Le rôle central de la médecine interne dans l’évolution des systèmes de santé...
Diu
1. Présentation article DIU de thérapeutique anti-infectieuse
Prise en charge des infections fongiques
systémiques à filamenteux, apports de
l’isavuconazole dans la stratégie
thérapeutique actuelle
Présenté le 3 octobre 2016 par
-
Frédéric VIGIER
- Année académique 2015-2016 -
Mémoire délivré en vue de
l’obtention du Diplôme Inter-Uni-
versitaire (D.I.U) de thérapeutique
anti-infectieuse
Université de Rennes
Membres du jury:
Monsieur le Professeur Christian MICHELET
Monsieur le Professeur Pierre TATTEVIN
2. Présentation article DIU de thérapeutique anti-infectieuse
En premier lieu, je souhaiterais adresser mes remerciements aux personnes qui m’ont aidé à la
réalisation de ce mémoire.
A Monsieur le Professeur MICHELET et à Monsieur le Professeur TATTEVIN de l’Université
de Rennes, pour leurs enseignements tout au long de ce D.I.U de thérapeutique anti-infectieuse.
Par ailleurs, l’aide que Monsieur le Professeur GANGNEUX m’a apporté pour son enseigne-
ment sur les anti-fongiques dans le cadre de ce DIU a été des plus bénéfique.
De plus, je remercie Monsieur le Professeur LEPAPE pour son accueil dans le service de
parasitologie du CHU de Nantes dans le cadre de mon immersion.
Également, je suis reconnaissant envers le Docteur MORIO pour la relecture de ce mémoire et
son avis critique sur celui-ci.
Enfin, j’adresse mes sincères remerciements à ma famille, mes amis qui m’ont encouragé tout au
long de la réalisation de ce mémoire.
Remerciements
3. Présentation article DIU de thérapeutique anti-infectieuse
I Introduction.............................................................................................................................................1
II Epidémiologie des infections fongiques invasives...................................................................................2
III L’aspergillose invasive.............................................................................................................................4
IV La mucormycose.....................................................................................................................................6
V Les résistances aspergillaires et l’isavuconazole.......................................................................................8
VI Isavuconazole et espace QT...................................................................................................................8
VII Paramétres pharmlacocinétiques/pharmacodynamiques des anti-fongiques......................................9
VIII Potentiel inhibiteur comparé des différents azolés............................................................................10
IX Discussion............................................................................................................................................11
X Conclusion............................................................................................................................................12
XI Références bibliographiques.................................................................................................................13
Sommaire
4. Présentation article DIU de thérapeutique anti-infectieuse
2
Introduction
Les infections fongiques systémiques à filamenteux sont responsables de maladies graves engageant le
pronostic vital notamment en cas de d’affections à mucorales. Ces dernières années ont été marquées
par le développement de nouvelles thérapeutiques comme les triazolés, mais aussi par une évolution de
la galénique comme la formulation lipidique de l’Amphotérice B.
Malgré cette évolution, nous observons une augmentation des infections fongiques liées
principalement à l’évolution du nombre de patients immunodéprimés et du degré
d’immunosuppression, patients transplantés, patients traités en hématologie avec en lien le nombre de
patients ayant reçu une greffe de cellules souches hématopoïétiques. [1]. Par ailleurs, l’utilisation crois-
sante des anticorps monoclonaux contribue à une augmentation de l’incidence du risque infectieux
fongique.
Un nombre restreint de champignons pathogènes a été identifié dans les années 1950. Aujourd’hui
plus de 300 de espèces rencontrées sont impliquées dans un processus pathogène. En effet, on identifie
un nombre croissant de champignons filamenteux devenus saprophytes opportunistes. L’amélioration
des traitements anti-bactériens a également contribué à l’augmentation des infections fongiques.
Au-delà du versant médical, l’utilisation d’antifongiques azolés dans le monde agricole est
croissante avec 19 molécules autorisées en Europe et des profils de résistances croisées avec les molécules
utilisées en thérapeutique humaine.
De ce fait, la prise en charge de ces patients reste complexe et il persiste un taux de morbi-morta-
lité important [2].
Ces échecs thérapeutiques peuvent être liés au développement de résistances pharmacologiques ou
environnementales, d’une mauvaise biodisponibilité, d’une galénique inappropriée à un traitement
long, d’une toxicité, d’une variabilité inter ou intra individuelle, et d’interactions médicamenteuses.
L’isavuconazole etant indiqué dans le cadre de son AMM à la prise en charge des aspergilloses invasives
et des mucormycoses, l’étude se limitera par conséquent à ces deux pathologies.
Dans ce contexte, le développement de l’isavuconazole, permettrait-il d’améliorer la prise en charge
de ces patients ?
source www.fr.wikipedia.org
5. Présentation article DIU de thérapeutique anti-infectieuse
3
On retrouve les filamenteux comme A. fumigatus dans
notre environnement (déchets organiques) et sont
véhiculées notamment par les gaines de ventilations et des
poussières soulevées par des travaux.
La contamination par les spores se faisant par
inhalation est corrélée à la localisation préférentielle
retrouvée au niveau pulmonaire et plus exceptionnellement
au niveau gastro-intestinal et cutané. Leur développement
est accru dans un environnement humide. Chez un pa-
tient immunocompétent, les filaments seront phagocytés
par les globules blancs polynucléaires et les spores par les
macrophages.
L’incidence des infections a pratiquement doublé
depuis 20 ans, pour passer de 2 à 3,8/1000 hospitalisations
entre 1980 et 1990 aux USA (d’après l’étude réalisée par
le National nosocomial infections surveillance system).
Ces chiffres doivent être mis en parallèle avec les données
disponibles sur les diagnostiques posés à l’autopsie
(figure 1).
Une proportion substantielle des infections fon-
giques invasives n’est diagnostiquée qu’à l’autopsie. Ceci
est dû au manque de d’outils diagnostiques fiables. [7]
Le graphique résume une analyse de données issues de 8124
autopsies pratiquées entre 1978 et 1992 sur des patients
décédés à l’hôpital de Frankfort/Main.
Pendant cette période, une nette augmentation
de la prévalence des infections fongiques confirmées à
l’autopsie a été rapportée. Ceci est essentiellement dû à
l’augmentation significative des infections à Aspergilllus
spp.
Ces observations documentent des changements
significatifs de la fréquence et l’étiologie des infections fon-
giques invasives. Il existe un manque de corrélation entre
les tests de sensibilités et les résultats diagnostiques. En rou-
tine, les filamenteux ne sont pas toujours testés.
L’augmentation de cette prévalence souligne le besoin
continu d’une prévention, d’un diagnostic et de nouveaux
traitements.
La figure 3 montre l’évolution des chocs septiques
depuis les années 1980 aux USA liée à l’augmentation des
patients présentant une immunodépression.
L’infection fongique aux USA représente la 7éme cause de
décès chez le patient hospitalisé
En Europe, les infections fongiques représentent
17% des cas d’infections associées aux unités de soins
intensifs (USI) [6]. Environ 15% des patients ayant reçu une
greffe allogénique de cellules souches hématopoïétiques
développent une infection fongique. D’autre part 20% des
transplantés pulmonaires souffrent d’infections fongiques.
On observe par ailleurs une évolution du taux de mortalité
en France (voir figure 2) vis-à-vis des mucormycoses depuis
le début des années 2000 [4].
Figure 2: Taux de mortalité en France lié aux infections frongiques [4].
Épidémiologie
Figure 1: Diagnostique d’Aspergillose invasive à l’autopsie [3].
Figure 3: Nombre de cas de Sepsis graves aux USA entre les années 1979 et 2000 [5].
6. Présentation article DIU de thérapeutique anti-infectieuse
4
Aspergillose invasive
Une maladie rare décrite pour la première fois en
1953 qui touche essentiellement les patients immu-
nodéprimés. A. fumigatus est l’espèce la plus fréquente
mais les espèces A. terreus et A. flavus sont de plus en plus
fréquemment retrouvées [7].
L’aspergillus est omniprésent dans la terre du fait
de son développement saprophyte. Cela peut entrainer une
contamination directe sur des plaies cutanées pouvant être
la source d’une dissémination dans un contexte clinique
favorable comme chez le patient immunodéprimé. La
principale contamination se fera par inhalation des spores
libérées. Les spores sont omniprésentes dans l’air que nous
respirons (1-100 spores/mm3).C’est avant tout une infec-
tion pulmonaire.
Le facteur déterminant concernant la survenue de
l’aspergillose invasive est la neutropénie profonde
(<500/mm3) et prolongée (>10j).
Les recommandations ECIL V, et plus
récemment les guidelines IDSA 2016 [18] place le
voriconazole en traitement de première intention avec un
grade A1 pour la forme IV et C III pour la forme orale.
Les recommandations soulignent le manque de données
sur les associations d’antifongiques et notamment dans les
cas de thérapies de rattrapage. Egalement en suspens, des
données sur les durées de traitement. Dans cette pathologie
la place du voriconazole vis-à-vis de l’amphotéricine B, trai-
tement conventionnel a été confirmée dans l’étude publiée
en 2002 dans le New England avec un taux de succès à
12 semaines de 53% vs 32% en faveur du voriconazole [9],
associé à une meilleure tolérance pour celui-ci.
Plus recemment ces chiffres ont été revus à la lumiére des
nouveaux critéres EORTC/MSG avec des résultats
comparables [30].
Aujourd’hui, l’Isavuconazole a montré une
activité sur Aspergillus spp in vitro mais également en
clinique dans l’étude SECURE sur une cohorte de 516
patients en ITT [10].
Les résultats de SECURE [10] montrent une non
infériorité en terme de mortalité globale (critère primaire)
de 48% pour Isavuconazole pour 52% dans le groupe vo-
riconazole. Vis-à-vis de la réponse globale le taux de succès
était également comparable de 35% pour isavuconazole
pour 36,4 dans le groupe voriconazole.
Figure 4: Répartition en pourcentage des Aspergillus [21].
Figure 5: Survie globale (étude SECURE) [10].
source www.fr.wikipedia.org
7. Présentation article DIU de thérapeutique anti-infectieuse
5
Les effets secondaires en terme de toxicité étaient moins
nombreux dans le groupe Isavuconazole ( hépatique
9% vs 16%, oculaire 15% vs 27%, cutanée 34% vs 43%) à
l’exception des troubles respiratoires de type dyspnée (6%
vs 2% pour le voriconazole).
Il est important de noter que dans le contexte de
cette étude en double aveugle, il n’y a pas eu de suivi
thérapeutique pharmacologique (STP). Il est alors légitime
de se poser la question si les concentrations cibles ont été
atteintes.
En faveur de cette hypothèse, les taux de
succès observés pour le voriconazole corrélés à une
valeur supérieure à 1 mg/l et inférieure à 5mg/l
vis-à-vis du niveau d’apparition d’effets secondaires étaient
conformes aux données de la littérature [12], [19], [20].
Concernantl’isavuconazole,lesdonnéesdisponibles
dans les essais de phase I et II montrent que la concentration
cible de 4mg/l était atteinte avec la dose de 200mg per os
ou IV sans variabilité inter ou intra individuelle. Il n’a pas
été décrit de dose toxique en maintenant la dose de charge
à 600 mg au-delà de la dose de charge des deux premiers
jours. Il s’avère non indispensable d’effectuer un STP avec
l’isavuconazole au vu des données actuellement disponibles.
Du fait de la fréquence des espèces rencontrées,
l’Eucast a défini des Breakpoint pour A. fumigatus =1 ;
A. nidulans=0,25 ; A. terreus=1 [11].
Aspergillose invasive
Figure 7: Sensibilités in vitro des filamanteux à l’isavuconazole [11].
Figure 6: Évènements indésirables liés aux traitements (étude SECURE) [10].
8. Présentation article DIU de thérapeutique anti-infectieuse
6
Mucormycose
La mucormycose, auparavant appelée zygomycose est une
infection par un champignon de l’ordre des Mucorales
de la famille des Zygomycètes.
La mucormycose est moins fréquente que
l’aspergillose invasive, il n’y a pas de revue complète
de la littérature qui décrive son épidémiologie, mais
elle reste la 2éme infection invasive la plus fréquente.
La survenue de mucormycose en France est par ordre
de fréquence : l’hémopathie maligne, le diabéte et la
mucormycose post traumatique pouvant survenir chez des
patients sans antécédents notables [23].
Le diagnostic repose sur l’observation directe au
microscope et l’histopathologie avec prélévement (LBA/
biopsie), mais aussi avec l’imagerie avec le signe du halo
inversé en cas d’atteinte pulmonaire qui sans être par-
faitement spécifique est trés évocateur chez les patients
d’hématologie [31]. Il n’existe aucun test spécifique
disponibleàcejourmaisdenouveauxoutilsissusdelabiologie
moléculaires prendont une place prépomdérante en
pratique courante [32] [33].
Une pathologie rare mais une augmentation de
l’incidence en France de 0,7/million en 1997 à 1,2/million
en 2006 [21].
La prise en charge du patient atteint de
mucormycose est multimodale et associe le traitement
amphotéricine B à un débridement/résection chirurgical.
Celle-ci a montré un effet thérapeutique proportionnel à la
dose administrée. Cette dose doit être de 5mg/kg/jour au
minimum et de 10mg/kg/jour pour les localisations du
SNC. La correction des risques associés est souvent cri-
tique. (ex : diabète déséquilibré).
Malgré un traitement agressif associé à un acte
chirurgical, la mortalité reste élevée entre 24% et 49%, [14].
En l’absence de traitement la mortalité est de 97%, [28].
L’amphotéricine B liposomal est aujourd’hui le
traitement de référence. Le spectre d’activité in vitro des
différentes molécules est repris dans la figure 9 [15].
On note une activité intéressante du posaconazole
et une activité variable de l’Isavuconazole. Les données de
sensibilités in vitro ne sont pas toujours transposables aux
données in vivo. Les concentrations tissulaires importantes
peuvent apporter une réponse clinique en contradiction
avec les données in vitro. L’isavuconazole a du fait de sa
lipophilie une très bonne diffusion dans le LCR et dans
l’œil et sinus, siège des infections mucorales. (Figure 10).
Figure 8: Analyse Kaplan-Meier, étude VITAL [13]. Figure 9: Données comparatives in vitro sur les Mucorales [15].
Isavuconazole : données comparatives in vitro sur les Mucorales
Arendrup et al., Antimicrob Agents Chemother 2015; ICAAC 201
ISAV VORI POS AMB ISAV VORI POS AMB ISAV VORI POS AMB ISAV VORI POS AMB
0.03125
0.0625
0.125
0.25
0.5
1
2
4
8
16
Lichtheimia corymbifera
(N=12)
Lichtheimia ramosa
(N=4)
Mucor circinelloides, G-I
(N=5)
Mucor circinelloides, G-II
(N=5)
ISAV VORI POS AMB ISAV VORI POS AMB ISAV VORI POS AMB ISAV VORI POS AMB
0.03125
0.0625
0.125
0.25
0.5
1
2
4
8
16
Rhizomucor pusillus
(N=8)
Rhizopus microsporus
(N=26)
Rhizopus oryzae
(N=6)
Figure 10: Diffusion cellulaire de l’isavuconazole, suivie par la radioactivité du C14
(A ; 24 heures après la dose en B) [24].
source www.fr.wikipedia.org
9. Présentation article DIU de thérapeutique anti-infectieuse
7
Mucormycose
Les données cliniques de l’isavuconazole sont issues de
l’étude VITAL [19] publiée dans le Lancet. C’est une
étude en simple brin en ouvert. 149 patients inclus dont 37
avaient une infection prouvée ou probable (m-ITT muco-
rale).
21 cas traités par Isavuconazole ont été appariés à 33 cas
contrôles du registre Fungiscope. On observe un taux
de succès de 31% qu’il est intéressant de comparer aux
données de la littérature (figure 12).
Ce « Forest plot « résume les résultats prove-
nant de rapports publiés dans la littérature, du registre
Fungiscope et de l’étude VITAL. Il confirme que le taux de
mortalité expérimenté par les patients traités par
l’isavuconazole sont alignés aux contrôles externes et
rétrospectifs.
En effet, les données de l’étude Lanternier et al JAC
2015 ont montré un taux de succès plus important (45%). Il
est important de préciser que la comparaison de ces études
reste délicate car le profil de ces patients inclus était diffé-
rent (plus de mucormycoses disséminées dans VITAL).
Par ailleurs, on sait que l’intervention chirurgicale
est étroitement liée aux chances de succès en termes de
guérison. Les actes chiurgicaux étaient moins nombreux
dans la population des patients de l’étude VITAL (71%
RETROZYGO vs 48% VITAL), [28], [13].
En l’absence d’une étude clinique étendue
contrôlée randomisée, il faut prendre en compte toutes les
données disponibles sur les effets de l’isavuconazole dans le
traitement de la mucormycose.
Les données chez l’animal confirment l’activité de
l’isavuconazole dans le traitement de la mucormycose.
Les données cliniques collectées de bases de données
externes et les rapports rétrospectifs montrent que
l’isavuconazole réduit la mortalité chez les patients infectés
par Mucorales à un niveau similaire à l’amphotéricine B
(figure 12).
Figure 12: Mortalité dans les mucormycoses traitées et non traitées.
Les champignons filamenteux appartenant à l’ordre des mucorales sont impliqués en pathologie humaine. Les
principaux identifiés sont: Rhizopus spp. Rhizomucor spp.,Lichtheimia spp, Mucor spp.
Très présentes dans notre environnement, elles forment des moisissures sur les débris organiques (R.stolonifer
sur le pain). Cette pathologie est associée à une forte mortalité en lien avec un fort tropisme angio-invasif et une sensi-
bilité faible aux antifongiques disponibles (résistance naturelle au voriconazole et échinocandines). La fréquence aug-
mente régulièrement en France, notamment dans les services d’hématologie. Les patients les plus concernés par cette
contamination sont par ordre d’importance : les patients ayant reçu une greffe de moelle osseuse, les patients atteints de
leucémie aiguë, la réaction du greffon contre l’hôte.
En plus des facteurs de risques communs aux aspergilloses, on retrouve des facteurs spécifiques comme l’acidose
diabétique et l’insuffisance rénale. La forme clinique dépend essentiellement de la pathologie sous-jacente (figure 11).
Figure 11: Répartition des infections mucorales en fonction du profil du patient [16].
10. Présentation article DIU de thérapeutique anti-infectieuse
8
Résistance aspergillaires et isavuconazole
Les résistances aspergillaires étudiées chez A. fumigatus
sont observées depuis les années 1990 suite aux ex-
positions aux azolés au long cours.Le profil de résistance
dépend de la mutation impliquée (géne cyt51A).
Sur la base d’études moléculaires et d’analyse
structurelle, il a été avancé que l’isavuconazole avait le
même mécanisme d’action et les mêmes mécanismes de
résistance que les autres dérivés azolés.
Le mécanisme de résistance aux dérivés azolés
dominant consiste en des mutations ponctuelles au niveau
de loci du gène cyp51A. Cependant, des isolats résistants
aux dérivés azolés non mutants du cyp51A ont également
été rapportés. Pour ceux-ci, il apparaît que les transporteurs
d’efflux pourraient jouer un rôle dans la diminution de la
sensibilité aux dérivés azolés. Toutefois, ce mécanisme n’a
pas été encore élucidé.
Une forte corrélation a été observée entre
les CMI de l’isavuconazole et du voriconazole
dans les études comparant l’impact des mutations
caractérisées de cyp51A sur la sensibilité aux dérivés azolés,
y compris pour les souches avec des mutations du cyp51A
à la position L98. À l’inverse, mais de la même façon que
pour le voriconazole, l’isavuconazole a conservé des CMI
basses pour les mutations non-L98 (tel que G54W), qui
confèrent à l’itraconazole et au posaconazole des CMI plus
élevées. Par conséquent, l’isavuconazole ne devrait pas être
actif contre les Aspergillus spp. résistants au voriconazole,
mais pourrait rester actif sur certaines souches résistantes
au posaconazole et/ou à l’itraconazole.
Pour A. fumigatus nous pouvons parler de résistance
acquise sous traitement et de résistance d’origine
environnementale .
Au final c’est bien le type de mutation identifié qui
détermine le profil de sensibilité aux azolés.
Figure 13: Effets sur l’espace QT de l’isavuconazole en fonction de la dose [17].
Isavuconazole et espace QT
L’isavuconazole a la particularité de raccourcir l’espace QT de 14 millisecondes à la dose d’entretien de 200 mg. Dans
le cadre de co-prescriptions ayant un effet sur l’allongement du QT comme les quinolones, certains anti cancéreux,
le trioxyde d’arsenic, les anti arythmiques, l’isavuconazole minimisera le risque de survenue de torsades de pointes
(figure 12), [17]. Dans le cas contraire l’isavuconazole est contre indiqué pour les patients présentant un QT court
congénital.
11. Présentation article DIU de thérapeutique anti-infectieuse
9
Paramètres pharmacocinétiques/pharmacodynamiques des antifongiques
Paramètres PK/PD des antifongiques déterminés par les modèles animaux
Antifongique Microorganisme Paramètre PK/PD
Amphotéricine B Candida Cmax/CMI
Amphotéricine B Aspergillus Cmax/CMI
Flucytosine Candida T>CMI
Triazolés Candida ASC/CMI
Triazolés Aspergillus ASC/CMI
Echinocandines Candida ASC/CMI
Echinocandines Aspergillus Cmax/CMI
ASC : aire sous la courbe des concentrations plasmatiques ; CMI : concentration minimale inhibitrice ;T>CMI : temps pendant
lequel la concentration est supérieure à la CMI [18].
Le paramètre prédictif d’efficacité de l’anti fongique
est variable selon la classe thérapeutique et pour les
echinocandines en fonction du pathogène filamenteux ou
levure.
La valeur de CMI obtenue doit être mise en parallèle
aveclesindicesdepharmacodynamieefficaces(voirfigure14)
issus des simulations de montecarlo [17].
Ainsi pour l’isavuconazole , pour un indice de 90
nous devons avoir un rapport de 33,4. L’AUC moyenne
étant de 98 µgh/ml, une CMI de 3 pourra être ren-
due comme sensible. Le problème est plus complexe
concernant le posaconazole et voriconazole.
En effet, les données de la littérature donnent
pour le posaconazole une AUC a 10/15 avec un rapport
AUC/CMI de 167 pour un target a 90 soit une CMI
max de 0,125. Pour le voriconazole l’AUC est donnée à
150 avec une variation possible de 100%. Les indices de
pharmacodynamique efficaces n’ont pas été retrouvés.
Figure 14: Indice de pharmacodynamie efficace [17].
12. Présentation article DIU de thérapeutique anti-infectieuse
10
Potentiel inhibiteur comparés des différents azolés
L’isavuconazole n’est pas métabolisé par le cytP450
2C19. Ce cytochrome est le siège d’un polymorphisme
génétique important ((J’usqu’à 32% de la population, mé-
taboliseurs lents/rapides/ultra rapides).Présent au niveau
hépatique mais aussi sur la paroi intestinale.
L’isavuconazole ne sera pas affecté par une
variabilité de cette métabolisation notamment chez le
patient transplanté pulmonaire ou patient atteint de
mucoviscidose du fait d’une augmentation de la
production de mucus et fibrose du pancréas à l’origine
d’une malabsorption intestinale par le Cyt2C19.
L’isavuconazole est inhibiteur modéré du
CytP4503A4, la principale conséquence est la possibilité
d’associer sans adaptation de dose les anti rejets comme la
cyclosporine, tacrolimus, sirolimus.
L’isavuconazole sera contre indiqué avec les
inhibiteurs puissants du Cyt3A4 comme le Ketoco-
nazole,Lopinazole/Ritonavir.
Le profil de tolérance au regard des données
cliniques de l’étude SECURE [13] semble être amélioré,
en considérant toutefois le manque de recul en pratique
clinique qui devra confirmer celles-ci.
L’isavuconazole est éliminé à 50% dans les fèces et
50% dans les urines sous forme inchangée.
La biodisponibilité de l’isavuconazole est de 98% .
les formes orales et IV sont interchangeables (figure 15). Il
en découle la possibilité le traitement indifféremment avec
la forme per os ou IV.
Figure 15: Formulations IV et orale de l’isavuconazole [17].
13. Présentation article DIU de thérapeutique anti-infectieuse
11
Discussion
Dans ce mémoire, nous avons centré notre réflexion autour de la problématique visant l’améliora-
tion de la prise en charge des patients atteints d’infection fongique invasive, en ce limitant aux
aspergilloses et mucormycoses. Ce chapitre est consacré à la discussion des apports ainsi que des limites
de l’isavuconazole dans la prise en charge médicale de ces patients.
Le spectre de l’isavuconazole, atypique dans la classe des triazolés, couvre à la fois les
filamenteux (Aspergillus spp., mucorales spp.) en étant fongicide, mais également les levures
(fongistatique) parfois résistantes aux triazolés et échinocandines comme C. glabrata ou C. tropicalis.
Cette particularité pourra s’avérer intéressante dans le cadre d’une prise en charge probabiliste
(avant l’identification précise du pathogéne en cause) ou dans des cas plus exceptionnels d’infections à
plusieurs champignons.
Dans la prise en charge de l’aspergillose invasive, l’isavuconazole est indiqué en première
intention comme le voriconazole. Du fait de l’absence de cyclodextrine dans la formulation,
l’isavuconazolepourraoffrirunealternativedetraitementpourlespatientseninsuffisancerénaleavecune
efficacité clinique comparable.
L’étude SECURE(10) a retenu comme critère principal la mortalité toute cause en terme de non
infériorité. Du fait du taux de mortalité important dans cette pathologie, la réponse clinique globale en
tant que critére principal aurait été cliniquement plus pertinent.
Dans la prise en charge des infections mucorales, notamment pour les localisations du SNC,
la problématique majeure réside dans la tolérance de l’amphotéricine B à 10mg. L’isavuconazole est
indiqué dans le traitement des mucormycoses en deuxième intention chez des patients ne pouvant pas
recevoir de l’amphotécine B pour les formes per os et IV. L’étude VITAL[19], du fait de la rareté de la
pathologie a été conduite en ouvert avec 11 patients dans le bras mITT-mucorales.Ces données restent
limitées et d’autres travaux comparatifs devraient apporter des données comparatives complémentaires
vis à vis de l’amphotéricine B liposomal et du posaconazole.
Le spectre in vitro ne couvre pas l’ensemble des espèces de mucorales, mais les plus fréquentes
en pratique clinique. La pertinance de la poursuite d’un traitement d’isavuconazole instauré, ne
pourra donc être confirmé que par l’identification du genre et de l’espèce de la mucorale. Par ailleurs, la
réalisation de la CMI permettra d’orienter la décision de poursuite ou non du traitement.
La continuité du traitement per os avec la même molécule sera facilité du fait d’une interchangeabilité
des formes sans impact avec la prise du repas[25].
Le profil de tolérance amélioré, pourra offrir une alternative aux patients ayant eu un effet
indésirable nécessitant l’arrêt du traitement. En particulier pour les effets secondaires de photo toxicité
rencontrés avec le voriconazole pour lesquels l’isavuconazole ne serait pas concerné.
Le suivi thérapeutique pharmacologique sera facilité du fait d’une moindre variabilité inter et
intra individuelle en terme de pharmacogénétique vis à vis du voriconazole[17][27].
Le métabolisme au niveau des cytochromes P450 permet une prise en charge simplifiée pour les
patients traités par des thérapeutiques anti-rejet (Tacrolimus, Sirolimus, Cyclosporine)[17][26].
Le raccourcissement de l’espace QT positionne l’isavuconazole en première ligne pour les patients
ayant un QT long mais aussi qui prennent des thérapeutiques favorisant l’allongement de cet espace . Par
ailleurs, en l’abscence de données cliniques,l’isavuconazole n’est pas indiqué chez l’enfant.
14. Présentation article DIU de thérapeutique anti-infectieuse
12
Conclusion
Dans le contexte d’une augmentation de l’incidence des infections fongiques invasives, le
développement des thérapeutiques offre de nouvelles perspectives en terme de prise en charge
des patients là où la mortalité est comprise entre 40% et 70% en fonction des co-morbidités et
dissémination.
Ces infections sévéres surviennent essenciellement chez les patients immunodéprimés avec une
localisation pulmonaire et diffusion systémique vers d’autres organes (Sinus, os, foie, oeil,...).
Avec un diagnostic difficile, les infections fongiques invasives représentent la première cause de
morbi-mortalité chez les patients ayant reçu une allogreffe de cellules souches hématopoïétiques.
Les études pivotales de développement de l’isavuconazole nous apportent des éléments de réponses sur
l’efficacité en pratique clinique avec un recul limité vis à vis des infections mucorales.
Les données de pharmacocinétique/pharmacodynamique ainsi que les caractéristiques propres à la
molécule comme son pouvoir inhibiteur sur le CYTP450, ou son raccourssisement du QT,
permettra une prise en charge simplifiée pour les patients ayant des co prescriptions en intéraction avec
le CYTP450 comme les anti rejets, ou ayant un efft sur le rythme cardiaque. Cela permettra d’autre part
un suivi pharmacologique simplifié du fait d’une moindre variabilité pharmacogénétique.
Nous pourrons retenir le meilleur profil de tolérance de l’isavuconazole comme un atout pour les
patients ayant du interrompre leur précédente thérapeutique pour effet secondaire.Le ratio tolérance/
efficacité est un paramétre important dans le choix d’une thérapeutique antifongique.Au vu de ce ratio,
l’isavuconazole est une alternative au voriconazole en traitement curatif de premiére intention pour les
aspergilloses invasives.
Des questions restent sans réponse comme la place d’une association thérapeutique ou la
sensibilité de la molécule face aux souches de mucorales pré exposées au voriconazole ayant acquise une
virulence particulière [29].
De futures études de phase IV sur des patients atteints de mucoviscidose, transplantés
pulmonaires seraient utiles pour confirmer la place de cette thérapeutique, pour ces patients. L’utilisation
croissnte des azolés dans le monde agricole sera une préoccupation pour notre futur. Des cas patients,
naîfs de traitement ont déjà été infectés pour des souches présentant des résistances acquises aux azolés.
Face à ce point de vigilance, l’observation de l’évolution de ces résistances sera certainement importante.
15. Présentation article DIU de thérapeutique anti-infectieuse
13
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