Point banque N.101 (Mai 2015) Paiement Mobile HCE - itw JLPi consulting
12 POINT BANQUE MAI 2015
technologies bancairesbriefing
BNP Paribas, le groupe BPCE,
la Banque Postale, Société Gé-
nérale, Visa Europe France et
Worldline expérimentent une
solution reposant sur la tech-
nologie Host Card Emulation
(HCE) pour réaliser des paie-
ments mobile sans contact. La
nouvelle solution de paiement
permet de payer avec son mo-
bile Android (version 4.4 ou
ultérieures) chez tous les com-
merçantsquiacceptentlepaie-
ment sans contact, soit près
de 400 000 points de vente en
France (+ 75 % en un an selon
le Groupement Cartes Ban-
caires). Cette solution repose
sur l’utilisation d’un alias de
numéro de carte adossé à une
carteVisatraditionnelle,cequi
permet de pouvoir effectuer
des paiements aux points de
vente sans jamais véhiculer les
données de la carte physique.
Ceserviceestuneextensionde
lacarteVisaoffrantlesmêmes
garanties et assurances. Pour
Paiement mobile : HCE
et cloud au cœur des tests
Consultant spécialisé
dans les sujets liés au
paiement mobile, Jean-
Luc Pellegrinelli du cabinet
JLPi Consulting, membre
de l’EESTEL (Association
des experts européens en
systèmes de transactions
électroniques) nous livre son
analyse sur les potentialités
de la technologie Host
Card Emulation (HCE) et
l’évolution du paiement
mobile sans contact
en 2015-2016.
L’actualité du marché des
paiements a notamment
été marquée récemment
par l’émergence de la
nouvelle technologie HCE.
Quelle est sa spécificité ?
Le paiement mobile HCE
peut être défini de trois
façons différentes. D’une
part, il s’agit de l’émulation
d’une carte de paiement
dans un dispositif Near
Field Communication (NFC),
l’avantage étant qu’avec cette
technologie, la dépendance
vis-à-vis d’un secure element
physique n’est plus imposée.
D’autre part, il s’agit d’un
service intégré au système
exploitation Android 4.4 (et
versions ultérieures) qui
permet à des applications
logicielles installées dans
le mobile d’interagir avec
l’interface NFC. Enfin, HCE
permet de conserver la
chaîne de valeur existante
pour la banque et de
simplifier le parcours client
qui n’a dès lors pour seul
interlocuteur que la banque.
Cette technologie autorise
également les services
additionnels de type titres
restaurants. De quoi justifier
la volonté de tendre vers un
standard (cloud et android).
Comment expliquez-
vous l’intérêt actuel des
banques sur HCE ?
Lorsque la technologie
HCE a été intégrée dans le
système d’exploitation de
Google en novembre 2013,
les banques ont regardé
cela de près. Mais le réel
déclencheur a été le Mobile
World Congress de Barcelone
de 2014 où Visa Inc. et
MasterCard ont annoncé
qu’ils allaient supporter cette
technologie, annonce suivie
de très près par la publication
de la spécification de
l’organisation EMVCo sur
la tokenisation en mars
2014. Cela s’ajoute à un
contexte particulier: en
dépit d’être techniquement
fiable, le SIM centric, avec
le secure element au cœur
de l’écosystème, impliquait
des coûts importants liés à
la conjugaison de plusieurs
facteurs : les telcos étaient
propriétaires de la carte,
l’architecture du système
imposait la mise en place
d’un gestionnaire du cycle de
vie de l’application (le TSM)
et enfin une complexification
du processus d’enrôlement
pour le client, confronté à
plusieurs interlocuteurs
pour un même service. Le
HCE simplifie ce process
d’enrôlement en même
temps qu’il le sécurise: la
vérification de l’identité
du porteur est réalisée par
exemple via OTP-SMS et
s’ajoute à une analyse de
l’empreinte du téléphone
sur lequel le service est
payer ses achats, l’utilisateur
n’a plus qu’à allumer son mo-
bile, le poser sur le terminal
de paiement sans contact et
saisir son code secret dédié à
l’utilisation de ce service pour
les achats d’un montant supé-
rieur à 20 €. L’historique de
ses transactions est disponible
dans son application mobile.
Cette solution permet égale-
mentàl’utilisateurdeparamé-
trer les différents niveaux de
sécurité souhaités pour payer
en toute confiance, comme
par exemple la saisie systéma-
tique de son code secret à cinq
chiffres, quel que soit le mon-
tant de la transaction, même
inférieure à 20 €, le blocage du
paiement si le téléphone n’est
pas déverrouillé ou encore le
blocage du paiement si l’appli-
cationdepaiementmobilen’est
pas ouverte. De plus, en cas de
perte ou de vol du téléphone,
l’application de paiement mo-
bile peut être immédiatement
bloquée à distance sans pour
autant empêcher l’utilisation
la carte Visa adossée au ser-
vice. « Avec cette expérimen-
tation dans deux banques
pilotes du groupe BPCE (Bred
Jean-Luc Pellegrinelli
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technologies bancaires briefing
Banque Populaire et Caisse
d’Epargne Alsace), nous pro-
posons à certains clients test,
titulaires de cartes Visa, la
valeur d’usage de la technolo-
gieHCE :simplicitédemiseen
œuvreetd’utilisation,associée
à un haut niveau de sécurité.
Cette technologie innovante
va contribuer de manière très
concrète à l’essor du paie-
ment mobile sans contact
en France » précise Fabrice
Denèle, directeur des moyens
de paiement du groupe BPCE.
La solution basée sur le pro-
gramme « Visa Cloud-Based
Payments » développée par
Visa et Worldline, utilise la
« tokenisation » avec des don-
néesdepaiementàusagelimi-
té permettant d’utiliser l’appli-
cationdepaiementmobileaux
points de vente sans véhiculer
les informations de la carte
réelle. L’ensemble des infor-
mations est contrôlé en temps
réel lors du traitement de la
transaction,cequiassureainsi
un haut niveau de sécurité.
Cette technologie permet éga-
lement d’enregistrer une ou
plusieurs cartes de paiement
sur son mobile et de conserver
l’historique des transactions
effectuées. Le choix de la carte
se fait, soit au moment de la
transaction, soit en choisissant
une carte par défaut. « Chez
Visa Europe, le mobile est au
cœur de notre activité et nous
investissonschaqueannée200
millions d’euros pour innover
en permanence aux côtés des
banques. Avec la technologie
Visa Cloud Based Payment,
inéditeenFrance,VisaEurope
confirme sa position de leader
des solutions de paiement et
fournit toutes les garanties né-
cessaires en termes de sécurité
aux consommateurs » affirme
Gérard Nébouy, executive di-
rector de Visa Europe France.
La Bred, Caisse d’Epargne
Alsace et Natixis Intertitres,
établissements du groupe
BPCE, testent également une
solution reposant sur un wal-
let permettant, en exclusivité,
le règlement de son déjeuner
via les titres-restaurant déma-
térialisés Apetiz. Dès l’applica-
tion téléchargée sur un smart-
phone Android compatible
NFC et activée avec les infor-
mations communiquées par
la banque, l’utilisateur peut
choisir la carte Visa de son
établissement bancaire et/ou
sacarteApetizapprovisionnée
dans son wallet pour réaliser
le paiement sans contact. Le
paiement mobile sans contact
est d’ores et déjà possible chez
tous les commerçants équipés
de TPE sans contact et auprès
de tous les affiliés au titre res-
taurant.JC
installé. Le cloud a ainsi
forcé les banques à trouver
des solutions encore plus
sécurisées dans un contexte
de désintermédiation.
Avec le HCE, les banques
peuvent faire converger
différents services et
adapter la sécurité au type
d’usage réalisé grâce à un
système de scoring adapté.
Comment HCE va-t-
il impacter la bataille
technologique sur le
sans contact entre
NFC, QR Code… ?
Pour le moment, les
acteurs considèrent que la
technologie HCE et le NFC
sont liés. Il est vrai qu’elle
a été développée pour
permettre de communiquer
avec le lecteur NFC. Et la
bataille est d’autant plus
intense que HCE autorise la
convergence entre différents
types de paiement sur
le support mobile, ce qui
paraît intéressant dans un
contexte caractérisé par
l’émergence de wallets. Si
l’on se projette un cran plus
loin, il est fort à parier que la
technologie HCE, associée à
la tokenisation, va faciliter la
convergence entre paiement
de proximité et paiement
à distance. Bien que la
solution soit techniquement
complexe à mettre en place,
ce sera sans aucun doute
un vecteur de simplification
à la fois pour les acteurs
et les clients finaux.
BPCE teste actuellement
une solution reposant
sur la convergence
entre paiement et titres
restaurant dématérialisés.
Quels autres types de
convergence pourrait-on
selon vous voir apparaître
sur le paiement mobile ?
La convergence entre
paiement et titres restaurants
constitue une véritable
innovation ! Ainsi, Natixis
Intertitres, distributeur de
la carte plastique Apetiz,
peut désormais mettre à
disposition du client final
– et non de l’entreprise –
un service de règlement
par mobile via des titres
restaurant Apetiz. D’autres
services pourront à l’avenir
cohabiter avec le paiement
comme par exemple les
cartes cadeaux et pourquoi
pas d’autres moyens de
paiement « non carte »,
comme les virements SEPA
puisque le cloud permet
d’héberger différents types
de paiement. A cela pourra
s’ajouter le paiement du
transport, facilité grâce
au fait que la tokenisation
autorise la contextualisation
de la sécurité en fonction
de l’usage grâce à un
système de scoring basé
sur des jetons dédiés.
Quelles sont vos prévisions
sur l’évolution du paiement
mobile sans contact en
2015-2016 ? L’arrivée d’Apple
aura-t-elle selon vous un
impact réel sur le marché ?
Apple ne bénéficie pour
l’instant que d’une aura
au niveau de l’ergonomie
du client et de la facilité de
l’enrôlement. Ainsi, Apple Pay
a réveillé un engouement de
la population et des médias
pour le paiement mobile,
tout comme Samsung Pay
d’ailleurs en ce début d’année
2015. Les banques doivent
désormais travailler sur la
généralisation de l’offre de
paiement mobile pour tous
leurs clients, y compris ceux
équipés d’iPhones ou de
Windows Phones. Si pour
le système d’exploitation
Windows 10, Microsoft a
annoncé en mars dernier le
support de la technologie
HCE, l’intégration d’Apple
Pay pour les détenteurs
d’iPhones doit maintenant
être une priorité pour
les banques. Mais ce ne
sera pas chose facile en
Europe, notamment pour
des problèmes de modèle
économique - les premières
initiatives qui devraient arriver
via le Royaume-Uni seront à
surveiller de près -. A noter
que même aux Etats-Unis,
Apple a du souci à se faire,
certains acteurs, à l’image
des retailers regroupés
au sein de la co entreprise
Merchant Customer
Exchange refusent la solution
Apple Pay et veulent proposer
le mobile wallet CurrentC.
Les années 2015-2016 seront
décisives sur ce sujet. A cela
s’ajoutera un renforcement de
la concurrence sur le wallet
avec la volonté de créer des
solutions ouvertes et de faire
cohabiter différentes offres.
PROPOS RECUEILLIS PAR
ANDRÉA TOUCINHO