1. Hématologie biologique (Pr Marc Zandecki) Faculté de Médecine – CHU 49000 Angers France
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MALADIE DE WILLEBRAND
1. Définition
La maladie de Willebrand, décrite en 1926 par Erik von Willebrand, est la plus
fréquente des anomalies constitutionnelles de l'hémostase (environ 1% de la population).
Elle est liée à une anomalie quantitative ou qualitative du facteur Willebrand
(vWF), protéine qui joue un rôle majeur à la fois dans les interactions des plaquettes avec la
paroi vasculaire lésée (hémostase primaire) et dans le transport du Facteur VIII plasmatique
(coagulation).
Elle est très hétérogène dans son expression clinique et biologique, et est
surtout caractérisée par des hémorragies cutanéo-muqueuses.
Le facteur Willebrand est une glycoprotéine multimérique synthétisée par les
mégacaryocytes et les cellules endothéliales, dont le gène, situé sur le chromosome 12, est
extrêmement polymorphe. Il est stocké au niveau des granules alpha dans les plaquettes et au
niveau des corps de Weibel-Palade dans les cellules endothéliales. il est sécrété dans le
plasma et le sous-endothélium par 2 voies, l’une dite constitutive ; l’autre régulée permettant
une libération rapide.
2. Diagnostic positif
La transmission génétique est autosomale le plus souvent, elle est dominante (les 2
sexes sont touchés, 50% de risque de transmission à la descendance), exceptés dans le type
3 et 2N où elle est récessive.
2.1. Clinique.
Le plus souvent, hémorragies muqueuses (épistaxis, gingivorragies, hémorragies
gastro-intestinales, ménorragies, post-partum) et cutanées (ecchymoses).
Les manifestations hémorragiques sont particulièrement fréquentes après une
avulsion dentaire, un acte chirurgical (amygdalectomie) ou un traumatisme.
Les hématomes profonds et les hémarthroses sont rares et ne s’observent que dans les
formes avec un déficit sévère en facteur VIII.
La symptomatologie hémorragique dans la maladie de Willebrand n'est pas toujours évocatrice
et le diagnostic repose sur l'exploration biologique.
2.2. Exploration biologique.
Le diagnostic peut être difficile du fait de l'élévation des taux de vWF et de FVIII dans
différentes situations : stress, exercice, inflammation, grossesse, oestro-progestatifs. Le
diagnostic ne pourra être posé qu'à distance de l'épisode inflammatoire.
2.2.1. Tests de dépistage
Ils sont perturbés de façon variable.
* Le temps de saignement (TS) N< 9'30 min
Doit être réalisé par la méthode d'Ivy incision, est souvent allongé mais peut être
normal de façon intermittente dans les formes frustes et de façon constante dans le type 2N.
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Le TS est >20 min dans les formes sévères.
* Le temps d’occlusion : PFA-100 (Platelet Function Analyser)
Test in vitro mimant le contact entre la paroi vasculaire et les plaquettes, il est allongé
dans toutes les formes de la maladie de Willebrand sauf dans le type 2N.
* bilan de coagulation standard
Le temps de Quick est le TT sont dans normaux.
Allongement du TCA parallèle au déficit en Facteur VIII, il est normal ou subnormal dans les
formes modérées et constamment allongé dans le type 2N.
* numération plaquettaire
Normale, sauf chez variant 2B où elles sont parfois abaissées.
2.2.2. Tests diagnostiques
* Dosage de l’activité coagulantes du facteur VIII
Le taux est généralement plus élevé que le taux de vWF (exception du type 2N) et suit
les modifications du facteur Willebrand antigène (vWF:Ag) dans la circulation.
* Dosage immunologique du vWF (vWF:Ag)
Par l’utilisation d'Ac spécifiques, surtout immunoenzymologie (Elisa).
N = 50 à 200%
* L'activité cofacteur de la ristocétine du facteur Willebrand (vWF:RCo)
Mesure la capacité de liaison du vWF à la GPIb plaquettaire induite par la ristocétine :
- Agglutination sur lame, méthode semi-quantitative adaptée à l’urgence
- Agrégométrie
Le taux de vWF:RCo est diminuée dans presque tous les types de maladie de Willebrand
(sauf le type 2N). Son dosage est donc le critère de choix pour le diagnostic.
Le vWF:RCo est indétectable dans les formes graves, parallèle au déficit en vWF:Ag dans les
anomalies quantitatives, et généralement plus abaissé que le taux de vWF:Ag dans les
anomalies qualitatives.
N = 50 à 200%
Le rapport vWF:RCo/vWF:Ag est voisin de 1 dans les anomalies quantitatives et dans le type
2N ; il est généralement diminué (<0,7) dans le type 2.
2.2.3. Tests permettant de préciser le type et le sous-type.
* Il existe 3 grands groupes de maladies de Willebrand :
Type 1 (70 à 80%): déficit quantitatif partiel en vWF
Type 2 (15 à 25%): déficit qualitatif en vWF
- Anomalies d’interaction du vWF à la GPIb
2A : diminution de l’affinité du vWF pour GPIb associée à l’absence des multimères de haut
PM
2M : diminution de l’affinité du vWF pour la GPIb mais présence de tous les multimères
2B : augmentation de l’affinité du vWF pour la GPIb avec le plus souvent absence des
multimères de haut PM
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- Anomalies d’interaction avec le facteur VIII
2N : diminution de l’affinité du vWF pour le facteur VIII
Type 3 (<5%): déficit quantitatif sévère en vWF
*Etude de l'agrégation plaquettaire en présence de faibles doses de ristocétine
(RIPA)
A fortes doses de ristocétine, l'agrégation plaquettaire est normale ou abaissée dans
la maladie de Willebrand.
A faibles doses (0,2 à 0,6 mg/ml), il n'y a pas d'agrégation chez un sujet normal, en
revanche, dans le variant 2B, il y a agrégation car l’interaction vWF-GpIb est anormalement
élevée.
* Distribution des multimères
Electrophorèse du plasma dans un gel d'agarose 1% contenant un agent dissociant pour
séparer les multimères, ensuite révélés par un Ac anti-vWF marqué.
Distribution normale dans le type1 (en quantité réduite) et dans le type 2M. Distribution
anormale dans les types 2A et 2B (absence des multimères de haut PM). Dans le type 3 les
multimères ne sont pas détectables dans le plasma.
* Autres tests spécialisés
- Dosage du vWF plaquettaire
- Etude de la liaison du vWF aux plaquettes
- Etude de la liaison du vWF au collagène
- Etude de la liaison du vWF au facteur VIII
- Biologie moléculaire (beaucoup de mutations différentes)
3. Diagnostic différentiel
3.1. Sujet normal
Difficultés du diagnostic entre sujet normal (surtout chez les sujets de groupe sanguin O qui
ont un taux de vWF plus faible que ceux d'autres groupes sanguins) et sujet atteint d'une forme
modérée sans perturbation du TS et du TCA. L'attention peut être attirée par l'existence de
cas familiaux ou la survenue d'hémorragies excessives par rapport à leur cause.
3.2. Syndrome de Willebrand acquis
Exceptionnel, généralement chez sujet de plus de 50 ans.
L'anomalie biologique est celle d'une maladie de Willebrand de type 1 ou plus volontiers
de type 2 sans antécédents personnels ou familiaux.
Il peut résulter d'un défaut de synthèse ou de libération du vWF, de son adsorption sur
des cellules tumorales, d'une clairance accélérée (au niveau de valves ou d'artères
sténosées) ou de la présence d'un Auto-Ac (moins d’un tiers des cas).
Il peut être associé à des MAI comme les collagénoses, à un myélome ou d'autres
désordres lymphoprolifératifs, à un syndrome myéloprolifératif, à une hypothyroïdie, à une
angiodysplasie ou à un rétrécissement aortique.
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L'évolution du syndrome est habituellement liée à celle de l'affection associée.
3.3. Hémophilie A
La distinction entre déficit constitutionnel en facteur VIII et Willebrand de type 2N peut
être difficile.
Si le facteur VIII est < 5%, il s'agit très vraisemblablement d'une hémophilie A.
Si le facteur VIII est compris entre 5 et 35%, la transmission génétique liée au sexe
dans l'hémophilie A, autosomale dans le type 2N, et l'étude de la liaison du facteur VIII au VWF
du patient permettent de trancher.
Le diagnostic différentiel a une grande importance pour le conseil génétique et la
thérapeutique.
3.4. Pseudo-maladie de Willebrand
La distinction avec le type 2B est très difficile.
Pseudo-maladie de Willebrand est une thrombopathie avec une augmentation de l'affinité GPIb
pour le vWF. Le diagnostic est confirmé par l'étude spécifique de la liaison du facteur
Willebrand aux plaquettes en présence de ristocétine.
3.5. Thrombopénies auto-immunes ou constitutionnelles
La maladie de Willebrand de type 2B peut s'accompagner de thrombopénie, en particulier lors
de la grossesse, et être confondue avec une thrombopénie auto-immune. Lorsque la
thrombopénie existe dans l'enfance, la maladie de Willebrand 2B peut aussi se présenter
comme une thrombopénie constitutionnelle.
4. Traitement
Le but est de corriger les anomalies de l'hémostase primaire et de la coagulation.
4.1. DDAVP ou desmopressine (Minirin, Octim)
Analogue synthétique de la vasopressine, induit la libération du vWF à partir des
cellules endothéliales, augmentant ainsi le taux de vWF mais aussi de facteur VIII. La
réponse est rapide mais transitoire. Elle requiert que le patient synthétise un certain taux de
vWF qualitativement normal. Généralement efficace dans type I, on ne peut l’utiliser dans le
type III et est contre-indiquée dans le type 2B où elle peut aggraver la thrombopénie.
L’efficacité est variable dans le type 2A et 2M. Dans le type 2N, la réponse est de courte
durée.
En l’absence de contre-indication (femme enceinte ou allaitant, enfant <2ans, sujets
âgés, hypertension) une étude de la réponse à la DDAVP doit être réalisée chez chaque
patient lors du diagnostic ou au moins une semaine avant une chirurgie en raison d’une
variabilité de la réponse d’un individu à l’autre, en revanche un seul test est nécessaire car la
réponse est reproductible pour un même patient.
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Si l’administration est répétée, il existe dès la deuxième administration une diminution de la
réponse de 30% et un épuisement de la réponse en quelques jours, C’est le phénomène de
tachyphylaxie. La desmopressine est de plus un antidiurétique puissant.
4.2. Concentrés plasmatiques de vWF
Efficaces dans tous les types et réservés aux patients qui ne peuvent pas bénéficier d’un
traitement par la DDAVP :
- Le concentré de facteur Willebrand de très haute pureté qui ne contient pratiquement pas de
facteur VIII (Facteur Willebrand-LFB).
- Le concentré de Facteur VIII spécial Willebrand : moitié moins de facteur VIII que de facteur
Willebrand (Innobrand).
Pour une chirurgie majeure, le vWF:RCo et facteur VIII doivent être de 80 à 100% en
peropératoire puis maintenus >40 - 50% jusqu'à la cicatrisation.
Bibliographie
Sampol J. Manuel d’hémostase (1995), Elsevier.
Samama MM. Hémorragies et thromboses (2004), Masson.
Lethagen S. Nordic von Willebrand Workshop 2004, haematologica reports (2005), vol 1 n°4.
Jérémie GERARD, octobre 2006
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