Leur condition physique et psychologique s’est dégradée peu à peu mais leur volonté d’atteindre les objectifs reste intacte et ils ne perçoivent plus rien de leur état. C’est seulement au point extrême qu’ils réagissent en allant voir un médecin qui pose le diagnostic. Comment ont-ils vécu le fait de craquer ? Marina : Ben oui, je suis responsable d’avoir craqué. Cédric : moi je me sentais pas bien, pas un bon éducateur, comme une merde, c’est comme ça que je me vivais Elise : je ne faisais peut-être pas ce qu’il faut, / c’était parce que je savais pas bien m’y prendre, j’ai entendu des choses de cet ordre là Frédéric : (parle d’un autre lieu de travail où il considère que les conditions étaient plus favorables) : On n’était pas jugé Chantal : J’ai l’impression d’être partie comme une voleuse, Liliane : Quand on avait le cadre d’astreinte pour lui signaler qu’un enfant était pas rentré ou était parti, c’était la première question : qu’est-ce que vous avez fait pour l’en empêcher ? La culpabilité apparaît clairement même si la manière de la dire est détournée – en parlant d’un autre lieu par exemple où elle n’existait pas - Il semble que ce sentiment de culpabilité soit présent très tôt dans l’épuisement, culpabilité qui peut aussi être suscitée par l’entourage professionnel voire par les cadres et on pourrait se questionner sur la part de cette culpabilité dans l’impossibilité pour les professionnels de reconnaître leur mal être. Après coup, Ils cherchent à comprendre, veulent donner du sens à cette lente descente, cette brûlure interne dirait H. Freudengerber, ou ce craquage dirait C. Maslach.
  • 29. 27 Comment est-ce que les professionnels expliquent l’enchaînement et l’ampleur des problèmes ? Marina : J’en faisais un peu trop/ Une chef de service qui a fait un remplacement a vu que je m’investissais trop dans une situation très compliquée. Je n’ai jamais eu autant de situations aussi compliquées en étant seule. / C’est un travail très dur le suivi AEMO Il faut avoir des nerfs d’acier – ce que je n’ai pas/ ça fait quand même 6 situations sur les 29 qui étaient très difficiles. / Les temps de synthèses sont agités. Tout le monde parle, on peut pas réfléchir tranquille, aller au bout d’une idée. / Ce qu’on dit est tourné en dérision, on n’a pas plus de piste de réflexion, Il n’y a pas de reconnaissance. Cédric : c’est une période où il y a un turn over dans l’équipe, /. Je pense que je me suis retrouvé un moment, le pilier de l’équipe et il a fallu gérer des personnes nouvelles et puis ce travail, il fallait que je prouve, ça faisait 5/6 ans que j’étais là , j’avais déjà passé 2 ans difficiles où je n’avais pas l’adhésion de ma hiérarchie/ l’impression de porter seul l’équipe/ j’agis en disant je veux me persuader d’être reconnu comme bon éducateur et d’un autre côté on a l’impression que plus on en fait et plus on vous en donne à faire . Et c’est ce qui s’est passé, comme on est perçu comme quelqu’un qui est actif qui va jusque au bout de son action et qui sait pas dire non – moi je ne savais pas dire non à mon chef – ce qui fait que dès qu’il y avait un remplacement à faire ou un écrit en urgence à faire pour une visite ou pour un psychiatre, ou un rapport d’incident, aujourd’hui j’ai envie de dire que c’est toujours travailler dans l’urgence qui crée cet état de stress en fin de compte – on doit toujours avoir une capacité d’adaptation et à un moment ma capacité d’adaptation s’est trouvée diminuée parce que j’étais usé à toujours réagir à l’urgence, au quart de tour, à l’instant pour le moment d’après. / l’outil informatique est intrusif dans notre vie privée, on reçoit des mails pour nous dire qu’il faut penser à telle ou telle chose pour le lendemain à un moment donné on se demande où est la limite du début et de la fin du travail Elise : Ben oui, j’ai pris des coups, j’avais même des bleus sur les seins, et puis quand j’ai averti la direction il faut faire quelque chose parce que moi j’en peux plus et carrément plus mais c’était parce que je savais pas bien m’y prendre, j’ai entendu des choses de cet ordre là ; y a eu ça et quand j’ai commencé à tirer un peu plus fort la sonnette d’alarme , comme par hasard, enfin je l’ai perçu comme ça , on fait tout pour ne pas en parler, même plus en réunion ; si on essaye de parler de Jérémy, on bifurque pour changer de sujet parce que…/ Il y avait pas si longtemps que ça que l’on pouvait prononcer le mot autisme dans cet établissement ; J’ai essayé de tirer la sonnette d’alarme, ça a fait un flop – je suis allée voir je ne sais combien de
  • 30. 28 fois les psys,/ Moi, je voulais que l’on réfléchisse à son retour, comment on le prend en charge, qu’est-ce qu’on fait avec ce jeune, Frédéric c’est cet enfant surtout qui m’a… cette année surtout, les autres enfants on avait des espaces pour en parler mais là vraiment cet enfant, ça nous a mis au sein de l’équipe en mésentente avec les collègues, on n’est pas sur la même longueur d’onde, il nous a mis aussi en difficulté / comme on parle (en équipe pluridisciplinaire) de moins en moins des enfants mais qu’on parle des conflits d’équipe alors../ Des conflits entre les éducateurs et la direction mais moi je ne me sens pas concerné. Mais ça envahit tout./ c’est pas réglé pendant les réunions alors vous sortez des réunions, vous êtes sur votre faim/ plus d’espace pour en parler – vous rentrez avec ça chez vous et vous attendez la réunion pour en parler mais y a pas d’espace pour en parler Chantal : il y avait de la violence entre les adultes, entre les enfants il y en a toujours eu mais il y avait de la violence des enfants sur les adultes, des adultes sur les enfants, entre les adultes entre eux , je dirais même entre la direction et le personnel,/ quand je repartais le soir du travail de pas avoir eu le temps de penser de la journée,/ prise dans le mouvement sans arrêt, le mouvement, le mouvement, le mouvement, sans arrêt tout le temps et donc pas de place pour penser pour se poser ; / on arrivait plus à parler d’autre chose que des problèmes au travail et plus à rire, à sourire, on était toujours tendus, je me sentais toujours tendue./ Ben si, il y avait des temps de réunion mais on parlait pas ; c’était pas de la réflexion, c’était de l’organisation ; c’était les projets, les orientations des jeunes, une sortie, un conseil de discipline demandé par quelqu’un on en parle un peu mais point./ quand j’avais un problème avec un jeune, j’allais voir son psy, mais des fois il le voyait pas donc il pouvait rien m’en dire mais c’était pas grave parce que je pouvais quand même m’exprimer sur ce qui se passait et le psy m’en renvoyait quelque chose – moi je le faisais mais j’avais pas de temps pour le faire, je prévenais ma chef de service que je serais en retard mais j’avais pas le droit, elle me le disait, j’avais pas le droit, mais je le faisais quand même Liliane : quand j’ai été embauchée, un jour il y avait un enfant qui faisait une maquette, il m’a demandé un cutter pour faire sa maquette, je lui ai donné et le collègue, le soir, me dit qu’il a éventré des matelas – en fait il ne fallait pas lui donner de cutter à cet enfant – tout le monde le savait mais moi je venais d’arriver – personne ne m’avait rien dit, il fallait que je me débrouille toute seule ;/ il y avait les réunions de synthèse, de coordination etc. d’organisation, des projets à mettre en place, oui on discutait des problèmes mais on ne trouvait pas de solution/
  • 31. 29 Si certains font état d’une surcharge de travail, ce qui parait réellement récurrent c’est l’absence de dialogue, de réflexion et de pensée. Etre en permanence dans l’action, sans aucune réflexion, empêche de se détacher, de prendre un peu de distance vis-à-vis des situations toujours émotivement impliquantes, dans ce type de profession. Alors que l’épuisement professionnel empêche de penser, on perçoit ici que cette absence de pensée peut être aussi à l’origine de l’enchaînement des problèmes. Peuvent-ils compter sur le soutien de leurs collègues, sur leur hiérarchie ou sur d’autres professionnels ? Marina : Votre chef de service vous soutenait ? (elle rigole) Elle le disait : Allez ! Je vous soutiens ! Mais elle n’a pas pris du temps pour un rendez-vous une fois de temps en temps, je sais pas une fois par semaine ou même une fois par mois pour qu’on puisse parler des situations. Cédric : à partir du moment où on ne rentre plus dans le moule de l’ITEP et qu’on est un peu trop montré du doigt/ Parce que vous êtes en difficulté, vous devenez le paria des autres, des collègues, de la hiérarchie ? De tout le monde. La configuration de l’ITEP ce sont des unités qui vivent en autarcie ; on a pas de lien ensemble. Elise : J’ai essayé de tirer la sonnette d’alarme, ça a fait un flop – je suis allée voir je ne sais combien de fois les psys,/ le fait d’être complètement isolée dans mon groupe, parce que tout le monde avait la trouille de Jérémy, donc j’étais une pestiférée aussi, et j’ai eu un sentiment de solitude professionnelle mais énorme/ Des fois j’appelais au secours, personne ne venait, j’étais toute seule / On est tellement dans le système qu’après on ne sait même plus demander de l’aide. Frédéric : Oui, il y a un manque de soutien, un manque de piste, de formation. Tout le monde dit que c’est difficile. On nous dit il faut les tenir (les enfants). Il y a des éducateurs qui disent être à la limite de la maltraitance. Ils sont pas soutenus. Chantal : à partir du moment où je me suis sentie en insécurité, j’ai pris rendez-vous avec le directeur pour lui dire : « là, il y a quelque chose qui va pas, parce que moi je me suis toujours sentie en sécurité même dans les moments les plus difficiles et maintenant je ne suis plus en sécurité c’est qu’il se passe quelque chose dans l’institution » et il m’a répondu : » les enfants
  • 32. 30 sont là pour leur violence pas pour leurs cors aux pieds « donc qu’on me réponde ça et pas autre chose et qu’on ne m’aide pas, c’est bien de la violence aussi ça. / de l’aide apportée par notre chef de service, non il n’y en avait pas. / on était seul et on arrivait plus à communiquer Liliane : il ne fallait pas solliciter ni le chef de service, ni le directeur, ni les collègues – c’était à nous de gérer cette violence au quotidien ; moi je comprenais pas, les autres éducateurs me disaient, c’est à nous de nous débrouiller, moi j’étais pas d’accord je voulais que la hiérarchie intervienne et nous soutienne / En fait il y avait des rumeurs entre collègue. Pas de soutien, de l’animosité entre plusieurs professionnels, tout était prétexte à se plaindre les uns des autres. On remarque l’isolement de tous. Ils ne se sentent pas soutenus, ni par leurs collègues, ni par la hiérarchie. Il est utile de saisir comment les personnels peuvent comprendre les attentes de l’institution. Pour se situer dans une organisation, il est nécessaire que les objectifs de cette organisation soient clairs et clairement compris, que les attentes vis-à-vis du personnel soient aussi bien délimitées. Quels sont les objectifs de l’institution et quelles sont les attentes vis-à-vis des professionnels ? Quel cadre est posé ? Marina : Quels sont les critères pour écrire les rapports ? Chacun voit Il n’y a pas un cadre précis ? Non, d’ailleurs j’ai dit à ma chef de service que j’ai vu des rapports dans lesquels il y a des jugements sur les familles de la part des éducateurs ! Elle m’a dit que ça ne me regardait pas. Donc chacun évalue en fonction de quoi, alors ? Ben .. En fait on doit décider, il faudrait faire un travail sur nous même, on a que nous. Cédric : à l’époque je vivais mon travail comme un.., je me réduisais à un simple gardiennage, je ne voyais pas où allait mon action, comment la diriger Quand vous avez commencé cet atelier, vous saviez ce que vous faisiez ? C’était un bouche trou – il fallait remplir les deux heures qu’on m’avait demandées/ Au lieu de subir il vaut mieux agir ; déjà c’était encore un sujet, j’aurais pu être rancunier vis-à-vis de mon chef, / Voilà, je suis dans une situation, où je dois prouver que je suis capable de gérer un groupe l’après midi et en essayant de mettre une thématique parce que si je dois faire des choses.. – pendant tout ce mois là, j’étais colère,
  • 33. 31 colère, mais vraiment colère, de m’imposer quelque chose à laquelle je n’avais pas réfléchi, colère d’être déjà en situation de travail parce que les enfants étaient déjà présents, ça faisait un mois qu’on roulait et que je faisais un pseudo occupationnel à ne pas savoir quoi faire, quoi mener comme activité, je voyais pas. Il a fallu que ma colère s’amenuise, s’éteigne pour me dire je vais pas faire 10 mois comme ça sinon je vais péter un plomb, d’où la création petit à petit, après avoir analysé le groupe que j’avais que je suis arrivé à construire l’atelier 4 saisons. / Moi j’ai eu la chance d’avoir un groupe fixe, les autres comme ils savent pas ce qu’ils vont faire, les gamins, ça génère du stress, de l’angoisse, autant chez les éducateurs que chez les jeunes, je le vois bien que le vendredi c’est de l’occupationnel – ils triment ils se demandent ce qu’ils vont pouvoir faire, mais on leur a pas donné les moyens. Quand un éducateur est recruté, l’institution ne prend pas le temps de lui expliquer le sens du travail, il faut qu’il se débrouille ?C’est la formation sur le terrain, l’information sur le terrain entre collègues – y a pas forcément, les pistes ou les conseils que la direction pourrait donner ne sont pas les bonnes clés, j’ai en mémoire l’exemple d’un jeune salarié à qui la direction a dit, il faut être ferme dès que vous arrivez il faut installer votre autorité, ben lui il a pas craqué mais les enfants ont craqué sur lui. Elise : Le projet d’établissement ? On reçoit des personnes déficientes, des personnes avec TED mais il n’y a pas de groupe spécifique et ces personnes sont mélangées avec les autres. Qu’en dit le centre ressource autisme ? Qu’il ne faut pas mélanger les personnes avec autisme avec les autres. Ce n’est pas la même prise en charge. Il y a des choses qu’on peut mettre en place et qui peuvent quand même servir pour les déficients intellectuels. Mais ne serait-ce que ce qui est de l’ordre de la communication. Ils sont en général plus visuels. Il y a des choses que j’ai apprises, un planning pour chaque gamin qu’il a dans sa poche, à tout moment s’il est angoissé il peut regarder Est-ce que vous êtes en train de me dire qu’il n’y a pas tout ça ? J’ai posé la question sur les méthodes ; D’accord mais il faudrait peut-être que tout le monde sache ce qu’est le PECS par exemple (communication par image) comment on fonctionne avec les personnes autistes, comment on met ça en place Les gens ne connaissent pas les méthodes, la manière de faire avec les autistes ? Non Alors il y a un projet d’accueillir des personnes autistes mais y a-t-il un projet éducatif pour ces personnes ? Non, on va pas les aider les personnes autistes, ça ne fonctionnera pas ça c’est sûr ; Est-ce que ce sont les éducateurs qui montent les projets, qui se débrouillent ? Ben oui, ce sont les éducateurs qui se débrouillent.
  • 34. 32 Frédéric : (dans cette institution tous les éducateurs doivent animer un ou plusieurs ateliers) Ça fonctionne bien votre atelier ? Oui très bien, je vais aussi en ouvrir un à l’extérieur pour une association qui s’occupe de femmes en difficulté. L’atelier slam, ça a été un combat au début, c’était apparenté à de l’art de la rue, au rap, j’ai dû argumenter, faire 5/6 pages pour expliquer, j’ai dû faire mes preuves. Finalement à la kermesse quand ils voient les enfants slamer …– pas de prise de risque, s’autoriser à..C’est quoi les risques ? Je ne sais pas, peut-être la peur que je leur apprenne des gros mots, ils faisaient allusion au rap Qui ? La direction – j’ai proposé un projet écrit, bien développé – et la kermesse ça fait vitrine. L’atelier boxe aussi – c’est la pédopsychiatre qui l’a soutenu ce projet - l’ancienne directrice avait peur qu’ils utilisent la boxe pour se battre et la pédopsychiatre lui a expliqué qu’au contraire ils pouvaient s’extraire de leur violence avec un contenant, un cadrant. Chantal : Ben le projet (moi j’étais sur la scolarité) c’était d’amener les jeunes à réintégrer une scolarité normale, apprendre à lire et à écrire parce que la majorité ne savait pas, sortir de l’institution en ayant des bases scolaires, voilà mais. / Les éducateurs qui sont arrivés les dernières années n’étaient pas dans la violence, mais ils démarraient, ils savaient pas faire. Il y en avait beaucoup qui savaient pas. La difficulté dans ce genre d’institution c’est de trouver du monde pour travailler là. Parce que les adolescents caractériels, les gens y courent pas après. Donc y avait des stagiaires, des contrats CES, des gens jeunes ou des gens qui avaient 40 ou 50 ans et qui avaient besoin de travailler et qui venaient là mais qui restaient pas, qui savaient pas ce qu’il fallait faire, qui faisaient rien. Le travail au quotidien parait déjà très compliqué. La question du projet de l’institution semblait tomber à plat, cependant on peut échanger sur les actions quotidiennes. Elles ne sont généralement pas reconnues comme faisant partie d’un ensemble général et d’ailleurs chacun se « débrouille. » Ce qui parait surprenant c’est que les éducateurs semblent gérer le public comme ils peuvent, en assumer la responsabilité au quotidien et que les orientations des institutions sont absentes, incohérentes, pas comprises ou trop générales pour en tirer des applications concrètes qui donneraient du sens aux actions des professionnels. Pour autant ils travaillent et on remarque même qu’ils doivent quelquefois lutter pour mettre en place des actions qu’ils maitrisent, pour lesquelles ils ont ailleurs plusieurs années d’expérience.
  • 35. 33 Se sentent-ils reconnus, considérés, respectés, pris en compte ? Marina : Il n’y a pas de reconnaissance. Mes collègues me disaient : tu n’as qu’a les placer (les enfants) Je ne peux pas faire ça comme ça ! Tout le monde sait que c’est difficile mais personne n’en parle, les responsables n’en parlent pas, on doit endosser, on est payé pour ça, on doit faire face. Il y a des chefs de service qui sont plus reconnaissants que d’autres mais la nôtre est très égocentrique, mais elle a quand même accepté qu’on fasse de l’analyse des pratiques. Il y a déjà eu un remplaçant qui savait dire les choses, nous rassurer, être dans la reconnaissance, il analysait plus les situations et restituait plus nos efforts. Il s’adaptait vraiment aux questions qu’on se posait, il commençait pas ses phrases par des reproches ou des sous-entendus. Cédric : en juin on est appelé sur notre temps libre pour faire des réunions d’équipe pour organiser la rentrée de septembre, faire les plannings, construire les groupes et en septembre tout ce travail là n’est pas pris en compte, on tient pas compte de ce qu’on a dit de ce qu’on a pensé, elle est où la reconnaissance ? là je commençais à bouillir. On vous a imposé des horaires ? Oui on m’a imposé des horaires et en plus de façon pas judicieuse ; j’apprends en septembre que je travaille le vendredi après midi en collaboration avec l’éducateur technique mais cette information là je l’ai que sur un planning hebdomadaire, sur une ligne, je n’ai aucune autre information, c'est-à-dire que depuis le 1er septembre jusqu’à la fin. / Si j’étais en usine le résultat de mon travail serait concret et palpable – là, ce n’est pas du tout le cas, donc ce qui veut dire que la reconnaissance que j’ai aujourd’hui c’est 10 ans après les premiers jeunes dont je me suis occupé qui reviennent et qui évoquent avec moi ce qu’ils ont retenu de leur vie dans l’institution, les moments forts, les moments les moins agréables et la reconnaissance est là, quand je vois un ancien qui pousse la porte de l’institution. Elise : des examens de sang pour contrôler son traitement, qui n’étaient vraiment pas bon, et le médecin a baissé son traitement. J’ai pas été au courant et puis je me suis aperçu qu’il avait de plus en plus de stéréotypies et qu’il commençait à être agressif avec moi ; je me demande ce qui se passe et là j’apprends que son traitement a été baissé , on va lui en donner un autre ; je vais voir le psychiatre pour savoir ce qu’il y a, je ne suis pas au courant et il me dit ben oui, au niveau de sa santé, les analyses de sang sont vraiment très mauvaises, on va mettre un autre traitement en place./Je suis allée en formation, j’avais plein de documents, des fiches pour faire des transmissions, les éléments de travail avec les autistes, comment on écrit un projet personnalisé pour une personne autiste, ce n’est pas la même façon que pour un enfant
  • 36. 34 déficient, il y a des choses à préciser, ce pavé, je l’ai donné à ma chef de service quand je suis rentrée de formation. Je lui ai dit, ça c’est une mine d’or, dis moi ce qu’on peut utiliser dans l’établissement ; elle m’a dit, ah oui ça m’intéresse ; la semaine suivante le « paveton » était dans mon casier avec un mot : merci, j’ai photocopié ce qui m’intéressait, pour l’instant on continue comme toujours. Là, j’étais déconfite – ça a été un déclencheur. Je me suis dit, ils m’ont payé une formation et le retour que j’en ai c’est ça, ce truc ça m’a fait culpabiliser, je me suis éclatée, j’ai appris plein de choses, j’ai compris un peu mieux comment on s’occupe des personnes autistes et je vais pouvoir mettre quelque chose en place et là, fff, ben non, tu vas pas t’en occuper comme il faudrait, tu continues comme avant ; ça veut dire quoi ? ça veut dire qu’on veut pas avancer, qu’on m’a empêché d’avancer et pendant ce temps là on maltraite les enfants. / Frédéric : le pôle éducatif n’est pas assez entendu, écouté, manque de confiance – il y a même une expression : on est bon qu’à donner du dentifrice aux enfants. Pour dire un peu le mal être. / de plus en plus, il y a non reconnaissance de l’identité éducative ; par la direction mais aussi par le pôle thérapeutique – quelquefois il y a des décisions qui sont prises entre le pôle de direction et le pôle thérapeutique sans associer les éducateurs. Des décisions sur quoi ?Les orientations des enfants, des rendez-vous, sur des traitements là ça me concerne aussi, parfois un enfant qui n’arrive pas à dormir – on pense à un traitement léger et on découvre qu’il a de l’atarax, voilà – vous vous dites qu’est ce qui se passe ? on aurait aimé que ce soit parlé ; ce qui est difficile c’est qu’après vous avez les parents qui vous disent qu’ils ont lu dans le cahier que l’infirmière a noté que l’enfant a de l’atarax, mais comment ça ? Alors, là vous êtes démuni – on leur suggère de téléphoner à l’infirmière et à la pédopsychiatre – mais on a le sentiment que c’est à deux vitesses. – il y a d’autres exemples où les éducateurs ne sont pas associés ?Oui, des rendez-vous famille Qui prend les rendez-vous ?La chef de service coordinatrice –avant c’était parlé ensemble. Avant Noël je vois arriver le papa de Sullivan qui a un rendez-vous avec la pédopsychiatre alors que je ne suis pas au courant et je suis référent de cet enfant. C’est un papa qui vient de l’autre bout de la France donc c’est difficile de le faire se déplacer alors là on aurait pu « faire d’une pierre deux coups » mince alors. J’en parle parce que ça me concerne et on me répond : bah oui, on a oublié, on n’a pas pensé – c’est particulier. Chantal : je faisais des projets, je cherchais des idées, je les transmettais par écrit à ma chef de service et puis voilà, mais ça faisait rien ; un jour je lui ai expliqué ça, j’ai réfléchi à des manières de s’en sortir, j’ai eu des idées, je vous ai donné des projets, ils sont où ? Elle a ouvert
  • 37. 35 son tiroir et ma pile de projets était là. Elle en a jamais rien fait. / Il y avait une nouvelle chef de service. J’ai cru que ça allait changer. Elle a tenu compte de chacun. J’étais à mi temps et chez moi je travaillais pour construire des projets et préparer la rentrée suivante. A la rentrée suivante je devais avoir un nouveau poste et je l’ai pas eu. Elle l’a donné à quelqu’un d’autre. Elle a pris mes idées, elle a mis en place mes projets mais avec quelqu’un d’autre. Plus jeune. Je devais avoir une autre salle mieux aménagée, avec un ordinateur et assez pour occuper les jeunes, faire un sas en fait et je voulais sortir avec les jeunes pour faire des enquêtes métier. Leur faire découvrir des métiers ; j’avais pris rendez-vous avec des entreprises, on avait commencé et ensuite on faisait des comptes rendus, je faisais faire des comptes rendus par les jeunes de ce qu’on avait vu ; ça marchait bien – c’était plus concret, je ne voulais plus être dans le vague, avoir des vrais projets. Entre temps j’avais fait une formation universitaire « approche psychopathologique et éducative des adolescents difficiles » C’est à partir de cette formation que j’ai pu construire des projets mais ils ont été utilisés par quelqu’un d’autre. Dit ouvertement ou non, l’absence de reconnaissance est flagrante. Des décisions sont prises concernant les enfants ou les personnes suivies sans même que les éducateurs concernés soient informés. L’énergie qu’ils mettent en oeuvre pour trouver des solutions dans le cadre des prises en charge n’est absolument pas prise en compte. Quels sont les outils de l’éducateur ? Marina : notre seul outil c’est nous même. Cédric : C’est à nous de construire des outils. Elise : Avoir des projets Frédéric : les outils, c’est l’équipe, les réunions, les formations. Et le travail avec les partenaires et avec la famille. Chantal : Dans mon cas, en premier c’était l’accueil et le silence Liliane : C’est ce qu’on a au quotidien
  • 38. 36 A cette question, ils ont peu de chose à dire alors que de définir les outils, permettrait aussi de définir un peu mieux leur métier et leur identité professionnelle. Ils ont des outils, ils s’en servent mais n’ont pas forcément le sentiment que ce soient de vrais dispositifs éducatifs, de réelles compétences. Difficiles dans ces conditions d’analyser les effets puisqu’il n’y a pas d’attente de résultat spécifique. Je relève à ce sujet deux commentaires d’internaute - Plumette : Notre problème est que souvent nous parvenons à nous décrire mais par la négation (ex: hé oh moi je ne suis pas psy ou un simple animateur!) Nous avons des difficultés à nous décrire, décrire notre spécificité et nos compétences Et Flo : La grande spécificité de l'éducateur est le fait qu'il doive trouver en autonomie des moyens d'atteindre des objectifs pour l'usager en mêlant quelques connaissances pratiques à sa propre personnalité. Car finalement, notre savoir-être est notre seul véritable outil pour accompagner. II - Discussion Dans le discours de chacun apparaît l’investissement important dans leur travail. Ils sont totalement habités par les résultats possibles et perdent de vue leur propre souffrance. Cependant les résultats attendus n’apparaissent pas clairement. Nous retrouvons ici les causes du burn out signalées par H.Freudenberger. Il parait évident de ne pas oublier de signaler le sentiment de culpabilité de ces professionnels. Est-ce que l’impossibilité de percevoir leur propre souffrance n’est pas finalement en lien avec ce sentiment ? Leurs explications donnent aussi l’impression que cette culpabilité vient comme seule raison possible de leur épuisement. En les questionnant un peu plus on perçoit l’absence de distanciation – donc un investissement trop important – qu’ils expliquent par le manque de temps de réflexion, d’échanges, de travail pluridisciplinaire. Ils sont aspirés par l’action et n’ont plus de temps pour penser. L’impossibilité de réfléchir est également citée sur le fil de discussion du forum le social. ( Dédale, on ne me demande plus de réfléchir, d’improviser, de prendre des risques, de débattre, d’échanger, d'inventer, de prendre des initiatives, mais juste d'écrire des projets que personne ne lit, que nous n'arrivons pas en mettre en oeuvre - Laure, on se bat pour donner du sens aux actions, pour que les choses qui sont faites (entretiens, accompagnements divers, projets perso etc.) soient réfléchies en amont et en aval, pour qu'il y ait de la réflexion et que les actes prennent compte de la singularité des personnes - ) Ils se disent en général assez
  • 39. 37 isolés, sans soutien, quelquefois uniquement de la hiérarchie ou des psychologues et quelquefois aussi de leurs collègues. Chacun tente de se préserver comme il peut et ne s’implique pas dans les difficultés de l’autre. Les cadres ne perçoivent pas la souffrance des professionnels de terrain ou ne savent pas comment y remédier. Ils ont même des attitudes culpabilisantes à leur égard et la première dépersonnalisation est peut-être ici. Voici à ce sujet, le commentaire de Nabs sur le forum le Social : Le burn out, c'est la déshumanisation des éducateurs, des maîtresses de maison, des stagiaires, de tout le personnel. Il y a certainement une relation à faire entre ce qu’ils vivent en tant que professionnels et l’attitude qu’ils peuvent ensuite avoir avec les personnes accompagnées. Cette dépersonnalisation des publics, soulignée autant par H.Freudenberger que par C.Maslach transparaît quelquefois dans leur attitude désespérée. Finalement les professionnels ne voient plus que les difficultés ou les problèmes de comportement des personnes accompagnées. Un manque d’empathie pour les personnes accompagnées note Flo, sur le forum le social. On remarque aussi l’impossibilité de définir clairement les projets des institutions, ce qui est spécifiquement attendu dans leur service et quel rôle ils ont à y jouer. Les définitions très généralistes ne peuvent pas leur permettre de clarifier leur propre fonction. Les objectifs généraux et à très long terme ne constituent pas des supports suffisants pour construire des actions sur le court terme et dans le quotidien, dans l’ici et maintenant. Ces actions ont donc peu de sens quant à leurs effets possibles. Laure, sur le forum, l’expose ainsi : Les objectifs de l'établissement sont expliqués dans les projets associatifs et d'établissement, mais bien souvent tout ça ce n'est que de l'écrit pour faire joli, car dans la réalité les moyens ne sont pas donnés pour parvenir aux objectifs cités (en gros viser à l'autonomie, l'épanouissement, la socialisation etc etc). On retrouve ici les manques de l’organisation soulignés par C.Maslach : des projets trop généraux ou pas clairs, pas suffisamment de temps pour penser, se distancier et construire des actions soutenues par la hiérarchie, des rôles mal définis. Par ailleurs il est important de noter l’absence de reconnaissance. Les publics avec lesquels les éducateurs travaillent ne sont pas dans la capacité d’être dans un échange reconnaissant de l’aide apportée. Sauf, comme le souligne Cédric, lorsqu’un jeune devenu adulte, revient saluer et dire tout ce que son passage dans l’institution lui a apporté, et que là, l’éducateur a quand même le sentiment d’avoir posé sa petite brique. La reconnaissance est attendue de la part de la hiérarchie et personne ne parait l’obtenir. Pas de reconnaissance ni dans les actions quotidiennes, ni dans la volonté d’amener de nouveaux projets pour trouver des solutions aux problèmes qui paraissent insolubles. On a vu que même là, les propositions ne sont pas
  • 40. 38 retenues, les compétences non prises en compte. Ils ne peuvent pas dans ces conditions exploiter leur capacité et tenter de maîtriser les difficultés rencontrées. Ils subissent mais il n’est pas question qu’ils aient des idées pour traiter les problèmes, ce qui ne peut que leur renvoyer une image négative d’eux-mêmes. Ils ne peuvent qu’être perdus et ne plus savoir quoi faire. Alors qu’ils portent seuls l’accompagnement des publics, on pourrait se dire qu’ils ont un peu d’autonomie. Ce serait confondre la réflexion collective permettant de trouver des solutions en fonction des connaissances, des compétences et de la qualité de la relation qui a été nouée, qui serait une manière de travailler en autonomie, avec l’isolement dans lequel se retrouvent ces professionnels. Ces professions d’aide engagent émotionnellement. Le travail de réflexion collectif et le positionnement des cadres n’est pas un frein à l’autonomie mais au contraire la possibilité de l’atteindre. On ne retrouve donc pas ici les besoins fondamentaux indiqués dans la théorie de l’autodétermination : autonomie, compétence, relation aux autres qui permettent de se réaliser. En reprenant la définition de la motivation de Susan Fiske on note que l’appartenance à un groupe semble plus que compromise par les conflits et par l’absence de définition claire des rôles. Cette absence de définition claire peut influer sur la perception que l’on a dans les propos, du manque de considération vis-à-vis de ces professionnels comme s’ils étaient quantité négligeable, perception qu’ils semblent avoir aussi d’eux-mêmes. Le besoin de comprendre et de contrôler n’est pas pris en compte par l’institution puisque leurs propositions restent dans les tiroirs. Les éducateurs semblent exclus de certaines décisions prises par d’autres membres de l’équipe pluridisciplinaire ou par la hiérarchie. Ils ne peuvent donc rien maîtriser. Il est bien difficile dans ce cas de travailler en confiance et de garder un peu d’estime de soi. Il est nécessaire que le travail s’effectue dans un cadre spécifique. Laisser seul l’éducateur porter les situations c’est prendre le risque qu’il s’engage dans une évaluation des problématiques plus centrée sur l’émotion que sur le problème lui-même et qu’il s’enlise. L’éducateur n’est pas un expert qui peut gérer seul les accompagnements puisqu’il s’agit d’une relation humaine. Dans ce domaine ce n’est pas de l’expertise mais un cheminement progressif qui constitue l’essence du travail. Un cheminement fait d’essais, de recherches et d’à peu près. Nous avons vu dans la gestion transactionnaliste du stress que le soutien perçu influence le contrôle perçu. Il faut souligner qu’il existe encore dans un certain nombre d’institutions la possibilité de bénéficier d’analyse des pratiques avec des intervenants extérieurs. En l’absence de soutien réel ou possible, de temps d’analyse des pratiques mais tout autant du soutien de la hiérarchie, on ne peut attendre des éducateurs qu’ils soient très efficaces longtemps dans leur
  • 41. 39 recherche de solution et dans l’accompagnement quotidien. D’ailleurs sans plus aucune solution ils finissent par craquer. La question n’a pas été ouvertement posée lors des entretiens mais où sont les cadres de proximité ? Ce qui transparaît c’est la surcharge de travail administratif mais aussi le besoin de se protéger eux-mêmes des situations qui paraissent inextricables. Sur le forum, quelques commentaires signalent également l’absence des cadres : Laure : au contraire il serait + que nécessaire que la direction ait connaissance des enjeux de l'accompagnement des personnes, et des problématiques liées à chacune d'entre elles. Flo : Laure je rejoins absolument ton point de vue par rapport au fossé qui se creuse entre les professionnels du terrain et la hiérarchie qui est de plus en plus happée par des questions d'ordre politique, Alex : je pense que les conseils généraux, les a.r.s, (agences régionales de santé) les directions oublient les difficultés que nous rencontrons au quotidien dans la prise en charge des publics accueillis. Finalement, toutes ces remarques laissent le sentiment que les professionnels de terrain et le personnel d’encadrement ne regardent pas dans la même direction. Nous voyons dans ces cas d’usure professionnelle des arrêts maladie à répétition ou de très longue durée, certains évoquent un fort turn over dans leur institution. Ces éléments démontrent en eux mêmes la nécessité de trouver des solutions pour tenter de sortir de ces dysfonctionnements coûteux financièrement et humainement.