La leishmaniose une pathologie parasitaire émergente dans le monde.pdf
Develoux2016
1. + Models
MYCMED-615; No. of Pages 9
Pour citer cet article : Develoux M. Les mycétomes et leur traitement. Journal De Mycologie Médicale (2016), http://dx.doi.org/10.1016/
j.mycmed.2016.03.005
REVUE GE´NE´RALE/GENERAL REVIEW
Les mycétomes et leur traitement
Mycetoma and their treatment
M. Develoux
Service de parasitologie-mycologie, hoˆpital Saint-Antoine, 184, rue du Faubourg-Saint-Antoine, 75012 Paris,
France
Rec¸u le 7 de´cembre 2015 ; rec¸u sous la forme re´vise´e le 23 mars 2016; accepte´ le 29 mars 2016
MOTS CLÉS
Actinomycétomes ;
Eumycétomes ;
Traitement médical ;
Triméthoprime—
sulfaméthoxazole ;
Itraconazole
Résumé Les mycétomes sont des infections sous-cutanées chroniques, endémiques dans les
régions tropicales sèches. Elles peuvent être dues à des actinomycètes (actinomycétomes) ou à
des champignons (eumycétomes) dont la forme de développement in vivo est le grain. L’atteinte
du pied est prédominante, la principale complication est l’atteinte osseuse. Les patients sont des
ruraux venant des régions éloignées des centres médicaux. Ils se présentent trop souvent avec
des formes évoluées, mutilantes. Une des premières conditions pour espérer un bon résultat
thérapeutique est un diagnostic précoce. Le diagnostic biologique permet de distinguer les
actinomycétomes des eumycétomes, indiscernables cliniquement, dont les traitements sont
radicalement différents. L’identification précise de l’agent étiologique est souhaitable pour
mettre en route un traitement adapté mais elle nécessite des laboratoires spécialisés. Le
traitement de première ligne des actinomycétomes est l’association triméthoprime—sulfamé-
thoxazole (SXT). Elle doit être donnée pendant un minimum d’un an. Dans les formes répondant
mal à ce traitement ou avec risque de dissémination, l’association à l’amikacine a permis
d’obtenir un pourcentage élevé de guérison. D’autres options sont possibles comme l’amoxi-
cilline—clavulanate. Ces traitements antibiotiques s’ils sont bien conduits amènent une guérison
et les indications chirurgicales restent exceptionnelles. Le traitement médical des mycétomes
fongiques est plus décevant et doit souvent être complété par un geste chirurgical. L’anti-
fongique préconisé actuellement est l’itraconazole, les azolés plus récents sont en cours
d’évaluation.
# 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
KEYWORDS
Actinomycetoma;
Eumycetoma;
Summary Mycetoma are chronic subcutaneous infections, endemic in dry tropical regions. It
can be caused either by actinomycetes or by fungi, presenting as filamentous grains in vivo.
The foot is the most common localization. The main complication is osseous involvement.
Patients are rural workers living in areas situated far from medical centers. Too often, they reach
Journal de Mycologie Médicale (2016) xxx, xxx—xxx
Adresse e-mail : michel.develoux@sfr.fr.
Disponible en ligne sur
ScienceDirect
www.sciencedirect.com
http://dx.doi.org/10.1016/j.mycmed.2016.03.005
1156-5233/# 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
2. Medical treatment;
Trimethoprim—
sulfamethoxazole;
Itraconazole
well-equipped hospitals with advanced mutilating lesions. Early case detection is the first
condition for good therapeutic results. Clinical presentations of actinomycetoma and eumyce-
toma are similar, only biological diagnosis can distinguish the two etiological forms. This
distinction is essential as medical therapy for each is radically different. Precise identification
of the causal agent is required for targeted treatment but it can only be realized in rare
specialized laboratories. For actinomycetoma, standard therapy is trimethoprim—sulphame-
thoxazole (STX). Duration of treatment period is one-year minimum. In case of poor response to
STX or high risk of dissemination, a combination with amikacin gave high cure rate. Other options
as amoxicillin—clavulanate are available. Medical cure of actinomycetoma is generally obtained
with antibiotic treatments and surgical indications are exceptional. Disappointing results were
observed using antifungal in the treatment of eumycetoma and medical therapy must be
completed with surgical excision. Itraconazole is now the most used drug, new triazoles are
on evaluation.
# 2016 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Introduction
Les mycétomes sont des infections chroniques, mutilantes,
des régions tropicales arides. Ils se définissent comme tout
processus au cours duquel des agents fongiques ou actino-
mycosiques d’origine exogène produisent des grains. L’ori-
ginalité de cette maladie est de pourvoir être due soit à des
champignons (mycétomes fongiques ou eumycétomes), soit
à des bactéries du genre actinomycète (actinomycétomes). Il
n’est pas possible dans la plupart des cas de distinguer
cliniquement les uns des autres alors que leurs traitements
sont radicalement différents. L’étape fondamentale du diag-
nostic est donc l’identification de l’agent étiologique qui
permettra de sélectionner le traitement médical adapté. Ce
diagnostic biologique est délicat et n’est pas toujours pra-
ticable dans les zones endémiques où les structures pouvant
réaliser ce diagnostic sont peu nombreuses ou inexistantes.
On admet maintenant que le traitement des mycétomes doit
toujours être médical dans un premier temps même dans les
formes avancées. La chirurgie ne se discute qu’après cette
première étape. Il existe des schémas thérapeutiques bien
définis dans le cas des actinomycétomes, ils permettent
d’obtenir des résultats satisfaisants dans la plupart des
cas. Le traitement médical des mycétomes fongiques est
par contre décevant, il se heurte de surcroît à des problèmes
de coût bien supérieur à celui des actinomycétomes, les
azolés étant peu ou pas accessibles aux populations atteintes
qui sont parmi les plus démunies des pays endémiques. Il est
difficile de juger de l’efficacité à moyen et long terme des
traitements médicaux. Il n’existe pas pour l’instant de cri-
tère biologique de guérison. Une surveillance prolongée
après une guérison clinique est donc indispensable, difficile
à mettre en œuvre pour des malades qui proviennent de
régions reculées. Plusieurs séries montrent que les récidives
sont fréquentes après traitement, probablement sous-esti-
mées, principalement dans les cas des mycétomes fongiques.
Rappels sur les mycétomes
Des maladies tropicales oubliées
Les mycétomes font partie des maladies tropicales oubliées,
frappant des populations rurales parmi les plus démunies, au
même titre que les tréponématoses endémiques ou des
mycoses endémiques comme les chromomycoses. Depuis
le début du siècle, on a observé un regain d’intérêt pour
les mycétomes comme en témoignent plusieurs revues
générales consacrées à la maladie [1,12,13,27,31,33,36].
En juillet 2013, les mycétomes ont été ajoutés à la listes
de maladies négligées de l’OMS (http://who.int/
neglected_diseases/diseases/mycetoma/en/), ce qui ren-
forcera l’aide apportée aux études qui se sont multipliées
ces dernières années abordant tous les aspects de l’infec-
tion, en particulier, thérapeutiques. Beaucoup d’études
récentes épidémiologiques, cliniques, biologiques et théra-
peutiques ont été réalisées par le Mycetoma Research Center
situé à Khartoum au Soudan. Il s’agit d’une structure unique
au monde se consacrant à la recherche sur cette infection et
à la prise en charge des malades (http://www.mycetoma/
uofk.edu/).
Des agents étiologiques nombreux
Les agents étiologiques des mycétomes sont nombreux.
Dans une revue de 2015, Nenoff et al. relèvent 25 agents
fongiques identifiés et 9 actinomycosiques [26]. Cette liste
n’est pas exhaustive et régulièrement de nouveaux agents
sont décrits. Par ailleurs, la biologie moléculaire a permis
de montrer qu’une espèce identifiée jusqu’ici sur des
critères phénotypiques correspondait en fait à plusieurs
espèces. C’est le cas par exemple de Madurella myceto-
matis, principale espèce fongique en cause, qui corres-
pond en fait à plusieurs espèces M. fahali, M. tropicalis et
M. pseudomycetomatis [9]. Cette identification précise
est importante pour guider la thérapeutique, ainsi il a
été montré que M. fahali est moins sensible aux azolés
que les autres espèces de Madurella. La biologie molécu-
laire a permis également un reclassement des différents
agents étiologiques en particulier en ce qui concerne
ceux responsables de mycétomes à grains noirs [7,9].
Ainsi, les Leptosphaeria (Leptosphaeria senegalensis et
L. tompkinsii) ont été reclassés dans le genre Falciformis-
pora. M. grisea et Pyrenochaeta romeroi étaient difficiles
à distinguer lorsque le diagnostic reposait uniquement sur
des critères phénotypiques. Elles sont maintenant iden-
tifiées comme étant Trematosphaeria grisea et Medicopsis
romeroi.
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Pour citer cet article : Develoux M. Les mycétomes et leur traitement. Journal De Mycologie Médicale (2016), http://dx.doi.org/10.1016/
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2 M. Develoux
3. Seules quelques espèces sont fréquemment impliquées
(Tableau 1), c’est le cas de M. mycetomatis, agent de
mycétomes fongiques à grains noirs, représentant 24,3 %
des cas dans le monde. Les autres sont toutes des
actinomycètes : Actinomadura madurae, Streptomyces
somaliensis, A. pelletieri, Nocardia brasiliensis et
N. asteroides.
Si globalement les actinomycétomes sont plus fréquents
(environ 60 %), il existe de grandes différences de répartition
entre actinomycétomes et mycétomes fongiques selon les
régions endémiques. Ainsi, si l’on considère les deux pays
d’où ont été rapportés la majorité des mycétomes le Soudan
et le Mexique, on constate que dans le premier, 75 % des cas
sont des mycétomes fongiques à M. mycetomatis [16] alors
que dans le second, 92,1 % sont des actinomycétomes essen-
tiellement dus à N. brasiliensis [6]. Au sein d’un même pays,
il peut exister des grandes variations de répartition des
espèces causales selon les régions. Cela a été montré en
particulier dans la partie ouest africaine de la zone endé-
mique des mycétomes englobant la Mauritanie et la majorité
du territoire sénégalais. Ces variations sont liées à des
différences de pluviométrie annuelle [24].
Une infection des régions tropicales arides
Les mycétomes sont des infections des régions tropicales
arides. Il existe trois foyers principaux : l’Inde, l’Afrique
sahélienne et le Mexique. La zone endémique se situe de part
et d’autre du 15e
degré de latitude nord dessinant la bande
des mycétomes. C’est en Afrique que les caractéristiques
climatiques de cette bande sont les mieux définies : une
longue saison sèche et une courte saison des pluies, une
pluviométrie annuelle de 150 à 800 mm, Au Mexique et en
Inde où existent des massifs montagneux avec des micro-
climats, l’infection est également présente dans des régions
plus humides. Dans toutes ces zones poussent des épineux qui
jouent un rôle dans la transmission par l’intermédiaire de
leurs épines inoculant l’agent infectieux. On a rapporté des
mycétomes dans d’autres parties du monde, mais il s’agit de
petites séries ou cas isolés : Afrique du nord, Afrique de
l’ouest non sahélienne et centrale, péninsule arabique, Iran,
Pakistan, Amérique du sud (Venezuela, Brésil, Argentine).
Quelques cas ont été diagnostiqués dans les DOM-TOM. Les
mycétomes sont des infections importées non exceptionnel-
les en France métropolitaine [8,21].
Une épidémiologie mal connue
L’épidémiologie des mycétomes reste mal connue. La majo-
rité des données les concernant repose sur des séries hos-
pitalières qui ne révèlent que certains aspects de
l’infection. Les prévalences les plus élevées sont retrouvées
en Mauritanie (3,49 cas pour 100 000 habitants) et au
Soudan (1,81/100 00), elles sont certainement sous-esti-
mées puisque se basant sur les cas publiés [31]. On manque
de données récentes sur certains pays situés en zone
d’endémie, c’est le cas par exemple du Tchad et de la
Somalie. L’infection se fait à l’occasion de traumatismes,
avant tout de micro-traumatismes inoculant l’agent infec-
tieux. Il peut s’agir de piqûre d’épines, de traumatismes
avec des outils, d’accidents de la voie publique, certains
auteurs pensent que d’autres mécanismes pourraient être
impliqués [15]. Des agents étiologiques ont été mis en
évidence sur des épineux ou dans le sol par cultures classi-
ques ou par biologie moléculaire. Une étude récente, pros-
pective, a été faite dans un village de la zone endémique au
Soudan de 2010 à 2013, il s’agit de la première étude de ce
type. La prévalence était de 14,5 pour 1000 habitants. Les
patients étaient des fermiers, des ménagères et des enfants
avec un statut socioéconomique très bas. La maladie est
toujours apparue comme liée à la pauvreté. Aucun groupe à
risque n’était identifié. Un contact étroit avec les épines
d’acacias, les animaux et leurs excrétas, la marche pieds
nus et des conditions d’hygiènes médiocres étaient sup-
posés contribuer à la prévalence élevée des mycétomes
dans le village.
Une infection frappant les populations
rurales
L’infection frappe avant tout les populations rurales, la
prédominance masculine est marquée, la tranche d’âge la
plus frappée va de 11 à 40 ans. Dans une méta-analyse faite
en 2013 sur les cas publiés dans le monde on relevait
4060 hommes pour 1175 femmes. L’histoire naturelle du
mycétome est mal connue. Pour quelques observations pri-
vilégiées où le traumatisme inoculateur a été identifié, on a
observé une période asymptomatique après celui-ci variant
de quelques mois à quelques années. Entre l’apparition des
premiers signes cliniques et l’établissement du diagnostic, il
s’écoule en moyenne trois ans dans la plus grande série
mondiale [16]. Le retard porté au diagnostic est une des
principales raisons de la médiocrité des résultats thérapeu-
tiques. La localisation principale est le pied : 75,5 % au
Soudan [9], 62,4 % au Mexique [6]. La main est la deuxième
localisation en fréquence, Au Mexique, l’atteinte du tronc
est observée dans plus de 10 % de cas ce qui constitue une des
originalités de l’infection dans ce pays. N’importe quelle
partie du corps peut être intéressée en dehors des lésions
suscitées.
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Tableau 1 Principaux agents des mycétomes.
Main agents of mycetoma.
Myce´tomes fongiques
Grains noirs
Madurella spp
Trematosphaeria grisea (ex. Madurella grisea)
Falciformispora senegalensis (ex. Leptosphaeria
senegalensis)
Grains blancs
Scedosporium boydii (ex. Pseudallescheria boydii)
Acremonium spp
Fusarium spp
Actinomyce´tomes
Grains rouges
Actinomadura pelletieri
Grains blancs à jaunes
Nocardia brasiliensis
Actinomadura madurae
Streptomyces somaliensis
Les mycétomes et leur traitement 3
4. Un diagnostic clinique facile dans les formes
typiques : tuméfaction polyfistulisée
L’aspect typique du mycétome, de diagnostic clinique facile,
est celui d’une tuméfaction unilatérale avec des fistules
productives dont le liquide émis, séro-hématique ou puri-
forme contient des grains visibles ou non à l’œil nu. Les
fistules peuvent être non productives. La tuméfaction est
indolore en l’absence de surinfection ou d’atteinte osseuse.
Dans les formes évoluées est réalisé l’aspect historique de
« pied de Madura » avec atteinte globale du pied (Fig. 1). Il
existe des formes de diagnostic difficile de par leur localisa-
tion ou leur présentation (formes nodulaires non fistulisées).
Il est pratiquement impossible de distinguer les mycétomes
fongiques des actinomycétomes sur leurs aspects cliniques.
L’association à d’autres pathologies est rare. La survenue sur
un terrain immunodéprimé VIH positif ou non a été excep-
tionnellement rapportée, l’infection ne peut être considérée
comme opportuniste. Plusieurs observations rapportent une
aggravation spectaculaire d’un mycétome durant une gros-
sesse [28]. Les mécanismes immunologiques en causes sont
imparfaitement connus. Dans ce cas de figure, le traitement
est compliqué par la contre-indication de la majorité des
antifongiques potentiellement actifs.
Un bilan d’extension indispensable pour la
prise en charge thérapeutique
La découverte d’un mycétome doit faire pratiquer un
bilan d’extension et la recherche de complications dont
la principale est l’atteinte osseuse. Elle s’observe surtout
au niveau du pied et de la main. Les actinomycètes sont plus
ostéophiles que les champignons. Cette complication rend
plus improbable une guérison thérapeutique. À la radio-
graphie, si elle est présente, on observe l’association
d’image de destruction et de reconstruction. Les nouvelles
techniques d’imagerie médicale permettent de mieux
apprécier l’extension du processus. L’échographie et
l’IRM montrent parfois des images pathognomoniques. Le
scanner est performant dans la détection de lésions osseu-
ses débutantes. Les autres complications sont plus rares :
surinfection, métastases ganglionnaires, compressions
locales, impotence fonctionnelle. Les envahissements
viscéraux sont exceptionnels.
Un diagnostic biologique difficile
Le diagnostic biologique [10,32] est une étape fondamentale
car il va permettre d’affirmer le diagnostic sur la présence de
grains, de distinguer actinomycètes et champignons ce qui
est indispensable pour le choix thérapeutique. Le diagnostic
précis d’espèce repose sur les cultures et si possible la
biologie moléculaire. Cette dernière étape ne peut se faire
que dans des structures spécialisées, très peu nombreuses
dans les pays endémiques. Beaucoup de séries en provenance
de ces pays ont un diagnostic basé uniquement sur l’examen
direct des grains émis. Il peut déjà donner des éléments
fondamentaux pour le diagnostic étiologique. On notera la
taille, la couleur, la consistance des grains. Certains grains
sont invisibles à l’œil nu (Nocardia spp) et doivent être
recherchés à l’examen microscopique du pus. Sur un total
de 5343 mycétomes présentant des fistules, 2828 (53 %)
émettaient des grains [16]. Les grains peuvent être obtenus
par aspiration à l’aiguille fine, le matériel ramené est fixé et
coloré. La biopsie avec examen anatomo-pathologique est
recommandée, indispensable dans les cas où il n’y a pas
émission de grains. Il est préférable de faire une biopsie
chirurgicale. L’examen des grains en coupe permet de dis-
tinguer les grains fongiques des grains actinomycosiques.
Certains de ces grains ont des aspects très évocateurs (grains
d’A. pelletieri, d’A. madurae, de Madurella spp), parfois on
ne peut parler que de groupe (grains blancs fongiques).
L’histologie ne permet pas toujours en évidence les grains
malgré les recoupes. Les grains, lorsqu’il y a émission,
doivent être lavés et mis en culture sur les milieux adéquats.
Cette étape est longue, la pousse des grains n’est pas
toujours observée (problème de contamination, grains
stériles. . .). Cette étape microbiologique est rarement pra-
tiquée en zone endémique faute de laboratoires équipés et
de personnels spécialisés. L’indentification des espèces fon-
giques repose sur l’aspect des fructifications observées par
l’examen microscopique des cultures. Pour les obtenir, il
faut avoir parfois recours à des repiquages sur milieux pau-
vres, processus long et pas toujours couronné des succès, en
particulier dans le cas des espèces responsables de mycéto-
mes à grains noirs. Certaines d’entre elles ne produisent pas
de fructifications (Madurella spp). En ce qui concerne les
actinomycètes, le diagnostic d’espèce se fera sur les carac-
tères phénotypiques : vitesse de croissance des colonies,
aspect macroscopique et microscopique de celles-ci, profils
biochimiques.
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Figure 1 Mycétome du pied à grains noirs au stade de pied de
Madura.
Foot mycetoma with black grains at the stage of Madura foot.
4 M. Develoux
5. À chaque fois qu’est isolé l’agent causal d’un mycétome,
il serait souhaitable de tester sa sensibilité à différents
antibiotiques ou antifongiques selon les cas. Mais seuls quel-
ques laboratoires ont les possibilités et assez d’expérience
pour effectuer ces tests. En ce qui concerne les actinomycè-
tes, ce sont des microbiologistes mexicains qui font
référence. Pour les eumycétomes, les travaux portant sur
la sensibilité de leurs agents étiologiques aux différents
antifongiques ont été réalisés par des auteurs hollandais
en relation avec le centre de recherche sur les mycétomes
de Khartoum au Soudan. Leurs nombreuses publications sur
ce sujet témoignent de l’importance de la collaboration
entre chercheurs du nord et du sud dans ce type de maladies
tropicales négligées. Ces études, même s’il n’y a pas toujours
corrélations entre les données in vitro et les résultats obte-
nus in vivo, donnent de précieuses indications pour les
options thérapeutiques. Dans le cas de mycétomes importés
dans des pays non endémiques comme la France, certaines
structures peuvent réaliser ces types d’examens comme le
centre de référence sur les mycoses et antifongiques de
l’Institut Pasteur de Paris.
Parmi les méthodes indirectes, la recherche d’anticorps
bien qu’elle ait fait l’objet d’études n’est pas utilisée en
pratique courante sauf au Mexique où N. brasiliensis prédo-
mine de façon écrasante. La détection des b-D-glucane dans
le sérum semble prometteuse bien que l’on ait encore que
peu de données [8]. Sa présence signe une infection fongique
et serait donc en faveur du diagnostic d’eumycétome avant
les résultats des examens mycologiques. Cet examen semble
particulièrement intéressant dans les formes où il n’y a pas
émission de grains. La diminution du taux sérique et la
disparition constitueraient un des arguments d’évolution
favorable sous traitement et de guérison.
Seules les méthodes de biologie moléculaire permettent
l’identification précise des espèces fongiques et actinomy-
cosiques mais elles sont trop onéreuses pour être utilisées
dans les pays endémiques [7,9,32]. L’un des défis dans les
années à venir est la mise au point de méthodes simples et
rapides pour l’identification des espèces causales des mycé-
tomes.
Traitement
Quelle que soit l’étiologie, le traitement devrait
toujours être médical dans un premier temps
Le traitement des mycétomes est difficile, long et coûteux.
Tous les auteurs s’accordent maintenant pour considérer
qu’il doit être médical dans un premier temps quelle que
soit l’étiologie [34]. Les principaux problèmes posés sont de
déterminer la durée du traitement et de juger de son effica-
cité en l’absence de critères formels de guérison.
Un traitement médical reposant sur les
antibiotiques pour les actinomycétomes
Le traitement des actinomycétomes est le mieux défini.
Presque toutes les études de laboratoire (modèles animaux,
détermination de la sensibilité des actinomycètes aux anti-
biotiques in vivo) et essais thérapeutiques récents provien-
nent du Mexique et ont donc surtout porté sur le traitement
des actinomycétomes à Nocardia sp. Plusieurs schémas ont
été proposés mais il n’existe pas d’étude comparative entre
les différentes molécules couramment utilisées.
Le cotrimoxazole, association sulfaméthoxazole—trimé-
thoprime, utilisée depuis plusieurs décennies reste le traite-
ment de première ligne des actinomycétomes [33]. Il a permis
d’obtenir un pourcentage d’environ 60 % de guérison au
Mexique. Au Sénégal [23], le cotrimoxazole est apparu comme
le traitement de choix des mycétomes à grains rouges dus à
A. pelletieri (Fig. 2 et 3). Cette espèce prédominant en
Afrique de l’ouest donne des lésions très inflammatoires et
des atteintes osseuses fréquentes qui répondent particuliè-
rement bien à ce traitement médical. Un minimum d’un an de
ce traitement est préconisé même en cas de guérison appa-
rente pour éviter la reprise du processus. Il sera poursuivi si la
réponse est incomplète au bout d’un an la durée étant
adaptée à la réponse clinique. La bonne tolérance dans les
cures prolongées observée par les auteurs sénégalais, le prix
abordable même pour les cures prolongées, sont les points
forts du cotrimoxazole. Il a été proposé également en asso-
ciation avec d’autres antibiotiques comme la streptomycine
ou la disulone constituant un des traitements standards des
actinomycétomes au Mexique. Les tests in vitro ont montré
que les souches de N. brasiliensis testées étaient toutes
sensibles à la majorité des aminosides qui avaient les meil-
leurs effets inhibiteurs comparés aux autres antibiotiques.
L’association cotrimoxazole—amikacine a donc été tentée
chez un patient ayant un d’actinomycétome sévère avec
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Figure 2 Actinomycétome de l’épaule à Actinomadura pelle-
tieri.
Shoulder actinomycetoma due to Actinomadura pelletieri.
Les mycétomes et leur traitement 5
6. envahissement pulmonaire. La guérison de ce patient a amené
à proposer cette association dans les cas peu améliorés par le
cotrimoxazole, à ceux présentant un risque de dissémination
(thorax, cou) ou avec atteinte osseuse ou viscérale. Le schéma
(régime de Welsh) comporte un ou plusieurs cycles d’amika-
cine i.v. ou i.m. à la dose de 15 mg/kg/j en deux prises
pendant trois semaines associé au cotrimoxazole (8/40 mg/
kg/j) pendant 5 semaines [33,34]. En fonction de la réponse,
le cycle peut être répété jusqu’à 4 fois. Sur 57 sujets ayant
reçu le régime de Welsh, un seul a présenté une récidive [33].
Pour obtenir la guérison, le nombre de cycle nécessaire a été
de 1 pour 19 patients, 2 pour 15, 3 pour 18 et 4 pour 4. Les
espèces isolées étaient majoritairement N. brasiliensis : 48,
N. asteroides : 1, Nocardia spp : 2, A. madurae : 4 et
S. somaliensis : 1. Avant et après chaque cycle d’amikacine,
il faut évaluer la fonction rénale et pratiquer un audio-
gramme. Vingt pour cent de 56 patients évalués ont présenté
des complications auditives minimes ou modérées détectées
par audiométrie. Un seul avait une atteinte sévère décelable
cliniquement [34]. En cas de résistance au traitement ou
d’allergie à l’amikacine, la netilmicine (300 mg/j) représente
une alternative.
Pour les patients n’ayant pas répondu aux schémas habi-
tuels, d’autres molécules peuvent être proposées. Vingt et un
patients ayant pour agent étiologique Nocardia spp
(N. brasiliensis : 19, N. asteroides : 1, N. otitidisvaviarum :
1) ont reçu de l’amoxicilline—clavulanate 875/125 mg toutes
les 12 heures par voie orale [5]. Une guérison clinique et
bactériologique a été observée chez 17 (71 %) d’entre eux,
une amélioration chez 2 (10 %) et un échec thérapeutique chez
4 (19 %). La durée moyenne du traitement était de 9,6 mois,
aucun effet secondaire clinique ou altération biologique n’ont
été observés. Dans les formes sévères ou réfractaires aux
schémas habituels, l’imipénem utilisé seul (3 cas) ou associé à
l’amikacine (5 cas), une guérison clinique et bactériologique a
été observée chez 4 patients, une diminution de 75 % de la
tuméfaction et une négativation des cultures chez les 4 autres
[4]. Dans les mycétomes à Nocardia spp résistants aux trai-
tements habituels ont été tentés le méropénem, le linézolide
dont les inconvénients sont le coût et les effets secondaires.
D’autres molécules sont en cours d’évaluation in vitro et dans
des infections expérimentales au Mexique [33].
Au total, le traitement des actinomycétomes est médical
même si les lésions sont évoluées avec ou sans atteintes
osseuses. Le cotrimoxazole représente le traitement gold
standard, l’association avec l’amikacine est réservée aux
patients ne répondant pas à ce traitement ou présentant des
formes sévères. D’autres options sont possibles pour les très
rares cas où il y a eu échec des précédents. On manque de
données suffisantes concernant le traitement des actino-
mycétomes à A. madurae et S. somaliensis qui semblent
plus résistants aux traitements habituels. Les indications
chirurgicales sont devenues exceptionnelles et ne doivent
être posées qu’après un traitement médical bien conduit. La
chirurgie utilisée d’emblée entraîne un risque de métastase
ganglionnaire par mobilisation des grains lors de l’interven-
tion. Par voie lymphatique, ils vont coloniser les ganglions
relais, il va y avoir apparition de métastases ganglionnaires
au bout d’un temps variable. Elles vont évoluer pour leur
propre compte. Ce risque concerne avant tout les actino-
mycétomes à petits grains : Nocardia sp, A. pelletieri.
Un traitement antifongique décevant et coûteux
pour les mycétomes fongiques
Il y a quelques décennies le traitement des mycétomes
fongiques reposait uniquement sur la chirurgie. Il s’agissait
d’interventions plus ou moins mutilantes. Certains chirur-
giens, en particulier Dakarois, ont mis au point des techni-
ques visant à conserver l’appui dans les mycétomes évolués
du pied nécessitant une amputation. Le taux de récidives
était important survenant des mois ou des années après
l’intervention, supérieur à 50 % dans la majorité des séries.
Ce n’est qu’avec l’apparition des azolés que l’on a pu
envisager un traitement médical des mycétomes fongiques.
Si le fluconazole apparaît inefficace dans cette indication, le
kétoconazole et l’itraconazole ont montré une certaine
efficacité in vitro [29] et in vivo sur M. mycetomatis. Cin-
quante patients ayant un mycétome dû à cette espèce ont
été traités par kétoconazole à la dose de 200 mg à 400 mg/j
pendant des périodes de 3 à 36 mois avec une moyenne de
12,88 [20]. Une guérison ou une amélioration clinique
notable ont été obtenues dans 72 % des cas. Pour 20 %, elle
était moins marquée et dans 8 %, il n’y avait aucune amélio-
ration, voire une aggravation. Le kétoconazole n’est plus
recommandé comme traitement de première intention en
raison de sa toxicité hépatique. Les données concernant
l’itraconazole sont peu nombreuses. Treize patients ont
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Figure 3 Guérison après un traitement d’un an par clotrimo-
xazole.
Cure after a treatment with clotrimoxazole of one-year dura-
tion.
6 M. Develoux
7. été traités au Soudan par cet azolé par une dose de 400 mg/j
pendant 3 mois puis 200 mg/j pendant 9 mois [14]. À la fin du
traitement, on observait une guérison clinique apparente
dans un cas, une réponse partielle dans 7. Il n’y avait aucune
modification des lésions qui contenaient des grains toujours
viables. L’encapsulation permettait une chirurgie plus aisée
avec un risque de récidive diminué. L’itraconazole par sa
meilleure tolérance représente une amélioration par rapport
au kétoconazole mais semble insuffisant dans la majorité des
cas pour l’obtention d’une guérison clinique s’il n’est pas
associé à la chirurgie. Le rôle de la mélanine a été invoqué
pour expliquer les résistances de M. mycetomatis observées
avec ces deux azolés [30]. Il a été montré in vitro que
l’addition de mélanine aux milieux de culture augmentait
notablement leurs concentrations minimales inhibitrices
(CMI) vis-à-vis de ce champignon.
Le voriconazole et le posaconazole sont des triazolés de
dernière génération disponibles sur le marché de certains
pays. Le premier a montré une activité in vitro similaire au
kétoconazole et à l’itraconazole sur M. mycetomatis [29].
Les susceptibilités de 34 souches de M. mycetomatis ont été
testées vis-à-vis du posaconazole qui s’est révélé très actif
contre ce champignon. On n’a pour l’instant que peu de
données concernant l’usage de ces deux azolés dans le
traitement des mycétomes chez l’homme, les résultats
publiés ne concernant que quelques cas isolés. Quelques
guérisons ont pu être obtenues par le voriconazole sans
chirurgie associée [18,19,27]. En Argentine, six patients
ayant un eumycétome dont cinq avec atteinte osseuse ont
été traités par posaconazole à la dose de 800 mg/j en deux
prises après échec d’autres traitements antifongiques [25].
Un succès clinique a été observé dans cinq cas, quatre ayant
une réponse complète et un une réponse partielle. À la suite
de ces premiers résultats, le posaconazole a été considéré
peut-être un peu trop rapidement comme le traitement de
sauvetage des cas résistants aux thérapeutiques habituelles.
En France, 11 cas d’importation ont été traités par l’un ou
l’autre de ces deux azolés de dernière génération pendant
une période moyenne de 25,9 Æ 18 mois [8]. Cinq d’entre eux
avaient reçu auparavant un traitement antifongique et huit
avaient eu une intervention chirurgicale. Une réponse
complète définie par une amélioration majeure constatée
cliniquement et par l’IRM a été observée chez cinq des
11 patients. La réponse n’était que partielle chez
5 autres : amélioration mineure ou lésions stables à l’IRM.
Enfin un seul cas, avec atteintes viscérales, était un échec.
Des effets secondaires n’ont été notés que chez trois d’entre
eux. Les meilleures réponses dans cette série dépendaient de
l’espèce en cause (réponse médiocre des cas dus à Fusarium
sp), de la rapidité de la mise en œuvre des nouveaux azolés
par rapport à la date de début des signes cliniques
(< 65 mois). Pour ces auteurs, le succès thérapeutique qu’ils
ont pu observer avec le voriconazole chez des patients ayant
eu l’échec d’un traitement préalable par des azolés plus
anciens pourrait s’expliquer par sa moins grande susceptibi-
lité à établir une liaison avec la mélanine, ce qui entraîne une
meilleure disponibilité du produit. Seules de grandes séries
permettront de tirer des conclusions sur l’efficacité du
voriconazole et posaconazole dans cette pathologie, elles
supposent des études menées en zone d’endémie.
Parmi les autres antifongiques, la griséofulvine, l’ampho-
téricine B et la terbinafine n’ont pas permis d’obtenir des
résultats probants. Certains auteurs suggèrent d’associer un
azolé à la terbinafine arguant des modes d’action différents
de ces produits. M. mycetomatis n’est pas sensible in vivo
aux échinocandines.
Les études sur les sensibilités des différents antifongi-
ques vis-à-vis des agents d’eumycétomes concernent sur-
tout M. mycetomatis. Une étude de 2015 a étudié la
susceptibilité des coeliomycètes agents plus rares apparte-
nant à l’ordre des Pleosporales vis-à-vis de 8 antifongiques
[3]. Des CMI élevées ont été retrouvées avec le fluconazole,
la caspofongine, la flucytosine et l’amphotéricine B. Le
voriconazole et le posaconazole se montraient actifs sur
toutes les espèces testées. M. romeroi se révélait particu-
lier par rapport aux autres espèces testées montrant des
CMI significativement plus basses vis-à-vis de l’amphotéri-
cine B et significativement plus élevées pour le fluconazole,
le kétoconazole et l’itraconazole. Les auteurs attirent
l’attention sur le fait que les résultats peuvent varier selon
les méthodes de sensibilité utilisées. À la vue de leurs
résultats où il apparaît que le voriconazole et le posacona-
zole sont plus efficace dans l’inhibition des croissances que
le kétoconazole et l’itraconazole, ce qui est également le
cas pour M. mycetomatis, ils proposent de reconsidérer le
traitement standard reposant jusqu’ici sur ces deux der-
niers azolés.
Deux nouveaux azolés l’isavuconazole [17] et le ravuco-
nazole [2] ont montré une activité antifongique in vitro sur
M. mycetomatis. L’un comme l’autre ont des CMI excep-
tionnellement basses, inférieures à celles du kétoconazole
ou de l’itraconazole vis-à-vis de ce champignon, en parti-
culier, le ravuconazole. En raison de ces résultats et de
leurs propriétés pharmacologiques, ils représentent un
grand espoir dans le traitement des mycétomes dus à
M. mycetomatis qui doit être confirmé par des études in
vivo. L’isavuconazole a également une activité marquée sur
Exophiala spp, par contre ses CMI vis-à-vis de certains
agents de mycétomes à grains blancs comme P. boydii et
Fusarium spp sont plus élevées que celles obtenues avec
M. mycetomatis. Le ravuconazole a également une activité
inhibitrice in vitro sur E. jeanselmei et Curvularia lunata,
champignon rarement impliqué dans cette pathologie, mais
une résistance a été constatée vis-à-vis de P. boydii et
Fusarium spp.
La surinfection des mycétomes ayant des lésions ouvertes
a été longtemps négligée et sous-estimée. Trois groupes ont
été constitués à partir de 337 patients ayant une co-infection
à M. mycetomatis et S. aureus [22]. Le premier groupe de
142 recevait l’association amoxicilline—acide clavulanique
et kétoconazole, le deuxième de 92 l’association ciproflo-
xacine—kétoconazole et 102 ne recevaient que du kétoco-
nazole. C’est dans le premier groupe qu’on a observé les
meilleurs résultats : 60,6 % de guérison ou de rémission
partielle comparés aux pourcentages respectifs de 30,1 %
et de 36,3 % dans les deuxièmes et troisièmes groupes. Ces
résultats montrent bien l’intérêt de l’association amoxicil-
line—acide clavulanique—kétoconazole dans le traitement
des mycétomes fongiques avec surinfection par S. aureus.
L’intérêt des anti-inflammatoires dans le traitement des
mycétomes est soulevé par une observation de mycétome
fongique publiée par Dupont et al. où la guérison clinique a
été obtenue en associant antifongique et anti-inflammatoire
[11].
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Les mycétomes et leur traitement 7
8. La chirurgie reste toujours indiquée dans le
traitement des mycétomes fongiques
La chirurgie garde toujours une place importante dans le
traitement des eumycétomes. Un cas particulier est celui des
formes nodulaires auto-limitées, d’évolution parfois pro-
longée dont la biopsie—exérèse permet de faire à la fois
le diagnostic et le traitement radical. La chirurgie se discute
après un traitement antifongique préalable de plusieurs
mois. Elle doit être la moins mutilante possible tout en étant
assez large pour éviter de laisser en place des grains ce qui
entraînerait une reprise du processus infectieux. Trop sou-
vent, on voit des patients subissant des interventions itéra-
tives en raison de récidives répétées, à plus ou moins long
terme une amputation sera inévitable (Fig. 4). Elle peut
s’imposer rapidement devant un patient vu pour la première
fois avec des lésions historiques.
Une étude faite par la clinique des mycétomes de Khar-
toum témoigne des problèmes posés par le traitement des
mycétomes en zone endémique [35]. Elle visait à identifier
les facteurs prédictifs de guérison, d’amputation et de perte
de vue de 1544 patients, 1242 ayant un mycétome fongique
et 302 un actinomycétome. Dans le premier groupe, une
durée prolongée du traitement et l’absence de notion de
récidive étaient des facteurs prédictifs d’augmentation des
chances de guérison. À l’inverse, la taille de la lésion (5—
10 cm ou > 10 cm), l’association d’un traitement médical et
d’une chirurgie étaient des facteurs prédictifs de diminution
de ces chances. Les lésions de grande taille, les amputations
et les traitements prolongés étaient des facteurs prédictifs
en faveur de la réduction du pourcentage de patients suivis
médicalement. Dans le groupe des patients ayant un acti-
nomycétome, seul un traitement médical était un facteur
prédictif indicatif de guérison. Dans les deux groupes, le
pourcentage de patients perdus de vue était particulière-
ment élevé : respectivement 54 et 56 %. Il faut prendre ne
compte le fait que cette structure reçoit un nombre impor-
tant d’infections avancées ce qui expliquerait le résultat
contradictoire concernant le bienfait de l’association chi-
rurgie et traitement médical dans les mycétomes fongiques
alors que cette association est recommandée. Ces patients
ayant des lésions massives ont un passé d’interventions
chirurgicales répétées, de récidives et de compliance médio-
cre. Des amputations se sont avérées nécessaires chez
35 patients ayant un mycétome fongique contre une seule
chez ceux ayant un actinomycétome.
Guérison et surveillance post-thérapeutique
Une absence de critères fiables de guérison
L’arrêt du traitement est une décision difficile à prendre. Il
n’existe pas en effet pour l’instant de critère formel de
guérison. Le risque de reprise du processus après apparente
guérison clinque est important. Il a été diminué depuis la
mise en œuvre de traitements médicaux mais il est proba-
blement sous-estimé. Il faut donc surveiller régulièrement
les patients après un traitement médical associé ou non à une
chirurgie. La surveillance devrait durer au minimum trois
ans, le risque de reprise du processus diminuant notablement
après cette période. En pratique en zone endémique, il est
difficile de suivre des patients qui vivent loin des centres
hospitaliers équipés. Pour les auteurs soudanais qui ont la
plus grande expérience des mycétomes fongiques, la guéri-
son est définie par la disparition de la masse cliniquement et
radiologiquement (scanner ou IRM), la fermeture des fistules
et la disparition de l’agent infectieux [34]. Dans la série
française d’eumycétomes importés [8], le dosage des b-
glucanes et la réponse obtenue au CT/scan sont des examens
prometteurs comme critères d’efficacité du traitement et de
guérison. Ces premiers résultats demandent à être
confirmés, l’inconvénient de ces deux examens est leur coût.
Stratégie de lutte et éducation sanitaire
L’éducation sanitaire, un aspect négligé de stratégie de lutte
pour l’instant, des populations en zone endémique devrait
être un des aspects majeurs de la lutte contre l’infection.
Dans une étude menée dans un village du Soudan [15], il est
apparu que les habitants n’avaient que des connaissances
très limitées sur les différents aspects des mycétomes. Si
96,3 % étaient au courant de leur existence seuls 3,7 %
avaient de solides notions sur celles-ci. Ces constatations
plaident pour une approche intégrée sur le terrain associant
un dépistage précoce des lésions, une éducation des popu-
lations et des paramédicaux devant les prendre en charge.
Cette stratégie de lutte avait été complètement négligée
jusqu’ici ce qui devrait changer avec l’inclusion des mycé-
tomes dans le groupe des maladies négligées de l’OMS.
Conclusion
Les mycétomes sont des infections enfin sorties de l’oubli.
Les progrès diagnostiques et thérapeutiques ont été majeurs
ces dernières années. Le traitement des actinomycétomes
est presque exclusivement médical et peut conduire à la
guérison. Le traitement médical des eumycétomes reste
décevant et surtout coûteux. Exception faite du centre de
recherche sur les mycétomes de Khartoum, le traitement
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Figure 4 Atteinte osseuse diffuse d’un mycétome fongique du
pied à Acremonium sp. Malgré le traitement par voriconazole,
l’amputation n’a pu être évitée.
Diffuse bone involvement of a foot fungal mycetoma du to
Acremonium sp. A treatment with voriconazole did not avoid
amputation.
8 M. Develoux
9. médical est exceptionnellement utilisé dans les pays endé-
miques et la chirurgie d’emblée est la règle. Elle peut être
mutilante dans les formes vues tardivement. Des espoirs se
portent sur des azolés de dernière génération comme l’isa-
vuconazole en raison de son excellente activité in vitro. Il est
souhaitable d’explorer d’autres pistes comme l’utilisation de
nouveaux produits non azolés. Il y a donc nécessité de faire
des études sur le terrain sur l’évolution à long terme d’un
échantillon de patients traités dans différentes zones endé-
miques pour essayer de déterminer des facteurs de guérison
définitive ou de récidive.
Déclaration de liens d’intérêts
L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.
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