Mon intervention porte sur les modalités de construction de son e-reputation sur Twitter, à partir d'une analyse des pratiques instrumentalisées de professionnels de la visibilité.
présentation sur l'échafaudage dans des travaux en hauteur
Construire son e reputation sur twitter
1. Construire son e-
réputation sur Twitter :
Les pratiques instrumentalisées de
professionnels de la visibilité
Contact : jcdomenget@gmail.com - @jcdblog
Jean-Claude Domenget – MCF en sciences de l’information et de la communication –
ELLIADD / OUN – Université de Franche-Comté
Colloque « E-réputation et traces numériques : dimensions instrumentales et enjeux
de société » - Toulouse – 21 et 22 mars 2013
Diffusable sous licence Creative Commons – by-nc-nd 2.0
http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/2.0/fr/
2. Introduction
– L'e-réputation comme construcion
instrumentalisée de la réputation
Registres de visibilité (Cardon, 2008), visibiité pour exister (Aubert et
Haroche, dir., 2011), « capital de visibilité » (Heinich, 2012)
– Une approche sociotechnique
– Twitter comme outils de visibilité et de veille
– Dispositifs qui agglomèrent à la fois des logiques
de participation, des logiques de recommandation
et des logiques de jugement.
Domenget – Construire son e-réputation sur Twitter - 2013
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3. Questions et plan
En quoi les pratiques instrumentalisées de Twitter par
des professionnels de la visibilité éclairent-elles
les enjeux professionnels de l'e-réputation ?
1. De la réputation à l'e-réputation
2. Les modalités de construction de l'e-réputation sur Twitter
3. Enjeux professionnels de l'e-réputation
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4. Cadre théorique
De la réputation à l'e-réputation
– Une définition minimale de la réputation « comme une
représentation sociale partagée, provisoire et localisée, issue de
processus d'évaluations sociales associés à un nom (marque, individu,
produit, organisation, label, lieu etc.) » (Chauvin et Beuscart, 2013).
– cinq grandes questions sociologiques (Chauvin et
Beuscart, 2013) :
• l'idéologie de la réputation ;
• le travail réputationnel ;
• la question de la bonne et de la mauvaise réputation # des
dispositifs de classements, de votes etc. ;
• les espaces et temporalités de la réputation ;
• la circulation de la réputation entre entités.
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5. Méthodologie
Entretiens avec des pros de la visibilité
– Une relecture d'une enquête de terrain / impératif de
visibilité et enjeux éthiques (Domenget, 2012)
– Des professionnels de la visibilité
– Recrutement de proches en proches / « petits
mondes »
– Des usagers très connectés / rarement présents –
Twitter au cœur de leur présence / outil de
valorisation de leur blog etc.
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6. Résultats (1)
Travail réputationnel, diversité de
pratiques, public visé
– Pratiques de veille, partage de cette veille, curation,
participation voire recommandation etc.
Ex : le Live Tweet comme moment privilégié de création d'une réputation
– Le travail réputationnel et la question du public visé
« J'ai un canevas de Tweets »
« Il existe des heures pour tweeter »
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7. Résultats (2)
Instrumentalisation et construction de
l'e-réputation
– Culture professionnelle du marketing (massification,
efficacité, ROI)
Ex : Automatisation des messages dans la phase d'entrée en relation
Ex : Massification des abonnements / désabonnements
Ex : Croyance d'efficacité # ROI pour d'autres « Social Media Tools »
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8. Résultats (3)
Nouvelles formes de circulation de la
réputation, « petits mondes » et poids
des classements
– L'e-réputation est très transitive
Ex « Je blogue [et je tweete] pendant mon temps de travail. En
échange, j'apporte de la visibilité à la société, des prospects ».
– « Petits mondes » et dispositifs de recommandation,
classements, votes
Ex : « On fonctionne tous avec nos groupes et nos centres d'intérêt. On
est en circuit fermé quand même... ».
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9. Résultats (4)
Auto-réflexivité, persistance de
l'idéologie de la réputation et
reconnaissance des compétences
professionnelles
– La force de convictions des chiffres
– Persistance de l'idéologie de la réputation
– Employabilité
Ex : « Mon employeur m'a recruté pour mes compétences et ma
visibilité ».
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10. Discussion (1)
Twitter : « visibilité phare » et e-
réputation
– Le format du « phare » (Cardon, 2008)
– Une injonction à la présence
Ex : « Moi j'y suis parce que tout le monde y est ».
– Twitter en tant que système de recommandation
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11. Discussion (2)
Efficacité d'une construction de l'e-
réputation et dimensions éthiques
– Des méthodes connues
– Deux conceptions d'une éthique des pratiques
Logique d'usage stratégique et efficace
# Logique d'usage authentique et relationnelle
– Importance de l'efficacité et professionnalisation du
secteur de gestion de l'e-réputation
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12. Discussion (3)
L' « expert » comme figure de proue du
« paysage réputationnel » (Origgi, 2007)
– Se singulariser, acquérir un nom
– Renouveau de la quête d'expertise
– Question de l'instance d'évaluation
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13. Conclusion
Approfondir l'analyse de la circulation de
la réputation
– Difficile séparation visibilité et réputation – autorité
et popularité
– « Capital de visibilité », fragilité de l'e-réputation,
médiations de la réputation
– Analyser les schèmes d'articulation entre dispositifs
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14. Merci de votre attention,
vos questions ?
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jcdomenget@gmail.com
Jean-Claude DOMENGET - Equipe Objets et Usages Numériques
(OUN)
Laboratoire ELLIADD - Université de Franche-Comté
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Notes de l'éditeur
La prise en compte des dimensions instrumentales de l'e-réputation permet d'analyser les changements dans les mécanismes de construction de la réputation, à l'ère des médias sociaux. En effet, l'e-réputation peut être considérée comme une construction instrumentalisée de la réputation, résultat d’un ensemble de dispositifs de classement, de systèmes de recommandation, d’architectures techniques des plates-formes définissant différents registres de visibilité (Cardon, 2008), d'outils de gestion et de suivi de la réputation. S’il dépend aujourd’hui à chacun de construire son e-réputation, de travailler sa visibilité pour exister (Aubert et Haroche, 2011), ce qui participe de son identité numérique ; pour les professionnels de la visibilité (référenceurs, webmarketers, communicants etc.), l’enjeu en devient crucial. Pour ceux, dont une des missions est de rendre visible une entreprise, une marque, une organisation etc. sur les médias sociaux (Stenger et Coutant, 2011), leurs usages professionnels de ces dispositifs s’inscrivent en effet dans un véritable « modèle de référence » de la relation client, dans lequel le « capital de visibilité » (Heinich, 2012) du professionnel est un élément essentiel de sa reconnaissance. Une approche sociotechnique conduit alors à s'intéresser à la fois au contexte sociologique de la réputation (une société d'opinion, une concurrence renforcée entre les individus au niveau professionnel, une injonction à la visibilité etc.) mais aussi aux spécificités des dispositifs sociotechniques en jeu. Parmi les médias sociaux, Twitter a connu un engouement particulier au sein des professionnels de la visibilité. Twitter s'est révélé être à la fois un outil de visibilité et de veille, autour du micro-blogging et des échanges en temps réel. Les pratiques professionnelles de cette plate-forme ont connu une forte instrumentalisation afin de répondre à ses objectifs et à ceux de plus en plus précis de gestion de l'e-réputation. Aujourd'hui pour de nombreux professionnels, leur réputation passe en effet par ces dispositifs qui agglomèrent à la fois des logiques de participation (partage de contenus et dimension relationnelle), des logiques de recommandation (suggestion d'abonnements et proposition de contenus) et des logiques de jugement (classements, votes etc.).
Partant de ce contexte, l’objectif de cet article est d’analyser en quoi les pratiques instrumentalisées de Twitter par les professionnels de la visibilité éclairent-elles les enjeux professionnels de l'e-réputation. Dans un premier temps, un retour sur les questionnements sociologiques des approches de la réputation permettra de préciser les spécificités d'une analyse de l'e-réputation. Puis, les résultats d'entretiens menés avec des professionnels de la visibilité en France permettront d'aborder les modalités de construction de l'e-réputation sur Twitter. Enfin, une série d'enjeux professionnels sera étudiée par un recadrage de la question de l'e-réputation sur Twitter et de son instrumentalisation dans différents processus sociotechniques en cours.
Ces deux chercheurs ont distingué cinq grandes questions sociologiques analysées par les approches de la réputation (Chauvin et Beuscart, 2013) : - l'idéologie de la réputation reposant sur la croyance que la réputation est le reflet d'une qualité ; - le travail réputationnel qui correspond à l'effort de contrôle de l'individu sur les sources de sa réputation ; - la question de la bonne et de la mauvaise réputation qui n'est pas forcément pertinente car la réputation s'appuie aujourd'hui sur des dispositifs de classements, de votes etc. ; - les espaces et temporalités de la réputation qui posent les questions des arènes et des stades de la réputation ; - la circulation de la réputation entre entités qui met l'accent sur le transfert de réputation entre les organisations et les individus mais aussi entre les individus. Ces questions sociologiques permettent d'interroger plus précisément les transformations des mécanismes de construction de la réputation à l'ère des médias sociaux. Elles doivent néanmoins être complétées et orientées dans notre cas vers les dimensions professionnelles de l'e-réputation. En quoi les dispositifs sociotechniques des médias sociaux en général, de Twitter en particulier, participent-ils à de nouvelles formes de réputation ? Comment s'organise le travail réputationnel des professionnels de la visibilité ? Quel est le poids des algorithmes et des dispositifs de classement, de vote dans la construction de l'e-réputation ? Quel est le niveau de réflexivité des usagers utilisant des outils pour gérer et suivre leur e-réputation ? Persiste-t-il des traits de l'idéologie de la réputation reposant sur la croyance que la réputation est le reflet d'une qualité ? Quels sont les enjeux professionnels de l'instrumentalisation de l'e-réputation ?
Réalisée aux mois de mars et avril 2011, cette enquête s'est déroulée au moment où Twitter a élargi son audience en France à d'autres usagers que les journalistes, les politiques, les communicants ou les fans de technologie. Cette évolution s'est traduite ainsi par une augmentation des abonnés que les usagers interviewés qualifient eux-mêmes d'« exponentielle ». Ces usagers sont des professionnels de la visibilité dans le sens où ils appartiennent à une profession en phase de légitimation comme les référenceurs ou les community managers dont les missions consistent à rendre visibles les actions de leurs clients sur différents dispositifs de recherche et de partage en ligne (moteurs de recherche, médias sociaux). nous avons interviewé 6 femmes et 21 hommes ; âgés de 24 à 52 ans, avec une grande majorité de trentenaire ; travaillant dans le domaine du référencement, du webmarketing ou de la communication et occupant des postes de chefs d'entreprise, d'indépendants, de salariés ou en phase de reconversion.
Résultats : les modalités de construction de l'e-réputation sur Twitter Travail réputationnel, diversité de pratiques et public visé Le travail réputationnel des professionnels de la visibilité passe par une diversité de pratiques. Ex : Live Tweet = « quand je participe à un événement, je partage beaucoup ce que je trouve pertinent avec ceux qui me suivent. J’ai tous mes concurrents, la presse… ça me donne beaucoup d’attention et d’autorité » … Le travail réputationnel sur Twitter ne peut être compris sans intégrer le public visé (à travers ses attentes supposées et la temporalité d'intervention). Ceci est particulièrement marquant dans les comptes média Ex : « J’ai un canevas de Tweet et j’estime que les lecteurs attendent cette forme de tweets. Mon but est que les gens aient le réflexe de lire mes tweets ». … Pour réaliser ce travail réputationnel, les pratiques sont fortement instrumentalisées.
L'instrumentalisation des pratiques de Twitter fait partie d'une culture professionnelle du marketing qui vise à massifier les actions. Cette instrumentalisation passe par l’utilisation de différents outils de nature à améliorer l'efficacité de leurs pratiques en général ou lors de phases spécifiques (entrée en relation, nettoyage des abonnements etc.). Ces usagers utilisent tous ou presque des services tiers (du type Tweetdeck ou Hootsuite) proposant une plus grande flexibilité dans l'organisation des flux d'informations. Ces mêmes services ou d'autres plus spécifiques sont utilisés afin d'automatiser un certain nombre de tâches . Au cours de l’étude, le lancement en béta privée du service Socialomate cristallisait la controverse entre une authenticité de l'entrée en relation lors de l'arrivée d'un nouvel abonné à son compte et la nécessité de passer par des outils pour gérer cette étape, « faute de temps », comme l'indique l'un des promoteurs de ce service. L'instrumentalisation des usages de Twitter a conduit également à des pratiques plus extrêmes, peu éthiques, dont l'enjeu en termes de réputation est de se donner une image « d'expert », en se basant uniquement sur la puissance des chiffres. D’autres outils (citons TweeStats, SocialBro encore une fois ou Klout qui n’est pas spécifique à Twitter) permettent de mesurer l’audience par l’intermédiaire d’une batterie de critères qui sont, soit tournés vers l’animation du compte (nombre de tweets par jour, par mois ; densité des tweets selon les heures de la journée et les jours de la semaine ; comptes avec lesquels il existe le plus d’interactions (réponse, RT etc.), soit destinés à donner des indications d’audience (progression des abonnements/désabonnements ; réciprocité dans les abonnements ; évaluation des messages les plus retweetés etc.). En parallèle à cette instrumentalisation, de nouvelles formes de circulation de la réputation apparaissent.
De nouvelles formes de circulation de la réputation entre organisations et individus ainsi qu'entre individus connectés entre eux se mettent en place, à partir notamment de la visibilité qu'ils acquièrent au sein des « petits mondes » auxquels ils appartiennent. L'e-reputation est très transitive. Des formes de circulation de la réputation entre dimensions individuelles et collectives se développent. Il s'agit le plus souvent de bénéficier de la visibilité d'un compte animé par un professionnel en son nom ou d'un collectif rassemblant de très nombreux individus comme dans le cas de blogs collaboratifs Les arènes, cercles, espaces dans lesquels interviennent les professionnels sur Twitter fonctionnent en « petits mondes » plus ou moins reliés entre eux. Cela conduit à s'intéresser aux dispositifs de recommandation, de classements, de votes qui se révèlent être surtout des accélérateurs d'abonnements pour les comptes déjà visibles. Le fonctionnement en « petits mondes » traduit également une organisation des interactions (usages des listes, des #FF, des recommandations d'abonnements etc.) marquée par l'homophilie (Pariser, 2011) ...
Face à cette prime aux chiffres, la profession fait preuve d'auto-réflexivité, de sens critique sur les mécanismes utilisés pour acquérir rapidement une e-réputation, celle-ci étant alors basée principalement sur la force de conviction des chiffres. « On sait très bien comment certains ont acquis une telle audience ». Il est également marquant de constater que l'idéologie de la réputation, reposant sur la croyance que la réputation est le reflet d'une qualité, persiste en opposition des visées purement stratégiques visant l'efficacité dans la construction de son e-reputation. Cette auto-réflexivité et la persistance des traits d'une idéologie de la réputation traduisent une recherche de reconnaissance des compétences professionnelles. La visibilité sur Twitter constitutive de leur e-réputation est considérée par les interviewés comme faisant partie de leur compétence professionnelle, de leur savoir-faire et savoir-être, un élément de leur employabilité. « Mon employeur m'a recruté pour mes compétences et ma visibilité ». Les modalités de construction de l'e-réputation sur Twitter à travers notamment le travail réputationnel, l'instrumentalisation de la construction de l'e-réputation, la circulation de la réputation ou encore la recherche de reconnaissance des compétences professionnelles conduisent à s'intéresser plus précisément aux enjeux professionnels de l'e-réputation.
Discussion : les enjeux professionnels de l'e-réputation Les enjeux professionnels de l'e-réputation sont assez classiques. Il s'agit toujours de se faire un nom, d'être reconnu, ici, comme expert et pas seulement de s'auto-proclamer expert, de légitimer la profession auprès d'autres instances de reconnaissance que les « petits mondes » auxquels les professionnels appartiennent (clients, médias etc.). L'instrumentalisation de la construction de l'e-réputation renouvelle néanmoins ces enjeux en les intégrant à des processus sociotechniques en cours (nouvelles formes de visibilité, instrumentalisation de la recherche d'efficacité, renouvellement de la question de l'expertise etc.). Twitter s'est révélée être une plate-forme de visibilité « phare », jouant un rôle parfois central dans l'e-réputation de professionnels de la visibilité. Ce format du « phare » est à comprendre dans le sens d'une visibilité forte donnée par les participants à leurs centres d'intérêt et à leurs productions, poursuivant l'ambition de créer de grands réseaux relationnels et débouchant sur une recherche d'audience. Cette métaphore du « phare » est aujourd'hui à compéter. Une « injonction » à la présence sur Twitter est clairement exprimée par les interviewés. Comme le déclare un interviewé, « moi, j’y suis parce que tout le monde y est ». Twitter est devenu aujourd'hui un système de recommandation (Domenget et Coutant, 2012) poussant les usagers à renforcer leur présence en ligne afin d'être suggérés dans les abonnements proposés aux autres usagers.
Les méthodes pour être rapidement visibles sont connues (poster rapidement et régulièrement des messages issus d'une veille sélective de sources étrangères notamment américaines ; augmenter le nombre d'abonnés artificiellement par des pratiques d'abonnements / désabonnements massifs (sans parler d'acheter des abonnés, objet d'une polémique sur les faux comptes sur Twitter) ; ne pas faire reposer sa réputation uniquement sur Twitter car le droit d'entrée est de plus en plus élevé mais l'appuyer sur d'autres supports dont les blogs qui restent un outil de visibilité « phare » etc.). Nous avons donc une conception opposée d'une éthique de la réputation, à partir de deux logiques d'usage séparées. D'un côté, une logique d'usage stratégique et efficace, de l'autre, une logique d'usage authentique et relationnelle. Lorsque l'efficacité est considérée comme la mesure de la valeur de l'action, elle traduit le passage d'une acception de l'idée de participation, moins comme un partage que dans une visée d'exploitation de celle-ci (Rebillard, 2011). Cette importance donnée à l'efficacité illustre également le rapport entre la construction d'une e-réputation individuelle et le processus de professionnalisation d'un secteur de la gestion et de la réparation de l'e-réputation pour les entreprises, organisations ou autres institutions.
Si la notion d'« influenceur » est critiquée par les interviewés eux-mêmes qui en soulignent les limites, celle de l' « expert » participe d'un processus de singularisation dont le premier enjeu est de se différencier, d'atteindre ce statut d' « expert » et d'acquérir un nom. Cette quête d'expertise connaît actuellement un renouveau, à travers sa mise en visibilité, relevant de l'essor de ces « dispositifs communicationnels qui l'exposent publiquement » (Léglise et Garric, 2012 : 2). Elle fait partie de l'idéologie de la réputation privilégiant le modèle d'un usager-curateur qui par la qualité de son tri gagne en réputation. Cette légitimité, issue d'une reconnaissance par d'autres d'un savoir-faire, est confrontée à un processus de crédibilisation consistant à devoir montrer ou apporter la preuve qu'on a un pouvoir de faire (Charaudeau, 2005, cité par Léglise et Garric, 2012). Cette évolution conduit ainsi à l'instrumentalisation des pratiques précédemment analysées, à l'importance pris par les classements et pose plusieurs questions dont celle de l'instance d'évaluation qui donne la qualité d' « expert » (les pairs et les médias principalement) ; celle des objets d'expertise ou encore celle de son espace de pertinence.
Cette analyse des mécanismes de construction de l'e-réputation sur Twitter à travers les pratiques instrumentalisées de professionnels de la visibilité doit être poursuivie. Il est ainsi possible d'approfondir l'étude de la circulation de la réputation entre dispositifs du Web social ; entre la présence en ligne et des actions hors-ligne. Cette analyse partirait du constat qu'il est de plus en plus difficile de séparer réputation et visibilité ainsi que autorité et popularité. Pour répondre à cet objectif, la prise en compte des spécificités des plates-formes du Web social semble essentielle ainsi que les notions de « capital de visibilité », de fragilité de l'e-réputation ; de médiations de l'e-réputation en prenant en compte les institutions proposant des mécanismes d'évaluation de la réputation, les méthodes et les calculs, les formats sémiotiques aboutissant à la proposition d'un classement. Il apparaît également important de saisir qu'il est difficile d'animer une présence en ligne sur plusieurs plates-formes en même temps. La synchronisation des comptes n'est pas une solution perçue comme efficace car ne répondant pas aux attentes différentes des usagers selon les plates-formes. Une analyse en termes de filiation d'usages permettrait également de mesurer la place de Twitter dans le partage de contenus et notamment dans celui des résultats de veille avec d'autres dispositifs antérieurs tels que les forums et les blogs. Ce travail à réaliser viserait à analyser les schèmes d'articulation (complémentarité, concurrence, interdépendance, solidarité, dissonance etc.) entre dispositifs.