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Faculté de Médecine Dentaire de Monastir
3ème année Médecine Dentaire
Année Universitaire 2020/2021
Les plaques bactériennes
Dr Wafa NASRI-GAHA
AHU en Parodontologie
3ème
année Médecine Dentaire Dr Wafa NASRI Année Universitaire 2020/2021
2
Table des matières
Introduction............................................................................................................................................. 3
1 Définition......................................................................................................................................... 3
2 Formation........................................................................................................................................ 4
3 Localisation...................................................................................................................................... 5
4 Composition .................................................................................................................................... 6
4.1 Microbiologie de la plaque bactérienne ................................................................................. 6
4.1.1 Plaque sus-gingivale ........................................................................................................ 6
4.1.2 Plaque sous gingivale....................................................................................................... 7
5 Facteurs favorisants la formation de la plaque bactérienne .......................................................... 8
6 Mise en évidence (moyens d’investigation).................................................................................... 9
7 Le biofilm bactérien......................................................................................................................... 9
7.1 Définition................................................................................................................................. 9
7.2 Description ............................................................................................................................ 10
7.3 Formation /organisation ....................................................................................................... 11
7.4 Intérêts du biofilm................................................................................................................. 12
7.5 Les bactéries parodontopathogènes..................................................................................... 13
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Introduction
Depuis plusieurs siècles, les manuels dentaires recommandent la réalisation
des soins d’hygiène bucco-dentaire corrects comme mesure prophylactique
contre les maladies de la denture.
Cependant, l’importance des dépôts dentaires dans le développement de la
maladie parodontale ne reposait sur aucune base scientifique jusqu’à ce que,
au milieu de ce siècle, des études épidémiologiques bien conçues soient
réalisées ;
Ces examens approfondis ont permis de démontrer que la présence de dépôts
dentaires, minéralisés ou non, constituait indubitablement le facteur
étiologique le plus important du développement de la maladie parodontale
(OMS, 1961).
La preuve finale a été fournie par le résultat d’études cliniques au cours
desquelles on induisait expérimentalement une « gingivite » par suspension
des soins d’hygiène bucco-dentaire (Loë et col., 1965 ; Theilade et col., 1966).
Lorsqu’un système correct d’hygiène bucco-dentaire était restitué,
l’inflammation gingivale se résolvait en une semaine restaurant ainsi la santé
parodontale.
En bouche dès la naissance : Flore commensale / saprophyte => au cours de
la vie : variations quantitatives et qualitatives en fonction de : régime
alimenatire, facteurs iatrogènes locaux, état général, et de l’hygiène bucco-
dentaire.
1 Définition
Le terme de plaque a été utilisé pour la première fois dans le contexte de la
dentisterie en 1898 par GV Black, pour décrire la masse microbienne feutré
recouvrant les lésions carieuses.
Elle est définie comme étant constitué d’agrégats bactériens qui se
développent à la surface de dents ou d’autres structures buccales solides
(Dawes et col, 1963).
Il faut faire la distinction entre plaque bactérienne et Materia alba = matériau
blanc, mou, constitué d’agrégats bactériens, de leucocytes et de cellules
épithéliales desquamées qui s’accumule à la surface de la plaque ou des dents
dans une bouche malpropre (OMS, 1961).
La distinction entre les deux repose sur l’importance de l’adhérence du dépôt:
s’il est enlevé par l’action mécanique d’un spray d’eau puissant, le matériau est
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appelé materia alba ; s’il résiste au spray d’eau, il est appelé plaque
bactérienne.
1. C’est un dépôt granuleux, mou, amorphe, résultat de croissance
bactérienne, qui adhère de façon tenace aux dents et aux surfaces dures
de la cavité orale et ne peut être éliminer que par une action mécanique
de la brosse à dent (Glickman, 1972).
2. Les premières études cliniques ont décrit la plaque bactérienne (encore
appelée plaque dentaire) comme une accumulation hétérogène de
bactéries aérobies et anaérobies au sein d’une matrice intercellulaire
mucoproteique constituants un dépôt mou, adhérant, tenace à la surface
des dents et des matériaux dentaires couramment utilisés. Ce dépôt se
développe en quelques heures en l’absence de brossage (Schroeder,
1969 ; Listgarten, 1980).
3. En 1977, schluger proposait la définition suivante : « la plaque
bactérienne est une entité structurée, spécifique, hautement variable,
résultant de l’adhésion sélective de micro-organismes, d’espèces variées
(en fonction de facteurs divers : salivaires, bactériens, alimentaires,
ioniques et immunologiques) et de leur croissance au sein d’une matrice
organique acellulaire (constituée de produits salivaires, bactériens,
sérique) aboutissant à la colonisation de la cavité orale (dents, sillon
gingivo-dentaire, restaurations, prothèse en particulier) ».
Les travaux ont permis de mettre en évidence plusieurs types de plaques
bactériennes en fonction de:
- leur localisation (surface lisse, puits et fissures, sillon gingivo-dentaires) ;
- leur composition bactériologique ;
- leurs activités métaboliques ;
- et leurs incidences pathologiques ou non.
2 Formation
La plaque bactérienne est une communauté bactérienne hétérogène.
La formation de la plaque bactérienne est un processus dynamique
(continu).
Peut se décrire selon une séquence d’évènements :
 Formation de la pellicule exogène acquise :
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Un film organique (glycoprotéines) d’origine salivaire recouvrant les
surfaces dentaires. Celle-ci se forme spontanément dès l’éruption des
dents et en quelques minutes après brossage (15 à 30 min) ;
 Colonisation bactérienne :
La PEA va constituer une source d’éléments nutritifs pour les
bactéries, qui vont coloniser la PEA pour vivre et se multiplier.
 Croissance bactérienne :
Au cours du premier jour de formation de la plaque, le temps moyen
de génération (tps mis par les bactéries pour doubler d’effectif) a été
estimé à environ 3h (pendant 24h une bactérie peut donner au total
256 bactéries).
Après 24h sans brossage une couche de plaque cliniquement visible
apparait.
Quand toutes les mesures d’hygiène bucco-dentaires furent
suspendues : la composition simple de la plaque bactérienne
changea. Au fur et à mesure que la plaque bactérienne augmente
d’épaisseur (maturation), sa composante cellulaire se modifie
(apparition des bactéries plus virulentes).
 Minéralisation de la plaque :
Se fait par précipitation de sels minéraux provenant de la salive (ou
du fluide gingival).
 Formation du tartre qui, par sa surface rugueuse, favorise
l’accumulation de plaque.
3 Localisation
La plaque peut se former n’importe où sur des structures solides de la
cavité buccale lorsque le site n’est pas soumis à l’action mécanique
autonettoyante normale de la langue, des joues et des lèvres.
Des dépôts de plaque sont donc régulièrement présents dans les fissures des
faces occlusales, dans les puits et les irrégularités, même sur les surfaces
dentaires lisses, sur les obturations et couronnes prothétiques et plus
particulièrement le long des restaurations mal ajustées, sur les bagues
d’orthodontie et les prothèses amovibles.
Selon leurs localisations, les plaques peuvent être classées en : sus gingivale /
supra-gingivale ;
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 Plaque sus-gingivale : (lorsqu’elle acquiert une certaine épaisseur)
Apparait comme un enduit blanc jaunâtre localisé tout d’abord le long
du rebord gingival.
 Plaque sous gingivale :
Le sillon gingivo-dentaire (ou poche parodontale) abrite une
collection diverse de bactéries. La colonisation du sulcus se fait à
partir d’un dépôt de plaque sus-gingival pré-existant. La composition
de la plaque sous-gingivale est partiellement influencée par le dépôt
bactérien supra-gingival.
4 Composition
La façon la plus aisée d’obtenir une information sur la composition de la plaque
bactérienne est d’en prélever un petit échantillon au niveau d’une surface
dentaire, de placer cet échantillon sur une lame de microscope et de le teinter
avec un colorant bactérien ;
L’examen de la préparation en microscopie photonique à transmission
révélera la présence d’une multitude de bactéries de types morphologiques
différents.
- Quelques cellules de l’hôte : cellules épithéliales (épithélia buccaux
desquamés), cellules sanguines (leucocytes++, Polynucléaires
neutrophiles) ;
- Micro-organismes autres que les bactéries : au niveau de la plaque
mature : mycoplasmes petit nombre de levures et de protozoaires
(Burnett et Schuster, 1978) ;
- On observe rarement des restes alimentaires reconnaissables au sein de
la plaque dentaire.
Une analyse biochimique de la plaque révèle qu'elle est composée à 80% d'eau
et à 20% de solides : protéines, glucides, lipides et minéraux.
4.1 Microbiologie de la plaque bactérienne
Dans 1 mm3
de plaque bactérienne pesant environ 1 mg, on peut compter plus
de 108
bactéries.
L’environnement caractéristique de chaque localisation favorise le
développement d’une certaine communauté bactérienne.
4.1.1 Plaque sus-gingivale
Gingivite expérimentale chez l’homme :
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Chez un groupe d’étudiant en chirurgie dentaire : enseignement intensif des
mesures d’hygiène (brosse à dents, bâtonnets interdentaires) afin qu’ils
perfectionnent leur hygiène bucco-dentaire.
Ceci à aboutit à une faible formation de plaque et à la présence d’un excellent
état gingival.
Toutes les mesures d’hygiènes ont alors été suspendues permettant ainsi une
nouvelle accumulation de plaque le long du rebord gingival.
Au cours de la période expérimentale, des échantillons de plaque ont été
prélevés à intervalles réguliers et soumis à un examen bactériologique après
coloration des Gram.
*J0 : gencives saines, très peu de bactéries étaient présentes au niveau de la
partie cervicale des couronnes dentaires, cellules épithéliales desquamées +
qlq bactéries (90% des cocci + des bactéries Gram+, le reste Gram-).
*J2 : effectif des bactéries augmente et leur distribution proportionnelle
changea ; Les cocci et bâtonnets Gram- constituaient une plus grande
proportion de la flore ;
*J3-4 : prolifération des fusobactéries et des bactéries filamenteuses ;
*J5à9 : spirilles et spirochètes apparaissent (flore complexe identique à celle de
la plaque mature) ; cocci et bâtonnet Gram+ <50 %(vers 7ème
jr) ;
*2e
-3e
: pas de modification majeure dans la composition ;
4.1.2 Plaque sous gingivale
La colonisation du sulcus gingival débute à partir d’un dépôt de plaque sus-
gingival préexistant. Par conséquence la composition bactérienne de la plaque
sous-gingivale est partiellement influencée par celle de la portion adjacente du
dépôt bactérien sus-gingival.
L’environnement sous gingival influencera les conditions de croissance au
niveau de cette zone :
- anaérobiose (O2---)
- nutriment provenant de l’exudat inflammatoire
- Tissus gingivaux protégeant la plaque
- organismes dépourvus de mécanisme spéciaux d’adhérence
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=> Composition ≠ de celle de la plaque supra-gingivale.
Dans la plaque sous-gingivale d'un sillon sain, les bactéries sont peu
nombreuses et sont séparées de l'épithélium par une couche de polynucléaires
neutrophiles, émigrés par diapédèse depuis les capillaires du conjonctif
gingival. L'accumulation de microorganismes est plus dense du coté cément
que du coté gingival. Les bactéries présentes sont principalement des cocci à
Gram positif et à Gram négatif, ainsi que des formes bacillaires et
filamenteuses. Des spirochètes et des bactéries flagellées sont présents,
particulièrement à la partie apicale de la plaque.
La plaque sous-gingivale d'une poche parodontale est plus complexe et varie en
fonction de la profondeur.
 Du côté dentaire, l'accumulation bactérienne est dense et ressemble à la
plaque supragingivale. A la partie supérieure, les formes filamenteuses
prédominent mais leur nombre diminue avec la profondeur et elles
deviennent rares à la partie apicale. Des cocci et des bacilles à Gram + et
à Gram - sont aussi présents.
= Plaque attachée => tartre sous gingival ;
 L'organisation de la plaque en contact avec le tissu gingival est
différente. La matrice interbactérienne est beaucoup plus lâche,
traduisant une adhérence plus faible. Cette flore est constituée presque
exclusivement de bacilles à Gram - et de microorganismes mobiles avec
de nombreux spirochètes.
= Plaque nageante/ non attachée => parodontopathogène.
5 Facteurs favorisants la formation de la plaque bactérienne
*Le tartre
*Facteurs iatrogène : amalgame, prothèse, absence de point de contact
*Anomalies de morphologie, malpositions dentaires, dents sans antagonistes
*Conditions pathologiques locales : anomalies mucogingivales, hypertrophie,
récession, poche parodontale.. (inflammation gingival => augmentation du flux
d’exudat gingival contenant un grand nombre de facteur de croissance)
*Alimentation molle + hydrate de carbone
*Salive
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6 Mise en évidence (moyens d’investigation)
 Mise en évidence à l’œil nu :
- A l’aide de la sonde, si la plaque est invisible ;
- A l’aide des révélateurs colorés (Fuschine basique, Erythosine à
1%).
 Observation en microscopie photonique :
- Contraste de phase : coloration bleu de méthylène (forme) et
Gram (Gram+, Gram-) ;
- A fond noir (forme et dénombrement des bactéries) ;
- En immunofluorescence indirecte, à l’aide d’anticorps spécifiques
(identification et caractérisation antigénique).
 Observation en microscopie électronique à transmission :
- Etude ultrastructurale des bactéries et de leur organisation
spatiale au sein de la matrice interbactérienne.
 Mise en culture :
- Isolement et identification des bactéries de la plaque et de leur
métabolisme énergétique ;
- Mise en évidence des activités enzymatiques bactériennes ;
- Caractérisation des produits de synthèse.
 Etudes en rapport avec le génome bactérien :
Se font à l’aide de sondes DNA (identification au sein des plaques
bactériennes et aide au diagnostic).
7 Le biofilm bactérien
Les micro-organismes comme les bactéries, les virus, les champignons, les
micro-algues et les protozoaires sont les formes les plus simples de la vie et ils
constituent la majorité de la biomasse vivante. Le biofilm est la principale
forme de vie microbienne, en conséquence il est de plus en plus étudié en tant
que système d’organisation communautaire pour ces micro-organismes (Mann
& Wozniak, 2012; Wagner et al., 2010; Briandet et al., 2012).
7.1 Définition
Étymologiquement, le terme biofilm, vient du grec «bios» (vie) et de
l’anglais «film» (pellicule). L’unité de base est la microcolonie, c’est à-dire un
petit amas de cellules bactériennes identiques. Leur caractère
physiopathologique a été largement décrit en médecine; les biofilms sont ainsi
impliqués dans près de 60% des infections nosocomiales et dans un nombre
non négligeable d’infections prothétiques. ll est unanimement admis que la
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grande majorité des micro-organismes sont présents dans leur environnement
naturel, sous la forme de biofilms. L’état planctonique n’est en réalité qu’une
étape transitoire, favorisant le passage d’un biofilm à un autre. Cette
hypothèse a été décrite dans une étude pionnière de Zobell qui mit ainsi en
évidence un plus grand nombre de bactéries vivantes sur les surfaces d’un
récipient que dans le liquide qu’il contenait.
D’une façon plus générale, un biofilm est une communauté de micro-
organismes assez complexe, adhérée à une surface et encapsulée dans une
matrice de substances polymériques extracellulaires (EPS) produite par les
membres de cette communauté. Selon Costerton et al. (1995), cette définition
inclut les agrégats (par exemple les flocs microbiens dans les stations
d’´epurations) et aussi les populations bactériennes adhérant à des surfaces
(par exemple les biofilms dans les pores de milieux poreux). Les biofilms
peuvent être constitués d’une ou plusieurs espèces de bactéries et se
développer sur des interfaces solides ou liquides variées, que l’on rencontre
par exemple dans l’environnement : fond de rivières, cailloux, racines. . . et
dans les organismes vivants : tube digestifs, plaque bactérienne, plaies . . .
(Costerton et al., 1987).
« Un biofilm est une communauté microbienne adhérente à une surface et
fréquemment incluse dans une matrice de polymères extracellulaires »
(Characklis, 1990)
Elle est capable de se fixer tant sur les surfaces dentaires que sur des éléments
prothétiques, orthodontiques ou sur certaines obturations. A noter que les
études sur l’adhérence bactérienne ont montré que les surfaces lisses sont
aussi facilement colonisées que les surfaces rugueuses, les caractéristiques
physiques d’une surface influant peu. (Costerton et al, 1995) Par contre, les
zones difficiles d’accès au nettoyage (comme les espaces interdentaires ou les
sillons, par exemple) montreront une accumulation plus importante. (Marsh,
2003)
7.2 Description
Il s’agit de microcolonies de bactéries en forme de « tour » ou de
« champignon » réparties de façon précise dans une matrice. Leur organisation
révèle un système de canalisation et des courants d’eau présents entre les
colonies, ce qui permet le passage des nutriments et autres agents nutritifs
jusqu’aux couches profondes du biofilm et agit ainsi comme un système
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circulatoire primitif : les nutriments parviennent aux colonies plus par le biais
de ces microcourants que par diffusion passive dans la matrice.
Fraction acellulaire : la matrice
La matrice ou fraction acellulaire comprend environ 80% d’eau et 20% de
phase solide; cette dernière est constituée de polysaccharides, de protéines, de
lipides, d’oligoéléments, et d’éléments minéraux.
La matrice assure la protection, la nutrition et le développement des bactéries.
C’est un élément important de la barrière de diffusion que constitue la plaque.
Sa structure varie selon les sites, elle peut être fibrillaire ou granuleuse, ou elle
peut être amorphe, et elle contient les restes de lyse bactérienne, surtout
membranaires. Sa composition organique est complexe et les nombreux
constituants solubles qu'elle contient traduisent la diversité de son origine.
Sa composition en protéines vient principalement de l'activité bactérienne sur
les glycoprotéines salivaires après séparation, par une neuraminidase, des
chaînes polysaccharidiques latérales (acide sialique). Les autres protéines
proviennent du cytoplasme et de l’enveloppe des bactéries lysées qui
contiennent des enzymes bactériennes et salivaires, ou encore des
immunoglobulines.
La forte teneur en glucides de la matrice vient de l'activité bactérienne qui
synthétise des polysaccharides par action enzymatique sur les glucides du
régime alimentaire (saccharose) : dextrane, glycane, mutane, levane, fructane.
Ces polymères assurent l'agrégation entre bactéries, mais aussi leur nutrition,
(Mac Cabe et Smith, 1975) et vont ainsi renforcer la cohésion de la plaque
(Hamada et Slade, 1980).
La forte proportion des lipides dans la matrice s'explique par le fait que la
plaque contient un grand nombre de bactéries mortes. La lyse de ces bactéries
laisse sur place des constituants membranaires, observables sous forme de
fragments ou de vésicules, dont le contenu en phospholipides, en acides
lipoteïchoïques et en lipopolysaccharides (LPS) est élevé.
7.3 Formation /organisation
Quatre étapes sont décrites lors de la formation d’un biofilm en général, et
d’un biofilm dentaire en particulier.
1) On observe d’abord une fixation réversible de bactéries à la surface support
(dents, crochets de prothèse, couronnes prothétiques);
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2) Ensuite, un ancrage irréversible des bactéries via des systèmes classiques
d’attaches tels que les flagelles, les pili;
3) Puis, une maturation de la structure, traversée entre autres par des courants
de nutriments, des molécules signal, etc...;
4) Enfin, une dégradation du biofilm, avec un détachement cellulaire massif.
7.4 Intérêts du biofilm
La croissance bactérienne en biofilm présente de nombreux avantages, ce qui
explique sa relative omniprésence. Parmi ceux-ci, nous retiendrons les suivants.
• Création d’un gradient d’oxygène : les cellules situées dans les couches
basales peuvent être en condition anaérobie stricte, ce qui permet la
croissance des principales bactéries pathogènes qui sont en majorité
anaérobies.
• Les bactéries présentes peuvent produire des b-lactamases, catalases,
superoxyde dismutases dirigées contre les ions oxydants libérés par les
phagocytes. Cela produit de fait une grande ligne de défense.
• La production d’élastases et de cellulases, libérées et concentrées à proximité
des tissus, entraîne leur destruction, ce qui génère de nouvelles sources
d’alimentation pour les bactéries.
• L’organisation en biofilm accroît la résistance bactérienne aux antibiotiques
de façon très importante pour certaines espèces ; jusqu’à un facteur 1 000 par
rapport à la forme planctonique. Cette résistance des bactéries organisées en
biofilm repose sur plusieurs hypothèses : le taux de croissance faible des
bactéries les rend plus résistantes par un phénomène de sélection naturelle, et
les rend moins susceptibles aussi. De nombreuses bactéries étant équipées de
matériel de transfert génétique (plasmides et transposons), la transmission des
résistances d’une souche à l’autre se réalise donc dans des conditions plus
aisées. De plus, la matrice, par sa composition particulière et sa consistance,
peut servir de barrière physique à certaines molécules (fortement chargées ou
hautement réactives). Enfin, les cellules sécrètent de nombreuses enzymes
extracellulaires (comme des b-lactamases) qui peuvent se concentrer dans la
matrice et dégrader les molécules antibiotiques. La capacité du biofilm à servir
de barrière contre les antibiotiques dépend donc du type d’antibiotique, de sa
liaison avec la matrice et de sa concentration. Les effets hydrodynamiques et le
turnover des colonies auront aussi un effet important sur l’efficacité de
l’antibiotique.
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La Protection active : Pompes à efflux dans la membrane cytoplasmique
expulsant activement les composants antimicrobiens.
• La matrice et la structure du biofilm permettent une protection physique
contre les nombreuses modifications environnementales.
• Les différentes espèces et leur organisation autorisent une certaine forme de
stabilité dans la composition de la flore : on parle d’homéostasie bactérienne.
Cette stabilité bactérienne rend possible la sécrétion des facteurs de virulence
sur le long terme.
7.5 Les bactéries parodontopathogènes
L’importance de l’organisation bactérienne en biofilm étant prouvée, il faut
compléter cette notion d’organisation spatiale par une notion d’organisation
qualitative: les relations interbactériennes ne sont pas le fruit du hasard, et
SOCRANSKY, en 1998, a montré que les espèces bactériennes impliquées dans
les pathologies parodontales pouvaient être regroupées par groupes. La notion
de complexes bactériens dans la flore parodontopathogène prend forme: il
n’est plus possible de parler de cette pathogénie parodontale associée à une
seule bactérie, hormis pour Aggregatibacter actinomycetemcomitans.
On retrouve donc:
- Aggregatibacter actinomycetemcomitans sérotype b qui forme un complexe à
lui tout seul, n’ayant pas pu être rapproché des autres bactéries,
- Le complexe jaune: Streptococcus sp,
- Le complexe vert: Capnocytophaga sp., Aggregatibacter
actinomycetemcomitans sérotype a, Eikenella corrodens et Campylobacter
concisus,
- Le complexe violet: Veillonella parvula et Actinomyces odontolyticus,
- Le complexe orange: Campylobacter gracilis, Campylobater rectus,
Campylobacter showae, Eubacterium nodatum, Prevotella intermedia,
Prevotella nigrescens, Peptostreptococcus micros, et les sous-espèces de
Fusobacterium nucleatum,
- Le complexe rouge: Porphyromonas gingivalis, Tannerella forsythensis et
Treponema denticola.
L’existence de ces complexes repose sur le fait que les bactéries qui les
composent sont plus souvent retrouvées ensemble qu’avec celles des autres
complexes.
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Les bases biologiques de ces associations ne sont pas connues, mais certaines
bactéries pourraient sécréter des facteurs de croissance pour les autres. De
plus, des associations inter complexes existent, le complexe orange étant
fortement lié au complexe rouge, et les complexes jaune et vert étant eux aussi
en relation.
Enfin, l’existence d’exclusions mutuelles entre des espèces différentes
présuppose un antagonisme bactérien, ou tout au moins une déformation de la
niche écologique en faveur des espèces présentes.
Ces complexes se retrouvent à différents stades au cours de la pathologie:
 Les premiers à intervenir sont les complexes vert et jaune,
 Le complexe violet pouvant servir de lien entre ceux-ci et les
complexes orange et rouge, que l’on retrouve dans les poches les plus
profondes et dans les tableaux cliniques les plus révélateurs de phase
active des parodontites.
 Les études renforcent encore la notion de complexes, et l’on retrouve
une association écologique très forte entre Tannerella forsythensis et
Porphyromonas gingivalis, ces deux espèces bactériennes étant
retrouvées de plus en plus fréquemment et en association avec une
aggravation de la pathologie.
 Enfin, on retrouve les complexes orange et rouge de façon plus
fréquente et en proportion plus importante dans la flore des patients
répondant très faiblement au traitement.
Conclusion
La théorie de la plaque spécifique qui prévaut depuis 20 ans a montré
qu’elle était la théorie la plus acceptable. Cependant, on sait maintenant qu’il
ne faut pas raisonner en voulant trouver une bactérie seule et unique
responsable, mais en recherchant des associations bactériennes particulières
présentes dans la flore. Seules ces associations possèdent les facteurs de
virulence en nombre suffisant et autorisent l’organisation des bactéries en
biofilm.

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  • 1. Faculté de Médecine Dentaire de Monastir 3ème année Médecine Dentaire Année Universitaire 2020/2021 Les plaques bactériennes Dr Wafa NASRI-GAHA AHU en Parodontologie
  • 2. 3ème année Médecine Dentaire Dr Wafa NASRI Année Universitaire 2020/2021 2 Table des matières Introduction............................................................................................................................................. 3 1 Définition......................................................................................................................................... 3 2 Formation........................................................................................................................................ 4 3 Localisation...................................................................................................................................... 5 4 Composition .................................................................................................................................... 6 4.1 Microbiologie de la plaque bactérienne ................................................................................. 6 4.1.1 Plaque sus-gingivale ........................................................................................................ 6 4.1.2 Plaque sous gingivale....................................................................................................... 7 5 Facteurs favorisants la formation de la plaque bactérienne .......................................................... 8 6 Mise en évidence (moyens d’investigation).................................................................................... 9 7 Le biofilm bactérien......................................................................................................................... 9 7.1 Définition................................................................................................................................. 9 7.2 Description ............................................................................................................................ 10 7.3 Formation /organisation ....................................................................................................... 11 7.4 Intérêts du biofilm................................................................................................................. 12 7.5 Les bactéries parodontopathogènes..................................................................................... 13
  • 3. 3ème année Médecine Dentaire Dr Wafa NASRI Année Universitaire 2020/2021 3 Introduction Depuis plusieurs siècles, les manuels dentaires recommandent la réalisation des soins d’hygiène bucco-dentaire corrects comme mesure prophylactique contre les maladies de la denture. Cependant, l’importance des dépôts dentaires dans le développement de la maladie parodontale ne reposait sur aucune base scientifique jusqu’à ce que, au milieu de ce siècle, des études épidémiologiques bien conçues soient réalisées ; Ces examens approfondis ont permis de démontrer que la présence de dépôts dentaires, minéralisés ou non, constituait indubitablement le facteur étiologique le plus important du développement de la maladie parodontale (OMS, 1961). La preuve finale a été fournie par le résultat d’études cliniques au cours desquelles on induisait expérimentalement une « gingivite » par suspension des soins d’hygiène bucco-dentaire (Loë et col., 1965 ; Theilade et col., 1966). Lorsqu’un système correct d’hygiène bucco-dentaire était restitué, l’inflammation gingivale se résolvait en une semaine restaurant ainsi la santé parodontale. En bouche dès la naissance : Flore commensale / saprophyte => au cours de la vie : variations quantitatives et qualitatives en fonction de : régime alimenatire, facteurs iatrogènes locaux, état général, et de l’hygiène bucco- dentaire. 1 Définition Le terme de plaque a été utilisé pour la première fois dans le contexte de la dentisterie en 1898 par GV Black, pour décrire la masse microbienne feutré recouvrant les lésions carieuses. Elle est définie comme étant constitué d’agrégats bactériens qui se développent à la surface de dents ou d’autres structures buccales solides (Dawes et col, 1963). Il faut faire la distinction entre plaque bactérienne et Materia alba = matériau blanc, mou, constitué d’agrégats bactériens, de leucocytes et de cellules épithéliales desquamées qui s’accumule à la surface de la plaque ou des dents dans une bouche malpropre (OMS, 1961). La distinction entre les deux repose sur l’importance de l’adhérence du dépôt: s’il est enlevé par l’action mécanique d’un spray d’eau puissant, le matériau est
  • 4. 3ème année Médecine Dentaire Dr Wafa NASRI Année Universitaire 2020/2021 4 appelé materia alba ; s’il résiste au spray d’eau, il est appelé plaque bactérienne. 1. C’est un dépôt granuleux, mou, amorphe, résultat de croissance bactérienne, qui adhère de façon tenace aux dents et aux surfaces dures de la cavité orale et ne peut être éliminer que par une action mécanique de la brosse à dent (Glickman, 1972). 2. Les premières études cliniques ont décrit la plaque bactérienne (encore appelée plaque dentaire) comme une accumulation hétérogène de bactéries aérobies et anaérobies au sein d’une matrice intercellulaire mucoproteique constituants un dépôt mou, adhérant, tenace à la surface des dents et des matériaux dentaires couramment utilisés. Ce dépôt se développe en quelques heures en l’absence de brossage (Schroeder, 1969 ; Listgarten, 1980). 3. En 1977, schluger proposait la définition suivante : « la plaque bactérienne est une entité structurée, spécifique, hautement variable, résultant de l’adhésion sélective de micro-organismes, d’espèces variées (en fonction de facteurs divers : salivaires, bactériens, alimentaires, ioniques et immunologiques) et de leur croissance au sein d’une matrice organique acellulaire (constituée de produits salivaires, bactériens, sérique) aboutissant à la colonisation de la cavité orale (dents, sillon gingivo-dentaire, restaurations, prothèse en particulier) ». Les travaux ont permis de mettre en évidence plusieurs types de plaques bactériennes en fonction de: - leur localisation (surface lisse, puits et fissures, sillon gingivo-dentaires) ; - leur composition bactériologique ; - leurs activités métaboliques ; - et leurs incidences pathologiques ou non. 2 Formation La plaque bactérienne est une communauté bactérienne hétérogène. La formation de la plaque bactérienne est un processus dynamique (continu). Peut se décrire selon une séquence d’évènements :  Formation de la pellicule exogène acquise :
  • 5. 3ème année Médecine Dentaire Dr Wafa NASRI Année Universitaire 2020/2021 5 Un film organique (glycoprotéines) d’origine salivaire recouvrant les surfaces dentaires. Celle-ci se forme spontanément dès l’éruption des dents et en quelques minutes après brossage (15 à 30 min) ;  Colonisation bactérienne : La PEA va constituer une source d’éléments nutritifs pour les bactéries, qui vont coloniser la PEA pour vivre et se multiplier.  Croissance bactérienne : Au cours du premier jour de formation de la plaque, le temps moyen de génération (tps mis par les bactéries pour doubler d’effectif) a été estimé à environ 3h (pendant 24h une bactérie peut donner au total 256 bactéries). Après 24h sans brossage une couche de plaque cliniquement visible apparait. Quand toutes les mesures d’hygiène bucco-dentaires furent suspendues : la composition simple de la plaque bactérienne changea. Au fur et à mesure que la plaque bactérienne augmente d’épaisseur (maturation), sa composante cellulaire se modifie (apparition des bactéries plus virulentes).  Minéralisation de la plaque : Se fait par précipitation de sels minéraux provenant de la salive (ou du fluide gingival).  Formation du tartre qui, par sa surface rugueuse, favorise l’accumulation de plaque. 3 Localisation La plaque peut se former n’importe où sur des structures solides de la cavité buccale lorsque le site n’est pas soumis à l’action mécanique autonettoyante normale de la langue, des joues et des lèvres. Des dépôts de plaque sont donc régulièrement présents dans les fissures des faces occlusales, dans les puits et les irrégularités, même sur les surfaces dentaires lisses, sur les obturations et couronnes prothétiques et plus particulièrement le long des restaurations mal ajustées, sur les bagues d’orthodontie et les prothèses amovibles. Selon leurs localisations, les plaques peuvent être classées en : sus gingivale / supra-gingivale ;
  • 6. 3ème année Médecine Dentaire Dr Wafa NASRI Année Universitaire 2020/2021 6  Plaque sus-gingivale : (lorsqu’elle acquiert une certaine épaisseur) Apparait comme un enduit blanc jaunâtre localisé tout d’abord le long du rebord gingival.  Plaque sous gingivale : Le sillon gingivo-dentaire (ou poche parodontale) abrite une collection diverse de bactéries. La colonisation du sulcus se fait à partir d’un dépôt de plaque sus-gingival pré-existant. La composition de la plaque sous-gingivale est partiellement influencée par le dépôt bactérien supra-gingival. 4 Composition La façon la plus aisée d’obtenir une information sur la composition de la plaque bactérienne est d’en prélever un petit échantillon au niveau d’une surface dentaire, de placer cet échantillon sur une lame de microscope et de le teinter avec un colorant bactérien ; L’examen de la préparation en microscopie photonique à transmission révélera la présence d’une multitude de bactéries de types morphologiques différents. - Quelques cellules de l’hôte : cellules épithéliales (épithélia buccaux desquamés), cellules sanguines (leucocytes++, Polynucléaires neutrophiles) ; - Micro-organismes autres que les bactéries : au niveau de la plaque mature : mycoplasmes petit nombre de levures et de protozoaires (Burnett et Schuster, 1978) ; - On observe rarement des restes alimentaires reconnaissables au sein de la plaque dentaire. Une analyse biochimique de la plaque révèle qu'elle est composée à 80% d'eau et à 20% de solides : protéines, glucides, lipides et minéraux. 4.1 Microbiologie de la plaque bactérienne Dans 1 mm3 de plaque bactérienne pesant environ 1 mg, on peut compter plus de 108 bactéries. L’environnement caractéristique de chaque localisation favorise le développement d’une certaine communauté bactérienne. 4.1.1 Plaque sus-gingivale Gingivite expérimentale chez l’homme :
  • 7. 3ème année Médecine Dentaire Dr Wafa NASRI Année Universitaire 2020/2021 7 Chez un groupe d’étudiant en chirurgie dentaire : enseignement intensif des mesures d’hygiène (brosse à dents, bâtonnets interdentaires) afin qu’ils perfectionnent leur hygiène bucco-dentaire. Ceci à aboutit à une faible formation de plaque et à la présence d’un excellent état gingival. Toutes les mesures d’hygiènes ont alors été suspendues permettant ainsi une nouvelle accumulation de plaque le long du rebord gingival. Au cours de la période expérimentale, des échantillons de plaque ont été prélevés à intervalles réguliers et soumis à un examen bactériologique après coloration des Gram. *J0 : gencives saines, très peu de bactéries étaient présentes au niveau de la partie cervicale des couronnes dentaires, cellules épithéliales desquamées + qlq bactéries (90% des cocci + des bactéries Gram+, le reste Gram-). *J2 : effectif des bactéries augmente et leur distribution proportionnelle changea ; Les cocci et bâtonnets Gram- constituaient une plus grande proportion de la flore ; *J3-4 : prolifération des fusobactéries et des bactéries filamenteuses ; *J5à9 : spirilles et spirochètes apparaissent (flore complexe identique à celle de la plaque mature) ; cocci et bâtonnet Gram+ <50 %(vers 7ème jr) ; *2e -3e : pas de modification majeure dans la composition ; 4.1.2 Plaque sous gingivale La colonisation du sulcus gingival débute à partir d’un dépôt de plaque sus- gingival préexistant. Par conséquence la composition bactérienne de la plaque sous-gingivale est partiellement influencée par celle de la portion adjacente du dépôt bactérien sus-gingival. L’environnement sous gingival influencera les conditions de croissance au niveau de cette zone : - anaérobiose (O2---) - nutriment provenant de l’exudat inflammatoire - Tissus gingivaux protégeant la plaque - organismes dépourvus de mécanisme spéciaux d’adhérence
  • 8. 3ème année Médecine Dentaire Dr Wafa NASRI Année Universitaire 2020/2021 8 => Composition ≠ de celle de la plaque supra-gingivale. Dans la plaque sous-gingivale d'un sillon sain, les bactéries sont peu nombreuses et sont séparées de l'épithélium par une couche de polynucléaires neutrophiles, émigrés par diapédèse depuis les capillaires du conjonctif gingival. L'accumulation de microorganismes est plus dense du coté cément que du coté gingival. Les bactéries présentes sont principalement des cocci à Gram positif et à Gram négatif, ainsi que des formes bacillaires et filamenteuses. Des spirochètes et des bactéries flagellées sont présents, particulièrement à la partie apicale de la plaque. La plaque sous-gingivale d'une poche parodontale est plus complexe et varie en fonction de la profondeur.  Du côté dentaire, l'accumulation bactérienne est dense et ressemble à la plaque supragingivale. A la partie supérieure, les formes filamenteuses prédominent mais leur nombre diminue avec la profondeur et elles deviennent rares à la partie apicale. Des cocci et des bacilles à Gram + et à Gram - sont aussi présents. = Plaque attachée => tartre sous gingival ;  L'organisation de la plaque en contact avec le tissu gingival est différente. La matrice interbactérienne est beaucoup plus lâche, traduisant une adhérence plus faible. Cette flore est constituée presque exclusivement de bacilles à Gram - et de microorganismes mobiles avec de nombreux spirochètes. = Plaque nageante/ non attachée => parodontopathogène. 5 Facteurs favorisants la formation de la plaque bactérienne *Le tartre *Facteurs iatrogène : amalgame, prothèse, absence de point de contact *Anomalies de morphologie, malpositions dentaires, dents sans antagonistes *Conditions pathologiques locales : anomalies mucogingivales, hypertrophie, récession, poche parodontale.. (inflammation gingival => augmentation du flux d’exudat gingival contenant un grand nombre de facteur de croissance) *Alimentation molle + hydrate de carbone *Salive
  • 9. 3ème année Médecine Dentaire Dr Wafa NASRI Année Universitaire 2020/2021 9 6 Mise en évidence (moyens d’investigation)  Mise en évidence à l’œil nu : - A l’aide de la sonde, si la plaque est invisible ; - A l’aide des révélateurs colorés (Fuschine basique, Erythosine à 1%).  Observation en microscopie photonique : - Contraste de phase : coloration bleu de méthylène (forme) et Gram (Gram+, Gram-) ; - A fond noir (forme et dénombrement des bactéries) ; - En immunofluorescence indirecte, à l’aide d’anticorps spécifiques (identification et caractérisation antigénique).  Observation en microscopie électronique à transmission : - Etude ultrastructurale des bactéries et de leur organisation spatiale au sein de la matrice interbactérienne.  Mise en culture : - Isolement et identification des bactéries de la plaque et de leur métabolisme énergétique ; - Mise en évidence des activités enzymatiques bactériennes ; - Caractérisation des produits de synthèse.  Etudes en rapport avec le génome bactérien : Se font à l’aide de sondes DNA (identification au sein des plaques bactériennes et aide au diagnostic). 7 Le biofilm bactérien Les micro-organismes comme les bactéries, les virus, les champignons, les micro-algues et les protozoaires sont les formes les plus simples de la vie et ils constituent la majorité de la biomasse vivante. Le biofilm est la principale forme de vie microbienne, en conséquence il est de plus en plus étudié en tant que système d’organisation communautaire pour ces micro-organismes (Mann & Wozniak, 2012; Wagner et al., 2010; Briandet et al., 2012). 7.1 Définition Étymologiquement, le terme biofilm, vient du grec «bios» (vie) et de l’anglais «film» (pellicule). L’unité de base est la microcolonie, c’est à-dire un petit amas de cellules bactériennes identiques. Leur caractère physiopathologique a été largement décrit en médecine; les biofilms sont ainsi impliqués dans près de 60% des infections nosocomiales et dans un nombre non négligeable d’infections prothétiques. ll est unanimement admis que la
  • 10. 3ème année Médecine Dentaire Dr Wafa NASRI Année Universitaire 2020/2021 10 grande majorité des micro-organismes sont présents dans leur environnement naturel, sous la forme de biofilms. L’état planctonique n’est en réalité qu’une étape transitoire, favorisant le passage d’un biofilm à un autre. Cette hypothèse a été décrite dans une étude pionnière de Zobell qui mit ainsi en évidence un plus grand nombre de bactéries vivantes sur les surfaces d’un récipient que dans le liquide qu’il contenait. D’une façon plus générale, un biofilm est une communauté de micro- organismes assez complexe, adhérée à une surface et encapsulée dans une matrice de substances polymériques extracellulaires (EPS) produite par les membres de cette communauté. Selon Costerton et al. (1995), cette définition inclut les agrégats (par exemple les flocs microbiens dans les stations d’´epurations) et aussi les populations bactériennes adhérant à des surfaces (par exemple les biofilms dans les pores de milieux poreux). Les biofilms peuvent être constitués d’une ou plusieurs espèces de bactéries et se développer sur des interfaces solides ou liquides variées, que l’on rencontre par exemple dans l’environnement : fond de rivières, cailloux, racines. . . et dans les organismes vivants : tube digestifs, plaque bactérienne, plaies . . . (Costerton et al., 1987). « Un biofilm est une communauté microbienne adhérente à une surface et fréquemment incluse dans une matrice de polymères extracellulaires » (Characklis, 1990) Elle est capable de se fixer tant sur les surfaces dentaires que sur des éléments prothétiques, orthodontiques ou sur certaines obturations. A noter que les études sur l’adhérence bactérienne ont montré que les surfaces lisses sont aussi facilement colonisées que les surfaces rugueuses, les caractéristiques physiques d’une surface influant peu. (Costerton et al, 1995) Par contre, les zones difficiles d’accès au nettoyage (comme les espaces interdentaires ou les sillons, par exemple) montreront une accumulation plus importante. (Marsh, 2003) 7.2 Description Il s’agit de microcolonies de bactéries en forme de « tour » ou de « champignon » réparties de façon précise dans une matrice. Leur organisation révèle un système de canalisation et des courants d’eau présents entre les colonies, ce qui permet le passage des nutriments et autres agents nutritifs jusqu’aux couches profondes du biofilm et agit ainsi comme un système
  • 11. 3ème année Médecine Dentaire Dr Wafa NASRI Année Universitaire 2020/2021 11 circulatoire primitif : les nutriments parviennent aux colonies plus par le biais de ces microcourants que par diffusion passive dans la matrice. Fraction acellulaire : la matrice La matrice ou fraction acellulaire comprend environ 80% d’eau et 20% de phase solide; cette dernière est constituée de polysaccharides, de protéines, de lipides, d’oligoéléments, et d’éléments minéraux. La matrice assure la protection, la nutrition et le développement des bactéries. C’est un élément important de la barrière de diffusion que constitue la plaque. Sa structure varie selon les sites, elle peut être fibrillaire ou granuleuse, ou elle peut être amorphe, et elle contient les restes de lyse bactérienne, surtout membranaires. Sa composition organique est complexe et les nombreux constituants solubles qu'elle contient traduisent la diversité de son origine. Sa composition en protéines vient principalement de l'activité bactérienne sur les glycoprotéines salivaires après séparation, par une neuraminidase, des chaînes polysaccharidiques latérales (acide sialique). Les autres protéines proviennent du cytoplasme et de l’enveloppe des bactéries lysées qui contiennent des enzymes bactériennes et salivaires, ou encore des immunoglobulines. La forte teneur en glucides de la matrice vient de l'activité bactérienne qui synthétise des polysaccharides par action enzymatique sur les glucides du régime alimentaire (saccharose) : dextrane, glycane, mutane, levane, fructane. Ces polymères assurent l'agrégation entre bactéries, mais aussi leur nutrition, (Mac Cabe et Smith, 1975) et vont ainsi renforcer la cohésion de la plaque (Hamada et Slade, 1980). La forte proportion des lipides dans la matrice s'explique par le fait que la plaque contient un grand nombre de bactéries mortes. La lyse de ces bactéries laisse sur place des constituants membranaires, observables sous forme de fragments ou de vésicules, dont le contenu en phospholipides, en acides lipoteïchoïques et en lipopolysaccharides (LPS) est élevé. 7.3 Formation /organisation Quatre étapes sont décrites lors de la formation d’un biofilm en général, et d’un biofilm dentaire en particulier. 1) On observe d’abord une fixation réversible de bactéries à la surface support (dents, crochets de prothèse, couronnes prothétiques);
  • 12. 3ème année Médecine Dentaire Dr Wafa NASRI Année Universitaire 2020/2021 12 2) Ensuite, un ancrage irréversible des bactéries via des systèmes classiques d’attaches tels que les flagelles, les pili; 3) Puis, une maturation de la structure, traversée entre autres par des courants de nutriments, des molécules signal, etc...; 4) Enfin, une dégradation du biofilm, avec un détachement cellulaire massif. 7.4 Intérêts du biofilm La croissance bactérienne en biofilm présente de nombreux avantages, ce qui explique sa relative omniprésence. Parmi ceux-ci, nous retiendrons les suivants. • Création d’un gradient d’oxygène : les cellules situées dans les couches basales peuvent être en condition anaérobie stricte, ce qui permet la croissance des principales bactéries pathogènes qui sont en majorité anaérobies. • Les bactéries présentes peuvent produire des b-lactamases, catalases, superoxyde dismutases dirigées contre les ions oxydants libérés par les phagocytes. Cela produit de fait une grande ligne de défense. • La production d’élastases et de cellulases, libérées et concentrées à proximité des tissus, entraîne leur destruction, ce qui génère de nouvelles sources d’alimentation pour les bactéries. • L’organisation en biofilm accroît la résistance bactérienne aux antibiotiques de façon très importante pour certaines espèces ; jusqu’à un facteur 1 000 par rapport à la forme planctonique. Cette résistance des bactéries organisées en biofilm repose sur plusieurs hypothèses : le taux de croissance faible des bactéries les rend plus résistantes par un phénomène de sélection naturelle, et les rend moins susceptibles aussi. De nombreuses bactéries étant équipées de matériel de transfert génétique (plasmides et transposons), la transmission des résistances d’une souche à l’autre se réalise donc dans des conditions plus aisées. De plus, la matrice, par sa composition particulière et sa consistance, peut servir de barrière physique à certaines molécules (fortement chargées ou hautement réactives). Enfin, les cellules sécrètent de nombreuses enzymes extracellulaires (comme des b-lactamases) qui peuvent se concentrer dans la matrice et dégrader les molécules antibiotiques. La capacité du biofilm à servir de barrière contre les antibiotiques dépend donc du type d’antibiotique, de sa liaison avec la matrice et de sa concentration. Les effets hydrodynamiques et le turnover des colonies auront aussi un effet important sur l’efficacité de l’antibiotique.
  • 13. 3ème année Médecine Dentaire Dr Wafa NASRI Année Universitaire 2020/2021 13 La Protection active : Pompes à efflux dans la membrane cytoplasmique expulsant activement les composants antimicrobiens. • La matrice et la structure du biofilm permettent une protection physique contre les nombreuses modifications environnementales. • Les différentes espèces et leur organisation autorisent une certaine forme de stabilité dans la composition de la flore : on parle d’homéostasie bactérienne. Cette stabilité bactérienne rend possible la sécrétion des facteurs de virulence sur le long terme. 7.5 Les bactéries parodontopathogènes L’importance de l’organisation bactérienne en biofilm étant prouvée, il faut compléter cette notion d’organisation spatiale par une notion d’organisation qualitative: les relations interbactériennes ne sont pas le fruit du hasard, et SOCRANSKY, en 1998, a montré que les espèces bactériennes impliquées dans les pathologies parodontales pouvaient être regroupées par groupes. La notion de complexes bactériens dans la flore parodontopathogène prend forme: il n’est plus possible de parler de cette pathogénie parodontale associée à une seule bactérie, hormis pour Aggregatibacter actinomycetemcomitans. On retrouve donc: - Aggregatibacter actinomycetemcomitans sérotype b qui forme un complexe à lui tout seul, n’ayant pas pu être rapproché des autres bactéries, - Le complexe jaune: Streptococcus sp, - Le complexe vert: Capnocytophaga sp., Aggregatibacter actinomycetemcomitans sérotype a, Eikenella corrodens et Campylobacter concisus, - Le complexe violet: Veillonella parvula et Actinomyces odontolyticus, - Le complexe orange: Campylobacter gracilis, Campylobater rectus, Campylobacter showae, Eubacterium nodatum, Prevotella intermedia, Prevotella nigrescens, Peptostreptococcus micros, et les sous-espèces de Fusobacterium nucleatum, - Le complexe rouge: Porphyromonas gingivalis, Tannerella forsythensis et Treponema denticola. L’existence de ces complexes repose sur le fait que les bactéries qui les composent sont plus souvent retrouvées ensemble qu’avec celles des autres complexes.
  • 14. 3ème année Médecine Dentaire Dr Wafa NASRI Année Universitaire 2020/2021 14 Les bases biologiques de ces associations ne sont pas connues, mais certaines bactéries pourraient sécréter des facteurs de croissance pour les autres. De plus, des associations inter complexes existent, le complexe orange étant fortement lié au complexe rouge, et les complexes jaune et vert étant eux aussi en relation. Enfin, l’existence d’exclusions mutuelles entre des espèces différentes présuppose un antagonisme bactérien, ou tout au moins une déformation de la niche écologique en faveur des espèces présentes. Ces complexes se retrouvent à différents stades au cours de la pathologie:  Les premiers à intervenir sont les complexes vert et jaune,  Le complexe violet pouvant servir de lien entre ceux-ci et les complexes orange et rouge, que l’on retrouve dans les poches les plus profondes et dans les tableaux cliniques les plus révélateurs de phase active des parodontites.  Les études renforcent encore la notion de complexes, et l’on retrouve une association écologique très forte entre Tannerella forsythensis et Porphyromonas gingivalis, ces deux espèces bactériennes étant retrouvées de plus en plus fréquemment et en association avec une aggravation de la pathologie.  Enfin, on retrouve les complexes orange et rouge de façon plus fréquente et en proportion plus importante dans la flore des patients répondant très faiblement au traitement. Conclusion La théorie de la plaque spécifique qui prévaut depuis 20 ans a montré qu’elle était la théorie la plus acceptable. Cependant, on sait maintenant qu’il ne faut pas raisonner en voulant trouver une bactérie seule et unique responsable, mais en recherchant des associations bactériennes particulières présentes dans la flore. Seules ces associations possèdent les facteurs de virulence en nombre suffisant et autorisent l’organisation des bactéries en biofilm.