2. Champfleury, Du Réalisme, Lettres à madame Sand 1855
"A l'heure qu'il est, madame, on voit à deux pas de l'Exposition de peinture,
dans l'avenue Montaigne, un écriteau portant en toutes lettres : DU
REALISME. G. Courbet. Exposition de quarante tableaux de son oeuvre.
C'est une exhibition à la manière anglaise. Un peintre, dont le nom a fait
explosion depuis la révolution de février, a choisi, dans son oeuvre, les toiles
les plus significatives, et il a fait bâtir un atelier.
C'est une audace incroyable, c'est le renversement de toutes institutions par
la voie du jury, c'est l'appel direct au public, c'est la liberté, disent les uns.
C'est un scandale, c'est l'anarchie, c'est l'art traîné dans la boue, ce sont les
tréteaux de la foire, disent les autres. [...]
Courbet est un factieux pour avoir représenté de bonne foi des bourgeois,
des paysans, des femmes de village de grandeur naturelle. Ç'a été là le
premier point. On ne veut pas admettre qu'un casseur de pierre vaut un
prince: la noblesse se gendarme de ce qu'il est accordé tant de mètres de
toile à des gens du peuple; seuls les souverains ont le droit d'être peints en
pied, avec leurs décorations, leurs broderies et leurs physionomies
officielles. Comment ? Un homme d'Ornans, un paysan enfermé dans son
cercueil, se permet de rassembler à son enterrement une foule considérable:
des fermiers, des gens de bas étage…"
6. Théophile Gautier, La Presse, 15 février 1851 :
"De tout temps, il a existé, en peinture, deux écoles :
celle des idéalistes et celle des réalistes. [...] M. Courbet
appartient à cette seconde école, mais il s'en sépare en
ce qu'il semble s'être fixé un idéal inverse de l'idéal
habituel : tandis que les réalistes simples se contentent
du fac-similé de la nature telle qu'elle se présente, notre
jeune peintre parodiant à son profit le vers de Nicolas
Boileau paraît s'être dit : "Rien n'est beau que le laid, le
laid seul est aimable. "Les types vulgaires ne lui suffisent
pas ; il y met un certain choix, mais dans un autre sens il
outre à dessein la grossièreté et la trivialité".
7. Emile Zola, Mon Salon, (1868), "Les Actualistes«
"Je n'ai pas à plaider ici la cause des sujets
modernes. Cette cause est gagnée depuis
longtemps. Personne n'oserait soutenir, après les
oeuvres si remarquables de Manet et de Courbet,
que le temps présent n'est pas digne du pinceau.
[...] nous nous trouvons en face de la seule
réalité, nous encourageons malgré nous nos
peintres à nous reproduire sur leurs toiles, tels
que nous sommes, avec nos costumes et nos
moeurs".
9. Fidèle à l'un de ses sujets favoris, la vie paysanne, Millet livre dans ce
tableau le résultat de dix années de recherches autour du thème des
glaneuses. Ces femmes incarnent le prolétariat rural. Elles sont
autorisées à passer rapidement, avant le coucher du soleil, dans les
champs moissonnés pour ramasser un à un les épis négligés. Le
peintre en représente trois au premier plan, dos cassé, regard rivé au
sol. Il juxtapose ainsi les trois phases du mouvement répétitif et
éreintant qu'impose cette âpre besogne : se baisser, ramasser, se
relever. Leur austérité s'oppose à l'abondance de la moisson au loin :
meules, gerbes, charrette et la multitude de moissonneurs qui
s'agitent. Ce foisonnement festif et lumineux paraît d'autant plus
lointain que le changement d'échelle est abrupt. La lumière rasante
du soleil couchant accentue les volumes du premier plan et donne
aux glaneuses un aspect sculptural. Elle souligne vivement leurs
mains, nuques, épaules et dos et avive les couleurs de leurs
vêtements.
10. La toile de Manet représentait une scène de la bohème parisienne
s'accordant peu avec la morale puritaine de l'époque : dans un décor
champêtre près d'une rivière, une jeune femme, au sortir d'un bain,
est assise nue, ses vêtements posés à côté d'elle, entourée par deux
hommes en costume assis pour un pique-nique.
Ce tableau attira immédiatement l'attention du public et fut l'objet
de violents sarcasmes. Il sera violemment attaqué par les critiques,
provoquant un scandale particulier au coeur même du scandale
général que constitua le Salon des Refusés.
Salué par de nombreux jeunes peintres qui admiraient en lui un
novateur conscient de ses effets, Manet se trouva, un peu contre son
gré, au centre d'une dispute opposant les défenseurs de l'art
académique aux artistes « refusés ».
Manet, qui avait une ambition de réussite bourgeoise, devrait
souffrir toute sa vie de ce que sa peinture, portée par une grande
intuition artistique, ne lui vaille qu'une notoriété sulfureuse, mais
point de reconnaissance officielle.
11. Manet – Le déjeuner sur l’herbe
En 1863, il exposa "Le Bain" qui sera renommé en "Déjeuner
sur l'herbe" (musée d'Orsay, Paris) au Salon des refusés,
nouveau lieu d'exposition inauguré par Napoléon III
accueillant, à la demande des artistes, les œuvres rejetées
au Salon officiel.
12. Le passage du roman "Pierre et Jean" de Maupassant est :
"Le petit paquebot sortit des jetées, tourna à gauche et soufflant, haletant,
frémissant, s'en alla vers la côte lointaine qu'on apercevait dans la brume
matinale. De place en place, la voile rouge d'un lourd bâteau de pêche
immobile sur la mer plate avait l'air d'un gros rocher sortant de l'eau. Et la
Seine descendant de Rouen semblait un large bras de mer séparant deux
terres voisines.
En moins d'une heure, on parvint au port de Trouville, et comme c'était le
moment du bain, Pierre se rendit sur la plage.
De loin, elle avait l'air d'un jardin plein de fleurs éclatantes. Sur la grande
dune de plage jaune, depuis la jetée jusqu'aux Roches Noires, les ombrelles
de toutes les couleurs, les chapeaux de toutes les formes, les toilettes de
toutes les nuances, par groupes devant les cabines, par lignes le long du flot
dispersées ça et là, ressemblaient vraiment à des bouquets énormes dans
une prairie démesurée. Et le bruit confus, proche et lointain des voix
égrenées dans l'air léger, les appels, les cris d'enfants qu'on baigne, les rires
clairs des femmes faisaient une rumeur continue et douce, mêlée à la brise
insensible et qu'on aspirait avec elle."
16. En 1864, le Salon officiel accepta deux de ses
tableaux, et, en 1865, il y exposa Olympia" (1863,
musée d'Orsay, Paris), un nu inspiré de la Vénus
d'Urbino de Titien qui provoqua un scandale
encore plus grand que "Le déjeuner sur l'herbe".
Manet qui avait conscience d'avoir réussi là
quelque chose d'important conservera ce
tableau jusqu'à sa mort, et Claude Monet, après
la mort de Manet organisera une collecte pour
éviter que la veuve de Manet, alors en difficulté
financière, ne le vende à un américain. "Olympia"
rentrera au Louvre en 1893.
19. En 1882, il y fut présent pour la dernière fois avec Un bar
aux Folies-Bergère (Courtauld Institute Galleries,
Londres), l'une de ses œuvres les plus célèbres.
Manet y donne une nouvelle fois une démonstration de
son art, brillant par une interprétation impassible et
objective d' une scène de la société dans laquelle il vit -
une serveuse au regard vide et absent ne participant que
par sa beauté extérieure aux éclats de ce palais du plaisir
-, une composition en plusieurs plans spatiaux - résultant
du miroir situé derrière la serveuse -, des qualités de
peintre de natures mortes - le réalisme des bouteilles ,
des fruits, des fleurs... -, les tonalités opposant
la dure froideur des éclairages à l'atmosphère
enfumée du bar rendue par des couleurs
atténuées.
25. Pissarro écrit : "Renoir a un grand succès au Salon. Je crois qu'il est
lancé, tant mieux, c'est si dur la misère !".
Pendant ces années "misère", Renoir aura peint de fabuleuses toiles
impressionnistes, aujourd'hui des chefs d'oeuvres connus dans le
monde entier.
En 1880, Il rencontre une jeune modiste, Aline Charigot, qui
travaille non loin de son atelier. Elle a vingt ans, elle posera pour lui
dans de très nombreux tableaux. Ils se marieront en 1890, cinq ans
après la naissance de Pierre, et auront trois enfants, Pierre, Jean (le
cinéaste) et Claude.
Renoir est connu, apprécié, il peut maintenant profiter de la vie.
Aline posera une première fois dans: "Les Canotiers à Chatou", puis
comme les amis de Renoir, dans une de ses toiles majeures qu'il
achèvera en 1881 "Le déjeuner des canotiers" (Aline est la jeune
femme assise à gauche, et en face d'elle le peintre Gustave
Caillebotte)