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HONNEUR (DON JUAN)
Dictionnaire de Don Juan.
Sous la direction de Pierre Brunel,
Paris: Robert Laffont, 1999, p. 472-482.
ISBN: 978-2221078662.
Peut-être l’honneur est-il l’un des thèmes les plus importants du mythe donjuanesque. Tantôt
de manière directe, tantôt de manière indirecte, il apparaît dans la presque totalité des rapports que le
héros entretient avec la plupart des personnages. Les premières pièces ne laissent aucun doute sur le
but déshonorant du protagoniste, le même qui lui vaut son surnom de burlador. Précisément, chez
Tirso, la définition de Don Juan apparaît dans un passage où il est question de ses rapports avec les
femmes et le déshonneur qui s’ensuit pour elles: “Séville à grands cris me nomme l’Abuseur, et le
plus vif plaisir que je puisse trouver, c’est d’abuser une femme et de l’abandonner privée de son
honneur”. La pièce de Molière en dit long aussi sur le souvenir que Dom Juan laisse à son passage:
“Ciel offensé, lois violées, filles séduites, familles déshonorées, parents outragés, femmes mises à mal,
maris poussés à bout”. Le sculpteur de Zorrilla raconte au passant la réputation de Don Juan: “Rien
sur cette terre n’était respecté par lui. Chimérique, séducteur et heureux au jeu; face à lui rien n’était
sûr, ni la vie, ni les biens, ni l’honneur”. C’est la même mauvaise renommée que le Commandeur
Pedro de Ulloa évoque vers la fin de la pièce de Lenau: “J’ai retrouvé plus d’une pauvre femme qui
par vous a connu peine, détresse et honte”. Ou encore la mauvaise trace que décrit l’évêque de
Cordoue dans la pièce de Frisch: “Des mariages profanés, des familles détruites, des filles séduites,
des pères passés au fil de l’épée, sans rien dire des maris condamnés à survivre à leur déshonneur”.
L’honneur est conçu comme une marchandise qui rend compte de la valeur de chaque
personnage. Ce n’est pas en vain si Donna Isabella rappelle au roi de Naples que “l’honneur est le
trésor le plus apprécié du monde” (Cicognini); mieux, “l’honneur est infiniment plus précieux que la
vie” affirme Dom Alonse prêt à tuer Dom Juan, ravisseur de son honneur sur la personne de sa sœur
Done Elvire (Molière). On comprend alors que cette valeur accordée à l’honneur implique la mise en
place de tous les moyens pour le recouvrer une fois qu’il est perdu. Certes la récupération totale est à
proprement parler impossible dans la plupart des cas. Aussi recourt-on aux différents moyens
susceptibles de rétablir la situation initiale.
La réputation
Il existe une conception de l’honneur selon laquelle la personne n’évalue le poids de son
honneur qu’en fonction de l’opinion publique: “La réputation est le plus important”, dit le
Commandeur à Don Juan dans le roman de Torrente Ballester. Une tache suppose seulement une
perte de l’honneur si elle est connue par la société; en revanche, une infraction aux règles morales
n’est point déshonorante si les gens ne viennent pas à en avoir connaissance. Cet honneur fondé dans
l’opinion du monde acquiert des dimensions disproportionnées au Siècle d’Or espagnol (notamment
avec les “drames de l’honneur” de Calderón de la Barca). La dérive hispanique de cette conception
veut que l’honneur des membres mâles de la famille vienne à dépendre directement de la conduite
des femmes du groupe. Une action réputée mauvaise n’est objet de blâme pour la famille que si elle
en vient à être socialement connue. Cet honneur reposant sur le comportement de la femme apparaît
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sans cesse dans les œuvres espagnoles (notamment dans L’Abuseur de Séville) et se répand partout lors
des différentes cristallisations du mythe.
Malgré les mesures de prudence mises en place par les gardiens de l’honneur féminin, le
séducteur parvient à ses fins, ce qui provoque de nombreuses situations dramatiques. C’est surtout le
cas célèbre, chez Tirso, du Commandeur qui fait acte d’irruption dans la chambre de Doña Ana alors
que Don Juan est en train de prendre la fuite. Comme il entend les cris de sa fille, la première idée
qui lui vient à l’esprit est la “mort” de son honneur; puis, face à Don Juan, il laisse écouler sa bile
dans une phrase enragée où il déplore “l’écroulement de la tour de son honneur” et de sa vie avec lui.
Les soupirants de Doña Ana se plaignent et promettent de venger l’offense commise par Don Juan.
C’est une offense multiple car elle suppose un enchaînement de déshonneurs: celui du Commandeur,
celui de Doña Ana et celui du fiancé (Zamora). Mozart accorde une telle importance à cette scène
qu’il la situe au début de son opéra. “Forcer la fille et trucider le père”, comme s’exclame Leporello,
prend ainsi une ampleur inouïe jusqu’alors. C’est le déshonneur de la famille d’Ulloa qui doit causer,
en dernier ressort, la mort du séducteur.
Le sujet du Commandeur soucieux de l’honneur de sa fille revient avec force dans la pièce de
Zorrilla. Depuis sa naissance, elle a vécu au couvent à l’abri de tout contact avec le monde; rien, en
principe, ne permet de supposer qu’elle ait la moindre pensée malhonnête. Mais le Commandeur de
Ulloa vient d’entendre dans l’hôtellerie de Buttarelli le pari entre Don Juan et Don Luis: le séducteur
s’est vanté de pouvoir abuser sous peu d’une novice. Aussi Don Gonzalo s’adresse-t-il incontinent
au couvent et demande à voir l’abbesse pour une “affaire qui intéresse fort son honneur et sa vie”.
L’abbesse est sur le point de rassurer le Commandeur lorsque survient la tourière annonçant qu’un
homme vient d’escalader le mur du jardin. Le Commandeur fait signe de sortir en vitesse afin d’éviter
le pire, et comme l’abbesse lui demande où il va il répond sans plus de réflexions: “Imbécile! A la
recherche de mon honneur que l’on vous dérobe d’ici”.
Ce ne sont pas les mêmes raisonnements de l’intellect rationnel, mais on peut apercevoir le
résultat ultime du cheminement parcouru par la conception de l’honneur du Commandeur dans le
mythe de Don Juan: ce meurtre d’un homme, qui considère la flétrissure infligée par l’abuseur à son
honneur comme irréparable, est devenu une affaire dans laquelle se mêlent d’autres notions (la
moquerie chez Tolstoï, le malentendu chez Shaw, le ridicule chez Frisch, la naïveté chez Montherlant
ou les formes chez Torrente Ballester). La cause ultime, on la trouve dans une dévalorisation
progressive de la véritable essence de l’honneur comme cohérence personnelle au profit d’une
formalité sociale ou de la réputation.
A cela, il faut ajouter l’idée que l’homme se faisait de la femme. Le sexe féminin était considéré
comme celui de la frivolité et de l’humeur changeante; aussi ne sera-t-on point étonné de la défiance
qu’il affiche à son égard. Les hommes observent une attitude extrêmement pointilleuse afin d’éviter
tout rapport entre les femmes et un inconnu. Il est même des cas, comme celui de la pièce de Zorrilla,
où le fiancé affirme “prêter beaucoup moins de confiance aux femmes qu’à Don Juan”. C’est
pourquoi, il décide de faire le guet la nuit à l’intérieur de la maison de Doña Ana de Pantoja. Mais
c’est en vain car, enfin, il doit reconnaître que Don Juan a gagné le pari. L’amertume qu’il ressent de
voir son honneur flétri dans la personne de sa fiancée le pousse plus tard au duel avec le séducteur
pour “laver la tache” faite à son honneur.
Quoique la société mette dans la bouche de l’homme la plupart des protestations contre cette
loi de l’honneur, il faut noter que la femme est la première à se rendre compte de la perte d’honneur
qu’entraîne sa mauvaise réputation. Isabela ne s’exclame “Ah! Honneur perdu” qu’après que sa
mauvaise action est découverte par le roi (Tirso, I, v. 26). La pièce de Cicognini reprend cette idée en
y ajoutant une modification stylistique qui ne manque pas d’intérêt. Lors de son entretien avec le
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gouverneur du palais royal, Donna Isabella jure, pour la dame honorée qu’elle a été, ne pas avoir
reconnu l’homme qui l’a abusée: c’est une manière de reconnaître implicitement qu’elle n’a plus cet
honneur. Cette conscience de perte de l’honneur est plus expressive encore dans le dialogue avec son
valet Fabio lors de leur voyage à Séville pour demander vengeance. Le commentaire de Fabio est fort
éloquent; il ne parvient pas à comprendre le motif de la tristesse d’Isabela puisque le roi lui a promis
de la marier à Don Juan. L’explication de la duchesse n’admet pas d’objections: “Ma tristesse ne naît
pas d’être femme de Don Juan car tout le monde connaît sa qualité noble. Je fonde mon tourment
dans le bruit répandu. Je devrai pleurer jusqu’à la fin de ma vie la perte de ma bonne réputation”.
Cette loi de l’honneur contient une clause encore plus inexplicable de nos jours. L’honneur
familial est terni lorsque un tiers commet une action immorale contre un membre féminin quand bien
même la conduite de la femme est vertueuse; l’offense faite à la femme non consentante suffit pour
porter préjudice à l’honneur familial. Le courroux de Dom Pierre le montre assez bien; ayant appris
le viol d’Amarille il dégaine et menace le malfaiteur: “Quoi traître! En ma maison et pour forcer ma
fille, / Pour me déshonorer et toute ma famille!” (Dorimon, II, 2, v. 365-367). A son tour, Dom
Alonse, chez Molière, avoue que son honneur “est blessé mortellement” à la suite de la séduction de
sa sœur par Dom Juan.
Les plaintes des hommes contre cette conception de l’honneur sont fréquentes. Le roi de
Naples commente l’injustice de cette loi qui fait reposer l’honneur des hommes sur la conduite des
femmes: “Ah! pauvre honneur! Si tu es l’âme de l’homme, pourquoi met-on ton principe dans la
femme frivole qui est la légèreté en personne?” (Tirso, I, v. 153-156). Cette conception de l’honneur
trouve une manifestation parfaite dans la pièce de Molière, où Dom Carlos se plaint des conséquences
qu’a entraînées le déshonneur de sa sœur. Cette sensibilité extrême à l’honneur de la femme concerne
tous les membres mâles du groupe; l’époux, le père, le frère, le fiancé et même l’oncle sont
responsables de la sauvegarde de l’honneur, et la famille acquiert ou perd de son éclat selon la
conduite de la femme (épouse, fille, nièce). Dans la pièce d’Espronceda, on trouve également un autre
frère, Don Diego de Pastrana, qui est à la poursuite du séducteur dans le but de venger l’honneur et
la vie de sa sœur Doña Elvira.
Il faut remarquer que cet honneur n’est pas exclusif des hautes classes sociales. Le paysan
Batricio, lors d’une longue digression, souligne que “l’honneur et la femme sont, quand on commence
à en jaser, malédiction” (Tirso). Il se plaint ainsi de son honneur d’époux flétri par un tiers qui
s’introduit dans sa fête de mariage. Cette scène des paysans ne trouve pas son pendant dans les pièces
italiennes et françaises antérieures au Dom Juan de Molière: le Docteur, Pantalone, Blaise, Bon-Temps,
Philemon et le Marié jouent un rôle tantôt fade tantôt grossier face au vrai paysan qu’est Pierrot.
Pourtant les reproches que ce dernier adresse à Charlotte font piètre figure si on les compare avec
l’offense ressentie par Masetto dans le libretto de Don Giovanni. Ce dernier fait grief à Zerline de
l’“abandonner le jour de [ses] noces” et de “marquer de ce sceau d’infamie le front d’un paysan
d’honneur”.
Ainsi les membres mâles éprouvent au plus vif de leur peau combien leur honneur est foulé
par Don Juan. L’exemple le plus parfait est celui de L’Abuseur de Séville de Tirso. Don Pedro,
ambassadeur et oncle de Don Juan, fait des remontrances au séducteur; Octavio, fiancé d’Isabela,
exprime son angoisse au sujet du “château de son honneur” qu’il faut garder même dans l’absence;
le Commandeur fait face à Don Juan car ce dernier a “tué” son honneur; enfin Batricio, l’époux
d’Arminta, se résigne à la loi d’après laquelle une femme ne vaut rien si elle a perdu son honneur.
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La vertu
Inséparablement unie à la conception précédente de l’honneur, la vertu est aussi un point
important à cause de son rapport direct avec le thème général de l’honneur. D’après la morale
traditionnelle où le mythe prend naissance, une conduite vertueuse était considérée comme digne
d’honneur; depuis l’Antiquité jusqu’au XVIe siècle, on peut tracer une ligne ininterrompue où
l’honneur est précisément défini comme le prix dû à la vertu.
Il y a des méfaits qui supposent un outrage contre l’honneur d’autrui. Dans le IVe scénario
anonyme Casanatense, il en est question à plusieurs reprises. Le comte Aurelio (premier héros athée
du mythe) a fui avec son amante Leonora, sœur du duc Mario. Ce dernier s’apprête à marcher à la
recherche des deux amoureux, poursuivant à la fois le comte qu’il veut punir de tous ses méfaits à
l’égard des paysans, et Leonora qui a commis une action déshonorante. Ainsi les mœurs exigent une
conduite vertueuse comme preuve d’honneur.
Les femmes sont tenues en bonne considération si elles gardent sauf leur honneur. Plus
précisément, la perte de la virginité provoque immédiatement leur déshonneur. Nombre de situations
déshonorantes ont commencé par une défloration. En cela, le mythe est fort riche car Don Juan
n’excepte personne: c’est le cas des femmes nobles –Isabela (Tirso et Cicognini), Julia Octavia
(Zamora), Térésina (Dumas)–, des pêcheuses –Tisbea (Tirso), Rosalba (Cicognini)–, des paysannes –
Arminta (Tirso), Amarante (Dorimon), Belinde (De Villiers)– ou enfin de la célèbre Doña Ana, la
fille du Commandeur (Tirso, Cicognini, Mozart / Da Ponte et Dumas).
Consciente du risque qu’elle encourt, la femme affiche souvent une attitude méfiante à l’égard
du séducteur. C’est la raison alléguée par la bergère Amarante lors de son refus “au discours
suborneur” de Dom Jouan (Dorimon). Le texte le plus clair qui soit à cet égard est celui de Molière
où la paysanne Charlotte oppose sa vertu aux propos captieux du séducteur: “Je suis une pauvre
paysanne; mais j’ai l’honneur en recommandation, et j’aimerais mieux me voir morte que me voir
déshonorée”. Dans l’opéra de Mozart, Zerline tient ces mêmes propos, les appuyant sur la mauvaise
réputation dont les gentilshommes jouissent parmi les paysans. Une des héroïnes du poème de Byron
se débat longuement entre les attraits de la chair et son honneur de femme. Alors elle appelle “à son
aide l’honneur, l’orgueil, la religion et la vertu”, résout d’être prudente et jure “de ne plus revoir Juan”.
Mais le mythe ainsi que la satire de l’auteur exigent que la femme se crée de fausses excuses sur la
force d’une “femme vertueuse”. D’ailleurs, se demande-t-elle, son amour n’est-il pas “divin, brillant,
immaculé, pur et sans mélange”, bref, un amour “innocent”? Ainsi parée de ces arguments, et
“convaincue que son honneur [est] un roc”, elle se dispense de tout contrôle incommode. On peut
supposer la suite: un jour dans un bosquet charmant “tout en murmurant bien bas: «Je ne consentirai
jamais», –elle consentit”.
Cet honneur que Charlotte chez Molière et Julia chez Byron avaient “en recommandation”
revient en force dans la pièce de Dumas. Selon l’imaginaire hispanique à la période romantique, toutes
les femmes espagnoles étaient fort soucieuses de la question de l’honneur et ne lésinaient pas sur les
moyens afin de faire valoir leur vertu. Lorsque, dans une posada de Madrid, Don Sandoval joue et
perd sa maîtresse en faveur de Don Juan, il donne au héros un avis sur la dame que celui-ci vient de
gagner: “Doña Inès est une véritable Espagnole, hautaine et jalouse, portant toujours un poignard de
Tolède à sa jarretière, et une fiole de poison à sa ceinture; gardez-vous de l’un et de l’autre”. Don
Sandoval avait bien raison; dépitée du peu d’honneur chevaleresque de celui à qui elle “avai[t] confié
[s]on honneur”, Doña Inès fait usage de la fiole à la première occasion pour se donner la mort. Ce
n’est pas la première femme qui se suicide parce qu’elle apprend qu’elle est devenue un simple jeu
entre les mains de Don Juan. Vers la fin de cette même pièce, nous assistons à une réunion de
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fantômes dans une église: ce sont des spectres de femmes qui racontent les vilenies dont elles ont été
l’objet à cause de Don Juan.
Il est évident que la conduite de Don Juan va à l’encontre de la conception vertueuse de
l’honneur. Cela est clair, surtout lors des premières cristallisations du mythe, les auteurs tendant à
estomper les allusions à tout jugement de valeur sur la vertu du héros au fur et à mesure que les siècles
avancent. Chez Tirso et les Italiens, il n’est pas fait mention de ce manque d’honneur de Don Juan.
C’est dans la pièce de Villiers qu’il en est question pour la première fois de manière explicite. Ayant
connu les forfaits de son fils Dom Juan, Dom Alvaros se plaint de ce fils “qui foule aux pieds
l’honneur et le devoir”. Le héros lui-même tourne en dérision “les scrupules” dont les jeunes femmes
se font “un honneur” (Molière). La déconstruction moderne du mythe est longuement développée
dans l’œuvre de Shaw. Pour ce qui est de la vertu telle qu’elle était généralement admise, le héros
explique l’incohérence des principes d’un tel honneur. Dans la conversation qu’il entretient en enfer
avec la Statue du Commandeur, il avoue avoir fait aux femmes des propositions “universellement
condamnées”, les mêmes qui ont fait de lui un héros de légende. Tout lui semble normal jusqu’ici; ce
qu’il n’arrive pas à comprendre c’est la somme de conditions “honnêtes” que chaque femme pose
avant de lui accorder ses faveurs. L’honneur de chaque femme, précise-t-il, consiste en son
engagement à lui de prendre ses biens, si elle en a, ou à l’entretenir, si elle n’en a pas. Ce n’est pas
tout: il doit jurer être à jamais fasciné par sa compagnie continuelle, ses conseils et sa conversation;
enfin, il doit tourner toujours le dos aux autres femmes. La manière dont ces conditions sont reçues
par Don Juan les rend tout à fait abjectes car il ne regarde que l’aspect négatif de l’amour et de
l’honneur; aussi comprend-on qu’il ait préféré ne rien objecter à ces conditions, tellement elles lui
semblent exorbitantes et inhumaines.
Le lignage
Une autre conception de l’honneur est fondée sur la condition sociale de la personne. Par le
seul fait de naître d’un lignage noble, un homme est censé posséder un “sang pur et digne d’honneur”
(Tirso, III, v. 2612-1613). Cet honneur tire son origine de l’ancienneté, notamment en Espagne où les
maisons d’illustre lignage, comme celle du Commandeur, pouvaient se vanter d’avoir parmi leurs
ancêtres des héros de la Reconquête sur les musulmans (Zamora, I, v. 795-797). Il faut cependant
remarquer qu’au temps où le mythe prend naissance abondaient les protestations des paysans sur la
véracité de ce prétendu honneur que s’abrogeaient les nobles (Tirso, I, v. 1913-1939). Si à cette haute
naissance on ajoute une conduite vertueuse, l’honneur du noble devient l’ornement de toute la famille
et même de la ville (De Villiers, IV, 8, v. 1319). Cette haute condition sociale, qui appartient en propre
aux nobles, est bien décrite tout au long des ouvrages. Elle fournit aux gentilshommes une sorte de
garantie sur la droiture de leurs pensées comme de leurs actions; c’est précisément sur ce gage
d’honneur que Don Giovanni fonde sa démarche séductrice de Zerline: “la noblesse porte l’honnêteté
gravée sur son front” (Mozart / Da Ponte).
Mais le plus souvent cette conception de l’honneur est dépeinte sous la conduite orgueilleuse
des nobles. Les conseils que Don Carlos donne à son fils Don Juan, dans le conte de Mérimée, quand
ce dernier atteint la maturité d’âge sont fort éloquents à ce propos: “Souviens-toi que le bien le plus
précieux d’un gentilhomme, c’est son honneur; et ton honneur, c’est celui des Maraña. Périsse le
dernier rejeton de notre maison plutôt qu’une tache soit faite à son honneur!”. Ainsi la fierté doit
éviter toute souillure au nom de la famille: Don Juan est tenu de tenir sans cesse présente à l’esprit
son illustre ascendance. Suit un autre conseil sur l’arme des chevaliers: “Prends cette épée; elle te
défendra si l’on t’attaque. Ne sois jamais le premier à la tirer; mais rappelle-toi que tes ancêtres n’ont
jamais remis la leur dans le fourreau que lorsqu’ils étaient vainqueurs et vengés” (Mérimée). Deux ans
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après la publication du conte de Mérimée, paraissait la première édition de la pièce de Dumas. Lors
du dialogue qu’entretiennent le mauvais ange et le bon ange, on trouve un écho de cet illustre lignage.
Le bon ange indique un marbre sur lequel se trouve “le comte Don Juan, seigneur de Maraña, / Tige
des Maraña, dont l’illustre famille / Fut, depuis trois cents ans, l’honneur de la Castille”. Tout comme
le jeune homme des Âmes du purgatoire ne tarde pas à oublier les conseils de son père, le héros de La
Chute d’un ange s’empresse de dire au prêtre Dom Mortès qu’il faut contredire la volonté de son père
moribond; de la sorte le droit d’aînesse qui revient à son frère Don Josès sera retourné à son propre
profit: “Je ne veux pas que le vieillard reconnaisse Don Josès pour mon frère… et cela, non pas parce
qu’il est le fils d’une bohémienne, non pas parce qu’il est un païen, non point parce qu’il déshonorerait
mon nom dans l’autre monde […]; mais parce que, dans celui-ci, il me prendrait mon titre de comte,
dont j’ai besoin pour faire grande et noble figure par les Espagnes… mes richesses, qu’il me faut pour
acheter l’amour qu’on ne voudra pas me donner, et mes dix mille vassaux, qui me sont nécessaires
pour m’assurer l’impunité que la justice se lassera peut-être de me vendre…”. Ainsi Don Juan fait
abstraction de nombre de qualités exigées par son statut de noblesse et ne garde qu’une apparence –
celle que les femmes voient en lui– de gentilhomme de haute société (Barbey d’Aurevilly).
L’honneur chevaleresque de Don Juan subit au XXe siècle un changement non négligeable. La
devise de sa famille, d’après la pièce de Montherlant, est “Nous servons pour l’honneur et pour le
plaisir”; mais lui-même trouve dans l’honneur quelque chose de vraiment triste. Le problème est
précisément là, car le héros de Montherlant songe à être heureux plutôt qu’à vivre; or, il est
problématique “d’être heureux dans l’honneur”, un honneur auquel il ne croit pas, de même qu’il ne
croit pas vraiment au lignage des Tenorios. Cette conduite hautaine et orgueilleuse du héros est
parfaitement décrite dans le roman de Torrente Ballester. Leporello essaie d’expliquer au protagoniste
(le narrateur) la démarche de son maître; au cours d’une discussion, il lui demande s’il a peur, et
comme son interlocuteur fait signe que non et se montre prêt à tout pour le prouver, “C’est la dernière
astuce, dit-il, pour obtenir quelque chose d’un Espagnol. […] Quels types si bizarres et si
sympathiques vous êtes! Mon maître aurait agi comme vous. En réalité, il a toujours agi de la sorte.
La peur d’être tenu pour lâche est plus forte que le plus fort des raisonnements”. On découvre ici la
raison ultime de la mort de Don Juan lors des premières cristallisations du mythe. Si Don Juan donne
sa main à la statue du Commandeur c’est seulement parce que ce dernier aurait pu le traiter de lâche
(“– Ne crains pas de me donner la main. – Que dis-tu? Moi! Peur?”, Tirso). Les exemples de cette
résolution, prise afin d’éviter toute lâcheté indigne de son illustre lignage, foisonnent depuis. Mais le
principal problème d’honneur rencontré par le héros dans ce roman est celui d’avoir perdu sa virginité
dans les bras de la prostituée Mariana payée par le Commandeur. Il trouve que l’honneur de la famille
Tenorio est souillé et le sien propre avec; aussi décide-t-il de mettre en œuvre tous les moyens pour
le recouvrer. Le premier est de tuer le Commandeur, l’homme qui provoqua son déshonneur par
personne interposée, ce qu’il fera à la fin d’un jeu de cartes dans une hôtellerie. Son raisonnement est
celui que les Espagnols utilisaient d’habitude en ces cas: “Je ne suis pas un tueur, et moins encore un
assassin mais un homme d’honneur qui va laver une offense par le sang”; et plus tard: “Car c’est du
sang dont j’ai besoin”. Le deuxième moyen sera d’épouser Mariana: “(Les Tenorios) me commandent
de garder l’honneur, et je me sentais déshonoré parce que j’avais perdu mon innocence avec une
femme qui était à tous les hommes. Mais, la faisant mienne, en lui communiquant mon propre
honneur, je la lave et me lave moi-même aussi”.
Le lignage et la naissance impliquent simultanément une série de droits acquis et de devoirs
contractés. Les règles sociales supposent la jouissance des premiers comme l’exécution des derniers.
Un homme noble, par le seul fait de son origine noble, doit s’acquitter des divers engagements que
lui impose son statut: l’accomplissement de la parole donnée, l’attitude chevaleresque envers ses pairs
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et la conduite vertueuse. Don Juan suivra ces devoirs de manière inégale selon les cas et les
fluctuations du mythe au long des siècles.
Le caractère noble de Don Juan engage le protagoniste lors de ses multiples promesses. Or, il
faut distinguer deux sortes de paroles donjuanesques: la parole donnée à la transcendance et la parole
donnée à une femme. Pour ce qui est de la parole donnée à la transcendance (peu importe si elle
prend les formes d’un spectre, d’une ombre, d’une vision ou d’une effigie parlante), Don Juan estime
devoir se comporter comme un chevalier. Face à la Statue du Commandeur, il promet d’agir comme
son état l’exige: “– Tiendras-tu une parole en chevalier? – J’ai de l’honneur et je tiens ma parole, car
je suis chevalier” (Tirso). En effet, Don Juan assiste au rendez-vous pris avec l’au-delà. Certes, le
dénouement du mythe exige cet accomplissement de la parole, mais il renforce aussi l’idée de
l’honneur chevaleresque du héros. Dans les notes écrites au sujet de sa pièce, Montherlant explique
pourquoi Don Juan accomplit sa parole donnée à la transcendance: “Cet amoral est tellement homme
d’honneur qu’il veut tenir les promesses qu’il a faites à un «être» (Dieu) dont il est convaincu de
l’inexistence”.
Il n’en va pas de même pour la parole donnée à un humain. S’il s’agit d’un homme, Don Juan
promet “sur [son] honneur” tantôt à son valet (Mozart / Da Ponte), tantôt à des nobles, mais sans
avoir aucunement l’intention de tenir ce qu’il a promis (Molière). La parole donnée à une femme fait
partie de la démarche séductrice de Don Juan. Le héros considère que cet engagement n’est pas
directement compris dans son statut noble mais dans celui d’amoureux. Étant donné sa conception
de l’amour, il s’arroge le droit (et parfois se croit dans l’obligation) de ne pas tenir ses promesses.
Dans la pièce de Molière, le séducteur a recours à la moquerie et tourne en dérision le “faux honneur
d’être fidèle” à la parole donnée. Pourtant la femme n’est pas du même avis: pour elle Don Juan s’est
présenté en chevalier et c’est en chevalier qu’il doit tenir ses promesses. Aminta, la paysanne abusée
la nuit des noces, réclame au roi le mariage que le “seigneur Don Juan Tenorio” lui avait promis car
sa qualité de “noble” l’empêche de la renier (Tirso).
Outre la parole donnée, un homme de haut lignage est tenu de respecter d’autres conventions
sociales qui deviennent ainsi des marques du “renom éclatant” des nobles (Villiers). Le gentilhomme
se doit, par exemple, de prêter main forte à un égal en mauvaise position: c’est une trace de l’honneur
chevaleresque qui exige le courage lors des adversités. On explique de la sorte que Dom Juan vienne
en aide à Dom Carlos qui est attaqué par trois voleurs. C’est une action “généreuse”, selon le mot de
ce dernier. La réponse de Dom Juan montre à l’évidence qu’il agit ainsi seulement à cause de sa
condition sociale: “Je n’ai rien fait, Monsieur, que vous n’eussiez fait en ma place. Notre propre
honneur est intéressé dans de pareilles aventures” (Molière). Dans cette scène, il reste clair que l’action
courageuse, par opposition à la lâcheté du bas peuple, est conçue par Don Juan comme une marque
de son honneur. Il convient de souligner que cet épisode réapparaît, sensiblement modifié, dans la
pièce de Zamora. Armé d’une épée et d’un bouclier, Fresneda sauve la vie à Don Juan qui était déjà
à la merci de ses ennemis. Il apprend plus tard qu’il a porté main forte à l’offenseur de sa famille;
aussitôt, il décide de se battre avec lui. On voit ainsi que l’honneur chevaleresque exige ce genre
d’actions généreuses. Don Juan lui-même brille à plusieurs reprises à ce propos; outre le cas de
Molière, on doit citer notamment ceux de Dumas et de Zorrilla. Dans Don Juan de Maraña comme
dans Don Juan Tenorio, le héros rencontre enfin un alter ego, dont la réputation n’a rien à envier à la
sienne: Don Sandoval chez Dumas et Don Luis chez Zorrilla. Ces personnages nobles sont fort
heureux de se rencontrer car ils se haïssent à mort. Dans les deux pièces, ils font un pari dont le gage
est la maîtresse. Comme Don Juan gagne, tantôt par la chance au jeu tantôt par l’astuce dans la
séduction, son rival reconnaît sa perte mais affirme qu’il n’y a pas de place au monde pour tous les
deux; aussi le défie-t-il en duel. Dans ces deux cas, même si en bonne loi l’affaire devrait s’arrêter là,
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Don Juan ne refuse pas le duel. Il tue son adversaire, mais non sans louer son courage et sa hardiesse
qui font honneur à son lignage.
La conduite vertueuse est enfin une autre condition imposée par la haute naissance. Dom Luis
le rappelle à son fils dans la pièce de Molière: “Croyez-vous qu’il suffise d’en porter le nom et les
armes, et que ce nous soit une gloire d’être sorti d’un sang noble lorsque nous vivons en infâmes?
Non, non, la naissance n’est rien où la vertu n’est pas”. Au contraire, la conduite vertueuse fait que
le gentilhomme ressemble à ses ancêtres; c’est, si l’on veut, une manière de tenir ses engagements
envers ceux dont il a reçu l’honneur à sa naissance.
La pureté du sang
Il convient de noter, avant de conclure, qu’il existe une autre conception de l’honneur qui
prend naissance dans l’histoire de l’Espagne. Les Castillans, victorieux sur les Musulmans, se
considérèrent longtemps comme les continuateurs de la race des Goths habitants de la Péninsule
ibérique avant l’invasion. Ceux qui se convertirent au christianisme (les morisques) et ceux qui
naquirent des mariages chrétiens, où l’un des membres avait du sang musulman (ou juif, par extension
religieuse, politique ou pécuniaire), étaient considérés comme d’un sang inférieur. Deux “races” se
trouvèrent ainsi confrontées pendant longtemps: celle des Vieux Chrétiens et celle des Nouveaux
Chrétiens. C’était l’origine d’une nouvelle condition sociale selon laquelle le sang pur était plus prisé
que celui des nobles (lesquels étaient suspects, non sans raison, d’avoir contracté des mariages avec
des morisques ou avec des Juifs convertis). En revanche, le peuple de la campagne et surtout des
montagnes, faisait valoir son sang pur face à celui de la noblesse. C’est seulement ce point de vue qui
donne sa lumière à bon nombre des protestations des paysans face au comportement des nobles et,
en l’occurrence, de Don Juan. Gaseno n’est nullement intimidé lorsqu’il s’adresse au duc Octavio afin
de lui demander qu’il intercède en faveur d’Arminta devant le roi car “elle a beaucoup d’honneur”,
“est Vieille Chrétienne jusqu’aux os” et “mérite d’épouser plutôt un marquis qu’un comte” (Tirso).
Byron dit au sujet de Don José, père du héros, qu’il “était un véritable hidalgo, sans une goutte de
sang israélite ou maure dans ses veines; son origine remontait aux plus gothiques gentilshommes de
l’Espagne”. Mais ces récurrences sont trop peu nombreuses dans le mythe; et pour cause: cette
conception de l’honneur est spécifique du peuple campagnard et des nobles cherchant à être admis
dans un ordre militaire ou dans une charge royale. Don Juan ne veut ni l’un ni l’autre.
Bibliographie
Éditions
ANONYME, “La calavera y el convidado de piedra”, romance, Romancero viejo y tradicional, éd. Manuel Alvar,
México, Porrúa, 1979.
ANONYME, Il convitato di pietra. XXIVe
scénario du manuscrit Casanatense, in Vita, avventure e morte di Don Giovanni,
éd. Giovanni Macchia, Milan, Adelphi, 1991.
ANONYME, L’ateista fulminato. IVe
scénario du manuscrit Casanatense, in Vita, avventure e morte di Don Giovanni, op.
cit.
BARBEY D’AUREVILLY, Les Diaboliques, in Œuvres romanesques complètes, t. II, éd. Jacques Petit, Paris,
Gallimard, coll. “Bibliothèque de la Pléiade”, 1989 (1966).
BIANCOLELLI, Domenico, Convitato di pietra. Le Festin de pierre et suite du Festin de pierre. Scénario, in Vita, avventure
e morte di Don Giovanni, op. cit.
BYRON, Georges Gordon, Don Juan, trad. Benjamin Laroche, nlle éd. Stéphane Michalon et Julie Pribula,
Paris, Florent Massot, 1994.
9
CICOGNINI, Giacinto Andrea, Il Convitato di pietra, in Vita, avventure e morte di Don Giovanni, op. cit.
DELTEIL, Joseph, Don Juan, Paris, Bernard Grasset, 1930.
DORIMON, Le Festin de Pierre ou le Fils criminel, in Le Festin de Pierre avant Molière. Dorimon, de Villiers, Scénario des
Italiens, éd. G. Gendarme de Bévotte, nlle éd. Roger Guichemerre, Paris, Société des Textes Français
Modernes, 1988.
DUMAS, Alexandre, Don Juan de Maraña, in Trois Don Juan. “Don Juan de Maraña” d’Alexandre Dumas (introd. et
annotation de Loïc Marcou), “Don Juan”, d’Alexis C. Tolstoï, “L’Étudiant de Salamanque” de José de
Espronceda, préf. Pierre Brunel, Paris, Florent-Massot, 1995.
ESPRONCEDA, José de, L’Étudiant de Salamanque, in Trois Don Juan, op. cit., trad. Raymond Foulché-Delbosc,
introd. Christiane Séris.
FRISCH, Max, Don Juan ou l’Amour de la Géométrie (Don Juan oder die Liebe zur Geometrie), trad. Henry Bergerot,
Paris, Gallimard, 1991 (1969).
HOFFMANN, Ernest Theodor Amadeus, Don Juan. Der Sandmann, éd. Michel-François Demet, Paris, Le Livre
de Poche, 1991.
LENAU, Nicolaus Niembsch von Strehlenau, Don Juan. Ein dramatisches Gedicht, éd. Walther Thomas, Paris,
Aubier, 1993 (1931).
MACHADO, Manuel y Antonio, Don Juan de Mañara, drama en tres actos y en verso, in Obras completas de Manuel y
Antonio Machado, Madrid, Editorial Plenitud, 5e éd., 1973.
MÉRIMÉE, Prosper, Les Âmes du purgatoire, in Romans et Nouvelles, t. II, éd. Maurice Parturier, Paris, Garnier
Frères, 1967.
MOLIÈRE, Dom Juan ou le Festin de Pierre, comédie, in Molière. Œuvres complètes, éd. Georges Mongrédien, t. II,
Paris, Garnier-Flammarion, 1992 (1965).
MONTHERLANT, Henry de, La Mort qui fait le trottoir (Don Juan), in Théâtre, préf. Jacques de Laprade, préf.
complémentaire Philippe de Saint Robert, Paris, Gallimard, coll. “Bibliothèque de la Pléiade”, 1972.
MOZART, Amadeus et Lorenzo DA PONTE, Il Dissoluto punito ossia il Don Giovanni trad. Gilles de Van (1979),
CD: Berlin, Jesus-Christus Kirche, coproduction Érato / Rias Berlin, 1992.
POUCHKINE, Alexandre Sergueievitch, Le Convive de Pierre. La Roussalka, éd. Henri Thomas, Paris, Éditions
du Seuil, 1947.
SHAW, Bernard, Man and Superman. A Comedy and a Philosophy, éd. Dan H. Laurence, Harmondsworth,
Middlesex, Penguin Books, 1957.
TIRSO DE MOLINA, El burlador de Sevilla. Atribuida a Tirso de Molina, éd. Alfredo Rodríguez López-Vázquez,
Madrid, Cátedra, coll. “Letras Hispánicas”, n 57, 7e éd., 1995.
– L’Abuseur de Séville. (Don Juan). El Burlador de Sevilla, éd. Pierre Guenoun, bibliogr. nlle Bernard Sesé, Paris,
Aubier, coll. “Domanine hispanique”, 1991 (1968).
TOLSTOÏ, Alexis Constantinovitch, Don Juan, in Trois Don Juan, op. cit., trad., introd. et annotation Michel
Cadot.
TORRENTE BALLESTER, Gonzalo, Don Juan, Barcelona, Ediciones Destino, coll. “Destinolibro”, n 14,
1995 (1962).
VILLIERS, Sieur de, Le Festin de Pierre ou le Fils criminel, in Le Festin de Pierre avant Molière. Dorimon, de Villiers,
Scénario des Italiens, op. cit.
ZAMORA, Antonio de, No hay deuda que no se pague y convidado de piedra, introd. Piero Menarini, éd. Paola
Bergamaschi, Bologna, Atesa Editrice / M.U.R.S.T., coll. “Testi e Studi Ispanici”, 1992.
ZORRILLA, José, Don Juan Tenorio, éd. Luis Fernández Cifuentes, introd. Ricardo Navas Ruiz, Barcelona,
Crítica, 1993.
Note: pour les éditions non françaises, c’est nous qui traduisons.
10
Études
CASTRO, Américo, Le Drame de l’honneur dans la vie et dans la littérature espagnoles du XVIe
siècle, Paris, Klincksieck,
1965.
DOLFI, Laura, “La «mujer burlada»: honor e invención en la comedia de enredo”, Tirso de Molina: Immagine e
rappresentazione. Segundo coloquio internacional. con un’appendice sur tema del Don Giovanni, éd. de Laura Dolfi,
Napoli, Edizione Scientifiche Italiane, 1991, p. 135-186.
FEAL, Carlos, “Don Juan y el honor en la obra de Pérez de Ayala”, Cuadernos Hispanoamericanos, 367-368, 1981,
p. 81-104.
GUTIÉRREZ NIETO, Juan Ignacio, “Honra y utilidad social. En torno a los conceptos de honor y honra”,
Calderón. Actas del Congreso internacional sobre Calderón y el teatro español del Siglo de Oro, t. II, études recueillies
par Luciano García Lorenzo, Madrid, Consejo Superior de Investigaciones Científicas, 1983, p. 881-
895.
LOSADA, José Manuel, L’Honneur au théâtre. La Conception de l’honneur dans le théâtre espagnol et français du XVIIe
siècle, Paris, Klincksieck, 1994.
MANDRELL, James, Don Juan and the point of honor: seduction, patriarchal society and literary tradition,
University Park, Pennsylvania State University, 1992.

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  • 1. 1 HONNEUR (DON JUAN) Dictionnaire de Don Juan. Sous la direction de Pierre Brunel, Paris: Robert Laffont, 1999, p. 472-482. ISBN: 978-2221078662. Peut-être l’honneur est-il l’un des thèmes les plus importants du mythe donjuanesque. Tantôt de manière directe, tantôt de manière indirecte, il apparaît dans la presque totalité des rapports que le héros entretient avec la plupart des personnages. Les premières pièces ne laissent aucun doute sur le but déshonorant du protagoniste, le même qui lui vaut son surnom de burlador. Précisément, chez Tirso, la définition de Don Juan apparaît dans un passage où il est question de ses rapports avec les femmes et le déshonneur qui s’ensuit pour elles: “Séville à grands cris me nomme l’Abuseur, et le plus vif plaisir que je puisse trouver, c’est d’abuser une femme et de l’abandonner privée de son honneur”. La pièce de Molière en dit long aussi sur le souvenir que Dom Juan laisse à son passage: “Ciel offensé, lois violées, filles séduites, familles déshonorées, parents outragés, femmes mises à mal, maris poussés à bout”. Le sculpteur de Zorrilla raconte au passant la réputation de Don Juan: “Rien sur cette terre n’était respecté par lui. Chimérique, séducteur et heureux au jeu; face à lui rien n’était sûr, ni la vie, ni les biens, ni l’honneur”. C’est la même mauvaise renommée que le Commandeur Pedro de Ulloa évoque vers la fin de la pièce de Lenau: “J’ai retrouvé plus d’une pauvre femme qui par vous a connu peine, détresse et honte”. Ou encore la mauvaise trace que décrit l’évêque de Cordoue dans la pièce de Frisch: “Des mariages profanés, des familles détruites, des filles séduites, des pères passés au fil de l’épée, sans rien dire des maris condamnés à survivre à leur déshonneur”. L’honneur est conçu comme une marchandise qui rend compte de la valeur de chaque personnage. Ce n’est pas en vain si Donna Isabella rappelle au roi de Naples que “l’honneur est le trésor le plus apprécié du monde” (Cicognini); mieux, “l’honneur est infiniment plus précieux que la vie” affirme Dom Alonse prêt à tuer Dom Juan, ravisseur de son honneur sur la personne de sa sœur Done Elvire (Molière). On comprend alors que cette valeur accordée à l’honneur implique la mise en place de tous les moyens pour le recouvrer une fois qu’il est perdu. Certes la récupération totale est à proprement parler impossible dans la plupart des cas. Aussi recourt-on aux différents moyens susceptibles de rétablir la situation initiale. La réputation Il existe une conception de l’honneur selon laquelle la personne n’évalue le poids de son honneur qu’en fonction de l’opinion publique: “La réputation est le plus important”, dit le Commandeur à Don Juan dans le roman de Torrente Ballester. Une tache suppose seulement une perte de l’honneur si elle est connue par la société; en revanche, une infraction aux règles morales n’est point déshonorante si les gens ne viennent pas à en avoir connaissance. Cet honneur fondé dans l’opinion du monde acquiert des dimensions disproportionnées au Siècle d’Or espagnol (notamment avec les “drames de l’honneur” de Calderón de la Barca). La dérive hispanique de cette conception veut que l’honneur des membres mâles de la famille vienne à dépendre directement de la conduite des femmes du groupe. Une action réputée mauvaise n’est objet de blâme pour la famille que si elle en vient à être socialement connue. Cet honneur reposant sur le comportement de la femme apparaît
  • 2. 2 sans cesse dans les œuvres espagnoles (notamment dans L’Abuseur de Séville) et se répand partout lors des différentes cristallisations du mythe. Malgré les mesures de prudence mises en place par les gardiens de l’honneur féminin, le séducteur parvient à ses fins, ce qui provoque de nombreuses situations dramatiques. C’est surtout le cas célèbre, chez Tirso, du Commandeur qui fait acte d’irruption dans la chambre de Doña Ana alors que Don Juan est en train de prendre la fuite. Comme il entend les cris de sa fille, la première idée qui lui vient à l’esprit est la “mort” de son honneur; puis, face à Don Juan, il laisse écouler sa bile dans une phrase enragée où il déplore “l’écroulement de la tour de son honneur” et de sa vie avec lui. Les soupirants de Doña Ana se plaignent et promettent de venger l’offense commise par Don Juan. C’est une offense multiple car elle suppose un enchaînement de déshonneurs: celui du Commandeur, celui de Doña Ana et celui du fiancé (Zamora). Mozart accorde une telle importance à cette scène qu’il la situe au début de son opéra. “Forcer la fille et trucider le père”, comme s’exclame Leporello, prend ainsi une ampleur inouïe jusqu’alors. C’est le déshonneur de la famille d’Ulloa qui doit causer, en dernier ressort, la mort du séducteur. Le sujet du Commandeur soucieux de l’honneur de sa fille revient avec force dans la pièce de Zorrilla. Depuis sa naissance, elle a vécu au couvent à l’abri de tout contact avec le monde; rien, en principe, ne permet de supposer qu’elle ait la moindre pensée malhonnête. Mais le Commandeur de Ulloa vient d’entendre dans l’hôtellerie de Buttarelli le pari entre Don Juan et Don Luis: le séducteur s’est vanté de pouvoir abuser sous peu d’une novice. Aussi Don Gonzalo s’adresse-t-il incontinent au couvent et demande à voir l’abbesse pour une “affaire qui intéresse fort son honneur et sa vie”. L’abbesse est sur le point de rassurer le Commandeur lorsque survient la tourière annonçant qu’un homme vient d’escalader le mur du jardin. Le Commandeur fait signe de sortir en vitesse afin d’éviter le pire, et comme l’abbesse lui demande où il va il répond sans plus de réflexions: “Imbécile! A la recherche de mon honneur que l’on vous dérobe d’ici”. Ce ne sont pas les mêmes raisonnements de l’intellect rationnel, mais on peut apercevoir le résultat ultime du cheminement parcouru par la conception de l’honneur du Commandeur dans le mythe de Don Juan: ce meurtre d’un homme, qui considère la flétrissure infligée par l’abuseur à son honneur comme irréparable, est devenu une affaire dans laquelle se mêlent d’autres notions (la moquerie chez Tolstoï, le malentendu chez Shaw, le ridicule chez Frisch, la naïveté chez Montherlant ou les formes chez Torrente Ballester). La cause ultime, on la trouve dans une dévalorisation progressive de la véritable essence de l’honneur comme cohérence personnelle au profit d’une formalité sociale ou de la réputation. A cela, il faut ajouter l’idée que l’homme se faisait de la femme. Le sexe féminin était considéré comme celui de la frivolité et de l’humeur changeante; aussi ne sera-t-on point étonné de la défiance qu’il affiche à son égard. Les hommes observent une attitude extrêmement pointilleuse afin d’éviter tout rapport entre les femmes et un inconnu. Il est même des cas, comme celui de la pièce de Zorrilla, où le fiancé affirme “prêter beaucoup moins de confiance aux femmes qu’à Don Juan”. C’est pourquoi, il décide de faire le guet la nuit à l’intérieur de la maison de Doña Ana de Pantoja. Mais c’est en vain car, enfin, il doit reconnaître que Don Juan a gagné le pari. L’amertume qu’il ressent de voir son honneur flétri dans la personne de sa fiancée le pousse plus tard au duel avec le séducteur pour “laver la tache” faite à son honneur. Quoique la société mette dans la bouche de l’homme la plupart des protestations contre cette loi de l’honneur, il faut noter que la femme est la première à se rendre compte de la perte d’honneur qu’entraîne sa mauvaise réputation. Isabela ne s’exclame “Ah! Honneur perdu” qu’après que sa mauvaise action est découverte par le roi (Tirso, I, v. 26). La pièce de Cicognini reprend cette idée en y ajoutant une modification stylistique qui ne manque pas d’intérêt. Lors de son entretien avec le
  • 3. 3 gouverneur du palais royal, Donna Isabella jure, pour la dame honorée qu’elle a été, ne pas avoir reconnu l’homme qui l’a abusée: c’est une manière de reconnaître implicitement qu’elle n’a plus cet honneur. Cette conscience de perte de l’honneur est plus expressive encore dans le dialogue avec son valet Fabio lors de leur voyage à Séville pour demander vengeance. Le commentaire de Fabio est fort éloquent; il ne parvient pas à comprendre le motif de la tristesse d’Isabela puisque le roi lui a promis de la marier à Don Juan. L’explication de la duchesse n’admet pas d’objections: “Ma tristesse ne naît pas d’être femme de Don Juan car tout le monde connaît sa qualité noble. Je fonde mon tourment dans le bruit répandu. Je devrai pleurer jusqu’à la fin de ma vie la perte de ma bonne réputation”. Cette loi de l’honneur contient une clause encore plus inexplicable de nos jours. L’honneur familial est terni lorsque un tiers commet une action immorale contre un membre féminin quand bien même la conduite de la femme est vertueuse; l’offense faite à la femme non consentante suffit pour porter préjudice à l’honneur familial. Le courroux de Dom Pierre le montre assez bien; ayant appris le viol d’Amarille il dégaine et menace le malfaiteur: “Quoi traître! En ma maison et pour forcer ma fille, / Pour me déshonorer et toute ma famille!” (Dorimon, II, 2, v. 365-367). A son tour, Dom Alonse, chez Molière, avoue que son honneur “est blessé mortellement” à la suite de la séduction de sa sœur par Dom Juan. Les plaintes des hommes contre cette conception de l’honneur sont fréquentes. Le roi de Naples commente l’injustice de cette loi qui fait reposer l’honneur des hommes sur la conduite des femmes: “Ah! pauvre honneur! Si tu es l’âme de l’homme, pourquoi met-on ton principe dans la femme frivole qui est la légèreté en personne?” (Tirso, I, v. 153-156). Cette conception de l’honneur trouve une manifestation parfaite dans la pièce de Molière, où Dom Carlos se plaint des conséquences qu’a entraînées le déshonneur de sa sœur. Cette sensibilité extrême à l’honneur de la femme concerne tous les membres mâles du groupe; l’époux, le père, le frère, le fiancé et même l’oncle sont responsables de la sauvegarde de l’honneur, et la famille acquiert ou perd de son éclat selon la conduite de la femme (épouse, fille, nièce). Dans la pièce d’Espronceda, on trouve également un autre frère, Don Diego de Pastrana, qui est à la poursuite du séducteur dans le but de venger l’honneur et la vie de sa sœur Doña Elvira. Il faut remarquer que cet honneur n’est pas exclusif des hautes classes sociales. Le paysan Batricio, lors d’une longue digression, souligne que “l’honneur et la femme sont, quand on commence à en jaser, malédiction” (Tirso). Il se plaint ainsi de son honneur d’époux flétri par un tiers qui s’introduit dans sa fête de mariage. Cette scène des paysans ne trouve pas son pendant dans les pièces italiennes et françaises antérieures au Dom Juan de Molière: le Docteur, Pantalone, Blaise, Bon-Temps, Philemon et le Marié jouent un rôle tantôt fade tantôt grossier face au vrai paysan qu’est Pierrot. Pourtant les reproches que ce dernier adresse à Charlotte font piètre figure si on les compare avec l’offense ressentie par Masetto dans le libretto de Don Giovanni. Ce dernier fait grief à Zerline de l’“abandonner le jour de [ses] noces” et de “marquer de ce sceau d’infamie le front d’un paysan d’honneur”. Ainsi les membres mâles éprouvent au plus vif de leur peau combien leur honneur est foulé par Don Juan. L’exemple le plus parfait est celui de L’Abuseur de Séville de Tirso. Don Pedro, ambassadeur et oncle de Don Juan, fait des remontrances au séducteur; Octavio, fiancé d’Isabela, exprime son angoisse au sujet du “château de son honneur” qu’il faut garder même dans l’absence; le Commandeur fait face à Don Juan car ce dernier a “tué” son honneur; enfin Batricio, l’époux d’Arminta, se résigne à la loi d’après laquelle une femme ne vaut rien si elle a perdu son honneur.
  • 4. 4 La vertu Inséparablement unie à la conception précédente de l’honneur, la vertu est aussi un point important à cause de son rapport direct avec le thème général de l’honneur. D’après la morale traditionnelle où le mythe prend naissance, une conduite vertueuse était considérée comme digne d’honneur; depuis l’Antiquité jusqu’au XVIe siècle, on peut tracer une ligne ininterrompue où l’honneur est précisément défini comme le prix dû à la vertu. Il y a des méfaits qui supposent un outrage contre l’honneur d’autrui. Dans le IVe scénario anonyme Casanatense, il en est question à plusieurs reprises. Le comte Aurelio (premier héros athée du mythe) a fui avec son amante Leonora, sœur du duc Mario. Ce dernier s’apprête à marcher à la recherche des deux amoureux, poursuivant à la fois le comte qu’il veut punir de tous ses méfaits à l’égard des paysans, et Leonora qui a commis une action déshonorante. Ainsi les mœurs exigent une conduite vertueuse comme preuve d’honneur. Les femmes sont tenues en bonne considération si elles gardent sauf leur honneur. Plus précisément, la perte de la virginité provoque immédiatement leur déshonneur. Nombre de situations déshonorantes ont commencé par une défloration. En cela, le mythe est fort riche car Don Juan n’excepte personne: c’est le cas des femmes nobles –Isabela (Tirso et Cicognini), Julia Octavia (Zamora), Térésina (Dumas)–, des pêcheuses –Tisbea (Tirso), Rosalba (Cicognini)–, des paysannes – Arminta (Tirso), Amarante (Dorimon), Belinde (De Villiers)– ou enfin de la célèbre Doña Ana, la fille du Commandeur (Tirso, Cicognini, Mozart / Da Ponte et Dumas). Consciente du risque qu’elle encourt, la femme affiche souvent une attitude méfiante à l’égard du séducteur. C’est la raison alléguée par la bergère Amarante lors de son refus “au discours suborneur” de Dom Jouan (Dorimon). Le texte le plus clair qui soit à cet égard est celui de Molière où la paysanne Charlotte oppose sa vertu aux propos captieux du séducteur: “Je suis une pauvre paysanne; mais j’ai l’honneur en recommandation, et j’aimerais mieux me voir morte que me voir déshonorée”. Dans l’opéra de Mozart, Zerline tient ces mêmes propos, les appuyant sur la mauvaise réputation dont les gentilshommes jouissent parmi les paysans. Une des héroïnes du poème de Byron se débat longuement entre les attraits de la chair et son honneur de femme. Alors elle appelle “à son aide l’honneur, l’orgueil, la religion et la vertu”, résout d’être prudente et jure “de ne plus revoir Juan”. Mais le mythe ainsi que la satire de l’auteur exigent que la femme se crée de fausses excuses sur la force d’une “femme vertueuse”. D’ailleurs, se demande-t-elle, son amour n’est-il pas “divin, brillant, immaculé, pur et sans mélange”, bref, un amour “innocent”? Ainsi parée de ces arguments, et “convaincue que son honneur [est] un roc”, elle se dispense de tout contrôle incommode. On peut supposer la suite: un jour dans un bosquet charmant “tout en murmurant bien bas: «Je ne consentirai jamais», –elle consentit”. Cet honneur que Charlotte chez Molière et Julia chez Byron avaient “en recommandation” revient en force dans la pièce de Dumas. Selon l’imaginaire hispanique à la période romantique, toutes les femmes espagnoles étaient fort soucieuses de la question de l’honneur et ne lésinaient pas sur les moyens afin de faire valoir leur vertu. Lorsque, dans une posada de Madrid, Don Sandoval joue et perd sa maîtresse en faveur de Don Juan, il donne au héros un avis sur la dame que celui-ci vient de gagner: “Doña Inès est une véritable Espagnole, hautaine et jalouse, portant toujours un poignard de Tolède à sa jarretière, et une fiole de poison à sa ceinture; gardez-vous de l’un et de l’autre”. Don Sandoval avait bien raison; dépitée du peu d’honneur chevaleresque de celui à qui elle “avai[t] confié [s]on honneur”, Doña Inès fait usage de la fiole à la première occasion pour se donner la mort. Ce n’est pas la première femme qui se suicide parce qu’elle apprend qu’elle est devenue un simple jeu entre les mains de Don Juan. Vers la fin de cette même pièce, nous assistons à une réunion de
  • 5. 5 fantômes dans une église: ce sont des spectres de femmes qui racontent les vilenies dont elles ont été l’objet à cause de Don Juan. Il est évident que la conduite de Don Juan va à l’encontre de la conception vertueuse de l’honneur. Cela est clair, surtout lors des premières cristallisations du mythe, les auteurs tendant à estomper les allusions à tout jugement de valeur sur la vertu du héros au fur et à mesure que les siècles avancent. Chez Tirso et les Italiens, il n’est pas fait mention de ce manque d’honneur de Don Juan. C’est dans la pièce de Villiers qu’il en est question pour la première fois de manière explicite. Ayant connu les forfaits de son fils Dom Juan, Dom Alvaros se plaint de ce fils “qui foule aux pieds l’honneur et le devoir”. Le héros lui-même tourne en dérision “les scrupules” dont les jeunes femmes se font “un honneur” (Molière). La déconstruction moderne du mythe est longuement développée dans l’œuvre de Shaw. Pour ce qui est de la vertu telle qu’elle était généralement admise, le héros explique l’incohérence des principes d’un tel honneur. Dans la conversation qu’il entretient en enfer avec la Statue du Commandeur, il avoue avoir fait aux femmes des propositions “universellement condamnées”, les mêmes qui ont fait de lui un héros de légende. Tout lui semble normal jusqu’ici; ce qu’il n’arrive pas à comprendre c’est la somme de conditions “honnêtes” que chaque femme pose avant de lui accorder ses faveurs. L’honneur de chaque femme, précise-t-il, consiste en son engagement à lui de prendre ses biens, si elle en a, ou à l’entretenir, si elle n’en a pas. Ce n’est pas tout: il doit jurer être à jamais fasciné par sa compagnie continuelle, ses conseils et sa conversation; enfin, il doit tourner toujours le dos aux autres femmes. La manière dont ces conditions sont reçues par Don Juan les rend tout à fait abjectes car il ne regarde que l’aspect négatif de l’amour et de l’honneur; aussi comprend-on qu’il ait préféré ne rien objecter à ces conditions, tellement elles lui semblent exorbitantes et inhumaines. Le lignage Une autre conception de l’honneur est fondée sur la condition sociale de la personne. Par le seul fait de naître d’un lignage noble, un homme est censé posséder un “sang pur et digne d’honneur” (Tirso, III, v. 2612-1613). Cet honneur tire son origine de l’ancienneté, notamment en Espagne où les maisons d’illustre lignage, comme celle du Commandeur, pouvaient se vanter d’avoir parmi leurs ancêtres des héros de la Reconquête sur les musulmans (Zamora, I, v. 795-797). Il faut cependant remarquer qu’au temps où le mythe prend naissance abondaient les protestations des paysans sur la véracité de ce prétendu honneur que s’abrogeaient les nobles (Tirso, I, v. 1913-1939). Si à cette haute naissance on ajoute une conduite vertueuse, l’honneur du noble devient l’ornement de toute la famille et même de la ville (De Villiers, IV, 8, v. 1319). Cette haute condition sociale, qui appartient en propre aux nobles, est bien décrite tout au long des ouvrages. Elle fournit aux gentilshommes une sorte de garantie sur la droiture de leurs pensées comme de leurs actions; c’est précisément sur ce gage d’honneur que Don Giovanni fonde sa démarche séductrice de Zerline: “la noblesse porte l’honnêteté gravée sur son front” (Mozart / Da Ponte). Mais le plus souvent cette conception de l’honneur est dépeinte sous la conduite orgueilleuse des nobles. Les conseils que Don Carlos donne à son fils Don Juan, dans le conte de Mérimée, quand ce dernier atteint la maturité d’âge sont fort éloquents à ce propos: “Souviens-toi que le bien le plus précieux d’un gentilhomme, c’est son honneur; et ton honneur, c’est celui des Maraña. Périsse le dernier rejeton de notre maison plutôt qu’une tache soit faite à son honneur!”. Ainsi la fierté doit éviter toute souillure au nom de la famille: Don Juan est tenu de tenir sans cesse présente à l’esprit son illustre ascendance. Suit un autre conseil sur l’arme des chevaliers: “Prends cette épée; elle te défendra si l’on t’attaque. Ne sois jamais le premier à la tirer; mais rappelle-toi que tes ancêtres n’ont jamais remis la leur dans le fourreau que lorsqu’ils étaient vainqueurs et vengés” (Mérimée). Deux ans
  • 6. 6 après la publication du conte de Mérimée, paraissait la première édition de la pièce de Dumas. Lors du dialogue qu’entretiennent le mauvais ange et le bon ange, on trouve un écho de cet illustre lignage. Le bon ange indique un marbre sur lequel se trouve “le comte Don Juan, seigneur de Maraña, / Tige des Maraña, dont l’illustre famille / Fut, depuis trois cents ans, l’honneur de la Castille”. Tout comme le jeune homme des Âmes du purgatoire ne tarde pas à oublier les conseils de son père, le héros de La Chute d’un ange s’empresse de dire au prêtre Dom Mortès qu’il faut contredire la volonté de son père moribond; de la sorte le droit d’aînesse qui revient à son frère Don Josès sera retourné à son propre profit: “Je ne veux pas que le vieillard reconnaisse Don Josès pour mon frère… et cela, non pas parce qu’il est le fils d’une bohémienne, non pas parce qu’il est un païen, non point parce qu’il déshonorerait mon nom dans l’autre monde […]; mais parce que, dans celui-ci, il me prendrait mon titre de comte, dont j’ai besoin pour faire grande et noble figure par les Espagnes… mes richesses, qu’il me faut pour acheter l’amour qu’on ne voudra pas me donner, et mes dix mille vassaux, qui me sont nécessaires pour m’assurer l’impunité que la justice se lassera peut-être de me vendre…”. Ainsi Don Juan fait abstraction de nombre de qualités exigées par son statut de noblesse et ne garde qu’une apparence – celle que les femmes voient en lui– de gentilhomme de haute société (Barbey d’Aurevilly). L’honneur chevaleresque de Don Juan subit au XXe siècle un changement non négligeable. La devise de sa famille, d’après la pièce de Montherlant, est “Nous servons pour l’honneur et pour le plaisir”; mais lui-même trouve dans l’honneur quelque chose de vraiment triste. Le problème est précisément là, car le héros de Montherlant songe à être heureux plutôt qu’à vivre; or, il est problématique “d’être heureux dans l’honneur”, un honneur auquel il ne croit pas, de même qu’il ne croit pas vraiment au lignage des Tenorios. Cette conduite hautaine et orgueilleuse du héros est parfaitement décrite dans le roman de Torrente Ballester. Leporello essaie d’expliquer au protagoniste (le narrateur) la démarche de son maître; au cours d’une discussion, il lui demande s’il a peur, et comme son interlocuteur fait signe que non et se montre prêt à tout pour le prouver, “C’est la dernière astuce, dit-il, pour obtenir quelque chose d’un Espagnol. […] Quels types si bizarres et si sympathiques vous êtes! Mon maître aurait agi comme vous. En réalité, il a toujours agi de la sorte. La peur d’être tenu pour lâche est plus forte que le plus fort des raisonnements”. On découvre ici la raison ultime de la mort de Don Juan lors des premières cristallisations du mythe. Si Don Juan donne sa main à la statue du Commandeur c’est seulement parce que ce dernier aurait pu le traiter de lâche (“– Ne crains pas de me donner la main. – Que dis-tu? Moi! Peur?”, Tirso). Les exemples de cette résolution, prise afin d’éviter toute lâcheté indigne de son illustre lignage, foisonnent depuis. Mais le principal problème d’honneur rencontré par le héros dans ce roman est celui d’avoir perdu sa virginité dans les bras de la prostituée Mariana payée par le Commandeur. Il trouve que l’honneur de la famille Tenorio est souillé et le sien propre avec; aussi décide-t-il de mettre en œuvre tous les moyens pour le recouvrer. Le premier est de tuer le Commandeur, l’homme qui provoqua son déshonneur par personne interposée, ce qu’il fera à la fin d’un jeu de cartes dans une hôtellerie. Son raisonnement est celui que les Espagnols utilisaient d’habitude en ces cas: “Je ne suis pas un tueur, et moins encore un assassin mais un homme d’honneur qui va laver une offense par le sang”; et plus tard: “Car c’est du sang dont j’ai besoin”. Le deuxième moyen sera d’épouser Mariana: “(Les Tenorios) me commandent de garder l’honneur, et je me sentais déshonoré parce que j’avais perdu mon innocence avec une femme qui était à tous les hommes. Mais, la faisant mienne, en lui communiquant mon propre honneur, je la lave et me lave moi-même aussi”. Le lignage et la naissance impliquent simultanément une série de droits acquis et de devoirs contractés. Les règles sociales supposent la jouissance des premiers comme l’exécution des derniers. Un homme noble, par le seul fait de son origine noble, doit s’acquitter des divers engagements que lui impose son statut: l’accomplissement de la parole donnée, l’attitude chevaleresque envers ses pairs
  • 7. 7 et la conduite vertueuse. Don Juan suivra ces devoirs de manière inégale selon les cas et les fluctuations du mythe au long des siècles. Le caractère noble de Don Juan engage le protagoniste lors de ses multiples promesses. Or, il faut distinguer deux sortes de paroles donjuanesques: la parole donnée à la transcendance et la parole donnée à une femme. Pour ce qui est de la parole donnée à la transcendance (peu importe si elle prend les formes d’un spectre, d’une ombre, d’une vision ou d’une effigie parlante), Don Juan estime devoir se comporter comme un chevalier. Face à la Statue du Commandeur, il promet d’agir comme son état l’exige: “– Tiendras-tu une parole en chevalier? – J’ai de l’honneur et je tiens ma parole, car je suis chevalier” (Tirso). En effet, Don Juan assiste au rendez-vous pris avec l’au-delà. Certes, le dénouement du mythe exige cet accomplissement de la parole, mais il renforce aussi l’idée de l’honneur chevaleresque du héros. Dans les notes écrites au sujet de sa pièce, Montherlant explique pourquoi Don Juan accomplit sa parole donnée à la transcendance: “Cet amoral est tellement homme d’honneur qu’il veut tenir les promesses qu’il a faites à un «être» (Dieu) dont il est convaincu de l’inexistence”. Il n’en va pas de même pour la parole donnée à un humain. S’il s’agit d’un homme, Don Juan promet “sur [son] honneur” tantôt à son valet (Mozart / Da Ponte), tantôt à des nobles, mais sans avoir aucunement l’intention de tenir ce qu’il a promis (Molière). La parole donnée à une femme fait partie de la démarche séductrice de Don Juan. Le héros considère que cet engagement n’est pas directement compris dans son statut noble mais dans celui d’amoureux. Étant donné sa conception de l’amour, il s’arroge le droit (et parfois se croit dans l’obligation) de ne pas tenir ses promesses. Dans la pièce de Molière, le séducteur a recours à la moquerie et tourne en dérision le “faux honneur d’être fidèle” à la parole donnée. Pourtant la femme n’est pas du même avis: pour elle Don Juan s’est présenté en chevalier et c’est en chevalier qu’il doit tenir ses promesses. Aminta, la paysanne abusée la nuit des noces, réclame au roi le mariage que le “seigneur Don Juan Tenorio” lui avait promis car sa qualité de “noble” l’empêche de la renier (Tirso). Outre la parole donnée, un homme de haut lignage est tenu de respecter d’autres conventions sociales qui deviennent ainsi des marques du “renom éclatant” des nobles (Villiers). Le gentilhomme se doit, par exemple, de prêter main forte à un égal en mauvaise position: c’est une trace de l’honneur chevaleresque qui exige le courage lors des adversités. On explique de la sorte que Dom Juan vienne en aide à Dom Carlos qui est attaqué par trois voleurs. C’est une action “généreuse”, selon le mot de ce dernier. La réponse de Dom Juan montre à l’évidence qu’il agit ainsi seulement à cause de sa condition sociale: “Je n’ai rien fait, Monsieur, que vous n’eussiez fait en ma place. Notre propre honneur est intéressé dans de pareilles aventures” (Molière). Dans cette scène, il reste clair que l’action courageuse, par opposition à la lâcheté du bas peuple, est conçue par Don Juan comme une marque de son honneur. Il convient de souligner que cet épisode réapparaît, sensiblement modifié, dans la pièce de Zamora. Armé d’une épée et d’un bouclier, Fresneda sauve la vie à Don Juan qui était déjà à la merci de ses ennemis. Il apprend plus tard qu’il a porté main forte à l’offenseur de sa famille; aussitôt, il décide de se battre avec lui. On voit ainsi que l’honneur chevaleresque exige ce genre d’actions généreuses. Don Juan lui-même brille à plusieurs reprises à ce propos; outre le cas de Molière, on doit citer notamment ceux de Dumas et de Zorrilla. Dans Don Juan de Maraña comme dans Don Juan Tenorio, le héros rencontre enfin un alter ego, dont la réputation n’a rien à envier à la sienne: Don Sandoval chez Dumas et Don Luis chez Zorrilla. Ces personnages nobles sont fort heureux de se rencontrer car ils se haïssent à mort. Dans les deux pièces, ils font un pari dont le gage est la maîtresse. Comme Don Juan gagne, tantôt par la chance au jeu tantôt par l’astuce dans la séduction, son rival reconnaît sa perte mais affirme qu’il n’y a pas de place au monde pour tous les deux; aussi le défie-t-il en duel. Dans ces deux cas, même si en bonne loi l’affaire devrait s’arrêter là,
  • 8. 8 Don Juan ne refuse pas le duel. Il tue son adversaire, mais non sans louer son courage et sa hardiesse qui font honneur à son lignage. La conduite vertueuse est enfin une autre condition imposée par la haute naissance. Dom Luis le rappelle à son fils dans la pièce de Molière: “Croyez-vous qu’il suffise d’en porter le nom et les armes, et que ce nous soit une gloire d’être sorti d’un sang noble lorsque nous vivons en infâmes? Non, non, la naissance n’est rien où la vertu n’est pas”. Au contraire, la conduite vertueuse fait que le gentilhomme ressemble à ses ancêtres; c’est, si l’on veut, une manière de tenir ses engagements envers ceux dont il a reçu l’honneur à sa naissance. La pureté du sang Il convient de noter, avant de conclure, qu’il existe une autre conception de l’honneur qui prend naissance dans l’histoire de l’Espagne. Les Castillans, victorieux sur les Musulmans, se considérèrent longtemps comme les continuateurs de la race des Goths habitants de la Péninsule ibérique avant l’invasion. Ceux qui se convertirent au christianisme (les morisques) et ceux qui naquirent des mariages chrétiens, où l’un des membres avait du sang musulman (ou juif, par extension religieuse, politique ou pécuniaire), étaient considérés comme d’un sang inférieur. Deux “races” se trouvèrent ainsi confrontées pendant longtemps: celle des Vieux Chrétiens et celle des Nouveaux Chrétiens. C’était l’origine d’une nouvelle condition sociale selon laquelle le sang pur était plus prisé que celui des nobles (lesquels étaient suspects, non sans raison, d’avoir contracté des mariages avec des morisques ou avec des Juifs convertis). En revanche, le peuple de la campagne et surtout des montagnes, faisait valoir son sang pur face à celui de la noblesse. C’est seulement ce point de vue qui donne sa lumière à bon nombre des protestations des paysans face au comportement des nobles et, en l’occurrence, de Don Juan. Gaseno n’est nullement intimidé lorsqu’il s’adresse au duc Octavio afin de lui demander qu’il intercède en faveur d’Arminta devant le roi car “elle a beaucoup d’honneur”, “est Vieille Chrétienne jusqu’aux os” et “mérite d’épouser plutôt un marquis qu’un comte” (Tirso). Byron dit au sujet de Don José, père du héros, qu’il “était un véritable hidalgo, sans une goutte de sang israélite ou maure dans ses veines; son origine remontait aux plus gothiques gentilshommes de l’Espagne”. Mais ces récurrences sont trop peu nombreuses dans le mythe; et pour cause: cette conception de l’honneur est spécifique du peuple campagnard et des nobles cherchant à être admis dans un ordre militaire ou dans une charge royale. Don Juan ne veut ni l’un ni l’autre. Bibliographie Éditions ANONYME, “La calavera y el convidado de piedra”, romance, Romancero viejo y tradicional, éd. Manuel Alvar, México, Porrúa, 1979. ANONYME, Il convitato di pietra. XXIVe scénario du manuscrit Casanatense, in Vita, avventure e morte di Don Giovanni, éd. Giovanni Macchia, Milan, Adelphi, 1991. ANONYME, L’ateista fulminato. IVe scénario du manuscrit Casanatense, in Vita, avventure e morte di Don Giovanni, op. cit. BARBEY D’AUREVILLY, Les Diaboliques, in Œuvres romanesques complètes, t. II, éd. Jacques Petit, Paris, Gallimard, coll. “Bibliothèque de la Pléiade”, 1989 (1966). BIANCOLELLI, Domenico, Convitato di pietra. Le Festin de pierre et suite du Festin de pierre. Scénario, in Vita, avventure e morte di Don Giovanni, op. cit. BYRON, Georges Gordon, Don Juan, trad. Benjamin Laroche, nlle éd. Stéphane Michalon et Julie Pribula, Paris, Florent Massot, 1994.
  • 9. 9 CICOGNINI, Giacinto Andrea, Il Convitato di pietra, in Vita, avventure e morte di Don Giovanni, op. cit. DELTEIL, Joseph, Don Juan, Paris, Bernard Grasset, 1930. DORIMON, Le Festin de Pierre ou le Fils criminel, in Le Festin de Pierre avant Molière. Dorimon, de Villiers, Scénario des Italiens, éd. G. Gendarme de Bévotte, nlle éd. Roger Guichemerre, Paris, Société des Textes Français Modernes, 1988. DUMAS, Alexandre, Don Juan de Maraña, in Trois Don Juan. “Don Juan de Maraña” d’Alexandre Dumas (introd. et annotation de Loïc Marcou), “Don Juan”, d’Alexis C. Tolstoï, “L’Étudiant de Salamanque” de José de Espronceda, préf. Pierre Brunel, Paris, Florent-Massot, 1995. ESPRONCEDA, José de, L’Étudiant de Salamanque, in Trois Don Juan, op. cit., trad. Raymond Foulché-Delbosc, introd. Christiane Séris. FRISCH, Max, Don Juan ou l’Amour de la Géométrie (Don Juan oder die Liebe zur Geometrie), trad. Henry Bergerot, Paris, Gallimard, 1991 (1969). HOFFMANN, Ernest Theodor Amadeus, Don Juan. Der Sandmann, éd. Michel-François Demet, Paris, Le Livre de Poche, 1991. LENAU, Nicolaus Niembsch von Strehlenau, Don Juan. Ein dramatisches Gedicht, éd. Walther Thomas, Paris, Aubier, 1993 (1931). MACHADO, Manuel y Antonio, Don Juan de Mañara, drama en tres actos y en verso, in Obras completas de Manuel y Antonio Machado, Madrid, Editorial Plenitud, 5e éd., 1973. MÉRIMÉE, Prosper, Les Âmes du purgatoire, in Romans et Nouvelles, t. II, éd. Maurice Parturier, Paris, Garnier Frères, 1967. MOLIÈRE, Dom Juan ou le Festin de Pierre, comédie, in Molière. Œuvres complètes, éd. Georges Mongrédien, t. II, Paris, Garnier-Flammarion, 1992 (1965). MONTHERLANT, Henry de, La Mort qui fait le trottoir (Don Juan), in Théâtre, préf. Jacques de Laprade, préf. complémentaire Philippe de Saint Robert, Paris, Gallimard, coll. “Bibliothèque de la Pléiade”, 1972. MOZART, Amadeus et Lorenzo DA PONTE, Il Dissoluto punito ossia il Don Giovanni trad. Gilles de Van (1979), CD: Berlin, Jesus-Christus Kirche, coproduction Érato / Rias Berlin, 1992. POUCHKINE, Alexandre Sergueievitch, Le Convive de Pierre. La Roussalka, éd. Henri Thomas, Paris, Éditions du Seuil, 1947. SHAW, Bernard, Man and Superman. A Comedy and a Philosophy, éd. Dan H. Laurence, Harmondsworth, Middlesex, Penguin Books, 1957. TIRSO DE MOLINA, El burlador de Sevilla. Atribuida a Tirso de Molina, éd. Alfredo Rodríguez López-Vázquez, Madrid, Cátedra, coll. “Letras Hispánicas”, n 57, 7e éd., 1995. – L’Abuseur de Séville. (Don Juan). El Burlador de Sevilla, éd. Pierre Guenoun, bibliogr. nlle Bernard Sesé, Paris, Aubier, coll. “Domanine hispanique”, 1991 (1968). TOLSTOÏ, Alexis Constantinovitch, Don Juan, in Trois Don Juan, op. cit., trad., introd. et annotation Michel Cadot. TORRENTE BALLESTER, Gonzalo, Don Juan, Barcelona, Ediciones Destino, coll. “Destinolibro”, n 14, 1995 (1962). VILLIERS, Sieur de, Le Festin de Pierre ou le Fils criminel, in Le Festin de Pierre avant Molière. Dorimon, de Villiers, Scénario des Italiens, op. cit. ZAMORA, Antonio de, No hay deuda que no se pague y convidado de piedra, introd. Piero Menarini, éd. Paola Bergamaschi, Bologna, Atesa Editrice / M.U.R.S.T., coll. “Testi e Studi Ispanici”, 1992. ZORRILLA, José, Don Juan Tenorio, éd. Luis Fernández Cifuentes, introd. Ricardo Navas Ruiz, Barcelona, Crítica, 1993. Note: pour les éditions non françaises, c’est nous qui traduisons.
  • 10. 10 Études CASTRO, Américo, Le Drame de l’honneur dans la vie et dans la littérature espagnoles du XVIe siècle, Paris, Klincksieck, 1965. DOLFI, Laura, “La «mujer burlada»: honor e invención en la comedia de enredo”, Tirso de Molina: Immagine e rappresentazione. Segundo coloquio internacional. con un’appendice sur tema del Don Giovanni, éd. de Laura Dolfi, Napoli, Edizione Scientifiche Italiane, 1991, p. 135-186. FEAL, Carlos, “Don Juan y el honor en la obra de Pérez de Ayala”, Cuadernos Hispanoamericanos, 367-368, 1981, p. 81-104. GUTIÉRREZ NIETO, Juan Ignacio, “Honra y utilidad social. En torno a los conceptos de honor y honra”, Calderón. Actas del Congreso internacional sobre Calderón y el teatro español del Siglo de Oro, t. II, études recueillies par Luciano García Lorenzo, Madrid, Consejo Superior de Investigaciones Científicas, 1983, p. 881- 895. LOSADA, José Manuel, L’Honneur au théâtre. La Conception de l’honneur dans le théâtre espagnol et français du XVIIe siècle, Paris, Klincksieck, 1994. MANDRELL, James, Don Juan and the point of honor: seduction, patriarchal society and literary tradition, University Park, Pennsylvania State University, 1992.