Ce que pensent les infirmières des internes en médecine : qualités, défauts, intégration au sein de l'équipe soignante... une infirmière se lâche !
Le premier jour d’un interne est primordial, il découvre son nouveau lieu de stage où les infirmières et aides soignantes règnent déjà en terrain conquis. En général on sait avant qu’il n’arrive qui il est, d’où il vient, à quel semestre il en est et on le compare déjà au précédent : « Arrivera-t-il à sa cheville ? » ou au contraire « Vite au suivant ! » ?
Il y a les premiers semestres qui ont encore peu de connaissances pratiques en médecine, et l’annonce de la venue d’un de ces novices signifie pour les équipes soignantes une période plus ou moins longue de galère... En même temps, on a encore espoir de pouvoir réussir à en façonner un ou deux comme on aimerait qu’ils deviennent : patient, attentif, empathique envers les patients (et les soignants), spontané, respectueux et… drôle.
reseauprosante
1. Regards croisés Regards croisés
LES INTERNES VUS… PAR LES INFIRMIÈRES
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L est primordial, il découvre
son nouveau lieu de stage où les
in#rmières et aides soignantes règnent
déjà en terrain conquis. En général
on sait avant qu’il n’arrive qui il est,
d’où il vient, à quel semestre il en est
et on le compare déjà au précédent :
« Arrivera-t-il à sa cheville ? » ou au
contraire « Vite au suivant ! » ?
Il y a les premiers semestres qui ont
encore peu de connaissances pratiques
en médecine, et l’annonce de la venue
d’un de ces novices signi#e pour les
équipes soignantes une période plus
ou moins longue de galère... En même
temps, on a encore espoir de pouvoir
réussir à en façonner un ou deux
comme on aimerait qu’ils deviennent :
patient, attentif, empathique envers les
patients (et les soignants), spontané,
respectueux et… drôle.
Lorsqu’un jour j’ai demandé à une
nouvelle interne de régulariser une
prescription de Clinomel® elle m’a
regardé un peu gênée : « du Clino...
quoi ? ? » Là, prise de conscience
du long chemin qui lui restait encore
parcourir. Elle va apprendre c’est sûr,
il faut juste qu’elle apprenne vite !
Il y a ceux qui dès le premier jour
sont très motivés, volontaires et
enthousiastes, ils ont une soif
d’apprendre et font plaisir à voir.
En général, ce ne sont pas les mieux
organisés car ils veulent tout faire en
même temps (c’est encore trop tôt). En
général, on peut leur demander pas mal
de choses, ils n’osent pas (encore !)
dire non et vont même jusqu’à prendre
le devant et essayent de régler nos
problèmes de service. Il y en a un qui me
revient à l’esprit, il réglait le moindre
de nos petits agacements quotidiens,
un téléphone qui ne fonctionne pas,
une feuille de prescription illisible
(ce qui arrive rarement bien sûr...),
un malentendu avec la pharmacie,
un problème technique quelconque,
une ordonnance personnelle de pilule
contraceptive : pas de panique notre
jeune interne était là. Ce n’était pas
toujours son rôle c’est vrai, mais il
nous a rendu bien des services. Pour
être exact, j’ai connu une interne
capable de faire beaucoup de choses en
même temps et correctement, répondre
aux sonnettes, à notre téléphone,
renseigner la pharmacie, aller mettre
un plat bassin à une patiente, entendre
une conversation de l’autre côté de
la salle de soins et recti#er si une
information est inexacte, faire des
papiers de sortie, regarder des résultats
d’examens sur ordinateur et nous faire
écouter ses musiques préférées, elle
arrivait à être partout en même temps
et avec une facilité déroutante.
Elle est médecin aujourd’hui et n’a
pas changé à part peut être qu’elle ne
répond plus aux sonnettes… il faut
dire qu’elle n’a
plus vraiment
le temps, elle
« fait des trucs
de docteurs »
comme elle dit.
Il y a ceux
qui sont très
stressés et cela
se manifeste de
manières très
variées. Certains
viennent la veille
de leur stage le
nez dans leurs livres, ils en ont déjà
lu un certain nombre mais demandent
encore « Que faut-il lire ? » La
première réponse qui vient à l’esprit
est : « Apprends déjà à faire un TR,
ce sera plus utile pour commencer ».
Certains sont des « faux mous » et
sont stressés de l’intérieur. Ils ne sont
pas faciles à détecter car plus ils sont
stressés et plus ils sont lents. Dans
un service où tout le monde est en
constante activité, cela à tendance à se
remarquer. Quelques-uns perdent du
poids à vue d’oeil, déclarent un eczéma,
d’autres quand ils ne téléphonent
pas dans le service en pleine nuit,
reviennent vers 2 ou 3 heures du matin
pour faire leurs courriers… Quelle vie,
ils sont fous ces internes !
Certains en#n sont encore très hésitants
et pas très à l’aise avec les urgences et
alors que tout le monde s’affaire pour
gérer une situation dif#cile retournent
discrètement se cacher dans leur
chambre de garde, ni vu ni connu,
pensant visiblement que leur absence
passerait inaperçue. C’était sans nous
connaître...
Arrive le temps des « premières fois » ;
la première prise de sang qu’une
interne a fait aura été sur mon bras
pour s’entraîner, la première pose de
sonde urinaire chez une femme pour
un autre aura été marqué d’un « Tu
me préviens quand tu vois quelque
chose… ! », la première évacuation
d’un fécalome pour un jeune interne
aura surtout marqué… le sol !
La première garde d’un interne est
une source de stress j’imagine, mais
ça l’est aussi pour l’in#rmière de nuit
qui veille avec des patients instables.
J’ai le souvenir d’un interne que nous
avons appelé devant une patiente
qui décompensait une insuf#sance
respiratoire, à son arrivée dans la
chambre l’interne de garde est… tombé
dans les pommes ! « On commence
par qui ? »
Dans les situations d’urgence on voit
un peu de tout. Il y a l’interne qui va vite
courir dans ses bouquins qu’il a sorti de
sa poche (voilà pourquoi les médecins
ont toujours des poches de blouses bien
remplies !). Il y a celui qui, con#ant,
nous laisse gérer « C’est bien, faites
comme d’habitude », celui qui nous
regarde désespéré « Euh… t’aurais
pas une idée ? » ou encore « Est-ce
que tu vois ce que je vois ? Réponse :
oui ! Active-toi
! », celui qui
fait un malaise
mais après que
l’épisode aigu soit
géré, c’est bien ça
nous arrange qu’il
attende un peu.
En tout cas, s’il y
a bien une chose
que l’interne de
garde du week-end
apprend vite
c’est qu’il peut
faire le tour des étages pour goûter à
tous les gâteaux qui se cachent dans
les services !
Comment voit-on qu’un interne
commence à être à l’aise dans son
domaine ? Quand il ne demande
plus aux in#rmières: « Comment
faites-vous d’habitude ? »
Vient ensuite le moment de passer Chef
de Clinique, et contrairement à ce que
l’on pourrait penser, l’outil principal
d’un médecin n’est pas un stéthoscope
mais un téléphone portable. Parfois,
avec la pression qui monte, il a tendance
à voler à travers la pièce. Dif#cile pour
l’Assistant de se positionner, faire
(un peu) preuve d’autorité face à une
équipe paramédicale qu’il connaît
souvent déjà « ça va tu me trouves
crédible ? » ou encore « Là, il faudrait
peut être que je m’énerve, non ? » ;
il doit être là pour les in#rmières, les
cadres, les internes, les PH, les patients
qui bien souvent ne comprennent pas
vraiment le rôle qu’ils ont et ne pas
oublier de se former eux mêmes.
Quelle est la différence entre un jeune
interne et un Chef de Clinique ? Ce
dernier réussit à faire part de son
mécontentement aux in#rmières d’une
manière tellement bien tournée qu’à la
#n on arrive presque à lui dire merci,
impressionnant !
En général nous sommes sensibles
à ces petites attentions que certains
médecins ont à notre égard : ils nous
appellent par nos petits noms ou
surnoms, se souviennent des prénoms
des enfants, nous écoutent, viennent
prendre de nos nouvelles, amènent
des croissants ou un gâteau (même
s’il est trop cuit : « C’est moi qui l’ai
fait ! ») et nous les invitons avec plaisir
à partager un café avec nous. Il suf#t
parfois de pas grand-chose, on se rend
service mutuellement, et des petites
attentions des deux côtés, avec un
« merci » ou un « s’il vous plaît » font
plaisir à tous, nous rapprochent un peu
et tout se passe pour le mieux.
Une année, le 1er Mai, un interne a
conquis le coeur de toute une équipe
soignante en apportant à chaque
personne en poste ce jour là un brin de
muguet ! Nous n’en demandions pas
tant mais c’était touchant !
En tant qu’in#rmière on apprend aussi
à vite repérer les humeurs des médecins
et à s’adresser à eux en conséquence,
à réconforter les uns, rassurer ceux
qui doutent, tenter de faire émerger
un sourire à ceux qui sont stressés, se
faire toute petite devant ceux qui sont
rouges de colère, écouter ceux qui ont
envie de parler, rire de leurs blagues et
surtout ne pas leur dire qu’elles ne sont
pas si drôles…
Lorsque l’on voit un interne que l’on a
connu tout au début de son cursus un
peu perdu, hésitant et qu’on le retrouve
opérationnel, compétent, con#ant,
et de surcroit modeste, alors on aime
penser qu’au fond, on y est un peu
pour quelque chose…
Eve Blanchard,
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Cancer Alexis Vautrin UNICANCER.
Merci à Stéphanie Lemoine, interne en chirurgie dentaire à Strasbourg, pour ses dessins
32 N° 09 - Mars 2011 N° 09- Mars 2011 33