Présentation du roman de l'écrivain Jean Zaganiaris

1. Présentation réalisée par:
Mostafa Bouali
CRMEF-RABAT
Section: Langue française
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2. I- Entrée par le titre
Le Périple des hommes amoureux
Le périple
-Voyage d'exploration
maritime autour d'une
mer, d'un continent.
(Petit Robert)
-Terme de géographie
ancienne. Navigation
autour d'une mer, des
côtes d'un pays ;
-relation d'une
navigation de ce
genre.
(Le Littré)
des hommes
L’être humain en
général. (Le Littré)
c-à-d.
Homme/femme
(Le Littré)
amoureux
Qui éprouve de l'amour, qui
aime. ➙ épris
D’où l’expression
▫ Amoureux des onze mille, des
cent mille vierges, de toutes les
femmes
(Petit Robert)
Porté à l'amour (physique
surtout).➙ ardent, lascif,
voluptueux.
(Petit Robert)
Propre à l'amour, qui marque de
l'amour.
Qui concerne l'amour physique.
➙ sexuel.
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3. Ce titre marque une certaine intertextualité
*avec les titres d’ouvrages anciens:
-Le Périple d'Hannon (Hannon est navigateur carthaginois, vers 500
av. J.C.)
-Le Périple de la mer Erythrée. (L’auteur de ce texte est un grec
anonyme).
-Le périple de la mer noire, (par Arrien qui est un écrivain grec de
l'époque romaine)
*avec les titres d’ouvrages modernes:
-Le Périple de Baldassare (roman écrit par Amine Maalouf, publié en
2000)
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4. - Hypothèses de lecture:
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5. 2- Entrée par la forme:
- Le roman se présente sous forme de juxtaposition de 6 chapitres
et chaque chapitre englobe une série de sous chapitres
numérotés 1 , 2 , 3 … Dans la totalité nous avons 41 sous
chapitres:
A- Cette organisation se trouve en harmonie avec le sens que donne
Le Littré au mot périple: il s’agit de relater le vécu d’un ou de
plusieurs personnages lors d’un périple.
B- l’hypothèse de la variété de l’espace se confirme
*Le 1er sous chapitre s’ouvre sur le mot: « Casablanca » (c’est le
Maroc )
*Le 2ème sous chapitre sur le mot: « Athènes » (c’est la Grèce)
*Le 3ème sous chapitre sur le mot « Cannes » ( c’est la France)
 C’est l’espace de la méditerranée 5

6. C- Il s’agit d’une écriture moderne qui ne respecte pas les canevas
classiques de l’écriture romanesque:
 Elle ne se concentre pas sur un héros ou un personnage
principal pivot de la narration:
Tous les personnages sont des héros ou des personnages
principaux chacun à sa manière (on peut même parler dans ce
roman d’antihéros)

La narration passe de l’un à l’autre sans donner de privilège à l’un
d’entre eux.
 Le style se déplace du vulgaire au soutenu sans que le lecteur
sente une rupture:
 le vocabulaire vulgaire et familier ( pute, putain, baiser, cette
fille est une bombe…) renvoie d’un côté à la vie que mènent les
personnages et d’un autre côté à la thématique apparente du
roman.
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7. Le style soutenu marqué par l’usage des figures de style,
spécialement la métaphore et la comparaison, renvoie au statut
de personnages cultivés (aiment la musique, la littérature,
poursuivent des études supérieures)
 La narration épouse certains aspects classiques et d’autres
modernes:
Juxtaposition d’histoires et d’événements.
Changement de focalisation:
- « IL » omniscient
- « je » qui raconte sa propre histoire
 Changement dans la temporalité à travers l’analepse et le
regard rétrospectif .
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8. 3- Thématique de œuvre :
-Difficulté de saisir la thématique de ce roman:
l’auteur s’adresse directement au lecteur pour l’avertir par exemple:
* Il s’agit d’une thématique qui cache une autre:
 La thématique apparente nous laisse comprendre qu’il s’agit
d’un roman qui relate la vie d’un ensemble de personnages
qui mènent une vie de débauche, de plaisir et de soûlerie.
« Lectrice, lecteur, lectrans, ne vous laissez pas duper par les voix des personnages. Je
vous aurai prévenus… ne vous laissez pas duper non plus par les lieux, les
dates…(…) Vous savez, c’est un livre que vous avez sous les yeux, rien
d’autre… »p.27
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9. -La plupart des personnages vivent une liberté sexuelle sans
limites:
-leur vit se réduit à travailler, manger et passer du temps avec des
filles dans les boîtes de nuit.
-Leur comportement sexuel ne prend en considération aucune
morale religieuse, sociale ou autre.
L’auteur utilise la voix de l’un de ses personnages qui écrit un roman
pour critiquer le contenu de son propre roman qui exhibe, d’une
manière parfois obscène, des scènes sexuelles:
Et en empruntant toujours la voix de ce personnage, il nous explique sa
préférence en matière de l’écriture romanesque:
« (…)Fallait que je sorte de la culture porno bas de gamme si je voulais donner un
peu de saveur littéraire à mon roman. Je devais éviter le piège du machisme », p.31
« Je n’aime pas trop les romans où le sexe est caché, comme quelque chose de sale ou
d’honteux. J’avais offert une sacrée partie de jambes en l’air à mes amoureux (…)
mais le passage est à réécrire », p.31
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10.  Plusieurs thèmes se cachent derrière cette écriture axée sur la
vie sexuelle des personnages:
1- La notion de la liberté est à revoir:
- Les personnages de ce roman, hommes et femmes, vivent une
liberté totale:
 Sans lien réel avec la famille.
 Vivent en concubinage pendant plusieurs mois
 Rapports sexuels sans limites ni contraintes
 Chaque personnage peut quitter son partenaire à
n’importe quel moment.
 Multiplicité des relations sexuelles…
Cependant
Tous ces personnages se posent la même question:
« Qu’est-ce qu’on allait devenir? Qu’allions-nous faire de notre existence? Qu’est-ce
qui nous réchauffait le cœur », p.21
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11. - Ils prennent progressivement conscience que:
 La liberté totale annihile la liberté individuelle: exemple le
conjoint de Marie-Jo en la quittant a exercé sa liberté tout en
touchant profondément la liberté de sa femme.
 Ce genre de liberté sans entraves transforme l’être humain en
une sorte d’animal qui subit son instinct et ses pulsions d’une
manière mécanique:
 Ce genre de liberté fait perdre les repères aux personnages et la
vacuité les érode de l’intérieur:
« Ma vie n’était plus remplie que par ça. Le sexe. Le reste n’avait aucune importance
à mes yeux », p.25
« Ça me pèse de n’avoir personne à aimer, de n’avoir personne qui m’aime. Je me
sens comme un cerf-volant, à la recherche d’un peu de vent pour faire quelques tours
dans le ciel et qui finit toujours par retomber sur le sol », p.49 11

12. Le Périple des hommes amoureux devient alors: un récit initiatique
- Les personnages découvrent lentement que ce qu’il vivent n’est
pas la vie et qu’il sont en train de passer à côté de la vie.
- Que
« J’étais fatigué… fatigué de courir toujours après quelque chose qui n’existe pas »,
p.84.
« la vie est effrayante sans amour et sans espoir», p.120.
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13. 2- La faillite de l’institution du mariage:
Le Périple des hommes amoureux présente l’échec de l’institution
du mariage:
-L’idée du mariage est remplacée dans ce roman par:
• La relation libre de tout pacte légal.
• Les rencontres qui ne durent pas.
• Relation qui dure un certain temps.
-La critique de cette institution millénaire devient parfois acerbe et
sarcastique:
« Je hais ces filles qui vous tiennent des leçons de morale sur la fidélité et qui n’ont
rien à donner à leur mari au niveau sexuel. J’ai vécu vingt ans avec une femme pour
qui faire l’amour était un peu comme aller chez le dentiste se faire arracher une
dent», p.129.
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14. -Le personnage Marie-Jo est l’exemple de cet échec: son mari l’a
quittée depuis deux ans pour partir avec une jeune marocaine:
3- Combat entre Eros et Thanatos:
À la page 163 le narrateur personnage déclare:
-Ce combat se réalise tout d’abord au niveau du corps comme le
suggère Ghyslain CHARRON dans son ouvrage intitulé Le discours
et le Je: la théorie de Piera Aulagnier, (1979) :
« Deux ans que sa vie s’est arrêtée, comme ces jouets en peluche qui n’ont plus de
piles et qu’on laisse mourir dans un placard, remplacés par d’autres plus neufs et
plus à la mode», p.17.
« Pendant ce temps, Eros et Thanatos livraient une bataille sanglante dans mon âme»,
p.163.
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15. Le corps du personnage devient lieu de ce combat: dès l’incipit du
roman le combat et déjà déclaré:
• Le corps devient source de déplaisir exprimé par une
métamorphose imaginaire:
• Le combat se cristallise à travers la vision d’un ange qui échoue
à trouver un remède au désastre vécu par le personnage.
Ainsi
Le corps lieu et source de plaisir devient générateur de déplaisir, de
souffrance et de fatigue. D’où le désir de fuir le corps.
« J’étais une énorme larve visqueuse enfouie dans son cloaque, cramponnée à une
bouteille au liquide épais», p.7.
« L’ange voulait se pencher sur ce désastre, soigner les blessures et ressusciter les
morts, mais une tempête venant du Paradis l’a emporté vers l’avenir. D’énormes
gouttes de sang ont commencé à tomber du ciel», p.7.
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16. -ce combat se réalise aussi au niveau psychique:
L’analyse comportementale des personnages nous montre que
plusieurs d’entre eux vivent ce combat d’une manière aigue, voire
intenable.
d’où
Inclination au suicide
 Le roman nous montre l’échec du sentiment de l’amour:
presque tous les personnages ont vécu la même histoire
d’amour: le personnage tombe amoureux / l’être aimé le quitte.
Dès lors, la drogue, l’alcool et la sexualité avec n’importe quelle
femme deviennent une compensation de la frustration causée par
l’absence de l’être aimé.
Cette recherche de compensation n’aboutit pas et le personnage
s’achemine progressivement vers la recherche de ma mort.
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17. - L’exemple le plus frappant de l’intenable de ce combat entre
Eros et Thanatos est Marie-Jo:
 Son mari la quitte pour aller avec une jeune femme marocaine.
 Elle ne voyait plus devant elle que la mort: la mort se substitue
alors à l’amour et prend la place de son mari dans son cœur:
Et un peut plus loin la personnification de la mort continue:
Tout l’agir de ce personnage est canalisé par l’idée de la mort.
L'idée du suicide devient impérieuse:
« Elle pense à La Mort, avec ses cheveux multicolores. Le soir, elle s’endort en
sentant sa présence à ses côtés. C’est Elle qui la fait basculer dans le sommeil. Marie-
Jo écoute ses paroles lénifiantes. Elle sent ses bouts de lèvres qui réchauffent son
front glacé», p.19.
« Cette envie de mourir qui la caresse comme les doigts d’un homme», p.43.
« Elle s’imagine en train de tomber sur le sol. En finir avec tout ça. Comme un
coureur qui franchit la ligne d’arrivée. Elle voudrait cela, mais elle ne peut se décider
à agir», p.65.
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18. - Le combat entre Eros et Thanatos est à égalité: Marie-Jo
continue à vivre mais sa vie sera un long suicide:
-Le combat continue dans les profondeurs de l’âme de tous les
personnages de ce roman: parfois le Thanatos gagne et d’autres
fois c’est l’Eros qui triomphe en allumant le désir de la vie:
4- L’auteur androgyne:
A travers la voix du narrateur personnage qui essaie d’écrire un
roman, l’auteur nous précise que le roman bien écrit est celui qui
dépasse l’espace phallocratique pour s’intégrer dans un espace
féminin:
« La vie n’est qu’un long suicide que l’on effectue sans s’en rendre compte. Nos rêves
sont morts alors on compense par des trucs qui nous tuent », p.124.
« On ne t’enlèvera jamais ça, cette capacité d’avoir su résister et d’avoir
provisoirement gagné…Je dis bien provisoirement… »», p.146.
18« Je devais éviter le piège du machisme. Il fallait tuer l’écrivain en moi, notamment
l’écrivain masculin, pour me mettre vraiment à écrire en acceptant d’entrer dans un
devenir-femme», p.31.

19. -L’écriture phallocentrique ne dégage pas de saveur littéraire:
Seule la fusion avec l’autre sexe, c’est-à-dire le retour à l’être primordial, est
productrice de vie, de littérature et par conséquent du sens.
Ce désir d’androgyne est vécu sous forme d’une plénitude même si c’était dans
le rêve seulement:
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« Ses traits semblaient définitivement brisés, mais en même temps une certaine
flamme ressortait de ses yeux. J’ai été tout de suite sensible à sa vulnérabilité. Je
comprenais en la regardant que l’essentiel de l’écriture, et peut-être de la vie, se
trouvait dans l’intensité et dans la grâce de ce regard», p.33.
« Je me sentais vraiment touché par la grâce, dans ce petit matin brumeux. Je me
suis endormi dans le canapé, en me sentant délicieusement androgyne», p.147.

20. Conclusion:
Le Périple des hommes amoureux se termine sur une note d’espoir et
de soulagement
Il s’agit surtout dans ce roman de ce genre d’écriture thérapeutique
qui exorcise les démons et les obsessions de l’âme de l’être humain.
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« -Et maintenant, comment tu te sens?
- Mieux…Beaucoup mieux…Je te remercie. », p.174.

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