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Diaporamas ‘De l’offense à la réconciliation’
Série ‘Mémoire et reconnaissance de crimes du passé’
6-a - La mémoire des crimes
des pouvoirs communistes
En URSS
Étienne Godinot 04.02.2024
La série de diaporamas
‘De l’offense à la réconciliation’
Sommaire : Rappel
Série 1 : Mémoire et reconnaissance de crimes du passé
1 - Introduction
2 - La mémoire de l’esclavage
3 - La mémoire du colonialisme
4 - La mémoire du génocide des Arméniens
5 - La mémoire de la Shoah
6- La mémoire des crimes des pouvoirs communistes
7 - La mémoire des crimes commis par les États-Unis
8 - La mémoire des crimes des Khmers rouges au Cambodge
9 - La mémoire du génocide du Rwanda
10 - La mémoire des crimes commis pendant les guerres en ex-Yougoslavie
11 - La mémoire de l’apartheid en Afrique du Sud
12 - La mémoire des guerres
13 - La mémoire des crimes commis par les institutions religieuses
Série 2 : Justice, pardon et réconciliation
1 - Justice, pardon et réconciliation : dissiper les malentendus
2 - Pardon et réconciliation entre personnes
3 - Pardon et réconciliation entre groupes humains
4 - La réconciliation franco-allemande
5-1 - L’Algérie et la France : de 1830 à 1962
5-2 - L’Algérie et la France : depuis 1962
6 - Le Japon et les traces de sa période impériale en Asie du Sud-Est
7 - La Chine. Une volonté de revanche ?
8 - Institutions en faveur de la justice et des droits humains.
9 - Relire et dépasser le passé pour inventer l’avenir
La mémoire des crimes
des pouvoirs communistes
Sommaire
Diaporama 6-a - En URSS (1917-1991)
Diaporama 6-b - En Europe de l’Est (1945-1991)
1 - Albanie
2 - Allemagne de l’Est
2 - Bulgarie
3 - Hongrie
4 - Pays baltes
5 - Pologne
6 - Roumanie
7 - Tchécoslovaquie
8 - Yougoslavie
Diaporama 6-c - En Chine (depuis 1949),
- au Cambodge : voir le diaporama spécifique sur le
génocide commis par les Khmers rouges,
- en Corée du Nord (depuis 1953),
- à Cuba (depuis 1959).
6-a - La mémoire des crimes
des communistes
en URSS pendant la période soviétique
À rebours de l'idée dominante qui accable Staline, l’historien
Stéphane Courtois établit comment Vladimir Ilitch Oulianov, Lénine
(1870-1924), le jeune intellectuel radical - marqué au fer rouge par
l'exécution de son frère aîné -, a pensé, voulu puis instauré une dictature
idéologique impitoyable.
Il a inventé les concepts (révolution mondiale, dictature du
prolétariat, parti-État, centralisme démocratique, économie planifiée,
terreur de masse) et les instruments (parti unique, police politique,
Armée rouge, Goulag, etc.) du totalitarisme qui a fondé ou fonde les
régimes communistes.
Images du bas : Stéphane Courtois, né 1947, historien, professeur à l'Institut catholique
de Vendée à La Roche-sur-Yon, après une carrière au CNRS. Directeur de collection, il s'est
spécialisé dans l'histoire des mouvances et des régimes communistes. Coordinateur et préfacier
du Livre noir du communisme (1997) auquel ont aussi participé Nicolas Werth (né en 1950,
agrégé d'histoire et chercheur à l'Institut d’Histoire du Temps Présent (IHTP), Jean-Louis Panné,
Karel Bartosek, Andrzej Paczkowski.
Le stalinisme
Après la mort de Lénine en 1924, Staline supplante un à un ses rivaux
politiques, contraints à l’exil ou évincés des instances dirigeantes. S'appuyant
sur la bureaucratisation croissante du régime et la toute-puissance de l’appa-
reil policier, la Guépéou puis le NKVD, il impose progressivement un pouvoir
personnel absolu et transforme l'URSS en un État totalitaire.
Le culte de la personnalité construit autour de sa personne, le secret
systématiquement entretenu autour de ses faits et gestes, le travestissement
de la réalité par le recours incessant à la propagande, la falsification du passé,
la dénonciation délirante de complots, de saboteurs et de traîtres, l’organisa-
tion de procès truqués, la liquidation physique d’adversaires politiques sont
des caractéristiques permanentes de son régime.
Images : - Joseph Staline (1878-1953), né Iossif Vissarionovitch Djougachvili.Il utilise le pseudonyme de
Staline, formé sur le mot russe stal, qui signifie ’acier.’ Acteur marginal de la révolution d'Octobre, il étend
peu à peu son influence politique pendant la guerre civile russe, tissant des liens étroits avec la police
politique, la Tchéka, et devenant, en 1922, secrétaire général du Comité central du Parti communiste. Il
engage l'Union soviétique dans des négociations avec le régime nazi qui aboutissent, en août 1939, à la
signature du pacte germano-soviétique, qui jusqu'en juin 1941 fait de l'URSS une alliée de l'Allemagne
nazie pendant les deux premières années de la Seconde Guerre mondiale. L'invasion allemande de
l'Union soviétique en juin 1941, précipitant cette dernière dans la guerre aux côtés du Royaume-Uni,
alors seul face à l'Allemagne nazie. La victoire militaire finale dans un conflit qui a mis l'URSS au bord du
gouffre, et dont la bataille de Stalingrad est un tournant majeur, confère à Staline un prestige international
retentissant et lui permet d'affirmer son emprise sur un empire s'étendant de la frontière occidentale de la
RDA à l'océan Pacifique.
- Joseph Staline et Joachim von Ribbentrop se serrant la main après la signature du pacte germano-
soviétique au Kremlin le 23 août 1939.
Les déportations massives
de paysans (1930-1932)
Le lancement de la collectivisation forcée des campagnes, décidé au Plenum du
Comité central du Parti communiste de novembre 1929, s’accompagne de la « liqui-
dation des koulaks en tant que classe » ou « dékoulakisation ». Cette campagne a un
double objectif : « extraire » les éléments susceptibles d’opposer une résistance active à
la collectivisation forcée des campagnes et « coloniser » les vastes espaces inhos-
pitaliers de la Sibérie, du Grand Nord, de l’Oural et du Kazakhstan.
1 - Le premier objectif répond à la vision, clairement exprimée par les bolcheviks
dès leur arrivée au pouvoir, selon laquelle la société paysanne, traversée d’antagonis-
mes de classe, recèle des « éléments capitalistes » (koulaks ) irrémédiablement hostiles
au régime.
2 - Le second objectif s’inscrit dans la mise en œuvre du 1er Plan quinquennal,
lancé peu de temps auparavant (début 1929) qui prévoit le développement d’un certain
nombre de régions vides d’hommes, mais riches en ressources naturelles, par une main
d’œuvre pénale ou déportée.
Images : - « Dégageons le koulak du kolkhoz ! ». Affiche de propagande soviétique (1930)
- Affiche en faveur de la collectivisation, Tachkent, 1933 : « Renforcez la discipline de travail dans les fermes
collectives. »
Les déportations massives
de paysans (1930-1932)
La « dékoulakisation » prend la forme d’expropriations, de
confiscations, d’emprisonnements, d’exécutions et de déportations
de masse d’environ 4 millions de paysans.
De toutes les campagnes de déportations programmées par la
direction stalinienne, la première est restée la plus importante. Elle
touche en 1930-1931 plus 1 800 000 paysans « dékoulakisés », les
premiers « déplacés spéciaux » de Staline.
Images :
- Manifestation dans le cadre de la dékoulakisation. Les calicots portent les inscriptions :
« Nous allons liquider les koulaks en tant que classe » et « Tout pour la lutte contre les
saboteurs de l'économie agricole ».
- Expulsion des koulaks expropriés dans le cadre de la collectivisation des propriétés
agricoles
- Les déportés embarqués dans des wagons de marchandises.
- Koulaks dans un camp de travail en 1930.
Les famines des années 1931-1933
Malgré quelques divergences dans l’analyse de certains
enchaînements et du poids respectif des divers facteurs ayant
conduit à ces famines, les historiens s’accordent à reconnaître que
ces événements tragiques sont le résultat non de conditions
météorologiques, mais bien des politiques mises en œuvre par le
régime stalinien depuis le début de l’année 1930.
Il est aujourd’hui établi qu’en 1931-1933, la population du
Kazakhstan a diminué de 1,7 à 2 millions de personnes. Sur ce
nombre, environ 600 000 ont fui définitivement leur région ravagée
par la famine ; les autres - entre 1,1 et 1,4 million - sont morts de
faim ou d’épidémies.
Images :
- 2. Paysans ukrainiens expulsés de leur maison dans le village d'Udachne, en Ukraine,
vers 1932-1933
- 3. Soldat de l'armée rouge gardant, fusil à la main, un entrepôt de céréales
réquisitionnées durant l'Holodomor en Ukraine, au début des années 1930.
Les famines des années 1931-1933
En 1931, l’Ukraine, le Kouban et la région centrale des
Terres noires sont particulièrement mis à contribution pour livrer
leur production à l’État.
Le terme Holodomor (littéralement "famine", mais qu'on
peut traduire par "extermination par la faim") désigne la grande
famine qui a lieu en RSS d'Ukraine et dans le Kouban (RSFS de
Russie), en 1932 et 1933, et qui fait, selon les estimations des
historiens, entre 2,6 et 7 millions de morts.
Images :
- Des sacs de céréales sont confisqués aux ménages ukrainiens pendant l’Holodomor.
- Convoi de camions réquisitionnant les sacs de grains, à Kiev en 1932.
- Photo mise en scène dans un kolkhoze près de Kiev, au temps de la famine de 1933,
illustrant la volonté de camouflage, et le poids des images de propagande. Édouard
Herriot, l'ancien président du Conseil, qui était en 1933 député-maire de Lyon, avait fait
le déplacement mais n'avait rien vu. Pas même les vêtements au loin, en lambeaux au
détour d'un chemin : ceux de gens morts de faim.
L’Holodomor en Ukraine
Des activistes venus de Russie et des unités de la police politique
engagent de véritables actions punitives dans les kolkhozes ukrainiens
pour « prendre d’assaut les céréales » par la force, y compris les
semences pour la future récolte et les maigres « avances » en nature
reçues par les kolkhoziens pour leur travail de l’année. Les villages qui
n’ont pas rempli le « plan de collecte » sont « inscrits au tableau noir » :
tous les magasins y sont fermés, les importations de produits alimentaires
ou manufacturés interdites.
Enfin, afin d’éviter un afflux massif des paysans affamés vers les
villes et d’empêcher que la nouvelle de la famine, totalement passée sous
silence, ne se diffuse, la vente des billets de train est suspendue et des
détachements de l’armée et de la police politique déployés autour des
zones affamées pour empêcher tout exode.
Image du bas : Trofim Lyssenko (1898-1976) technicien agricole soviétique. Il est à l'origine
d'une théorie génétique pseudo-scientifique, la "génétique mitchourinienne", qu'il promeut pendant la
période stalinienne, où elle accède en 1948 au rang de théorie officielle exclusive, opposée à une
"science bourgeoise", fausse par essence. Bien qu’il soit resté à son poste à l'Institut de génétique
jusqu'en 1965, son influence sur la pratique agricole soviétique a commencé à décliner après la mort
de Staline en 1953. Le bilan de sa carrière est accablant : « Apport scientifique nul, paralysie de la
biologie et de l'agronomie soviétiques pendant près de trente ans, mise à l'écart et assassinats de
savants mondialement réputés. » Le terme "lyssenkisme" désigne par extension une science
corrompue par l'idéologie, où les faits sont dissimulés ou interprétés de manière scientifiquement
erronée.
1933-1935 : Déportations de peuples
La déportation est une des formes de répression politique en URSS.
Les particularités de ces déportations sont l'absence fréquente de procédure
judiciaire (parfois des procédures expéditives et, pour les responsables
politiques, des procès pour trahison à grand spectacle étaient tenus, après
d'invraisemblables aveux obtenus par la torture) et leur caractère aléatoire :
elles peuvent toucher aussi bien des personnes accusées d'actions concrètes,
supposées hostiles mais de manière absurde (par exemple, accusées de
"complot antisoviétique" pour avoir fourni comme papier-toilette des pages de
journal comportant des photos de Staline), que des groupes de personnes
préalablement définis comme "nuisibles" ou "ennemis" (sur divers critères :
sociaux, économiques, ethniques ou religieux).
Sont ainsi déportés les Coréens des zones frontalières du territoire
d'Extrême-Orient russe, les Balkars, Bulgares, Karatchaïs, Meskhètes,
Kurdes, Nogaïs, Pontiques, Tatars et Tsiganes de Crimée, Allemands de la
Volga, germanophones et Finnois de l'oblast de Leningrad, Karatchaïs,
Kalmouks, Tchétchènes, Ingouches, Arméniens, etc.
Image du bas : 6 000 "éléments socialement nuisibles" sont expédiés, en avril 1933, de Moscou et
de Léningrad vers Tomsk, en Sibérie. Une fois arrivés à destination, les déportés sont envoyés, par
péniche, sans vivres ni outils, sur un îlot désert au milieu du fleuve Ob, où 4 000 d’entre eux meurent de
faim et d’épuisement et de maladie. Certains se livrent au cannibalisme et à la nécrophagie dans un
contexte général d’explosion de la violence.
Les ‘Grandes Purges’ de 1936-1938
Les ‘Grandes Purges’ ou la ‘Grande Terreur’ sont une période de
répressions politiques massives en Union soviétique, principalement de
1936 à 1938. Totalement dominé par Joseph Staline, le Parti communiste
utilise alors à grande échelle l'emprisonnement, la torture, la déportation
et la peine de mort pour éliminer ses opposants politiques réels ou
supposés.
L'ordre opérationnel no 00447 du 31 juillet 1937 , qui ordonne de
réprimer les « éléments antisoviétiques et socialement dangereux »,
marque le début des purges à grande échelle.
Entre 1929 et 1931, plus de 250 000 communistes sont exclus du
Parti, beaucoup pour "déviationnisme droitier".
En 1937, 500 000 membres disparaissent des registres. Sur
139 titulaires et suppléants élus au Comité central par le "Congrès des
Vainqueurs", 98 sont arrêtés et presque tous exécutés.
Image du bas : Première page (sur 19) de l'ordre opérationnel no 00447 du 31 juillet 1937
ordonnant les Grandes Purges
Les ‘Grandes Purges’ de 1936-1938
À partir de 1936, plusieurs procès spectaculaires sont organisés à
Moscou pour convaincre l'opinion publique intérieure et étrangère de
l'existence d'une vaste conspiration antisoviétique. Presque tous les
bolcheviks au premier plan pendant la Révolution russe de 1917 ou dans
le gouvernement de Lénine sont éliminés.
Durant les ‘Grandes Purges’, trois maréchaux sur cinq, 14 géné-
raux d'armée sur 16 et entre 20.000 et 30.000 officiers sont exécutés.
C'est un désastre pour l'Armée rouge. En 1941, quand Hitler viole le pacte
germano-soviétique de 1939 et envahit l’URSS (opération Barbarossa), il
sait que l’armée soviétique n’a jamais été aussi faible
Léon Trotski, en exil au Mexique, est assassiné par un agent
soviétique en août 1940.
Images :
- Staline et Iejov. Nikolaï Iejov (1895-1940) chef suprême du NKVD de sept. 1936 à nov. 1938,
est l’artisan de la pire période du stalinisme puisqu’il a à son actif les trois quarts des exécutions
voulues par Staline soit 1 million de fusillés entre 1929 et 1953. Il fait déporter 800 000 personnes
au goulag. ll est décrit diversement comme un alcoolique, prédateur sexuel, appréciant les orgies
avec des « camarades secrétaires » des deux sexes, et avec une tendance prononcée pour le
sadisme, bien que périodiquement dépressif. Il assiste fréquemment aux exécutions et prend part
personnellement aux séances de torture des accusés les plus connus.
- Lev Davidovitch Bronstein ou Léon Trostky (1879-1940) est assassiné à Mexico d’un coup de
piolet à l’arrière du crâne par un agent de Staline, Ramon Mercader. Son assassinat a donné lieu à
des livres et des films, dont un en 1972.
La répression et la terreur staliniennes
Vers la fin des années 1930, le pouvoir stalinien liquide presque
toutes les organisations juives, y compris la Yevsektsia, la "section juive"
du Parti communiste soviétique. De nombreuses campagnes et purges
antisémites sont organisées après la Seconde Guerre mondiale,
principalement à partir de 1948. Dans la nuit du 12 au 13 août 1952,
appelée plus tard la "Nuit des poètes assassinés", 13 des écrivains
yiddish les plus importants d'Union soviétique sont exécutés sur l'ordre de
Staline.
Le bilan des purges staliniennes est de 681 692 exécutions en
1936-38, sur 799 455 entre 1921 et 1953.
L’historien Nicolas Werth, dans son livre L’ivrogne et la marchande de fleurs (2009), donne
deux exemples de la terreur stalinienne :
- En octobre 1937, le contrôleur de trains Vdovine, ivre, fracasse une bouteille contre un mur
d’une gare de la banlieue de Moscou, et le projectile brise le cadre du portrait d’un hiérarque. En
novembre 1937, Vdovine tombe sous les balles d’un peloton d’exécution : « Acte terroriste contre
un représentant du pouvoir soviétique. »
- Le même mois, Alexandra Nikolevna, marchande de fleurs dans un cimetière de Leningrad,
ose remarquer publiquement que le nombre des enterrements de nuit a augmenté. A la mi-
décembre, elle est fusillée aux côtés de 234 autres condamnés, tous accusés de « propagande
contre-révolutionnaire ».
Le Goulag
Le terme "Goulag" est un acronyme apparu en 1930 et
formé d'après le russe Glavnoïe Upravlenie Lagerej (GULag) qui
signifie ‘Administration principale des camps’.
La police politique placée à la tête du système pénal développe le
Goulag comme instrument de terreur et d'expansion industrielle.
Cette administration pénitentiaire connaît une croissance
constante jusqu'à la mort de Staline, à mesure que de nouveaux
groupes sont incarcérés et déportés, et que ses prérogatives
économiques se développent.
Images :
- Forçats dans une carrière au milieu des années 1930. Staline s’intéressait de près aux
performances des prisonniers, performances médiocres compte tenu de leur état physique.
- Les principaux camps du Goulag entre 1923 et 1961, selon les travaux de la fondation russe
‘Memorial’.
Le Goulag
Les premiers « camps de concentration » sont créés par
les deux camps en lutte au cours de la guerre civile russe
(1917-1921), bolcheviques et blancs. Les protagonistes du
conflit reprennent ainsi à leur compte le système carcéral des
camps de travail, les katorgas, qui existaient déjà sous les
tsars pendant l’Empire russe.
Pendant toute la guerre froide, l'existence du Goulag en
tant que réseau massif de camps de travaux forcés utilisé
pour la répression politique, était niée non seulement par les
autorités soviétiques, mais aussi par la presse communiste
internationale.
Images :
- Travail forcé dans un camp du Goulag,
- sur un chantier,
- à la construction d’une voie de chemins de fer.
Les
camps
Les objectifs assignés aux camps de travail n’ont pas changé depuis l’époque
impériale : éloigner les opposants politiques, et sous Staline, les marginaux, peupler de
façon autoritaire les régions vides, exploiter les ressources de l’immense Russie,
terroriser la population. Staline ajoute aussi la fonction de rééducation : le travail forcé
doit transformer le monde ancien et forger un "homme nouveau".
Entre 1920 et 1923, la Russie soviétique compte 84 camps regroupant environ
25 000 prisonniers. Mais bientôt, la place venant à manquer, il faut créer des camps
spécifiquement soviétiques : en 1923, les camps laboratoires des îles Solovki deviennent
un modèle pour le régime. Afin de stimuler la production, les rations alimentaires sont
distribuées en fonction du travail effectué
Par un décret d’avril 1930, Staline et ses collaborateurs fondent le Goulag, confiant
successivement sa gestion à la GPU (ou Guépéou), au NKVD, puis enfin au MVD.
Images :
- Des prisonniers des camps des îles Solovki lors de la construction du canal de la mer Blanche, au début des années
1930. Des milliers de travailleurs forcés sont morts sur ce chantier.
- Travail forcé dans la forêt
- Baraquements de camps
L’enfer
de Kolyma
L’exploitation des mines d’or de la Kolyma par les prisonniers dés le début des
années 1930 jusqu’en 1953, répond à la volonté de Staline de faire de l’URSS une
puissance industrielle.
Selon l'historien britannique Robert Conquest, le taux de mortalité parmi les
prisonniers atteignait 30 % la première année et à peu près 100 % après deux ans. Les
causes en étaient d'abord les conditions climatiques extrêmes entraînant la mort ou les
gelures ; ensuite des rations alimentaires très insuffisantes ; enfin, les épidémies de
scorbut et de dysenterie, peu ou pas traitées.
En 1930-1932, 2 millions de paysans (soit 380 000 foyers) sont déportés dans des
villages d’exilés, 100 000 dans les camps du Goulag, qui passent, de 1930 à 1935, de
179 000 à près d’un million de détenus.
Photos :
- La route fédérale russe de Kolyma, la M-56 devenue R-504, appelée « route des ossements », s’étend sur
environ 2,000 kilomètres, et relie Magadan, une ville portuaire sur les côtes de la mer d’Okhotsk, à Yakutsk, une ville de
l’est de la Sibérie. Les prisonniers du Goulag durent travailler par des températures extrêmes pour construire la route, au
travers des marais infestés d'insectes l'été et des champs de glace l'hiver (jusqu’à – 70 ° C). Elle doit son surnom aux
corps des prisonniers, enterrés sous la chaussée. En tout, près de 200 000 personnes sont mortes pendant sa
construction, et plus d'un million aurait travaillé sur cette route.
- Une mine de Kolyma
- Le travail forcé à la mine
Le Goulag
Pendant l’apogée du Goulag (1945-1953), le nombre de détenus
augmente jusqu’en 1950 pour dépasser les deux millions. Des camps
spéciaux sont mis en place et accueillent les prisonniers politiques
condamnés à de longues peines. Le régime crée des lagpounkts
disciplinaires.
Il existe plusieurs types de camps, spécialisés dans divers secteurs
de l’économie : travail agricole, voies ferrées, routes, charbon, minerais,
pétrole, creusement de canaux, etc. Les détenus construisent également
de nombreuses villes : Komsomolsk-sur-l’Amour, Petchora, Inta,
Magadan, Vorkouta, Norilsk, etc.
Les gardes ont l’ordre de tirer sur les fugitifs. Les tentatives
d’évasion ont existé, mais, dans les camps sibériens, les détenus sont
découragés de s’enfuir par l’isolement des camps et les contraintes
naturelles.
Le Goulag
L’humiliation des victimes est multiple : par les crimes fictifs dont elles sont
accusées, par les qualificatifs dont elles sont affublées, par le traitement inhumain
qu’elles subissent, puis par le silence entourant les conditions de leur déportation ou de
leur mort, relayé par tous ceux qui nient l'existence de tels traitements.
Cependant, le Goulag se démarque des camps nazis sur plusieurs points :
1) le système concentrationnaire soviétique a duré beaucoup plus longtemps que le
système nazi et a comporté plus de 600 camps alors que le système allemand n'a pas
dépassé 50 ;
2) les prisonniers soviétiques survivants pouvaient être libérés à l'issue de leur peine et
étaient alors assignés à résidence dans la région par les autorités, dans le but de
peupler des régions lointaines ou de climat difficile, où les non-prisonniers rechignaient
à s'installer.
Le bilan du Goulag
Pendant la Grande Terreur et Grandes Purges (1936-1938), n'im-
porte qui peut faire l'objet de la répression. Les purges stali-
niennes de ces années envoient au Goulag 700 000 personnes, dont
140 000 Polonais, 172 000 personnes d'origine coréenne de la région de
Vladivostok, et 30 000 citoyens soviétiques d'origine finlandaise de la
province de Leningrad.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, la mortalité augmente
fortement dans les camps soviétiques : pendant l’hiver 1941-1942, 25 %
des décès dans les camps sont dus à la famine.
Entre nov. 1943 et juin 1944, 900 000 Ukrainiens, Tchétchènes,
Ingouches, Tatars de Crimée, Karatchaïs, Balkars, Kalmouks arrivent dans
les camps. À l'automne 1944, 130 000 Grecs, Bulgares, Arméniens, Turcs
et Kurdes sont arrêtés et déportés.
Les historiens estiment qu’il y eut 2 à 4 millions de morts dans les
camps et les colonies du Goulag. Nicolas Werth et Luba Jurgenson, dans
leur ouvrage Le Goulag (2017) évoquent les chiffres de 20 millions de
détenus et 4 millions de morts entre 1929 et 1954, victimes de maladies et
de traumatismes provoqués par la faim, l'épuisement et le froid, ou sous les
balles des gardiens.
- Image : Dortoir dans un camp du Goulag
La police politique des tsars à nos jours
Opritchnik (littéralement ‘homme à part’), organisation de cavaliers habillés de noir,
investie de privilèges spéciaux de police qui répandait la terreur sous le tsar Ivan le Terrible
(1530-1584), peut être considérée comme un précurseur de services secrets en Russie…
Okhrana : Otdeleniye po okhraneniou obchtchestvennoï bezopasnosti i poryadka,
‘Section de préservation de la sécurité et de l’ordre publics’. Police secrète des tsars créée
en 1881 par l’empereur Alexandre III pour faire face à la recrudescence d’attentats politiques
et la menace bolchévique. « Prototype de la police politique moderne » selon Victor Serge,
elle compte 1500 agents et recourt à des agents provocateurs. Elle est dissoute après la
révolution de 1917.
Tchéka : acronyme de ‘Commission extraordinaire’, forme abrégée de ‘Commission
extraordinaire panrusse pour la répression de la contre-révolution et du sabotage auprès du
Conseil des commissaires du peuple de la RSFSR’. Sous l’autorité de Félix Dzerjinski, cette
police politique est instaurée en décem-bre 1917 afin d’espionner les "ennemis du nouveau
régime révolutionnaire". Elle compte 280 000 agents en 1921.
Images :
- Logos d’Okhrana et de la Tchéka, de la GPU et du NKVD
- Felix Dzerjinski (1877-1926), Un des dirigeants bolcheviks de la révolution d'Octobre 1917. Fonde et dirige
la Tchéka. Un des artisans de la ‘Terreur rouge’. Il affirme que « la contrainte prolétarienne sous toutes ses
formes, en commençant par les exécutions capitales, constitue une méthode en vue de créer l'homme
communiste. » La cause de sa mort à 48 ans est incertaine : certaines sources indiquent qu'il aurait été
empoisonné par Staline après avoir découvert un dossier concernant le passé d'agent double de Staline au
sein de l'Okhrana
La police politique (suite)
GPU (ou Gépéou) : Gossoudarstvénnoïe Polititcheskoïé Upravlénié :
‘Direction politique d’État auprès du NKVD de la RSFSR’. Nouveau nom de la Tchéka
en 1922. La première police secrète de l’Union soviétique. Elle surveille et "démantèle
le réseau" d'opposants trotskistes qui demandent une démocratisation du Comité
central, met en œuvre la politique de "dékoulakisation" voulue par Staline, mène des
missions de désinformation (Desinformburo), fait de la recherche en guerre bactério-
logique. Passant de 60 000 hommes au moment de sa création à 25 000 hommes au
moment où elle est rattachée au NKVD.
NKVD : Narodniï Komissariat Vnoutrennikh Diel ou ‘Commissariat du peuple
aux Affaires intérieures’. En 1934, la GPU est absorbée par ce service contrôlant la
population et les élites pour maintenir l’autorité de Staline. Le NKVD est responsable
des ‘Grandes purges’. Il comprend la section O.S.S.O. qui a le droit d'ordonner, par
simple mesure administrative, l'arrestation puis la déportation dans les camps de
travail et de concentration gérés par le Goulag à partir de 1930.
Images :
- Écussons de la GPU et du NKVD
- Timbre soviétique de 4 kopecks en l’honneur de l’espion Richard Sorge (1895-1944) "héros de
l'Union soviétique" "antifasciste" , infiltré dans le parti nazi puis à l’Abwehr, espion au Japon, pendu
en prison à Tokyo.
Un succès important des services secrets soviétiques fut l'obtention d'informations détaillées
concernant le bâtiment où avait été construite la bombe atomique (projet Manhattan), possible grâce
aux agents infiltrés du KGB, tels Klaus Fuchs et Theodore Hall.
La police politique (suite)
MGB : Ministerstvo Gossoudarstvennoï Bezopasnosti (‘Ministère de la sécu-
rité de l'État’). En mars 1953, peu après la mort de Staline, Lavrenti Beria réunit le
ministère des Affaires intérieures (MVD) et le MGB en un seul organisme, appelé
MVD. Mais peu après, Beria est exécuté et le MVD est dissous.
KGB : Komitet Gossoudarstvennoï Bezopasnosti, ‘Comité pour la sécurité
de l'État’. Un an après la mort de Staline, le ministère se transforme en un service de
renseignement politique. Il est responsable de la mort de milliers de personnes
considérées comme des opposants ou des "ennemis du peuple". Ennemi des
services secrets occidentaux (CIA, MI6…) durant la Guerre froide, le KGB élimine
tout dissident politique accusé de "subversion idéologique". Certains experts
estiment que le KGB comptait 1,5 million de collaborateurs, le gouvernement sovié-
tique affirmant quant à lui que ses services secrets comptaient 480 000 employés
dont 217 000 gardes-frontières. Il cesse d’exister en 1991, après la chute du bloc
soviétique.
FSB : Federalnaïa Sloujba Bezopasnosti Rossiyskoï Federatsii, ‘Service de
sécurité de la Fédération de Russie’, toujours en activité dans le pays de Vladimir
Poutine.
Images
- Emblèmes du KGB
- et du FSB.
- Vladimir Poutine. Officier du KGB, il est en poste à Dresde au moment de la chute du mur de
Berlin.
La psychiatrique punitive
En 1958, le Goulag est rebaptisé "colonie de redressement par le
travail", et placé sous la tutelle du ministère de la Justice de l’URSS.
Plusieurs centaines de dissidents sont enfermés en hôpital psychiatrique*
(psikhushka) relevant du MVD (ministère de l'Intérieur). La psychiatrie
punitive devient un mode de traitement des dissidents politiques à partir des
années 1960. À la fin de l'année 1979, 6 308 personnes sont traitées dans
des établissements de type MVD**.
Les hôpitaux psychiatriques spéciaux comme sont souvent gardés
comme des camps et protégés par des barbelés.
* souvent sous le diagnostic de « schizophrénie torpide » ou « schizophrénie latente »,
« schizophrénie larvée », « schizophrénie lente », « schizophrénie stagnante ». L'article du Code
criminel de la République socialiste fédérative soviétique de Russie le plus souvent utilisé à propos
des dissidents est l'article 70 qui concerne l'« agitation anti-soviétique et la propagande ». La durée du
séjour en hôpital spécialisé était beaucoup plus longue que celle prévue par le tribunal…
** Dnipropetrovsk, Kazan, Leningrad, Minsk, Orlov, Sytchevska, Tcherniakhov, et deux
« maisons de repos », à Kiev et Poltava. Dans la colonie de travail pénitentiaire no 5, qui se trouve
dans l'île de Sviajsk, existe depuis 1956 une section de l'hôpital psychiatrique de Kazan où meurent
3087 prisonniers, entre la fin des années 1930 jusqu'aux années 1970.
Photos :
- Yuri Andropov. En avril 1969, il adresse au Comité central du PCUS un projet d'agrandissement du
réseau des hôpitaux psychiatriques en perfectionnant leur utilisation aux fins de défendre les intérêts
de l'État soviétique et de l'ordre social.
- L'institut Serbski de Moscou ("Centre d'étude de l'État pour la psychiatrie judiciaire")
L’internement psychiatrique pour raisons politiques
Les conditions de séjour dans les hôpitaux sont :
- la surpopulation extrême dans les cellules à l’air vicié,
- l'absence de WC (autorisés pendant des heures déterminées et pendant
quelques minutes pour chaque détenu),
- le manque d'espace pour circuler,
- l’absence d’activité et de visites
- la privation de papier et de stylos, la limitation très stricte d'accès aux
livres ou aux revues,
- l'absence de possibilité de se retrouver dans une même chambre avec
d'autres détenus politiques : ils doivent au contraire se retrouver avec des
détenus atteints de graves maladies mentales, ou qui ont commis des
faits criminels,
- l’alimentation maigre et mauvaise, la privation d’eau, etc.
On cherche à obtenir la rétractation des prisonniers au moyen de
drogues et d’électrochocs. Les produits neuroleptiques sont utilisés de
manière permanente et durant de longues périodes. Les détenus
reçoivent des coups ou subissent le supplice dit de l'« enroulement »*
* le corps est compressé dans des draps humides et froids presque jusqu'à l'étouffement.
Puis le corps est placé près d'un radiateur chaud : en séchant les draps se resserrent autour du
corps et accroissent encore l'impression d'étouffer.
La déstalinisation
La déstalinisation en Union soviétique commence avec
Lavrenti Beria qui prend une mesure d’amnistie partielle après
la mort de Staline en mars 1953. Elle prend un ton officiel le 24
février 1956, lorsque Nikita Khrouchtchev, alors Secrétaire général du
Comité central du Parti communiste d'Union soviétique (PCUS) divulgue
pendant 4 heures son Rapport sur le culte de la personnalité à la fin du
20ème congrès du Parti. Ce document, écrit par une commission présidée
par le bureaucrate Piotr Pospelov, explique comment s'est développé et
imposé le "culte de la personnalité de Staline" et quelles en ont été,
durant 20 ans, les manifestations et les conséquences.
Pour les dirigeants soviétiques, la déstalinisation consiste à aban-
donner le culte de la personnalité et à dénoncer les "excès" de la période
du stalinisme. En ressort une nouvelle image de Staline - celle d'un tyran
fabriquant jour après jour son propre culte, de plus en plus suspicieux vis-
à-vis de ses collaborateurs, d'un dictateur incompétent, replié sur lui-
même et totalement coupé de son peuple.
Photos : - Khrouchtchev lisant son rapport au 20è congrès du PCUS.
- Lavrenti Beria (1899-1953). Bras droit de Staline, est une figure-clé du pouvoir soviétique de
1938 à 1953. Chef du NKVD, un des responsables du massacre de Katyń. Par la suite membre du
Politburo de 1946 à sa mort, contrôle l'ensemble de la sécurité intérieure et extérieure de l'Union
soviétique. En 1953, alors que Staline a déjà programmé son élimination en montant de toutes
pièces un « complot mingrélien » (sous-groupe ethnique des Géorgiens), la mort du dictateur le
sauve in extremis. À peine trois mois après la mort de Staline, et dans les trois jours qui suivent
l'écrasement de la révolte berlinoise, Beria est arrêté en juin 1953 par la police de Khrouchtchev, et
fusillé six mois plus tard avec six de ses collaborateurs.
La déstalinisation
Sont dénoncés les déportations massives, les arrestations arbi-
traires "d'honnêtes communistes et de chefs militaires traités en ennemis
du peuple", l'incapacité du dictateur dans les préparatifs de guerre, son
caractère irascible, y compris dans ses rapports avec les partis commu-
nistes frères. La biographie officielle qui présente Staline comme "le plus
grand stratège de tous les temps", comme un véritable sage infaillible est
sévèrement critiquée.
Le but aussi pour Khrouchtchev est de se débarrasser des cadres
staliniens, particulièrement Malenkov et Molotov. Initialement secret, le
rapport n‘est publié en Russie qu'à la fin des années 1980 dans le cadre
de la Glasnost.
Khrouchtchev lui-même ne reconnaîtra formellement qu'il était l'auteur du Rapport secret que
six ans après son éviction du pouvoir, dans les Mémoires qu'il rédige peu avant sa mort, en 1970 et
qui sont publiés à l'Ouest la même année, ultime pied de nez de l'ex-Premier secrétaire à ses
successeurs. Longtemps, les Mémoires de Khrouchtchev sont aussi restés le témoignage essentiel
sur la genèse du Rapport secret. L’auteur y enjolive son propre rôle, fait apparaître ses collègues
comme résolument opposés à la divulgation des erreurs et des crimes de Staline, passe sous
silence bien des faits, en déforme d'autres. Il allège plusieurs données du rapport Pospelov et
rajoute les forfaits commis par Staline pendant et après la Seconde Guerre mondiale, mais juste
dans le but de le rendre seul responsable et de dissimuler soigneusement sa propre participation
aux mêmes crimes, ce qui a notamment été révélé en 1992 lorsque les archives ont été pour un
temps ouvertes aux historiens.
Photo du haut : Statue de Staline à Tbilissi (Géorgie)
La déstalinisation
Le corps de Staline, embaumé et jusqu'alors exposé dans le
mausolée de Lénine sur la place Rouge à Moscou, est retiré et inhumé en
1961. Dans le même temps, la ville de Stalingrad est rebaptisée Volgograd.
Presque toutes les statues à l'effigie de Staline disséminées à travers l'URSS
sont démontées.
Les prisonniers politiques sont progressivement réhabilités : en 1957,
parmi les prisonniers des camps, on ne compte plus "que" 2 % de politi-
ques. En 1961,Grigori Tchoukhraï réalise son film Ciel pur, vive critique du
stalinisme. En 1962, Alexandre Soljenitsyne peut publier Une journée d'Ivan
Denissovitch dans la revue littéraire Novy Mir dirigée alors par Alexandre
Tvardovski.
Le rapport constitue néanmoins un choc brutal, notamment pour les « partis frères » de l'Europe
de l'Est, car il met à bas le principe de l'infaillibilité du Comité central. Et certains dirigeants comme
Walter Ulbricht désapprouvent le rapport ; ils ont en effet leur propre culte de la personnalité. Les
Hongrois exigent la destitution du stalinien Mátyás Rákosiet les Polonais et Yougoslaves expriment leur
colère.
D'un autre côté, les dirigeants installés par Staline, de même que les Chinois et les Albanais
manifestent un vif mécontentement face à cette remise en cause : Mao Zedong adopte ainsi un credo
« anti-révisionniste » afin d'éviter, en Chine, toute forme de déstalinisation, assimilée à un écart vis-à-
vis du marxisme-léninisme. La Chine rompt avec l'Union soviétique au début des années 1960. La
République populaire d'Albanie se brouille également avec l'URSS et s'aligne sur la Chine : le régime
d'Enver Hoxha demeure le seul, en Europe, à conserver officiellement des références staliniennes.
Photo du haut : le corps embaumé de Staline dans le mausolée de Lénine
La déstalinisation
Après le limogeage de Khrouchtchev, Léonid Brejnev, plus conser-
vateur, voulant éviter un relâchement des mœurs et souhaitant promou-
voir la grande guerre patriotique contre le nazisme, interrompt la déstali-
nisation et entreprend une réhabilitation progressive de Staline. Il faut
attendre la glasnost portée en URSS par Mikhaïl Gorbatchev à partir de
mai 1986 et l'ouverture des archives pour s’approcher de la vérité.
Lors de son arrivée au pouvoir en 2004, le président de Géorgie
Mikheil Saakachvili lance une politique de déstalinisation : en 2010, il fait
déboulonner une immense statue de Staline qui restait à Tbilissi, et en
2011, il fait voter par le Parlement l’interdiction des symboles soviétiques.
Photos :
- Budapest 1956. La tête de la statue de Staline abattue
- La grande statue de bronze, de 6 m de hauteur, représentant Staline dans sa ville
natale de Gori, en Géorgie, est déboulonnée secrètement de nuit en juin 2010
.
La mémoire des crimes du stalinisme
Pendant la période de Boris Elstine, les thèmes du tsarisme et du
stalinisme peuvent faire l’objet de recherches historiques, alors
qu’auparavant l’oblitération du passé par la censure en empêchait toute
interprétation.
Ce revirement mémoriel a pour conséquence un rejet de la
révolution d’Octobre, jusqu’alors célébrée comme l’acte fondateur du
système soviétique, présentée désormais comme un coup d’État,
œuvre marginale d’individus isolés. Cette représentation permet de
diaboliser le bolchevisme et, par extension, de jeter le discrédit sur
l’ensemble de la période soviétique afin de se débarrasser du poids du
passé stalinien et du sentiment de culpabilité qu’il suscitait sans
s’interroger sur ce qui l’a rendu possible. Les dirigeants décident de
miser sur la carte du nationalisme pour reconstituer une identité
collective.
Vladimir Poutine impose une vision de l’Histoire centrée sur « la
grandeur de la Russie » qui, grâce à un pouvoir fort au service de
l’esprit national, a permis au pays de s’affirmer en tant que « voie
particulière » dans l’histoire des civilisations.
Photos : - Mémorial de la grande famine de 1932, place Mykhailivska à Kiev.
- Mémorial en hommage aux victimes de l'Holodomor, à Kiev, en Ukraine.
- Le mémorial en l’honneur des victimes du Goulag à Moscou, place Loubianka, est constitué
d’une pierre provenant des îles Solovki, berceau des camps de concentration soviétiques.
Une
mémoire
officielle
sélective
Dans cette lecture du passé, tous les représentants autocratiques ont leur
place, du Tsar à Staline dont la figure est récupérée non en tant qu’héritier du bolche-
visme, mais en tant que restaurateur du pouvoir absolu de l’État.
Les principaux jalons de la période stalinienne que sont la violence étatique, la
répression des opposants, la famine de 1932-1933 et la terreur de 1937-1938 sont
reconnus mais minimisés, perçus comme les dommages collatéraux inévitables à
l’établissement d’un pouvoir fort dont l’accomplissement suprême fut la victoire sur
l’Allemagne nazie, désignée comme le mal absolu.
La mémoire du stalinisme reprise dans la mémoire officielle est la mémoire des
victimes et non celle des crimes. Il n’existe aucun consensus dans la société sur l’iden-
tification des bourreaux, ni sur la qualification des crimes commis.
Images :
- Le musée de l'histoire du Goulag est une institution culturelle de l'État de la ville de Moscou situé jusqu'en 2015 rue
Petrovka, et installé depuis dans des bâtiments plus spacieux et modernes sur la voie Pervy Samotiotchny. Le musée
a été ouvert en 2001 sur instruction personnelle de l'ancien maire de Moscou Iouri Loujkov.
- Monument à la mémoire de la déportation des Tatars de Crimée à Soudak
- Wagon de déportation des Kalmouks, à Elista (Kalmoukie)
Mémoire : Le rôle de la société civile
Aucun procès à l’encontre des acteurs de la terreur stalinienne
n’a eu lieu et donc aucun jugement, pouvant servir d’appui à cette
qualification, n’a été rendu. De même, aucun acte juridique de l’État
où le terrorisme d’État serait qualifié de crime n’a été produit.
Le travail de mémoire, en tant qu’instrument de prise en compte
des conflits d’interprétations du passé, repose donc entièrement sur
la société civile dans la mesure où le pouvoir l’autorise. Depuis 1988,
l’ONG Mémorial se donne spécifiquement comme objectifs de rétablir
la mémoire du stalinisme dans sa complexité, tant en perpétuant la
mémoire des victimes qu’en assumant la nature des crimes commis,
et de la faire s’intégrer dans les consciences collectives.
Photo : - Mémorial du Goulag à Magadan. Cette ville portuaire de 100 000 habitants, sur
l’océan Pacifique, face à la péninsule du Kamtchatka, était le point majeur d’accès des pri-
sonniers du Goulag, par bateaux depuis Vladivostok, faute d'accès routier dans cette région
très isolée; Les prisonniers étaient destinés aux différents camps de travail de l’Extrême-
Orient russe, disséminés notamment le long du fleuve Kolyma qui se jette dans l’océan
arctique. Le monument de fer et de béton a été érigé en 1996, période où la construction
approximative de la démocratie en Russie permettait la préservation de la mémoire.
- Monument érigé en hommage aux victimes des Grandes Purges, dans la ville de Donetsk
(Ukraine), en 2013.
La mémoire du Goulag interdite par Poutine
‘Memorial’ est une organisation non gouvernementale russe créée
en 1988 par les dissidents soviétiques, en vue de la défense des droits
humains et de la préservation de la mémoire des victimes du pouvoir
soviétique, notamment stalinien, mais aussi d'exactions plus récentes
commises en Russie comme en Tchétchénie.
Pendant la période de la Perestroïka, après 1991, elle organise une
assistance aux prisonniers politiques, victimes du régime soviétique.
En 2021, ‘Mémorial’ devient un réseau d'organisations sises en
Russie, en Allemagne, au Kazakhstan, en Italie, en Tchéquie, en Belgique,
en France et en Ukraine.
L’organisation est dissoute le 28 décembre 2021 par la Cour suprê-
me russe, aux ordres de Vladimir Poutine, en raison du non-respect
d'obligations découlant de son statut « d'agent de l'étranger ». ‘Memorial’
est aussi accusée de « glorifier le terrorisme et l’extrémisme ». Le maître
du Kremlin entend priver les Russes de tout passé qui ne serait pas
glorieux.
Images :
- Logo de l’organisation ‘Memorial’
- Les locaux de l’ONG ‘Memorial’ à Moscou fermés par des menottes,
Quelques figures de ‘Memorial’
Arseny Roginsky (1946-2017), historien russe d’origine juive et dissident
soviétique. Diplômé de l’université d’histoire et de philologie de Tartu, en Estonie, il
revient enseigner et travailler à la bibliothèque de Leningrad. De 1975 à 1981, il est
rédacteur en chef d'une série samizdat de documents et d'études historiques intitulée
Pamyat (Mémoire). En août 1981, il est arrêté en vertu de l'article 196 ("la falsification et
la production et la vente de faux documents") du Code pénal de la RSFSR et accusé
d'avoir transféré des documents à l'étranger à des "publications anti-soviétiques" telles
que Pamyat, condamné à 4 ans d'emprisonnement dans un camp de la région des
Komis, non loin de celle d’Arkhangelsk où son père avait été interné. Réhabilité
en 1992, après la chute de l’URSS. Principal fondateur et Président de l'International
Historical and Civil Rights Society Memorial.
Natalia Estemirova, représentante de ‘Memorial’ en Tchétchénie, qui enquêtait
sur des cas très graves de violation des droits humains, est enlevée et exécutée le 15
juillet 2009.
Iouri Dmitriev, historien, a dressé une liste de 40 000 victimes exécutées pendant
la terreur stalinienne. En septembre 2020, accusé selon la Justice poutinienne de
violences sexuelles envers sa fille adoptive, il est condamné à 13 ans d’emprisonne-
ment.
La mémoire du communisme en URSS
Livres
La mémoire du communisme en URSS
Documentaires, films
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Mémoire et reconnaissance de crimes du passé. — 06a. La mémoire des crimes des pouvoirs communistes : URSS

  • 1. Diaporamas ‘De l’offense à la réconciliation’ Série ‘Mémoire et reconnaissance de crimes du passé’ 6-a - La mémoire des crimes des pouvoirs communistes En URSS Étienne Godinot 04.02.2024
  • 2. La série de diaporamas ‘De l’offense à la réconciliation’ Sommaire : Rappel Série 1 : Mémoire et reconnaissance de crimes du passé 1 - Introduction 2 - La mémoire de l’esclavage 3 - La mémoire du colonialisme 4 - La mémoire du génocide des Arméniens 5 - La mémoire de la Shoah 6- La mémoire des crimes des pouvoirs communistes 7 - La mémoire des crimes commis par les États-Unis 8 - La mémoire des crimes des Khmers rouges au Cambodge 9 - La mémoire du génocide du Rwanda 10 - La mémoire des crimes commis pendant les guerres en ex-Yougoslavie 11 - La mémoire de l’apartheid en Afrique du Sud 12 - La mémoire des guerres 13 - La mémoire des crimes commis par les institutions religieuses Série 2 : Justice, pardon et réconciliation 1 - Justice, pardon et réconciliation : dissiper les malentendus 2 - Pardon et réconciliation entre personnes 3 - Pardon et réconciliation entre groupes humains 4 - La réconciliation franco-allemande 5-1 - L’Algérie et la France : de 1830 à 1962 5-2 - L’Algérie et la France : depuis 1962 6 - Le Japon et les traces de sa période impériale en Asie du Sud-Est 7 - La Chine. Une volonté de revanche ? 8 - Institutions en faveur de la justice et des droits humains. 9 - Relire et dépasser le passé pour inventer l’avenir
  • 3. La mémoire des crimes des pouvoirs communistes Sommaire Diaporama 6-a - En URSS (1917-1991) Diaporama 6-b - En Europe de l’Est (1945-1991) 1 - Albanie 2 - Allemagne de l’Est 2 - Bulgarie 3 - Hongrie 4 - Pays baltes 5 - Pologne 6 - Roumanie 7 - Tchécoslovaquie 8 - Yougoslavie Diaporama 6-c - En Chine (depuis 1949), - au Cambodge : voir le diaporama spécifique sur le génocide commis par les Khmers rouges, - en Corée du Nord (depuis 1953), - à Cuba (depuis 1959).
  • 4. 6-a - La mémoire des crimes des communistes en URSS pendant la période soviétique À rebours de l'idée dominante qui accable Staline, l’historien Stéphane Courtois établit comment Vladimir Ilitch Oulianov, Lénine (1870-1924), le jeune intellectuel radical - marqué au fer rouge par l'exécution de son frère aîné -, a pensé, voulu puis instauré une dictature idéologique impitoyable. Il a inventé les concepts (révolution mondiale, dictature du prolétariat, parti-État, centralisme démocratique, économie planifiée, terreur de masse) et les instruments (parti unique, police politique, Armée rouge, Goulag, etc.) du totalitarisme qui a fondé ou fonde les régimes communistes. Images du bas : Stéphane Courtois, né 1947, historien, professeur à l'Institut catholique de Vendée à La Roche-sur-Yon, après une carrière au CNRS. Directeur de collection, il s'est spécialisé dans l'histoire des mouvances et des régimes communistes. Coordinateur et préfacier du Livre noir du communisme (1997) auquel ont aussi participé Nicolas Werth (né en 1950, agrégé d'histoire et chercheur à l'Institut d’Histoire du Temps Présent (IHTP), Jean-Louis Panné, Karel Bartosek, Andrzej Paczkowski.
  • 5. Le stalinisme Après la mort de Lénine en 1924, Staline supplante un à un ses rivaux politiques, contraints à l’exil ou évincés des instances dirigeantes. S'appuyant sur la bureaucratisation croissante du régime et la toute-puissance de l’appa- reil policier, la Guépéou puis le NKVD, il impose progressivement un pouvoir personnel absolu et transforme l'URSS en un État totalitaire. Le culte de la personnalité construit autour de sa personne, le secret systématiquement entretenu autour de ses faits et gestes, le travestissement de la réalité par le recours incessant à la propagande, la falsification du passé, la dénonciation délirante de complots, de saboteurs et de traîtres, l’organisa- tion de procès truqués, la liquidation physique d’adversaires politiques sont des caractéristiques permanentes de son régime. Images : - Joseph Staline (1878-1953), né Iossif Vissarionovitch Djougachvili.Il utilise le pseudonyme de Staline, formé sur le mot russe stal, qui signifie ’acier.’ Acteur marginal de la révolution d'Octobre, il étend peu à peu son influence politique pendant la guerre civile russe, tissant des liens étroits avec la police politique, la Tchéka, et devenant, en 1922, secrétaire général du Comité central du Parti communiste. Il engage l'Union soviétique dans des négociations avec le régime nazi qui aboutissent, en août 1939, à la signature du pacte germano-soviétique, qui jusqu'en juin 1941 fait de l'URSS une alliée de l'Allemagne nazie pendant les deux premières années de la Seconde Guerre mondiale. L'invasion allemande de l'Union soviétique en juin 1941, précipitant cette dernière dans la guerre aux côtés du Royaume-Uni, alors seul face à l'Allemagne nazie. La victoire militaire finale dans un conflit qui a mis l'URSS au bord du gouffre, et dont la bataille de Stalingrad est un tournant majeur, confère à Staline un prestige international retentissant et lui permet d'affirmer son emprise sur un empire s'étendant de la frontière occidentale de la RDA à l'océan Pacifique. - Joseph Staline et Joachim von Ribbentrop se serrant la main après la signature du pacte germano- soviétique au Kremlin le 23 août 1939.
  • 6. Les déportations massives de paysans (1930-1932) Le lancement de la collectivisation forcée des campagnes, décidé au Plenum du Comité central du Parti communiste de novembre 1929, s’accompagne de la « liqui- dation des koulaks en tant que classe » ou « dékoulakisation ». Cette campagne a un double objectif : « extraire » les éléments susceptibles d’opposer une résistance active à la collectivisation forcée des campagnes et « coloniser » les vastes espaces inhos- pitaliers de la Sibérie, du Grand Nord, de l’Oural et du Kazakhstan. 1 - Le premier objectif répond à la vision, clairement exprimée par les bolcheviks dès leur arrivée au pouvoir, selon laquelle la société paysanne, traversée d’antagonis- mes de classe, recèle des « éléments capitalistes » (koulaks ) irrémédiablement hostiles au régime. 2 - Le second objectif s’inscrit dans la mise en œuvre du 1er Plan quinquennal, lancé peu de temps auparavant (début 1929) qui prévoit le développement d’un certain nombre de régions vides d’hommes, mais riches en ressources naturelles, par une main d’œuvre pénale ou déportée. Images : - « Dégageons le koulak du kolkhoz ! ». Affiche de propagande soviétique (1930) - Affiche en faveur de la collectivisation, Tachkent, 1933 : « Renforcez la discipline de travail dans les fermes collectives. »
  • 7. Les déportations massives de paysans (1930-1932) La « dékoulakisation » prend la forme d’expropriations, de confiscations, d’emprisonnements, d’exécutions et de déportations de masse d’environ 4 millions de paysans. De toutes les campagnes de déportations programmées par la direction stalinienne, la première est restée la plus importante. Elle touche en 1930-1931 plus 1 800 000 paysans « dékoulakisés », les premiers « déplacés spéciaux » de Staline. Images : - Manifestation dans le cadre de la dékoulakisation. Les calicots portent les inscriptions : « Nous allons liquider les koulaks en tant que classe » et « Tout pour la lutte contre les saboteurs de l'économie agricole ». - Expulsion des koulaks expropriés dans le cadre de la collectivisation des propriétés agricoles - Les déportés embarqués dans des wagons de marchandises. - Koulaks dans un camp de travail en 1930.
  • 8. Les famines des années 1931-1933 Malgré quelques divergences dans l’analyse de certains enchaînements et du poids respectif des divers facteurs ayant conduit à ces famines, les historiens s’accordent à reconnaître que ces événements tragiques sont le résultat non de conditions météorologiques, mais bien des politiques mises en œuvre par le régime stalinien depuis le début de l’année 1930. Il est aujourd’hui établi qu’en 1931-1933, la population du Kazakhstan a diminué de 1,7 à 2 millions de personnes. Sur ce nombre, environ 600 000 ont fui définitivement leur région ravagée par la famine ; les autres - entre 1,1 et 1,4 million - sont morts de faim ou d’épidémies. Images : - 2. Paysans ukrainiens expulsés de leur maison dans le village d'Udachne, en Ukraine, vers 1932-1933 - 3. Soldat de l'armée rouge gardant, fusil à la main, un entrepôt de céréales réquisitionnées durant l'Holodomor en Ukraine, au début des années 1930.
  • 9. Les famines des années 1931-1933 En 1931, l’Ukraine, le Kouban et la région centrale des Terres noires sont particulièrement mis à contribution pour livrer leur production à l’État. Le terme Holodomor (littéralement "famine", mais qu'on peut traduire par "extermination par la faim") désigne la grande famine qui a lieu en RSS d'Ukraine et dans le Kouban (RSFS de Russie), en 1932 et 1933, et qui fait, selon les estimations des historiens, entre 2,6 et 7 millions de morts. Images : - Des sacs de céréales sont confisqués aux ménages ukrainiens pendant l’Holodomor. - Convoi de camions réquisitionnant les sacs de grains, à Kiev en 1932. - Photo mise en scène dans un kolkhoze près de Kiev, au temps de la famine de 1933, illustrant la volonté de camouflage, et le poids des images de propagande. Édouard Herriot, l'ancien président du Conseil, qui était en 1933 député-maire de Lyon, avait fait le déplacement mais n'avait rien vu. Pas même les vêtements au loin, en lambeaux au détour d'un chemin : ceux de gens morts de faim.
  • 10. L’Holodomor en Ukraine Des activistes venus de Russie et des unités de la police politique engagent de véritables actions punitives dans les kolkhozes ukrainiens pour « prendre d’assaut les céréales » par la force, y compris les semences pour la future récolte et les maigres « avances » en nature reçues par les kolkhoziens pour leur travail de l’année. Les villages qui n’ont pas rempli le « plan de collecte » sont « inscrits au tableau noir » : tous les magasins y sont fermés, les importations de produits alimentaires ou manufacturés interdites. Enfin, afin d’éviter un afflux massif des paysans affamés vers les villes et d’empêcher que la nouvelle de la famine, totalement passée sous silence, ne se diffuse, la vente des billets de train est suspendue et des détachements de l’armée et de la police politique déployés autour des zones affamées pour empêcher tout exode. Image du bas : Trofim Lyssenko (1898-1976) technicien agricole soviétique. Il est à l'origine d'une théorie génétique pseudo-scientifique, la "génétique mitchourinienne", qu'il promeut pendant la période stalinienne, où elle accède en 1948 au rang de théorie officielle exclusive, opposée à une "science bourgeoise", fausse par essence. Bien qu’il soit resté à son poste à l'Institut de génétique jusqu'en 1965, son influence sur la pratique agricole soviétique a commencé à décliner après la mort de Staline en 1953. Le bilan de sa carrière est accablant : « Apport scientifique nul, paralysie de la biologie et de l'agronomie soviétiques pendant près de trente ans, mise à l'écart et assassinats de savants mondialement réputés. » Le terme "lyssenkisme" désigne par extension une science corrompue par l'idéologie, où les faits sont dissimulés ou interprétés de manière scientifiquement erronée.
  • 11. 1933-1935 : Déportations de peuples La déportation est une des formes de répression politique en URSS. Les particularités de ces déportations sont l'absence fréquente de procédure judiciaire (parfois des procédures expéditives et, pour les responsables politiques, des procès pour trahison à grand spectacle étaient tenus, après d'invraisemblables aveux obtenus par la torture) et leur caractère aléatoire : elles peuvent toucher aussi bien des personnes accusées d'actions concrètes, supposées hostiles mais de manière absurde (par exemple, accusées de "complot antisoviétique" pour avoir fourni comme papier-toilette des pages de journal comportant des photos de Staline), que des groupes de personnes préalablement définis comme "nuisibles" ou "ennemis" (sur divers critères : sociaux, économiques, ethniques ou religieux). Sont ainsi déportés les Coréens des zones frontalières du territoire d'Extrême-Orient russe, les Balkars, Bulgares, Karatchaïs, Meskhètes, Kurdes, Nogaïs, Pontiques, Tatars et Tsiganes de Crimée, Allemands de la Volga, germanophones et Finnois de l'oblast de Leningrad, Karatchaïs, Kalmouks, Tchétchènes, Ingouches, Arméniens, etc. Image du bas : 6 000 "éléments socialement nuisibles" sont expédiés, en avril 1933, de Moscou et de Léningrad vers Tomsk, en Sibérie. Une fois arrivés à destination, les déportés sont envoyés, par péniche, sans vivres ni outils, sur un îlot désert au milieu du fleuve Ob, où 4 000 d’entre eux meurent de faim et d’épuisement et de maladie. Certains se livrent au cannibalisme et à la nécrophagie dans un contexte général d’explosion de la violence.
  • 12. Les ‘Grandes Purges’ de 1936-1938 Les ‘Grandes Purges’ ou la ‘Grande Terreur’ sont une période de répressions politiques massives en Union soviétique, principalement de 1936 à 1938. Totalement dominé par Joseph Staline, le Parti communiste utilise alors à grande échelle l'emprisonnement, la torture, la déportation et la peine de mort pour éliminer ses opposants politiques réels ou supposés. L'ordre opérationnel no 00447 du 31 juillet 1937 , qui ordonne de réprimer les « éléments antisoviétiques et socialement dangereux », marque le début des purges à grande échelle. Entre 1929 et 1931, plus de 250 000 communistes sont exclus du Parti, beaucoup pour "déviationnisme droitier". En 1937, 500 000 membres disparaissent des registres. Sur 139 titulaires et suppléants élus au Comité central par le "Congrès des Vainqueurs", 98 sont arrêtés et presque tous exécutés. Image du bas : Première page (sur 19) de l'ordre opérationnel no 00447 du 31 juillet 1937 ordonnant les Grandes Purges
  • 13. Les ‘Grandes Purges’ de 1936-1938 À partir de 1936, plusieurs procès spectaculaires sont organisés à Moscou pour convaincre l'opinion publique intérieure et étrangère de l'existence d'une vaste conspiration antisoviétique. Presque tous les bolcheviks au premier plan pendant la Révolution russe de 1917 ou dans le gouvernement de Lénine sont éliminés. Durant les ‘Grandes Purges’, trois maréchaux sur cinq, 14 géné- raux d'armée sur 16 et entre 20.000 et 30.000 officiers sont exécutés. C'est un désastre pour l'Armée rouge. En 1941, quand Hitler viole le pacte germano-soviétique de 1939 et envahit l’URSS (opération Barbarossa), il sait que l’armée soviétique n’a jamais été aussi faible Léon Trotski, en exil au Mexique, est assassiné par un agent soviétique en août 1940. Images : - Staline et Iejov. Nikolaï Iejov (1895-1940) chef suprême du NKVD de sept. 1936 à nov. 1938, est l’artisan de la pire période du stalinisme puisqu’il a à son actif les trois quarts des exécutions voulues par Staline soit 1 million de fusillés entre 1929 et 1953. Il fait déporter 800 000 personnes au goulag. ll est décrit diversement comme un alcoolique, prédateur sexuel, appréciant les orgies avec des « camarades secrétaires » des deux sexes, et avec une tendance prononcée pour le sadisme, bien que périodiquement dépressif. Il assiste fréquemment aux exécutions et prend part personnellement aux séances de torture des accusés les plus connus. - Lev Davidovitch Bronstein ou Léon Trostky (1879-1940) est assassiné à Mexico d’un coup de piolet à l’arrière du crâne par un agent de Staline, Ramon Mercader. Son assassinat a donné lieu à des livres et des films, dont un en 1972.
  • 14. La répression et la terreur staliniennes Vers la fin des années 1930, le pouvoir stalinien liquide presque toutes les organisations juives, y compris la Yevsektsia, la "section juive" du Parti communiste soviétique. De nombreuses campagnes et purges antisémites sont organisées après la Seconde Guerre mondiale, principalement à partir de 1948. Dans la nuit du 12 au 13 août 1952, appelée plus tard la "Nuit des poètes assassinés", 13 des écrivains yiddish les plus importants d'Union soviétique sont exécutés sur l'ordre de Staline. Le bilan des purges staliniennes est de 681 692 exécutions en 1936-38, sur 799 455 entre 1921 et 1953. L’historien Nicolas Werth, dans son livre L’ivrogne et la marchande de fleurs (2009), donne deux exemples de la terreur stalinienne : - En octobre 1937, le contrôleur de trains Vdovine, ivre, fracasse une bouteille contre un mur d’une gare de la banlieue de Moscou, et le projectile brise le cadre du portrait d’un hiérarque. En novembre 1937, Vdovine tombe sous les balles d’un peloton d’exécution : « Acte terroriste contre un représentant du pouvoir soviétique. » - Le même mois, Alexandra Nikolevna, marchande de fleurs dans un cimetière de Leningrad, ose remarquer publiquement que le nombre des enterrements de nuit a augmenté. A la mi- décembre, elle est fusillée aux côtés de 234 autres condamnés, tous accusés de « propagande contre-révolutionnaire ».
  • 15. Le Goulag Le terme "Goulag" est un acronyme apparu en 1930 et formé d'après le russe Glavnoïe Upravlenie Lagerej (GULag) qui signifie ‘Administration principale des camps’. La police politique placée à la tête du système pénal développe le Goulag comme instrument de terreur et d'expansion industrielle. Cette administration pénitentiaire connaît une croissance constante jusqu'à la mort de Staline, à mesure que de nouveaux groupes sont incarcérés et déportés, et que ses prérogatives économiques se développent. Images : - Forçats dans une carrière au milieu des années 1930. Staline s’intéressait de près aux performances des prisonniers, performances médiocres compte tenu de leur état physique. - Les principaux camps du Goulag entre 1923 et 1961, selon les travaux de la fondation russe ‘Memorial’.
  • 16. Le Goulag Les premiers « camps de concentration » sont créés par les deux camps en lutte au cours de la guerre civile russe (1917-1921), bolcheviques et blancs. Les protagonistes du conflit reprennent ainsi à leur compte le système carcéral des camps de travail, les katorgas, qui existaient déjà sous les tsars pendant l’Empire russe. Pendant toute la guerre froide, l'existence du Goulag en tant que réseau massif de camps de travaux forcés utilisé pour la répression politique, était niée non seulement par les autorités soviétiques, mais aussi par la presse communiste internationale. Images : - Travail forcé dans un camp du Goulag, - sur un chantier, - à la construction d’une voie de chemins de fer.
  • 17. Les camps Les objectifs assignés aux camps de travail n’ont pas changé depuis l’époque impériale : éloigner les opposants politiques, et sous Staline, les marginaux, peupler de façon autoritaire les régions vides, exploiter les ressources de l’immense Russie, terroriser la population. Staline ajoute aussi la fonction de rééducation : le travail forcé doit transformer le monde ancien et forger un "homme nouveau". Entre 1920 et 1923, la Russie soviétique compte 84 camps regroupant environ 25 000 prisonniers. Mais bientôt, la place venant à manquer, il faut créer des camps spécifiquement soviétiques : en 1923, les camps laboratoires des îles Solovki deviennent un modèle pour le régime. Afin de stimuler la production, les rations alimentaires sont distribuées en fonction du travail effectué Par un décret d’avril 1930, Staline et ses collaborateurs fondent le Goulag, confiant successivement sa gestion à la GPU (ou Guépéou), au NKVD, puis enfin au MVD. Images : - Des prisonniers des camps des îles Solovki lors de la construction du canal de la mer Blanche, au début des années 1930. Des milliers de travailleurs forcés sont morts sur ce chantier. - Travail forcé dans la forêt - Baraquements de camps
  • 18. L’enfer de Kolyma L’exploitation des mines d’or de la Kolyma par les prisonniers dés le début des années 1930 jusqu’en 1953, répond à la volonté de Staline de faire de l’URSS une puissance industrielle. Selon l'historien britannique Robert Conquest, le taux de mortalité parmi les prisonniers atteignait 30 % la première année et à peu près 100 % après deux ans. Les causes en étaient d'abord les conditions climatiques extrêmes entraînant la mort ou les gelures ; ensuite des rations alimentaires très insuffisantes ; enfin, les épidémies de scorbut et de dysenterie, peu ou pas traitées. En 1930-1932, 2 millions de paysans (soit 380 000 foyers) sont déportés dans des villages d’exilés, 100 000 dans les camps du Goulag, qui passent, de 1930 à 1935, de 179 000 à près d’un million de détenus. Photos : - La route fédérale russe de Kolyma, la M-56 devenue R-504, appelée « route des ossements », s’étend sur environ 2,000 kilomètres, et relie Magadan, une ville portuaire sur les côtes de la mer d’Okhotsk, à Yakutsk, une ville de l’est de la Sibérie. Les prisonniers du Goulag durent travailler par des températures extrêmes pour construire la route, au travers des marais infestés d'insectes l'été et des champs de glace l'hiver (jusqu’à – 70 ° C). Elle doit son surnom aux corps des prisonniers, enterrés sous la chaussée. En tout, près de 200 000 personnes sont mortes pendant sa construction, et plus d'un million aurait travaillé sur cette route. - Une mine de Kolyma - Le travail forcé à la mine
  • 19. Le Goulag Pendant l’apogée du Goulag (1945-1953), le nombre de détenus augmente jusqu’en 1950 pour dépasser les deux millions. Des camps spéciaux sont mis en place et accueillent les prisonniers politiques condamnés à de longues peines. Le régime crée des lagpounkts disciplinaires. Il existe plusieurs types de camps, spécialisés dans divers secteurs de l’économie : travail agricole, voies ferrées, routes, charbon, minerais, pétrole, creusement de canaux, etc. Les détenus construisent également de nombreuses villes : Komsomolsk-sur-l’Amour, Petchora, Inta, Magadan, Vorkouta, Norilsk, etc. Les gardes ont l’ordre de tirer sur les fugitifs. Les tentatives d’évasion ont existé, mais, dans les camps sibériens, les détenus sont découragés de s’enfuir par l’isolement des camps et les contraintes naturelles.
  • 20. Le Goulag L’humiliation des victimes est multiple : par les crimes fictifs dont elles sont accusées, par les qualificatifs dont elles sont affublées, par le traitement inhumain qu’elles subissent, puis par le silence entourant les conditions de leur déportation ou de leur mort, relayé par tous ceux qui nient l'existence de tels traitements. Cependant, le Goulag se démarque des camps nazis sur plusieurs points : 1) le système concentrationnaire soviétique a duré beaucoup plus longtemps que le système nazi et a comporté plus de 600 camps alors que le système allemand n'a pas dépassé 50 ; 2) les prisonniers soviétiques survivants pouvaient être libérés à l'issue de leur peine et étaient alors assignés à résidence dans la région par les autorités, dans le but de peupler des régions lointaines ou de climat difficile, où les non-prisonniers rechignaient à s'installer.
  • 21. Le bilan du Goulag Pendant la Grande Terreur et Grandes Purges (1936-1938), n'im- porte qui peut faire l'objet de la répression. Les purges stali- niennes de ces années envoient au Goulag 700 000 personnes, dont 140 000 Polonais, 172 000 personnes d'origine coréenne de la région de Vladivostok, et 30 000 citoyens soviétiques d'origine finlandaise de la province de Leningrad. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la mortalité augmente fortement dans les camps soviétiques : pendant l’hiver 1941-1942, 25 % des décès dans les camps sont dus à la famine. Entre nov. 1943 et juin 1944, 900 000 Ukrainiens, Tchétchènes, Ingouches, Tatars de Crimée, Karatchaïs, Balkars, Kalmouks arrivent dans les camps. À l'automne 1944, 130 000 Grecs, Bulgares, Arméniens, Turcs et Kurdes sont arrêtés et déportés. Les historiens estiment qu’il y eut 2 à 4 millions de morts dans les camps et les colonies du Goulag. Nicolas Werth et Luba Jurgenson, dans leur ouvrage Le Goulag (2017) évoquent les chiffres de 20 millions de détenus et 4 millions de morts entre 1929 et 1954, victimes de maladies et de traumatismes provoqués par la faim, l'épuisement et le froid, ou sous les balles des gardiens. - Image : Dortoir dans un camp du Goulag
  • 22. La police politique des tsars à nos jours Opritchnik (littéralement ‘homme à part’), organisation de cavaliers habillés de noir, investie de privilèges spéciaux de police qui répandait la terreur sous le tsar Ivan le Terrible (1530-1584), peut être considérée comme un précurseur de services secrets en Russie… Okhrana : Otdeleniye po okhraneniou obchtchestvennoï bezopasnosti i poryadka, ‘Section de préservation de la sécurité et de l’ordre publics’. Police secrète des tsars créée en 1881 par l’empereur Alexandre III pour faire face à la recrudescence d’attentats politiques et la menace bolchévique. « Prototype de la police politique moderne » selon Victor Serge, elle compte 1500 agents et recourt à des agents provocateurs. Elle est dissoute après la révolution de 1917. Tchéka : acronyme de ‘Commission extraordinaire’, forme abrégée de ‘Commission extraordinaire panrusse pour la répression de la contre-révolution et du sabotage auprès du Conseil des commissaires du peuple de la RSFSR’. Sous l’autorité de Félix Dzerjinski, cette police politique est instaurée en décem-bre 1917 afin d’espionner les "ennemis du nouveau régime révolutionnaire". Elle compte 280 000 agents en 1921. Images : - Logos d’Okhrana et de la Tchéka, de la GPU et du NKVD - Felix Dzerjinski (1877-1926), Un des dirigeants bolcheviks de la révolution d'Octobre 1917. Fonde et dirige la Tchéka. Un des artisans de la ‘Terreur rouge’. Il affirme que « la contrainte prolétarienne sous toutes ses formes, en commençant par les exécutions capitales, constitue une méthode en vue de créer l'homme communiste. » La cause de sa mort à 48 ans est incertaine : certaines sources indiquent qu'il aurait été empoisonné par Staline après avoir découvert un dossier concernant le passé d'agent double de Staline au sein de l'Okhrana
  • 23. La police politique (suite) GPU (ou Gépéou) : Gossoudarstvénnoïe Polititcheskoïé Upravlénié : ‘Direction politique d’État auprès du NKVD de la RSFSR’. Nouveau nom de la Tchéka en 1922. La première police secrète de l’Union soviétique. Elle surveille et "démantèle le réseau" d'opposants trotskistes qui demandent une démocratisation du Comité central, met en œuvre la politique de "dékoulakisation" voulue par Staline, mène des missions de désinformation (Desinformburo), fait de la recherche en guerre bactério- logique. Passant de 60 000 hommes au moment de sa création à 25 000 hommes au moment où elle est rattachée au NKVD. NKVD : Narodniï Komissariat Vnoutrennikh Diel ou ‘Commissariat du peuple aux Affaires intérieures’. En 1934, la GPU est absorbée par ce service contrôlant la population et les élites pour maintenir l’autorité de Staline. Le NKVD est responsable des ‘Grandes purges’. Il comprend la section O.S.S.O. qui a le droit d'ordonner, par simple mesure administrative, l'arrestation puis la déportation dans les camps de travail et de concentration gérés par le Goulag à partir de 1930. Images : - Écussons de la GPU et du NKVD - Timbre soviétique de 4 kopecks en l’honneur de l’espion Richard Sorge (1895-1944) "héros de l'Union soviétique" "antifasciste" , infiltré dans le parti nazi puis à l’Abwehr, espion au Japon, pendu en prison à Tokyo. Un succès important des services secrets soviétiques fut l'obtention d'informations détaillées concernant le bâtiment où avait été construite la bombe atomique (projet Manhattan), possible grâce aux agents infiltrés du KGB, tels Klaus Fuchs et Theodore Hall.
  • 24. La police politique (suite) MGB : Ministerstvo Gossoudarstvennoï Bezopasnosti (‘Ministère de la sécu- rité de l'État’). En mars 1953, peu après la mort de Staline, Lavrenti Beria réunit le ministère des Affaires intérieures (MVD) et le MGB en un seul organisme, appelé MVD. Mais peu après, Beria est exécuté et le MVD est dissous. KGB : Komitet Gossoudarstvennoï Bezopasnosti, ‘Comité pour la sécurité de l'État’. Un an après la mort de Staline, le ministère se transforme en un service de renseignement politique. Il est responsable de la mort de milliers de personnes considérées comme des opposants ou des "ennemis du peuple". Ennemi des services secrets occidentaux (CIA, MI6…) durant la Guerre froide, le KGB élimine tout dissident politique accusé de "subversion idéologique". Certains experts estiment que le KGB comptait 1,5 million de collaborateurs, le gouvernement sovié- tique affirmant quant à lui que ses services secrets comptaient 480 000 employés dont 217 000 gardes-frontières. Il cesse d’exister en 1991, après la chute du bloc soviétique. FSB : Federalnaïa Sloujba Bezopasnosti Rossiyskoï Federatsii, ‘Service de sécurité de la Fédération de Russie’, toujours en activité dans le pays de Vladimir Poutine. Images - Emblèmes du KGB - et du FSB. - Vladimir Poutine. Officier du KGB, il est en poste à Dresde au moment de la chute du mur de Berlin.
  • 25. La psychiatrique punitive En 1958, le Goulag est rebaptisé "colonie de redressement par le travail", et placé sous la tutelle du ministère de la Justice de l’URSS. Plusieurs centaines de dissidents sont enfermés en hôpital psychiatrique* (psikhushka) relevant du MVD (ministère de l'Intérieur). La psychiatrie punitive devient un mode de traitement des dissidents politiques à partir des années 1960. À la fin de l'année 1979, 6 308 personnes sont traitées dans des établissements de type MVD**. Les hôpitaux psychiatriques spéciaux comme sont souvent gardés comme des camps et protégés par des barbelés. * souvent sous le diagnostic de « schizophrénie torpide » ou « schizophrénie latente », « schizophrénie larvée », « schizophrénie lente », « schizophrénie stagnante ». L'article du Code criminel de la République socialiste fédérative soviétique de Russie le plus souvent utilisé à propos des dissidents est l'article 70 qui concerne l'« agitation anti-soviétique et la propagande ». La durée du séjour en hôpital spécialisé était beaucoup plus longue que celle prévue par le tribunal… ** Dnipropetrovsk, Kazan, Leningrad, Minsk, Orlov, Sytchevska, Tcherniakhov, et deux « maisons de repos », à Kiev et Poltava. Dans la colonie de travail pénitentiaire no 5, qui se trouve dans l'île de Sviajsk, existe depuis 1956 une section de l'hôpital psychiatrique de Kazan où meurent 3087 prisonniers, entre la fin des années 1930 jusqu'aux années 1970. Photos : - Yuri Andropov. En avril 1969, il adresse au Comité central du PCUS un projet d'agrandissement du réseau des hôpitaux psychiatriques en perfectionnant leur utilisation aux fins de défendre les intérêts de l'État soviétique et de l'ordre social. - L'institut Serbski de Moscou ("Centre d'étude de l'État pour la psychiatrie judiciaire")
  • 26. L’internement psychiatrique pour raisons politiques Les conditions de séjour dans les hôpitaux sont : - la surpopulation extrême dans les cellules à l’air vicié, - l'absence de WC (autorisés pendant des heures déterminées et pendant quelques minutes pour chaque détenu), - le manque d'espace pour circuler, - l’absence d’activité et de visites - la privation de papier et de stylos, la limitation très stricte d'accès aux livres ou aux revues, - l'absence de possibilité de se retrouver dans une même chambre avec d'autres détenus politiques : ils doivent au contraire se retrouver avec des détenus atteints de graves maladies mentales, ou qui ont commis des faits criminels, - l’alimentation maigre et mauvaise, la privation d’eau, etc. On cherche à obtenir la rétractation des prisonniers au moyen de drogues et d’électrochocs. Les produits neuroleptiques sont utilisés de manière permanente et durant de longues périodes. Les détenus reçoivent des coups ou subissent le supplice dit de l'« enroulement »* * le corps est compressé dans des draps humides et froids presque jusqu'à l'étouffement. Puis le corps est placé près d'un radiateur chaud : en séchant les draps se resserrent autour du corps et accroissent encore l'impression d'étouffer.
  • 27. La déstalinisation La déstalinisation en Union soviétique commence avec Lavrenti Beria qui prend une mesure d’amnistie partielle après la mort de Staline en mars 1953. Elle prend un ton officiel le 24 février 1956, lorsque Nikita Khrouchtchev, alors Secrétaire général du Comité central du Parti communiste d'Union soviétique (PCUS) divulgue pendant 4 heures son Rapport sur le culte de la personnalité à la fin du 20ème congrès du Parti. Ce document, écrit par une commission présidée par le bureaucrate Piotr Pospelov, explique comment s'est développé et imposé le "culte de la personnalité de Staline" et quelles en ont été, durant 20 ans, les manifestations et les conséquences. Pour les dirigeants soviétiques, la déstalinisation consiste à aban- donner le culte de la personnalité et à dénoncer les "excès" de la période du stalinisme. En ressort une nouvelle image de Staline - celle d'un tyran fabriquant jour après jour son propre culte, de plus en plus suspicieux vis- à-vis de ses collaborateurs, d'un dictateur incompétent, replié sur lui- même et totalement coupé de son peuple. Photos : - Khrouchtchev lisant son rapport au 20è congrès du PCUS. - Lavrenti Beria (1899-1953). Bras droit de Staline, est une figure-clé du pouvoir soviétique de 1938 à 1953. Chef du NKVD, un des responsables du massacre de Katyń. Par la suite membre du Politburo de 1946 à sa mort, contrôle l'ensemble de la sécurité intérieure et extérieure de l'Union soviétique. En 1953, alors que Staline a déjà programmé son élimination en montant de toutes pièces un « complot mingrélien » (sous-groupe ethnique des Géorgiens), la mort du dictateur le sauve in extremis. À peine trois mois après la mort de Staline, et dans les trois jours qui suivent l'écrasement de la révolte berlinoise, Beria est arrêté en juin 1953 par la police de Khrouchtchev, et fusillé six mois plus tard avec six de ses collaborateurs.
  • 28. La déstalinisation Sont dénoncés les déportations massives, les arrestations arbi- traires "d'honnêtes communistes et de chefs militaires traités en ennemis du peuple", l'incapacité du dictateur dans les préparatifs de guerre, son caractère irascible, y compris dans ses rapports avec les partis commu- nistes frères. La biographie officielle qui présente Staline comme "le plus grand stratège de tous les temps", comme un véritable sage infaillible est sévèrement critiquée. Le but aussi pour Khrouchtchev est de se débarrasser des cadres staliniens, particulièrement Malenkov et Molotov. Initialement secret, le rapport n‘est publié en Russie qu'à la fin des années 1980 dans le cadre de la Glasnost. Khrouchtchev lui-même ne reconnaîtra formellement qu'il était l'auteur du Rapport secret que six ans après son éviction du pouvoir, dans les Mémoires qu'il rédige peu avant sa mort, en 1970 et qui sont publiés à l'Ouest la même année, ultime pied de nez de l'ex-Premier secrétaire à ses successeurs. Longtemps, les Mémoires de Khrouchtchev sont aussi restés le témoignage essentiel sur la genèse du Rapport secret. L’auteur y enjolive son propre rôle, fait apparaître ses collègues comme résolument opposés à la divulgation des erreurs et des crimes de Staline, passe sous silence bien des faits, en déforme d'autres. Il allège plusieurs données du rapport Pospelov et rajoute les forfaits commis par Staline pendant et après la Seconde Guerre mondiale, mais juste dans le but de le rendre seul responsable et de dissimuler soigneusement sa propre participation aux mêmes crimes, ce qui a notamment été révélé en 1992 lorsque les archives ont été pour un temps ouvertes aux historiens. Photo du haut : Statue de Staline à Tbilissi (Géorgie)
  • 29. La déstalinisation Le corps de Staline, embaumé et jusqu'alors exposé dans le mausolée de Lénine sur la place Rouge à Moscou, est retiré et inhumé en 1961. Dans le même temps, la ville de Stalingrad est rebaptisée Volgograd. Presque toutes les statues à l'effigie de Staline disséminées à travers l'URSS sont démontées. Les prisonniers politiques sont progressivement réhabilités : en 1957, parmi les prisonniers des camps, on ne compte plus "que" 2 % de politi- ques. En 1961,Grigori Tchoukhraï réalise son film Ciel pur, vive critique du stalinisme. En 1962, Alexandre Soljenitsyne peut publier Une journée d'Ivan Denissovitch dans la revue littéraire Novy Mir dirigée alors par Alexandre Tvardovski. Le rapport constitue néanmoins un choc brutal, notamment pour les « partis frères » de l'Europe de l'Est, car il met à bas le principe de l'infaillibilité du Comité central. Et certains dirigeants comme Walter Ulbricht désapprouvent le rapport ; ils ont en effet leur propre culte de la personnalité. Les Hongrois exigent la destitution du stalinien Mátyás Rákosiet les Polonais et Yougoslaves expriment leur colère. D'un autre côté, les dirigeants installés par Staline, de même que les Chinois et les Albanais manifestent un vif mécontentement face à cette remise en cause : Mao Zedong adopte ainsi un credo « anti-révisionniste » afin d'éviter, en Chine, toute forme de déstalinisation, assimilée à un écart vis-à- vis du marxisme-léninisme. La Chine rompt avec l'Union soviétique au début des années 1960. La République populaire d'Albanie se brouille également avec l'URSS et s'aligne sur la Chine : le régime d'Enver Hoxha demeure le seul, en Europe, à conserver officiellement des références staliniennes. Photo du haut : le corps embaumé de Staline dans le mausolée de Lénine
  • 30. La déstalinisation Après le limogeage de Khrouchtchev, Léonid Brejnev, plus conser- vateur, voulant éviter un relâchement des mœurs et souhaitant promou- voir la grande guerre patriotique contre le nazisme, interrompt la déstali- nisation et entreprend une réhabilitation progressive de Staline. Il faut attendre la glasnost portée en URSS par Mikhaïl Gorbatchev à partir de mai 1986 et l'ouverture des archives pour s’approcher de la vérité. Lors de son arrivée au pouvoir en 2004, le président de Géorgie Mikheil Saakachvili lance une politique de déstalinisation : en 2010, il fait déboulonner une immense statue de Staline qui restait à Tbilissi, et en 2011, il fait voter par le Parlement l’interdiction des symboles soviétiques. Photos : - Budapest 1956. La tête de la statue de Staline abattue - La grande statue de bronze, de 6 m de hauteur, représentant Staline dans sa ville natale de Gori, en Géorgie, est déboulonnée secrètement de nuit en juin 2010 .
  • 31. La mémoire des crimes du stalinisme Pendant la période de Boris Elstine, les thèmes du tsarisme et du stalinisme peuvent faire l’objet de recherches historiques, alors qu’auparavant l’oblitération du passé par la censure en empêchait toute interprétation. Ce revirement mémoriel a pour conséquence un rejet de la révolution d’Octobre, jusqu’alors célébrée comme l’acte fondateur du système soviétique, présentée désormais comme un coup d’État, œuvre marginale d’individus isolés. Cette représentation permet de diaboliser le bolchevisme et, par extension, de jeter le discrédit sur l’ensemble de la période soviétique afin de se débarrasser du poids du passé stalinien et du sentiment de culpabilité qu’il suscitait sans s’interroger sur ce qui l’a rendu possible. Les dirigeants décident de miser sur la carte du nationalisme pour reconstituer une identité collective. Vladimir Poutine impose une vision de l’Histoire centrée sur « la grandeur de la Russie » qui, grâce à un pouvoir fort au service de l’esprit national, a permis au pays de s’affirmer en tant que « voie particulière » dans l’histoire des civilisations. Photos : - Mémorial de la grande famine de 1932, place Mykhailivska à Kiev. - Mémorial en hommage aux victimes de l'Holodomor, à Kiev, en Ukraine. - Le mémorial en l’honneur des victimes du Goulag à Moscou, place Loubianka, est constitué d’une pierre provenant des îles Solovki, berceau des camps de concentration soviétiques.
  • 32. Une mémoire officielle sélective Dans cette lecture du passé, tous les représentants autocratiques ont leur place, du Tsar à Staline dont la figure est récupérée non en tant qu’héritier du bolche- visme, mais en tant que restaurateur du pouvoir absolu de l’État. Les principaux jalons de la période stalinienne que sont la violence étatique, la répression des opposants, la famine de 1932-1933 et la terreur de 1937-1938 sont reconnus mais minimisés, perçus comme les dommages collatéraux inévitables à l’établissement d’un pouvoir fort dont l’accomplissement suprême fut la victoire sur l’Allemagne nazie, désignée comme le mal absolu. La mémoire du stalinisme reprise dans la mémoire officielle est la mémoire des victimes et non celle des crimes. Il n’existe aucun consensus dans la société sur l’iden- tification des bourreaux, ni sur la qualification des crimes commis. Images : - Le musée de l'histoire du Goulag est une institution culturelle de l'État de la ville de Moscou situé jusqu'en 2015 rue Petrovka, et installé depuis dans des bâtiments plus spacieux et modernes sur la voie Pervy Samotiotchny. Le musée a été ouvert en 2001 sur instruction personnelle de l'ancien maire de Moscou Iouri Loujkov. - Monument à la mémoire de la déportation des Tatars de Crimée à Soudak - Wagon de déportation des Kalmouks, à Elista (Kalmoukie)
  • 33. Mémoire : Le rôle de la société civile Aucun procès à l’encontre des acteurs de la terreur stalinienne n’a eu lieu et donc aucun jugement, pouvant servir d’appui à cette qualification, n’a été rendu. De même, aucun acte juridique de l’État où le terrorisme d’État serait qualifié de crime n’a été produit. Le travail de mémoire, en tant qu’instrument de prise en compte des conflits d’interprétations du passé, repose donc entièrement sur la société civile dans la mesure où le pouvoir l’autorise. Depuis 1988, l’ONG Mémorial se donne spécifiquement comme objectifs de rétablir la mémoire du stalinisme dans sa complexité, tant en perpétuant la mémoire des victimes qu’en assumant la nature des crimes commis, et de la faire s’intégrer dans les consciences collectives. Photo : - Mémorial du Goulag à Magadan. Cette ville portuaire de 100 000 habitants, sur l’océan Pacifique, face à la péninsule du Kamtchatka, était le point majeur d’accès des pri- sonniers du Goulag, par bateaux depuis Vladivostok, faute d'accès routier dans cette région très isolée; Les prisonniers étaient destinés aux différents camps de travail de l’Extrême- Orient russe, disséminés notamment le long du fleuve Kolyma qui se jette dans l’océan arctique. Le monument de fer et de béton a été érigé en 1996, période où la construction approximative de la démocratie en Russie permettait la préservation de la mémoire. - Monument érigé en hommage aux victimes des Grandes Purges, dans la ville de Donetsk (Ukraine), en 2013.
  • 34. La mémoire du Goulag interdite par Poutine ‘Memorial’ est une organisation non gouvernementale russe créée en 1988 par les dissidents soviétiques, en vue de la défense des droits humains et de la préservation de la mémoire des victimes du pouvoir soviétique, notamment stalinien, mais aussi d'exactions plus récentes commises en Russie comme en Tchétchénie. Pendant la période de la Perestroïka, après 1991, elle organise une assistance aux prisonniers politiques, victimes du régime soviétique. En 2021, ‘Mémorial’ devient un réseau d'organisations sises en Russie, en Allemagne, au Kazakhstan, en Italie, en Tchéquie, en Belgique, en France et en Ukraine. L’organisation est dissoute le 28 décembre 2021 par la Cour suprê- me russe, aux ordres de Vladimir Poutine, en raison du non-respect d'obligations découlant de son statut « d'agent de l'étranger ». ‘Memorial’ est aussi accusée de « glorifier le terrorisme et l’extrémisme ». Le maître du Kremlin entend priver les Russes de tout passé qui ne serait pas glorieux. Images : - Logo de l’organisation ‘Memorial’ - Les locaux de l’ONG ‘Memorial’ à Moscou fermés par des menottes,
  • 35. Quelques figures de ‘Memorial’ Arseny Roginsky (1946-2017), historien russe d’origine juive et dissident soviétique. Diplômé de l’université d’histoire et de philologie de Tartu, en Estonie, il revient enseigner et travailler à la bibliothèque de Leningrad. De 1975 à 1981, il est rédacteur en chef d'une série samizdat de documents et d'études historiques intitulée Pamyat (Mémoire). En août 1981, il est arrêté en vertu de l'article 196 ("la falsification et la production et la vente de faux documents") du Code pénal de la RSFSR et accusé d'avoir transféré des documents à l'étranger à des "publications anti-soviétiques" telles que Pamyat, condamné à 4 ans d'emprisonnement dans un camp de la région des Komis, non loin de celle d’Arkhangelsk où son père avait été interné. Réhabilité en 1992, après la chute de l’URSS. Principal fondateur et Président de l'International Historical and Civil Rights Society Memorial. Natalia Estemirova, représentante de ‘Memorial’ en Tchétchénie, qui enquêtait sur des cas très graves de violation des droits humains, est enlevée et exécutée le 15 juillet 2009. Iouri Dmitriev, historien, a dressé une liste de 40 000 victimes exécutées pendant la terreur stalinienne. En septembre 2020, accusé selon la Justice poutinienne de violences sexuelles envers sa fille adoptive, il est condamné à 13 ans d’emprisonne- ment.
  • 36. La mémoire du communisme en URSS Livres
  • 37. La mémoire du communisme en URSS Documentaires, films ■