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Institut de Formation à la Médiation et à la Négociation
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Diplôme Universitaire de Médiateur
(2ème partie)
Promotion 2012-2013
________________________________________________________________

La résolution des conflits en matière
de négociation collective transnationale :
Quel rôle pour la médiation ?

Valérie COLLARD

Octobre 2013

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Tous droits réservés pour tous pays
Table des matières

Introduction
Première partie : Etat des lieux de la négociation collective transnationale et de la médiation
Section 1 : La négociation collective transnationale de dimension européenne
A. Ce que recouvre la négociation collective transnationale de dimension européenne
1. La « négociation collective » transnationale issue du dialogue social européen
a) Notions
b) Les résultats du dialogue social européen
2. La négociation transnationale d’entreprise
a) Notions
b) Les expériences de la négociation transnationale d’entreprise
B. Les enjeux de la négociation collective transnationale de dimension européenne
1. Le débat actuel : opportunité d’une réglementation européenne ?
2. L’intérêt de recourir à la médiation
Section 2 : La médiation comme méthode alternative de résolution des conflits
A. La directive européenne 2008/52/CE
B. Les autres instruments européens et internationaux consacrant les méthodes alternatives
de résolution des conflits pour les conflits du travail
1. La charte sociale européenne
2. La charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs
3. La recommandation n°92 de l’OIT sur la conciliation et l’arbitrage volontaires
4. Les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales
C. Les aspects nationaux de la médiation
1. Les conflits collectifs de travail
2. Les conflits individuels de travail
Section 3 : Les aspects nationaux des conflits liés aux conventions et accords collectifs
A. Les difficultés d’interprétation
B. La violation des conditions de validité et de loyauté dans la formation des accords collectifs
C. La violation des conventions et accords collectifs
Deuxième partie : La résolution des conflits liés à la négociation collective transnationale : l’intérêt
grandissant pour les techniques alternatives de résolution des conflits, vers quelle médiation sociale
européenne ?
Section 1 : Le rôle de la médiation dans le règlement des conflits liés à la négociation collective
Transnationale
A. Le recours au processus de médiation
1. Les conflits liés à la négociation collective transnationale
2. Bilan des expériences de gestion et de résolution des conflits liés à la négociation
collective transnationale
3. Principes théoriques sur l’utilisation de la médiation en matière de négociation collective
transnationale
a) Médiation nationale
b) Médiation internationale et/ou litiges transfrontaliers
B. Le recours à d’autres méthodes alternatives de résolution des conflits
1. La conciliation
2. L’arbitrage

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Section 2 : Quelle médiation en pratique pour la résolution des conflits liés à la négociation collective
transnationale ?
A. Une médiation conventionnelle ordinaire ou ad hoc
B. Une médiation spécifique à construire posant la question de la régulation des méthodes
alternatives de résolution des conflits du travail au niveau européen ou transnational
1. Une médiation inspirée des principes directeurs de l’OCDE à l’intention des
entreprises multinationales
2. Une médiation sociale européenne inspirée du modèle social belge
3. Une médiation sociale spécifiquement européenne
4. Une médiation sociale laissée aux mains des partenaires sociaux
5. Une médiation interne dans l’entreprise transnationale
Conclusion

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Introduction
La négociation collective transnationale se réfère à des pratiques de négociation collective qui
dépassent le territoire national. Ces pratiques connaissent ces dernières années un développement
considérable et font l’objet d’études de plus en plus nombreuses. La négociation collective
transnationale se développe aujourd’hui pratiquement en dehors de tout cadre juridique, ce qui
engendre de nombreuses questions. Parmi celles-ci, se pose la question du règlement des litiges qui
sont susceptibles de résulter de la conclusion ou de l’exécution des textes adoptés par les partenaires
sociaux lors de la négociation collective transnationale.
La Commission européenne s’est penchée sur les méthodes alternatives de résolution des conflits dans
le cadre de ses travaux sur les accords transnationaux d’entreprise. On peut y voir un signe positif en
faveur d’un élargissement des domaines d’application des méthodes alternatives de résolution des
conflits. On s’interrogera donc sur la place qui peut revenir à la médiation dans la résolution des
conflits liés à la négociation collective transnationale, plus spécifiquement européenne. Il s’agit par la
même occasion de s’intéresser à une question plus vaste qui a trait aux possibilités de mise en œuvre
d’une médiation « sociale » pour résoudre les conflits sociaux transnationaux qui peuvent apparaître
dans le contexte d’une internationalisation croissante des entreprises et de la mondialisation de
l’économie. L’Europe, qui a déjà contribué au développement de la médiation par le biais de la
directive n°2008/52/CE du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et
commerciale, peut être amenée à soutenir d’autres initiatives au niveau européen pour faciliter le
recours à cette méthode alternative de résolution des conflits.

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Première partie
Etat des lieux de la négociation collective transnationale
et de la médiation
Cette première partie a pour but de préciser les notions qui font l’objet de cette étude, à savoir la
négociation collective transnationale de dimension européenne et la médiation en tant que méthode
alternative de résolution des conflits. La démarche consiste à dresser un état des lieux actuel.

Section 1 : La négociation collective transnationale de dimension européenne
A.

Ce que recouvre la négociation collective transnationale de dimension
européenne

Il convient avant tout de délimiter les formes de négociation collective qui sont concernées par cette
étude. La négociation collective transnationale entendue au sens « d’expériences de négociation
collective dépassant le cadre national » est en effet susceptible d’inclure aujourd’hui un large éventail
de pratiques.
Une première distinction peut être opérée en fonction du champ d’application dont relève la
négociation collective transnationale, selon qu’elle intervient au niveau mondial ou au niveau
européen.
La deuxième distinction relève du cadre dans lequel ces pratiques de négociation collective
interviennent. Au niveau européen (qui est le niveau sur lequel nous nous concentrerons plus
particulièrement ici), des formes diverses de négociation collective peuvent prendre place dans le
cadre du dialogue social européen pour les niveaux interprofessionnels et sectoriels ou résulter de la
négociation transnationale au niveau de l’entreprise par le biais des « accords d’entreprise
transnationaux » (en abrégé AET). 1 Cette dénomination est celle qui est retenue par la Commission
européenne.
Si on ne peut parler à l’heure actuelle de véritables conventions collectives européennes, on assiste
bien à plusieurs formes d’expérimentation d’une négociation collective transnationale concourant à la
création d’un système de relations professionnelles à l’échelon européen.

1

Dans le cadre du projet EuroAtca portant sur les AET, l’accord collectif « transnational » a été défini comme
l’accord conclu entre les représentants des travailleurs et une entreprise transnationale pour couvrir plusieurs
pays : S. LEONARDI, « Les accords d’entreprise transnationaux : un tremplin vers l’internationalisation des
relations professionnelles », Liaisons sociales Europe, supplément « La négociation collective transnationale »,
décembre 2012, p.25

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1. La « négociation collective » transnationale issue du dialogue social
européen
a) Notions
Le dialogue social européen au sens du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après
TFUE) s’entend généralement par le dialogue social qui intervient entre les partenaires sociaux
européens au niveau interprofessionnel et sectoriel européen. Ce dialogue social est encadré
partiellement par le TFUE et, pour ce qui concerne plus spécifiquement le niveau sectoriel européen,
par une décision de la Commission européenne du 20 mai 1998.
L’article 155 du TFUE énonce que « le dialogue entre partenaires sociaux au niveau de l’Union peut
conduire, si ces derniers le souhaitent à des relations conventionnelles, y compris des accords ». Ce
texte constitue la base du développement des accords européens et, plus largement, des textes de
nature diverse issus de la discussion et de la négociation des partenaires sociaux européens au niveau
interprofessionnel et sectoriel.
Une distinction est faite pour l’application des dispositions du TFUE entre le dialogue social européen
qui intervient dans le cadre institutionnel (soit à la suite d’une initiative législative) et le dialogue
social européen initié par les partenaires sociaux sur une base autonome. Le premier relève des articles
153 à 155 TFUE alors que le second ne se voit appliqué que le seul article 155 TFUE.
Deux modalités de mise en œuvre sont prévues par l’article 155 TFUE pour les accords résultant du
dialogue social européen. Il peut s’agir d’une mise en œuvre :
-

« selon les procédures et les pratiques propres aux partenaires sociaux et aux Etats
membres » ;
ou « dans les matières relevant de l’article 153 à la demande des parties signataires, par une
décision du Conseil sur proposition de la Commission ».

Le dialogue social institutionnalisé a donné lieu à plusieurs accords-cadres qui ont été mis en œuvre
par directives. 2 On observe que le dialogue social autonome est aujourd’hui en nette augmentation,
surtout au niveau sectoriel depuis l’institution des comités de dialogue social sectoriel (CDSS) en
1998. Des accords-cadres autonomes ont ainsi été conclus. 3 Une évolution vers plus d’autonomie
résulte également du choix des modalités de mise en œuvre des accords européens. On constate que les
partenaires sociaux optent plus fréquemment qu’autrefois pour la première modalité de mise en œuvre,

2

On retrouve pour le niveau interprofessionnel la directive 96/34 du 3 juin 1996 sur le congé parental, la
directive 97/81 du 15 décembre 1997 sur le travail à temps partiel, la directive 1999/70 du 28 juin 1999 sur les
contrats de travail à durée déterminée. Signalons pour le niveau sectoriel la directive 1999/63 du 21 juin 1999 sur
l’aménagement du temps de travail des marins et la directive 2000/79 du 27 novembre 2000 sur l’aménagement
du temps de travail des travailleurs mobiles dans l’aviation civile
3
Il s’agit notamment au niveau interprofessionnel de l’accord-cadre autonome sur le télétravail (2002), l’accordcadre autonome sur le stress lié au travail (2004), et l’accord-cadre européen sur le harcèlement et la violence au
travail (2007). On retrouve également des accords autonomes au niveau sectoriel, niveau privilégié du dialogue
social autonome. Mentionnons l’apparition récente d’accords multisectoriels autonomes, dont l’accord
multisectoriel du 25 avril 2006 sur la protection de la santé des travailleurs par l’observation de bonnes pratiques
dans le cadre de la manipulation et de l’utilisation de la silice cristalline

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soit en faveur de la mise en œuvre conventionnelle autonome. 4 Ce choix pose des difficultés pratiques
car n’offrant pas les mêmes garanties que la deuxième modalité de mise en œuvre qui intervient par le
biais d’une directive.
Un cadre spécifique a été prévu pour le dialogue social sectoriel européen. La décision de la
Commission du 20 mai 1998 précise les règles d’institution et de fonctionnement des comités de
dialogue social sectoriel européen (CDSS). Ces CDSS constitue les nouvelles enceintes du dialogue
social au niveau sectoriel européen. Environ 40 CDSS ont été institués à ce jour.
Il n’y a à ce jour pas de régime juridique prévu pour la négociation collective européenne, à
l’exception des règles institutionnelles prévues par le TFUE susmentionnées (d’où la question de
l’opportunité d’une réglementation européenne, voir infra).

b) Les résultats du dialogue social européen
Les résultats du dialogue social européen ont donné lieu à de nouvelles pratiques conventionnelles qui
formalisent l’expérimentation d’une négociation collective transnationale en devenir à l’initiative des
partenaires sociaux européens. Cette expérimentation relève pour la plupart du niveau sectoriel
européen.
Une multitude de textes ont été adoptés dans le cadre du dialogue social initié au sein des CDSS, mais
on ne peut à proprement parler de négociation collective car la majorité des résultats se rapprochent de
la notion de « soft law » et au mieux de celle de contrat de droit privé. Les accords juridiquement
contraignants sont en effet largement minoritaires aujourd’hui. 5
Néanmoins, tant la structure de ces textes que les dispositions prévues se perfectionnent au fil des
expériences. Ainsi, des modalités de mise en œuvre et de suivi sont davantage précisées que par le
passé, ce qui démontre une expérimentation plus aboutie d’une forme de négociation collective en
cours d’évolution au niveau européen.

2. La négociation transnationale d’entreprise
a) Notions
On parle généralement de négociation transnationale d’entreprise pour viser le dialogue social qui
intervient entre les partenaires sociaux au niveau de l’entreprise multinationale. La négociation
transnationale d’entreprise est en plein essor depuis le début des années 2000. Cet essor s’explique par
le contexte d’une internationalisation croissante des entreprises. Ses résultats sont prometteurs au point
que l’on peut considérer que la négociation transnationale d’entreprise dépasse peu à peu le dialogue
social européen en termes d’accords novateurs.
La négociation transnationale d’entreprise de dimension européenne se développe spontanément en
dehors de tout cadre juridique, à l’exception des directives relatives au comité d’entreprise européen et

4

Les accords initiés par les partenaires sociaux et mis en œuvre par ceux-ci sont les plus parfaits sur le plan de
l’autonomie. Ils consacrent la dévolution d’un véritable pouvoir normatif aux partenaires sociaux européens qui
se sont mutuellement reconnus pour négocier : J-P. LHERNOULD, « La négociation collective communautaire.
Petit manuel de diversité », Droit social, 2008, p.46
5
Voir J-P. LHERNOULD, article précité

7
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à la société européenne.6 Ces textes ne traitent toutefois que de l’information et la consultation des
travailleurs. La négociation transnationale d’entreprise, qui intervient hors de portée des dispositions
du TFUE sur le dialogue social européen, expriment une autre forme d’autonomie des partenaires
sociaux. 7
La Commission européenne s’est tout particulièrement intéressée ces dernières années à la négociation
transnationale d’entreprise. Le document des services de la Commission européenne du 2 juillet 2008
définit « l’accord d’entreprise transnational » (AET) comme « un accord comportant des engagements
réciproques, dont le champ d’application s’étend au territoire de plusieurs Etats, conclu entre un ou
plusieurs représentants d’une entreprise ou d’un groupe d’entreprises d’une part, et une ou plusieurs
organisations de travailleurs d’autre part, portant sur des conditions de travail et d’emploi et/ou les
relations entre les employeurs et les travailleurs ou leurs représentants ».
La Commission européenne soutient ces accords notamment par des échanges d’expériences, des
mesures de surveillance et des études A cette fin, un groupe d’expert a été créé et différents rapports
ont été établis. Des études ont également été réalisées dont l’une traite spécifiquement des aspects de
droit international privé et du règlement des litiges.8
Les AET sont désormais largement perçus comme une des composantes les plus prometteuses et
intéressantes du processus d’« internationalisation » ou d’« européanisation » des relations
professionnelles. 9

b) Les expériences de négociation transnationale d’entreprise
Au début de l’année 2012, on dénombrait 224 AET enregistrés dans 144 entreprises, la plupart ayant
leurs quartiers généraux en Europe, et couvrant plus de 10 millions de salariés.10 La singularité de ces
textes se trouve dans leur bilatéralité et dans le fait qu’ils sont négociés, à la différence des codes de
conduite et des autres documents de nature unilatérale par lesquels l’entreprise exprime sa politique de
responsabilité sociale. Par ailleurs, le contenu des AET est plus varié et plus riche que celui des
accords-cadres internationaux (ACI). 11
Comme pour les textes récents issus du dialogue social sectoriel européen, la portée des AET varie
considérablement allant d’une simple portée déclaratoire jusqu’à des accords contraignants produisant
des effets juridiques. 12 Bien souvent, les AET ne sont pas clairs quant au statut juridique des

6

Directive 94/45/CE révisée par la directive 2009/38/CE du parlement européen et du conseil du 6 mai 2009
concernant l’institution d’un comité d’entreprise européen ou d’une procédure dans les entreprises de dimension
communautaire et les groupes d’entreprise de dimension communautaire en vue d’informer et de consulter les
travailleurs ; directive 2001/86/CE du conseil du 8 octobre 2001 complétant le statut de la société européenne
pour ce qui concerne l’implication des travailleurs
7
J-P. LHERNOULD, o.c., p. 47
8
Les études sont disponibles sur le site www.ec.europa.eu/social rubrique accords d’entreprise transnationaux
9
S. LEONARDI, o.c., p. 24
10
Commission staff working document « Transnational company agreements : realizing the potential of social
dialogue », 10.9.2012, SWD (2012) 264 final, p.2
11
S. LEONARDI, o.c., pp.25-26. Les AET traitent une grande diversité de questions telles que les
restructurations et l’anticipation du changement, les droits fondamentaux au travail portant référence aux normes
de l’OIT, les mesures d’accompagnement des changements par la formation et la mobilité, les politiques de
gestion des ressources humaines, la santé et la sécurité des salariés, les droits syndicaux, le dialogue social et la
participation financière des salariés
12
Commission staff working document précité, p. 14

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engagements qui y sont contenus. 13 En l’absence de réglementation, ce sont donc des accords sui
generis qui sont initiés et mis en œuvre de façon autonome. 14
Les fédérations sectorielles sont souvent associées à la signature des AET concrétisant ainsi le
développement de liens entre le niveau de l’entreprise et celui du secteur européen. D’autre part, les
comités d’entreprise européens sont généralement impliqués dans la négociation des AET ce qui
suscite des questions en terme de légitimité des acteurs habilités à conclure ces accords.15
Les AET contiennent parfois des dispositions concernant le règlement des litiges. Si les termes utilisés
sont souvent vagues, certains accords prévoient des dispositions détaillées et l’implication de comités
de contrôle conjoint (« joint monitoring committees ») établis spécifiquement pour l’accord en
question. 16
A ce jour, aucune partie à un AET ou personne affectée par un AET ne semble avoir porté un conflit
devant les tribunaux ou devant une instance de résolution des conflits extrajudiciaire. On se situe donc
au début de l’expérimentation de la négociation collective transnationale mais ces litiges devraient être
amenés à se présenter au fur et à mesure du développement et de la diffusion des accords
transnationaux.

B. Les enjeux de la négociation collective transnationale de dimension
européenne
1. Le débat actuel : opportunité d’une réglementation européenne ?
Aucun régime juridique spécifique ne régit actuellement les accords européens. Les règles du droit
international privé n’abordent pas la question des contrats collectifs. Les discussions entamées au sein
de la Commission européenne ont donc pour objet de déterminer s’il convient d’adopter une
réglementation européenne en matière de négociation transnationale d’entreprise.
Le débat est difficile car les organisations patronales européennes se prononcent aujourd’hui
clairement en défaveur d’une réglementation au niveau européen. Il a été envisagé de prévoir un cadre
optionnel sur une base volontaire des acteurs, mais cette idée est également rejetée par les
représentants des employeurs.
Alors que le niveau sectoriel et le niveau de l’entreprise étaient tous les deux visés dans la première
phase des discussions, la Commission européenne a par la suite décidé de concentrer le débat sur le
seul niveau de l’entreprise.17 La Commission semble justifier cette décision par le fait que les niveaux
13

« Les aspects de droit international privé et de règlement des différends liés aux accords transnationaux
d’entreprise », Résumé de l’étude finale réalisée par A. Van HOECK et F. HENDRICKX en collaboration avec
N. BETSCH, A. DAVIES, R. KRAUSE, J. MALMBERG, F. MONTICELLI, S. ROBIN-OLIVIER, D. SARI,
N. ZEKIC
14
S. LEONARDI, o.c., p.27
15
En particulier, se pose la question de savoir si la conclusion des AET doit être réservée aux organisations
syndicales européennes et quelles articulations il peut y avoir entre le CE européen et les syndicats : I.
DAUGAREILH, « Le dialogue social dans les instances transnationales d’entreprises européennes », Liaisons
sociales Europe, supplément « la négociation collective transnationale », décembre 2012, p. 18. La négociation
collective communautaire se caractérise en effet par une démultiplication des parties prenantes. La diversité des
acteurs est étroitement associée à des enjeux de pouvoir : J-P. LHERNOULD, o.c., p.35
16
Commission staff working document précité, p. 16
17
Voir le document des services de la Commission du 2 juillet 2008

9
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interprofessionnel et sectoriel bénéficient déjà des dispositions du Traité contrairement au niveau de
l’entreprise. Les niveaux interprofessionnel et sectoriels sont donc clairement délaissés dans les
discussions actuelles ce qui peut interroger. Pourquoi distinguer le niveau de l’entreprise alors que les
questions sont pour la plupart les mêmes (exceptés les particularités propres aux AET mais la question
de la nature et des effets juridiques est très similaire).
Dans les derniers travaux menés au sein de la Commission, l’idée d’une résolution extrajudiciaire des
litiges en matière d’AET par le recours à la médiation ou la conciliation a émergé.
Le Parlement européen a aussi pris part au débat sur la nécessité d’une intervention des institutions
européennes pour encourager la négociation transnationale d’entreprise. Ainsi, la commission de
l’emploi et des affaires sociales du Parlement européen a établi une proposition de résolution « sur les
négociations collectives transfrontalières et le dialogue social transnational ». 18 La proposition de
résolution se dit favorable à la mise en place d’un cadre juridique optionnel ou facultatif pour la
négociation transnationale à l’échelon européen et préconise l’idée d’une légitimité exclusive des
organisations syndicales européennes, sur celle des comités d’entreprise européens, pour négocier des
accords européens d’entreprise. Elle évoque également la nécessité de mettre en place un organisme
européen de règlement extrajudiciaire des conflits, de même qu’une juridiction européenne du travail
autonome et tripartite.

2. L’intérêt de recourir à la médiation
Une raison essentielle fonde l’intérêt de recourir à la médiation dans le domaine qui nous occupe. En
effet, il n’y actuellement pas de régime juridique portant sur la négociation collective transnationale,
d’où l’intérêt pour les parties de prévoir les modalités de gestion et de résolution des conflits dans
l’accord ou le texte conclu. Ceci se justifie d’autant plus que la perspective de l’adoption d’un cadre
juridique, même optionnel, est incertaine compte tenu de la réticence des partenaires sociaux.
Indépendamment de cette question, l’idée d’utiliser la médiation pour gérer les conflits en matière
d’AET émerge peu à peu. En témoigne un projet de recherche qui explore actuellement l’intérêt de
recourir à une procédure de médiation en cas de conflits entre les signataires. 19
La proposition de la résolution du Parlement européen estime également que la médiation est
particulièrement recommandée pour le règlement extrajudiciaire des litiges étant donné que les parties
concernées élaborent elles-mêmes une solution dans le cadre d’une procédure équitable.20

18

Projet de rapport sur les négociations collectives transfrontalières et le dialogue social transnational,
2012/2292(INI), Commission de l’Emploi et des affaires sociales, Parlement européen, rapporteur T. HÄNDEL.
La résolution se rapporte aux accords d’entreprise transnationaux à l’échelon européen, qui sont en général
conclus « au niveau sectoriel » par des confédérations syndicales européennes et des employeurs européens ou
des organisations patronales européennes. Elle ne se rapporte pas à des accords d’entreprise transnationaux à
l’échelon international qui sont conclus entre des confédérations syndicales internationales et des entreprises
19
Il s’agit d’une recherche menée pour la Confédération européenne des syndicats par André SOBCZAK
directeur de la recherche à l’Audencia Nantes School of management, Silvan SCIARRA de l’Université de
Florence et Maximilian FUCHS de l’Université d’Eichstätt (voir site www. responsabiliteglobale.com)
20
Proposition de résolution du Parlement européen « sur les négociations collectives transfrontalières et le
dialogue social transnational », p. 10

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Section 2 – La médiation comme méthode alternative de résolution des conflits
Cette section sera consacrée à l’analyse du cadre juridique applicable à la médiation ; elle comprendra
les différents niveaux de régulation dans une perspective transnationale.
On s’intéressera tout d’abord à la notion de médiation en tant que mode alternatif de résolution des
conflits. Cette technique vise un processus auquel les parties peuvent avoir recours lorsqu’elles se
trouvent en situation de conflit. Elle implique l’intervention d’un tiers neutre qui n’est pas habilité à
rendre une décision. Le rôle du médiateur consiste dès lors à aider les parties à gérer leur conflit,
essentiellement en structurant le débat et en rétablissant un mode efficace de dialogue. Le médiateur
ne prend pas position sur le fond des questions abordées dont les parties gardent la maîtrise, mais il est
en revanche responsable de la conduite du processus.21

A/ La directive européenne 2008/52/CE
La directive 2008/52/CE du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et
commerciale a été adoptée dans le but d’encourager le règlement amiable des litiges et de faciliter en
particulier le recours à la médiation.22
Cette directive s’applique aux litiges transfrontaliers en matière civile et commerciale dans lesquels les
parties tentent volontairement de parvenir à un accord sur la résolution de leur litige avec l’aide d’un
médiateur. 23
Il peut être utile de préciser quelques définitions données par la directive avant d’énoncer les principes
essentiels qu’elle contient.
La médiation y est définie comme « un processus structuré, quelle que soit la manière dont il est
nommé ou visé, dans lequel deux ou plusieurs parties à un litige tentent, par elles-mêmes,
volontairement, de parvenir à un accord sur la résolution de leur litige avec l’aide d’un médiateur. Ce
processus peut être engagé par les parties, suggéré ou ordonné par une juridiction ou prescrit par le
droit d’un Etat membre ». 24
Le médiateur doit être entendu au sens de « tout tiers sollicité pour mener une médiation avec
efficacité, impartialité et compétence, quelle que soit l’appellation ou la profession de ce tiers dans
l’Etat membre concerné et quelle que soit la façon dont il a été nommé pour mener ladite médiation
ou dont il a été chargé de la mener ». 25

21

J. CRUYPLANTS, M. GONDA, M.WAGEMANS, « Droit et pratique de la médiation », Bruylant, 2008,
pp.1-2. Les auteurs proposent de définir la médiation comme « un cadre mis à la disposition des parties
confrontées à une situation conflictuelle et destiné à leur permettre de redéfinir leurs relations »
22
Cette directive fait suite au livre vert de La Commission européenne de 2002 sur les modes alternatifs de
résolution des conflits et au Code de conduite européen pour les médiateurs rédigé en 2004
23
Notons que certaines matières sont exclues : il s’agit des matières fiscales, douanières, administratives et de la
responsabilité de l’Etat pour des actes ou omissions dans l’exercice de sa puissance publique. Elle ne s’applique
pas au Danemark.
24
Art. 3 a). La directive inclut la médiation menée par un juge qui n’est chargé d’aucune procédure judiciaire
ayant trait au litige en question. Elle exclut par contre les tentatives faites par la juridiction ou le juge saisi d’un
litige pour résoudre celui-ci au cours de la procédure judiciaire relative audit litige
25
Art. 3 b)

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Le litige transfrontalier au sens de la directive s’entend par « tout litige dans lequel une des parties au
moins est domiciliée ou a sa résidence dans un Etat membre autre que l’Etat membre de toute autre
partie à la date à laquelle:
a)
b)
c)
d)

les parties conviennent de recourir à la médiation après la naissance du litige
la médiation est ordonnée par une juridiction
une obligation de recourir à la médiation prend naissance en vertu du droit national ;
les parties sont invitées par une juridiction à recourir à la médiation » 26

Le litige transfrontalier peut également désigner tout litige dans lequel des procédures judiciaires ou
d’arbitrage suivant une médiation entre les parties sont entamées dans un Etat membre autre que celui
dans lequel les parties sont domiciliées ou ont leur résidence habituelle à la date dont il est question cidessus. 27
Parmi les principes qui ont été édictés par la directive, on mentionnera les plus importants d’entre
eux :
- Exécution des accords obtenus à l’issue de la médiation
Les Etats membres doivent veiller à instaurer une procédure par laquelle le contenu d’un accord écrit
obtenu à l’issue de la médiation peut, à la demande des parties, être rendu exécutoire. Le contenu d’un
accord peut être rendu exécutoire par une juridiction ou une autre autorité compétente au moyen d’un
jugement ou d’une décision ou dans un acte authentique (homologation de l’accord). 28
Cette procédure permet la reconnaissance mutuelle et l’exécution dans toute l’U.E des accords issus
d’une médiation, aux mêmes conditions que pour la reconnaissance et l’exécution des décisions
judiciaires en matière civile et commerciale.
- Suspension des délais de prescription
Les Etats membres doivent veiller à ce que les parties qui choisissent la médiation pour tenter de
résoudre un litige ne soient pas empêchées par la suite d’entamer une procédure judiciaire ou une
procédure d’arbitrage du fait de l’expiration des délais de prescription pendant le processus de
médiation. 29
- Garanties de confidentialité et de qualité
Les Etats membres doivent veiller à ce que, sauf accord contraire des parties, ni le médiateur, ni les
parties participant à l’administration du processus ne soient tenus de produire, dans une procédure
judiciaire ou lors d’un arbitrage, des preuves concernant les informations résultant d’un processus de
médiation ou en relation avec celui-ci.

26

Art. 2
Ibid.
28
Art.6
29
Art.8
27

12
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Deux exceptions sont toutefois prévues :
a) lorsque cela s’avère nécessaire pour des raisons impérieuses d’ordre public, notamment
pour assurer la protection des intérêts des enfants ou l’intégrité d’une personne ;
b) lorsque la divulgation du contenu de l’accord issu de la médiation est nécessaire pour
mettre en œuvre ou exécuter ledit accord. 30
De plus, les Etats membres doivent encourager l’élaboration de codes de conduite et d’autres
mécanismes efficaces de contrôle de la qualité des services de médiation. Ils doivent également
promouvoir la formation initiale et continue afin de veiller à ce que la médiation soit menée avec
efficacité, compétence et impartialité à l’égard des parties.31
Cette directive a fait l’objet de transposition dans les Etats membres, et notamment en France et en
Belgique qui sont les deux Etats sur lesquels nous concentrerons notre analyse (voir infra).

B/ Les autres instruments européens et internationaux consacrant les
méthodes alternatives de résolution des conflits pour les conflits du
travail
Plusieurs instruments et textes européens et internationaux ont consacré le recours aux méthodes
alternatives de résolution des conflits (en abrégé MARC) pour le règlement des conflits du travail.
Même si la médiation n’est pas toujours expressément visée, il est intéressant de voir que les MARC
sont préconisées en matière de conflits du travail en ce compris la négociation collective.

1. La charte sociale européenne
On retrouve une disposition juridique traitant du règlement des litiges sociaux dans la charte sociale
européenne de 1961 (version révisée).
Ainsi l’article 6 §3 de la charte sociale européenne révisée prévoit que « en vue d’assurer l’exercice
effectif du droit de la négociation collective, les parties s’engagent (…) à favoriser l’institution et
l’utilisation de procédures appropriées de conciliation et d’arbitrage volontaire pour le règlement des
conflits du travail ».
Le comité de supervision de la charte sociale, le Comité européen des droits sociaux, a développé une
jurisprudence à propos de cet article 6 §3 selon laquelle il ne s’appliquerait qu’aux seuls conflits
d’intérêts tels que des conflits concernant la conclusion d’une convention collective ou la
modification, par convention collective, de conditions de travail fixées dans une convention ou un
accord collectif existant. Dès lors, il ne s’appliquerait pas aux conflits de droits comme des conflits
concernant l’application ou la mise en œuvre d’une convention ou d’un accord collectif.32

30

Art.7
Art. 4
32
S. CLAUWAERT, « Alternative ways of settling (collective) labour disputes in European (Community) Law »
in «Conciliation, médiation et arbitrage. Vers une régulation européenne des modes alternatifs du règlement des
conflits (collectifs) du travail? », sous la direction de M. RIGAUX et P. HUMBLET, Bruylant, Bruxelles, 2011,
p.53
31

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2. La charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des
travailleurs
La charte européenne des droits sociaux fondamentaux des travailleurs de 1989 dispose à son article
13 que « afin de faciliter le règlement des conflits du travail, il convient de favoriser, conformément
aux pratiques nationales, l’institution et l’utilisation, aux niveaux appropriés, de procédures de
conciliation, de médiation et d’arbitrage ».

3. La recommandation n°92 de l’OIT sur la conciliation et l’arbitrage
volontaires
On retrouve au sein de l’OIT une courte recommandation n°92 sur la conciliation et l’arbitrage
volontaires datant de 1951.
Sous le titre « conciliation volontaire », la recommandation prévoit que des organismes de conciliation
volontaire adaptés aux conditions nationales devraient être établis en vue de contribuer à la prévention
et au règlement des conflits du travail entre employeurs et travailleurs. Tout organisme établi sur une
base mixte devrait comprendre une représentation égale des employeurs et des travailleurs. La
procédure devrait pouvoir être engagée, soit sur l’initiative d’une des parties au conflit, soit d’office
par l’organisme de conciliation volontaire. Les parties devraient être encouragées à s’abstenir de grève
et de lock-out pendant que la conciliation est en cours. Tous accords auxquels aboutissent les parties
devraient être rédigé par écrit et assimilés à des conventions normalement conclues.
Sous le titre « arbitrage volontaire », la recommandation se limite à préciser que si un conflit a été
soumis pour règlement final à l’arbitrage avec le consentement de toutes les parties intéressées, cellesci devraient, tant que la procédure est en cours, être encouragées à s’abstenir de grève et de lock-out et
à accepter la décision arbitrale.

4. Les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises
multinationales
Les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales prévoient une
procédure particulière de médiation qui sera analysée dans la deuxième partie. Il faut préciser que cette
procédure ne vise pas à proprement parler les conflits du travail, mais son objectif est plutôt de
résoudre les difficultés qui peuvent apparaître dans la mise en œuvre des principes directeurs qui ont
été prévus à l’intention des entreprises multinationales. Cet instrument international de responsabilité
sociale des entreprises contient néanmoins un chapitre sur l’emploi et les relations professionnelles.

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C. Les aspects nationaux de la médiation
L’examen des principes applicables à la médiation se limitera au système français et belge que nous
avons plus particulièrement choisi d’étudier.
Une distinction générale s’impose en France entre la médiation conventionnelle et la médiation
judiciaire. A la différence de la première qui relève essentiellement des parties, la deuxième intervient
dans le cadre d’une procédure judiciaire. Le processus mis en œuvre présente la particularité de faire
l’objet d’un certain contrôle du juge qui est plus contraignant pour la médiation judicaire. En
Belgique, trois types de médiation ont été prévues (voir infra).
La médiation relève de principes juridiques inscrits dans le Code de procédure civile (ci-après CPC) en
France et dans le Code judiciaire (ci-après CJ) en Belgique. Des principes juridiques résultent
également de la jurisprudence. Par ailleurs, une déontologie propre à la profession de médiateur
s’affirme peu à peu. Sous l’impulsion du Code européen de conduite pour les médiateurs rédigé en
2004, un code national de déontologie du médiateur a été adopté en France le 5 février 2009. 33 Il existe
aussi en Belgique un code de bonne conduite du médiateur agréé daté du 18 octobre 2007.
Pour ce qui concerne plus spécifiquement la résolution des conflits du travail, on distingue tant en
droit français qu’en droit belge entre les conflits collectifs et les conflits individuels. Le critère de
distinction est discuté en pratique, mais l’intérêt réside dans l’application de dispositions légales
différentes pour le règlement de ces litiges.

1. Les conflits collectifs de travail
Un conflit collectif de travail s’entend au sens d’un différend qui met en jeu des intérêts collectifs,
c’est-à-dire commun à l’ensemble des salariés. Le conflit collectif oppose le plus souvent l’employeur
et les salariés ; la grève en est l’exemple classique. Un conflit portant sur la négociation collective est
susceptible de répondre aux caractéristiques du conflit collectif s’il met en cause des intérêts communs
aux salariés.
En France, le Code du Travail prévoit trois voies de résolution extra-judiciaire des conflits collectifs
du travail. Il s’agit de la conciliation, de la médiation et de l’arbitrage. La procédure de médiation,
énoncée aux articles L-2523-4 à 9, intervient en cas d’échec d’une tentative de conciliation préalable.
Le code du travail prévoit que lorsque le conflit porte sur l’interprétation ou la méconnaissance des
dispositions légales ou des stipulations conventionnelles, le médiateur recommande aux parties de
soumettre le conflit, soit à la juridiction compétente, soit à la procédure contractuelle d’arbitrage
prévue aux articles L 2524-1 et 2.
Soulignons que, dans le système français, les accords de branche peuvent instituer une commission
paritaire d’interprétation et de conciliation chargée non seulement d’interpréter l’accord mais
également de résoudre les conflits du travail résultant de son application (il s’agit le plus souvent de
conflits collectifs mais les conflits individuels sont parfois également visés). L’on parle de procédures
conventionnelles de règlement des conflits du travail. La procédure de conciliation diffère d’un accord

33

Ce code de déontologie a été adopté par un rassemblement des organisations de la médiation

15
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à l’autre (voir infra sur les conflits liés aux conventions et accords collectifs). Il arrive que différents
niveaux de conciliation soient prévus.34
Deux constatations résultent de la pratique :
-

les modes de règlement des conflits collectifs prévus par le Code du travail sont délaissés au
profit de négociations de fin de conflit plus souples. La nature juridique des règlements de
conflits négociés -qualifiés tantôt de protocoles ou de procès-verbaux de fin de conflit
négociés- dépend des signataires de ces textes. La jurisprudence considère que les protocoles
signés par les délégués syndicaux sont de véritables accords collectifs d’entreprise, à la
différence des règlements négociés signés par les élus du personnel ou un comité de grève qui
sont qualifiés d’engagements unilatéraux de l’employeur. 35

-

on observe l’apparition de pratiques de médiation intervenant en dehors du cadre du Code du
Travail qui connaissent un intérêt croissant. 36

En Belgique, le droit du travail prévoit la possibilité de saisir certaines instances spécifiques en cas de
conflits collectifs.37 Les parties sont libres de choisir la personne ou l’instance chargée de la
conciliation ou de la médiation, sauf si une convention collective de travail l’impose. Les parties
peuvent décider de recourir au bureau de conciliation de la Commission paritaire dont elles relèvent.
Les commissions paritaires ont ainsi notamment pour mission de prévenir et de résoudre les différends
entre les employeurs et les travailleurs. 38 D’autre part, des médiateurs sociaux sont institués au sein du
Ministère fédéral de l’Emploi et du travail (SPF emploi, travail et concertation sociale). Ces
médiateurs, qui dépendent directement du Ministre, sont chargés -à la demande d’une des parties ou
du ministre ou de leur propre initiative- d’une mission de médiation en cas de conflits collectifs.

2. Les conflits individuels de travail
Pour les litiges individuels du travail, les principes usuels relatifs au mécanisme de la médiation sont
applicables.
En France, nous l’avons déjà mentionné, une différence est faite entre la médiation judiciaire et la
médiation conventionnelle. La médiation judiciaire, qui est ordonnée par un juge après avoir recueilli
l’accord des parties, est visée aux articles 131-1 à 131-15 du CPC. Le CPC contient en outre un Livre
V dédié à la résolution amiable des différends. La médiation conventionnelle, qui relève de l’accord
34

P. AUVERGNON, « A propos des modes non juridictionnels de règlement des conflits collectifs du travail en
France », in « Conciliation, médiation et arbitrage. Vers une régulation européenne des modes alternatifs du
règlement des conflits (collectifs) du travail ? », Bruylant, 2011, pp.125-126
35
J-M. VERDIER, A. COEURET, M-A. SOURIAC, « Droit du travail », vol.1 Rapports collectifs, Dalloz 2009,
pp. 303 et ss spéc. p. 313
36
Ces pratiques de médiations sont mises en œuvre par l’inspecteur du travail, par le Ministère du Travail
nommant une figure respectée ou par un médiateur désigné par le Président du TGI : voir A. JEAMMAUD,
« Conciliation, Médiation and Arbitration in (collective) labour disputes – Report for France », Etude pour la
Commission européenne, p. 15
37
W. VAN EECKHOUTTE et V. NEUPREZ, « Compendium droit du travail 2007-2008 », pp. 1441-1442
38
Article 38 §2 de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives et les commissions paritaires. Il faut
noter que l’avis du bureau de conciliation de la Commission paritaire ne lie pas les parties : G. COX, « Le
règlement des conflits collectifs de travail en droit belge » in « Conciliation, médiation et arbitrage. Vers une
régulation européenne des modes alternatifs du règlement des conflits (collectifs) du travail ? », ouvrage précité,
p.97

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des parties, est régie aux articles 1530 à1535 du CPC. Les articles 1565 à 1568 du CPC traitent quant à
eux de l’homologation de l’accord aux fins de le rendre exécutoire. On notera que les différends qui
résultent d’un contrat de travail sont soumis, pour ce qui concerne la médiation conventionnelle, à un
régime particulier. 39
En droit français, la question s’est longtemps posée de savoir si un accord collectif de travail pouvait
contenir une clause de conciliation et de médiation qui impose le recours à ces techniques avant de
porter le litige devant un juge. Dans un arrêt du 13 janvier 2010 la chambre sociale de la Cour de
cassation a complété la construction du régime des clauses de conciliation et de médiation. 40 Elle a
validé et confirmé le principe de l’effet d’une clause de conciliation, même lorsque celle-ci figure dans
un accord collectif. En l’espèce, il s’agissait d’un accord collectif du personnel navigant commercial,
conclu entre Air France et des organisations syndicales.
La chambre sociale s’est donc alignée sur la position de la chambre mixte dans son arrêt du 14 février
2003. Depuis cet arrêt, la clause contractuelle qui prévoit une conciliation obligatoire préalable à la
saisine du juge est analysée comme une fin de non-recevoir qui s’impose aux parties. Cette décision a
consacré une nouvelle avancée en matière de portée et de force obligatoire des clauses contractuelles
de médiation.7 Un revirement de jurisprudence provenant d’un arrêt récent de la chambre sociale du 5
décembre 2012 doit toutefois être précisé. Dans cet arrêt, la chambre sociale a énoncé le principe selon
lequel, en raison de l’existence en matière prud’homale d’une procédure de conciliation préliminaire et
obligatoire, la clause de conciliation préalable insérée dans un contrat de travail n’empêche pas les
parties de saisir directement le juge prud’homal de leur différend.
En Belgique, la loi du 21 février 2005 modifiant le Code Judiciaire a introduit une septième partie
consacrée à la médiation (articles 1724 à 1737 du CJ). 41 Une distinction est établie entre trois types de
médication : la médiation judiciaire et la médiation volontaire (toutes deux visées par le CJ) et la
médiation libre (non visée par le CJ). Seul un médiateur agréé peut être désigné pour la médiation
judiciaire et volontaire, à la différence de la médiation dite libre.42 Les articles 1730 à 1733 CJ visent
la médiation volontaire et les articles 1734 à 1737 CJ concernent la médiation judiciaire.

39

L’ordonnance du 16 novembre 2011 n’a envisagé la médiation conventionnelle pour les différends qui
s’élèvent à l’occasion d’un contrat de travail que lorsque ces différends sont transfrontaliers. En dehors de la
saisine du juge, on admet que le droit commun des contrats s’applique. L’ordonnance n’a pas exclu le droit du
travail du champ d’application de la médiation conventionnelle mais elle n’autorise pas le juge à homologuer
l’accord issu de la médiation conventionnelle portant sur un différend né à l’occasion d’un contrat de travail.
D’autres solutions existent toutefois telles qu’une homologation par un notaire ou une saisine du Conseil de
prud’hommes en vue de réaffirmer l’accord devant le bureau de conciliation : voir B. BLOHORN-BRENNEUR,
« La médiation pour tous », Médias et médiation, 2013, p.106
40
Cass. soc 13 janvier 2010, n° 08-18.202
41
P. DELVAUX de FENFFE, « La médiation en droit du travail », l’indicateur social, n°2, janvier 2011, pp.2 et
ss. On notera que le législateur belge n’a pas défini ce qu’il faut entendre par « médiation ». Toutefois les
travaux préparatoires de la loi du 21 février 2005 précisent qu’il s’agit d’un « processus de concertation entre
parties désireuses d’y recourir sur une base volontaire » : P-P.RENSON, « La médiation civile et commerciale.
Comment éviter les aléas, le coût et la durée d’un procès », Anthemis, 2010, p.15 L’auteur définit la médiation
comme un « processus confidentiel et structuré de concertation volontaire entre parties entre lesquelles il existe
un différend géré par un tiers neutre, indépendant et impartial, qui n’a aucun pouvoir juridictionnel et dont le
rôle consiste avant tout à créer les conditions nécessaires pour (r)établir et faciliter la communication entre
parties, mais aussi à conduire ces dernières à redéfinir leurs relations, entre autres, en les aidant à trouver
elles-mêmes une ou plusieurs solutions au différend et à en sélectionner une. »
42
Une commission fédérale de médiation est chargée de désigner les médiateurs agréés. L’article 1726 du Code
judiciaire fixe les conditions d’agrément. La médiation libre se distingue des autres en ce qu’elle ne bénéficie pas

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Il convient de remarquer que, selon la pratique belge, seuls les conflits individuels sont susceptibles
d’être réglés par la médiation visée par le CJ. Les conflits collectifs du travail restent de la compétence
des conciliateurs sociaux de la Commission paritaire compétente.43 Rien n’empêche pourtant de
résoudre un conflit collectif par la voie de la médiation, mais tout au plus les acteurs traditionnels de la
résolution des conflits collectifs ont-ils enrichi leur réflexion et leur méthode de travail par des outils
propres à la médiation. 44

Section 3 : Les aspects nationaux des conflits liés aux conventions et accords
collectifs
On complètera l’analyse par une rapide description des règles applicables en matière de conflits liés
aux conventions et accords collectifs dans les deux droits nationaux qui nous concernent plus
particulièrement.
En droit belge, les conflits en matière de conventions collectives sont assez peu fréquents. On se réfère
à la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives et les commissions paritaires pour ce qui
est des règles juridiques applicables aux conflits liés aux conventions et accords collectifs.
Les principes applicables sont les suivants :
-

-

l’article 4 dispose que les organisations représentatives peuvent ester en justice dans tous les
litiges auxquels l’application de la loi donnerait lieu et pour la défense des droits que leurs
membres puisent dans les conventions conclues par elles. Ce pouvoir des organisations ne
porte pas atteinte aux droits des membres d’agir personnellement ou d’intervenir dans
l’instance. 45 Les travailleurs et les employeurs, qu’ils soient membres ou non d’une
organisation représentative signataire, peuvent également soumettre un litige né de
l’application d’une convention collective au pouvoir judiciaire par application des règles
normales d’introduction d’une action en justice46 ;
la convention collective doit satisfaire à certaines conditions sous peine de nullité ;
les commissions et sous-commissions paritaires ont pour mission de prévenir et de concilier
tout litige entre employeurs et travailleurs 47 ;
le juge dispose d’un pouvoir d’interprétation des conventions collectives. 48

d’une protection légale particulière et ne permet pas d’obtenir l’homologation judiciaire de l’accord conclu. Elle
dépend donc de l’initiative et de l’accord exclusifs des parties : P-P. RENSON, « La médiation civile et
commerciale. Comment éviter les aléas, le coût et la durée d’un procès », Anthemis, 2010, p. 18
43
P. DELVAUX de FENFFE, o.c., p. 5. Voir cependant l’article 1724 du Code Judiciaire qui prévoit que tout
différend susceptible d’être réglé par transaction peut faire l’objet d’une médiation
44
M. GONDA, « Les spécificités de la médiation sociale » in « La médiation : voie d’avenir aux multiples
facettes ou miroir aux alouettes ? », sous la coordination de P-P. RENSON, Anthemis, 2008, p. 126
45
L’article précise encore que des dommages et intérêts du chef de l’inexécution des obligations découlant d’une
convention ne peuvent être réclamés aux organisations que dans la mesure où la convention le prévoit
expressément
46
V. VANNES, « Questions approfondies de droit collectif du travail », Volume 1, Presses universitaires de
Bruxelles, 6ème éd., 2011, p. 122, n°236 L’article 578, 3° du CJ est entendu dans un sens large et vise les
contestations nées de l’application des conventions collectives de travail
47
Article 38 §2 de la loi du 5 décembre 1968
48
L’étendue du pouvoir d’interprétation du juge dépend de l’existence ou non d’un arrêté royal rendant la
convention collective obligatoire. L’interprétation que le juge du fond donne d’une convention collective de
travail qui n’a pas été rendue obligatoire est souveraine lorsqu’elle ne viole pas la foi due à cet acte: voir Cass.
28 décembre 1987 (juridat)

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En droit français, des règles et principes juridiques sont appliquées aux conflits liés aux conventions et
accords collectifs. On distingue entre les difficultés d’interprétation des conventions et accords
collectifs et les conflits liés à la violation des conventions et accords collectifs.49 S’y ajoutent les
conflits liés à la violation des conditions de validité et de loyauté dans la formation des accords
collectifs.

A. Les difficultés d’interprétation
Il existe en France plusieurs possibilités de résolution des difficultés d’interprétation des conventions
et accords collectifs.
- La conclusion d’un avenant
Une difficulté d’interprétation d’une disposition conventionnelle peut être résolue par les parties
signataires elles-mêmes en ayant recours à la conclusion d’un avenant. Cet avenant, signé par toutes
les parties initiales, a un caractère impératif et s’impose de manière rétroactive, même au juge.50
- Une procédure ad hoc prévue
Les conventions et accords collectifs peuvent établir une procédure ad hoc dans le but d’assurer le
traitement des questions d’interprétation qui sont susceptibles de se poser.
Deux situations peuvent alors se présenter lors de l’intervention de la commission d’interprétation. Si
la convention ou l’accord collectif prévoit que l’avis de la commission d’interprétation aura la même
valeur que le contrat collectif, le juge doit surseoir à statuer le temps que la commission se prononce et
l’avis rendu s’imposera à lui. A défaut, la saisine immédiate du juge reste possible et l’avis de la
commission d’interprétation ne le liera pas, bien qu’il puisse s’y rallier. L’avis ne lie pas non plus
employeurs et salariés.
En droit français, les commissions paritaires d’interprétation peuvent être mise en place sur une base
purement volontaire des négociateurs ou par obligation légale. 51 L’étendue des pouvoirs conférés à la
commission relève de la libre appréciation des négociateurs. Comme nous venons de le voir, les avis
peuvent être dépourvus de valeur contraignante et se limiter à un guide d’interprétation ou au contraire
constituer de véritables avenants qui s’incorporent à la convention ou l’accord collectif.52
Pour le sujet qui nous concerne, la question de l’admission d’une procédure de conciliation ou
d’interprétation comme préalable obligatoire à la saisine du juge en cas de différend en matière
d’interprétation ou d’application de la convention ou de l’accord collectif relève un intérêt particulier.
Cette question particulière n’a semble-t-il pas encore été tranchée par la chambre sociale, bien qu’elle
ait admis la validité d’une clause insérée dans un accord collectif. La question se pose surtout dans
l’hypothèse où les signataires ont prévu que l’avis de la commission doit avoir valeur d’avenant

49

B. TEYSSIE, « Droit du travail. Relations collectives », LexisNexis, 8ème édition, 2012, pp. 765 -770
Cass. soc. 1er déc.1998, Cass. soc. 31 mai 2000, Cass. soc. 5 déc. 2001
51
La loi impose la mise en place de commissions paritaires d’interprétation au niveau des branches et au niveau
interprofessionnel (art. 2232-4 et 2233-9 du Code du travail). Le rapport de Virville de 2004 a suggéré de rendre
obligatoire la mise en place de commission d’interprétation aux niveaux des groupes et de l’entreprise
52
Lamy Négociation collective, Droit et pratique, 2013, n°550
50

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interprétatif qui s’impose au juge. La clause reviendrait alors à empêcher le recours au juge, ce qui ne
peut raisonnablement être admis. 53
- Intervention du juge
En tant qu’elle/il constitue un contrat de droit privé, conformément à la théorie de la dualité des
conventions et accords collectifs 54, la convention ou l’accord collectif relève de la compétence des
juridictions de l’ordre judiciaire.
Ainsi, les difficultés nées de l’exécution des conventions et accords collectifs (qui peuvent être des
problèmes d’interprétation) rentrent dans le champ de la compétence du conseil de prud’hommes si
elles donnent naissance à un litige d’ordre individuel. Dans le cas où la demande est introduite par un
salarié à son seul profit, le litige conservera un caractère individuel, et ce bien que la difficulté
soulevée soit susceptible d’intéresser tous les travailleurs soumis à la convention ou l’accord. Le juge
prud’homal est compétent pour connaître de l’interprétation d’une convention ou d’un accord qui est
nécessaire à la solution d’un litige lié au contrat de travail. Ces difficultés d’exécution rentrent dans le
champ de compétences du tribunal de grande instance si le litige présente un caractère collectif.
L’interprétation retenue par le juge du fond est soumise au contrôle de la Cour de Cassation. Cette
solution résulte de l’autre nature, à savoir la nature réglementaire de la convention et l’accord collectif.

B. La violation des conditions de validité et de loyauté dans la formation
des accords collectifs
M-L. MORIN relève que le contentieux en matière de négociation collective proprement dite n’est pas
important dans le système français en termes de volume. Les situations les plus fréquentes sont celles
où un syndicat non-signataire conteste la validité de l’accord en critiquant les conditions de sa
négociation. 55 Les contestations concernent le non-respect des conditions de validité de l’accord
collectif. Il peut s’agir des conditions de régularité de la négociation56ou de la loyauté de la
négociation collective. 57
Ce contentieux tend à l’annulation de l’accord collectif comme sanction des règles de la négociation.58

53

Voir M-L. MORIN, « Le dualisme de la négociation collective à l’épreuve de réformes : validité et loyauté de
la négociation et interprétation de l’accord », Droit social, 2008, spéc. p. 33
54
Selon la théorie de la dualité, la nature juridique de la convention ou de l’accord collectif comporte à la fois
un aspect contractuel et un aspect réglementaire (loi de la profession). Sur la dualité, voir N. DAUXERRE, « Le
rôle de l’accord collectif dans la production de la norme sociale », Presses Universitaires d’Aix-Marseille, pp.
155 et ss.
55
M-L. MORIN, o.c., p. 26
56
On vise notamment la qualité des acteurs, la participation de tous les acteurs nécessaires et les conditions de
majorité pour la signature de l’accord.
57
Il s’agit notamment de l’interdiction de décisions unilatérales pendant le cours de la négociation et de
l’interdiction de négociations séparées et la procédure de signature des accords collectifs
58
La nullité de l’accord collectif peut être demandée en cas de défaut de qualité des signataires, de non-respect
des procédures de négociation, de non-respect des conditions de forme ou de fond, et de violation de l’ordre
public ou du principe de faveur (Lamy Négociation collective, Droit et pratique, 2013, n°580)

20
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C.

La violation des conventions et accords collectifs

La violation des clauses d’un contrat collectif peut donner lieu à la mise en œuvre d’actions civiles, de
nature collective ou individuelle, prévues aux articles L 2262-9 à L 2262-12 du Code du Travail.
L’action civile tend à obtenir -à l’encontre des organisations ou groupement, ainsi que leurs membres
ou toute autre personne liée par la convention ou l’accord collectif et méconnaissant les engagements
souscrits- l’exécution des engagements contractés et le cas échéant des dommages et intérêts pour nonrespect de la convention ou de l’accord collectif.
- Actions collectives
L’action collective peut être exercée en leur nom par un groupement professionnel lié par une
convention ou un accord et ayant la capacité d’ester en justice pour méconnaissances des engagements
souscrits. Cette action est en principe introduite devant le tribunal de grande instance. Une action
collective peut également être exercée en raison de l’atteinte portée à l’intérêt collectif de la
profession. 59
- Actions individuelles
Il peut y avoir exercice individuel d’une action individuelle. Dans ce cas, l’action en justice est
personnellement exercée par celui qui est victime de la méconnaissance d’une convention ou d’un
accord collectif. Il peut également y avoir exercice collectif d’une action individuelle par les
organisations ou groupements ayant la capacité d’ester en justice et dont les membres sont liés par la
convention ou l’accord collectif de travail. Il suffit que l’intéressé ait été averti et n’ait pas déclaré
s’opposer à cette initiative. Cependant, le travailleur est toujours en droit d’intervenir à l’instance
engagée.
Une organisation ou un groupement pourvu de la capacité d’ester en justice peut, par ailleurs,
intervenir en cours d’instance en raison de l’intérêt collectif que la solution du litige est susceptible de
représenter pour ses membres liés par la convention ou l’accord.

59

La jurisprudence considère que le défaut d’application du contrat collectif cause « nécessairement un préjudice
à l’intérêt collectif de la profession » (voir Cass. soc. 3 mai 2007, Cass. soc.16 janv.2008 ; Cass . soc. 30 nov.
2010). Il s’agit d’une action sur le fondement de l’article 2132-3 du Code du Travail qui dispose que « les
syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les
droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de
la profession qu'ils représentent »

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Deuxième partie
La résolution des conflits liés à la négociation collective
transnationale de dimension européenne : l’intérêt grandissant
pour les techniques alternatives de résolution des conflits, vers
quelle médiation sociale européenne?
La deuxième partie a pour but d’envisager le rôle de la médiation dans les conflits liés à la négociation
collective transnationale. Il s’agit à cette occasion de réfléchir à la médiation à laquelle on pourrait
recourir -en théorie et en pratique-, ce qui nous conduira à examiner l’éventuelle nécessité d’une
médiation sociale européenne.

Section 1 : Le rôle de la médiation dans le règlement des conflits liés à la
négociation collective transnationale
Nous avons voulu nous interroger sur le rôle qui peut revenir à la médiation dans le règlement des
conflits liés à la négociation collective transnationale. Dans cette optique, il semble utile de
s’intéresser à l’ensemble des techniques alternatives de résolution des conflits pour déterminer l’intérêt
propre à la médiation. Comme nous l’avons vu, l’idée d’un règlement extrajudiciaire des conflits en
matière de négociation collective transnationale s’affirme peu à peu dans les études et les travaux
récents.
Il faut remarquer que le mouvement des modes alternatifs de règlement des conflits est apparu en
réaction au mode juridictionnel étatique estimé légaliste, procédurier, trop lent et difficilement
accessible au citoyen. En réponse à ces déficiences, plusieurs techniques ont été mobilisées dont
principalement la négociation, la conciliation, la médiation et l’arbitrage.60 On observe que les
relations du travail n’échappent pas à ce mouvement. 61
Précisons d’emblée que la question de la résolution des conflits liés à la négociation collective
transnationale, en particulier de dimension européenne, ne fait l’objet d’aucune réglementation à ce
jour. De manière plus générale, comme le souligne J-M SERVAIS, les conflits de travail d’ordre privé
qui dépassent les frontières d’un Etat n’ont pas reçu à ce jour de véritable réponse d’un point de vue
juridique à l’échelle européenne au autrement transnationale. 62

60

J. DESMARAIS, « Les modes alternatifs de règlement des conflits en droit du travail » in « Médiation et
modes alternatifs de règlement des conflits : aspects nationaux et internationaux », Association Henri
CAPITANT sous la direction de J-L. BAUDOIN, Ed. Yvon Blais, 1997, p.71
61
Voir notamment en droit belge M. GONDA, « Les spécificités de la médiation sociale », o.c., pp.125 et ss. ; P.
DELVAUX de FENFFE, P. VAN LEYNSEELE, E. ROEGIERS, « La médiation et l’arbitrage en droit du
travail », Kluwer, 2011. En droit français, voir M. BOURRY d’ANTIN, G. PLUYETTE, S. BENSIMON,
« Médiation sociale » in « Art et techniques de la médiation », Litec, 2004, pp. 369 et ss.
62
J-M. SERVAIS, « Médiation et autres modes de règlement pacifique des conflits de travail : une interface » in
« Conciliation, médiation et arbitrage : vers une régulation européenne des modes alternatifs du règlement des
conflits (collectifs) du travail » sous la direction de M. Rigaux et P. Humblet, Bruylant, Bruxelles, 2011, p. 227

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On ne peut, par conséquent, à proprement parler de modes « alternatifs » de règlement des conflits
dans ce domaine, mais plutôt de modes « extrajudiciaires » ou encore « para-juridictionnels » 63de
règlement des conflits.

A. Le recours au processus de médiation
1. Les conflits liés à la négociation collective transnationale
Tout d’abord se pose la question de la nature des conflits que l’on entend résoudre aux moyens des
techniques de résolution des conflits et de la médiation en particulier. En l’absence de réglementation,
le choix de résolution des conflits sera en principe laissé aux parties, sauf exceptions. 64
Le conflit peut apparaître entre les parties lors de la phase de discussions de la négociation collective
transnationale, soit avant sa signature. On peut également viser le règlement d’un différend apparu
postérieurement à la signature de l’accord. Il s’agit de résoudre des difficultés d’interprétation d’un
accord issu de la négociation collective transnationale. Il peut également s’agir de résoudre un conflit
né de la négociation collective transnationale, qu’il s’agisse de sa violation par les parties signataires
ou toutes autres personnes ou groupements liés par celle-ci ou d’une demande d’exécution ou
d’indemnisation pour non-respect des dispositions de l’accord par toute personne pouvant se prévaloir
de cet accord.
Les conflits apparaissant entre les parties signataires dans le cadre d’un accord européen définissant
une procédure propre en matière de règlement des conflits ne devrait pas susciter de difficultés.
Toutefois, on peut se demander s’il est possible de transposer la distinction opérée traditionnellement
en matière de négociation collective entre partie obligatoire et partie normative de l’accord. 65 Les
conflits portant sur la partie obligatoire viseraient les seules parties signataires, tandis que les conflits
sur la partie normative concerneraient toutes les personnes susceptibles d’être visées par les
dispositions énoncées dans l’accord. En réalité, en l’absence actuelle d’une réglementation européenne
prévoyant le statut de la négociation collective transnationale, l’opportunité de cette distinction n’est
pas évidente. Les accords sont aujourd’hui tout au plus des contrats de droit privé, sauf s’ils sont mis
en œuvre par directive (ils bénéficient alors d’un effet erga omnes) et les cas exceptionnels où ils
pourraient être qualifiés d’accords collectifs en droit interne.
Par ailleurs, des conflits plus spécifiques à la négociation collective transnationale sont susceptibles
d’apparaître. On pense, d’une part, au statut juridique incertain des accords qui peut être sujet à
contentieux 66et d’autre part, aux conflits liés à la « nationalisation » de l’accord en raison des
applications très diversifiées d’un pays à l’autre.

63

Cette expression est utilisée par I. DAUGAREILH à propos des mécanismes prévus dans les organisations
internationales, voir « Les modes de règlement para-juridictionnels des différends relatifs aux droits sociaux dans
les organisations internationales » in « Justice et mondialisation en droit du travail », Dalloz, 2010, pp. 235 et ss.
64
On pense aux règles nationales qui peuvent s’appliquer si l’accord est qualifié d’accord collectif en droit
interne. Il peut également y avoir une évolution des règles du droit international privé.
65
Voir les articles L 2262-1 et ss. du Code du Travail
66
Dans ce sens, voir S. LEONARDI, o.c., p.28

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2. Bilan des expériences de gestion et de résolution des conflits en matière
de négociation collective transnationale
Quel bilan peut-on tirer des expériences de gestion et de résolution des conflits en matière de
négociation collective transnationale?
Le site de la Commission européenne contient une base de données qui reprend les textes issus du
dialogue social européen et de la négociation transnationale d’entreprise. Il conviendrait d’effectuer un
examen de l’ensemble des textes existants afin d’évaluer si la médiation a déjà été prévue dans
certains de ces textes. Cependant, cette exploration dépasserait les limites de cette étude. En outre,
l’intérêt pour les méthodes alternatives de résolution des conflits dans ce domaine est récent et il n’est
pas sûr qu’il existe de nombreux accords contenant des dispositions dans ce sens.
On peut alors se référer aux observations sur la mise en œuvre et le suivi des accords européens et
transnationaux. On admet que les procédures de mise en œuvre autonome et de suivi n’en sont qu’à
leur début, même si les dispositifs se perfectionnent peu à peu. En réalité, la question du suivi des
accords fait l’objet de vives critiques en l’absence le plus souvent de caractère contraignant des textes
adoptés. Dans les accords d’entreprise internationaux (ACI), on retrouve néanmoins des procédures de
règlement interne des différends afin d’assurer le suivi des engagements volontairement assumés par
les entreprises (mécanismes paritaires accordant un rôle aux représentants des travailleurs et
procédures de plaintes). 67 On se rapproche a priori plus de la conciliation que de la médiation lorsque
des comités ad hoc ou l’intervention du comité d’entreprise européen sont prévus. 68 Ces expériences
présentent donc une similarité avec les procédures de droit interne en matière de négociation collective
(voir les commissions de conciliation et d’interprétation dans le système français). Cependant, le
recours à un organe d’arbitrage est parfois prévu. 69
Le recours à la médiation devrait néanmoins être encouragé à côté des autres procédures car il
participerait du même esprit de recherche d’une solution souple au conflit. L’avantage de cette
méthode serait que les parties trouvent elles-mêmes la solution à leur conflit en toute confidentialité.
L’absence actuelle de règlementation justifie d’autant plus le recours à la médiation compte tenu des
incertitudes quant à l’application des règles de droit international privé.

67

Sur les accords-cadres internationaux (ACI) voir R-C. DROUIN, « Procédures de règlement interne des
différends de droit du travail dans l’entreprise multinationale » in « Justice et mondialisation en droit du travail.
Du rôle du juge aux conflits alternatifs», Dalloz, 2010, pp. 185 et ss. L’auteur indique que certains accordscadres prévoient laconiquement que « tout problème, ou difficulté, concernant l’interprétation ou la mise en
œuvre de l’accord-cadre sera examiné conjointement ». Le traitement des plaintes est confié soit à un groupe
conjoint composé de représentants de salariés et de l’entreprise, soit aux dirigeants de l’entreprise
68
Pour le suivi et la mise en œuvre des accords européens, les fédérations syndicales européennes et les comités
d’entreprise européens ont un rôle privilégié : I. DAUGAREILH, « Le dialogue social dans les instances
transnationales d’entreprises européennes » in Liaisons sociales Europe, supplément « La négociation collective
transnationale », décembre 2012, p.18
69
R-C. DROUIN, o.c., p. 194. L’auteur évoque l’accord conclu entre IBB et Skanska qui prévoit que s’il est
impossible pour les parties de s’entendre sur l’interprétation ou l’application de l’accord au sein du groupe de
surveillance responsable de la mise en œuvre de l’accord, un litige pourra être soumis à un organe d’arbitrage
composé de deux membres et d’un président indépendant. Les décisions de cet organe lient les parties. On notera
que le recours à un tribunal arbitral reste exceptionnel.

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3. Principes théoriques sur l’utilisation de la médiation en matière de
négociation collective transnationale
Le recours à la médiation s’est intensifié ces dernières années en Europe sous l’influence de la
directive européenne qui a joué un rôle d’impulsion pour le développement de cette technique
alternative de résolution des conflits dans les Etats membres.
Bien qu’il existe une certaine résistance en France dans le domaine social pour les conflits individuels
du travail réglé par la médiation conventionnelle, la médiation devrait continuer à se développer dans
les Etats membres, notamment grâce à l’influence positive des juges à l’égard de la médiation
judiciaire.
Un séminaire d’experts, qui s’est tenu à Paris les 17 et 18 septembre 2009 dans le cadre du Forum
pour la régulation de l’Europe sociale (REGES Forum), s’est penché sur les modes alternatifs de
règlement des conflits collectifs du travail en Europe. Il a révélé l’utilisation conséquente des
techniques de la conciliation, de la médiation et de l’arbitrage pour la résolution des conflits collectifs
du travail. 70 La plupart des Etats disposent en effet de mécanismes de résolution des conflits sociaux
dont les principales formes sont l’arbitrage, la médiation et la conciliation souvent combinées entre
elles. Généralement, la médiation s’intercale entre la conciliation et l’arbitrage. 71
Ce constat est prometteur pour envisager le recours aux modes alternatifs de règlement des conflits, et
en particulier de la médiation, pour les différends résultant de la négociation collective transnationale.
Stefan CLAUWAERT considère que la construction, lente mais néanmoins régulière, d’un réel
système européen de relations professionnelles conduit à se demander si le moment ne serait pas venu
de réfléchir et d’opérer pour la mise en place d’un système européen de règlement alternatif des
conflits (collectifs) du travail. A cet égard, il convient de voir le rôle que les partenaires sociaux
européens pourraient -ou devraient- jouer dans la procédure judiciaire au sein de la CJCE, surtout
quand les affaires concernées impliquent des accords-cadres qu’ils ont négociés.72
M-A. MOREAU souligne quant à elle que « le développement des normes privées et de
l’autorégulation dans les entreprises transnationales montre la nécessité de trouver des modes de
résolution alternatifs (…) On voit sans aucun doute apparaître la nécessité de créer des règles de
procédures, des modes originaux de plaintes, des commissions ad hoc de règlement des conflits, qui
correspondent au cadre juridique ou institutionnel d’élaboration de la norme à appliquer, et qui
puissent contraindre l’employeur, en tant qu’entreprise multinationale, à respecter ses engagements
au niveau local ou au niveau transnational ». 73
Sur le plan des principes, rien n’empêche de recourir à la médiation pour résoudre des difficultés ou de
véritables conflits liés à la négociation collective transnationale de dimension européenne.

70

L’ouvrage précité « Conciliation, médiation et arbitrage. Vers une régulation européenne des modes alternatifs
du règlement des conflits (collectifs) du travail» reprend les interventions dans le cadre de ce séminaire
71
J-P. TRICOIT, « La médiation dans les relations de travail », LGDJ, 2008, p. 92
72
S. CLAUWAERT, article précité, pp.65-66
73
M-A. MOREAU, « Mondialisation et justice : les enjeux théoriques des conflits sociaux transnationaux », in
« Justice et mondialisation en droit du travail. Du rôle du juge aux conflits alternatifs», Dalloz, 2010, p.11

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La nature juridique controversée des textes issus de cette négociation peut-elle être un obstacle à la
médiation ? La qualification juridique des résultats issus de la négociation collective transnationale
suscite des interrogations en l’absence actuelle de réglementation européenne, à l’exception des
accords européens transformés en directive. L’accord peut être interprété comme un contrat de droit
privé entre les différents partenaires sociaux. A défaut d’intention des parties de se lier juridiquement,
il s’agira de « soft law » à la portée juridique variable. Des litiges peuvent également naître d’actes de
« soft law », a fortiori s’il s’agit de déterminer la portée juridique des engagements souscrits. On peut
envisager l’élargissement du recours à la médiation pour l’ensemble des textes issus de la négociation
collective transnationale de dimension européenne, pourvu bien entendu que les parties soient
d’accord d’y recourir (caractère volontaire de la médiation).
De manière exceptionnelle, la négociation collective transnationale d’entreprise revêt la forme d’un
accord collectif en droit national. La négociation collective transnationale peut également avoir fait
l’objet d’une mise en œuvre nationale et il convient alors d’avoir égard à l’instrument utilisé (loi,
convention collective ou autre).
Selon le cas, il s’agira d’une médiation nationale ou internationale en fonction de la présence ou non
d’un élément d’extranéité. A défaut de règlementation spécifique, on se réfèrera au cadre et aux
principes juridiques existants.

a) Médiation nationale
La médiation peut être considérée comme « nationale » si les parties en conflit sont établies dans le
même pays. Soulignons que les organisations de partenaires sociaux européens du niveau
interprofessionnel et sectoriel, qui peuvent être signataires des accords, sont pour la plupart établies à
Bruxelles en Belgique. Pour tous les litiges, il convient cependant d’avoir égard aux circonstances de
l’espèce (lieu du domicile ou du siège social, loi applicable, clause attributive de juridictions).
Il est nécessaire de se rapporter à la législation et aux principes juridiques applicables dans le pays
concerné.

b) Médiation internationale et/ou litiges transfrontaliers
La première question qui se pose en présence d’un élément d’extranéité est de déterminer s’il s’agit
d’un litige transfrontalier. La médiation en matière de négociation collective transnationale est alors
susceptible de rentrer dans le champ d’application de la directive 2008/52/CE du 21 mai 2008 sur
certains aspects de la médiation civile et commerciale. 74
La directive a vocation à s’appliquer à toute médiation dans les matières civiles et commerciales. A
priori un litige concernant un accord résultant de la négociation collective transnationale pourrait être
visé (la directive ne définit pas ce qu’il faut entendre par « matière civile et commerciale »). La
directive ne s’applique toutefois qu’aux litiges transfrontaliers, c’est-à-dire aux litiges dans lesquels
une des parties au moins est domiciliée ou a sa résidence habituelle dans un Etat membre différent de
l’Etat membre de toute autre partie. Les litiges en matière de négociation collective transnationale
peuvent constituer des litiges transfrontaliers de par l’implication de différents acteurs pouvant avoir

74

Directive du Conseil du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matières civile et commerciale
publiée au JO du 21 mai 2008

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leur domicile ou leur résidence habituelle dans des Etats différents (syndicats nationaux, fédérations
européennes et internationales).
Si la directive s’applique, il conviendra de respecter les règles prévues par celle-ci particulièrement
pour ce qui concerne l’homologation et les délais de prescription.
Par ailleurs, il s’agira d’une médiation internationale si l’on admet que le conflit présente des aspects
internationaux, même si les parties sont du même pays notamment parce que l’évènement à l’origine
du conflit peut provenir d’un autre pays.
Une médiation internationale peut être envisagée sous deux formes. 75 Il peut s’agir d’une médiation
institutionnelle engagée par les parties conjointement ou sur l’initiative de l’une d’entre elles avec
l’appui d’un centre ou d’une institution de médiation (ex. CCI, CMAP, IEAM). Dans cette hypothèse,
les parties peuvent s’en remettre au centre ou à l’institution pour la gestion de la procédure et le choix
du médiateur. Il peut également s’agir d’une médiation ad hoc organisée par les parties elles-mêmes
avec l’appui de leurs conseils. Dans ce cas, les parties décident de ne pas avoir recours au centre ou à
l’institution de médiation. Un accord préalable pourra être établi entre le médiateur et les parties pour
préciser les règles à suivre lors de la procédure.
Les aspects de droit international privé devront être envisagés. Comme le relève S. TANDEAU de
MARSAC des questions peuvent résulter des litiges transfrontaliers, et notamment celles de savoir :
-

si la loi applicable au contrat admet la médiation comme mode alternatif de résolution des
conflits ;
si les parties ont la capacité de consentir à une médiation (mandat) ;
le lieu de la médiation ;
la langue des débats ;
le tribunal compétent pour homologuer l’accord et désigner le cas échéant le médiateur ;
l’exequatur de l’accord obtenu et sa portée ;
les conséquences fiscales de l’accord pour les parties et le médiateur ;
le lieu d’exécution forcée éventuelle de l’accord.

Ces aspects devraient être précisés dans l’accord préalable de médiation.

B. Le recours à d’autres méthodes alternatives de résolution des conflits
Il existe aujourd’hui une variété de méthodes alternatives de résolution des conflits (en abrégé
MARC). Deux d’entre elles semblent plus adaptées dans une réflexion sur la négociation collective
transnationale, à savoir la conciliation et l’arbitrage.

1. La conciliation
Les termes médiation et conciliation sont souvent confondus. Cette confusion peut être accentuée par
le fait que ces deux processus sont généralement abordés ensemble. Rappelons en effet que le livre V
du CPC français traite des modes amiables de résolution des conflits. L’article 1530 du CPC vise tant
la médiation que la conciliation conventionnelle.76 De plus, la jurisprudence de la Cour de Cassation
75

S. TANDEAU de MARSAC, « La médiation internationale » in « La médiation », Dalloz, 2009, pp. 50 et ss.
L’article 1530 du CPC définit la médiation et la conciliation conventionnelle comme un « processus structuré
par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord, en dehors de toute procédure judiciaire, en
76

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française traite des clauses préalables de conciliation, mais les principes définis s’appliquent
également aux clauses de médiation. Rappelons que de telles clauses insérées dans un contrat
prévoient l’obligation contractuelle pour les parties d’entamer une conciliation ou une médiation
préalablement à toute instance judiciaire.
En réalité, la conciliation ne correspond pas vraiment à un concept spécifique, à la différence de la
médiation. On vise ici la conciliation qui intervient en dehors du cadre judiciaire.77 La conciliation
consiste en principe en l’interposition d’un tiers entre les parties en litige, mais elle peut aussi avoir
lieu entre les parties seules. 78 On admet que le conciliateur peut avoir un rôle plus actif que le
médiateur dans le processus de règlement amiable, notamment par la suggestion de différentes
solutions aux parties en litige. Par ailleurs, à la différence de la médiation, la conciliation n’est pas
confidentielle par nature.79
Les expériences en matière de conflits du travail se rapprochent davantage de la technique de
conciliation. Le monde du travail fait appel depuis longtemps à la conciliation pour favoriser le
règlement des conflits collectifs.80 Le système belge dispose ainsi d’une longue tradition de
conciliation pour résoudre les conflits collectifs. On retrouve par ailleurs des commissions de
conciliation et d’interprétation pour les conflits relatifs à la négociation collective dans le système
français. Les mécanismes de suivi prévus dans les accords de négociation collective transnationale
semblent également s’inscrire dans une idée de conciliation, bien que les procédures varient d’un
accord à l’autre.
Cependant, la médiation imprègne chaque jour un peu plus les relations du travail et la négociation
collective transnationale peut s’inscrire dans cette évolution. 81
On sait que la médiation, dans son approche « humaniste » 82 se distingue par la volonté d’aller au plus
près du conflit relationnel, le rétablissement de la relation et l’apaisement du conflit entre les parties
étant au cœur du processus. Dès lors, cette technique peut-elle s’adapter à la négociation collective qui
ne requiert pas nécessairement une démarche humaniste ? Toutefois, on retrouve d’autres approches
de la médiation axées sur le processus de négociation. La théorie de la négociation raisonnée83 issue de
de l’école de Harvard constitue ainsi un autre outil à la disposition du médiateur qui peut s’adapter à la
matière de la négociation collective.
Indépendamment de l’approche choisie, l’attrait de la médiation se justifie compte tenu des liens
spécifiques qui existent entre les parties dans la démarche d’une négociation collective. Le maintien de
bonnes relations à long terme peut s’avérer essentiel pour l’ensemble des parties.
vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers choisi par elles qui accomplit sa mission
avec impartialité, compétence et diligence »
77
Il faut mentionner que le préalable de conciliation est obligatoire pour les conflits du travail portés devant
Conseil de prud’hommes en France et les tribunaux du travail en Belgique
78
T. GARBY, « La gestion des conflits », Economica, 2004, p. 38 ; J. CRUYPLANTS, M. GONDA, M.
WAGEMANS, o.c., p.33
79
P-P. RENSON, o.c., p. 15
80
J. DESMARAIS, o.c., p. 71
81
Voir l’article L 1152-6 du code du travail français qui prévoit une procédure de médiation en cas de
harcèlement moral au travail
82
On vise notamment l’approche de Carl ROGERS, grande figure de la psychologie humaniste
83
Voir notamment R. FISCHER et W.URY, « Getting to yes: Negotiating Agreement Without Giving in»,
Penguin Books, 1991. Pour la version française : R. FISHER et W. URY, « Comment réussir une négociation»,
Seuil, 1994

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Pour finir, rappelons que la directive vise indistinctement médiation et conciliation et que la
dénomination peut ne pas être déterminante dès lors que la volonté est avant tout de mettre en œuvre
un processus de résolution amiable d’un différend avec l’aide d’un tiers neutre et impartial, dans le
respect de la confidentialité.

2. L’arbitrage
L’arbitrage est aujourd’hui un instrument usuel de la gestion des conflits. Il est né du désir de certaines
entreprises d’éviter que leur litige soit soumis aux tribunaux.84 L’arbitrage est un mode alternatif de
résolution des conflits qui implique l’intervention d’un tiers appelé arbitre dont le rôle consiste à juger
le différend qui lui est soumis. L’arbitre dispose donc d’un pouvoir décisionnel dont ne dispose pas le
médiateur qui doit rester neutre et impartial par rapport au litige. 85
On se rappellera que le droit français a prévu une procédure d’arbitrage pour la résolution des conflits
collectifs du travail. Aussi, l’arbitrage peut-il être un instrument de résolution des litiges
transnationaux du travail ? C’est la question à laquelle s’est intéressée E. LOQUIN dans le contexte
actuel de la mondialisation des relations de travail qui concerne plus particulièrement les groupes
internationaux. 86
L’auteur constate l’apparition de nouvelles règles matérielles internationales qui échappent à la
création normative des Etats et qui pourraient être amenées selon une vision optimiste à former une lex
laboris transnationale. 87 Selon lui, ce phénomène ne peut laisser indifférents les spécialistes de
l’arbitrage international et a fortiori ceux qui considèrent que l’arbitrage international constitue un
vecteur privilégié de la création et de l’application de règles matérielles internationales dont les
sources peuvent être très diverses. 88 Il serait alors possible de considérer que l’arbitrage peut
contribuer à révéler une lex laboris posant les prémisses d’un droit transnational du travail.
Cependant, cette perspective n’est pas évidente si l’on tient compte des obstacles à son utilisation.
D’abord, le droit du travail est en général rebelle à l’arbitrage.89 Ensuite, le droit de l’arbitrage
international a été construit pour juger des litiges économiques et commerciaux. Si l’arbitrage
commercial s’est fortement développé, il n’est pas certain que cette méthode de règlement des conflits
connaîtra le même succès pour les litiges transnationaux du travail.
R-C DROUIN considère néanmoins que l’intégration généralisée d’une clause compromissoire dans le
texte des accords-cadres internationaux (ACI) constituerait fort probablement le mécanisme de
84

T. GARBY, o.c., p. 127-128
P-P.RENSON, o.c., 15
86
E. LOQUIN, « L’arbitrage comme instrument d’application des droits sociaux fondamentaux » in « Justice et
mondialisation en droit du travail. Du rôle du juge aux conflits alternatifs » sous la direction de M-A. MOREAU,
H. MUIR WATT et P. RODIERE, Dalloz, 2010, pp. 223 et ss.
87
On vise les normes nouvelles de droit du travail constituant une soft law interne à un groupe multinational,
telles que les codes de bonne conduite ou les accords-cadres internationaux
88
E. LOQUIN, o.c., pp. 223-224
89
Voir notamment en droit belge l’article 9 §2 de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives et
les commissions paritaires qui dispose que sont nulles les dispositions d’une convention collective qui confient le
règlement de litiges individuels à des arbitres. Cette restriction ne vise pas le règlement de litiges qui pourraient
naître entre les organisations. D’autre part, les matières relevant du tribunal du travail (578 à 583 du Code
judiciaire) ne peuvent pas faire l’objet d’une convention d’arbitrage avant la naissance du litige. Les employeurs
et les travailleurs ne peuvent s’engager à l’avance à soumettre leur litige à l’arbitrage par le biais d’une clause
compromissoire
85

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résolution des différends le plus adapté dans le contexte des rapports transnationaux de travail. Pour
lui, cette procédure permettrait l’adjudication d’une mésentente issue de la mise en œuvre d’un ACI
par un arbitre ou un tribunal d’arbitrage indépendant et impartial, dont les décisions lieraient les
parties. 90 L’intérêt des clauses d’arbitrage consiste en effet à soustraire un litige aux juridictions
étatiques pour les confier à un tribunal arbitral, ce qui a vocation à satisfaire les entreprises dans un
domaine où l’insécurité juridique demeure.91
En définitive, rien n’empêche de concevoir une procédure de résolution des conflits combinant
médiation et arbitrage comme cela existe déjà dans la pratique de l’arbitrage en matière civile et
commerciale (« med-arb » ou « arb-med »).

Section 2 : Quelle médiation en pratique pour la résolution des conflits liés à
la négociation collective transnationale ?
Quelle médiation interviendrait pour la résolution des conflits liés à la négociation collective
transnationale de dimension européenne ? On peut envisager, d’une part, le recours à une médiation
conventionnelle ordinaire ou ad hoc et, d’autre part, le recours à une médiation spécifique à construire.
Nous verrons que différentes options sont possibles pour l’organisation d’une médiation spécifique.

A. Une médiation conventionnelle ordinaire ou ad hoc
Selon nous, le recours à la médiation peut être intéressant pour tous les niveaux de la négociation
collective transnationale de dimension européenne (soit, les niveaux interprofessionnel, sectoriel, et de
l’entreprise), même si les discussions actuelles se concentrent sur les AET.
La médiation présente l’avantage de préserver une relation durable entre les parties ce qui correspond
bien à la matière de la négociation collective où les parties sont amenées à se voir régulièrement et à
négocier ensemble la conclusion d’accords.
Il s’agirait bien entendu ici d’une médiation conventionnelle ou ad hoc résultant de l’accord des
parties. 92 On la conçoit avant tout pour les conflits entre les partenaires sociaux signataires. Mais elle
pourrait le cas échéant intervenir pour tous litiges impliquant des personnes qui souhaitent se prévaloir
des textes issus de la négociation transnationale de dimension européenne. 93 Le recours à la médiation
pourrait être décidé à toutes les phases de la négociation collective transnationale en cas de divergence
de vues entre les parties pour parvenir à une solution amiable au conflit (négociation, conclusion,
exécution). Il pourrait donc s’agir d’une médiation large incluant la prévention et la résolution des
conflits.

90

R-C. DROUIN, o. c., p. 198
Dans ce sens, voir C. MARZO, o.c., p. 217
92
Par médiation « ad hoc » on entend une médiation spécialement instituée pour les besoins concernés dont le
déroulement résulte essentiellement de la volonté des parties
93
On pense surtout aux travailleurs, mais il peut aussi s’agir des employeurs. La question se pose toutefois de
savoir si les travailleurs et les employeurs peuvent se prévaloir de la négociation collective transnationale à
défaut de réglementation européenne (pas d’effet erga omnes), exception faite d’une mise en œuvre d’un accord
européen par le biais d’une directive ou d’un accord européen ou transnational répondant aux conditions d’un
accord collectif en droit interne
91

30
© Valérie Collard, 2013
Tous droits réservés pour tous pays
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La résolution des conflits en matière de négociation collective transnationale : Quel rôle pour la médiation?

  • 1. Institut Catholique de Paris IFOMENE Institut de Formation à la Médiation et à la Négociation ________________________________________________________________ Diplôme Universitaire de Médiateur (2ème partie) Promotion 2012-2013 ________________________________________________________________ La résolution des conflits en matière de négociation collective transnationale : Quel rôle pour la médiation ? Valérie COLLARD Octobre 2013 1 © Valérie Collard, 2013 Tous droits réservés pour tous pays
  • 2. Table des matières Introduction Première partie : Etat des lieux de la négociation collective transnationale et de la médiation Section 1 : La négociation collective transnationale de dimension européenne A. Ce que recouvre la négociation collective transnationale de dimension européenne 1. La « négociation collective » transnationale issue du dialogue social européen a) Notions b) Les résultats du dialogue social européen 2. La négociation transnationale d’entreprise a) Notions b) Les expériences de la négociation transnationale d’entreprise B. Les enjeux de la négociation collective transnationale de dimension européenne 1. Le débat actuel : opportunité d’une réglementation européenne ? 2. L’intérêt de recourir à la médiation Section 2 : La médiation comme méthode alternative de résolution des conflits A. La directive européenne 2008/52/CE B. Les autres instruments européens et internationaux consacrant les méthodes alternatives de résolution des conflits pour les conflits du travail 1. La charte sociale européenne 2. La charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs 3. La recommandation n°92 de l’OIT sur la conciliation et l’arbitrage volontaires 4. Les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales C. Les aspects nationaux de la médiation 1. Les conflits collectifs de travail 2. Les conflits individuels de travail Section 3 : Les aspects nationaux des conflits liés aux conventions et accords collectifs A. Les difficultés d’interprétation B. La violation des conditions de validité et de loyauté dans la formation des accords collectifs C. La violation des conventions et accords collectifs Deuxième partie : La résolution des conflits liés à la négociation collective transnationale : l’intérêt grandissant pour les techniques alternatives de résolution des conflits, vers quelle médiation sociale européenne ? Section 1 : Le rôle de la médiation dans le règlement des conflits liés à la négociation collective Transnationale A. Le recours au processus de médiation 1. Les conflits liés à la négociation collective transnationale 2. Bilan des expériences de gestion et de résolution des conflits liés à la négociation collective transnationale 3. Principes théoriques sur l’utilisation de la médiation en matière de négociation collective transnationale a) Médiation nationale b) Médiation internationale et/ou litiges transfrontaliers B. Le recours à d’autres méthodes alternatives de résolution des conflits 1. La conciliation 2. L’arbitrage 2 © Valérie Collard, 2013 Tous droits réservés pour tous pays 4 5 5 5 6 6 7 7 7 8 9 9 10 11 11 13 13 14 14 14 15 15 16 18 19 20 21 22 22 23 23 24 25 26 26 27 27 29
  • 3. Section 2 : Quelle médiation en pratique pour la résolution des conflits liés à la négociation collective transnationale ? A. Une médiation conventionnelle ordinaire ou ad hoc B. Une médiation spécifique à construire posant la question de la régulation des méthodes alternatives de résolution des conflits du travail au niveau européen ou transnational 1. Une médiation inspirée des principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales 2. Une médiation sociale européenne inspirée du modèle social belge 3. Une médiation sociale spécifiquement européenne 4. Une médiation sociale laissée aux mains des partenaires sociaux 5. Une médiation interne dans l’entreprise transnationale Conclusion 3 © Valérie Collard, 2013 Tous droits réservés pour tous pays 30 30 31 31 33 33 34 35 36
  • 4. Introduction La négociation collective transnationale se réfère à des pratiques de négociation collective qui dépassent le territoire national. Ces pratiques connaissent ces dernières années un développement considérable et font l’objet d’études de plus en plus nombreuses. La négociation collective transnationale se développe aujourd’hui pratiquement en dehors de tout cadre juridique, ce qui engendre de nombreuses questions. Parmi celles-ci, se pose la question du règlement des litiges qui sont susceptibles de résulter de la conclusion ou de l’exécution des textes adoptés par les partenaires sociaux lors de la négociation collective transnationale. La Commission européenne s’est penchée sur les méthodes alternatives de résolution des conflits dans le cadre de ses travaux sur les accords transnationaux d’entreprise. On peut y voir un signe positif en faveur d’un élargissement des domaines d’application des méthodes alternatives de résolution des conflits. On s’interrogera donc sur la place qui peut revenir à la médiation dans la résolution des conflits liés à la négociation collective transnationale, plus spécifiquement européenne. Il s’agit par la même occasion de s’intéresser à une question plus vaste qui a trait aux possibilités de mise en œuvre d’une médiation « sociale » pour résoudre les conflits sociaux transnationaux qui peuvent apparaître dans le contexte d’une internationalisation croissante des entreprises et de la mondialisation de l’économie. L’Europe, qui a déjà contribué au développement de la médiation par le biais de la directive n°2008/52/CE du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale, peut être amenée à soutenir d’autres initiatives au niveau européen pour faciliter le recours à cette méthode alternative de résolution des conflits. 4 © Valérie Collard, 2013 Tous droits réservés pour tous pays
  • 5. Première partie Etat des lieux de la négociation collective transnationale et de la médiation Cette première partie a pour but de préciser les notions qui font l’objet de cette étude, à savoir la négociation collective transnationale de dimension européenne et la médiation en tant que méthode alternative de résolution des conflits. La démarche consiste à dresser un état des lieux actuel. Section 1 : La négociation collective transnationale de dimension européenne A. Ce que recouvre la négociation collective transnationale de dimension européenne Il convient avant tout de délimiter les formes de négociation collective qui sont concernées par cette étude. La négociation collective transnationale entendue au sens « d’expériences de négociation collective dépassant le cadre national » est en effet susceptible d’inclure aujourd’hui un large éventail de pratiques. Une première distinction peut être opérée en fonction du champ d’application dont relève la négociation collective transnationale, selon qu’elle intervient au niveau mondial ou au niveau européen. La deuxième distinction relève du cadre dans lequel ces pratiques de négociation collective interviennent. Au niveau européen (qui est le niveau sur lequel nous nous concentrerons plus particulièrement ici), des formes diverses de négociation collective peuvent prendre place dans le cadre du dialogue social européen pour les niveaux interprofessionnels et sectoriels ou résulter de la négociation transnationale au niveau de l’entreprise par le biais des « accords d’entreprise transnationaux » (en abrégé AET). 1 Cette dénomination est celle qui est retenue par la Commission européenne. Si on ne peut parler à l’heure actuelle de véritables conventions collectives européennes, on assiste bien à plusieurs formes d’expérimentation d’une négociation collective transnationale concourant à la création d’un système de relations professionnelles à l’échelon européen. 1 Dans le cadre du projet EuroAtca portant sur les AET, l’accord collectif « transnational » a été défini comme l’accord conclu entre les représentants des travailleurs et une entreprise transnationale pour couvrir plusieurs pays : S. LEONARDI, « Les accords d’entreprise transnationaux : un tremplin vers l’internationalisation des relations professionnelles », Liaisons sociales Europe, supplément « La négociation collective transnationale », décembre 2012, p.25 5 © Valérie Collard, 2013 Tous droits réservés pour tous pays
  • 6. 1. La « négociation collective » transnationale issue du dialogue social européen a) Notions Le dialogue social européen au sens du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après TFUE) s’entend généralement par le dialogue social qui intervient entre les partenaires sociaux européens au niveau interprofessionnel et sectoriel européen. Ce dialogue social est encadré partiellement par le TFUE et, pour ce qui concerne plus spécifiquement le niveau sectoriel européen, par une décision de la Commission européenne du 20 mai 1998. L’article 155 du TFUE énonce que « le dialogue entre partenaires sociaux au niveau de l’Union peut conduire, si ces derniers le souhaitent à des relations conventionnelles, y compris des accords ». Ce texte constitue la base du développement des accords européens et, plus largement, des textes de nature diverse issus de la discussion et de la négociation des partenaires sociaux européens au niveau interprofessionnel et sectoriel. Une distinction est faite pour l’application des dispositions du TFUE entre le dialogue social européen qui intervient dans le cadre institutionnel (soit à la suite d’une initiative législative) et le dialogue social européen initié par les partenaires sociaux sur une base autonome. Le premier relève des articles 153 à 155 TFUE alors que le second ne se voit appliqué que le seul article 155 TFUE. Deux modalités de mise en œuvre sont prévues par l’article 155 TFUE pour les accords résultant du dialogue social européen. Il peut s’agir d’une mise en œuvre : - « selon les procédures et les pratiques propres aux partenaires sociaux et aux Etats membres » ; ou « dans les matières relevant de l’article 153 à la demande des parties signataires, par une décision du Conseil sur proposition de la Commission ». Le dialogue social institutionnalisé a donné lieu à plusieurs accords-cadres qui ont été mis en œuvre par directives. 2 On observe que le dialogue social autonome est aujourd’hui en nette augmentation, surtout au niveau sectoriel depuis l’institution des comités de dialogue social sectoriel (CDSS) en 1998. Des accords-cadres autonomes ont ainsi été conclus. 3 Une évolution vers plus d’autonomie résulte également du choix des modalités de mise en œuvre des accords européens. On constate que les partenaires sociaux optent plus fréquemment qu’autrefois pour la première modalité de mise en œuvre, 2 On retrouve pour le niveau interprofessionnel la directive 96/34 du 3 juin 1996 sur le congé parental, la directive 97/81 du 15 décembre 1997 sur le travail à temps partiel, la directive 1999/70 du 28 juin 1999 sur les contrats de travail à durée déterminée. Signalons pour le niveau sectoriel la directive 1999/63 du 21 juin 1999 sur l’aménagement du temps de travail des marins et la directive 2000/79 du 27 novembre 2000 sur l’aménagement du temps de travail des travailleurs mobiles dans l’aviation civile 3 Il s’agit notamment au niveau interprofessionnel de l’accord-cadre autonome sur le télétravail (2002), l’accordcadre autonome sur le stress lié au travail (2004), et l’accord-cadre européen sur le harcèlement et la violence au travail (2007). On retrouve également des accords autonomes au niveau sectoriel, niveau privilégié du dialogue social autonome. Mentionnons l’apparition récente d’accords multisectoriels autonomes, dont l’accord multisectoriel du 25 avril 2006 sur la protection de la santé des travailleurs par l’observation de bonnes pratiques dans le cadre de la manipulation et de l’utilisation de la silice cristalline 6 © Valérie Collard, 2013 Tous droits réservés pour tous pays
  • 7. soit en faveur de la mise en œuvre conventionnelle autonome. 4 Ce choix pose des difficultés pratiques car n’offrant pas les mêmes garanties que la deuxième modalité de mise en œuvre qui intervient par le biais d’une directive. Un cadre spécifique a été prévu pour le dialogue social sectoriel européen. La décision de la Commission du 20 mai 1998 précise les règles d’institution et de fonctionnement des comités de dialogue social sectoriel européen (CDSS). Ces CDSS constitue les nouvelles enceintes du dialogue social au niveau sectoriel européen. Environ 40 CDSS ont été institués à ce jour. Il n’y a à ce jour pas de régime juridique prévu pour la négociation collective européenne, à l’exception des règles institutionnelles prévues par le TFUE susmentionnées (d’où la question de l’opportunité d’une réglementation européenne, voir infra). b) Les résultats du dialogue social européen Les résultats du dialogue social européen ont donné lieu à de nouvelles pratiques conventionnelles qui formalisent l’expérimentation d’une négociation collective transnationale en devenir à l’initiative des partenaires sociaux européens. Cette expérimentation relève pour la plupart du niveau sectoriel européen. Une multitude de textes ont été adoptés dans le cadre du dialogue social initié au sein des CDSS, mais on ne peut à proprement parler de négociation collective car la majorité des résultats se rapprochent de la notion de « soft law » et au mieux de celle de contrat de droit privé. Les accords juridiquement contraignants sont en effet largement minoritaires aujourd’hui. 5 Néanmoins, tant la structure de ces textes que les dispositions prévues se perfectionnent au fil des expériences. Ainsi, des modalités de mise en œuvre et de suivi sont davantage précisées que par le passé, ce qui démontre une expérimentation plus aboutie d’une forme de négociation collective en cours d’évolution au niveau européen. 2. La négociation transnationale d’entreprise a) Notions On parle généralement de négociation transnationale d’entreprise pour viser le dialogue social qui intervient entre les partenaires sociaux au niveau de l’entreprise multinationale. La négociation transnationale d’entreprise est en plein essor depuis le début des années 2000. Cet essor s’explique par le contexte d’une internationalisation croissante des entreprises. Ses résultats sont prometteurs au point que l’on peut considérer que la négociation transnationale d’entreprise dépasse peu à peu le dialogue social européen en termes d’accords novateurs. La négociation transnationale d’entreprise de dimension européenne se développe spontanément en dehors de tout cadre juridique, à l’exception des directives relatives au comité d’entreprise européen et 4 Les accords initiés par les partenaires sociaux et mis en œuvre par ceux-ci sont les plus parfaits sur le plan de l’autonomie. Ils consacrent la dévolution d’un véritable pouvoir normatif aux partenaires sociaux européens qui se sont mutuellement reconnus pour négocier : J-P. LHERNOULD, « La négociation collective communautaire. Petit manuel de diversité », Droit social, 2008, p.46 5 Voir J-P. LHERNOULD, article précité 7 © Valérie Collard, 2013 Tous droits réservés pour tous pays
  • 8. à la société européenne.6 Ces textes ne traitent toutefois que de l’information et la consultation des travailleurs. La négociation transnationale d’entreprise, qui intervient hors de portée des dispositions du TFUE sur le dialogue social européen, expriment une autre forme d’autonomie des partenaires sociaux. 7 La Commission européenne s’est tout particulièrement intéressée ces dernières années à la négociation transnationale d’entreprise. Le document des services de la Commission européenne du 2 juillet 2008 définit « l’accord d’entreprise transnational » (AET) comme « un accord comportant des engagements réciproques, dont le champ d’application s’étend au territoire de plusieurs Etats, conclu entre un ou plusieurs représentants d’une entreprise ou d’un groupe d’entreprises d’une part, et une ou plusieurs organisations de travailleurs d’autre part, portant sur des conditions de travail et d’emploi et/ou les relations entre les employeurs et les travailleurs ou leurs représentants ». La Commission européenne soutient ces accords notamment par des échanges d’expériences, des mesures de surveillance et des études A cette fin, un groupe d’expert a été créé et différents rapports ont été établis. Des études ont également été réalisées dont l’une traite spécifiquement des aspects de droit international privé et du règlement des litiges.8 Les AET sont désormais largement perçus comme une des composantes les plus prometteuses et intéressantes du processus d’« internationalisation » ou d’« européanisation » des relations professionnelles. 9 b) Les expériences de négociation transnationale d’entreprise Au début de l’année 2012, on dénombrait 224 AET enregistrés dans 144 entreprises, la plupart ayant leurs quartiers généraux en Europe, et couvrant plus de 10 millions de salariés.10 La singularité de ces textes se trouve dans leur bilatéralité et dans le fait qu’ils sont négociés, à la différence des codes de conduite et des autres documents de nature unilatérale par lesquels l’entreprise exprime sa politique de responsabilité sociale. Par ailleurs, le contenu des AET est plus varié et plus riche que celui des accords-cadres internationaux (ACI). 11 Comme pour les textes récents issus du dialogue social sectoriel européen, la portée des AET varie considérablement allant d’une simple portée déclaratoire jusqu’à des accords contraignants produisant des effets juridiques. 12 Bien souvent, les AET ne sont pas clairs quant au statut juridique des 6 Directive 94/45/CE révisée par la directive 2009/38/CE du parlement européen et du conseil du 6 mai 2009 concernant l’institution d’un comité d’entreprise européen ou d’une procédure dans les entreprises de dimension communautaire et les groupes d’entreprise de dimension communautaire en vue d’informer et de consulter les travailleurs ; directive 2001/86/CE du conseil du 8 octobre 2001 complétant le statut de la société européenne pour ce qui concerne l’implication des travailleurs 7 J-P. LHERNOULD, o.c., p. 47 8 Les études sont disponibles sur le site www.ec.europa.eu/social rubrique accords d’entreprise transnationaux 9 S. LEONARDI, o.c., p. 24 10 Commission staff working document « Transnational company agreements : realizing the potential of social dialogue », 10.9.2012, SWD (2012) 264 final, p.2 11 S. LEONARDI, o.c., pp.25-26. Les AET traitent une grande diversité de questions telles que les restructurations et l’anticipation du changement, les droits fondamentaux au travail portant référence aux normes de l’OIT, les mesures d’accompagnement des changements par la formation et la mobilité, les politiques de gestion des ressources humaines, la santé et la sécurité des salariés, les droits syndicaux, le dialogue social et la participation financière des salariés 12 Commission staff working document précité, p. 14 8 © Valérie Collard, 2013 Tous droits réservés pour tous pays
  • 9. engagements qui y sont contenus. 13 En l’absence de réglementation, ce sont donc des accords sui generis qui sont initiés et mis en œuvre de façon autonome. 14 Les fédérations sectorielles sont souvent associées à la signature des AET concrétisant ainsi le développement de liens entre le niveau de l’entreprise et celui du secteur européen. D’autre part, les comités d’entreprise européens sont généralement impliqués dans la négociation des AET ce qui suscite des questions en terme de légitimité des acteurs habilités à conclure ces accords.15 Les AET contiennent parfois des dispositions concernant le règlement des litiges. Si les termes utilisés sont souvent vagues, certains accords prévoient des dispositions détaillées et l’implication de comités de contrôle conjoint (« joint monitoring committees ») établis spécifiquement pour l’accord en question. 16 A ce jour, aucune partie à un AET ou personne affectée par un AET ne semble avoir porté un conflit devant les tribunaux ou devant une instance de résolution des conflits extrajudiciaire. On se situe donc au début de l’expérimentation de la négociation collective transnationale mais ces litiges devraient être amenés à se présenter au fur et à mesure du développement et de la diffusion des accords transnationaux. B. Les enjeux de la négociation collective transnationale de dimension européenne 1. Le débat actuel : opportunité d’une réglementation européenne ? Aucun régime juridique spécifique ne régit actuellement les accords européens. Les règles du droit international privé n’abordent pas la question des contrats collectifs. Les discussions entamées au sein de la Commission européenne ont donc pour objet de déterminer s’il convient d’adopter une réglementation européenne en matière de négociation transnationale d’entreprise. Le débat est difficile car les organisations patronales européennes se prononcent aujourd’hui clairement en défaveur d’une réglementation au niveau européen. Il a été envisagé de prévoir un cadre optionnel sur une base volontaire des acteurs, mais cette idée est également rejetée par les représentants des employeurs. Alors que le niveau sectoriel et le niveau de l’entreprise étaient tous les deux visés dans la première phase des discussions, la Commission européenne a par la suite décidé de concentrer le débat sur le seul niveau de l’entreprise.17 La Commission semble justifier cette décision par le fait que les niveaux 13 « Les aspects de droit international privé et de règlement des différends liés aux accords transnationaux d’entreprise », Résumé de l’étude finale réalisée par A. Van HOECK et F. HENDRICKX en collaboration avec N. BETSCH, A. DAVIES, R. KRAUSE, J. MALMBERG, F. MONTICELLI, S. ROBIN-OLIVIER, D. SARI, N. ZEKIC 14 S. LEONARDI, o.c., p.27 15 En particulier, se pose la question de savoir si la conclusion des AET doit être réservée aux organisations syndicales européennes et quelles articulations il peut y avoir entre le CE européen et les syndicats : I. DAUGAREILH, « Le dialogue social dans les instances transnationales d’entreprises européennes », Liaisons sociales Europe, supplément « la négociation collective transnationale », décembre 2012, p. 18. La négociation collective communautaire se caractérise en effet par une démultiplication des parties prenantes. La diversité des acteurs est étroitement associée à des enjeux de pouvoir : J-P. LHERNOULD, o.c., p.35 16 Commission staff working document précité, p. 16 17 Voir le document des services de la Commission du 2 juillet 2008 9 © Valérie Collard, 2013 Tous droits réservés pour tous pays
  • 10. interprofessionnel et sectoriel bénéficient déjà des dispositions du Traité contrairement au niveau de l’entreprise. Les niveaux interprofessionnel et sectoriels sont donc clairement délaissés dans les discussions actuelles ce qui peut interroger. Pourquoi distinguer le niveau de l’entreprise alors que les questions sont pour la plupart les mêmes (exceptés les particularités propres aux AET mais la question de la nature et des effets juridiques est très similaire). Dans les derniers travaux menés au sein de la Commission, l’idée d’une résolution extrajudiciaire des litiges en matière d’AET par le recours à la médiation ou la conciliation a émergé. Le Parlement européen a aussi pris part au débat sur la nécessité d’une intervention des institutions européennes pour encourager la négociation transnationale d’entreprise. Ainsi, la commission de l’emploi et des affaires sociales du Parlement européen a établi une proposition de résolution « sur les négociations collectives transfrontalières et le dialogue social transnational ». 18 La proposition de résolution se dit favorable à la mise en place d’un cadre juridique optionnel ou facultatif pour la négociation transnationale à l’échelon européen et préconise l’idée d’une légitimité exclusive des organisations syndicales européennes, sur celle des comités d’entreprise européens, pour négocier des accords européens d’entreprise. Elle évoque également la nécessité de mettre en place un organisme européen de règlement extrajudiciaire des conflits, de même qu’une juridiction européenne du travail autonome et tripartite. 2. L’intérêt de recourir à la médiation Une raison essentielle fonde l’intérêt de recourir à la médiation dans le domaine qui nous occupe. En effet, il n’y actuellement pas de régime juridique portant sur la négociation collective transnationale, d’où l’intérêt pour les parties de prévoir les modalités de gestion et de résolution des conflits dans l’accord ou le texte conclu. Ceci se justifie d’autant plus que la perspective de l’adoption d’un cadre juridique, même optionnel, est incertaine compte tenu de la réticence des partenaires sociaux. Indépendamment de cette question, l’idée d’utiliser la médiation pour gérer les conflits en matière d’AET émerge peu à peu. En témoigne un projet de recherche qui explore actuellement l’intérêt de recourir à une procédure de médiation en cas de conflits entre les signataires. 19 La proposition de la résolution du Parlement européen estime également que la médiation est particulièrement recommandée pour le règlement extrajudiciaire des litiges étant donné que les parties concernées élaborent elles-mêmes une solution dans le cadre d’une procédure équitable.20 18 Projet de rapport sur les négociations collectives transfrontalières et le dialogue social transnational, 2012/2292(INI), Commission de l’Emploi et des affaires sociales, Parlement européen, rapporteur T. HÄNDEL. La résolution se rapporte aux accords d’entreprise transnationaux à l’échelon européen, qui sont en général conclus « au niveau sectoriel » par des confédérations syndicales européennes et des employeurs européens ou des organisations patronales européennes. Elle ne se rapporte pas à des accords d’entreprise transnationaux à l’échelon international qui sont conclus entre des confédérations syndicales internationales et des entreprises 19 Il s’agit d’une recherche menée pour la Confédération européenne des syndicats par André SOBCZAK directeur de la recherche à l’Audencia Nantes School of management, Silvan SCIARRA de l’Université de Florence et Maximilian FUCHS de l’Université d’Eichstätt (voir site www. responsabiliteglobale.com) 20 Proposition de résolution du Parlement européen « sur les négociations collectives transfrontalières et le dialogue social transnational », p. 10 10 © Valérie Collard, 2013 Tous droits réservés pour tous pays
  • 11. Section 2 – La médiation comme méthode alternative de résolution des conflits Cette section sera consacrée à l’analyse du cadre juridique applicable à la médiation ; elle comprendra les différents niveaux de régulation dans une perspective transnationale. On s’intéressera tout d’abord à la notion de médiation en tant que mode alternatif de résolution des conflits. Cette technique vise un processus auquel les parties peuvent avoir recours lorsqu’elles se trouvent en situation de conflit. Elle implique l’intervention d’un tiers neutre qui n’est pas habilité à rendre une décision. Le rôle du médiateur consiste dès lors à aider les parties à gérer leur conflit, essentiellement en structurant le débat et en rétablissant un mode efficace de dialogue. Le médiateur ne prend pas position sur le fond des questions abordées dont les parties gardent la maîtrise, mais il est en revanche responsable de la conduite du processus.21 A/ La directive européenne 2008/52/CE La directive 2008/52/CE du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale a été adoptée dans le but d’encourager le règlement amiable des litiges et de faciliter en particulier le recours à la médiation.22 Cette directive s’applique aux litiges transfrontaliers en matière civile et commerciale dans lesquels les parties tentent volontairement de parvenir à un accord sur la résolution de leur litige avec l’aide d’un médiateur. 23 Il peut être utile de préciser quelques définitions données par la directive avant d’énoncer les principes essentiels qu’elle contient. La médiation y est définie comme « un processus structuré, quelle que soit la manière dont il est nommé ou visé, dans lequel deux ou plusieurs parties à un litige tentent, par elles-mêmes, volontairement, de parvenir à un accord sur la résolution de leur litige avec l’aide d’un médiateur. Ce processus peut être engagé par les parties, suggéré ou ordonné par une juridiction ou prescrit par le droit d’un Etat membre ». 24 Le médiateur doit être entendu au sens de « tout tiers sollicité pour mener une médiation avec efficacité, impartialité et compétence, quelle que soit l’appellation ou la profession de ce tiers dans l’Etat membre concerné et quelle que soit la façon dont il a été nommé pour mener ladite médiation ou dont il a été chargé de la mener ». 25 21 J. CRUYPLANTS, M. GONDA, M.WAGEMANS, « Droit et pratique de la médiation », Bruylant, 2008, pp.1-2. Les auteurs proposent de définir la médiation comme « un cadre mis à la disposition des parties confrontées à une situation conflictuelle et destiné à leur permettre de redéfinir leurs relations » 22 Cette directive fait suite au livre vert de La Commission européenne de 2002 sur les modes alternatifs de résolution des conflits et au Code de conduite européen pour les médiateurs rédigé en 2004 23 Notons que certaines matières sont exclues : il s’agit des matières fiscales, douanières, administratives et de la responsabilité de l’Etat pour des actes ou omissions dans l’exercice de sa puissance publique. Elle ne s’applique pas au Danemark. 24 Art. 3 a). La directive inclut la médiation menée par un juge qui n’est chargé d’aucune procédure judiciaire ayant trait au litige en question. Elle exclut par contre les tentatives faites par la juridiction ou le juge saisi d’un litige pour résoudre celui-ci au cours de la procédure judiciaire relative audit litige 25 Art. 3 b) 11 © Valérie Collard, 2013 Tous droits réservés pour tous pays
  • 12. Le litige transfrontalier au sens de la directive s’entend par « tout litige dans lequel une des parties au moins est domiciliée ou a sa résidence dans un Etat membre autre que l’Etat membre de toute autre partie à la date à laquelle: a) b) c) d) les parties conviennent de recourir à la médiation après la naissance du litige la médiation est ordonnée par une juridiction une obligation de recourir à la médiation prend naissance en vertu du droit national ; les parties sont invitées par une juridiction à recourir à la médiation » 26 Le litige transfrontalier peut également désigner tout litige dans lequel des procédures judiciaires ou d’arbitrage suivant une médiation entre les parties sont entamées dans un Etat membre autre que celui dans lequel les parties sont domiciliées ou ont leur résidence habituelle à la date dont il est question cidessus. 27 Parmi les principes qui ont été édictés par la directive, on mentionnera les plus importants d’entre eux : - Exécution des accords obtenus à l’issue de la médiation Les Etats membres doivent veiller à instaurer une procédure par laquelle le contenu d’un accord écrit obtenu à l’issue de la médiation peut, à la demande des parties, être rendu exécutoire. Le contenu d’un accord peut être rendu exécutoire par une juridiction ou une autre autorité compétente au moyen d’un jugement ou d’une décision ou dans un acte authentique (homologation de l’accord). 28 Cette procédure permet la reconnaissance mutuelle et l’exécution dans toute l’U.E des accords issus d’une médiation, aux mêmes conditions que pour la reconnaissance et l’exécution des décisions judiciaires en matière civile et commerciale. - Suspension des délais de prescription Les Etats membres doivent veiller à ce que les parties qui choisissent la médiation pour tenter de résoudre un litige ne soient pas empêchées par la suite d’entamer une procédure judiciaire ou une procédure d’arbitrage du fait de l’expiration des délais de prescription pendant le processus de médiation. 29 - Garanties de confidentialité et de qualité Les Etats membres doivent veiller à ce que, sauf accord contraire des parties, ni le médiateur, ni les parties participant à l’administration du processus ne soient tenus de produire, dans une procédure judiciaire ou lors d’un arbitrage, des preuves concernant les informations résultant d’un processus de médiation ou en relation avec celui-ci. 26 Art. 2 Ibid. 28 Art.6 29 Art.8 27 12 © Valérie Collard, 2013 Tous droits réservés pour tous pays
  • 13. Deux exceptions sont toutefois prévues : a) lorsque cela s’avère nécessaire pour des raisons impérieuses d’ordre public, notamment pour assurer la protection des intérêts des enfants ou l’intégrité d’une personne ; b) lorsque la divulgation du contenu de l’accord issu de la médiation est nécessaire pour mettre en œuvre ou exécuter ledit accord. 30 De plus, les Etats membres doivent encourager l’élaboration de codes de conduite et d’autres mécanismes efficaces de contrôle de la qualité des services de médiation. Ils doivent également promouvoir la formation initiale et continue afin de veiller à ce que la médiation soit menée avec efficacité, compétence et impartialité à l’égard des parties.31 Cette directive a fait l’objet de transposition dans les Etats membres, et notamment en France et en Belgique qui sont les deux Etats sur lesquels nous concentrerons notre analyse (voir infra). B/ Les autres instruments européens et internationaux consacrant les méthodes alternatives de résolution des conflits pour les conflits du travail Plusieurs instruments et textes européens et internationaux ont consacré le recours aux méthodes alternatives de résolution des conflits (en abrégé MARC) pour le règlement des conflits du travail. Même si la médiation n’est pas toujours expressément visée, il est intéressant de voir que les MARC sont préconisées en matière de conflits du travail en ce compris la négociation collective. 1. La charte sociale européenne On retrouve une disposition juridique traitant du règlement des litiges sociaux dans la charte sociale européenne de 1961 (version révisée). Ainsi l’article 6 §3 de la charte sociale européenne révisée prévoit que « en vue d’assurer l’exercice effectif du droit de la négociation collective, les parties s’engagent (…) à favoriser l’institution et l’utilisation de procédures appropriées de conciliation et d’arbitrage volontaire pour le règlement des conflits du travail ». Le comité de supervision de la charte sociale, le Comité européen des droits sociaux, a développé une jurisprudence à propos de cet article 6 §3 selon laquelle il ne s’appliquerait qu’aux seuls conflits d’intérêts tels que des conflits concernant la conclusion d’une convention collective ou la modification, par convention collective, de conditions de travail fixées dans une convention ou un accord collectif existant. Dès lors, il ne s’appliquerait pas aux conflits de droits comme des conflits concernant l’application ou la mise en œuvre d’une convention ou d’un accord collectif.32 30 Art.7 Art. 4 32 S. CLAUWAERT, « Alternative ways of settling (collective) labour disputes in European (Community) Law » in «Conciliation, médiation et arbitrage. Vers une régulation européenne des modes alternatifs du règlement des conflits (collectifs) du travail? », sous la direction de M. RIGAUX et P. HUMBLET, Bruylant, Bruxelles, 2011, p.53 31 13 © Valérie Collard, 2013 Tous droits réservés pour tous pays
  • 14. 2. La charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs La charte européenne des droits sociaux fondamentaux des travailleurs de 1989 dispose à son article 13 que « afin de faciliter le règlement des conflits du travail, il convient de favoriser, conformément aux pratiques nationales, l’institution et l’utilisation, aux niveaux appropriés, de procédures de conciliation, de médiation et d’arbitrage ». 3. La recommandation n°92 de l’OIT sur la conciliation et l’arbitrage volontaires On retrouve au sein de l’OIT une courte recommandation n°92 sur la conciliation et l’arbitrage volontaires datant de 1951. Sous le titre « conciliation volontaire », la recommandation prévoit que des organismes de conciliation volontaire adaptés aux conditions nationales devraient être établis en vue de contribuer à la prévention et au règlement des conflits du travail entre employeurs et travailleurs. Tout organisme établi sur une base mixte devrait comprendre une représentation égale des employeurs et des travailleurs. La procédure devrait pouvoir être engagée, soit sur l’initiative d’une des parties au conflit, soit d’office par l’organisme de conciliation volontaire. Les parties devraient être encouragées à s’abstenir de grève et de lock-out pendant que la conciliation est en cours. Tous accords auxquels aboutissent les parties devraient être rédigé par écrit et assimilés à des conventions normalement conclues. Sous le titre « arbitrage volontaire », la recommandation se limite à préciser que si un conflit a été soumis pour règlement final à l’arbitrage avec le consentement de toutes les parties intéressées, cellesci devraient, tant que la procédure est en cours, être encouragées à s’abstenir de grève et de lock-out et à accepter la décision arbitrale. 4. Les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales Les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales prévoient une procédure particulière de médiation qui sera analysée dans la deuxième partie. Il faut préciser que cette procédure ne vise pas à proprement parler les conflits du travail, mais son objectif est plutôt de résoudre les difficultés qui peuvent apparaître dans la mise en œuvre des principes directeurs qui ont été prévus à l’intention des entreprises multinationales. Cet instrument international de responsabilité sociale des entreprises contient néanmoins un chapitre sur l’emploi et les relations professionnelles. 14 © Valérie Collard, 2013 Tous droits réservés pour tous pays
  • 15. C. Les aspects nationaux de la médiation L’examen des principes applicables à la médiation se limitera au système français et belge que nous avons plus particulièrement choisi d’étudier. Une distinction générale s’impose en France entre la médiation conventionnelle et la médiation judiciaire. A la différence de la première qui relève essentiellement des parties, la deuxième intervient dans le cadre d’une procédure judiciaire. Le processus mis en œuvre présente la particularité de faire l’objet d’un certain contrôle du juge qui est plus contraignant pour la médiation judicaire. En Belgique, trois types de médiation ont été prévues (voir infra). La médiation relève de principes juridiques inscrits dans le Code de procédure civile (ci-après CPC) en France et dans le Code judiciaire (ci-après CJ) en Belgique. Des principes juridiques résultent également de la jurisprudence. Par ailleurs, une déontologie propre à la profession de médiateur s’affirme peu à peu. Sous l’impulsion du Code européen de conduite pour les médiateurs rédigé en 2004, un code national de déontologie du médiateur a été adopté en France le 5 février 2009. 33 Il existe aussi en Belgique un code de bonne conduite du médiateur agréé daté du 18 octobre 2007. Pour ce qui concerne plus spécifiquement la résolution des conflits du travail, on distingue tant en droit français qu’en droit belge entre les conflits collectifs et les conflits individuels. Le critère de distinction est discuté en pratique, mais l’intérêt réside dans l’application de dispositions légales différentes pour le règlement de ces litiges. 1. Les conflits collectifs de travail Un conflit collectif de travail s’entend au sens d’un différend qui met en jeu des intérêts collectifs, c’est-à-dire commun à l’ensemble des salariés. Le conflit collectif oppose le plus souvent l’employeur et les salariés ; la grève en est l’exemple classique. Un conflit portant sur la négociation collective est susceptible de répondre aux caractéristiques du conflit collectif s’il met en cause des intérêts communs aux salariés. En France, le Code du Travail prévoit trois voies de résolution extra-judiciaire des conflits collectifs du travail. Il s’agit de la conciliation, de la médiation et de l’arbitrage. La procédure de médiation, énoncée aux articles L-2523-4 à 9, intervient en cas d’échec d’une tentative de conciliation préalable. Le code du travail prévoit que lorsque le conflit porte sur l’interprétation ou la méconnaissance des dispositions légales ou des stipulations conventionnelles, le médiateur recommande aux parties de soumettre le conflit, soit à la juridiction compétente, soit à la procédure contractuelle d’arbitrage prévue aux articles L 2524-1 et 2. Soulignons que, dans le système français, les accords de branche peuvent instituer une commission paritaire d’interprétation et de conciliation chargée non seulement d’interpréter l’accord mais également de résoudre les conflits du travail résultant de son application (il s’agit le plus souvent de conflits collectifs mais les conflits individuels sont parfois également visés). L’on parle de procédures conventionnelles de règlement des conflits du travail. La procédure de conciliation diffère d’un accord 33 Ce code de déontologie a été adopté par un rassemblement des organisations de la médiation 15 © Valérie Collard, 2013 Tous droits réservés pour tous pays
  • 16. à l’autre (voir infra sur les conflits liés aux conventions et accords collectifs). Il arrive que différents niveaux de conciliation soient prévus.34 Deux constatations résultent de la pratique : - les modes de règlement des conflits collectifs prévus par le Code du travail sont délaissés au profit de négociations de fin de conflit plus souples. La nature juridique des règlements de conflits négociés -qualifiés tantôt de protocoles ou de procès-verbaux de fin de conflit négociés- dépend des signataires de ces textes. La jurisprudence considère que les protocoles signés par les délégués syndicaux sont de véritables accords collectifs d’entreprise, à la différence des règlements négociés signés par les élus du personnel ou un comité de grève qui sont qualifiés d’engagements unilatéraux de l’employeur. 35 - on observe l’apparition de pratiques de médiation intervenant en dehors du cadre du Code du Travail qui connaissent un intérêt croissant. 36 En Belgique, le droit du travail prévoit la possibilité de saisir certaines instances spécifiques en cas de conflits collectifs.37 Les parties sont libres de choisir la personne ou l’instance chargée de la conciliation ou de la médiation, sauf si une convention collective de travail l’impose. Les parties peuvent décider de recourir au bureau de conciliation de la Commission paritaire dont elles relèvent. Les commissions paritaires ont ainsi notamment pour mission de prévenir et de résoudre les différends entre les employeurs et les travailleurs. 38 D’autre part, des médiateurs sociaux sont institués au sein du Ministère fédéral de l’Emploi et du travail (SPF emploi, travail et concertation sociale). Ces médiateurs, qui dépendent directement du Ministre, sont chargés -à la demande d’une des parties ou du ministre ou de leur propre initiative- d’une mission de médiation en cas de conflits collectifs. 2. Les conflits individuels de travail Pour les litiges individuels du travail, les principes usuels relatifs au mécanisme de la médiation sont applicables. En France, nous l’avons déjà mentionné, une différence est faite entre la médiation judiciaire et la médiation conventionnelle. La médiation judiciaire, qui est ordonnée par un juge après avoir recueilli l’accord des parties, est visée aux articles 131-1 à 131-15 du CPC. Le CPC contient en outre un Livre V dédié à la résolution amiable des différends. La médiation conventionnelle, qui relève de l’accord 34 P. AUVERGNON, « A propos des modes non juridictionnels de règlement des conflits collectifs du travail en France », in « Conciliation, médiation et arbitrage. Vers une régulation européenne des modes alternatifs du règlement des conflits (collectifs) du travail ? », Bruylant, 2011, pp.125-126 35 J-M. VERDIER, A. COEURET, M-A. SOURIAC, « Droit du travail », vol.1 Rapports collectifs, Dalloz 2009, pp. 303 et ss spéc. p. 313 36 Ces pratiques de médiations sont mises en œuvre par l’inspecteur du travail, par le Ministère du Travail nommant une figure respectée ou par un médiateur désigné par le Président du TGI : voir A. JEAMMAUD, « Conciliation, Médiation and Arbitration in (collective) labour disputes – Report for France », Etude pour la Commission européenne, p. 15 37 W. VAN EECKHOUTTE et V. NEUPREZ, « Compendium droit du travail 2007-2008 », pp. 1441-1442 38 Article 38 §2 de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives et les commissions paritaires. Il faut noter que l’avis du bureau de conciliation de la Commission paritaire ne lie pas les parties : G. COX, « Le règlement des conflits collectifs de travail en droit belge » in « Conciliation, médiation et arbitrage. Vers une régulation européenne des modes alternatifs du règlement des conflits (collectifs) du travail ? », ouvrage précité, p.97 16 © Valérie Collard, 2013 Tous droits réservés pour tous pays
  • 17. des parties, est régie aux articles 1530 à1535 du CPC. Les articles 1565 à 1568 du CPC traitent quant à eux de l’homologation de l’accord aux fins de le rendre exécutoire. On notera que les différends qui résultent d’un contrat de travail sont soumis, pour ce qui concerne la médiation conventionnelle, à un régime particulier. 39 En droit français, la question s’est longtemps posée de savoir si un accord collectif de travail pouvait contenir une clause de conciliation et de médiation qui impose le recours à ces techniques avant de porter le litige devant un juge. Dans un arrêt du 13 janvier 2010 la chambre sociale de la Cour de cassation a complété la construction du régime des clauses de conciliation et de médiation. 40 Elle a validé et confirmé le principe de l’effet d’une clause de conciliation, même lorsque celle-ci figure dans un accord collectif. En l’espèce, il s’agissait d’un accord collectif du personnel navigant commercial, conclu entre Air France et des organisations syndicales. La chambre sociale s’est donc alignée sur la position de la chambre mixte dans son arrêt du 14 février 2003. Depuis cet arrêt, la clause contractuelle qui prévoit une conciliation obligatoire préalable à la saisine du juge est analysée comme une fin de non-recevoir qui s’impose aux parties. Cette décision a consacré une nouvelle avancée en matière de portée et de force obligatoire des clauses contractuelles de médiation.7 Un revirement de jurisprudence provenant d’un arrêt récent de la chambre sociale du 5 décembre 2012 doit toutefois être précisé. Dans cet arrêt, la chambre sociale a énoncé le principe selon lequel, en raison de l’existence en matière prud’homale d’une procédure de conciliation préliminaire et obligatoire, la clause de conciliation préalable insérée dans un contrat de travail n’empêche pas les parties de saisir directement le juge prud’homal de leur différend. En Belgique, la loi du 21 février 2005 modifiant le Code Judiciaire a introduit une septième partie consacrée à la médiation (articles 1724 à 1737 du CJ). 41 Une distinction est établie entre trois types de médication : la médiation judiciaire et la médiation volontaire (toutes deux visées par le CJ) et la médiation libre (non visée par le CJ). Seul un médiateur agréé peut être désigné pour la médiation judiciaire et volontaire, à la différence de la médiation dite libre.42 Les articles 1730 à 1733 CJ visent la médiation volontaire et les articles 1734 à 1737 CJ concernent la médiation judiciaire. 39 L’ordonnance du 16 novembre 2011 n’a envisagé la médiation conventionnelle pour les différends qui s’élèvent à l’occasion d’un contrat de travail que lorsque ces différends sont transfrontaliers. En dehors de la saisine du juge, on admet que le droit commun des contrats s’applique. L’ordonnance n’a pas exclu le droit du travail du champ d’application de la médiation conventionnelle mais elle n’autorise pas le juge à homologuer l’accord issu de la médiation conventionnelle portant sur un différend né à l’occasion d’un contrat de travail. D’autres solutions existent toutefois telles qu’une homologation par un notaire ou une saisine du Conseil de prud’hommes en vue de réaffirmer l’accord devant le bureau de conciliation : voir B. BLOHORN-BRENNEUR, « La médiation pour tous », Médias et médiation, 2013, p.106 40 Cass. soc 13 janvier 2010, n° 08-18.202 41 P. DELVAUX de FENFFE, « La médiation en droit du travail », l’indicateur social, n°2, janvier 2011, pp.2 et ss. On notera que le législateur belge n’a pas défini ce qu’il faut entendre par « médiation ». Toutefois les travaux préparatoires de la loi du 21 février 2005 précisent qu’il s’agit d’un « processus de concertation entre parties désireuses d’y recourir sur une base volontaire » : P-P.RENSON, « La médiation civile et commerciale. Comment éviter les aléas, le coût et la durée d’un procès », Anthemis, 2010, p.15 L’auteur définit la médiation comme un « processus confidentiel et structuré de concertation volontaire entre parties entre lesquelles il existe un différend géré par un tiers neutre, indépendant et impartial, qui n’a aucun pouvoir juridictionnel et dont le rôle consiste avant tout à créer les conditions nécessaires pour (r)établir et faciliter la communication entre parties, mais aussi à conduire ces dernières à redéfinir leurs relations, entre autres, en les aidant à trouver elles-mêmes une ou plusieurs solutions au différend et à en sélectionner une. » 42 Une commission fédérale de médiation est chargée de désigner les médiateurs agréés. L’article 1726 du Code judiciaire fixe les conditions d’agrément. La médiation libre se distingue des autres en ce qu’elle ne bénéficie pas 17 © Valérie Collard, 2013 Tous droits réservés pour tous pays
  • 18. Il convient de remarquer que, selon la pratique belge, seuls les conflits individuels sont susceptibles d’être réglés par la médiation visée par le CJ. Les conflits collectifs du travail restent de la compétence des conciliateurs sociaux de la Commission paritaire compétente.43 Rien n’empêche pourtant de résoudre un conflit collectif par la voie de la médiation, mais tout au plus les acteurs traditionnels de la résolution des conflits collectifs ont-ils enrichi leur réflexion et leur méthode de travail par des outils propres à la médiation. 44 Section 3 : Les aspects nationaux des conflits liés aux conventions et accords collectifs On complètera l’analyse par une rapide description des règles applicables en matière de conflits liés aux conventions et accords collectifs dans les deux droits nationaux qui nous concernent plus particulièrement. En droit belge, les conflits en matière de conventions collectives sont assez peu fréquents. On se réfère à la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives et les commissions paritaires pour ce qui est des règles juridiques applicables aux conflits liés aux conventions et accords collectifs. Les principes applicables sont les suivants : - - l’article 4 dispose que les organisations représentatives peuvent ester en justice dans tous les litiges auxquels l’application de la loi donnerait lieu et pour la défense des droits que leurs membres puisent dans les conventions conclues par elles. Ce pouvoir des organisations ne porte pas atteinte aux droits des membres d’agir personnellement ou d’intervenir dans l’instance. 45 Les travailleurs et les employeurs, qu’ils soient membres ou non d’une organisation représentative signataire, peuvent également soumettre un litige né de l’application d’une convention collective au pouvoir judiciaire par application des règles normales d’introduction d’une action en justice46 ; la convention collective doit satisfaire à certaines conditions sous peine de nullité ; les commissions et sous-commissions paritaires ont pour mission de prévenir et de concilier tout litige entre employeurs et travailleurs 47 ; le juge dispose d’un pouvoir d’interprétation des conventions collectives. 48 d’une protection légale particulière et ne permet pas d’obtenir l’homologation judiciaire de l’accord conclu. Elle dépend donc de l’initiative et de l’accord exclusifs des parties : P-P. RENSON, « La médiation civile et commerciale. Comment éviter les aléas, le coût et la durée d’un procès », Anthemis, 2010, p. 18 43 P. DELVAUX de FENFFE, o.c., p. 5. Voir cependant l’article 1724 du Code Judiciaire qui prévoit que tout différend susceptible d’être réglé par transaction peut faire l’objet d’une médiation 44 M. GONDA, « Les spécificités de la médiation sociale » in « La médiation : voie d’avenir aux multiples facettes ou miroir aux alouettes ? », sous la coordination de P-P. RENSON, Anthemis, 2008, p. 126 45 L’article précise encore que des dommages et intérêts du chef de l’inexécution des obligations découlant d’une convention ne peuvent être réclamés aux organisations que dans la mesure où la convention le prévoit expressément 46 V. VANNES, « Questions approfondies de droit collectif du travail », Volume 1, Presses universitaires de Bruxelles, 6ème éd., 2011, p. 122, n°236 L’article 578, 3° du CJ est entendu dans un sens large et vise les contestations nées de l’application des conventions collectives de travail 47 Article 38 §2 de la loi du 5 décembre 1968 48 L’étendue du pouvoir d’interprétation du juge dépend de l’existence ou non d’un arrêté royal rendant la convention collective obligatoire. L’interprétation que le juge du fond donne d’une convention collective de travail qui n’a pas été rendue obligatoire est souveraine lorsqu’elle ne viole pas la foi due à cet acte: voir Cass. 28 décembre 1987 (juridat) 18 © Valérie Collard, 2013 Tous droits réservés pour tous pays
  • 19. En droit français, des règles et principes juridiques sont appliquées aux conflits liés aux conventions et accords collectifs. On distingue entre les difficultés d’interprétation des conventions et accords collectifs et les conflits liés à la violation des conventions et accords collectifs.49 S’y ajoutent les conflits liés à la violation des conditions de validité et de loyauté dans la formation des accords collectifs. A. Les difficultés d’interprétation Il existe en France plusieurs possibilités de résolution des difficultés d’interprétation des conventions et accords collectifs. - La conclusion d’un avenant Une difficulté d’interprétation d’une disposition conventionnelle peut être résolue par les parties signataires elles-mêmes en ayant recours à la conclusion d’un avenant. Cet avenant, signé par toutes les parties initiales, a un caractère impératif et s’impose de manière rétroactive, même au juge.50 - Une procédure ad hoc prévue Les conventions et accords collectifs peuvent établir une procédure ad hoc dans le but d’assurer le traitement des questions d’interprétation qui sont susceptibles de se poser. Deux situations peuvent alors se présenter lors de l’intervention de la commission d’interprétation. Si la convention ou l’accord collectif prévoit que l’avis de la commission d’interprétation aura la même valeur que le contrat collectif, le juge doit surseoir à statuer le temps que la commission se prononce et l’avis rendu s’imposera à lui. A défaut, la saisine immédiate du juge reste possible et l’avis de la commission d’interprétation ne le liera pas, bien qu’il puisse s’y rallier. L’avis ne lie pas non plus employeurs et salariés. En droit français, les commissions paritaires d’interprétation peuvent être mise en place sur une base purement volontaire des négociateurs ou par obligation légale. 51 L’étendue des pouvoirs conférés à la commission relève de la libre appréciation des négociateurs. Comme nous venons de le voir, les avis peuvent être dépourvus de valeur contraignante et se limiter à un guide d’interprétation ou au contraire constituer de véritables avenants qui s’incorporent à la convention ou l’accord collectif.52 Pour le sujet qui nous concerne, la question de l’admission d’une procédure de conciliation ou d’interprétation comme préalable obligatoire à la saisine du juge en cas de différend en matière d’interprétation ou d’application de la convention ou de l’accord collectif relève un intérêt particulier. Cette question particulière n’a semble-t-il pas encore été tranchée par la chambre sociale, bien qu’elle ait admis la validité d’une clause insérée dans un accord collectif. La question se pose surtout dans l’hypothèse où les signataires ont prévu que l’avis de la commission doit avoir valeur d’avenant 49 B. TEYSSIE, « Droit du travail. Relations collectives », LexisNexis, 8ème édition, 2012, pp. 765 -770 Cass. soc. 1er déc.1998, Cass. soc. 31 mai 2000, Cass. soc. 5 déc. 2001 51 La loi impose la mise en place de commissions paritaires d’interprétation au niveau des branches et au niveau interprofessionnel (art. 2232-4 et 2233-9 du Code du travail). Le rapport de Virville de 2004 a suggéré de rendre obligatoire la mise en place de commission d’interprétation aux niveaux des groupes et de l’entreprise 52 Lamy Négociation collective, Droit et pratique, 2013, n°550 50 19 © Valérie Collard, 2013 Tous droits réservés pour tous pays
  • 20. interprétatif qui s’impose au juge. La clause reviendrait alors à empêcher le recours au juge, ce qui ne peut raisonnablement être admis. 53 - Intervention du juge En tant qu’elle/il constitue un contrat de droit privé, conformément à la théorie de la dualité des conventions et accords collectifs 54, la convention ou l’accord collectif relève de la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire. Ainsi, les difficultés nées de l’exécution des conventions et accords collectifs (qui peuvent être des problèmes d’interprétation) rentrent dans le champ de la compétence du conseil de prud’hommes si elles donnent naissance à un litige d’ordre individuel. Dans le cas où la demande est introduite par un salarié à son seul profit, le litige conservera un caractère individuel, et ce bien que la difficulté soulevée soit susceptible d’intéresser tous les travailleurs soumis à la convention ou l’accord. Le juge prud’homal est compétent pour connaître de l’interprétation d’une convention ou d’un accord qui est nécessaire à la solution d’un litige lié au contrat de travail. Ces difficultés d’exécution rentrent dans le champ de compétences du tribunal de grande instance si le litige présente un caractère collectif. L’interprétation retenue par le juge du fond est soumise au contrôle de la Cour de Cassation. Cette solution résulte de l’autre nature, à savoir la nature réglementaire de la convention et l’accord collectif. B. La violation des conditions de validité et de loyauté dans la formation des accords collectifs M-L. MORIN relève que le contentieux en matière de négociation collective proprement dite n’est pas important dans le système français en termes de volume. Les situations les plus fréquentes sont celles où un syndicat non-signataire conteste la validité de l’accord en critiquant les conditions de sa négociation. 55 Les contestations concernent le non-respect des conditions de validité de l’accord collectif. Il peut s’agir des conditions de régularité de la négociation56ou de la loyauté de la négociation collective. 57 Ce contentieux tend à l’annulation de l’accord collectif comme sanction des règles de la négociation.58 53 Voir M-L. MORIN, « Le dualisme de la négociation collective à l’épreuve de réformes : validité et loyauté de la négociation et interprétation de l’accord », Droit social, 2008, spéc. p. 33 54 Selon la théorie de la dualité, la nature juridique de la convention ou de l’accord collectif comporte à la fois un aspect contractuel et un aspect réglementaire (loi de la profession). Sur la dualité, voir N. DAUXERRE, « Le rôle de l’accord collectif dans la production de la norme sociale », Presses Universitaires d’Aix-Marseille, pp. 155 et ss. 55 M-L. MORIN, o.c., p. 26 56 On vise notamment la qualité des acteurs, la participation de tous les acteurs nécessaires et les conditions de majorité pour la signature de l’accord. 57 Il s’agit notamment de l’interdiction de décisions unilatérales pendant le cours de la négociation et de l’interdiction de négociations séparées et la procédure de signature des accords collectifs 58 La nullité de l’accord collectif peut être demandée en cas de défaut de qualité des signataires, de non-respect des procédures de négociation, de non-respect des conditions de forme ou de fond, et de violation de l’ordre public ou du principe de faveur (Lamy Négociation collective, Droit et pratique, 2013, n°580) 20 © Valérie Collard, 2013 Tous droits réservés pour tous pays
  • 21. C. La violation des conventions et accords collectifs La violation des clauses d’un contrat collectif peut donner lieu à la mise en œuvre d’actions civiles, de nature collective ou individuelle, prévues aux articles L 2262-9 à L 2262-12 du Code du Travail. L’action civile tend à obtenir -à l’encontre des organisations ou groupement, ainsi que leurs membres ou toute autre personne liée par la convention ou l’accord collectif et méconnaissant les engagements souscrits- l’exécution des engagements contractés et le cas échéant des dommages et intérêts pour nonrespect de la convention ou de l’accord collectif. - Actions collectives L’action collective peut être exercée en leur nom par un groupement professionnel lié par une convention ou un accord et ayant la capacité d’ester en justice pour méconnaissances des engagements souscrits. Cette action est en principe introduite devant le tribunal de grande instance. Une action collective peut également être exercée en raison de l’atteinte portée à l’intérêt collectif de la profession. 59 - Actions individuelles Il peut y avoir exercice individuel d’une action individuelle. Dans ce cas, l’action en justice est personnellement exercée par celui qui est victime de la méconnaissance d’une convention ou d’un accord collectif. Il peut également y avoir exercice collectif d’une action individuelle par les organisations ou groupements ayant la capacité d’ester en justice et dont les membres sont liés par la convention ou l’accord collectif de travail. Il suffit que l’intéressé ait été averti et n’ait pas déclaré s’opposer à cette initiative. Cependant, le travailleur est toujours en droit d’intervenir à l’instance engagée. Une organisation ou un groupement pourvu de la capacité d’ester en justice peut, par ailleurs, intervenir en cours d’instance en raison de l’intérêt collectif que la solution du litige est susceptible de représenter pour ses membres liés par la convention ou l’accord. 59 La jurisprudence considère que le défaut d’application du contrat collectif cause « nécessairement un préjudice à l’intérêt collectif de la profession » (voir Cass. soc. 3 mai 2007, Cass. soc.16 janv.2008 ; Cass . soc. 30 nov. 2010). Il s’agit d’une action sur le fondement de l’article 2132-3 du Code du Travail qui dispose que « les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent » 21 © Valérie Collard, 2013 Tous droits réservés pour tous pays
  • 22. Deuxième partie La résolution des conflits liés à la négociation collective transnationale de dimension européenne : l’intérêt grandissant pour les techniques alternatives de résolution des conflits, vers quelle médiation sociale européenne? La deuxième partie a pour but d’envisager le rôle de la médiation dans les conflits liés à la négociation collective transnationale. Il s’agit à cette occasion de réfléchir à la médiation à laquelle on pourrait recourir -en théorie et en pratique-, ce qui nous conduira à examiner l’éventuelle nécessité d’une médiation sociale européenne. Section 1 : Le rôle de la médiation dans le règlement des conflits liés à la négociation collective transnationale Nous avons voulu nous interroger sur le rôle qui peut revenir à la médiation dans le règlement des conflits liés à la négociation collective transnationale. Dans cette optique, il semble utile de s’intéresser à l’ensemble des techniques alternatives de résolution des conflits pour déterminer l’intérêt propre à la médiation. Comme nous l’avons vu, l’idée d’un règlement extrajudiciaire des conflits en matière de négociation collective transnationale s’affirme peu à peu dans les études et les travaux récents. Il faut remarquer que le mouvement des modes alternatifs de règlement des conflits est apparu en réaction au mode juridictionnel étatique estimé légaliste, procédurier, trop lent et difficilement accessible au citoyen. En réponse à ces déficiences, plusieurs techniques ont été mobilisées dont principalement la négociation, la conciliation, la médiation et l’arbitrage.60 On observe que les relations du travail n’échappent pas à ce mouvement. 61 Précisons d’emblée que la question de la résolution des conflits liés à la négociation collective transnationale, en particulier de dimension européenne, ne fait l’objet d’aucune réglementation à ce jour. De manière plus générale, comme le souligne J-M SERVAIS, les conflits de travail d’ordre privé qui dépassent les frontières d’un Etat n’ont pas reçu à ce jour de véritable réponse d’un point de vue juridique à l’échelle européenne au autrement transnationale. 62 60 J. DESMARAIS, « Les modes alternatifs de règlement des conflits en droit du travail » in « Médiation et modes alternatifs de règlement des conflits : aspects nationaux et internationaux », Association Henri CAPITANT sous la direction de J-L. BAUDOIN, Ed. Yvon Blais, 1997, p.71 61 Voir notamment en droit belge M. GONDA, « Les spécificités de la médiation sociale », o.c., pp.125 et ss. ; P. DELVAUX de FENFFE, P. VAN LEYNSEELE, E. ROEGIERS, « La médiation et l’arbitrage en droit du travail », Kluwer, 2011. En droit français, voir M. BOURRY d’ANTIN, G. PLUYETTE, S. BENSIMON, « Médiation sociale » in « Art et techniques de la médiation », Litec, 2004, pp. 369 et ss. 62 J-M. SERVAIS, « Médiation et autres modes de règlement pacifique des conflits de travail : une interface » in « Conciliation, médiation et arbitrage : vers une régulation européenne des modes alternatifs du règlement des conflits (collectifs) du travail » sous la direction de M. Rigaux et P. Humblet, Bruylant, Bruxelles, 2011, p. 227 22 © Valérie Collard, 2013 Tous droits réservés pour tous pays
  • 23. On ne peut, par conséquent, à proprement parler de modes « alternatifs » de règlement des conflits dans ce domaine, mais plutôt de modes « extrajudiciaires » ou encore « para-juridictionnels » 63de règlement des conflits. A. Le recours au processus de médiation 1. Les conflits liés à la négociation collective transnationale Tout d’abord se pose la question de la nature des conflits que l’on entend résoudre aux moyens des techniques de résolution des conflits et de la médiation en particulier. En l’absence de réglementation, le choix de résolution des conflits sera en principe laissé aux parties, sauf exceptions. 64 Le conflit peut apparaître entre les parties lors de la phase de discussions de la négociation collective transnationale, soit avant sa signature. On peut également viser le règlement d’un différend apparu postérieurement à la signature de l’accord. Il s’agit de résoudre des difficultés d’interprétation d’un accord issu de la négociation collective transnationale. Il peut également s’agir de résoudre un conflit né de la négociation collective transnationale, qu’il s’agisse de sa violation par les parties signataires ou toutes autres personnes ou groupements liés par celle-ci ou d’une demande d’exécution ou d’indemnisation pour non-respect des dispositions de l’accord par toute personne pouvant se prévaloir de cet accord. Les conflits apparaissant entre les parties signataires dans le cadre d’un accord européen définissant une procédure propre en matière de règlement des conflits ne devrait pas susciter de difficultés. Toutefois, on peut se demander s’il est possible de transposer la distinction opérée traditionnellement en matière de négociation collective entre partie obligatoire et partie normative de l’accord. 65 Les conflits portant sur la partie obligatoire viseraient les seules parties signataires, tandis que les conflits sur la partie normative concerneraient toutes les personnes susceptibles d’être visées par les dispositions énoncées dans l’accord. En réalité, en l’absence actuelle d’une réglementation européenne prévoyant le statut de la négociation collective transnationale, l’opportunité de cette distinction n’est pas évidente. Les accords sont aujourd’hui tout au plus des contrats de droit privé, sauf s’ils sont mis en œuvre par directive (ils bénéficient alors d’un effet erga omnes) et les cas exceptionnels où ils pourraient être qualifiés d’accords collectifs en droit interne. Par ailleurs, des conflits plus spécifiques à la négociation collective transnationale sont susceptibles d’apparaître. On pense, d’une part, au statut juridique incertain des accords qui peut être sujet à contentieux 66et d’autre part, aux conflits liés à la « nationalisation » de l’accord en raison des applications très diversifiées d’un pays à l’autre. 63 Cette expression est utilisée par I. DAUGAREILH à propos des mécanismes prévus dans les organisations internationales, voir « Les modes de règlement para-juridictionnels des différends relatifs aux droits sociaux dans les organisations internationales » in « Justice et mondialisation en droit du travail », Dalloz, 2010, pp. 235 et ss. 64 On pense aux règles nationales qui peuvent s’appliquer si l’accord est qualifié d’accord collectif en droit interne. Il peut également y avoir une évolution des règles du droit international privé. 65 Voir les articles L 2262-1 et ss. du Code du Travail 66 Dans ce sens, voir S. LEONARDI, o.c., p.28 23 © Valérie Collard, 2013 Tous droits réservés pour tous pays
  • 24. 2. Bilan des expériences de gestion et de résolution des conflits en matière de négociation collective transnationale Quel bilan peut-on tirer des expériences de gestion et de résolution des conflits en matière de négociation collective transnationale? Le site de la Commission européenne contient une base de données qui reprend les textes issus du dialogue social européen et de la négociation transnationale d’entreprise. Il conviendrait d’effectuer un examen de l’ensemble des textes existants afin d’évaluer si la médiation a déjà été prévue dans certains de ces textes. Cependant, cette exploration dépasserait les limites de cette étude. En outre, l’intérêt pour les méthodes alternatives de résolution des conflits dans ce domaine est récent et il n’est pas sûr qu’il existe de nombreux accords contenant des dispositions dans ce sens. On peut alors se référer aux observations sur la mise en œuvre et le suivi des accords européens et transnationaux. On admet que les procédures de mise en œuvre autonome et de suivi n’en sont qu’à leur début, même si les dispositifs se perfectionnent peu à peu. En réalité, la question du suivi des accords fait l’objet de vives critiques en l’absence le plus souvent de caractère contraignant des textes adoptés. Dans les accords d’entreprise internationaux (ACI), on retrouve néanmoins des procédures de règlement interne des différends afin d’assurer le suivi des engagements volontairement assumés par les entreprises (mécanismes paritaires accordant un rôle aux représentants des travailleurs et procédures de plaintes). 67 On se rapproche a priori plus de la conciliation que de la médiation lorsque des comités ad hoc ou l’intervention du comité d’entreprise européen sont prévus. 68 Ces expériences présentent donc une similarité avec les procédures de droit interne en matière de négociation collective (voir les commissions de conciliation et d’interprétation dans le système français). Cependant, le recours à un organe d’arbitrage est parfois prévu. 69 Le recours à la médiation devrait néanmoins être encouragé à côté des autres procédures car il participerait du même esprit de recherche d’une solution souple au conflit. L’avantage de cette méthode serait que les parties trouvent elles-mêmes la solution à leur conflit en toute confidentialité. L’absence actuelle de règlementation justifie d’autant plus le recours à la médiation compte tenu des incertitudes quant à l’application des règles de droit international privé. 67 Sur les accords-cadres internationaux (ACI) voir R-C. DROUIN, « Procédures de règlement interne des différends de droit du travail dans l’entreprise multinationale » in « Justice et mondialisation en droit du travail. Du rôle du juge aux conflits alternatifs», Dalloz, 2010, pp. 185 et ss. L’auteur indique que certains accordscadres prévoient laconiquement que « tout problème, ou difficulté, concernant l’interprétation ou la mise en œuvre de l’accord-cadre sera examiné conjointement ». Le traitement des plaintes est confié soit à un groupe conjoint composé de représentants de salariés et de l’entreprise, soit aux dirigeants de l’entreprise 68 Pour le suivi et la mise en œuvre des accords européens, les fédérations syndicales européennes et les comités d’entreprise européens ont un rôle privilégié : I. DAUGAREILH, « Le dialogue social dans les instances transnationales d’entreprises européennes » in Liaisons sociales Europe, supplément « La négociation collective transnationale », décembre 2012, p.18 69 R-C. DROUIN, o.c., p. 194. L’auteur évoque l’accord conclu entre IBB et Skanska qui prévoit que s’il est impossible pour les parties de s’entendre sur l’interprétation ou l’application de l’accord au sein du groupe de surveillance responsable de la mise en œuvre de l’accord, un litige pourra être soumis à un organe d’arbitrage composé de deux membres et d’un président indépendant. Les décisions de cet organe lient les parties. On notera que le recours à un tribunal arbitral reste exceptionnel. 24 © Valérie Collard, 2013 Tous droits réservés pour tous pays
  • 25. 3. Principes théoriques sur l’utilisation de la médiation en matière de négociation collective transnationale Le recours à la médiation s’est intensifié ces dernières années en Europe sous l’influence de la directive européenne qui a joué un rôle d’impulsion pour le développement de cette technique alternative de résolution des conflits dans les Etats membres. Bien qu’il existe une certaine résistance en France dans le domaine social pour les conflits individuels du travail réglé par la médiation conventionnelle, la médiation devrait continuer à se développer dans les Etats membres, notamment grâce à l’influence positive des juges à l’égard de la médiation judiciaire. Un séminaire d’experts, qui s’est tenu à Paris les 17 et 18 septembre 2009 dans le cadre du Forum pour la régulation de l’Europe sociale (REGES Forum), s’est penché sur les modes alternatifs de règlement des conflits collectifs du travail en Europe. Il a révélé l’utilisation conséquente des techniques de la conciliation, de la médiation et de l’arbitrage pour la résolution des conflits collectifs du travail. 70 La plupart des Etats disposent en effet de mécanismes de résolution des conflits sociaux dont les principales formes sont l’arbitrage, la médiation et la conciliation souvent combinées entre elles. Généralement, la médiation s’intercale entre la conciliation et l’arbitrage. 71 Ce constat est prometteur pour envisager le recours aux modes alternatifs de règlement des conflits, et en particulier de la médiation, pour les différends résultant de la négociation collective transnationale. Stefan CLAUWAERT considère que la construction, lente mais néanmoins régulière, d’un réel système européen de relations professionnelles conduit à se demander si le moment ne serait pas venu de réfléchir et d’opérer pour la mise en place d’un système européen de règlement alternatif des conflits (collectifs) du travail. A cet égard, il convient de voir le rôle que les partenaires sociaux européens pourraient -ou devraient- jouer dans la procédure judiciaire au sein de la CJCE, surtout quand les affaires concernées impliquent des accords-cadres qu’ils ont négociés.72 M-A. MOREAU souligne quant à elle que « le développement des normes privées et de l’autorégulation dans les entreprises transnationales montre la nécessité de trouver des modes de résolution alternatifs (…) On voit sans aucun doute apparaître la nécessité de créer des règles de procédures, des modes originaux de plaintes, des commissions ad hoc de règlement des conflits, qui correspondent au cadre juridique ou institutionnel d’élaboration de la norme à appliquer, et qui puissent contraindre l’employeur, en tant qu’entreprise multinationale, à respecter ses engagements au niveau local ou au niveau transnational ». 73 Sur le plan des principes, rien n’empêche de recourir à la médiation pour résoudre des difficultés ou de véritables conflits liés à la négociation collective transnationale de dimension européenne. 70 L’ouvrage précité « Conciliation, médiation et arbitrage. Vers une régulation européenne des modes alternatifs du règlement des conflits (collectifs) du travail» reprend les interventions dans le cadre de ce séminaire 71 J-P. TRICOIT, « La médiation dans les relations de travail », LGDJ, 2008, p. 92 72 S. CLAUWAERT, article précité, pp.65-66 73 M-A. MOREAU, « Mondialisation et justice : les enjeux théoriques des conflits sociaux transnationaux », in « Justice et mondialisation en droit du travail. Du rôle du juge aux conflits alternatifs», Dalloz, 2010, p.11 25 © Valérie Collard, 2013 Tous droits réservés pour tous pays
  • 26. La nature juridique controversée des textes issus de cette négociation peut-elle être un obstacle à la médiation ? La qualification juridique des résultats issus de la négociation collective transnationale suscite des interrogations en l’absence actuelle de réglementation européenne, à l’exception des accords européens transformés en directive. L’accord peut être interprété comme un contrat de droit privé entre les différents partenaires sociaux. A défaut d’intention des parties de se lier juridiquement, il s’agira de « soft law » à la portée juridique variable. Des litiges peuvent également naître d’actes de « soft law », a fortiori s’il s’agit de déterminer la portée juridique des engagements souscrits. On peut envisager l’élargissement du recours à la médiation pour l’ensemble des textes issus de la négociation collective transnationale de dimension européenne, pourvu bien entendu que les parties soient d’accord d’y recourir (caractère volontaire de la médiation). De manière exceptionnelle, la négociation collective transnationale d’entreprise revêt la forme d’un accord collectif en droit national. La négociation collective transnationale peut également avoir fait l’objet d’une mise en œuvre nationale et il convient alors d’avoir égard à l’instrument utilisé (loi, convention collective ou autre). Selon le cas, il s’agira d’une médiation nationale ou internationale en fonction de la présence ou non d’un élément d’extranéité. A défaut de règlementation spécifique, on se réfèrera au cadre et aux principes juridiques existants. a) Médiation nationale La médiation peut être considérée comme « nationale » si les parties en conflit sont établies dans le même pays. Soulignons que les organisations de partenaires sociaux européens du niveau interprofessionnel et sectoriel, qui peuvent être signataires des accords, sont pour la plupart établies à Bruxelles en Belgique. Pour tous les litiges, il convient cependant d’avoir égard aux circonstances de l’espèce (lieu du domicile ou du siège social, loi applicable, clause attributive de juridictions). Il est nécessaire de se rapporter à la législation et aux principes juridiques applicables dans le pays concerné. b) Médiation internationale et/ou litiges transfrontaliers La première question qui se pose en présence d’un élément d’extranéité est de déterminer s’il s’agit d’un litige transfrontalier. La médiation en matière de négociation collective transnationale est alors susceptible de rentrer dans le champ d’application de la directive 2008/52/CE du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation civile et commerciale. 74 La directive a vocation à s’appliquer à toute médiation dans les matières civiles et commerciales. A priori un litige concernant un accord résultant de la négociation collective transnationale pourrait être visé (la directive ne définit pas ce qu’il faut entendre par « matière civile et commerciale »). La directive ne s’applique toutefois qu’aux litiges transfrontaliers, c’est-à-dire aux litiges dans lesquels une des parties au moins est domiciliée ou a sa résidence habituelle dans un Etat membre différent de l’Etat membre de toute autre partie. Les litiges en matière de négociation collective transnationale peuvent constituer des litiges transfrontaliers de par l’implication de différents acteurs pouvant avoir 74 Directive du Conseil du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matières civile et commerciale publiée au JO du 21 mai 2008 26 © Valérie Collard, 2013 Tous droits réservés pour tous pays
  • 27. leur domicile ou leur résidence habituelle dans des Etats différents (syndicats nationaux, fédérations européennes et internationales). Si la directive s’applique, il conviendra de respecter les règles prévues par celle-ci particulièrement pour ce qui concerne l’homologation et les délais de prescription. Par ailleurs, il s’agira d’une médiation internationale si l’on admet que le conflit présente des aspects internationaux, même si les parties sont du même pays notamment parce que l’évènement à l’origine du conflit peut provenir d’un autre pays. Une médiation internationale peut être envisagée sous deux formes. 75 Il peut s’agir d’une médiation institutionnelle engagée par les parties conjointement ou sur l’initiative de l’une d’entre elles avec l’appui d’un centre ou d’une institution de médiation (ex. CCI, CMAP, IEAM). Dans cette hypothèse, les parties peuvent s’en remettre au centre ou à l’institution pour la gestion de la procédure et le choix du médiateur. Il peut également s’agir d’une médiation ad hoc organisée par les parties elles-mêmes avec l’appui de leurs conseils. Dans ce cas, les parties décident de ne pas avoir recours au centre ou à l’institution de médiation. Un accord préalable pourra être établi entre le médiateur et les parties pour préciser les règles à suivre lors de la procédure. Les aspects de droit international privé devront être envisagés. Comme le relève S. TANDEAU de MARSAC des questions peuvent résulter des litiges transfrontaliers, et notamment celles de savoir : - si la loi applicable au contrat admet la médiation comme mode alternatif de résolution des conflits ; si les parties ont la capacité de consentir à une médiation (mandat) ; le lieu de la médiation ; la langue des débats ; le tribunal compétent pour homologuer l’accord et désigner le cas échéant le médiateur ; l’exequatur de l’accord obtenu et sa portée ; les conséquences fiscales de l’accord pour les parties et le médiateur ; le lieu d’exécution forcée éventuelle de l’accord. Ces aspects devraient être précisés dans l’accord préalable de médiation. B. Le recours à d’autres méthodes alternatives de résolution des conflits Il existe aujourd’hui une variété de méthodes alternatives de résolution des conflits (en abrégé MARC). Deux d’entre elles semblent plus adaptées dans une réflexion sur la négociation collective transnationale, à savoir la conciliation et l’arbitrage. 1. La conciliation Les termes médiation et conciliation sont souvent confondus. Cette confusion peut être accentuée par le fait que ces deux processus sont généralement abordés ensemble. Rappelons en effet que le livre V du CPC français traite des modes amiables de résolution des conflits. L’article 1530 du CPC vise tant la médiation que la conciliation conventionnelle.76 De plus, la jurisprudence de la Cour de Cassation 75 S. TANDEAU de MARSAC, « La médiation internationale » in « La médiation », Dalloz, 2009, pp. 50 et ss. L’article 1530 du CPC définit la médiation et la conciliation conventionnelle comme un « processus structuré par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord, en dehors de toute procédure judiciaire, en 76 27 © Valérie Collard, 2013 Tous droits réservés pour tous pays
  • 28. française traite des clauses préalables de conciliation, mais les principes définis s’appliquent également aux clauses de médiation. Rappelons que de telles clauses insérées dans un contrat prévoient l’obligation contractuelle pour les parties d’entamer une conciliation ou une médiation préalablement à toute instance judiciaire. En réalité, la conciliation ne correspond pas vraiment à un concept spécifique, à la différence de la médiation. On vise ici la conciliation qui intervient en dehors du cadre judiciaire.77 La conciliation consiste en principe en l’interposition d’un tiers entre les parties en litige, mais elle peut aussi avoir lieu entre les parties seules. 78 On admet que le conciliateur peut avoir un rôle plus actif que le médiateur dans le processus de règlement amiable, notamment par la suggestion de différentes solutions aux parties en litige. Par ailleurs, à la différence de la médiation, la conciliation n’est pas confidentielle par nature.79 Les expériences en matière de conflits du travail se rapprochent davantage de la technique de conciliation. Le monde du travail fait appel depuis longtemps à la conciliation pour favoriser le règlement des conflits collectifs.80 Le système belge dispose ainsi d’une longue tradition de conciliation pour résoudre les conflits collectifs. On retrouve par ailleurs des commissions de conciliation et d’interprétation pour les conflits relatifs à la négociation collective dans le système français. Les mécanismes de suivi prévus dans les accords de négociation collective transnationale semblent également s’inscrire dans une idée de conciliation, bien que les procédures varient d’un accord à l’autre. Cependant, la médiation imprègne chaque jour un peu plus les relations du travail et la négociation collective transnationale peut s’inscrire dans cette évolution. 81 On sait que la médiation, dans son approche « humaniste » 82 se distingue par la volonté d’aller au plus près du conflit relationnel, le rétablissement de la relation et l’apaisement du conflit entre les parties étant au cœur du processus. Dès lors, cette technique peut-elle s’adapter à la négociation collective qui ne requiert pas nécessairement une démarche humaniste ? Toutefois, on retrouve d’autres approches de la médiation axées sur le processus de négociation. La théorie de la négociation raisonnée83 issue de de l’école de Harvard constitue ainsi un autre outil à la disposition du médiateur qui peut s’adapter à la matière de la négociation collective. Indépendamment de l’approche choisie, l’attrait de la médiation se justifie compte tenu des liens spécifiques qui existent entre les parties dans la démarche d’une négociation collective. Le maintien de bonnes relations à long terme peut s’avérer essentiel pour l’ensemble des parties. vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers choisi par elles qui accomplit sa mission avec impartialité, compétence et diligence » 77 Il faut mentionner que le préalable de conciliation est obligatoire pour les conflits du travail portés devant Conseil de prud’hommes en France et les tribunaux du travail en Belgique 78 T. GARBY, « La gestion des conflits », Economica, 2004, p. 38 ; J. CRUYPLANTS, M. GONDA, M. WAGEMANS, o.c., p.33 79 P-P. RENSON, o.c., p. 15 80 J. DESMARAIS, o.c., p. 71 81 Voir l’article L 1152-6 du code du travail français qui prévoit une procédure de médiation en cas de harcèlement moral au travail 82 On vise notamment l’approche de Carl ROGERS, grande figure de la psychologie humaniste 83 Voir notamment R. FISCHER et W.URY, « Getting to yes: Negotiating Agreement Without Giving in», Penguin Books, 1991. Pour la version française : R. FISHER et W. URY, « Comment réussir une négociation», Seuil, 1994 28 © Valérie Collard, 2013 Tous droits réservés pour tous pays
  • 29. Pour finir, rappelons que la directive vise indistinctement médiation et conciliation et que la dénomination peut ne pas être déterminante dès lors que la volonté est avant tout de mettre en œuvre un processus de résolution amiable d’un différend avec l’aide d’un tiers neutre et impartial, dans le respect de la confidentialité. 2. L’arbitrage L’arbitrage est aujourd’hui un instrument usuel de la gestion des conflits. Il est né du désir de certaines entreprises d’éviter que leur litige soit soumis aux tribunaux.84 L’arbitrage est un mode alternatif de résolution des conflits qui implique l’intervention d’un tiers appelé arbitre dont le rôle consiste à juger le différend qui lui est soumis. L’arbitre dispose donc d’un pouvoir décisionnel dont ne dispose pas le médiateur qui doit rester neutre et impartial par rapport au litige. 85 On se rappellera que le droit français a prévu une procédure d’arbitrage pour la résolution des conflits collectifs du travail. Aussi, l’arbitrage peut-il être un instrument de résolution des litiges transnationaux du travail ? C’est la question à laquelle s’est intéressée E. LOQUIN dans le contexte actuel de la mondialisation des relations de travail qui concerne plus particulièrement les groupes internationaux. 86 L’auteur constate l’apparition de nouvelles règles matérielles internationales qui échappent à la création normative des Etats et qui pourraient être amenées selon une vision optimiste à former une lex laboris transnationale. 87 Selon lui, ce phénomène ne peut laisser indifférents les spécialistes de l’arbitrage international et a fortiori ceux qui considèrent que l’arbitrage international constitue un vecteur privilégié de la création et de l’application de règles matérielles internationales dont les sources peuvent être très diverses. 88 Il serait alors possible de considérer que l’arbitrage peut contribuer à révéler une lex laboris posant les prémisses d’un droit transnational du travail. Cependant, cette perspective n’est pas évidente si l’on tient compte des obstacles à son utilisation. D’abord, le droit du travail est en général rebelle à l’arbitrage.89 Ensuite, le droit de l’arbitrage international a été construit pour juger des litiges économiques et commerciaux. Si l’arbitrage commercial s’est fortement développé, il n’est pas certain que cette méthode de règlement des conflits connaîtra le même succès pour les litiges transnationaux du travail. R-C DROUIN considère néanmoins que l’intégration généralisée d’une clause compromissoire dans le texte des accords-cadres internationaux (ACI) constituerait fort probablement le mécanisme de 84 T. GARBY, o.c., p. 127-128 P-P.RENSON, o.c., 15 86 E. LOQUIN, « L’arbitrage comme instrument d’application des droits sociaux fondamentaux » in « Justice et mondialisation en droit du travail. Du rôle du juge aux conflits alternatifs » sous la direction de M-A. MOREAU, H. MUIR WATT et P. RODIERE, Dalloz, 2010, pp. 223 et ss. 87 On vise les normes nouvelles de droit du travail constituant une soft law interne à un groupe multinational, telles que les codes de bonne conduite ou les accords-cadres internationaux 88 E. LOQUIN, o.c., pp. 223-224 89 Voir notamment en droit belge l’article 9 §2 de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives et les commissions paritaires qui dispose que sont nulles les dispositions d’une convention collective qui confient le règlement de litiges individuels à des arbitres. Cette restriction ne vise pas le règlement de litiges qui pourraient naître entre les organisations. D’autre part, les matières relevant du tribunal du travail (578 à 583 du Code judiciaire) ne peuvent pas faire l’objet d’une convention d’arbitrage avant la naissance du litige. Les employeurs et les travailleurs ne peuvent s’engager à l’avance à soumettre leur litige à l’arbitrage par le biais d’une clause compromissoire 85 29 © Valérie Collard, 2013 Tous droits réservés pour tous pays
  • 30. résolution des différends le plus adapté dans le contexte des rapports transnationaux de travail. Pour lui, cette procédure permettrait l’adjudication d’une mésentente issue de la mise en œuvre d’un ACI par un arbitre ou un tribunal d’arbitrage indépendant et impartial, dont les décisions lieraient les parties. 90 L’intérêt des clauses d’arbitrage consiste en effet à soustraire un litige aux juridictions étatiques pour les confier à un tribunal arbitral, ce qui a vocation à satisfaire les entreprises dans un domaine où l’insécurité juridique demeure.91 En définitive, rien n’empêche de concevoir une procédure de résolution des conflits combinant médiation et arbitrage comme cela existe déjà dans la pratique de l’arbitrage en matière civile et commerciale (« med-arb » ou « arb-med »). Section 2 : Quelle médiation en pratique pour la résolution des conflits liés à la négociation collective transnationale ? Quelle médiation interviendrait pour la résolution des conflits liés à la négociation collective transnationale de dimension européenne ? On peut envisager, d’une part, le recours à une médiation conventionnelle ordinaire ou ad hoc et, d’autre part, le recours à une médiation spécifique à construire. Nous verrons que différentes options sont possibles pour l’organisation d’une médiation spécifique. A. Une médiation conventionnelle ordinaire ou ad hoc Selon nous, le recours à la médiation peut être intéressant pour tous les niveaux de la négociation collective transnationale de dimension européenne (soit, les niveaux interprofessionnel, sectoriel, et de l’entreprise), même si les discussions actuelles se concentrent sur les AET. La médiation présente l’avantage de préserver une relation durable entre les parties ce qui correspond bien à la matière de la négociation collective où les parties sont amenées à se voir régulièrement et à négocier ensemble la conclusion d’accords. Il s’agirait bien entendu ici d’une médiation conventionnelle ou ad hoc résultant de l’accord des parties. 92 On la conçoit avant tout pour les conflits entre les partenaires sociaux signataires. Mais elle pourrait le cas échéant intervenir pour tous litiges impliquant des personnes qui souhaitent se prévaloir des textes issus de la négociation transnationale de dimension européenne. 93 Le recours à la médiation pourrait être décidé à toutes les phases de la négociation collective transnationale en cas de divergence de vues entre les parties pour parvenir à une solution amiable au conflit (négociation, conclusion, exécution). Il pourrait donc s’agir d’une médiation large incluant la prévention et la résolution des conflits. 90 R-C. DROUIN, o. c., p. 198 Dans ce sens, voir C. MARZO, o.c., p. 217 92 Par médiation « ad hoc » on entend une médiation spécialement instituée pour les besoins concernés dont le déroulement résulte essentiellement de la volonté des parties 93 On pense surtout aux travailleurs, mais il peut aussi s’agir des employeurs. La question se pose toutefois de savoir si les travailleurs et les employeurs peuvent se prévaloir de la négociation collective transnationale à défaut de réglementation européenne (pas d’effet erga omnes), exception faite d’une mise en œuvre d’un accord européen par le biais d’une directive ou d’un accord européen ou transnational répondant aux conditions d’un accord collectif en droit interne 91 30 © Valérie Collard, 2013 Tous droits réservés pour tous pays