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LES MYSTERES DE RENNES.

                                Episode I.
                     RENNESSENCE


                                      Tcerid Rezal


Licence Creative Commons utilisée :




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que les utilisateurs indiquent la paternité du texte initial, s’interdisent toute utilisation
commerciale (à moins d’y être expressément autorisés par l’auteur) et proposent les travaux issus
de leurs interventions sur ce texte avec les libertés attachées à cette forme ouverte de propriété
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LES MYSTERES DE RENNES.

                    RENNESSENCE
Prologue :
     Une pierre. Une pierre dans une forêt. C’est ainsi qu’on la retrouva. Je sais qu’elle n’était
     qu’une des rares traces de ce culte voué aux démons des temps jadis, à cette force
     monstrueuse dont on n’a guère idée de nos jours. Une trace, voilà ce qu’elle était.

     Et si cette force ressurgissait des profondeurs comme du passé pour venir nous hanter, pour
     mieux nous happer ?

     Mon esprit demeure à jamais obscurci par ce que j’ai vu au Parlement. Et c’est avec
     bonheur que je sais présent à mes côtés les miens : vampires, gynandres, rennais et autres
     subcondatiens, mais aussi désormais fées, sylphides et korrigans. Si je les protège de ma
     force acquise au cours de ces aventures, je sais bien que les mystères de Rennes et de la
     contrée de l’Ouest sont la source de vie qui m’évite chaque jour de sombrer dans une
     inénarrable folie.

     C’est sans doute autant par eux que pour eux que j’écris. Mais c’est aussi pour mes
     compagnons du mystère, ces esprits errants et écrivants qui savent repousser les limites
     d’un rationnel bien de trop ennuyeux.

     « Rennessence » est donc une histoire à plusieurs mains à travers plusieurs esprits, à moins
     que ce ne soit plutôt l’inverse , c’est à dire une histoire écrite à une seule main par
     l’entremise de plusieurs esprits.

     Voilà, j’ouvre les portes des Mystères de Rennes en envoyant un baiser à ma douce fée sans
     qui vous ne serez pas en mesure de lire ce qui suit.




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Chapitre 1. Perte de rennes
     En théorie, je suis un vampire. En pratique, beaucoup moins. D’accord, je suis vieux, très
     vieux. Cependant, je crois que j’ai évolué. Oui, le vampire évolue. Du moins, le vampire
     rennais. La contrée est riche en spécimen de mon genre. Seulement, je suis un des rares, le
     seul vampire, a pouvoir vivre désormais le jour. Pourquoi, je n’en sais rien. Enfin, si, il faut
     que je l’avoue, je crois savoir l’origine de ce phénomène. C’est depuis que j’ai rencontré
     par une nuit de pleine lune, la fée Sicka surgissant des cieux, survolant le parlement sur son
     sympathique dragon écarlate Crêpovore. Après que Crêpovore ait atterri, nous nous
     sommes rencontrés en contrebas du Thabor. Le dragon ouvrit la gueule comme pour bailler.
     Une appétissante odeur de pâte à crêpe en sortit. La fée me sourit, et me proposa de manger
     une de ces créations culinaires accompagnée d’un délicieux élixir. J’eus beau lui dire que je
     n’absorbais plus rien depuis que j’étais devenu vampire, elle insista néanmoins. Elle était
     magnifique, grande et fine, ses cheveux bruns clairs aux reflets dorés étaient brillants et
     longs. Je dois avouer que j’étais séduit. Et étonné par son assurance, et la manière dont elle
     se déplaçait sur le dos de son dragon. C’était un fabuleux animal de deux mètres, avec une
     imposante tête et d’énormes ailes rétractables. Elle m’apprit que son dragon, Crêpovore, ne
     se nourrissait que de crêpes et de galettes. De plus, il avait le privilège d’être un des rares
     dragons capable de pouvoir parler. Effectivement, il me dit d’une voix caverneuse :

     « Amicus sum »

     Seulement, il ne s’exprimait qu’en latin, et parfois en Breton quand il avait bu à l’insu de
     Sicka de l’alcool. Bref, j’étais subjugué par une telle rencontre. Si bien que je ne sais par
     quel irrésistible charme, elle parvint à ses fins. Je me délectai alors de sa crêpe magique et
     de son délicieux. Quelle sensation indescriptible ! Je n’avais rien absorbé si ce n’est du
     sang depuis des années. Je n’avais jamais rien goûté d’aussi exquis en un demi-millénaire !
     Une crêpe parfumée accompagnée d’une délicieuse confiture de framboise avec une boule
     de glace vanille. Le tout était artisanal, magique mais artisanal, car ma fée était contrôlée
     régulièrement par des instances supérieures qui lui avaient conféré le label « produit
     magique biologiquement certifiée ». Je dois dire, que pour couronner le tout, elle m’avait
     fait boire un cidre d’une qualité à rendre fou. Elle m’affirma que c’était du « Loïc Déraison
     ». J’avais la chance de boire de l’élixir réalisé par le druide de la région, le sage et magicien
     le plus célèbre au monde. La plupart d’entre vous le connaisse sous le nom de Merlin
     l’enchanteur. Je ne l’avais d’ailleurs plus vu cela faisait quelques années. Il avait décidé de
     se reposer un peu, avant de passer à l’action de nouveau m’avait-il confié. J’avais pris cela
     pour un délire de vieux paranoïaque. Seulement, voilà qu’il réapparaissait indirectement par
     l’intermédiaire de son élixir.

     Je ne sais trop comment la fée s’en était procuré. Mais l’ élixir avait été fabriqué il y a peu
     de temps. Elle m’affirma que c’était la cuvée spéciale du nouveau millénaire. Je n’avais
     rien bu d’aussi excellent. Loïc Déraison, Merlin si vous voulez l’avait baptisé «
     Rennessence ». Et c’était bien trouvé ! La belle fée me laissa, prétextant que Crêpovore
     avait faim et qu’il était fatigué. Il faut dire que le dragon ne cessait de bailler. Il est vrai
     aussi que ce dernier s’était envoyé une bouteille de chouchen qu’il avait dissimulée dans sa
     poche ventrale sans que la fée ne s’en aperçoive. Elle grimpa alors sur le dos de la bête qui

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parvenait tant bien que mal à maintenir les paupières ouvertes. Il déploya ses ailes et se
     prépara pour l’envol. La fée me sourit et me donna rendez vous à une mystérieuse
     prochaine fois.

     Crêpovore me dit alors avec une haleine avinée :

     « Ken avo » Et sur ces propos « dragonesques », ils décollèrent. Ils montèrent haut dans le
     ciel, puis se dirigèrent vers Brocéliande. Visiblement, le vieux magicien n’était pas pour
     rien dans cette entrevue.

     En tout cas, tout cela m’avait transformé totalement. La boisson de l’enchanteur portait bien
     son nom.

     Car c’était bien de cela dont il s’agissait, d’une véritable renaissance. J’étais un Vampire
     transformé ! Le Vampire nouveau est arrivé ! Je n’avais plus besoin de me terrer le jour !
     Autre bonne nouvelle, je n’étais plus accro au sang. C’est vrai, que les années avançant,
     j’en avais de moins en moins besoin. Mais cette fois-ci, cela ne m’était plus vital. Etais-je
     vraiment encore un vampire ?

     Quel bonheur de pouvoir vivre sous le soleil. Je vois déjà les mauvaises langues dirent que
     vu l’ensoleillement par ici, les vampires ne risquaient pas grand chose dans la région. Mais,
     j’étais heureux, j’en avais assez de vivre dans l’obscurité, parmi les ténèbres comme disent
     certains vampires. Je redécouvrais la ville sous un autre jour au vrai sens du terme. Je
     croisais les gens, qui me regardaient évidemment comme si j’étais un déterré. Il est vrai,
     que mon accoutrement avait de quoi surprendre. Ma longue cape noire, mes cheveux longs
     et légèrement ondulés qui encadraient mon visage pâle et mes yeux clairs surprenaient.
     J’entendis à plusieurs reprises prononcé dans mon dos le mot « vampire », ce qui ne
     manquait pas de me faire rire. Rennes, c’était bien la nuit, mais désormais le jour aussi !
     J’avais envie de changer de style. J’avais envie de me faire un style de « jour ». Après
     maintes déambulations transcondatiennes, je finis par trouver mon bonheur. J’étais plaisant
     à voir, un peu d’égocentrisme, cela ne fait pas de mal. Je ressemblais désormais un peu à
     Keanu Reeves dans Matrix, en mieux évidement. Bref, on aurait dit un jeune kid aux dents
     longues. Deux hermines ornaient le dos de ma cape de cuir en se faisant face. Ce n’était pas
     tout à fait des hermines, un zoologue affirmé aurait reconnu deux octodons. Elles se
     faisaient face dans un cercle blanc, une rouge et une noire. Cela symbolisait la Ville, le jour
     et la nuit. J’en étais par mon existence un trait d’union. Il est vrai que le symbole représenté
     n’était pas éloigné de celui du club de football qui à l’inverse de la plupart des centenaires
     voyaient l’avenir beaucoup mieux que le passé. Quoique le club était plutôt source
     d’espoirs déçus que de bons résultats. Quant à moi plus d’un demi-millénaire me sépare de
     ma naissance. Mais, aujourd’hui, c’est la renaissance…

     Seulement, cette renaissance n’était pas sans poser quelques problèmes. Au bout de
     quelques heures, je ressentis le besoin irrémédiable de me sustenter et de m’abreuver. Mais
     pas avec n’importe quoi, il me fallait absolument la « supercrêpe » de la Fée Sicka, et
     l’élixir de Loïc Déraison ! Hors, je n’avais rien de tel en ma possession !

     Je me sentais faible … j’étais un vampire en manque de crêpes et de « rennessence » !
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Aucune des crêperies de la rue Saint Georges ne pourraient résoudre ce problème. Le
     sympathique patron du « Carmès » me proposa bien un cocktail maison, mais rien n’y fit.
     Les crêpes de « la crêperie Saint Georges » fut également inefficace. J’allais certes un peu
     mieux, mais au bout de quelques minutes, mes forces diminuaient de nouveau. Enfin, la
     bonne nouvelle c’était que mon régime sang pur sang hémoglobine était terminé.

     Et j’avais vraiment très envie de revoir la délicieuse Sicka.

     Mais elle ne venait pas…je continuai à marcher. J’arrivais alors au carrefour de la rue Le
     Bastard, et je vis Henri, Riton , l’habitué du lieu et monument humain de la ville,
     s’approcher de moi, et qui me dit :

     « un p’tit peu de pognon, et tu iras mieux ! »

     Je vis alors, qu’il tenait à la main, une bouteille de la cuvée « nouveau millénaire.
     Rennessence » de Loïc Déraison ! Contre un gros billet qu’il affectionnait tant, il me la
     remis. Il me souriait du reste de ses dents. Je ne sais qui le lui avait donnée. Sans doute
     Sicka. Elle devait savoir l’effet que cela produirait sur moi. Elle me téléguidait à cause de
     ma dépendance à la « rennessence ». C’était le monde à l’envers, moi qui parvenait à
     dominer spirituellement et télépathiquement grand nombre d’humain et de vampires. Et,
     bien c’était moi qui était sous la volonté d’une tierce personne. Etrange.

     J’avais en l’espace de quelques heures, depuis ma rencontre avec cette douce fée, perdu les
     rennes de la cité. J’en suis quand même le maître, le dirigeant occulte des forces de la ville.
     Et voilà, que grand nombre de mes pouvoirs s’étaient amenuisés, et qu’en prime j’étais
     accro aux crêpes, et notamment à la « supercrêpe » , ainsi qu’à la « rennessence » de Loïc
     Déraison. A vrai dire, je ne savais, si je devais être heureux de tous ces changements…

     J’étais assis sur les marches du Parlement en train de déguster ma nouvelle boisson favorite,
     « rennessence » . Je reprenais mes esprits, laissant glisser dans ma bouche et sur mon
     palais, le doux élixir. J’étais comme galvanisé. Mais, je le sentais, je n’étais plus un vrai
     vampire. Une nouvelle vie s’annonçait. Je n’étais plus maître de mon destin. L’enchanteur
     me dirigeait désormais au travers de ma dépendance à la potion magique. Mais ce
     changement me plaisait. J’en avais assez d’être le chef des forces occultes de l’Ouest. Il ne
     se passait plus rien d’intéressant. La ville avait besoin d’un second souffle. J’avais des
     idées, et il est vrai que je ne pouvais les mettre en place que si je pouvais être actif le jour.
     Merlin m’avait donné cette chance. Il y avait des risques sans doute. Je ne savais pas si ma
     quasi immortalité était toujours active, mais j’avais déjà assez vécu, sans compter que
     j’avais goûté à des produits gastronomiques d’une qualité telle que je pouvais mourir
     désormais.

     J’étais bien, j’avais retrouvé une jeunesse d’esprit, car mon corps ne vieillissait plus depuis
     ma transformation en vampire à l’âge de 25 ans. Physiquement, je n’avais jamais connu la
     vieillesse, spirituellement c’est plus difficile. Il avait fallu que je m’adapte avec le temps.
     Enfin, j’avais emmagasiné bon nombre de connaissances que nécessitent plusieurs vie.



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Méfiez vous des gens cultivés et jeunes d’aspects, il se pourrait bien qu’ils s’agissent de
     vampires…Enfin, ne dramatisez pas la situation, il y a des exceptions.

     J’en étais à ce point dans mes réflexions quand une terrible faim se fit sentir. Il me fallait
     manger la délicieuse crêpe confectionnée par Sicka. Je ne savais où la retrouver. J’espérais
     seulement que la chance, ou plutôt qu’une force télépathique guiderait mes pas jusqu’à la
     crêpe magique. Je descendis alors la rue Edith Cadwell, en bas du parlement. Je marchais
     tranquillement afin de préserver mon énergie. Il était 16 heures. Il faisait vraiment chaud. Je
     n’avais plus l’habitude de marcher sous une telle chaleur. Je m’arrêtais pour regarder la
     librairie où étaient exposées les dernières sorties de bandes- dessinées quand soudain je vis
     Sicka sortir du magasin. Si hier soir, elle était vêtue d’une splendide robe écrue, son style
     était totalement différent cette après-midi. On aurait dit une héroïne de Manga. Mais, elle
     demeurait toujours aussi séduisante. Elle était vêtue d’un t-shirt bleu foncé assez moulant,
     avec une jupe noire qui descendait jusqu’aux genoux. Elle portait d’étranges chaussures
     profilées qui malgré le mystère qu’elles suscitaient, n’étaient pas dépourvues d’esthétisme.
     Elle me regardait, étant un peu surpris par non nouveau style. Elle semblait apprécier. Il
     faut dire que quelque part, j’avais gardé un aspect similaire tout en ayant ajouté une pointe
     de modernité.

     Elle me prit par la main, et me dit :

     « Suivez- moi »

     Evidemment, je ne pus décliner une telle offre. Surtout, pour la première fois depuis des
     siècles, je sentis mon cœur battre étrangement, et mon corps devenir chaud et brûlant. Le
     soleil n’en était pas l’unique cause, l’élixir et ma charmante fée n’y était sans doute pas
     pour rien.

     Elle m’entraîna vers le bar-brasserie, « le Picadilly » en face de la mairie. Nous allâmes
     dans un coin tranquille, à l’intérieur, à l’abri des éventuels indiscrets. Elle commença alors
     à me raconter ce qui se passait, et quel allait être ma mission.

     « Voilà, Merlin t’a chargé, toi, le prince des vampires de l’Ouest une mission importante.
     Les « habits noirs », plus connus aujourd’hui sous le nom d’Hommes en noirs », veulent
     éliminer de la ville toutes personnes ne correspondant pas à la norme humaine. Les
     vampires, les fées, les dragons, et toutes créatures extraordinaires sont menacées. Il nous
     faut donc réagir. Merlin a donc confectionné une potion, la « rennessence » qui te permet
     de vivre le jour, et de ne plus être soumis aux autres désagréments des vampires. »

     Elle interrompit alors son discours pour me donner deux crêpes qu’elle avait enveloppées
     dans de l’aluminium. Je me mis à les dévorer. Je sentis à nouveau mon palais frémir de
     bonheur, et l’énergie me revigorer. Le serveur vint, nous prîmes une limonade chacun.
     Désormais, je pouvais boire et manger n’importe quoi, mais seule la crêpe de Sicka, et
     l’élixir de Loïc Déraison pouvait me permettre de survivre. Une fois, le serveur parti, la fée
     poursuivit :



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« Il nous faut réagir. Vu ton statut, tu peux rassembler les forces du monde du dessous que
     tu présides. Tu dois les prévenir dès ce soir, et mettre en place la réplique face aux habits
     noirs. C’est urgent, nous avons certes des pouvoirs, mais nous sommes pas nombreux. Il
     faut nous organiser, si nous voulons que le rêve, l’imaginaire et l’utopie demeurent. On dit,
     que les habits noirs ont dépêché leurs meilleurs tueurs. Ils ont déjà agi ailleurs. Mais, ils
     n’auront pas la contrée de l’Ouest. Il nous faut résister.

     Merlin a prévenu tous les magiciens, les fées et les sorcières. Mais, c’est à toi de mettre en
     place la défense du monde du dessous. Il te faut réagir, car avec le métro, et les parkings
     souterrains, il vous faut être prudents. Je sais que vous souhaitez tout comme nous, rester
     discrets. Seulement, cette fois-ci, il est question de notre survie. Alors, il va falloir prendre
     des risques. Les « habits noirs » arrivent bientôt. Ils ont déjà des émissaires ici. Mais,
     l’attaque ne commencera que demain. C’est mercredi aujourd’hui. Tu présides la réunion
     de « Souterrennes » depuis des années. On te respecte, à toi d’organiser la défense de la cité
     enterrée. J’irai avec toi , car il faut forger une alliance forte pour parvenir à repousser
     l’ennemi. »

     Ses paroles me donnèrent une énergie nouvelle. Etrangement, je dois avouer que je n’étais
     pas malheureux de cette menace, car elle faisait ressortir mon envie de vivre. Et la
     demoiselle qui était en face de moi y était sans doute pour quelque chose.

     Nous quittâmes alors « le Picadilly ». Il nous restait encore pas mal de temps avant la
     réunion de ce soir. Le temps pour moi d’acheter une pair de roller et d’essayer de devenir
     un as de cette discipline. Après un achat dans un magasin dont je ne citerai pas le nom,
     nous nous dirigeâmes vers la cité judiciaire pour tenter de s’exercer sur l’esplanade. Mes
     vieilles articulations eurent les pires difficultés à ne pas prendre la direction du cimetière. Je
     ne pus compter mes chutes, mais au bout d’une heure, j’étais capable de me mouvoir sans
     trop grand risque de chute. Mon professeur excellait dans ce domaine. Elle était
     impressionnante, et se mouvait avec une aisance incomparable non dénuée de raffinement.
     Elle sembla néanmoins satisfaite de mes prestations puisqu’elle me dit :

     « Bon, apparemment tu ne te débrouilles pas trop mal ! On va donc pouvoir passer aux
     choses sérieuses. !

     — Nous allons pouvoir aller voir Daedalius.

     — Daedalius, ce vieux fou ? En quoi peut-il nous aider ?

     — Tu vas bientôt le savoir. »

     Daedalius faisait partie d’une longue lignée d’inventeurs tout aussi fous que géniaux. Il
     descendait d’après les rumeurs et vu son nom de Dédale, le créateur du labyrinthe. Seul le
     destin savait comment cette famille avait pu arriver à Rennes. Avant de partir retrouver
     Daedalius. Je pus boire avec plaisir un peu de « Rennessence »




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Il habitait à quelques vols de dragons de là. Son logement se situait dans un hôtel
     particulier. Sur l’interphone, il n’y avait aucun nom de marqué, seulement un labyrinthe.

     Sicka appuya. Au bout de quelques instants, un jeune homme en sortit. Il nous ouvrit la
     grille d’entrée. Puis nous fit pénétrer dans une étrange demeure. Sicka fit la bise au jeune
     homme ce qui me rendit quelque peu jaloux , je dois l’avouer. C’était Didier, le fils de
     Daedalius, dont le deuxième prénom était Icarion. Il était apparemment très doué pour
     l’informatique. Son père arriva alors, et me salua chaleureusement.

     « L’heure est grave. Vous seul pouvez sauver Souterrennes. Vous connaissez les arcanes de
     la ville depuis si longtemps. Mon fils et moi sommes prêts à vous aider. »

     — Je crois, Daedalius, que vous connaissez aussi bien la ville que moi. La ville souterraine
     est un labyrinthe. Et je crois qu’en ce domaine, vous vous y connaissez. »

     Il me sourit d’un air entendu. Il était difficile de lui donner un âge, il devait avoir environ
     55 ans. Son fils lui en paraissait autant que moi. Il ne cessait d’ailleurs de faire de l’œil à la
     fée qui semblait fort bien s’en accommoder.

     Daedalius nous conduisit dans une salle, où se trouvaient de nombreuses inventions
     auxquelles je n’aurais été capable de donner un nom et encore moins de savoir à quelle
     utilité elles étaient vouées. Des plans étaient accrochés aux murs. Dans un petit coin de la
     pièce, trônait un ordinateur qui devait être l’instrument de travail de Didier Icarion.

     Daedalius me dit alors :

     « Mon fils et moi avons mis au point plusieurs inventions qui peuvent nous conférer
     quelques avantages. En premier lieu ces chaussures-rollers, que mon fils appelle des «
     Grollers ».

     Il me les fit enfiler. Elles étaient superbes quoique un peu plus lourdes que des baskets.
     Elles étaient en cuir noir, armaturées d’une structure métallique de couleur moirée.

     « Quand vous êtes en danger, vous appuyer sur l’émetteur que voici, me dit-il en tendant un
     minuscule appareil de 3 cm de long. »

     J’appuyai alors sur le bouton rouge en son centre. Quatre roues sortirent des chaussures
     aussitôt. Géniale invention !

     « Si vous êtes en très grand danger vous appuyez sur le bouton vert au dessus du rouge, un
     moteur se met alors en marche, vous allez encore plus vite. Enfin, j’espère que vous n’en
     aurez pas besoin, car c’est pas tout à fait au point…et pas facile à contrôler. »

     Sicka se fut confiée une paire similaire avec en prime quelques reflets violacés. Je pensais
     en moi même qu’Icarion devait être l’auteur de cette subtilité.



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Daedalius rajouta alors.

     « Ce n’est pas tout, nous allons vous équiper d’une caméra qui nous permettra de suivre
     tous vos faits et gestes. Ce qui nous permettra d’intervenir en cas de danger. Nous avons
     plus d’un tour dans notre sac, vous allez voir ! »

     Apparemment, cette menace des habits noirs suscitaient l’enthousiasme de Daedalius et de
     son fils qui y voyaient sans doute une occasion de se rendre utile.

     Ils nous installèrent une caméra quasi invisible de la taille d’un bouton de manchette.

     J’avoue que je n’ étais pas totalement rassuré par ces inventions. Enfin, c’était un soutien
     qu’on ne pouvait négliger. Daedalius nous invita à nous restaurer quelque peu dans sa salle.
     Elle était superbe. Un statue olmèque m’impressionnait. Elle faisait face à un gigantesque
     d’un merveilleux jade. La table était ronde et faite d’un bois imputrescible m’assura-t-il.
     Pendant que j’observais les merveilles de cette salle, Icarion essayait de séduire Sicka. Il
     n’y arrivait évidemment pas. Cela faisait beaucoup rire la fée, qui je crois commençait à en
     être lasse, car elle vint à mes côtés, me prit le bras, et le fit remarquer l’étrange bracelet fait
     dans un métal qui serait d’après nos hôtes de …l’orichalque ! Rien que cela ! Le métal de
     l’Atlantide ! Enfin, tout était possible après tout. D’ailleurs, tout ce qui évoquait l’Atlantide
     pour moi était toujours source d’étranges réminiscences. Je n’étais pas qu’un simple
     vampire comme beaucoup de personnes le croyaient.

     Nous nous installâmes à table. Elle était dans un style néogothique, faite dans un bois solide
     et travaillée de belle manière. Nous attendions tous les trois. C’est alors que vint
     Andromeda. C’était une humanoïde. Elle était très belle. Elle était la plus belle création de
     Daedalius et d’Icarion. Agrippine Andromèda était la femme de Daedalius et donc la mère
     d’Icarion. Elle était malheureusement morte dans d’étranges circonstances il y a quelques
     années. Daedalius m’affirma qu’il était persuadé qu’il s’agissait d’un assassinat commis par
     « les habits noirs », après qu’il eut refuser de collaborer avec eux. Ils avaient choisis de
     donner le deuxième prénom à leur création pour ne pas oublier que ce n’était qu’une
     humanoïde et non la femme qu’ils avaient connue.

     Andromèda savait parler et surtout préparer à manger. Nul doute que la femme de
     Daedalius savait en faire plus. Mais, ils me confièrent qu’Agrippine étaient une cuisinière
     de grand talent, et qu’ils avaient ainsi grâce à leur création l’impression de manger un plat
     préparé leur respectivement épouse et mère. Je crois surtout que tous les deux avaient
     trouvé le meilleur moyen de ne pas faire la cuisine.

     Mais je dois dire que le repas qui nous fûmes servis fut exquis. Pour un vampire, je
     reprenais goût aux bonnes choses ! Je dévorai les délicieuses cailles au raisin accompagnées
     d’un gouleyant vin d’Alsace. Ce fut un régal. Pour un vampire, je reprenais goût aux
     bonnes choses. En dessert, je me délectais de délicieuses crêpes au rhum. Je félicitai
     chaudement l’humanoïde. Cependant, je vis que Sicka était jalouse. Dès lors, je lui glissai
     au creux de l’oreille :

     « Vous savez bien que je ne puis vivre sans vos crêpes ! »
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Elle sourit. Visiblement, je lui avais remonté le moral. Il commençait à se faire tard. Nous
     approchions des 22 heures. La réunion n’allait pas tarder à commencer. J’étais guilleret,
     sans doute avais-je trop bu. Nous prîmes congés de nos hôtes, qui allaient pouvoir regarder
     la réunion grâce aux caméras incorporées dans nos vêtements.




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CHAPITRE 2. Dans la bibliothèque.
     L’abeille qui se baladait dans les magasins de la bibliothèque municipale de Rennes, on ne
     sait pourquoi à ce moment là, eut l’étrange privilège d’entendre cette conversation d’outre-
     tombe.

     « Vous ici, aussi ! , s’exclama un petit homme joufflu et rondouillard arborant une
     magnifique moustache qui faisait de lui un personnage sympathique et malicieux.

     L’autre homme paraissait plus austère avec son crâne dégarni, ses yeux intelligents mais
     qui laissaient entrevoir une crainte, une inquiétude, peut-être même des remords. Vu leur
     accoutrement, ils sortaient tous les deux de la fin du dix-neuvième siècle. Et c’était
     d’ailleurs le cas. Le moustachu n’était autre que Gaston Leroux, célèbre feuilletoniste et
     créateur, entre autres, du personnage de Rouletabille. Le second est bien connu des rennais,
     car il s’agit de Paul Féval, auteur du Bossu, et qui naquit en cette ville. Les deux hommes se
     rapprochèrent. L’interpellé répondit :

     « Vous savez, je suis né ici. C’est plutôt à moi de m’étonner de vous voir en ces lieux. »

     Le moustachu rit et puis dit :

     « Ah ! Sacré Paulo ! Tu sais bien que théoriquement, nous n’avons rien à faire ici parce
     qu’on est au troisième millénaire !

     — Moi, j’ai de bonnes raisons d’être ici. C’est une repentance. Je reviens pour éviter que «
     les habits noirs » ne régentent tout et ne finissent par faire disparaître l’imagination, l’utopie
     ainsi que les personnes hors normes. Mais, que faîtes-vous donc là mon cher Gaston ?

     — Mais Paul, je traque la dame en noir ! Je la cherche par delà les lieux et les temps.

     — Mais, pourquoi à Rennes à cette époque ?

     — Un pressentiment, une intuition qui me guide et qui me dit qu’il faut être là à ce moment
     là.

     — La « dame en noir », c’est peut-être cette ville, quoique la mode soit au gris en ce
     moment si j’en juge par l’étalage de plaque de granit qui recouvre les sols.

     — C’est incroyable, qu’on se retrouve là, après tant d’années, dans cette bibliothèque, dans
     ces magasins. Ce ne peut être un hasard.

     — Moi, j’avoue que c’est comme dans un rêve, un vieil homme aux cheveux blancs m’ a
     attiré là. On aurait dit Merlin, du moins la représentation que j’en fais.


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— Moi, mon cher Paul, c’est une femme, une belle femme, aux cheveux noirs qui m’a
     poussé vers ces lieux.

     — Gaston, croyez-vous, que les autres puissent nous voir ?

     — Je ne sais pas, je ne crois pas, car on a laissé nos corps respectivement aux dix-neuvième
     et vingtième siècles.

     — C’est étrange et surtout inquiétant que ces voyages extraordinaires. Enfin, je n’ai guère
     le choix, il me faut agir.

     — Vous êtes sérieux, Paulo ? Imaginez qu’Eugène et Maurice nous rejoignent ! On va
     pouvoir écrire « Les mystères de Rennes ».

     — Bonne idée. Mais vous savez, je crois qu’on n’est pas au bout de nos surprises. La ville
     va se doter d’un nouvel équipement culturel. Je crains qu’au vu de l’architecture biscornu,
     surmontée par ce planétarium, ils ne l’appellent le Bossu.

     — Vous ne croyez pas si bien dire. Figurez vous qu’au quatrième étage de cette bâtisse, ils
     ont refait une pièce et qu’il l’appelle, « la chambre jaune »

     — C’est à croire, Gaston, que l’on revient à la mode.

     — On va encore bien se marrer ! lâcha Gaston goguenard.

     — Oui, enfin. Je dois avant tout me faire pardonner mes erreurs. Et mettre à mal les projet
     des « habits noirs ».

     — Vous n’auriez jamais du les créer. Voyez ce qu’ils sont devenus. La plus grande
     organisation semi-étatique au monde qui contrôle tout ce qui est paranormal, tout ce qui
     pourrait nuire au bon fonctionnement de notre vieille planète.

     — Ce n’était qu’une création littéraire. Puis, c’est devenu une réalité. J’ ai fait partie de
     cette réalité. Mais, je en savais pas que ma « création » impliquait ma mort, et celle de
     l’imagination. Cette organisation cherche à tuer ce qui l’a crée : le rêve et l’utopie.
     Désormais, je dois tout faire pour réparer mon erreur et éviter que les mystères de la ville
     ne disparaissent à tout jamais.

     — Je crains, mon cher Paul qu’on ne pèse pas bien lourd contre les « hommes en noir », car
     c’est bien ainsi qu’on les appelle désormais ? Ils sont suréquipés, ils détruisent et
     manipulent en toute discrétion. Ah, cette pègre a évolué vite.

     — Bon, Gaston, tu as sans doute raison, mais je veux tenter quelque chose. En premier, il
     serait intéressant de savoir ce qu’on fait dans cette bibliothèque, et notamment ce qu’on y
     cherche. »



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Gaston Leroux se lissa la moustache et répondit :

     « Pardieu, je croyais justement que vous le saviez beaucoup mieux que moi ce que l’on
     cherche !

     — Avec un peu de chance, une force supérieure va peut-être nous guider. Pensez qu’il
     existe un guide des égarés en bibliothèque ?

     — Hélas, toujours pas.

     — Réfléchissons. Si on est dans une bibliothèque, c’est qu’on cherche un livre.

     — Bravo, Paulo. Mais quel livre ? Il y en a des milliers ici.

     — Justement, un livre qui ne se trouve qu’ici !

     — Ah, je vois ! J’imagine déjà le titre : « L’art culinaire et occulte de la pâte à crêpe » !
     s’exclama Gaston en riant.

     — Cessons donc de plaisanter. Vous êtes bien d’une autre génération.

     — Gaston Leroux contemplait les ouvrages sur les rayonnages. Nul ne sait pourquoi, il
     s’arrêta sur un en particulier.

     — Tiens, un Arsène Lupin. Dommage que Maurice ne soit pas là.

     Gaston Leroux ouvrit le livre, et une feuille intercalée entre la couverture et la première
     page apparut.

     — Tiens, qu’est-ce que c’est que cela ? »

     Un message qui ressemblait fort à une énigme était inscrit sur la feuille.

     « Si l’ouvrage était une aiguille, il lui piquerait les fesses. Creuse ta tête, et non l’aiguille et
     tu trouveras.

     — M. Celui qui n’est pas le noir. »

     — Paulo ! Incroyable, c’est une message de Maurice Leblanc. Le coquin nous donne du fil
     à retordre avec cette énigme non dénuée d’humour, je dois dire. Sauf que je n’y comprends
     rien.

     — Moi, non plus, soupira Paul Féval.

     — Je crois qu’il nous faut sortir des magasins avisa Leroux. Soyons discrets, surtout qu’on
     ne sait pas vraiment si on peut nous voir.

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— Je ne pense pas qu’on soit visible, si ce n’est à certaines personnes qui ont un don.

     — J’espère, Paul, que les alcooliques n’ont pas ce don, sinon, il y aura beaucoup de
     personnes ici qui pourront nous voir.

     — Enfin, Gaston, il n’y a pas que des alcooliques en Bretagne ! »

     Les deux compères quittèrent les magasins pour remonter vers les salles au rez-de-
     chaussée.

     « Sacré Maurice. Encore une devinette dont il a le secret.

     — Je m’en serai bien passé, dit le rennais. La situation est sans doute grave.

     — Mais, mon cher Paul. Ne raisonnez pas comme les hommes en noir. Usons de notre
     imagination et de notre réflexion. Je suis persuadé que nous allons trouver.

     — Les deux hommes déambulèrent dans les différentes salles. Ils ne trouvèrent rien qui ne
     leur mette la puce à l’oreille.

     Paul Féval, dit alors après quelques instants de réflexion.

     — Je pense, Gaston, que l’ouvrage recherché ne peut être trop proche des lecteurs. Il doit
     être quand même dissimulé. C’est probablement une personne de la bibliothèque qui garde
     précieusement ce livre.

     — Bon raisonnement, Paulo ! Allons donc voir plus haut. Ne désespérons pas car « La
     vérité n’est invisible qu’à ceux qui la croient cachée ».

     — Belle citation. Elle est de vous ?

     — Euh, et bien, non je ne crois pas. C’est d’un auteur du vingt-et-unième siècle, Tcerid
     Rezal, je crois.

     — Vous lisez les auteurs du troisième millénaire !

     — Evidemment, ne me dîtes pas que vous n’avez pas lu mes livres, bien que ce soit
     impossible théoriquement, puisque j’ai publié après votre mort.

     — C’est vrai, je le confesse, je lis de tout à toutes époques. Mais c’est « pluriunivers » sont
     inquiétants, et passionnants. Tant de vies différentes, tant de possibilités.

     — Bon, cessons de philosopher. Il faut trouver la vérité. Et pour cela, on va jeter un œil aux
     étages. »




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Les deux évadés du temps se rendirent en plein tumulte, parmi les bibliothécaires et autres
     travailleurs du livre.

     Ils entendirent des cris de désespoir, des jurons.

     « Ah, non. Le système informatique a encore planté ! »

     Le système venait encore de connaître une nouvelle panne. Un signe, un prodrome d’une
     mort imminente.

     « Si ça déconne comme ça, on ne sera jamais prêt ! »

     Paul Féval précisa à Gaston Leroux, qu’ils s’inquiétaient pour la mise en place du nouvel
     équipement culturel.

     Une personne visiblement exténuée par ces incessants coups du sort, se laissa retomber sur
     sa chaise où elle avait déposé quelques livres. Elle fut surprise, car elle avait apparemment
     oublié qu’elle les y avait mis.

     Cependant cet événement n’échappa pas à Gaston Leroux qui jubila aussitôt :

     « Ca y est, j’ai compris ! L’énigme est clair. Quelqu’un est assis sur l’ouvrage que nous
     recherchons. Car si c’était une aiguille, elle lui piquerait les fesses ! Ah, sacré Maurice !

     — Félicitations. Reste à savoir désormais qui est assis sur cet ouvrage dont nous ignorons
     tout. Il faut continuer à chercher. »

     Après plusieurs inspections, les deux romanciers finirent par se rendre dans le bureau de la
     conservatrice de la bibliothèque. Elle était occupée à répondre au téléphone. Mais nos deux
     compères avaient le sourire, car la conservatrice était certes assise dans un fauteuil, mais
     sur ce fauteuil…il y avait une pile de documents !

     La conservatrice raccrocha brusquement le téléphone. Le problème pour nos deux
     romanciers était qu’ils étaient contraints d’attendre qu’elle quitte sa chaise. Ils attendirent
     patiemment. Après quelques minutes, elle se leva et quitta enfin la pièce. Paul et Gaston se
     précipitèrent alors sur le fauteuil. Ils y trouvèrent de la paperasse qui ne les intéressait
     guère, mais tout en dessous il s trouvèrent ce qu’ils cherchaient. C’était le livre. Il était fin,
     relié d’un cuir rouge d’un côté, noir de l’autre. C’était original. Sur la couverture était
     inscrit en lettres dorées : « SOUTERRENNES »

     « On a trouvé Paulo !

     — Oui, je crois. Mais je n’ai jamais entendu parler de ce livre.

     Bon, on s’en empare pour le lire tranquillement.


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— Certainement pas, on le lit et on le remet à sa place.

     — Parce que vous croyez que c’est une place de choix l’endroit où il se trouve
     habituellement ?

     Paul balbutia, et évita le sujet :

     — Regardons vite ce qui est inscrit dans ce livre. »

     Il n’y avait pas d’auteur.

     Par contre il y avait un avertissement :

     « Si vous tenez ce livre entre vos mains, sachez que vous bénéficiez d’une exceptionnelle
     chance car il n’existe qu’un seul et unique exemplaire de cet ouvrage.

     Je vous demande donc de le remettre à la place à laquelle vous l’avez trouvée après
     lecture.

     Ce que vous allez lire contient des informations qu’il ne vous faudra révéler à personne.

     Je ne puis vous empêcher d’en faire mauvais usage, mais je dois vous prévenir que cela se
     retournera contre vous. »

     L’ouvrage était court, il se composait de trois chapitres :

     Histoire de Souterrennes.

     Géographie de Souterrennes.

     Habitants.

     Ils feuilletèrent l’ouvrage. Des illustrations présentant des créatures étranges
     accompagnaient les descriptions. On y voyait des vampires, des gynandres, des êtres
     inconnus.

     C’était passionnant. Gaston et Paul cherchaient surtout à savoir comment s’y rendre dans
     cette ville souterraine. Ils lurent alors le passage qui les intéressaient.

     « La cité subcondatienne se trouve sous vos pieds. Il existt plusieurs entrées, mais par
     sécurité elle évoluent. Toutefois, l’entrée principale se situe sous le Thabor, à l’endroit que
     le prince de Souterrennes aura décidé. Alors, sachez ouvrir les portes. »

     « Avec ça, on est bien avancé ! s’exclama, Gaston.

     — Qui sait si la conservatrice n’en sait pas plus, il faudrait l’interroger, dit Féval.

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— Mais elle ne peut pas nous voir !

     — C’est décidément compliqué les discussions extratemporelles.

     — Vivement le progrès !

     — Il faudrait pouvoir en lire plus sur cette cité souterraine.

     — Oui, ça a l’air passionnant. Cette cité existerait encore, vous croyez Paul ?

     — Oui, j’en ai entendu parler à mon époque. De vampires notamment.

     — Apparemment, ce sont les vampires qui contrôlent la cité du dessous, et peut-être qu’ils
     sont maîtres de la cité du dessus aussi. »

     Ils voulurent se replonger dans la lecture quand des bruits se firent entendre. Une porte
     s’ouvrit, deux personnes entièrement de noir vêtues avec d’étranges lunettes leur faisaient
     face. L’une d’elle dit à l’autre :

     « Ils sont là. Tuons les. »

     Paul et Gaston comprirent qu’ils étaient menacés, et leur esprit s’enfuit immédiatement de
     ces lieux pour se retrouver dans le lieu de leur rencontre initiale.

     « Ils nous voient, eux , dit Gaston .

     — Sans doute, grâce à leurs lunettes.

     — Enfin, j’ai réussi à piquer le bouquin.

     — Sacré Gaston.

     — J’ai horreur qu’on me dérange dans mes lectures, dit Leroux quelque peu énervé.

     — Constatez notre adéquation spirituelle, nous sommes tous les deux retournés au même
     endroit, encore dans les réserves de la bibliothèque. C’est incroyable.

     — Bon, je reprends ma lecture.

     De nouveaux bruits se firent entendre. Des pas se rapprochaient.

     — Gaston, je crains qu’il ne faille remettre la lecture à plus tard. Ils nous cherchent. Je ne
     sais comment ils peuvent nous tuer.

     — A mon avis, ils distinguent le cordon qui nous relie à notre corps, ils peuvent le couper
     et nos envoyer ad patres.

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— J’ai peur que désormais, ils ne nous lâchent plus. Il nous faut nous réfugier quelque part.

     — Et, puis il est hors de question de retourner pour moi au dix-neuvième siècle. Je n’ai rien
     à perdre. L’affrontement doit avoir lieu.

     — Je pense, Paul, qu’il nous faut trouver Souterrennes, et s’allier avec la ville du dessous.

     — Vous avez sans doute raison, Gaston, allons-y avec le livre. »

     Aussitôt dit, aussitôt fait. Il ne restait plus qu’à trouver la porte d’entrée… ce qui ne
     s’annonçait pas facile.




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CHAPITRE 3. Souterrennes
     La nuit étendait son voile obscurcissant sur la cité bretonne. Nous nous dirigions alors,
     Sicka et moi vers l’entrée secrète de la ville subcondatienne. Il allait me falloir rassembler
     toute mon énergie pour le conseil hebdomadaire que je présidais. Tandis que la fée me
     donnait à boire une bouteille de « rennessence », je vis le dragon Crêpovore descendre du
     ciel pour se joindre à nous. Sicka lui donna un baiser sur la tête ce qui lui fit plaisir, car il
     émit un grognement qui laissa voir son bonheur. J’avoue qu’il m’était sympathique, et que
     j’étais content de le retrouver. Il était tard, il nous fallait passer par dessus le grilles du parc
     du Thabor pour accéder à l’entrée. Le dragon nous fit monter sur son dos, pour que l’on
     puisse passer de l’autre côté. Quant à lui, il fit un bond étonnant pour sa corpulence au
     dessus des grilles. Et nous voilà, tous trois dans le parc du Thabor en pleine obscurité.

     Ce n’était pas dépourvu de charme. Après avoir quelque peu marché, nous arrivâmes dans
     la grotte artificielle. Je me concentrai quelque peu, et la porte de Souterrennes s’ouvrit.

     C’était l’entrée principale de la cité. Il m’arrivait d’y accéder autrement, mais le jour du
     conseil, je passais toujours par là, car tous mes concitoyens m’attendaient généralement,
     soit pour me voir tout simplement, soit pour me parler de leurs problèmes personnels. Cela
     pouvait durer parfois une heure comme ça. J’aimais ce moment là, car il était toujours
     chaleureux.

     De vivants flambeaux encadraient la porte d’entrée de la cité. Les porteurs de flamme
     étaient deux androgynes, symbolisant la dualité de la cité. Ils étaient vêtus de drapés rouge
     et noir. Ils me sourirent, et je les saluais chaleureusement. Tous les visages de l’assistance
     me regardaient, avec étonnement voire inquiétude car cela était la première fois depuis
     longtemps que j’arrivais avec d’autres personnes le jour du conseil. Certains comprirent que
     la situation était grave et que les invités n’étaient pas annonciateurs de festivités. Les deux
     pangolins si joyeux d’habitude, marquèrent un temps d’hésitation à la vue de la fée et du
     dragon écarlate.

     « Je vous présente, la fée Sicka et le dragon Crêpovore. Je ne vous cache que la situation est
     grave, et qu’ils ne sont pas ici pour rien. Ce soir, je vous demande à tous d’assister à la
     réunion dans la grande salle. J’ai des choses importantes à annoncer. »

     Le silence se fit entendre. J’aime bien ce genre de phrase paradoxale comme la précédente.
     Les deux pangolins s’avancèrent à nouveau. Ils étaient les plus vieux habitants de la cité.
     L’un était rouge, l’autre était noir. Le premier s’appelait Rod, l’autre Blok. Ils vinrent
     saluer mes hôtes. Crêpovore fut apparemment satisfait et répondit d’un ton philosophique :

     « Amicus sum. »

     Les pangolins nous escortèrent sur notre passage. Je fis visiter les lieux à Sicka, et en
     profitais pour lui présenter les principaux personnages de la cité. Souterrennes, était à

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l’image de ses habitants multiple, diverse, historique, géniale, gothique, et surtout
     splendide. Les murs de pierre étaient ornés de Gargouilles si bien sculptées qu’elles
     auraient mérité d’être vivantes. D’aucuns affirmaient par ailleurs qu’elles l’avaient été
     jadis, mais que ces créatures avaient été pétrifiées par un puissant magicien. Je n’en savais
     rien, les pangolins connaissaient la vérité, mais ils restaient discrets sur le passé. Moi, je
     n’étais là que depuis cinq-cents ans. La cité s’étendait ainsi sur des kilomètres avec ses
     innombrables salles, ses murs granitiques et ses gargouilles, chimères et autres monstres
     sculptés qui semblent toujours vous fixer quel que soit l’endroit où vous vous situez. Sicka
     était impressionnée, elle avait entendu parler de Souterrennes, mais jamais elle ne l’avait
     vue. Je lui présentais d’autres vampires qui eux n’avaient pas le privilège de pouvoir vivre
     le jour. Beaucoup remarquèrent que j’avais changé. Mon ami, Papus, vampire depuis 150
     ans me glissa à l’oreille :

     « J’ai l’impression que cette fée t’a transformé.

     Je lui répondis :

     — Si tu savais. »

     La cité comptait près de cinq-cents vampires, autant d’androgynes, deux pangolins, des
     créatures hybrides, quelques dragons. Le tout se montait à une population d’environ deux-
     mille habitants. Il y vivait de véritables humains qui nous aidaient. Il arrivait que d’autres
     humains du dessus ait des contacts avec nous. C’était obligatoire pour assurer notre survie.
     Toutefois, le secret ne devait être partagé que par de rares personnes. Il n’y avait pas plus
     de cent rennais qui connaissaient Souterrennes. Certains avaient souhaité nous rejoindre,
     d’autres étaient devenus vampires, ou avaient souhaité se transformer. Et la cité perduraient
     ainsi depuis des siècles. Enfin, arriva Annabella, la « reine des vampires » de Souterrennes.
     Elle possédait un charme inaltérable, et des capacités d’envoûtement incroyables.
     Toutefois, elle n’avait aucune emprise sur moi. Tout simplement, parce que c’était moi qui
     était à l’origine de sa transformation. C’était de loin mon meilleur recrutement. Elle avait
     une intelligence bien supérieure à la moyenne, et je savais que j’allais pouvoir compter sur
     elle. Elle regarda Sicka avec méfiance, en faisant claquer sa cape mauve. Ses longs cheveux
     bruns continuaient de briller de mille feux bien qu’elle soit âgée de plus de deux cents
     années. Elle me regarda alors et me dit de sa voix superbe :

     « Alors, mon prince, tu as des problèmes. Je sens que tu vas avoir besoin de moi.

     — Exactement. L’heure est grave. »

     Je sentais que l’ambiance si joyeuse d’habitude avait tendance à se tendre. Je continuai de
     me diriger vers la salle du conseil où j’allais prendre place dans le grand fauteuil du «
     président » car j’avais été élu par mes concitoyens. Je dirigeai Souterrennes depuis trop
     longtemps, j’eus envie à plusieurs reprises de laisser la place, mais j’étais à chaque fois
     plébiscité. Le conseil se déroulait habituellement ainsi : autour de la grande table ovale, se
     tenaient les élus. La salle ressemblait à un authentique opéra qui pouvait contenir comme
     spectateurs tous les habitants de Souterrennes. La population subcondatienne se trouvait
     donc limitée en fait au nombre de places de cette salle. Chacun avait le droit d’être un
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citoyen actif ce qui était généralement le cas car chaque débat était un spectacle, et chaque
     discussion possédait de l’importance pour chacun de mes concitoyens. Notre vie politique
     m’apparaissait bien plus efficace que celle d’en haut. Il est vrai que nous étions peu
     nombreux en comparaison. Malgré tout, notre nombre nous obligeait à élire une équipe
     dirigeante. Nous étions 22 chargés de domaines différents, un véritable gouvernement.
     J’étais en quelque sorte le capitaine d’équipe. Dans la salle, se tenaient à une distance de
     quelques mètres les habitants de la cité désireux de suivre les débats. Ce soir, la scène était
     pleine. Les visages étaient blêmes pourtant je n’avais encore rien annoncé.

     Il était 22 heures, le conseil n’attendait plus que moi, le vingt-deuxième membre de
     l’assemblée. Mon siège légèrement plus relevé que les autres état placé au centre, un A
     ornait le fauteuil car tous les 22 fauteuils portaient une lettre. Le A revenait au président de
     l’assemblée, celui par qui commençait les débats. J’avais installé Sicka et son dragon, dans
     le coin des invités, également sur l’estrade. La composition du conseil était la suivante :

     A. Le président, en l’occurrence moi.

     B. Janisia. Androgyne. Premier ministre en quelque sorte.

     C. Annabella. Vampire. Chargée de la défense et de la sécurité de la cité.

     D. Horace Greenbow. Humain. Sécurité extérieure, informations et contacts avec
     l’extérieur.

     Et ainsi de suite jusqu’à 22. 22 personnes représentant la cité et ses différentes
     composantes. Les deux pangolins et les dragons de la cité étaient membres de droit du
     conseil bien que ne faisant pas partie des 22. Ils étaient anciens et leur ancienneté leur
     conférait des mesures d’exception. Le conseil était élu démocratiquement cependant.

     En face de moi se tenait 21 visages crispés, et des milliers d’autres me regardaient dans la
     salle.

     Je me décidai enfin à parler :

     « Chers concitoyens et amis, la rumeur a déjà circulé, l’heure est grave. Je suis contraint de
     proclamer l’état d’urgence, et par la même l’occasion l’état de guerre. Car c’est bien de cela
     dont il s’agit. Dès demain, nous allons être attaqués par les hommes en noirs, qui souhaitent
     détruire tout ce qui ne correspond pas à la normale. Souterrennes, est donc une cible idéale
     pour eux.

     Il nous faut donc nous préparer au combat. Sont présents, ici ce soir, la fée Sicka et le
     dragon Crêpovore. Ce sont eux qui m’ont prévenu du danger.

     Sachez donc, que les fées, les enchanteurs, les sorciers et les dragons sont nos alliés.




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Merlin l’enchanteur nous soutient également, et il m’ a chargé de mener la défense de la
     contrée de l’Ouest.

     Nos moyens sont grands, mais nous sommes peu.

     Les moyens de nos adversaires tout aussi grands et ils sont plus nombreux.

     Seul l’histoire et le talent nous donneront l’avantage. »

     Je fis une pause pour que chacun reprenne ses esprits. La consternation et l’effroi se lisaient
     sur leurs visages. Puis, je repris :

     « Je laisse la parole à Sicka qui vous donnera des informations complémentaires »

     La fée, un peu tendue prit la parole :

     « Chers habitants de Souterrennes, la contrée de l’Ouest est en danger. Seule l’union, peut
     nous permettre de survivre.

     Les hommes en noir arrivent bientôt, ils ont de redoutables combattants. Leur chef est
     inconnu, on dit qu’il aurait des pouvoirs supranormaux. Sachez, vampires de cette cité,
     qu’ils ont dépêché une tueuse redoutable.

     Souterrennes doit survivre. C’est à vous d’en décider. »

     La fée se rassit. Le silence était total. Voilà qu’après la construction du métro, la cité était
     cette fois-ci sous la menace d’une destruction immédiate.

     Annabella, la troisième lettre du conseil prit alors la parole :

     « Pour ma part, je suis prête à mourir pour la cité. Il nous faut nous organiser. Il est à
     craindre qu’ils attaquent de jour. Cependant, nos progrès nous permettent de vivre le jour
     dans une forte obscurité. Les androgynes, et les autres membres de la cité seront quand
     même chargés de défendre la cité le jour. Les vampires la défendront la nuit. Mais, il est
     évident qu’il sera difficile de dormir. Surtout, ne fuyons pas, car ils nous tueront facilement
     si l’ on se disperse. »

     Sicka lui répondit :

     « Je crains qu’il nous faille également attaquer. La meilleure défense c’est l’attaque.

     — Mais, il serait imprudent de quitter Souterrennes, non ?, rétorqua Danil, l’androgyne aux
     cheveux bruns et aux yeux mauves.

     — Certes, mais quelques uns, dont moi, iront au devant du danger, affirmai-je alors.


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— Mais les vampires ne peuvent sortir le jour, protesta Anatalis, le numéro 6 du conseil, la
     lettre F, chargé des finances.

     — Tous les vampires resteront ici le jour. D’autres attaqueront la nuit. Mais, moi,
     j’attaquerai jour et nuit., précisai-je.

     — Mais c’est impossible, dirent plusieurs voix.

     — Impossible, pas pour moi grâce à Merlin. Je suis capable de vivre le jour désormais. »

     — Mais qui sont ces hommes en noirs ?, demanda Senestrix, le plus vieux vampire après
     moi et qui avait atteint l’état de vampire alors qu’il était déjà très vieux.

     Sicka répondit :

     « C’est une organisation, autrefois appelée « les habits noirs », qui s’est organisée, étatisée
     dirais-je pour devenir une mafia contre les personnes hors normes comme nous. »

     Les deux pangolins, membres immuables du conseil, n’avaient pas dit mot, et pourtant ils
     étaient visiblement inquiets. Rod prit alors la parole :

     « Qui connaît leur chef ? Il aurait des pouvoirs, il voudrait être le seul a en avoir, tout cela
     est étrange, non ? Prince, le connais-tu ?

     — Non, je ne connais pas son nom. Je ne sais rien de lui.

     — Moi, je connais son nom, s’exprima contre toute attente le dragon Crêpovore de sa voix
     de stentor.

     — Tu parles français, maintenant ?, lui demandais-je.

     — Seulement, quand l’heure est grave, répondit-il.

     — Alors, comment s’appelle-t-il ?

     — Je ne te le dirai pas, pas maintenant. Tu le connais, cela pourrait te perturber. »

     La salle s’agita, supplia le dragon. Mais, la créature écarlate, n’en dit pas plus.

     Mais, pour moi, il en avait déjà trop dit. Car, il n’y avait qu’un nom que je craignais, un
     seul, celui de Lautréamont, mon double, mon autre versent que j’avais si peu connu.

     « Bon, passons. Qu’importe son nom, il nous faut nous organiser. Notre survie est en jeu,
     mais je vous demanderai d’être discret dans la mesure du possible. Annabella, je te charge
     de la défense de la cité, notamment pour la nuit. Janisia, tu es chargée de sa défense le jour.
     Quant à moi, je rassemble mon équipe pour l’attaque extérieure. »

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Il n’y eut pas de protestations, tout le monde était conscient du danger. Souterrennes allait
     devoir se battre pour assurer sa survie.




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CHAPITRE 4. L’attaque.
     Le parc du Thabor n’avait pas encore ouvert ses portes que déjà s’affairaient d’étranges
     personnages en son sein. Que cherchaient-ils ? Une porte, tout simplement.

     Ils étaient vêtus de noir. Leur chef, était vêtu d’une cape de cuir noir, et possédait un
     charisme impressionnant. Son équipe lui obéissait sans broncher. En plus du chef, elle était
     composée d’une dizaine de personnes, trois femmes, sept hommes. Parmi eux, se trouvait
     donc la fameuse chasseuse de vampires… Ils étaient proches d’une statue ressemblant au
     lycaon. Le chef sembla se concentrer, puis se tourna brusquement vers le kiosque où se
     déroulait parfois des concerts. Il avança puis souleva une trappe qui n’était pas là
     auparavant, puis entreprit de descendre les escaliers qui menait au sein d’une autre contrée.
     Il fit signe à ses sbires de le suivre. Ce qui fut aussitôt fait. Et bientôt, ils disparurent sous
     terre sans laisser la moindre trace.

     Paul et Gaston hésitèrent quelques minutes avant se lancer à leur poursuite.

     « Je crois qu’ils ne remonteront pas de suite. Il faut y aller à notre tour, ils ont trouvé
     l’entrée de Souterrennes !, s’exclama Gaston. Allons- y Paulo !

     — Restons prudents tout de même. »

     Les deux hommes quittèrent leur cachette pour s’avancer vers le kiosque. Mais, ils ne
     distinguaient aucune entrée. Aucune porte ou trappe, même dissimulée, n’était visible.

     « Par où sont-ils donc passés ?, rugit Gaston.

     — Il doit bien y avoir une solution, lui répondit Paul Féval qui avait l’air soucieux.

     — Réfléchissons, ils sont parvenus à pénétrer dans la cité, on les a vus.

     — Oui, mais c’est leur chef qui a trouvé l’issue.

     — Effectivement, il devait déjà la connaître.

     — Je ne comprends vraiment rien. Quel talent pourrait-il posséder pour trouver la solution
     avec une telle aisance ?

     — Je crois comprendre mon cher Paul, c’est élémentaire ! Il possède tout simplement un
     talent que nous utilisons aussi dans notre métier : l’imagination !

     — Vous voulez dire que cette porte n’existe pas vraiment, mais seulement dans nos esprits,
     il nous faut donc la créer.


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— Exactement. Allons donc créer cette porte. ! »

     Les deux hommes se concentrèrent. Ils joignirent leurs mains, fermèrent les yeux, et alors
     apparut près du kiosque, une trappe avec un anneau de bronze, que Gaston souleva. Les
     deux écrivains s’engouffrèrent vers un lieu inconnu et disparurent de la surface comme
     aspirés par la terre.

     La cité souterraine s’offrit alors à leurs yeux. Elle était éclairée par des porteurs de lumière,
     des créatures androgynes vêtues de toiles rouges et noires portaient en effet des torches à
     l’entrée. Il en ressortait comme une atmosphère où les flammes aux pourpres reflets
     émergeaient d’une obscurité quasi glaciale pour mieux éclairer ces instants d’éternité. Les
     deux écrivains marchaient discrètement et s’avançaient dans la cité. Ils pouvaient alors
     distinguer une impressionnante statue représentant un serpent se déployant et qui fixait les
     deux romanciers. Ce serpent était ailé et ses yeux de jade clair conférait à son regard une
     inquiétude qui vous avertissait que ce lieu était terrible. Des gardiennes se tenaient dans des
     renfoncements au sein de la pierre. Elles ne paraissaient pas voir nos deux écrivains, mais il
     était évident qu’elles ressentaient une présence. Une d’elles poussa un hurlement et aussitôt
     elles disparurent comme ensevelies dans la pierre dont la rigidité apparente savait s’effacer
     pour faire place à une souplesse que seuls les initiés pouvaient user. La cité devint alors
     extrêmement sombre.

     « Je me demande où sont passés les habits noirs ?, demanda Paul.

     — Ils doivent être dans l’obscurité tout comme nous. Les gardiennes sont apparemment là
     pour avertir du danger. C’est un système de défense étonnant, chuchota Gaston.

     — J’espère qu’on est toujours invisible, lui répondit Paul. »

     —Ils s’avancèrent. Et bientôt ils virent la cité imprégnée de lumière. C’étaient les faisceaux
     des hommes en noir qui perçaient l’obscurité, dévoilant partiellement la beauté
     architecturale de Souterrennes. On parvenait à distinguer des gargouilles, chimères et autres
     créatures de pierre qui représentaient le plus souvent des êtres ophidiens dont l’existence
     semblait avoir été figée dans la roche. Le commando des habits noirs n’osaient plus
     s’avancer car tout était figé. Des sons de cloche résonnèrent alors comme pour signifier que
     la cité agressée était désormais en état de guerre. Ce bruit assourdissant ne faisait
     qu’amplifier le sentiment d’inquiétude qui y régnait. Malgré le jour qui dominait à
     l’extérieur, la cité souterraine demeurait dans une noirceur qui n’était contrecarrée que par
     les lampes des habits noirs. Il ne se passait rien, et pourtant on sentait que ce silence
     insoutenable ne demandait qu’à être brisé. Devant l’ambiance insoutenable, le chef des
     habits noirs fit claquer sa cape. Le noir était complet désormais. Le sifflement émise par
     une arme blanche se fit entendre, puis un cri de douleur lui succéda. Le chef ordonna de
     rallumer les lampes… sur le sol se trouvait le cadavre d’une androgyne poignardée en plein
     cœur. Le mystérieux chef des habits noirs était donc nyctalope, comme le démontrait son
     aisance à user d’une arme avec précision dans la plus grande opacité. Il était parvenu à tuer
     un androgyne qui se croyait invulnérable dans le noir.



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La réaction ne se fit pas attendre. Les créatures androgynes partirent à l’assaut des hommes
     en noir. Ils avaient attendu une réelle manifestation belliqueuse pour intervenir. Le bataillon
     d’androgyne surgit en masse sur les habits noirs en brandissant leurs sabres. Cependant, la
     surprise fut de courte durée car le commando disposaient d’armes bien plus sophistiquées.
     Les épées et les sabres ne faisaient guère le poids face à des pistolets d’où sortaient des
     rayons létaux dignes de ceux que l’on voit habituellement dans les films de science-fiction.
     Les androgynes comprirent alors que leur salut ne tenait que dans le repli. Les adversaires
     étaient sérieusement équipés. Et leur intention était de détruire les habitants de Souterrennes
     comme en témoignaient les cadavres des androgynes qui jonchaient le sol. Le commando
     continua de s’avancer au cœur de la cité.

     « Suivons-les, souffla Gaston à Paul.

     — Demeurons prudents, répliqua ce dernier. »

     La cité demeurait ténébreuse tandis que les cloches continuaient de sonner. Le commando
     éclairait le couloir, mais on y distinguait que statues et chimères. Ils avançaient bien de trop
     facilement dans la cité souterraine. L’attaque s’effectuait de jour pendant que les vampires
     dormaient. Toutefois, la noirceur qui régnait au sein de la cité leur permettait de circuler
     sans danger. Le commando des habits noirs disposait d’une tueuse de vampires renommée,
     Clara Gisèle Grolard, surnommée Bouffie à cause de son embonpoint. Pourtant, elle avait
     fait disparaître un grand nombre de vampires depuis qu’elle était au service de la société
     des habits noirs. Heureusement, Souterrennes disposait également de redoutables guerriers.
     Si la tueuse de vampires possédait l’arbalète la plus perfectionnée, sir Wallace Greenbow
     était le meilleur arbalétrier de tous les temps. Greenbow, l’archer vert de Souterrennes
     attendait avec impatience cette confrontation. Il avait l’âme d’un justicier, et sa fougue
     devait être canalisée par ses amis. L’attaque des habits noirs allaient lui permettre de
     dévoiler l’étendue de ses talents. Je comptais beaucoup sur lui, car sa précision était
     incroyable même dans le noir.

     Le commando continuait pourtant à s’avancer inéluctablement. Rien ne les arrêtait. Leur
     chef les dirigeait avec aisance dans les arcanes de la cité subcondatienne. Ils arrivèrent alors
     au cœur de Souterrennes, là où tous les chemins se croisent. Le chef braqua soudain sa
     lampe tout en haut sur ce qui ressemblait à un dôme de cathédrale. De superbes statues
     semblaient accrochées aux murs. Elles paraissaient presque vivantes malgré leur aspect de
     pierre. Trop vivantes d’ailleurs pour être vraiment de pierre. C’est alors, que les statues
     tombèrent sur les assaillants qui furent surpris par cette attaque. Les vampires de
     Souterrennes tombèrent sur les soldats du commando. Beaucoup en firent les frais surtout
     que Greenbow commençait à lancer ses traits sur les habits noirs. Ces habits noirs eurent
     alors le privilège de mourir dans le berceau d’une autre humanité. Deux puissants vampires
     avaient fauché les têtes de trois membres du commando à l’aide d’une faux tranchante et
     énorme telle celle dont usait l’Ankou. Le commando fut déstabilisé mais cela ne devait pas
     durer. La réaction ne se fit d’ailleurs pas attendre. Le reste du commando usa aussitôt de
     son arsenal d’armes sophistiquées. Les deux vampires se firent poignardés en plein cœur
     par des flèches d’une célérité incroyable, tandis que le chef des habits noirs leurs
     tranchaient la tête. La tueuse de vampires usait de son arbalète et fit mouche à de
     nombreuses reprises. La situation tournait mal, je demandais alors à mes concitoyens de ne
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pas prendre de risques inutiles. Mais Annabelle choisit de ne pas m’écouter. Elle se
     précipita sur le chef du commando pour lui trancher la tête. Elle venait de signer son arrêt
     de mort. Sa faux sembla passer au travers de l’individu sans lui porter atteinte le moins du
     monde. Cela déclencha l’hilarité de ce dernier, tandis qu’Annabella demeura pétrifiée. Ce
     fut ce laps de temps qui permit à la satanée tueuse de vampires d’ajouter Annabella à son
     palmarès. La belle vampire bicentenaire s’effondra. Je criai :

     « Non » de toutes mes forces, mais le pire était advenu. Greenbow était perché sur mes
     épaules. Je sautais sur l’ignoble tueuse avec l’archer qui en profita pour ajuster un trait
     meurtrier. La célèbre tueuse ne ferait plus de victimes. Une flèche en plein cœur et une
     autre en pleine tête. Elle ne sévirait plus. Greenbow n’aimait vraiment pas les prédateurs
     surtout lorsqu’ils n’avaient ni cœur ni tête.

     Je ne pus contenir mes concitoyens qui se ruèrent de nouveau sur le commando qui était
     assailli de toutes parts. Mais aucune arme ne parvenait à toucher leur chef. Je volais avec
     Greenbow sur le dos, il ajustait les membres du commando avec une précision diabolique.
     Tout le commando à l’exception de leur chef ne tarda pas à disparaître. L’attaque des habits
     noirs avaient été repoussée parce qu’il étaient peu nombreux. Leurs corps gisaient étendus
     sur le sol se mêlant à ceux de nos concitoyens, hommes, androgynes et vampires qui
     avaient défendu la cité en payant de leur vie.

     Je fis alors face au seul survivant des habits noirs. Il n’avait l’air nullement affecté par
     l’élimination de son équipe. Je le reconnus du plus profond de mon âme ; cet individu, je le
     connaissais. Sa ressemblance physique avec moi m’avait toujours agacé. Il s’agissait du
     comte de Lautréamont, le comte des ténèbres, le prince de l’horreur enfouie. Le duel
     fratricide allait avoir lieu. Mais le représentant de l’autre soleil, partit d’un rire et me dit en
     soutenant mon regard :

     « L’heure du duel final n’est pas encore venu, mon cher ! »

     Sur ce, il disparut comme par enchantement en émettant un bruit clinquant comme si on
     venait de briser un miroir.

     Souterrennes paraissait avoir gagné la première manche. Mais le combat n’était pas prêt de
     cesser, il restait encore bien trop de combattants.




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CHAPITRE 5. Sereine Souterrennes
     Souterrennes avait subi les premiers assauts et était sorti vainqueur. La résistance avait
     fonctionné. Mais les Hommes en noirs reviendraient plus nombreux avec d’autres moyens.
     C’était évident. Lautréamont était parvenu à s’enfuir… Seul survivant du commando.

     Souterrennes reprenait ses esprits. Des cadavres jonchaient le sol de la salle centrale. Les
     corps du commando des hommes en noirs se mêlaient à ceux de quelques vampires et
     androgynes. On dénombrait vingt morts du côté de la population subcondatienne. Malgré la
     victoire, l’ambiance était désolée car la cité venait de perdre beaucoup de concitoyens en
     une fois.

     La population pleurait ses martyrs mais elle croyait avoir écarté le danger.

     Toutefois la cité avait perdu sa lettre C, le numéro 3 du gouvernement de la cité, celle qu’on
     hésitait parfois à appeler « la reine des vampires », voire la reine de Souterrennes.
     Seulement, elle gisait étendue inanimée… Une flèche l’avait atteinte en plein cœur… Je
     craignais qu’il n’y ait plus rien à faire. Malgré tout, la médecine subcondatienne pouvait
     faire des miracles.

     La flèche, qui devait sans doute être empoisonnée, avait transpercé la belle vampire.
     L’espoir était faible. Malgré tout, j’ emportais Annabella au bloc opératoire. Le médecin
     allait tenter de la sauver.

     Il y avait peu d’espoir et les analyses confirmèrent la crainte. La belle vampire allait mourir.
     Elle avait défendu courageusement Souterrennes. La médecine subcondatienne pouvait
     cependant faire des miracles. Depuis pas mal d’années, elle savait fabriquer du sang
     humain. Les vampires pouvaient donc s’abstenir de toute attaque nocturne contre les
     humains. Cette géniale trouvaille avait permis à Souterrennes de se maintenir à l’abri.
     Cependant, d’aucuns déploraient le manque de renouvellement d’effectifs au sein des
     vampires.

     Annabella était allongée, prête à être transfusée. La flèche demeurait dans son cœur. Ce
     cœur qui battait en secret d’amour pour moi. Annabella était encore à peine consciente et
     souhaitait me parler. Je demandais aux médecins, quelles étaient les chances de survie.

     Il y en a qu’une. Une nouvelle mutation pour parvenir à l’état d’humanoïde. Mais pour cela,
     il nous faut l’aide de Daedalius.

     Annabella qui avait entendu, me fit signe d’approcher. Elle me chuchota à l’oreille :

     « J’ai eu le privilège de t’aimer, je veux avoir le privilège de mourir maintenant. »



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Les dernières volontés d’Annabelle furent exaucées. C’est ainsi qu’Annabella mourut, car
     telle était sa volonté. Sans doute n’avait-elle aucune envie de subir une nouvelle
     transformation qui l’aurait plus encore éloignée de moi. Je crois qu’elle avait déjà compris
     que depuis ces derniers évènements, je n’étais plus tout à fait le même. Sa disparition
     constitua un choc pour la cité et pour moi aussi. Les habitants de Souterrennes avaient pris
     l’habitude de voir cette superbe créature déambuler dans les arcanes de la cité qu’elle
     connaissait presque aussi bien que moi. Une page venait donc d’être tournée. J’avais besoin
     désormais d’un peu de calme. J’allais donc me retirer dans la bibliothèque de la cité secrète.
     Il y avait ici des milliers d’ouvrages dont la plupart étaient introuvables désormais à la
     surface. La bibliothèque était magnifique. Le style gothique et baroque de Souterrennes se
     retrouvait pleinement dans ce lieu de la connaissance. Les boiseries de chêne foncé étaient
     finement sculptées avec des motifs floraux et des animaux fabuleux. Il en ressortait une
     esthétique bienveillante qui donnait l’impression au lecteur que le bois était doté d’une vie,
     que la bibliothèque était en fait une forêt. Les livres étaient admirablement conservés dans
     des vitrines entourées de pilastres en marbres et doriques. Les murs de livres s’élevaient
     jusqu’à la cimaise, comme si la connaissance permettait de rejoindre quelque monde
     supérieur représenté sur la coupole par un célèbre artiste. Merlin est représenté sur la
     fresque en compagnie de quelques éons. Seuls les pangolins connaissent la réelle
     signification de la fresque. Pour ma part, si je n’ose en comprendre le sens, je me délecte de
     son esthétique. J’ai parfois l’impression que l’univers tout entier est rassemblé ici, et que si
     tout devait disparaître, la bibliothèque demeurerait à jamais pour devenir le point de départ
     d’un nouvel univers. Tous les livres étaient admirablement reliés et portaient sur la
     couverture ainsi que sur la tranche gravé à l’or fin l’emblème de Souterrennes. Un emblème
     représentant deux animaux fabuleux adossés. Les livres étaient reliés dans des différents
     couleurs selon la classe de connaissance à laquelle ils appartenaient. Une classification
     simple mais aux ramifications parfois complexes que les pangolins avaient mis quelques
     années à élaborer. On y retrouvait aussi sur toutes les principales figures de la cité
     représentées dans des statues de bois se tenant à l’entrée de chaque salle comme si elles en
     étaient les gardiennes. Les salles étaient vastes et laissaient une large place à la
     déambulation. Je m’isolais fréquemment au milieu de ces ouvrages, de ces connaissances,
     afin de retrouver un peu de sérénité quand j’avais quelques états d’âme. Je crois que les
     auteurs présents ici de par leurs ouvrages auraient été fiers d’être dans ce sublime endroit.
     La bibliothèque était formée de salles octogonales continues, si bien que j’avais
     l’impression d’être une abeille au cours de mes déambulations dans cette ruche livresque.
     Une abeille, voilà ce que j’étais sans doute car je faisais mon miel de toutes ces pensées,
     idées et savoirs disséminés ici et là. J’étais bien loin de connaître tous les ouvrages présents
     à Souterrennes. Les pangolins eux-même s’y perdaient souvent bien qu’il ne prétendent le
     contraire. Qui sait d’ailleurs si parmi ces rayons, il n’y avait pas quelque livre maudit, ou
     bien ouvrage quelque peu magique qui contiendrait tous les autres livres ?

     J’en étais là dans mes réflexions quand soudain je fus prévenu d’une intrusion anormale
     dans Souterrennes. Rapidement, je fus mis au fait que les deux intrus ne manifestaient
     aucune intention belliqueuse bien au contraire. Je retrouvais Janisia, Sicka et Crêpovore qui
     m’attendaient. C’est ainsi que je fis la connaissance de Paul Féval et de Gaston Leroux que
     je ne connaissais que par l’entremise de leurs œuvres.

     Les deux auteurs étaient encadrés par les gardes de la ville.
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« Que faîtes-vous là ? demandais-je quelque peu énervé.

     — Nous sommes ici pour vous apporter notre aide, me répondit Paul.

     — J’en suis ravi, mais comment êtes vous parvenus jusqu’ici ?

     — Nous avons suivi les hommes en noir.

     — Connaissiez-vous notre cité auparavant ?, leur demandais-je intrigué.

     — Et bien, nous avons trouvé il y a peu un livre mentionnant l’existence d’une cité sous la
     ville nommée « Souterrennes »

     — Effectivement, cet ouvrage sur notre contrée nous a été volée au début du XXe siècle.
     Nous avons été piégés par un gentlemen cambrioleur.

     — Maurice ! Ah !, le coquin, s’écria Gaston.

     — Mais nous avons trouvé cet ouvrage à la bibliothèque, ajouta Paul. Nullement chez
     Maurice Leblanc !

     — Je dois dire que toutefois, il était en sécurité sous la charge de l’autorité principale de la
     bibliothèque, précisa avec malice Gaston.

     — Il était caché dans la bibliothèque de Rennes !, s’écrièrent conjointement les pangolins.
     Nous croyions qu’il était perdu, voire passé à l’ennemi…

     — Comment être sûr que cet ouvrage n’a pas été vu par les habits noirs ? demandais-je,
     moi qui n’avait jamais vu le livre auparavant. »

     Le livre qui décrivait cette contrée, était autrefois gardé par les deux pangolins. Je
     soupçonnais que les deux créatures en étaient les auteurs. Pourtant, ils ne cessaient de
     prétendre le contraire. J’entendais souvent les pangolins discuter en citant des phrases du
     Livre, non sans d’ailleurs se disputer sur les propos exacts. Chaque dispute se terminaient
     par un : « va vérifier dans le livre ! » auquel succédait un : « mais tu sais bien que… ». Les
     deux pangolins faisaient mine de pleurer dès lors.

     « Vous l’avez lu ? demandai-je aux deux autres.

     — Oui, mais pas en totalité, nous avons été dérangés. Et puis, qu’importe, nous sommes
     déjà dans l’autre monde, affirma Paul Féval.

     — Certes, mais nous aussi, sommes dans un autre monde. Restez discrets.

     — Nous le serons, nous sommes là pour vous aider.


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— Et comment allez-vous pouvoir nous aider ? demanda Sicka.

     — Pour ma part, je connais quelque peu ces habits noirs. Ils se trouvent que je les ai en
     quelque sorte créés, répondit Paul.

     — Comment cela participer à sa création ? demandais-je intrigué et soupçonneux.

     — Je les ai imaginés, disons. Un réseau parallèle extrêmement efficace. Un gouvernement
     occulte qui contrôle toutes les instances.

     — Mais dans quel but ?, renchérit Sicka.

     — Le problème c’est que les volontés sont souvent différentes dans ce genre d’entreprise.
     Les escrocs y trouvent souvent leurs comptes. Bien plus que les idéalistes. Ce n’est pas un
     réseau de pirates au grand cœur qui se met en place, mais une véritable mafia.

     — Pensez-vous que ce réseau soit si puissant et si bien organisé ?, poursuivais-je.

     — Je pense qu’il est surtout découpé en plusieurs strates. On ne contrôle jamais totalement
     tout. Les sphères de la manipulation sont souvent obscures. Je crois que le réseau possède
     quand même une élite à la fois politique et militaire.

     — Mais pourquoi veulent-il nous faire disparaître ? demanda Janisia.

     — Tout simplement parce qu’ils ne désirent prendre aucun risque. Il veulent tout contrôler.
     Et tout pouvoir souterrain est forcément un ennemi dangereux.

     Gaston Leroux était ébahi par l’aplomb de Paul Féval. Visiblement, il connaissait bien son
     sujet. Je demandai alors à Paul :

     « Connaissez-vous leur chef à ces hommes en noirs ?

     — Hélas, non. Mais j’ai déjà entendu dire que certains l’appelaient le poète… »

     J’étais de plus en plus inquiet.

     Sicka et les autres regardaient l’écrivain rennais avec intérêt. Mais tous se posaient la même
     question : « Qu’est-ce qui allait se passer dorénavant ? »

     Ce fut Gaston qui brisa le silence :

     « Et maintenant que faisons-nous ? »

     Sicka prit la parole. : « Souterrennes a été sauvée momentanément. Ils vont certainement
     revenir ici. Mais je crois surtout qu’ils vont attaquer bientôt Brocéliande…


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—Soit, dis-je, nous n’avons pas le choix. Il nous faut passer à l’offensive. Nous sommes
     parvenu à nous défendre, mais ils reviendront plus fort. Nous devons attaquer à notre tour.
     Nous allons à Brocéliande défendre l’enchanteur et ses fées.

     — Nous y allons avec vous, dirent Paul et Gaston en chœur.

     — Je vais constituer une équipe de sécurité à Souterrennes. C’est plus prudent. »

     Les deux pangolins dirent alors : « Souterrennes peut se défendre toute seule, ne craignez
     rien, tout est prévu.

     — Certes, je veux bien vous croire. Mais je préfère être prudent.

     — Soit le temps passe, les deux écrivains vous venez avec nous. Greenbow , tu es
     désormais chargé de la défense de Souterrennes. Nous partons à Brocéliande qui doit être
     en danger. Cinquante personnes m’accompagneront. Je suis le seul vampire qui pourra
     venir. »

     Sur ces faits, moi et mon équipe partirent armés d’arbalètes chevauchant les dragons
     cuirassés. Il n’y avait aucun doute. C’est toute la contrée de l’ouest qui était en guerre.

     Crêpovore proféra la seule phrase de circonstance : « Si vis pacem, para bellum »




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CHAPITRE 6. Vers Brocéliande.
     La fée Sicka et le dragon Crêpovore conduisirent toute notre équipe vers Brocéliande. Un
     nuage qui nous rendaient invisibles tel Enée et son équipage nous protégea durant le
     voyage. C’était un des pouvoirs de la fée. Je fus impressionné par ce tour. Le voyage fut
     rapide et sans danger. Nous atterrîmes en Brocéliande non loin du Val sans retour.

     Nous attendîmes quelques minutes puis s’ouvrit devant nos yeux une porte dans une sorte
     de quatrième dimension. L’enchanteur nous fit signe d’entrer. Les deux pangolins, moi,
     Sicka, les androgynes, les dragons et le reste de l’équipe pénétrèrent à leur tour dans le
     royaume de Merlin.

     L’enchanteur paraissait sans âge, il portait une tenue blanche aux reflets argentés . A ses
     côtés se tenait la fée Viviane, ravissante. Leur amour était la source d’immortalité. La
     légende veut que ce soit Viviane qui après avoir appris les tours de Merlin, en tomba
     amoureuse et l’enferma dans une prison de verre. C’était oublier que Merlin était avant tout
     un prisonnier volontaire…

     Merlin nous remercia d’être venus. Il servit à boire à tous les subcondatiens , une boisson
     énergisante dont il avait le secret. J’eus le droit à sa cure de « Rennessence » sans quoi, je
     ne pourrais pas vivre le jour.

     Merlin engagea alors la conversation :

     « Vous pourriez croire que je sois totalement à l’abri à Brocéliande. C’est faux, certes notre
     royaume est quasi introuvable mais les habits noirs possèdent un chef qui est capable de
     franchir toutes les portes. D’autre part, Viviane et moi ne sommes pas seuls à Brocéliande.
     Des fées, des korrigans, des êtres de toutes sortes y vivent. Ils sont également menacés.
     Mais ce que je crains le plus, c’est que la Brocéliande que les humains sont capables de
     voir, soient incendiée… Si Brocéliande venait à disparaître, nos univers ne pourraient
     survivre. La contrée de l’ouest est menacée. L’imagination, le rêve, l’utopie sont inquiétés.
     Et sans doute l’intelligence, et l’humanité elle-même.

     Il nous faut nous unir. Nos pouvoirs sont puissants, mais les leur également. Et leur chef est
     très puissant, et très dangereux. Il pourrait refaire surgir un monde que nous avons tous
     oublié. Il ne demeure plus rien de ce monde. Il pourrait cependant ressurgir des
     profondeurs. La contrée de l’ouest a pourtant gardé une pierre qui représente ce danger. Le
     kraken nous menace tous.

     Si on peut certes se défendre longtemps. Notre sécurité sera menacée tant que cet être sera
     si puissant. Et si je t’ai chargé, Rezal de prendre en charge la défense de la contré de
     l’ouest, c’est que tu es le seul à pouvoir défier ce personnage. Moi-même, je ne le peux pas.
     Je ne puis que t’aider. »


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Après ce long discours, je pris la parole :

     « Je te remercie de la confiance que tu places en moi. J’essaierai de ne pas te décevoir. Si je
     suis le seul à pouvoir battre le chef des habits noirs, la victoire ne peut être que collective.

     Gaston Leroux nullement impressionné, prit la peine de parler.

     — Si je puis me permettre, monsieur l’Enchanteur, mon collègue Paul Féval connaît
     particulièrement bien les habits noirs.

     Paul était surtout indigné que Gaston se permette d’interrompre Merlin !

     — Voyons, voyons, monsieur Féval, c’est bien vous n’est-ce pas ? Connaissez-vous bien
     cette organisation ? questionna alors Merlin.

     — Je le connais un peu comme un père connaît son fils. Mais nos enfants grandissent sans
     nous, et vont parfois dans des directions qui nous déplaisent.

     — Je souhaite que vous puissiez nous aider, monsieur Féval. N’hésitez pas à nous faire part
     de vos remarques et de vos conseils. Connaissez-vous leur chef, monsieur Féval ?

     — J’en ai entendu parler. Mais je le connais bien mal en fait.

     — Et parfois, il est une puissance plus forte que la volonté. Brocéliande doit néanmoins
     tenir. Conserver le secret à l’abri du temps sans quoi le chef des habits noirs nous entraînera
     dans un nouveau monde., affirma l’enchanteur.

     Gaston Leroux, incapable de se tenir plus longtemps s’adressa de nouveau à Merlin.

     — Ce secret, dont vous parlez, serait-ce le Graal ?…

     — Soit, vous êtes bien perspicace, monsieur Leroux. Puissent vos connaissances et vos
     intuitions nous aider dans cette entreprise.

     — Mais, ce Graal, ne pourrait-il pas nous aider pour nous défendre, demanda alors Paul.

     — Si, et il le fera. Seulement, le Graal est une puissance ouverte. C’est une demi-plaie, qui
     risque d’être réouverte par de mauvais desseins. Aujourd’hui, en vous accueillant, je prends
     des risques, car sont rares ceux qui pénètrent habituellement mon royaume.

     Gaston, décidément intenable réagit à ces dernières paroles:

     — Dois-je comprendre que vous ne gardez pas seulement le Graal, mais que vous l’êtes
     vous-même ?…




Rennessence. TR. 2000-2010. Sous licence CC                                                 Page 35
— Il suffit de gloser, coupa Merlin qui voulait éviter de s’éterniser sur le sujet. Vous en
     savez déjà trop. Organisons-nous plutôt pour parer à l’attaque de ce soir.

     — Vous êtes sûr, qu’ils attaqueront ce soir ?, demandais-je.

     — Je pense que leur échec en Souterrennes appelle une revanche immédiate. Seulement, ils
     nous attaqueront d’abord Brocéliande. Leur armée sera nombreuse, je suppose, et attaquera
     sur plusieurs fronts. C’est une armée d’innombrables individus qui montera à l’assaut.

     — Mais comment une telle organisation peut-elle opérer quasi incognito ? demanda Sicka,
     qui était restée jusque là calme.

     Crêpovore qui paraissait dormir, brisa le silence.

     « Homini non sunt »

     — C’est ce que je crains en effet, répondit Merlin. Je ne sait qu’elles sont ces créatures.
     Sans doute, des robots ou des humanoïdes, des sortes de cyborgs obéissants aux volontés de
     Lautréamont.

     — J’aurais jugé que le commando qui a pénétré dans Souterrennes était constitué
     d’Hommes, dis-je. Il faudrait que je puisse communiquer avec mon équipe de médecins. Ils
     doivent avoir examinés leur cadavres à l’heure qu’il est. »

     Je parvins à joindre le quartier général de Souterrennes par télépathie.

     « Avez-vous examiné les cadavres du commando ? »

     — Oui, nous venons de procéder à l’examen des corps.

     — Alors ?…

     — Ce sont des hommes bioniques . Ils sont issus de manipulations génétiques. Différents
     implants composent chaque corps. Nous n’avons pas encore eu le temps d’e comprendre de
     quoi il s’agissait. Mais, ce dont je suis sûr, c’est que l’attaque à été filmée. Je crains qu’ils
     aient sacrifié quelques hommes pour mieux connaître notre cité. Je ne serais guère étonné
     qu’il continue à nous espionner. Nous sommes plusieurs à ressentir cette impression.

     — Souterrennes est donc gravement menacée. La première attaque n’était qu’un test.

     — Je le crains. J’espère que l’on pourra se défendre.

     — Contactez-moi dès qu’il y a un problème.

     — Bien sûr Président.


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— Au revoir, et à bientôt, j’espère. »

     Je dissimulais mal mon inquiétude. Je ne semblais pas maîtriser la situation, bien que je
     fusse à la tête de l’armée des royaumes du rêve.

     Merlin prit la parole, pour briser le silence pesant :

     « L’espoir demeure. Usons de toutes nos forces pour surpasser la menace qui nous guette.
     L’autre soleil, l’autre rive veut ressurgir… »




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CHAPITRE 7. Les effets des fées.
     Merlin remit à chacun une gourde remplie d’une potion revigorante. Mais, je fus le seul à
     recevoir de la « Rennessence ».

     Sicka nous guidait en Brocéliande vers le château des fées. Mon cœur battait. Que de
     rencontres décidément. Dommage qu’elles se déroulent dans cette situation. Nous
     avancions dans le Brocéliande aux couleurs vertes enchanteresses . Nous remplissions nos
     poumons d’un air revigorant afin d’ oublier nos soucis. Et pourtant, le pire était à craindre.
     Je me sentais léger. Le paysage se fit encore plus beau. J’apercevais au loin de petits êtres
     chantants. Ils ne dépassaient guère 40 centimètres. Les petits êtres de la forêt, ce petit
     peuple que l’on croit disparu venait se joindre à nous. Outre leur petite stature, ce que l’on
     remarquait de suite, c’était leurs tenues quelque peu vieillottes mais néanmoins colorées. Ils
     effectuèrent une ronde autour de nous et se mirent à danser. Ils chantèrent alors ce
     sympathique refrain :

     Non, non, que demeure notre forêt

     Magie, magie, protège notre demeure

     Oui, oui, elle existe à tous jamais

     Dans tous nos corps, dans tous nos cœurs.

     Nous reprîmes tous ensemble le refrain. Des sylphides virevoltaient et participaient à cette
     ambiance qui semblaient se dérouler hors du temps. Brocéliande existait. Elle ne pouvait
     pas mourir. Sauf si on parvenait à pénétrer ses secrets. Et ça, hélas le chef des habits noirs
     le pouvait.

     Nous continuâmes à avancer sous l’escorte des sylphides et des korrigans jusqu’au château
     des fées.

     Le chef des korrigans, Locamor, m’adressa la parole :

     « Nous sommes prêts à défendre Brocéliande. Nous suivrons tes ordres, toi que Merlin a
     nommé Général de la contrée de l’Ouest. »

     —Je t’en remercie. Je ferai tout ce qui est possible pour sauver Brocéliande.

     — Brocéliande demeurera ! prononça alors, Gaston Leroux toujours aussi optimiste.

     Sicka prit ensuite la parole.

     — Ne perdons pas de temps. Il faut se réunir au château. »

Rennessence. TR. 2000-2010. Sous licence CC                                               Page 38
Nous poursuivions notre avancée. Et bientôt devant nous, se tenait un magnifique château
     se reflétant dans l’eau. Il était fait dans une pierre qu’on disait vivante. Le château d’ailleurs
     pouvait bouger d’après certaines rumeurs.

     Il me faisait face. Il semblait serein et prêt à subir un affront. Sicka s’arrêta soudain et puis
     une passerelle sortit du château et s’avança jusqu’à nous. Les pierres étaient bel et bien
     vives. Sicka s’avança sur les pierres et nous la suivîmes. Nous n’eurent pas besoin
     d’avancer. Les pierres se mouvaient d’elles-mêmes. Nous ne firent aucun pas. J’étais
     agréablement surpris. Gaston Leroux semblait s’en amuser beaucoup. Les korrigans s’en
     réjouissaient aussi même si ça n’était pourtant pas la première fois qu’ils pénétraient dans le
     château. Sicka et Paul Féval étaient les seuls à paraître inquiets. Pour ma part, j’essayais de
     paraître décontracté et serein . Surtout, je ne savais absolument pas à quoi m’attendre. Nous
     passâmes au dessus de l’eau qui entourait le château. Un dragon d’eau aux écailles
     argentées, surgit soudain de l'onde. Ce qui fit peur aux korrigans qui reculèrent et
     poussèrent des cris. Mais le dragon vint voir Crêpovore, le génial dragon écarlate de notre
     expédition et lui dit :

     « T’as encore grossi. Tu manges trop de crêpes de cette bonne fée.

     — C’est toujours mieux que de baigner dans du chouchen.

     — Jaloux, va, lui répondit le dragon argenté qui replongea.

     Gaston demanda alors à Sicka :

     — L’eau qui entoure le château, c’est du chouchen ?

     — Allez, donc, goûtez, vous verrez !

     Mais Gaston, n’eut pas le temps d’y essayer. Car nous étions désormais à l’intérieur du
     château. L’adjectif qui qualifierait le mieux cet endroit est éblouissant. Tout resplendissait
     dans le paradis des fées. Elles étaient là, les plus belles des fées. L’architecture paraissait
     vivante. Je songeai en moi que les bâtisseurs de Souterrennes étaient peut-être les mêmes.
     Cette architecture vivait respirait dans un esthétisme incomparable. Les murs éclairaient
     l’intérieur. Nulle lumière électrique telle qu’il y en a chez les humains n’étaient présentes.
     On y voyait comme en plein jour. La reine des fées s’avança alors vers moi. Elle était belle
     mais plus austère que Sicka. Elle était vêtue d’une longue robe bleue quasi diaphane qui
     laissait entrevoir la finesse de son corps. Ses longs cheveux flottaient comme s’ils
     pouvaient se muer d’eux même. Un fin cheveux vint d’ailleurs caresser mon visage. Ce fut
     le premier contact que j’eus avec la reine des fées . Elle prit alors la parole d’une voix suave
     et enchanteresse.

     « Je vous remercie d’être venus. Il nous faut être solidaires dans ces moments difficiles. Je
     suis Morgane, la reine des fées.

     Je pris la parole :

Rennessence. TR. 2000-2010. Sous licence CC                                                   Page 39
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  • 1. LES MYSTERES DE RENNES. Episode I. RENNESSENCE Tcerid Rezal Licence Creative Commons utilisée : La formule de licence "creative commons" retenue pour le livre en ligne Rennessence implique que les utilisateurs indiquent la paternité du texte initial, s’interdisent toute utilisation commerciale (à moins d’y être expressément autorisés par l’auteur) et proposent les travaux issus de leurs interventions sur ce texte avec les libertés attachées à cette forme ouverte de propriété intellectuelle. Les utilisations, enrichissements, déformations, déviations, diffusions qui respectent ces principes sont autorisés. Pour en savoir plus : http://fr.creativecommons.org/ Rennessence. TR. 2000-2010. Sous licence CC Page 1
  • 2. LES MYSTERES DE RENNES. RENNESSENCE Prologue : Une pierre. Une pierre dans une forêt. C’est ainsi qu’on la retrouva. Je sais qu’elle n’était qu’une des rares traces de ce culte voué aux démons des temps jadis, à cette force monstrueuse dont on n’a guère idée de nos jours. Une trace, voilà ce qu’elle était. Et si cette force ressurgissait des profondeurs comme du passé pour venir nous hanter, pour mieux nous happer ? Mon esprit demeure à jamais obscurci par ce que j’ai vu au Parlement. Et c’est avec bonheur que je sais présent à mes côtés les miens : vampires, gynandres, rennais et autres subcondatiens, mais aussi désormais fées, sylphides et korrigans. Si je les protège de ma force acquise au cours de ces aventures, je sais bien que les mystères de Rennes et de la contrée de l’Ouest sont la source de vie qui m’évite chaque jour de sombrer dans une inénarrable folie. C’est sans doute autant par eux que pour eux que j’écris. Mais c’est aussi pour mes compagnons du mystère, ces esprits errants et écrivants qui savent repousser les limites d’un rationnel bien de trop ennuyeux. « Rennessence » est donc une histoire à plusieurs mains à travers plusieurs esprits, à moins que ce ne soit plutôt l’inverse , c’est à dire une histoire écrite à une seule main par l’entremise de plusieurs esprits. Voilà, j’ouvre les portes des Mystères de Rennes en envoyant un baiser à ma douce fée sans qui vous ne serez pas en mesure de lire ce qui suit. Rennessence. TR. 2000-2010. Sous licence CC Page 2
  • 3. Chapitre 1. Perte de rennes En théorie, je suis un vampire. En pratique, beaucoup moins. D’accord, je suis vieux, très vieux. Cependant, je crois que j’ai évolué. Oui, le vampire évolue. Du moins, le vampire rennais. La contrée est riche en spécimen de mon genre. Seulement, je suis un des rares, le seul vampire, a pouvoir vivre désormais le jour. Pourquoi, je n’en sais rien. Enfin, si, il faut que je l’avoue, je crois savoir l’origine de ce phénomène. C’est depuis que j’ai rencontré par une nuit de pleine lune, la fée Sicka surgissant des cieux, survolant le parlement sur son sympathique dragon écarlate Crêpovore. Après que Crêpovore ait atterri, nous nous sommes rencontrés en contrebas du Thabor. Le dragon ouvrit la gueule comme pour bailler. Une appétissante odeur de pâte à crêpe en sortit. La fée me sourit, et me proposa de manger une de ces créations culinaires accompagnée d’un délicieux élixir. J’eus beau lui dire que je n’absorbais plus rien depuis que j’étais devenu vampire, elle insista néanmoins. Elle était magnifique, grande et fine, ses cheveux bruns clairs aux reflets dorés étaient brillants et longs. Je dois avouer que j’étais séduit. Et étonné par son assurance, et la manière dont elle se déplaçait sur le dos de son dragon. C’était un fabuleux animal de deux mètres, avec une imposante tête et d’énormes ailes rétractables. Elle m’apprit que son dragon, Crêpovore, ne se nourrissait que de crêpes et de galettes. De plus, il avait le privilège d’être un des rares dragons capable de pouvoir parler. Effectivement, il me dit d’une voix caverneuse : « Amicus sum » Seulement, il ne s’exprimait qu’en latin, et parfois en Breton quand il avait bu à l’insu de Sicka de l’alcool. Bref, j’étais subjugué par une telle rencontre. Si bien que je ne sais par quel irrésistible charme, elle parvint à ses fins. Je me délectai alors de sa crêpe magique et de son délicieux. Quelle sensation indescriptible ! Je n’avais rien absorbé si ce n’est du sang depuis des années. Je n’avais jamais rien goûté d’aussi exquis en un demi-millénaire ! Une crêpe parfumée accompagnée d’une délicieuse confiture de framboise avec une boule de glace vanille. Le tout était artisanal, magique mais artisanal, car ma fée était contrôlée régulièrement par des instances supérieures qui lui avaient conféré le label « produit magique biologiquement certifiée ». Je dois dire, que pour couronner le tout, elle m’avait fait boire un cidre d’une qualité à rendre fou. Elle m’affirma que c’était du « Loïc Déraison ». J’avais la chance de boire de l’élixir réalisé par le druide de la région, le sage et magicien le plus célèbre au monde. La plupart d’entre vous le connaisse sous le nom de Merlin l’enchanteur. Je ne l’avais d’ailleurs plus vu cela faisait quelques années. Il avait décidé de se reposer un peu, avant de passer à l’action de nouveau m’avait-il confié. J’avais pris cela pour un délire de vieux paranoïaque. Seulement, voilà qu’il réapparaissait indirectement par l’intermédiaire de son élixir. Je ne sais trop comment la fée s’en était procuré. Mais l’ élixir avait été fabriqué il y a peu de temps. Elle m’affirma que c’était la cuvée spéciale du nouveau millénaire. Je n’avais rien bu d’aussi excellent. Loïc Déraison, Merlin si vous voulez l’avait baptisé « Rennessence ». Et c’était bien trouvé ! La belle fée me laissa, prétextant que Crêpovore avait faim et qu’il était fatigué. Il faut dire que le dragon ne cessait de bailler. Il est vrai aussi que ce dernier s’était envoyé une bouteille de chouchen qu’il avait dissimulée dans sa poche ventrale sans que la fée ne s’en aperçoive. Elle grimpa alors sur le dos de la bête qui Rennessence. TR. 2000-2010. Sous licence CC Page 3
  • 4. parvenait tant bien que mal à maintenir les paupières ouvertes. Il déploya ses ailes et se prépara pour l’envol. La fée me sourit et me donna rendez vous à une mystérieuse prochaine fois. Crêpovore me dit alors avec une haleine avinée : « Ken avo » Et sur ces propos « dragonesques », ils décollèrent. Ils montèrent haut dans le ciel, puis se dirigèrent vers Brocéliande. Visiblement, le vieux magicien n’était pas pour rien dans cette entrevue. En tout cas, tout cela m’avait transformé totalement. La boisson de l’enchanteur portait bien son nom. Car c’était bien de cela dont il s’agissait, d’une véritable renaissance. J’étais un Vampire transformé ! Le Vampire nouveau est arrivé ! Je n’avais plus besoin de me terrer le jour ! Autre bonne nouvelle, je n’étais plus accro au sang. C’est vrai, que les années avançant, j’en avais de moins en moins besoin. Mais cette fois-ci, cela ne m’était plus vital. Etais-je vraiment encore un vampire ? Quel bonheur de pouvoir vivre sous le soleil. Je vois déjà les mauvaises langues dirent que vu l’ensoleillement par ici, les vampires ne risquaient pas grand chose dans la région. Mais, j’étais heureux, j’en avais assez de vivre dans l’obscurité, parmi les ténèbres comme disent certains vampires. Je redécouvrais la ville sous un autre jour au vrai sens du terme. Je croisais les gens, qui me regardaient évidemment comme si j’étais un déterré. Il est vrai, que mon accoutrement avait de quoi surprendre. Ma longue cape noire, mes cheveux longs et légèrement ondulés qui encadraient mon visage pâle et mes yeux clairs surprenaient. J’entendis à plusieurs reprises prononcé dans mon dos le mot « vampire », ce qui ne manquait pas de me faire rire. Rennes, c’était bien la nuit, mais désormais le jour aussi ! J’avais envie de changer de style. J’avais envie de me faire un style de « jour ». Après maintes déambulations transcondatiennes, je finis par trouver mon bonheur. J’étais plaisant à voir, un peu d’égocentrisme, cela ne fait pas de mal. Je ressemblais désormais un peu à Keanu Reeves dans Matrix, en mieux évidement. Bref, on aurait dit un jeune kid aux dents longues. Deux hermines ornaient le dos de ma cape de cuir en se faisant face. Ce n’était pas tout à fait des hermines, un zoologue affirmé aurait reconnu deux octodons. Elles se faisaient face dans un cercle blanc, une rouge et une noire. Cela symbolisait la Ville, le jour et la nuit. J’en étais par mon existence un trait d’union. Il est vrai que le symbole représenté n’était pas éloigné de celui du club de football qui à l’inverse de la plupart des centenaires voyaient l’avenir beaucoup mieux que le passé. Quoique le club était plutôt source d’espoirs déçus que de bons résultats. Quant à moi plus d’un demi-millénaire me sépare de ma naissance. Mais, aujourd’hui, c’est la renaissance… Seulement, cette renaissance n’était pas sans poser quelques problèmes. Au bout de quelques heures, je ressentis le besoin irrémédiable de me sustenter et de m’abreuver. Mais pas avec n’importe quoi, il me fallait absolument la « supercrêpe » de la Fée Sicka, et l’élixir de Loïc Déraison ! Hors, je n’avais rien de tel en ma possession ! Je me sentais faible … j’étais un vampire en manque de crêpes et de « rennessence » ! Rennessence. TR. 2000-2010. Sous licence CC Page 4
  • 5. Aucune des crêperies de la rue Saint Georges ne pourraient résoudre ce problème. Le sympathique patron du « Carmès » me proposa bien un cocktail maison, mais rien n’y fit. Les crêpes de « la crêperie Saint Georges » fut également inefficace. J’allais certes un peu mieux, mais au bout de quelques minutes, mes forces diminuaient de nouveau. Enfin, la bonne nouvelle c’était que mon régime sang pur sang hémoglobine était terminé. Et j’avais vraiment très envie de revoir la délicieuse Sicka. Mais elle ne venait pas…je continuai à marcher. J’arrivais alors au carrefour de la rue Le Bastard, et je vis Henri, Riton , l’habitué du lieu et monument humain de la ville, s’approcher de moi, et qui me dit : « un p’tit peu de pognon, et tu iras mieux ! » Je vis alors, qu’il tenait à la main, une bouteille de la cuvée « nouveau millénaire. Rennessence » de Loïc Déraison ! Contre un gros billet qu’il affectionnait tant, il me la remis. Il me souriait du reste de ses dents. Je ne sais qui le lui avait donnée. Sans doute Sicka. Elle devait savoir l’effet que cela produirait sur moi. Elle me téléguidait à cause de ma dépendance à la « rennessence ». C’était le monde à l’envers, moi qui parvenait à dominer spirituellement et télépathiquement grand nombre d’humain et de vampires. Et, bien c’était moi qui était sous la volonté d’une tierce personne. Etrange. J’avais en l’espace de quelques heures, depuis ma rencontre avec cette douce fée, perdu les rennes de la cité. J’en suis quand même le maître, le dirigeant occulte des forces de la ville. Et voilà, que grand nombre de mes pouvoirs s’étaient amenuisés, et qu’en prime j’étais accro aux crêpes, et notamment à la « supercrêpe » , ainsi qu’à la « rennessence » de Loïc Déraison. A vrai dire, je ne savais, si je devais être heureux de tous ces changements… J’étais assis sur les marches du Parlement en train de déguster ma nouvelle boisson favorite, « rennessence » . Je reprenais mes esprits, laissant glisser dans ma bouche et sur mon palais, le doux élixir. J’étais comme galvanisé. Mais, je le sentais, je n’étais plus un vrai vampire. Une nouvelle vie s’annonçait. Je n’étais plus maître de mon destin. L’enchanteur me dirigeait désormais au travers de ma dépendance à la potion magique. Mais ce changement me plaisait. J’en avais assez d’être le chef des forces occultes de l’Ouest. Il ne se passait plus rien d’intéressant. La ville avait besoin d’un second souffle. J’avais des idées, et il est vrai que je ne pouvais les mettre en place que si je pouvais être actif le jour. Merlin m’avait donné cette chance. Il y avait des risques sans doute. Je ne savais pas si ma quasi immortalité était toujours active, mais j’avais déjà assez vécu, sans compter que j’avais goûté à des produits gastronomiques d’une qualité telle que je pouvais mourir désormais. J’étais bien, j’avais retrouvé une jeunesse d’esprit, car mon corps ne vieillissait plus depuis ma transformation en vampire à l’âge de 25 ans. Physiquement, je n’avais jamais connu la vieillesse, spirituellement c’est plus difficile. Il avait fallu que je m’adapte avec le temps. Enfin, j’avais emmagasiné bon nombre de connaissances que nécessitent plusieurs vie. Rennessence. TR. 2000-2010. Sous licence CC Page 5
  • 6. Méfiez vous des gens cultivés et jeunes d’aspects, il se pourrait bien qu’ils s’agissent de vampires…Enfin, ne dramatisez pas la situation, il y a des exceptions. J’en étais à ce point dans mes réflexions quand une terrible faim se fit sentir. Il me fallait manger la délicieuse crêpe confectionnée par Sicka. Je ne savais où la retrouver. J’espérais seulement que la chance, ou plutôt qu’une force télépathique guiderait mes pas jusqu’à la crêpe magique. Je descendis alors la rue Edith Cadwell, en bas du parlement. Je marchais tranquillement afin de préserver mon énergie. Il était 16 heures. Il faisait vraiment chaud. Je n’avais plus l’habitude de marcher sous une telle chaleur. Je m’arrêtais pour regarder la librairie où étaient exposées les dernières sorties de bandes- dessinées quand soudain je vis Sicka sortir du magasin. Si hier soir, elle était vêtue d’une splendide robe écrue, son style était totalement différent cette après-midi. On aurait dit une héroïne de Manga. Mais, elle demeurait toujours aussi séduisante. Elle était vêtue d’un t-shirt bleu foncé assez moulant, avec une jupe noire qui descendait jusqu’aux genoux. Elle portait d’étranges chaussures profilées qui malgré le mystère qu’elles suscitaient, n’étaient pas dépourvues d’esthétisme. Elle me regardait, étant un peu surpris par non nouveau style. Elle semblait apprécier. Il faut dire que quelque part, j’avais gardé un aspect similaire tout en ayant ajouté une pointe de modernité. Elle me prit par la main, et me dit : « Suivez- moi » Evidemment, je ne pus décliner une telle offre. Surtout, pour la première fois depuis des siècles, je sentis mon cœur battre étrangement, et mon corps devenir chaud et brûlant. Le soleil n’en était pas l’unique cause, l’élixir et ma charmante fée n’y était sans doute pas pour rien. Elle m’entraîna vers le bar-brasserie, « le Picadilly » en face de la mairie. Nous allâmes dans un coin tranquille, à l’intérieur, à l’abri des éventuels indiscrets. Elle commença alors à me raconter ce qui se passait, et quel allait être ma mission. « Voilà, Merlin t’a chargé, toi, le prince des vampires de l’Ouest une mission importante. Les « habits noirs », plus connus aujourd’hui sous le nom d’Hommes en noirs », veulent éliminer de la ville toutes personnes ne correspondant pas à la norme humaine. Les vampires, les fées, les dragons, et toutes créatures extraordinaires sont menacées. Il nous faut donc réagir. Merlin a donc confectionné une potion, la « rennessence » qui te permet de vivre le jour, et de ne plus être soumis aux autres désagréments des vampires. » Elle interrompit alors son discours pour me donner deux crêpes qu’elle avait enveloppées dans de l’aluminium. Je me mis à les dévorer. Je sentis à nouveau mon palais frémir de bonheur, et l’énergie me revigorer. Le serveur vint, nous prîmes une limonade chacun. Désormais, je pouvais boire et manger n’importe quoi, mais seule la crêpe de Sicka, et l’élixir de Loïc Déraison pouvait me permettre de survivre. Une fois, le serveur parti, la fée poursuivit : Rennessence. TR. 2000-2010. Sous licence CC Page 6
  • 7. « Il nous faut réagir. Vu ton statut, tu peux rassembler les forces du monde du dessous que tu présides. Tu dois les prévenir dès ce soir, et mettre en place la réplique face aux habits noirs. C’est urgent, nous avons certes des pouvoirs, mais nous sommes pas nombreux. Il faut nous organiser, si nous voulons que le rêve, l’imaginaire et l’utopie demeurent. On dit, que les habits noirs ont dépêché leurs meilleurs tueurs. Ils ont déjà agi ailleurs. Mais, ils n’auront pas la contrée de l’Ouest. Il nous faut résister. Merlin a prévenu tous les magiciens, les fées et les sorcières. Mais, c’est à toi de mettre en place la défense du monde du dessous. Il te faut réagir, car avec le métro, et les parkings souterrains, il vous faut être prudents. Je sais que vous souhaitez tout comme nous, rester discrets. Seulement, cette fois-ci, il est question de notre survie. Alors, il va falloir prendre des risques. Les « habits noirs » arrivent bientôt. Ils ont déjà des émissaires ici. Mais, l’attaque ne commencera que demain. C’est mercredi aujourd’hui. Tu présides la réunion de « Souterrennes » depuis des années. On te respecte, à toi d’organiser la défense de la cité enterrée. J’irai avec toi , car il faut forger une alliance forte pour parvenir à repousser l’ennemi. » Ses paroles me donnèrent une énergie nouvelle. Etrangement, je dois avouer que je n’étais pas malheureux de cette menace, car elle faisait ressortir mon envie de vivre. Et la demoiselle qui était en face de moi y était sans doute pour quelque chose. Nous quittâmes alors « le Picadilly ». Il nous restait encore pas mal de temps avant la réunion de ce soir. Le temps pour moi d’acheter une pair de roller et d’essayer de devenir un as de cette discipline. Après un achat dans un magasin dont je ne citerai pas le nom, nous nous dirigeâmes vers la cité judiciaire pour tenter de s’exercer sur l’esplanade. Mes vieilles articulations eurent les pires difficultés à ne pas prendre la direction du cimetière. Je ne pus compter mes chutes, mais au bout d’une heure, j’étais capable de me mouvoir sans trop grand risque de chute. Mon professeur excellait dans ce domaine. Elle était impressionnante, et se mouvait avec une aisance incomparable non dénuée de raffinement. Elle sembla néanmoins satisfaite de mes prestations puisqu’elle me dit : « Bon, apparemment tu ne te débrouilles pas trop mal ! On va donc pouvoir passer aux choses sérieuses. ! — Nous allons pouvoir aller voir Daedalius. — Daedalius, ce vieux fou ? En quoi peut-il nous aider ? — Tu vas bientôt le savoir. » Daedalius faisait partie d’une longue lignée d’inventeurs tout aussi fous que géniaux. Il descendait d’après les rumeurs et vu son nom de Dédale, le créateur du labyrinthe. Seul le destin savait comment cette famille avait pu arriver à Rennes. Avant de partir retrouver Daedalius. Je pus boire avec plaisir un peu de « Rennessence » Rennessence. TR. 2000-2010. Sous licence CC Page 7
  • 8. Il habitait à quelques vols de dragons de là. Son logement se situait dans un hôtel particulier. Sur l’interphone, il n’y avait aucun nom de marqué, seulement un labyrinthe. Sicka appuya. Au bout de quelques instants, un jeune homme en sortit. Il nous ouvrit la grille d’entrée. Puis nous fit pénétrer dans une étrange demeure. Sicka fit la bise au jeune homme ce qui me rendit quelque peu jaloux , je dois l’avouer. C’était Didier, le fils de Daedalius, dont le deuxième prénom était Icarion. Il était apparemment très doué pour l’informatique. Son père arriva alors, et me salua chaleureusement. « L’heure est grave. Vous seul pouvez sauver Souterrennes. Vous connaissez les arcanes de la ville depuis si longtemps. Mon fils et moi sommes prêts à vous aider. » — Je crois, Daedalius, que vous connaissez aussi bien la ville que moi. La ville souterraine est un labyrinthe. Et je crois qu’en ce domaine, vous vous y connaissez. » Il me sourit d’un air entendu. Il était difficile de lui donner un âge, il devait avoir environ 55 ans. Son fils lui en paraissait autant que moi. Il ne cessait d’ailleurs de faire de l’œil à la fée qui semblait fort bien s’en accommoder. Daedalius nous conduisit dans une salle, où se trouvaient de nombreuses inventions auxquelles je n’aurais été capable de donner un nom et encore moins de savoir à quelle utilité elles étaient vouées. Des plans étaient accrochés aux murs. Dans un petit coin de la pièce, trônait un ordinateur qui devait être l’instrument de travail de Didier Icarion. Daedalius me dit alors : « Mon fils et moi avons mis au point plusieurs inventions qui peuvent nous conférer quelques avantages. En premier lieu ces chaussures-rollers, que mon fils appelle des « Grollers ». Il me les fit enfiler. Elles étaient superbes quoique un peu plus lourdes que des baskets. Elles étaient en cuir noir, armaturées d’une structure métallique de couleur moirée. « Quand vous êtes en danger, vous appuyer sur l’émetteur que voici, me dit-il en tendant un minuscule appareil de 3 cm de long. » J’appuyai alors sur le bouton rouge en son centre. Quatre roues sortirent des chaussures aussitôt. Géniale invention ! « Si vous êtes en très grand danger vous appuyez sur le bouton vert au dessus du rouge, un moteur se met alors en marche, vous allez encore plus vite. Enfin, j’espère que vous n’en aurez pas besoin, car c’est pas tout à fait au point…et pas facile à contrôler. » Sicka se fut confiée une paire similaire avec en prime quelques reflets violacés. Je pensais en moi même qu’Icarion devait être l’auteur de cette subtilité. Rennessence. TR. 2000-2010. Sous licence CC Page 8
  • 9. Daedalius rajouta alors. « Ce n’est pas tout, nous allons vous équiper d’une caméra qui nous permettra de suivre tous vos faits et gestes. Ce qui nous permettra d’intervenir en cas de danger. Nous avons plus d’un tour dans notre sac, vous allez voir ! » Apparemment, cette menace des habits noirs suscitaient l’enthousiasme de Daedalius et de son fils qui y voyaient sans doute une occasion de se rendre utile. Ils nous installèrent une caméra quasi invisible de la taille d’un bouton de manchette. J’avoue que je n’ étais pas totalement rassuré par ces inventions. Enfin, c’était un soutien qu’on ne pouvait négliger. Daedalius nous invita à nous restaurer quelque peu dans sa salle. Elle était superbe. Un statue olmèque m’impressionnait. Elle faisait face à un gigantesque d’un merveilleux jade. La table était ronde et faite d’un bois imputrescible m’assura-t-il. Pendant que j’observais les merveilles de cette salle, Icarion essayait de séduire Sicka. Il n’y arrivait évidemment pas. Cela faisait beaucoup rire la fée, qui je crois commençait à en être lasse, car elle vint à mes côtés, me prit le bras, et le fit remarquer l’étrange bracelet fait dans un métal qui serait d’après nos hôtes de …l’orichalque ! Rien que cela ! Le métal de l’Atlantide ! Enfin, tout était possible après tout. D’ailleurs, tout ce qui évoquait l’Atlantide pour moi était toujours source d’étranges réminiscences. Je n’étais pas qu’un simple vampire comme beaucoup de personnes le croyaient. Nous nous installâmes à table. Elle était dans un style néogothique, faite dans un bois solide et travaillée de belle manière. Nous attendions tous les trois. C’est alors que vint Andromeda. C’était une humanoïde. Elle était très belle. Elle était la plus belle création de Daedalius et d’Icarion. Agrippine Andromèda était la femme de Daedalius et donc la mère d’Icarion. Elle était malheureusement morte dans d’étranges circonstances il y a quelques années. Daedalius m’affirma qu’il était persuadé qu’il s’agissait d’un assassinat commis par « les habits noirs », après qu’il eut refuser de collaborer avec eux. Ils avaient choisis de donner le deuxième prénom à leur création pour ne pas oublier que ce n’était qu’une humanoïde et non la femme qu’ils avaient connue. Andromèda savait parler et surtout préparer à manger. Nul doute que la femme de Daedalius savait en faire plus. Mais, ils me confièrent qu’Agrippine étaient une cuisinière de grand talent, et qu’ils avaient ainsi grâce à leur création l’impression de manger un plat préparé leur respectivement épouse et mère. Je crois surtout que tous les deux avaient trouvé le meilleur moyen de ne pas faire la cuisine. Mais je dois dire que le repas qui nous fûmes servis fut exquis. Pour un vampire, je reprenais goût aux bonnes choses ! Je dévorai les délicieuses cailles au raisin accompagnées d’un gouleyant vin d’Alsace. Ce fut un régal. Pour un vampire, je reprenais goût aux bonnes choses. En dessert, je me délectais de délicieuses crêpes au rhum. Je félicitai chaudement l’humanoïde. Cependant, je vis que Sicka était jalouse. Dès lors, je lui glissai au creux de l’oreille : « Vous savez bien que je ne puis vivre sans vos crêpes ! » Rennessence. TR. 2000-2010. Sous licence CC Page 9
  • 10. Elle sourit. Visiblement, je lui avais remonté le moral. Il commençait à se faire tard. Nous approchions des 22 heures. La réunion n’allait pas tarder à commencer. J’étais guilleret, sans doute avais-je trop bu. Nous prîmes congés de nos hôtes, qui allaient pouvoir regarder la réunion grâce aux caméras incorporées dans nos vêtements. Rennessence. TR. 2000-2010. Sous licence CC Page 10
  • 11. CHAPITRE 2. Dans la bibliothèque. L’abeille qui se baladait dans les magasins de la bibliothèque municipale de Rennes, on ne sait pourquoi à ce moment là, eut l’étrange privilège d’entendre cette conversation d’outre- tombe. « Vous ici, aussi ! , s’exclama un petit homme joufflu et rondouillard arborant une magnifique moustache qui faisait de lui un personnage sympathique et malicieux. L’autre homme paraissait plus austère avec son crâne dégarni, ses yeux intelligents mais qui laissaient entrevoir une crainte, une inquiétude, peut-être même des remords. Vu leur accoutrement, ils sortaient tous les deux de la fin du dix-neuvième siècle. Et c’était d’ailleurs le cas. Le moustachu n’était autre que Gaston Leroux, célèbre feuilletoniste et créateur, entre autres, du personnage de Rouletabille. Le second est bien connu des rennais, car il s’agit de Paul Féval, auteur du Bossu, et qui naquit en cette ville. Les deux hommes se rapprochèrent. L’interpellé répondit : « Vous savez, je suis né ici. C’est plutôt à moi de m’étonner de vous voir en ces lieux. » Le moustachu rit et puis dit : « Ah ! Sacré Paulo ! Tu sais bien que théoriquement, nous n’avons rien à faire ici parce qu’on est au troisième millénaire ! — Moi, j’ai de bonnes raisons d’être ici. C’est une repentance. Je reviens pour éviter que « les habits noirs » ne régentent tout et ne finissent par faire disparaître l’imagination, l’utopie ainsi que les personnes hors normes. Mais, que faîtes-vous donc là mon cher Gaston ? — Mais Paul, je traque la dame en noir ! Je la cherche par delà les lieux et les temps. — Mais, pourquoi à Rennes à cette époque ? — Un pressentiment, une intuition qui me guide et qui me dit qu’il faut être là à ce moment là. — La « dame en noir », c’est peut-être cette ville, quoique la mode soit au gris en ce moment si j’en juge par l’étalage de plaque de granit qui recouvre les sols. — C’est incroyable, qu’on se retrouve là, après tant d’années, dans cette bibliothèque, dans ces magasins. Ce ne peut être un hasard. — Moi, j’avoue que c’est comme dans un rêve, un vieil homme aux cheveux blancs m’ a attiré là. On aurait dit Merlin, du moins la représentation que j’en fais. Rennessence. TR. 2000-2010. Sous licence CC Page 11
  • 12. — Moi, mon cher Paul, c’est une femme, une belle femme, aux cheveux noirs qui m’a poussé vers ces lieux. — Gaston, croyez-vous, que les autres puissent nous voir ? — Je ne sais pas, je ne crois pas, car on a laissé nos corps respectivement aux dix-neuvième et vingtième siècles. — C’est étrange et surtout inquiétant que ces voyages extraordinaires. Enfin, je n’ai guère le choix, il me faut agir. — Vous êtes sérieux, Paulo ? Imaginez qu’Eugène et Maurice nous rejoignent ! On va pouvoir écrire « Les mystères de Rennes ». — Bonne idée. Mais vous savez, je crois qu’on n’est pas au bout de nos surprises. La ville va se doter d’un nouvel équipement culturel. Je crains qu’au vu de l’architecture biscornu, surmontée par ce planétarium, ils ne l’appellent le Bossu. — Vous ne croyez pas si bien dire. Figurez vous qu’au quatrième étage de cette bâtisse, ils ont refait une pièce et qu’il l’appelle, « la chambre jaune » — C’est à croire, Gaston, que l’on revient à la mode. — On va encore bien se marrer ! lâcha Gaston goguenard. — Oui, enfin. Je dois avant tout me faire pardonner mes erreurs. Et mettre à mal les projet des « habits noirs ». — Vous n’auriez jamais du les créer. Voyez ce qu’ils sont devenus. La plus grande organisation semi-étatique au monde qui contrôle tout ce qui est paranormal, tout ce qui pourrait nuire au bon fonctionnement de notre vieille planète. — Ce n’était qu’une création littéraire. Puis, c’est devenu une réalité. J’ ai fait partie de cette réalité. Mais, je en savais pas que ma « création » impliquait ma mort, et celle de l’imagination. Cette organisation cherche à tuer ce qui l’a crée : le rêve et l’utopie. Désormais, je dois tout faire pour réparer mon erreur et éviter que les mystères de la ville ne disparaissent à tout jamais. — Je crains, mon cher Paul qu’on ne pèse pas bien lourd contre les « hommes en noir », car c’est bien ainsi qu’on les appelle désormais ? Ils sont suréquipés, ils détruisent et manipulent en toute discrétion. Ah, cette pègre a évolué vite. — Bon, Gaston, tu as sans doute raison, mais je veux tenter quelque chose. En premier, il serait intéressant de savoir ce qu’on fait dans cette bibliothèque, et notamment ce qu’on y cherche. » Rennessence. TR. 2000-2010. Sous licence CC Page 12
  • 13. Gaston Leroux se lissa la moustache et répondit : « Pardieu, je croyais justement que vous le saviez beaucoup mieux que moi ce que l’on cherche ! — Avec un peu de chance, une force supérieure va peut-être nous guider. Pensez qu’il existe un guide des égarés en bibliothèque ? — Hélas, toujours pas. — Réfléchissons. Si on est dans une bibliothèque, c’est qu’on cherche un livre. — Bravo, Paulo. Mais quel livre ? Il y en a des milliers ici. — Justement, un livre qui ne se trouve qu’ici ! — Ah, je vois ! J’imagine déjà le titre : « L’art culinaire et occulte de la pâte à crêpe » ! s’exclama Gaston en riant. — Cessons donc de plaisanter. Vous êtes bien d’une autre génération. — Gaston Leroux contemplait les ouvrages sur les rayonnages. Nul ne sait pourquoi, il s’arrêta sur un en particulier. — Tiens, un Arsène Lupin. Dommage que Maurice ne soit pas là. Gaston Leroux ouvrit le livre, et une feuille intercalée entre la couverture et la première page apparut. — Tiens, qu’est-ce que c’est que cela ? » Un message qui ressemblait fort à une énigme était inscrit sur la feuille. « Si l’ouvrage était une aiguille, il lui piquerait les fesses. Creuse ta tête, et non l’aiguille et tu trouveras. — M. Celui qui n’est pas le noir. » — Paulo ! Incroyable, c’est une message de Maurice Leblanc. Le coquin nous donne du fil à retordre avec cette énigme non dénuée d’humour, je dois dire. Sauf que je n’y comprends rien. — Moi, non plus, soupira Paul Féval. — Je crois qu’il nous faut sortir des magasins avisa Leroux. Soyons discrets, surtout qu’on ne sait pas vraiment si on peut nous voir. Rennessence. TR. 2000-2010. Sous licence CC Page 13
  • 14. — Je ne pense pas qu’on soit visible, si ce n’est à certaines personnes qui ont un don. — J’espère, Paul, que les alcooliques n’ont pas ce don, sinon, il y aura beaucoup de personnes ici qui pourront nous voir. — Enfin, Gaston, il n’y a pas que des alcooliques en Bretagne ! » Les deux compères quittèrent les magasins pour remonter vers les salles au rez-de- chaussée. « Sacré Maurice. Encore une devinette dont il a le secret. — Je m’en serai bien passé, dit le rennais. La situation est sans doute grave. — Mais, mon cher Paul. Ne raisonnez pas comme les hommes en noir. Usons de notre imagination et de notre réflexion. Je suis persuadé que nous allons trouver. — Les deux hommes déambulèrent dans les différentes salles. Ils ne trouvèrent rien qui ne leur mette la puce à l’oreille. Paul Féval, dit alors après quelques instants de réflexion. — Je pense, Gaston, que l’ouvrage recherché ne peut être trop proche des lecteurs. Il doit être quand même dissimulé. C’est probablement une personne de la bibliothèque qui garde précieusement ce livre. — Bon raisonnement, Paulo ! Allons donc voir plus haut. Ne désespérons pas car « La vérité n’est invisible qu’à ceux qui la croient cachée ». — Belle citation. Elle est de vous ? — Euh, et bien, non je ne crois pas. C’est d’un auteur du vingt-et-unième siècle, Tcerid Rezal, je crois. — Vous lisez les auteurs du troisième millénaire ! — Evidemment, ne me dîtes pas que vous n’avez pas lu mes livres, bien que ce soit impossible théoriquement, puisque j’ai publié après votre mort. — C’est vrai, je le confesse, je lis de tout à toutes époques. Mais c’est « pluriunivers » sont inquiétants, et passionnants. Tant de vies différentes, tant de possibilités. — Bon, cessons de philosopher. Il faut trouver la vérité. Et pour cela, on va jeter un œil aux étages. » Rennessence. TR. 2000-2010. Sous licence CC Page 14
  • 15. Les deux évadés du temps se rendirent en plein tumulte, parmi les bibliothécaires et autres travailleurs du livre. Ils entendirent des cris de désespoir, des jurons. « Ah, non. Le système informatique a encore planté ! » Le système venait encore de connaître une nouvelle panne. Un signe, un prodrome d’une mort imminente. « Si ça déconne comme ça, on ne sera jamais prêt ! » Paul Féval précisa à Gaston Leroux, qu’ils s’inquiétaient pour la mise en place du nouvel équipement culturel. Une personne visiblement exténuée par ces incessants coups du sort, se laissa retomber sur sa chaise où elle avait déposé quelques livres. Elle fut surprise, car elle avait apparemment oublié qu’elle les y avait mis. Cependant cet événement n’échappa pas à Gaston Leroux qui jubila aussitôt : « Ca y est, j’ai compris ! L’énigme est clair. Quelqu’un est assis sur l’ouvrage que nous recherchons. Car si c’était une aiguille, elle lui piquerait les fesses ! Ah, sacré Maurice ! — Félicitations. Reste à savoir désormais qui est assis sur cet ouvrage dont nous ignorons tout. Il faut continuer à chercher. » Après plusieurs inspections, les deux romanciers finirent par se rendre dans le bureau de la conservatrice de la bibliothèque. Elle était occupée à répondre au téléphone. Mais nos deux compères avaient le sourire, car la conservatrice était certes assise dans un fauteuil, mais sur ce fauteuil…il y avait une pile de documents ! La conservatrice raccrocha brusquement le téléphone. Le problème pour nos deux romanciers était qu’ils étaient contraints d’attendre qu’elle quitte sa chaise. Ils attendirent patiemment. Après quelques minutes, elle se leva et quitta enfin la pièce. Paul et Gaston se précipitèrent alors sur le fauteuil. Ils y trouvèrent de la paperasse qui ne les intéressait guère, mais tout en dessous il s trouvèrent ce qu’ils cherchaient. C’était le livre. Il était fin, relié d’un cuir rouge d’un côté, noir de l’autre. C’était original. Sur la couverture était inscrit en lettres dorées : « SOUTERRENNES » « On a trouvé Paulo ! — Oui, je crois. Mais je n’ai jamais entendu parler de ce livre. Bon, on s’en empare pour le lire tranquillement. Rennessence. TR. 2000-2010. Sous licence CC Page 15
  • 16. — Certainement pas, on le lit et on le remet à sa place. — Parce que vous croyez que c’est une place de choix l’endroit où il se trouve habituellement ? Paul balbutia, et évita le sujet : — Regardons vite ce qui est inscrit dans ce livre. » Il n’y avait pas d’auteur. Par contre il y avait un avertissement : « Si vous tenez ce livre entre vos mains, sachez que vous bénéficiez d’une exceptionnelle chance car il n’existe qu’un seul et unique exemplaire de cet ouvrage. Je vous demande donc de le remettre à la place à laquelle vous l’avez trouvée après lecture. Ce que vous allez lire contient des informations qu’il ne vous faudra révéler à personne. Je ne puis vous empêcher d’en faire mauvais usage, mais je dois vous prévenir que cela se retournera contre vous. » L’ouvrage était court, il se composait de trois chapitres : Histoire de Souterrennes. Géographie de Souterrennes. Habitants. Ils feuilletèrent l’ouvrage. Des illustrations présentant des créatures étranges accompagnaient les descriptions. On y voyait des vampires, des gynandres, des êtres inconnus. C’était passionnant. Gaston et Paul cherchaient surtout à savoir comment s’y rendre dans cette ville souterraine. Ils lurent alors le passage qui les intéressaient. « La cité subcondatienne se trouve sous vos pieds. Il existt plusieurs entrées, mais par sécurité elle évoluent. Toutefois, l’entrée principale se situe sous le Thabor, à l’endroit que le prince de Souterrennes aura décidé. Alors, sachez ouvrir les portes. » « Avec ça, on est bien avancé ! s’exclama, Gaston. — Qui sait si la conservatrice n’en sait pas plus, il faudrait l’interroger, dit Féval. Rennessence. TR. 2000-2010. Sous licence CC Page 16
  • 17. — Mais elle ne peut pas nous voir ! — C’est décidément compliqué les discussions extratemporelles. — Vivement le progrès ! — Il faudrait pouvoir en lire plus sur cette cité souterraine. — Oui, ça a l’air passionnant. Cette cité existerait encore, vous croyez Paul ? — Oui, j’en ai entendu parler à mon époque. De vampires notamment. — Apparemment, ce sont les vampires qui contrôlent la cité du dessous, et peut-être qu’ils sont maîtres de la cité du dessus aussi. » Ils voulurent se replonger dans la lecture quand des bruits se firent entendre. Une porte s’ouvrit, deux personnes entièrement de noir vêtues avec d’étranges lunettes leur faisaient face. L’une d’elle dit à l’autre : « Ils sont là. Tuons les. » Paul et Gaston comprirent qu’ils étaient menacés, et leur esprit s’enfuit immédiatement de ces lieux pour se retrouver dans le lieu de leur rencontre initiale. « Ils nous voient, eux , dit Gaston . — Sans doute, grâce à leurs lunettes. — Enfin, j’ai réussi à piquer le bouquin. — Sacré Gaston. — J’ai horreur qu’on me dérange dans mes lectures, dit Leroux quelque peu énervé. — Constatez notre adéquation spirituelle, nous sommes tous les deux retournés au même endroit, encore dans les réserves de la bibliothèque. C’est incroyable. — Bon, je reprends ma lecture. De nouveaux bruits se firent entendre. Des pas se rapprochaient. — Gaston, je crains qu’il ne faille remettre la lecture à plus tard. Ils nous cherchent. Je ne sais comment ils peuvent nous tuer. — A mon avis, ils distinguent le cordon qui nous relie à notre corps, ils peuvent le couper et nos envoyer ad patres. Rennessence. TR. 2000-2010. Sous licence CC Page 17
  • 18. — J’ai peur que désormais, ils ne nous lâchent plus. Il nous faut nous réfugier quelque part. — Et, puis il est hors de question de retourner pour moi au dix-neuvième siècle. Je n’ai rien à perdre. L’affrontement doit avoir lieu. — Je pense, Paul, qu’il nous faut trouver Souterrennes, et s’allier avec la ville du dessous. — Vous avez sans doute raison, Gaston, allons-y avec le livre. » Aussitôt dit, aussitôt fait. Il ne restait plus qu’à trouver la porte d’entrée… ce qui ne s’annonçait pas facile. Rennessence. TR. 2000-2010. Sous licence CC Page 18
  • 19. CHAPITRE 3. Souterrennes La nuit étendait son voile obscurcissant sur la cité bretonne. Nous nous dirigions alors, Sicka et moi vers l’entrée secrète de la ville subcondatienne. Il allait me falloir rassembler toute mon énergie pour le conseil hebdomadaire que je présidais. Tandis que la fée me donnait à boire une bouteille de « rennessence », je vis le dragon Crêpovore descendre du ciel pour se joindre à nous. Sicka lui donna un baiser sur la tête ce qui lui fit plaisir, car il émit un grognement qui laissa voir son bonheur. J’avoue qu’il m’était sympathique, et que j’étais content de le retrouver. Il était tard, il nous fallait passer par dessus le grilles du parc du Thabor pour accéder à l’entrée. Le dragon nous fit monter sur son dos, pour que l’on puisse passer de l’autre côté. Quant à lui, il fit un bond étonnant pour sa corpulence au dessus des grilles. Et nous voilà, tous trois dans le parc du Thabor en pleine obscurité. Ce n’était pas dépourvu de charme. Après avoir quelque peu marché, nous arrivâmes dans la grotte artificielle. Je me concentrai quelque peu, et la porte de Souterrennes s’ouvrit. C’était l’entrée principale de la cité. Il m’arrivait d’y accéder autrement, mais le jour du conseil, je passais toujours par là, car tous mes concitoyens m’attendaient généralement, soit pour me voir tout simplement, soit pour me parler de leurs problèmes personnels. Cela pouvait durer parfois une heure comme ça. J’aimais ce moment là, car il était toujours chaleureux. De vivants flambeaux encadraient la porte d’entrée de la cité. Les porteurs de flamme étaient deux androgynes, symbolisant la dualité de la cité. Ils étaient vêtus de drapés rouge et noir. Ils me sourirent, et je les saluais chaleureusement. Tous les visages de l’assistance me regardaient, avec étonnement voire inquiétude car cela était la première fois depuis longtemps que j’arrivais avec d’autres personnes le jour du conseil. Certains comprirent que la situation était grave et que les invités n’étaient pas annonciateurs de festivités. Les deux pangolins si joyeux d’habitude, marquèrent un temps d’hésitation à la vue de la fée et du dragon écarlate. « Je vous présente, la fée Sicka et le dragon Crêpovore. Je ne vous cache que la situation est grave, et qu’ils ne sont pas ici pour rien. Ce soir, je vous demande à tous d’assister à la réunion dans la grande salle. J’ai des choses importantes à annoncer. » Le silence se fit entendre. J’aime bien ce genre de phrase paradoxale comme la précédente. Les deux pangolins s’avancèrent à nouveau. Ils étaient les plus vieux habitants de la cité. L’un était rouge, l’autre était noir. Le premier s’appelait Rod, l’autre Blok. Ils vinrent saluer mes hôtes. Crêpovore fut apparemment satisfait et répondit d’un ton philosophique : « Amicus sum. » Les pangolins nous escortèrent sur notre passage. Je fis visiter les lieux à Sicka, et en profitais pour lui présenter les principaux personnages de la cité. Souterrennes, était à Rennessence. TR. 2000-2010. Sous licence CC Page 19
  • 20. l’image de ses habitants multiple, diverse, historique, géniale, gothique, et surtout splendide. Les murs de pierre étaient ornés de Gargouilles si bien sculptées qu’elles auraient mérité d’être vivantes. D’aucuns affirmaient par ailleurs qu’elles l’avaient été jadis, mais que ces créatures avaient été pétrifiées par un puissant magicien. Je n’en savais rien, les pangolins connaissaient la vérité, mais ils restaient discrets sur le passé. Moi, je n’étais là que depuis cinq-cents ans. La cité s’étendait ainsi sur des kilomètres avec ses innombrables salles, ses murs granitiques et ses gargouilles, chimères et autres monstres sculptés qui semblent toujours vous fixer quel que soit l’endroit où vous vous situez. Sicka était impressionnée, elle avait entendu parler de Souterrennes, mais jamais elle ne l’avait vue. Je lui présentais d’autres vampires qui eux n’avaient pas le privilège de pouvoir vivre le jour. Beaucoup remarquèrent que j’avais changé. Mon ami, Papus, vampire depuis 150 ans me glissa à l’oreille : « J’ai l’impression que cette fée t’a transformé. Je lui répondis : — Si tu savais. » La cité comptait près de cinq-cents vampires, autant d’androgynes, deux pangolins, des créatures hybrides, quelques dragons. Le tout se montait à une population d’environ deux- mille habitants. Il y vivait de véritables humains qui nous aidaient. Il arrivait que d’autres humains du dessus ait des contacts avec nous. C’était obligatoire pour assurer notre survie. Toutefois, le secret ne devait être partagé que par de rares personnes. Il n’y avait pas plus de cent rennais qui connaissaient Souterrennes. Certains avaient souhaité nous rejoindre, d’autres étaient devenus vampires, ou avaient souhaité se transformer. Et la cité perduraient ainsi depuis des siècles. Enfin, arriva Annabella, la « reine des vampires » de Souterrennes. Elle possédait un charme inaltérable, et des capacités d’envoûtement incroyables. Toutefois, elle n’avait aucune emprise sur moi. Tout simplement, parce que c’était moi qui était à l’origine de sa transformation. C’était de loin mon meilleur recrutement. Elle avait une intelligence bien supérieure à la moyenne, et je savais que j’allais pouvoir compter sur elle. Elle regarda Sicka avec méfiance, en faisant claquer sa cape mauve. Ses longs cheveux bruns continuaient de briller de mille feux bien qu’elle soit âgée de plus de deux cents années. Elle me regarda alors et me dit de sa voix superbe : « Alors, mon prince, tu as des problèmes. Je sens que tu vas avoir besoin de moi. — Exactement. L’heure est grave. » Je sentais que l’ambiance si joyeuse d’habitude avait tendance à se tendre. Je continuai de me diriger vers la salle du conseil où j’allais prendre place dans le grand fauteuil du « président » car j’avais été élu par mes concitoyens. Je dirigeai Souterrennes depuis trop longtemps, j’eus envie à plusieurs reprises de laisser la place, mais j’étais à chaque fois plébiscité. Le conseil se déroulait habituellement ainsi : autour de la grande table ovale, se tenaient les élus. La salle ressemblait à un authentique opéra qui pouvait contenir comme spectateurs tous les habitants de Souterrennes. La population subcondatienne se trouvait donc limitée en fait au nombre de places de cette salle. Chacun avait le droit d’être un Rennessence. TR. 2000-2010. Sous licence CC Page 20
  • 21. citoyen actif ce qui était généralement le cas car chaque débat était un spectacle, et chaque discussion possédait de l’importance pour chacun de mes concitoyens. Notre vie politique m’apparaissait bien plus efficace que celle d’en haut. Il est vrai que nous étions peu nombreux en comparaison. Malgré tout, notre nombre nous obligeait à élire une équipe dirigeante. Nous étions 22 chargés de domaines différents, un véritable gouvernement. J’étais en quelque sorte le capitaine d’équipe. Dans la salle, se tenaient à une distance de quelques mètres les habitants de la cité désireux de suivre les débats. Ce soir, la scène était pleine. Les visages étaient blêmes pourtant je n’avais encore rien annoncé. Il était 22 heures, le conseil n’attendait plus que moi, le vingt-deuxième membre de l’assemblée. Mon siège légèrement plus relevé que les autres état placé au centre, un A ornait le fauteuil car tous les 22 fauteuils portaient une lettre. Le A revenait au président de l’assemblée, celui par qui commençait les débats. J’avais installé Sicka et son dragon, dans le coin des invités, également sur l’estrade. La composition du conseil était la suivante : A. Le président, en l’occurrence moi. B. Janisia. Androgyne. Premier ministre en quelque sorte. C. Annabella. Vampire. Chargée de la défense et de la sécurité de la cité. D. Horace Greenbow. Humain. Sécurité extérieure, informations et contacts avec l’extérieur. Et ainsi de suite jusqu’à 22. 22 personnes représentant la cité et ses différentes composantes. Les deux pangolins et les dragons de la cité étaient membres de droit du conseil bien que ne faisant pas partie des 22. Ils étaient anciens et leur ancienneté leur conférait des mesures d’exception. Le conseil était élu démocratiquement cependant. En face de moi se tenait 21 visages crispés, et des milliers d’autres me regardaient dans la salle. Je me décidai enfin à parler : « Chers concitoyens et amis, la rumeur a déjà circulé, l’heure est grave. Je suis contraint de proclamer l’état d’urgence, et par la même l’occasion l’état de guerre. Car c’est bien de cela dont il s’agit. Dès demain, nous allons être attaqués par les hommes en noirs, qui souhaitent détruire tout ce qui ne correspond pas à la normale. Souterrennes, est donc une cible idéale pour eux. Il nous faut donc nous préparer au combat. Sont présents, ici ce soir, la fée Sicka et le dragon Crêpovore. Ce sont eux qui m’ont prévenu du danger. Sachez donc, que les fées, les enchanteurs, les sorciers et les dragons sont nos alliés. Rennessence. TR. 2000-2010. Sous licence CC Page 21
  • 22. Merlin l’enchanteur nous soutient également, et il m’ a chargé de mener la défense de la contrée de l’Ouest. Nos moyens sont grands, mais nous sommes peu. Les moyens de nos adversaires tout aussi grands et ils sont plus nombreux. Seul l’histoire et le talent nous donneront l’avantage. » Je fis une pause pour que chacun reprenne ses esprits. La consternation et l’effroi se lisaient sur leurs visages. Puis, je repris : « Je laisse la parole à Sicka qui vous donnera des informations complémentaires » La fée, un peu tendue prit la parole : « Chers habitants de Souterrennes, la contrée de l’Ouest est en danger. Seule l’union, peut nous permettre de survivre. Les hommes en noir arrivent bientôt, ils ont de redoutables combattants. Leur chef est inconnu, on dit qu’il aurait des pouvoirs supranormaux. Sachez, vampires de cette cité, qu’ils ont dépêché une tueuse redoutable. Souterrennes doit survivre. C’est à vous d’en décider. » La fée se rassit. Le silence était total. Voilà qu’après la construction du métro, la cité était cette fois-ci sous la menace d’une destruction immédiate. Annabella, la troisième lettre du conseil prit alors la parole : « Pour ma part, je suis prête à mourir pour la cité. Il nous faut nous organiser. Il est à craindre qu’ils attaquent de jour. Cependant, nos progrès nous permettent de vivre le jour dans une forte obscurité. Les androgynes, et les autres membres de la cité seront quand même chargés de défendre la cité le jour. Les vampires la défendront la nuit. Mais, il est évident qu’il sera difficile de dormir. Surtout, ne fuyons pas, car ils nous tueront facilement si l’ on se disperse. » Sicka lui répondit : « Je crains qu’il nous faille également attaquer. La meilleure défense c’est l’attaque. — Mais, il serait imprudent de quitter Souterrennes, non ?, rétorqua Danil, l’androgyne aux cheveux bruns et aux yeux mauves. — Certes, mais quelques uns, dont moi, iront au devant du danger, affirmai-je alors. Rennessence. TR. 2000-2010. Sous licence CC Page 22
  • 23. — Mais les vampires ne peuvent sortir le jour, protesta Anatalis, le numéro 6 du conseil, la lettre F, chargé des finances. — Tous les vampires resteront ici le jour. D’autres attaqueront la nuit. Mais, moi, j’attaquerai jour et nuit., précisai-je. — Mais c’est impossible, dirent plusieurs voix. — Impossible, pas pour moi grâce à Merlin. Je suis capable de vivre le jour désormais. » — Mais qui sont ces hommes en noirs ?, demanda Senestrix, le plus vieux vampire après moi et qui avait atteint l’état de vampire alors qu’il était déjà très vieux. Sicka répondit : « C’est une organisation, autrefois appelée « les habits noirs », qui s’est organisée, étatisée dirais-je pour devenir une mafia contre les personnes hors normes comme nous. » Les deux pangolins, membres immuables du conseil, n’avaient pas dit mot, et pourtant ils étaient visiblement inquiets. Rod prit alors la parole : « Qui connaît leur chef ? Il aurait des pouvoirs, il voudrait être le seul a en avoir, tout cela est étrange, non ? Prince, le connais-tu ? — Non, je ne connais pas son nom. Je ne sais rien de lui. — Moi, je connais son nom, s’exprima contre toute attente le dragon Crêpovore de sa voix de stentor. — Tu parles français, maintenant ?, lui demandais-je. — Seulement, quand l’heure est grave, répondit-il. — Alors, comment s’appelle-t-il ? — Je ne te le dirai pas, pas maintenant. Tu le connais, cela pourrait te perturber. » La salle s’agita, supplia le dragon. Mais, la créature écarlate, n’en dit pas plus. Mais, pour moi, il en avait déjà trop dit. Car, il n’y avait qu’un nom que je craignais, un seul, celui de Lautréamont, mon double, mon autre versent que j’avais si peu connu. « Bon, passons. Qu’importe son nom, il nous faut nous organiser. Notre survie est en jeu, mais je vous demanderai d’être discret dans la mesure du possible. Annabella, je te charge de la défense de la cité, notamment pour la nuit. Janisia, tu es chargée de sa défense le jour. Quant à moi, je rassemble mon équipe pour l’attaque extérieure. » Rennessence. TR. 2000-2010. Sous licence CC Page 23
  • 24. Il n’y eut pas de protestations, tout le monde était conscient du danger. Souterrennes allait devoir se battre pour assurer sa survie. Rennessence. TR. 2000-2010. Sous licence CC Page 24
  • 25. CHAPITRE 4. L’attaque. Le parc du Thabor n’avait pas encore ouvert ses portes que déjà s’affairaient d’étranges personnages en son sein. Que cherchaient-ils ? Une porte, tout simplement. Ils étaient vêtus de noir. Leur chef, était vêtu d’une cape de cuir noir, et possédait un charisme impressionnant. Son équipe lui obéissait sans broncher. En plus du chef, elle était composée d’une dizaine de personnes, trois femmes, sept hommes. Parmi eux, se trouvait donc la fameuse chasseuse de vampires… Ils étaient proches d’une statue ressemblant au lycaon. Le chef sembla se concentrer, puis se tourna brusquement vers le kiosque où se déroulait parfois des concerts. Il avança puis souleva une trappe qui n’était pas là auparavant, puis entreprit de descendre les escaliers qui menait au sein d’une autre contrée. Il fit signe à ses sbires de le suivre. Ce qui fut aussitôt fait. Et bientôt, ils disparurent sous terre sans laisser la moindre trace. Paul et Gaston hésitèrent quelques minutes avant se lancer à leur poursuite. « Je crois qu’ils ne remonteront pas de suite. Il faut y aller à notre tour, ils ont trouvé l’entrée de Souterrennes !, s’exclama Gaston. Allons- y Paulo ! — Restons prudents tout de même. » Les deux hommes quittèrent leur cachette pour s’avancer vers le kiosque. Mais, ils ne distinguaient aucune entrée. Aucune porte ou trappe, même dissimulée, n’était visible. « Par où sont-ils donc passés ?, rugit Gaston. — Il doit bien y avoir une solution, lui répondit Paul Féval qui avait l’air soucieux. — Réfléchissons, ils sont parvenus à pénétrer dans la cité, on les a vus. — Oui, mais c’est leur chef qui a trouvé l’issue. — Effectivement, il devait déjà la connaître. — Je ne comprends vraiment rien. Quel talent pourrait-il posséder pour trouver la solution avec une telle aisance ? — Je crois comprendre mon cher Paul, c’est élémentaire ! Il possède tout simplement un talent que nous utilisons aussi dans notre métier : l’imagination ! — Vous voulez dire que cette porte n’existe pas vraiment, mais seulement dans nos esprits, il nous faut donc la créer. Rennessence. TR. 2000-2010. Sous licence CC Page 25
  • 26. — Exactement. Allons donc créer cette porte. ! » Les deux hommes se concentrèrent. Ils joignirent leurs mains, fermèrent les yeux, et alors apparut près du kiosque, une trappe avec un anneau de bronze, que Gaston souleva. Les deux écrivains s’engouffrèrent vers un lieu inconnu et disparurent de la surface comme aspirés par la terre. La cité souterraine s’offrit alors à leurs yeux. Elle était éclairée par des porteurs de lumière, des créatures androgynes vêtues de toiles rouges et noires portaient en effet des torches à l’entrée. Il en ressortait comme une atmosphère où les flammes aux pourpres reflets émergeaient d’une obscurité quasi glaciale pour mieux éclairer ces instants d’éternité. Les deux écrivains marchaient discrètement et s’avançaient dans la cité. Ils pouvaient alors distinguer une impressionnante statue représentant un serpent se déployant et qui fixait les deux romanciers. Ce serpent était ailé et ses yeux de jade clair conférait à son regard une inquiétude qui vous avertissait que ce lieu était terrible. Des gardiennes se tenaient dans des renfoncements au sein de la pierre. Elles ne paraissaient pas voir nos deux écrivains, mais il était évident qu’elles ressentaient une présence. Une d’elles poussa un hurlement et aussitôt elles disparurent comme ensevelies dans la pierre dont la rigidité apparente savait s’effacer pour faire place à une souplesse que seuls les initiés pouvaient user. La cité devint alors extrêmement sombre. « Je me demande où sont passés les habits noirs ?, demanda Paul. — Ils doivent être dans l’obscurité tout comme nous. Les gardiennes sont apparemment là pour avertir du danger. C’est un système de défense étonnant, chuchota Gaston. — J’espère qu’on est toujours invisible, lui répondit Paul. » —Ils s’avancèrent. Et bientôt ils virent la cité imprégnée de lumière. C’étaient les faisceaux des hommes en noir qui perçaient l’obscurité, dévoilant partiellement la beauté architecturale de Souterrennes. On parvenait à distinguer des gargouilles, chimères et autres créatures de pierre qui représentaient le plus souvent des êtres ophidiens dont l’existence semblait avoir été figée dans la roche. Le commando des habits noirs n’osaient plus s’avancer car tout était figé. Des sons de cloche résonnèrent alors comme pour signifier que la cité agressée était désormais en état de guerre. Ce bruit assourdissant ne faisait qu’amplifier le sentiment d’inquiétude qui y régnait. Malgré le jour qui dominait à l’extérieur, la cité souterraine demeurait dans une noirceur qui n’était contrecarrée que par les lampes des habits noirs. Il ne se passait rien, et pourtant on sentait que ce silence insoutenable ne demandait qu’à être brisé. Devant l’ambiance insoutenable, le chef des habits noirs fit claquer sa cape. Le noir était complet désormais. Le sifflement émise par une arme blanche se fit entendre, puis un cri de douleur lui succéda. Le chef ordonna de rallumer les lampes… sur le sol se trouvait le cadavre d’une androgyne poignardée en plein cœur. Le mystérieux chef des habits noirs était donc nyctalope, comme le démontrait son aisance à user d’une arme avec précision dans la plus grande opacité. Il était parvenu à tuer un androgyne qui se croyait invulnérable dans le noir. Rennessence. TR. 2000-2010. Sous licence CC Page 26
  • 27. La réaction ne se fit pas attendre. Les créatures androgynes partirent à l’assaut des hommes en noir. Ils avaient attendu une réelle manifestation belliqueuse pour intervenir. Le bataillon d’androgyne surgit en masse sur les habits noirs en brandissant leurs sabres. Cependant, la surprise fut de courte durée car le commando disposaient d’armes bien plus sophistiquées. Les épées et les sabres ne faisaient guère le poids face à des pistolets d’où sortaient des rayons létaux dignes de ceux que l’on voit habituellement dans les films de science-fiction. Les androgynes comprirent alors que leur salut ne tenait que dans le repli. Les adversaires étaient sérieusement équipés. Et leur intention était de détruire les habitants de Souterrennes comme en témoignaient les cadavres des androgynes qui jonchaient le sol. Le commando continua de s’avancer au cœur de la cité. « Suivons-les, souffla Gaston à Paul. — Demeurons prudents, répliqua ce dernier. » La cité demeurait ténébreuse tandis que les cloches continuaient de sonner. Le commando éclairait le couloir, mais on y distinguait que statues et chimères. Ils avançaient bien de trop facilement dans la cité souterraine. L’attaque s’effectuait de jour pendant que les vampires dormaient. Toutefois, la noirceur qui régnait au sein de la cité leur permettait de circuler sans danger. Le commando des habits noirs disposait d’une tueuse de vampires renommée, Clara Gisèle Grolard, surnommée Bouffie à cause de son embonpoint. Pourtant, elle avait fait disparaître un grand nombre de vampires depuis qu’elle était au service de la société des habits noirs. Heureusement, Souterrennes disposait également de redoutables guerriers. Si la tueuse de vampires possédait l’arbalète la plus perfectionnée, sir Wallace Greenbow était le meilleur arbalétrier de tous les temps. Greenbow, l’archer vert de Souterrennes attendait avec impatience cette confrontation. Il avait l’âme d’un justicier, et sa fougue devait être canalisée par ses amis. L’attaque des habits noirs allaient lui permettre de dévoiler l’étendue de ses talents. Je comptais beaucoup sur lui, car sa précision était incroyable même dans le noir. Le commando continuait pourtant à s’avancer inéluctablement. Rien ne les arrêtait. Leur chef les dirigeait avec aisance dans les arcanes de la cité subcondatienne. Ils arrivèrent alors au cœur de Souterrennes, là où tous les chemins se croisent. Le chef braqua soudain sa lampe tout en haut sur ce qui ressemblait à un dôme de cathédrale. De superbes statues semblaient accrochées aux murs. Elles paraissaient presque vivantes malgré leur aspect de pierre. Trop vivantes d’ailleurs pour être vraiment de pierre. C’est alors, que les statues tombèrent sur les assaillants qui furent surpris par cette attaque. Les vampires de Souterrennes tombèrent sur les soldats du commando. Beaucoup en firent les frais surtout que Greenbow commençait à lancer ses traits sur les habits noirs. Ces habits noirs eurent alors le privilège de mourir dans le berceau d’une autre humanité. Deux puissants vampires avaient fauché les têtes de trois membres du commando à l’aide d’une faux tranchante et énorme telle celle dont usait l’Ankou. Le commando fut déstabilisé mais cela ne devait pas durer. La réaction ne se fit d’ailleurs pas attendre. Le reste du commando usa aussitôt de son arsenal d’armes sophistiquées. Les deux vampires se firent poignardés en plein cœur par des flèches d’une célérité incroyable, tandis que le chef des habits noirs leurs tranchaient la tête. La tueuse de vampires usait de son arbalète et fit mouche à de nombreuses reprises. La situation tournait mal, je demandais alors à mes concitoyens de ne Rennessence. TR. 2000-2010. Sous licence CC Page 27
  • 28. pas prendre de risques inutiles. Mais Annabelle choisit de ne pas m’écouter. Elle se précipita sur le chef du commando pour lui trancher la tête. Elle venait de signer son arrêt de mort. Sa faux sembla passer au travers de l’individu sans lui porter atteinte le moins du monde. Cela déclencha l’hilarité de ce dernier, tandis qu’Annabella demeura pétrifiée. Ce fut ce laps de temps qui permit à la satanée tueuse de vampires d’ajouter Annabella à son palmarès. La belle vampire bicentenaire s’effondra. Je criai : « Non » de toutes mes forces, mais le pire était advenu. Greenbow était perché sur mes épaules. Je sautais sur l’ignoble tueuse avec l’archer qui en profita pour ajuster un trait meurtrier. La célèbre tueuse ne ferait plus de victimes. Une flèche en plein cœur et une autre en pleine tête. Elle ne sévirait plus. Greenbow n’aimait vraiment pas les prédateurs surtout lorsqu’ils n’avaient ni cœur ni tête. Je ne pus contenir mes concitoyens qui se ruèrent de nouveau sur le commando qui était assailli de toutes parts. Mais aucune arme ne parvenait à toucher leur chef. Je volais avec Greenbow sur le dos, il ajustait les membres du commando avec une précision diabolique. Tout le commando à l’exception de leur chef ne tarda pas à disparaître. L’attaque des habits noirs avaient été repoussée parce qu’il étaient peu nombreux. Leurs corps gisaient étendus sur le sol se mêlant à ceux de nos concitoyens, hommes, androgynes et vampires qui avaient défendu la cité en payant de leur vie. Je fis alors face au seul survivant des habits noirs. Il n’avait l’air nullement affecté par l’élimination de son équipe. Je le reconnus du plus profond de mon âme ; cet individu, je le connaissais. Sa ressemblance physique avec moi m’avait toujours agacé. Il s’agissait du comte de Lautréamont, le comte des ténèbres, le prince de l’horreur enfouie. Le duel fratricide allait avoir lieu. Mais le représentant de l’autre soleil, partit d’un rire et me dit en soutenant mon regard : « L’heure du duel final n’est pas encore venu, mon cher ! » Sur ce, il disparut comme par enchantement en émettant un bruit clinquant comme si on venait de briser un miroir. Souterrennes paraissait avoir gagné la première manche. Mais le combat n’était pas prêt de cesser, il restait encore bien trop de combattants. Rennessence. TR. 2000-2010. Sous licence CC Page 28
  • 29. CHAPITRE 5. Sereine Souterrennes Souterrennes avait subi les premiers assauts et était sorti vainqueur. La résistance avait fonctionné. Mais les Hommes en noirs reviendraient plus nombreux avec d’autres moyens. C’était évident. Lautréamont était parvenu à s’enfuir… Seul survivant du commando. Souterrennes reprenait ses esprits. Des cadavres jonchaient le sol de la salle centrale. Les corps du commando des hommes en noirs se mêlaient à ceux de quelques vampires et androgynes. On dénombrait vingt morts du côté de la population subcondatienne. Malgré la victoire, l’ambiance était désolée car la cité venait de perdre beaucoup de concitoyens en une fois. La population pleurait ses martyrs mais elle croyait avoir écarté le danger. Toutefois la cité avait perdu sa lettre C, le numéro 3 du gouvernement de la cité, celle qu’on hésitait parfois à appeler « la reine des vampires », voire la reine de Souterrennes. Seulement, elle gisait étendue inanimée… Une flèche l’avait atteinte en plein cœur… Je craignais qu’il n’y ait plus rien à faire. Malgré tout, la médecine subcondatienne pouvait faire des miracles. La flèche, qui devait sans doute être empoisonnée, avait transpercé la belle vampire. L’espoir était faible. Malgré tout, j’ emportais Annabella au bloc opératoire. Le médecin allait tenter de la sauver. Il y avait peu d’espoir et les analyses confirmèrent la crainte. La belle vampire allait mourir. Elle avait défendu courageusement Souterrennes. La médecine subcondatienne pouvait cependant faire des miracles. Depuis pas mal d’années, elle savait fabriquer du sang humain. Les vampires pouvaient donc s’abstenir de toute attaque nocturne contre les humains. Cette géniale trouvaille avait permis à Souterrennes de se maintenir à l’abri. Cependant, d’aucuns déploraient le manque de renouvellement d’effectifs au sein des vampires. Annabella était allongée, prête à être transfusée. La flèche demeurait dans son cœur. Ce cœur qui battait en secret d’amour pour moi. Annabella était encore à peine consciente et souhaitait me parler. Je demandais aux médecins, quelles étaient les chances de survie. Il y en a qu’une. Une nouvelle mutation pour parvenir à l’état d’humanoïde. Mais pour cela, il nous faut l’aide de Daedalius. Annabella qui avait entendu, me fit signe d’approcher. Elle me chuchota à l’oreille : « J’ai eu le privilège de t’aimer, je veux avoir le privilège de mourir maintenant. » Rennessence. TR. 2000-2010. Sous licence CC Page 29
  • 30. Les dernières volontés d’Annabelle furent exaucées. C’est ainsi qu’Annabella mourut, car telle était sa volonté. Sans doute n’avait-elle aucune envie de subir une nouvelle transformation qui l’aurait plus encore éloignée de moi. Je crois qu’elle avait déjà compris que depuis ces derniers évènements, je n’étais plus tout à fait le même. Sa disparition constitua un choc pour la cité et pour moi aussi. Les habitants de Souterrennes avaient pris l’habitude de voir cette superbe créature déambuler dans les arcanes de la cité qu’elle connaissait presque aussi bien que moi. Une page venait donc d’être tournée. J’avais besoin désormais d’un peu de calme. J’allais donc me retirer dans la bibliothèque de la cité secrète. Il y avait ici des milliers d’ouvrages dont la plupart étaient introuvables désormais à la surface. La bibliothèque était magnifique. Le style gothique et baroque de Souterrennes se retrouvait pleinement dans ce lieu de la connaissance. Les boiseries de chêne foncé étaient finement sculptées avec des motifs floraux et des animaux fabuleux. Il en ressortait une esthétique bienveillante qui donnait l’impression au lecteur que le bois était doté d’une vie, que la bibliothèque était en fait une forêt. Les livres étaient admirablement conservés dans des vitrines entourées de pilastres en marbres et doriques. Les murs de livres s’élevaient jusqu’à la cimaise, comme si la connaissance permettait de rejoindre quelque monde supérieur représenté sur la coupole par un célèbre artiste. Merlin est représenté sur la fresque en compagnie de quelques éons. Seuls les pangolins connaissent la réelle signification de la fresque. Pour ma part, si je n’ose en comprendre le sens, je me délecte de son esthétique. J’ai parfois l’impression que l’univers tout entier est rassemblé ici, et que si tout devait disparaître, la bibliothèque demeurerait à jamais pour devenir le point de départ d’un nouvel univers. Tous les livres étaient admirablement reliés et portaient sur la couverture ainsi que sur la tranche gravé à l’or fin l’emblème de Souterrennes. Un emblème représentant deux animaux fabuleux adossés. Les livres étaient reliés dans des différents couleurs selon la classe de connaissance à laquelle ils appartenaient. Une classification simple mais aux ramifications parfois complexes que les pangolins avaient mis quelques années à élaborer. On y retrouvait aussi sur toutes les principales figures de la cité représentées dans des statues de bois se tenant à l’entrée de chaque salle comme si elles en étaient les gardiennes. Les salles étaient vastes et laissaient une large place à la déambulation. Je m’isolais fréquemment au milieu de ces ouvrages, de ces connaissances, afin de retrouver un peu de sérénité quand j’avais quelques états d’âme. Je crois que les auteurs présents ici de par leurs ouvrages auraient été fiers d’être dans ce sublime endroit. La bibliothèque était formée de salles octogonales continues, si bien que j’avais l’impression d’être une abeille au cours de mes déambulations dans cette ruche livresque. Une abeille, voilà ce que j’étais sans doute car je faisais mon miel de toutes ces pensées, idées et savoirs disséminés ici et là. J’étais bien loin de connaître tous les ouvrages présents à Souterrennes. Les pangolins eux-même s’y perdaient souvent bien qu’il ne prétendent le contraire. Qui sait d’ailleurs si parmi ces rayons, il n’y avait pas quelque livre maudit, ou bien ouvrage quelque peu magique qui contiendrait tous les autres livres ? J’en étais là dans mes réflexions quand soudain je fus prévenu d’une intrusion anormale dans Souterrennes. Rapidement, je fus mis au fait que les deux intrus ne manifestaient aucune intention belliqueuse bien au contraire. Je retrouvais Janisia, Sicka et Crêpovore qui m’attendaient. C’est ainsi que je fis la connaissance de Paul Féval et de Gaston Leroux que je ne connaissais que par l’entremise de leurs œuvres. Les deux auteurs étaient encadrés par les gardes de la ville. Rennessence. TR. 2000-2010. Sous licence CC Page 30
  • 31. « Que faîtes-vous là ? demandais-je quelque peu énervé. — Nous sommes ici pour vous apporter notre aide, me répondit Paul. — J’en suis ravi, mais comment êtes vous parvenus jusqu’ici ? — Nous avons suivi les hommes en noir. — Connaissiez-vous notre cité auparavant ?, leur demandais-je intrigué. — Et bien, nous avons trouvé il y a peu un livre mentionnant l’existence d’une cité sous la ville nommée « Souterrennes » — Effectivement, cet ouvrage sur notre contrée nous a été volée au début du XXe siècle. Nous avons été piégés par un gentlemen cambrioleur. — Maurice ! Ah !, le coquin, s’écria Gaston. — Mais nous avons trouvé cet ouvrage à la bibliothèque, ajouta Paul. Nullement chez Maurice Leblanc ! — Je dois dire que toutefois, il était en sécurité sous la charge de l’autorité principale de la bibliothèque, précisa avec malice Gaston. — Il était caché dans la bibliothèque de Rennes !, s’écrièrent conjointement les pangolins. Nous croyions qu’il était perdu, voire passé à l’ennemi… — Comment être sûr que cet ouvrage n’a pas été vu par les habits noirs ? demandais-je, moi qui n’avait jamais vu le livre auparavant. » Le livre qui décrivait cette contrée, était autrefois gardé par les deux pangolins. Je soupçonnais que les deux créatures en étaient les auteurs. Pourtant, ils ne cessaient de prétendre le contraire. J’entendais souvent les pangolins discuter en citant des phrases du Livre, non sans d’ailleurs se disputer sur les propos exacts. Chaque dispute se terminaient par un : « va vérifier dans le livre ! » auquel succédait un : « mais tu sais bien que… ». Les deux pangolins faisaient mine de pleurer dès lors. « Vous l’avez lu ? demandai-je aux deux autres. — Oui, mais pas en totalité, nous avons été dérangés. Et puis, qu’importe, nous sommes déjà dans l’autre monde, affirma Paul Féval. — Certes, mais nous aussi, sommes dans un autre monde. Restez discrets. — Nous le serons, nous sommes là pour vous aider. Rennessence. TR. 2000-2010. Sous licence CC Page 31
  • 32. — Et comment allez-vous pouvoir nous aider ? demanda Sicka. — Pour ma part, je connais quelque peu ces habits noirs. Ils se trouvent que je les ai en quelque sorte créés, répondit Paul. — Comment cela participer à sa création ? demandais-je intrigué et soupçonneux. — Je les ai imaginés, disons. Un réseau parallèle extrêmement efficace. Un gouvernement occulte qui contrôle toutes les instances. — Mais dans quel but ?, renchérit Sicka. — Le problème c’est que les volontés sont souvent différentes dans ce genre d’entreprise. Les escrocs y trouvent souvent leurs comptes. Bien plus que les idéalistes. Ce n’est pas un réseau de pirates au grand cœur qui se met en place, mais une véritable mafia. — Pensez-vous que ce réseau soit si puissant et si bien organisé ?, poursuivais-je. — Je pense qu’il est surtout découpé en plusieurs strates. On ne contrôle jamais totalement tout. Les sphères de la manipulation sont souvent obscures. Je crois que le réseau possède quand même une élite à la fois politique et militaire. — Mais pourquoi veulent-il nous faire disparaître ? demanda Janisia. — Tout simplement parce qu’ils ne désirent prendre aucun risque. Il veulent tout contrôler. Et tout pouvoir souterrain est forcément un ennemi dangereux. Gaston Leroux était ébahi par l’aplomb de Paul Féval. Visiblement, il connaissait bien son sujet. Je demandai alors à Paul : « Connaissez-vous leur chef à ces hommes en noirs ? — Hélas, non. Mais j’ai déjà entendu dire que certains l’appelaient le poète… » J’étais de plus en plus inquiet. Sicka et les autres regardaient l’écrivain rennais avec intérêt. Mais tous se posaient la même question : « Qu’est-ce qui allait se passer dorénavant ? » Ce fut Gaston qui brisa le silence : « Et maintenant que faisons-nous ? » Sicka prit la parole. : « Souterrennes a été sauvée momentanément. Ils vont certainement revenir ici. Mais je crois surtout qu’ils vont attaquer bientôt Brocéliande… Rennessence. TR. 2000-2010. Sous licence CC Page 32
  • 33. —Soit, dis-je, nous n’avons pas le choix. Il nous faut passer à l’offensive. Nous sommes parvenu à nous défendre, mais ils reviendront plus fort. Nous devons attaquer à notre tour. Nous allons à Brocéliande défendre l’enchanteur et ses fées. — Nous y allons avec vous, dirent Paul et Gaston en chœur. — Je vais constituer une équipe de sécurité à Souterrennes. C’est plus prudent. » Les deux pangolins dirent alors : « Souterrennes peut se défendre toute seule, ne craignez rien, tout est prévu. — Certes, je veux bien vous croire. Mais je préfère être prudent. — Soit le temps passe, les deux écrivains vous venez avec nous. Greenbow , tu es désormais chargé de la défense de Souterrennes. Nous partons à Brocéliande qui doit être en danger. Cinquante personnes m’accompagneront. Je suis le seul vampire qui pourra venir. » Sur ces faits, moi et mon équipe partirent armés d’arbalètes chevauchant les dragons cuirassés. Il n’y avait aucun doute. C’est toute la contrée de l’ouest qui était en guerre. Crêpovore proféra la seule phrase de circonstance : « Si vis pacem, para bellum » Rennessence. TR. 2000-2010. Sous licence CC Page 33
  • 34. CHAPITRE 6. Vers Brocéliande. La fée Sicka et le dragon Crêpovore conduisirent toute notre équipe vers Brocéliande. Un nuage qui nous rendaient invisibles tel Enée et son équipage nous protégea durant le voyage. C’était un des pouvoirs de la fée. Je fus impressionné par ce tour. Le voyage fut rapide et sans danger. Nous atterrîmes en Brocéliande non loin du Val sans retour. Nous attendîmes quelques minutes puis s’ouvrit devant nos yeux une porte dans une sorte de quatrième dimension. L’enchanteur nous fit signe d’entrer. Les deux pangolins, moi, Sicka, les androgynes, les dragons et le reste de l’équipe pénétrèrent à leur tour dans le royaume de Merlin. L’enchanteur paraissait sans âge, il portait une tenue blanche aux reflets argentés . A ses côtés se tenait la fée Viviane, ravissante. Leur amour était la source d’immortalité. La légende veut que ce soit Viviane qui après avoir appris les tours de Merlin, en tomba amoureuse et l’enferma dans une prison de verre. C’était oublier que Merlin était avant tout un prisonnier volontaire… Merlin nous remercia d’être venus. Il servit à boire à tous les subcondatiens , une boisson énergisante dont il avait le secret. J’eus le droit à sa cure de « Rennessence » sans quoi, je ne pourrais pas vivre le jour. Merlin engagea alors la conversation : « Vous pourriez croire que je sois totalement à l’abri à Brocéliande. C’est faux, certes notre royaume est quasi introuvable mais les habits noirs possèdent un chef qui est capable de franchir toutes les portes. D’autre part, Viviane et moi ne sommes pas seuls à Brocéliande. Des fées, des korrigans, des êtres de toutes sortes y vivent. Ils sont également menacés. Mais ce que je crains le plus, c’est que la Brocéliande que les humains sont capables de voir, soient incendiée… Si Brocéliande venait à disparaître, nos univers ne pourraient survivre. La contrée de l’ouest est menacée. L’imagination, le rêve, l’utopie sont inquiétés. Et sans doute l’intelligence, et l’humanité elle-même. Il nous faut nous unir. Nos pouvoirs sont puissants, mais les leur également. Et leur chef est très puissant, et très dangereux. Il pourrait refaire surgir un monde que nous avons tous oublié. Il ne demeure plus rien de ce monde. Il pourrait cependant ressurgir des profondeurs. La contrée de l’ouest a pourtant gardé une pierre qui représente ce danger. Le kraken nous menace tous. Si on peut certes se défendre longtemps. Notre sécurité sera menacée tant que cet être sera si puissant. Et si je t’ai chargé, Rezal de prendre en charge la défense de la contré de l’ouest, c’est que tu es le seul à pouvoir défier ce personnage. Moi-même, je ne le peux pas. Je ne puis que t’aider. » Rennessence. TR. 2000-2010. Sous licence CC Page 34
  • 35. Après ce long discours, je pris la parole : « Je te remercie de la confiance que tu places en moi. J’essaierai de ne pas te décevoir. Si je suis le seul à pouvoir battre le chef des habits noirs, la victoire ne peut être que collective. Gaston Leroux nullement impressionné, prit la peine de parler. — Si je puis me permettre, monsieur l’Enchanteur, mon collègue Paul Féval connaît particulièrement bien les habits noirs. Paul était surtout indigné que Gaston se permette d’interrompre Merlin ! — Voyons, voyons, monsieur Féval, c’est bien vous n’est-ce pas ? Connaissez-vous bien cette organisation ? questionna alors Merlin. — Je le connais un peu comme un père connaît son fils. Mais nos enfants grandissent sans nous, et vont parfois dans des directions qui nous déplaisent. — Je souhaite que vous puissiez nous aider, monsieur Féval. N’hésitez pas à nous faire part de vos remarques et de vos conseils. Connaissez-vous leur chef, monsieur Féval ? — J’en ai entendu parler. Mais je le connais bien mal en fait. — Et parfois, il est une puissance plus forte que la volonté. Brocéliande doit néanmoins tenir. Conserver le secret à l’abri du temps sans quoi le chef des habits noirs nous entraînera dans un nouveau monde., affirma l’enchanteur. Gaston Leroux, incapable de se tenir plus longtemps s’adressa de nouveau à Merlin. — Ce secret, dont vous parlez, serait-ce le Graal ?… — Soit, vous êtes bien perspicace, monsieur Leroux. Puissent vos connaissances et vos intuitions nous aider dans cette entreprise. — Mais, ce Graal, ne pourrait-il pas nous aider pour nous défendre, demanda alors Paul. — Si, et il le fera. Seulement, le Graal est une puissance ouverte. C’est une demi-plaie, qui risque d’être réouverte par de mauvais desseins. Aujourd’hui, en vous accueillant, je prends des risques, car sont rares ceux qui pénètrent habituellement mon royaume. Gaston, décidément intenable réagit à ces dernières paroles: — Dois-je comprendre que vous ne gardez pas seulement le Graal, mais que vous l’êtes vous-même ?… Rennessence. TR. 2000-2010. Sous licence CC Page 35
  • 36. — Il suffit de gloser, coupa Merlin qui voulait éviter de s’éterniser sur le sujet. Vous en savez déjà trop. Organisons-nous plutôt pour parer à l’attaque de ce soir. — Vous êtes sûr, qu’ils attaqueront ce soir ?, demandais-je. — Je pense que leur échec en Souterrennes appelle une revanche immédiate. Seulement, ils nous attaqueront d’abord Brocéliande. Leur armée sera nombreuse, je suppose, et attaquera sur plusieurs fronts. C’est une armée d’innombrables individus qui montera à l’assaut. — Mais comment une telle organisation peut-elle opérer quasi incognito ? demanda Sicka, qui était restée jusque là calme. Crêpovore qui paraissait dormir, brisa le silence. « Homini non sunt » — C’est ce que je crains en effet, répondit Merlin. Je ne sait qu’elles sont ces créatures. Sans doute, des robots ou des humanoïdes, des sortes de cyborgs obéissants aux volontés de Lautréamont. — J’aurais jugé que le commando qui a pénétré dans Souterrennes était constitué d’Hommes, dis-je. Il faudrait que je puisse communiquer avec mon équipe de médecins. Ils doivent avoir examinés leur cadavres à l’heure qu’il est. » Je parvins à joindre le quartier général de Souterrennes par télépathie. « Avez-vous examiné les cadavres du commando ? » — Oui, nous venons de procéder à l’examen des corps. — Alors ?… — Ce sont des hommes bioniques . Ils sont issus de manipulations génétiques. Différents implants composent chaque corps. Nous n’avons pas encore eu le temps d’e comprendre de quoi il s’agissait. Mais, ce dont je suis sûr, c’est que l’attaque à été filmée. Je crains qu’ils aient sacrifié quelques hommes pour mieux connaître notre cité. Je ne serais guère étonné qu’il continue à nous espionner. Nous sommes plusieurs à ressentir cette impression. — Souterrennes est donc gravement menacée. La première attaque n’était qu’un test. — Je le crains. J’espère que l’on pourra se défendre. — Contactez-moi dès qu’il y a un problème. — Bien sûr Président. Rennessence. TR. 2000-2010. Sous licence CC Page 36
  • 37. — Au revoir, et à bientôt, j’espère. » Je dissimulais mal mon inquiétude. Je ne semblais pas maîtriser la situation, bien que je fusse à la tête de l’armée des royaumes du rêve. Merlin prit la parole, pour briser le silence pesant : « L’espoir demeure. Usons de toutes nos forces pour surpasser la menace qui nous guette. L’autre soleil, l’autre rive veut ressurgir… » Rennessence. TR. 2000-2010. Sous licence CC Page 37
  • 38. CHAPITRE 7. Les effets des fées. Merlin remit à chacun une gourde remplie d’une potion revigorante. Mais, je fus le seul à recevoir de la « Rennessence ». Sicka nous guidait en Brocéliande vers le château des fées. Mon cœur battait. Que de rencontres décidément. Dommage qu’elles se déroulent dans cette situation. Nous avancions dans le Brocéliande aux couleurs vertes enchanteresses . Nous remplissions nos poumons d’un air revigorant afin d’ oublier nos soucis. Et pourtant, le pire était à craindre. Je me sentais léger. Le paysage se fit encore plus beau. J’apercevais au loin de petits êtres chantants. Ils ne dépassaient guère 40 centimètres. Les petits êtres de la forêt, ce petit peuple que l’on croit disparu venait se joindre à nous. Outre leur petite stature, ce que l’on remarquait de suite, c’était leurs tenues quelque peu vieillottes mais néanmoins colorées. Ils effectuèrent une ronde autour de nous et se mirent à danser. Ils chantèrent alors ce sympathique refrain : Non, non, que demeure notre forêt Magie, magie, protège notre demeure Oui, oui, elle existe à tous jamais Dans tous nos corps, dans tous nos cœurs. Nous reprîmes tous ensemble le refrain. Des sylphides virevoltaient et participaient à cette ambiance qui semblaient se dérouler hors du temps. Brocéliande existait. Elle ne pouvait pas mourir. Sauf si on parvenait à pénétrer ses secrets. Et ça, hélas le chef des habits noirs le pouvait. Nous continuâmes à avancer sous l’escorte des sylphides et des korrigans jusqu’au château des fées. Le chef des korrigans, Locamor, m’adressa la parole : « Nous sommes prêts à défendre Brocéliande. Nous suivrons tes ordres, toi que Merlin a nommé Général de la contrée de l’Ouest. » —Je t’en remercie. Je ferai tout ce qui est possible pour sauver Brocéliande. — Brocéliande demeurera ! prononça alors, Gaston Leroux toujours aussi optimiste. Sicka prit ensuite la parole. — Ne perdons pas de temps. Il faut se réunir au château. » Rennessence. TR. 2000-2010. Sous licence CC Page 38
  • 39. Nous poursuivions notre avancée. Et bientôt devant nous, se tenait un magnifique château se reflétant dans l’eau. Il était fait dans une pierre qu’on disait vivante. Le château d’ailleurs pouvait bouger d’après certaines rumeurs. Il me faisait face. Il semblait serein et prêt à subir un affront. Sicka s’arrêta soudain et puis une passerelle sortit du château et s’avança jusqu’à nous. Les pierres étaient bel et bien vives. Sicka s’avança sur les pierres et nous la suivîmes. Nous n’eurent pas besoin d’avancer. Les pierres se mouvaient d’elles-mêmes. Nous ne firent aucun pas. J’étais agréablement surpris. Gaston Leroux semblait s’en amuser beaucoup. Les korrigans s’en réjouissaient aussi même si ça n’était pourtant pas la première fois qu’ils pénétraient dans le château. Sicka et Paul Féval étaient les seuls à paraître inquiets. Pour ma part, j’essayais de paraître décontracté et serein . Surtout, je ne savais absolument pas à quoi m’attendre. Nous passâmes au dessus de l’eau qui entourait le château. Un dragon d’eau aux écailles argentées, surgit soudain de l'onde. Ce qui fit peur aux korrigans qui reculèrent et poussèrent des cris. Mais le dragon vint voir Crêpovore, le génial dragon écarlate de notre expédition et lui dit : « T’as encore grossi. Tu manges trop de crêpes de cette bonne fée. — C’est toujours mieux que de baigner dans du chouchen. — Jaloux, va, lui répondit le dragon argenté qui replongea. Gaston demanda alors à Sicka : — L’eau qui entoure le château, c’est du chouchen ? — Allez, donc, goûtez, vous verrez ! Mais Gaston, n’eut pas le temps d’y essayer. Car nous étions désormais à l’intérieur du château. L’adjectif qui qualifierait le mieux cet endroit est éblouissant. Tout resplendissait dans le paradis des fées. Elles étaient là, les plus belles des fées. L’architecture paraissait vivante. Je songeai en moi que les bâtisseurs de Souterrennes étaient peut-être les mêmes. Cette architecture vivait respirait dans un esthétisme incomparable. Les murs éclairaient l’intérieur. Nulle lumière électrique telle qu’il y en a chez les humains n’étaient présentes. On y voyait comme en plein jour. La reine des fées s’avança alors vers moi. Elle était belle mais plus austère que Sicka. Elle était vêtue d’une longue robe bleue quasi diaphane qui laissait entrevoir la finesse de son corps. Ses longs cheveux flottaient comme s’ils pouvaient se muer d’eux même. Un fin cheveux vint d’ailleurs caresser mon visage. Ce fut le premier contact que j’eus avec la reine des fées . Elle prit alors la parole d’une voix suave et enchanteresse. « Je vous remercie d’être venus. Il nous faut être solidaires dans ces moments difficiles. Je suis Morgane, la reine des fées. Je pris la parole : Rennessence. TR. 2000-2010. Sous licence CC Page 39