Pauline richon theatre et sciences sociales.2018 11-13_15_30_25.richonp
1.
Pauline Richon
Journal d’une étudiante
Une semaine de théâtre et de sciences sociales
Quel est l’intérêt du théâtre dans la recherche en sciences sociales, particulièrement
pour l’étude de L’arrangement des sexes d’Erving Goffman ?
Jour 0 - Jeudi 18 octobre 2018 2
Théâtre déclencheur 3
Jour 1 - Lundi 24 octobre 2018 4
Carte sensible 6
Jour 2 - Mardi 25 octobre 2018 8
Exercice du fil de soie 8
Art du spectacle et sciences sociales selon Gabriele 9
Jour 3 - Mercredi 25 octobre 2018 11
L’arène 11
Théâtre de l’invisible 13
Jour 4 - Jeudi 26 octobre 2018 15
Déroulement du spectacle 15
Remerciements 16
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Jour 0 - Jeudi 18 octobre 2018
La semaine précédant nos 4 jours de théâtre, nous avons un cours
d’introduction et de préparation à ce périple dans lequel nous, étudiants, semblions
tous un peu perdus. Beaucoup d’entre nous appréhendaient ce qu’on allait nous
demander. Ils semblaient, pour la plupart, se questionner sur la pertinence de
pratiquer le théâtre dans le cadre d’un cours sur les théories des sciences sociales,
et en quoi cela servirait pour l’analyse de l’oeuvre que nous étudions :
L’Arrangement des sexes d’Erving Goffman.
Je pense que la plupart appréhandaient surtout la mise à nue que nous
demande la pratique du théâtre, car il est souvent très dur de se dévoiler à l’autre.
Surtout que notre promo a toujours été qualifié par les enseignant.e.s comme une
sommes d’individus très bons et travailleurs, pour un total plutôt peu dynamique et
lourd à porter.
De mon côté je me réjouissais que l’université développe des pédagogies
alternatives, car en troisième année en post-bac, on commence à avoir épuisé les
possibilités de s’épanouir dans notre apprentissage assis devant un ordinateur. De
plus, j’ai pratiqué le théâtre durant deux ans au lycée et pour le baccalauréat, et
c’est une activité qui m’a beaucoup fait avancer et m’a énormément appris (tant
dans le registre actrice que spectatrice).
De plus, au fur et à mesure de l’étude de l’oeuvre de Goffman au cours du
semestre, la question du pourquoi de notre futur atelier théâtre devenait de plus
en plus évidente. L’auteur ne cesse de se servir de métaphore théâtrale pour
soutenir sa thèse (il parle de scène, d’acteurs, de rôles, de représentations, etc.), et
il illustre ses propos par des situations de la vie quotidienne pouvant facilement
être mise en scène dans le cadre d’un atelier tel que j’imaginerais qu’il pourrait être.
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Le jeudi 18 octobre 2018, nous avons eu un cours par Lise Landrin sur le
théâtre de l’opprimé. C’est un concept qui vient du brésilien Augusto Boal dans les
années 70, qui voit le théâtre comme un outil politique (pièces révolutionnaires)
qu’il convient de décentrer de différentes manières. Tout d’abord, amener le ce
théâtre en campagne, là où se trouve la plupart des “opprimés”, dans les marges
territoriales. Puis, amener le théâtre à ne pas être seulement cathartique, mais à
être appropriés par “le peuple”. Être spectateur ne suffit pas.
Pour Augusto, l’intérêt est de se réapproprier son corps (car il est un
construit social à part entier rempli de normes) et d’apprendre à rendre son corps
expressif, en passant par la mise en scène de choses vécues.
Théâtre déclencheur
Le théâtre déclencheur est un concept de Julie Armenio (notre intervenante pour cette
semaine) et s’inspire du théâtre de l'opprimé, mais est plus large artistiquement. On
entend “déclencher” comme ouvrir la porte sur quelque chose, faire apparaître de
l’extérieur. Qu’est ce que ce que l’on donne à voir déclenche chez les autres, et qu’est ce
qu’il déclenche en nous ?
Mais alors, quel est l’intérêt de théâtre de l’opprimé et déclencheur dans
l’analyse d’une oeuvre de sciences sociales ? Que déclenche-t-il exactement chez
nous et chez les autres ?
Nous avons eu une semaine pour l’expérimenter.
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Jour 1 - Lundi 24 octobre 2018
Après plusieurs exercices d’échauffement, nous sommes rentrés dans le vif
du sujet. Premièrement, un groupe avait la consigne de se mettre en ligne et de
mimer une pause d’une femme dans l’espace publique, en se basant sur nos
imaginaires et stéréotypes. L’autre groupe (dont je faisais partie) devait souligner
les points communs entre les différentes pauses. Nous avons remarqué que tous
les regards étaient orientés vers le bas, que les bras et les jambes étaient souvent
croisées, l’usage d’un téléphone accentue la fermeture du corps. Dans l’ensemble
on remarque que le corps se protège. Tandis que lorsque se sont les hommes qui
sont mimés, on remarque à l’inverse un regard haut. Ils sont dans des situations
actives alors que les femmes étaient plutôt dans la passivité, dans l’attente. Les
hommes s’approprient l’espace.
L’intérêt de cette exercice, pour les sciences sociales, était de vraiment
visualiser comment ces normes sociales s'inscrivent dans le corps, particulièrement
dans le nôtre (on vit réellement la condition de celui que l’on mime).
Ensuite, nous devions à nouveau mimer des pauses, mais par groupe de 4.
Un groupe devaient mimer une scène agréable dans l’espace privé, un autre une
scène agréable dans l’espace public et le dernier une scène désagréable dans
l’espace privé. On a pu collectivement remarqué que des petits détails suffisent
pour nous faire directement comprendre où se situent les scènes, quels est le
rapports établis entre les personnages
Par la suite, nous sommes restés sur un travail de mime mais par deux. Un
membre du binôme commençait par un mime, et l’autre devait compléter ce qu’il
faisait, et cela sans communiquer par la parole, un peu selon le ressenti de chacun.
Une sorte d’arrangement. Ici encore, en changeant quelques détails (regard, sourire,
etc.), l’intention initiale puis être totalement modifiée, et donc le rapport entres les
deux personnes n’est plus le même.
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Durant la deuxième partie de la matinée, nous sommes sorti.e.s sur le
terrain, c’est à dire sur le campus de Saint-Martin-D’Hères, particulièrement à l’arrêt
de tramway “Bibliothèques universitaires”. Nous nous sommes exercer à
l’observation. Nous avions 10 minutes pour faire 10 observations. Même lorsqu’il
ne semblait rien se passer, ne devions noter ce que nous voyons. J’ai par exemple
noté : “n°7 : groupe : 3 hommes, 1 femme. les hommes sont fixes et ancrés dans le
sol tandis que la femme bouge tout le temps (corps + regard)” ou encore “n°11 :
groupe : 1 homme, 2 femmes. Homme bouge les pieds, femmes fixes”.
Ensuite, nous avons prolongé cet exercice d’observation dans le tramway,
avec des consignes plus précise. Nous avions 4 arrêts pour :
1. Porter notre attention sur les bruits
2. Observer une personne en imaginant sa vie.
3. Observer une interaction
4. observer l’environnement spatial et sensoriel
Pour moi, les observations les plus intéressantes ont été la 2 et la 4. En effet,
lorsqu’on invente la vie de quelqu’un qu’on ne connaît pas, on se base sur
l’apparence, sur nos a priori, sur les clichés. J’ai noté :
carnet de terrain
C’était une fille qui de par ses vêtements, ses cheveux, etc., s’éloignait de
l’imaginaire lié à une fille “féminine”. Le cliché du prénom et du sport peu féminin
est apparu dans mon imaginaire immédiatement, à cause de l’intériorisation des
normes sociales.
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Lorsque l’on a du observer une interraction, nous avons eu un soucis car le
tramway était presque vide, donc pas vraiment d'interaction possibles à observer.
C’est pourquoi notre enseignante a tenter d’en provoquer une en s'asseyant proche
d’une autre personne. Le théâtre de l’invisible a un intérêt incroyable dans la
recherche en sciences sociales, comme dans l’analyse de l’oeuvre de Goffman. Il
nous permet de provoquer des situations et d’observer des situations. Le terrain
devient alors modelable par les jeunes chercheurs et jeunes chercheuses qui
peuvent au besoin, provoquer des situations selon leurs objets d’étude.
Enfin, pour terminer la matinée de théâtre, nous avons fait un parcours
sensible. L’exercice consistait à parcourir un espace les yeux fermé, en étant guidé
par un camarade. Je n’ai pas tellement compris l’intérêt de l’exercice par rapport à
l’étude de L’Arrangement des sexes, mais cela a été pour moi une expérience
incroyable en temps que jeune géographe. Les yeux sont notre principale outil pour
l’analyse du terrain, et en étant privé de vision, nos autres sens nous offrent un
“regard” différent sur l’espace que nous analysons. On perçoit des éléments que
l’on aurait même pas remarqué les yeux grands ouvert.
Fermer les yeux ne nous aveugle pas mais nous montre une réalité
que nous ne pourrions voir les yeux grands ouverts
Carte sensible
Nous devions dessiner comment nous avons perçu l’espace lors du parcours sensible, en
mettant en avant les moments qui nous ont marqués. Un des moments le plus marquant
pour moi a été de traverser une terrasse dans laquelle il y avait beaucoup de bruit car les
gens parlaient et riaient. Il y avait des odeurs de nourriture. On slalomait entre les tables,
je touchais les tables et les personnes qui m’entouraient. Ensuite nous sommes arrivées
devant le tram, j’ai demandé à Manon ou était le tram, j’ai tendu ma main pour le
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toucher. Je me suis dit que les gens qui étaient à l’intérieur devaient rire de la situation.
Puis, un autre moment important a été lorsque j’ai dû traverser le quai du tram. LA
marche pour descendre me paraissait énorme. Puis j’ai compté le nombre de rails sous
mes pieds afin de savoir quand allait être la marque du quai d’en face.
Enfin, Manon m’a dit qu’en face de nous il y avait une affiche pour un évènement de EVE
du 12 octobre. Je lui ai dit que l’évènement était passé. Elle m’a répondu qu’elle ne s’en
serait même pas rendu compte sans moi bien que j’ai les yeux fermés.
Figure 1 : Ma carte sensible
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Jour 2 - Mardi 25 octobre 2018
Nous avons fait des exercices d’échauffement avec Gabriele Sofia, le
Directeur de la licence d’Art du spectacle du l’Université Grenoble Alpes. Tous le
groupe devait marcher dans le studio, s’arrêter en même temps et repartir en
même temps. Cela nous a éveillé à l’attention périphérique. Il fallait être très
concentré et à l’écoute des autres, sans communiqué par la parole. Ca a été un
excellent exercice d’écoute au sein du groupe qui nous a servi pour le reste de la
semaine.
Exercice du fil de soie
L’exercice du fil est un exercice de mobilisation corporelle qui consiste à matérialiser un
fil imaginaire. On prend le fil, on le déplace et on le lâche. Il faut le récupérer au même
endroit où il a été lâché, ce qui accentue le réalisme de sa matérialité. On peut le prendre
avec sa main, son pied, son coude, son nez, son thorax, son sacrum, etc. On cherche nos
limites corporelles tout en gardant la précision. Jusqu’où peut-on aller avec ce fil ?
Par la suite, différents binômes reproduisaient cette exercice sur “la scène”,
devant Gabriele afin d’avoir une forme de conversation corporelle en reproduisant
une suite de déplacement du fil (une personne tire son fil, l’autre lui répond avec un
autre fil, on pouvait lui “couper la parole” en déplacement deux fois le fil de suite,
etc.) Puis, l’exercice s’est transformé ; nous n’avions plus qu’un fil pour deux. Nous
avons fait un long passage avec Léo, dans lequel chacun de nous tirer à le fil en
fonction d’où et de comment on l’avait déplacer. Par exemple, nous avons fait un
passage où l’on se “disputait” pour garder le fil pour nous.
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A la fin, Julie a fait une remarque qui m’a vraiment permit de comprendre
l’intérêt de cet exercice dans le cadre de la lecture de L’Arrangement des sexes. En
effet, cela a montrer comment on s’arrange de l’autre. Comment on complète
presque naturellement ce que l’on voit de l’autre. Et c’est ce que Goffman nous
montre dans son ouvrage : rien n’est prémédité, tout se fait par contrats induits
bâtis par des couches et des couches de normes sociales. On sait comment on doit
agir (ou comment il faudrait que l’on agisse) pour respecter le bon déroulement de
la représentation, comme le disait lui-même Goffman en employant le vocabulaire
théâtral. Gabriele nous disait tout le long de notre passage “ne réfléchissez pas,
mais faites”, exactement comme dans la vraie vie.
Art du spectacle et sciences sociales selon Gabriele
La présence de Gabriele durant cette matinée a été, à mon sens, indispensable pour
véritablement comprendre l’enjeux de la relation théâtre et science. Il nous a amené un
regard différent que ceux qu’avaient nos trois enseignantes. Il nous a rappelé que le
théâtre n’est pas un objet, mais une relation entre spectateurs et acteurs.
Il nous a expliquer comment l’exercice du fil est un éveil des possibilités du corps, et
qu’on pouvait ramener cela à Goffman en se demandant quelles possibilités d’actions les
personnes utilisent dans la vraie vie. Sur quel fil nous tirons selon notre condition et
l’espace que nous occupons ?
Il nous a rappelé comment Goffman ne cessait d'utiliser le vocabulaire du théâtre comme
métaphore, mais n’avait jamais mit en scène lui même. C’est ce qu’il qualifie
d’ethnocentrisme du spectateur, Goffman pense comprendre comment cela fonctionne,
mais n’a jamais expérimenté. En quelque sorte cette semaine, nous faisons ce qu’Erving
Goffman n’a pas fait pour que son oeuvre soit complète.
“Le théâtre, comme les sciences sociales, cherche à représenter le monde.”
Gabriele Sofia
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Ensuite, nous avons fait deux groupes et réfléchit à une situation qu’il serait
intéressant de mettre en place dans le cadre du théâtre de l’invisible. Cette
situation devait évidemment expérimenter ce que nous dit Goffman dans
L’Arrangement des sexes. Nous avons rapidement pensé aux toilettes non-mixtes.
Cela m’a particulièrement parlé puisque la réflexion institutionnelle que développe
Goffman (dans le sens où les différences entre les genres et leur séparation est
entretenu par les institutions qui confirment et maintiennent l’idée de différence
entre les sexes en général) est ce qui m’a le plus marqué à la lecture de l’oeuvre. De
plus, il m’arrive souvent de ne pas m’orienter vers les toilettes qui me sont
destinées, par simplicité mais aussi parfois par rebellion.
Nous avons choisi que nous nous rendrions (le lendemain) aux toilettes du
DLST, par praticité car elles se trouvent à côté du bâtiment EST, qu’il faudrait deux
femmes et deux hommes, pour une mixité totale. Nous avons aussi passer à notre
conversation, puisque l’idée était de ne pas se séparer à l’entrée des toilettes pour
poursuivre une conversation enflammée que nous avions. Nous sommes donc
partis sur une discussion autour des cours (puisque une de nos enseignante faisait
parti du groupe de “comédiens de l’invisible”), sur le nombre de rendus que nous
avions les prochaines semaines, etc.
Pour finir la matinée, nous avons de nouveau fait un parcours sensible, en
gardant les mêmes binômes mais en échangeant les rôles. C’est à dire que je
guidait Manon qui fermait les yeux. Ca a été très intéressant d’avoir ce rôle après
avoir soi-même expérimenter le rôle inverse, puisque du coup je pouvais lui faire
vivre que j’avais apprécier. Je lui ai fait toucher des éléments de l’espace, je l’ai
amener marcher sur différentes textures (herbes, feuilles mortes, terrain en pentes,
bouches d’égout, etc.). En temps que géographe, cela nous amène à comprendre
quel regard on pose sur les choses. Notre regard est sélectif, et Manon me parlait
de choses qui je n'avais pas perçu, comme une conversation qu’elle avait entendu
mais qui ne m’avait pas du tout interpellé.
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Jour 3 - Mercredi 25 octobre 2018
Après les exercices d’éveil corporel habituels, nous avons prolongé l’exercice du fil
de soie à deux. Par la suite nous nous sommes tous réuni pour exprimer les mots clichés
qui nous venaient pour l’homme et pour la femme. Cela s’est suivi par un nouvel exercice
corporel par binôme. Nous devions, à tours de rôle, adopté une posture “forte” puis faible.
Les poses se répondaient et se complétaient. Léo et moi étions très accès sur la violence,
nous mimions presque des coups, une dispute virulente, avec un dominant et un soumis.
Claire et Maxence, eux, respectaient la consigne de manière beaucoup plus subtile. Ils ont
joué sur des petits détails et ont montré comment les deux parties s’arrangent pour
renforcer le caractère de l’autre. Soit exactement comme l’explique Goffman dans son
oeuvre, au moment où il énonce que, dans le cadre d’une relation conjugale
(hétérosexuelle), la femme, en présence d’autres personnes se montre plus soumise à son
mari afin de le mettre en valeur.
L’arène
Nous sommes passés à un exercice très particulier. L’arène consiste à établir un
différents périmètres au sol. L’espace central est dédié au corps, l’espace intermédiaire
dédié à la voix, et l’espace extérieur est celui des spect’acteurs. Dans l’espace dédié à la
voix, différents textes étaient disposés. L’oeuvre de Goffman, mais aussi des extraits des
observations que nous avions fait les jours précédant. L’espace de voix était également
libre à l’improvisation, ce n’était pas forcément une lecture.L’espace du corps était, lui,
encore plus libre puisque chacun pouvait bouger comme il le souhaitait selon ce qui nous
inspirait. C’était difficile parfois de savoir quoi faire ou de comprendre la logique. On se
savait pas si c’était la voix qui guidait le corps, ou si le corps guidait la voix.
Là encore, je n’ai pas vraiment compris l’intérêt de l’exercice pour les sciences sociales et
l’analyse de l’oeuvre de Goffman. C’était quelque chose de très abstrait. Néanmoins, cela
a été un moment puissant émotionnellement que nous avons partagé. Cela a été une
oeuvre qui dénonce et donne à voir le côté négatif de de l’état de lieu fait dans
L’Arrangement des sexes.
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Figure 2 : temps d’écriture libre après l’arène + debrief
Directement après avoir écrit cela, j’ai effacé “tous”. Le passage aurait dû être
“on a tous donné de notre corps”. La vérité c’est que nous n’avons pas tous
participé, certains restaient dans l’espace des spect’acteurs ou seulement de temps
en temps dans l’espace de la voix.
A la fin du temps de l’arène, l’espace corps ressemblait étrangement à un
monument. Cela pouvait nous rappeler un propos que tenait ironiquement
Goffman à propos de la femme : “Un panthéon de moindre valeure certes, mais
tout de même un panthéon.”
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Théâtre de l’invisible
Nous avons donc mis en place la scène à laquelle nous avions pensé hier. Nous avions
fait un premier essais aux toilettes du DLST, mais il n’y avait quasiment personne à ce
moment là dans les toilettes des femmes. La seule étudiante que nous avons croisé n’a
pas eu l’air étonnée. Et pour causes : il y a des toilettes mixtes au DLST.
Après ce demi échec nous nous sommes rendu aux toilettes de la BU Sciences. Lorsque
nous sommes arrivés devant les toilettes, nous avons été face à une problématique
puisque les toilettes hommes étaient en train d’être nettoyées. Cela paraissait donc
logique que tout le monde logique que tout le monde, homme comme femme, se dirige
vers les toilettes libres (ici celles des femmes).
Lorsque nous sommes tous rentrés, nous prenions beaucoup de place car nous avions
une discussion enflammée. J’étais personnellement tellement concentrée et dans mon
rôle que je n’ai rien remarqué à tout ce qu’il s’est passé. J’avais même l’impression qu’il n’y
avait pas eu des réaction particulière quand au fait que des hommes étaient dans la
toilettes des femmes, mais plutôt par rapport au fait que nous discutions d’un sujet qui
les concernait (le fait qu’on ait beaucoup de travaux à rendre et qu’on se sentait
surmenés à l’université).
Eliot, qui était observateur, nous as-donc raconté par la suite que lorsque nous sommes
rentrée, deux filles se sont regardées interloquées, l’une a même indiqué le panneau du
pictogramme “femme” (le fameu humain portant une robe). C’était vraiment très
enthousiasmant de voir que ce que nous avions mit en place a en quelque sorte marché !
La réflexion institutionnelle que Goffman a dans son oeuvre s’est révélé ici. Les toilettes
séparées est tellement institutionnalisé, que c’est intégré dans la “normalité” et dans les
habitude, que pénétrer dans des toilettes qui ne nous sont pas affectées semble
apparaître comme une véritable transgression à la morale (bien que nous ayons pu voir
au DLST que la mixité semble être de plus en plus institutionnalisé.
Alors que nous avions finit et que nous étions déjà euphoriques de la situation, Julie a
continué d’écouter la discussions que deux étudiantes avaient en les suivant derrière
elles. Ces dernières parlait justement de notre conversations, cela ne leur avait
apparement pas sauté aux yeux que des hommes étaient présents. Peut-être que notre
conversation a détourné le focus initiale, c’est-à-dire la question de la séparation genrée ?
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Figure 3 : Et si c’était à refaire ?
Si c’était à refaire, il faudrait expérimenter cette situation dans les toilettes de
garçons, car il y a fort à parier que les réactions auraient été différentes. Il aurait aussi
fallait parler d’un sujet un peu plus lambda pour le focus soit bien fait au niveau de la
question de la séparation des gens dans des lieux accueillant du public et non pas sur la
question du surmenage à l’université.
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Jour 4 - Jeudi 26 octobre 2018
Le dernier jours était le jours de la représentation pour nous. Personne ne
savait vraiment à quoi s’attendre, si ce n’est que nous allions faire notre spectacle
dans la rue. Julie nous guidait, on reprenait des exercices que nous avions fait dans
la semaine, chacun donnait son point de vue. Et au bout de deux ou trois heures de
processus de création et de deux répétitions, nous avons déroulé notre création
sur le parvis de la Place Centrale où il n’y avait pas grand monde, et sur le parvis de
la BU droit-lettres qui était un espace beaucoup plus restreint, donc les gens étaient
presque obligé de s’arrêter, de nous contourner ou de nous regarder
Déroulement du spectacle
1. Nous marchons en rang, avec une colonne de femmes et une colonne d’hommes
pour nous venir sur “la scène” et nous déplacer d’un endroit à l’autre. Parfois, des
personnes qui se rendaient simplement à la BU intégraient sans s’en rendre
compte notre espace, et se plaçaient dans les espaces vides de colonnes.
2. Puis nous nous placions en deux lignes, face à face. J’étais en face d’Aurélien.
Chacun avait appris une phrase qu’il devait énoncer et cela donnait le départ à la
personne suivante qui devait présenter sa partition corporelle qu’elle avait créé.
Cette partition était une suite de 4 poses correspondant à notre propre genre.
Une fois sa partition corporelle terminée, la personne enchaînait sur sa phrase ce
qui donnait le départ à l’autre et ainsi de suite.
La réplique d’Aurélien (qui me donnait le départ) était “Homme, mère. Homme,
épouse. Homme, fille.” La mienne était “La rue, ensemble et séparés.”
3. A la suite de ce passage, chaque binôme, l’un après l’autre se croisait face à face
en ne se lâchant pas du regard. Et ce pendant que Julie et Thomas (qui étaient sur
les côtés, faisaient des lectures.
4. Puis les deux lignes marchaient ensemble l’une vers l’autre afin de n’en former
qu’une seule. Et nous nous sommes transmis, comme durant l’exercice du fil,
quelque chose qui pouvait symboliser l’arrangement dont parle Goffman. Cet
arrangement qu’on se traîne et qu’on se transmet parce qu’on ne sait pas quoi en
faire.
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5. Ensuite la ligne se brise, et tout le monde se mettait à marcher, plus ou moins
rapidement, en prenant un maximum d’espace. Puis, tout le monde se mettait à
regarder une personne. Si c’était une femme on pouvait la dénigrer ou l’observer
avec admiration, si c’était un homme il devait impérativement être valorisé par
notre regard. Ensuite Lise nous lisait un extrait de Goffman (le fameux passage du
panthéon), puis Léo lisait un texte qu’il avait écrit la veille après l’exercice de
L’Arène.
6. Pour finir, par deux nous enchaînons deux fois de suite une partition de 4 pauses
que nous avions inventé dans la matinée. J’étais de nouveau en binôme avec
Aurélien, et nous enchaînions pauses féminines et pauses masculines. Suite à ça
nous nous remettions en deux colonne, femme et homme, comme au début.
Là non plus je n’ai pas vraiment ressenti l’intérêt de notre création en temps
que jeune chercheur, si ce n’est ce que cela a permi de donner à voir aux
passant.e.s dans la rue les propos de Goffman. Il a été dommage de ne pas pouvoir
parler aux spect’acteurs par la suite, puisque certains n’ont pas du comprendre de
quoi qu’on parler ou quel message on voulait faire passer (quoi que nous étions
nous même pas tous certains du message que nous passions).
Notre création était une forme de manifeste, dans lequel nous accusions cet
arrangement des sexes, qui nous contraint et nous oppresse. Hommes et femmes
sont aliénés de leur libre arbitre en jouant leur rôle comme le metteur en scène (la
société ?) attend que l’on agisse. C’était une création plutôt pessimiste qui ne donne
pas de solution, mais au contraire, laisse la place pour que chacun développe sa
propre réflexion.
Remerciements
Merci à nos enseignantes Claire Revol et Lise Landrin de l’UE “Théories des Sciences
Sociales” pour leur travail récompensé par leur succès au concours universitaire qui nous
a permi d’avoir les financements pour apprendre les sciences sociales autrement.
Merci à Julie Armenio de nous avoir partagé son regard différent, complémentaire et
indispensable sur les questions de genre et d’espace public.
Merci à Gabriele Sofia, qui nous a enseigné sa vision de la relation des sciences sociales
avec l’art du spectacle, souvent séparé mais pourtant bien similaires.
Merci à mes collègues de la L3 “Géographie, espaces et société” qui ont joué le jeux
malgré beaucoup d’appréhensions. Cette semaine n’a pu que renforcer nos relations au
sein du groupe.
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