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Modernisme: Questions de théorie
José Manuel LOSADA
Universidad Complutense
Departamento de Filología Francesa
josemanuellosada@wanadoo.es
RÉSUMÉ
Cet article expose une série d’idées autour de la modernité et du modernisme. Le modernisme litté-
raire, contesté selon les lieux et les époques, n’est pas un terme univoque; son interprétation dépend
en grande partie de la perspective adoptée, et la critique peut parler tantôt d’une attitude moderniste,
tantôt d’un mouvement moderniste qui comprend plusieurs littératures fin-de-siècle.
Mots clés: Modernisme, modernité, modernismo, Modernism
Modernismo: Cuestiones de teoría
RESUMEN
Este artículo expone una serie de ideas en torno a la modernidad y el modernismo. El modernismo lite-
rario, término polémico según los lugares y las épocas, no es unívoco; su interpretación depende de la
perspectiva adoptada: la crítica puede hablar así de una actitud modernista o de un movimiento moder-
nista que engloba variadas literaturas en el paso del siglo XIX al siglo XX.
Palabras clave: Modernismo, modernidad, Modernism
Modernism: Questions of theory
ABSTRACT
This article puts forward some ideas about modernity and modernism. Literary modernism is a con-
troversial term in academic research; its interpretation depends on perspective, and so critics can speak
either of a modernist attitude or of a modernist movement which ranges many literatures at the end of
the 19th century and the beginning of the 20th century.
Key words: Modernism, modernity, modernismo
SUMARIO: Modernité. Modernisme théologique. Modernisme littéraire. «Modernisme». Modernism.
Modernismo. Sources et caractère du modernisme littéraire. Références bibliographiques.
Tout chercheur intéressé par le modernisme se trouve de prime abord confronté
à une série de questions: quand le modernisme littéraire commence-t-il à s’imposer
dans la sphère des lettres et quand se montre-t-il à bout de forces? Ces questions en
Thélème. Revista Complutense de Estudios Franceses ISSN: 1139-9368
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emmènent une autre encore plus profonde: pourquoi le modernisme prend-il nais-
sance? Le chercheur voudra encore savoir quels sont les auteurs et les ouvrages que
l’on peut appeler modernistes, quels sont les pays où le modernisme s’est dévelop-
pé et quelle est l’ampleur de ce développement. Toutes ces questions confluent vers
une seule, la clef de voûte: qu’est-ce que le modernisme? Pour y répondre, il est
indispensable de préciser, même sommairement, les divergences des terminologies
utilisées.
MODERNITÉ
Ce mode de civilisation caractéristique qui s’oppose au mode de la tradition est
né vers le milieu du XIXe siècle et restera tenace jusqu’à une étape très avancée du
XXe. Certes, la modernité paraît, en ce qui concerne son essence, une et homogène
et, en ce qui concerne son origine, occidentale. «Pourtant elle demeure une notion
confuse, qui connote globalement toute une évolution historique et un changement
de mentalité» (Baudrillard: 552). Le refus que la modernité oppose à toute sorte de
culture et de canon définitifs explique que l’on ne puisse qu’énumérer plusieurs
caractères qui lui sont propres: quotidienneté, mouvance dans les formes, dans les
contenus, dans l’espace et dans le temps…
Pour ce qui est du modernisme face à la modernité, un bref historique nous aide-
ra à mieux cerner la question. Si le substantif de modernité, au sens de caractère de
ce qui est moderne, apparaît chez Balzac en 1823, avant de s’identifier véritable-
ment à Baudelaire, et si celui de modernisme, au sens de goût, le plus souvent jugé
excessif, de ce qui est moderne, apparaît chez Huysmans, dans le Salon de 1879,
l’adjectif moderne, lui, est beaucoup plus ancien, selon Hans Robert Jauss qui a
retracé son histoire (1998: 173-229). Modernus apparaît en bas latin à la fin du Ve
siècle, et vient de modo: «tout juste, à l’instant», mais aussi «maintenant, à l’heure
actuelle». Modernus désigne non pas ce qui est nouveau, mais ce qui est présent,
actuel, contemporain de celui qui parle. Au siècle suivant, chez Cassiodore, on per-
çoit pour la première fois l’opposition conceptuelle entre présent «moderne» et
Antiquité classique: dans le couple antiqui et moderni, il voit déjà Rome et la civi-
lisation antique dans la perspective historique d’un passé révolu. Les moderni con-
tre les antiqui, voilà l’opposition initiale, celle du présent contre le passé. Toute
l’histoire du mot et de son évolution sémantique sera, ainsi que Jauss le suggère,
celle du raccourcissement du laps de temps qui sépare le présent du passé, autre-
ment dit celle de l’accélération de l’histoire (vid. Jauss, 1998: 179-80 et Compag-
non, 1990: 17-18). Ce changement de perspective est à la source de la quête conti-
nuelle chez les écrivains modernistes et, par la suite, d’une originalité dans le choix
des formes et des thèmes. C’est grâce à cet apport de la modernité que le moder-
nisme part toujours à la recherche de l’inattendu, du mot surprenant et choquant,
source inépuisable, au moins pendant plusieurs décennies, d’originalité et d’exotis-
me — d’où le motif oriental, de finesse aristocratique et l’abondance des pierreries,
laques, ivoires, porcelaines, velours, soies… que l’on reconnaît dans certaines
manifestations du Jugendstil, de l’Art Nouveau et du Modern Style.
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On se souvient des mots de Baudelaire: «La modernité, c’est le transitoire, le
fugitif, le contingent, la moitié de l’art, dont l’autre moitié est l’éternel et l’immua-
ble» (1968: 553). À sa suite, on pense une modernité penchée vers le particulier plu-
tôt que vers l’universel. Ainsi conçue, la modernité d’un Baudelaire, d’un Dos-
toïevski ou d’un Whitman apparaît comme le résultat d’une décadence qu’il faut
transformer et même spiritualiser au moyen de l’alchimie de l’art. L’importance de
ces postulats (dont on trouverait la semence, entre autres, chez Swedenborg et
Ballanche) n’a pas besoin d’être soulignée. Pourtant nous ne sommes que dans une
modernité en germe qui prend conscience d’elle-même. La transition faite par Rim-
baud marque un pas en avant. Dans son œuvre on peut reconnaître les germes de
tendances qui caractérisent la littérature du XXe siècle:
Élargissement de la conscience, exploration des possibilités humaines jusqu’à
une distorsion voulue, ce désir d’aller jusqu’au bout qui semble en effet être un des
refrains de la modernité. (Davies, 1975: 11)
Le terme, continue Davies, est la constatation d’un monde moderne sans Dieu,
où la seule vérité se trouve dans l’homme lui-même. Contrairement aux accents plu-
tôt angoissants de Rimbaud dans Une Saison en enfer, Nietzsche célèbre de façon
triomphale la mort de Dieu dans Also sprach Zarathustra. D’autres courants de pen-
sée viendraient se joindre à ceux-ci: la conscience d’une décadence, le désir de gar-
der l’esprit chrétien qui avait imprégné l’Occident depuis longtemps, la nostalgie
des uns et la crainte des autres.
Pour la majeure partie de l’Occident, cette transformation est de poids et ne va
pas sans malaise. Cela explique qu’on ait vu la crise des temps modernes comme un
symptôme que la modernité elle-même est incapable de cerner. Elle n’analyse pas
cette crise, elle l’exprime de façon ambiguë, dans une fuite en avant continuelle.
Voici l’un des éléments constitutifs de la modernité: le paradoxe. La destruction et
le changement sont partout, mais aussi l’ambiguïté et l’amalgame. C’est ce parado-
xe qui nous empêche de préciser des concepts d’analyse, des lois et, somme toute,
une théorie de la modernité. Toutefois la modernité est informée par une logique et
par une idéologie. La première découle de la domination humaine sur la nature;
cette véritable révolution continuelle instaure une mutation profonde d’une généra-
tion à celle qui la précède et perpétue sans cesse un lieu de conflits. La deuxième
suit la dynamique de la mobilité (sociale, professionnelle, géographique, de mode,
etc.), de l’intrusion (implication de la révolution technologique dans la vie privée)
et de la discontinuité (les cycles de la rupture et de l’immanence sont substitués à
ceux de la continuité et de la transcendance). Il s’ensuit que la modernité n’est pas
conçue comme la transmutation de toutes les valeurs: elle est plutôt «la destructu-
ration de toutes les valeurs anciennes sans leur dépassement, c’est l’ambiguïté de
toutes les valeurs sous le signe d’une combinatoire généralisée» (Baudrillard: 554),
où l’homme se croit au-delà du bien et du mal.
Cependant l’essentiel demeure la prise de conscience qu’avec l’avènement du
tournant du siècle, une espèce de sentiment moderne est en train de se frayer un che-
José Manuel Losada Modernisme: Questions de théorie
Thélème. Revista Complutense de Estudios Franceses 151
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min. Les artistes n’hésitent pas à marcher sur ces sentiers tantôt balisés par la con-
fiance dans le domaine scientifique, tantôt hantés par le soupçon que d’autres tra-
vailleurs sont en train de dévoiler des vérités nouvelles.
D’où le désir, qui va croissant et quelquefois jusqu’à une sorte de frénésie, d’in-
venter du nouveau, de créer de toutes pièces, de donner des preuves du pouvoir auto-
nome de l’art. (Davies, 1975: 14).
Il faut souligner cependant que la modalité autonome de l’art n’atteint pas sa
majorité d’âge ni d’une façon universelle ni à une date précise. Si les Lumières et
le romantisme supposèrent un premier pas en avant, la réalité bourgeoise du XIXe
siècle ralentit quelque peu l’allure de cette revendication. Si les différentes tendan-
ces modernistes et les mouvements d’avant-garde signifièrent un pas décisif dans
cette démarche, il n’en demeure pas moins qu’il faut s’avancer à pas de loup: l’a-
llure de la modernité diffère considérablement selon les pays concernés.
MODERNISME THÉOLOGIQUE
L’acception théologique du mot est loin de rendre compte de tous les aléas du
modernisme. Il est pourtant hors de doute qu’une brève incursion dans le versant
ecclésiastique de la question peut aider à mieux comprendre tous les tenants et les
aboutissants du problème.
Né en Allemagne, le modernisme religieux fut promu par certains théologiens
catholiques, protestants et juifs dans le but de concilier le dogme avec la critique
moderne de la Bible et, plus précisément, imposer une révision profonde des idées
reçues et, corrélativement, du «régime intellectuel dans l’Église». On se souviendra
que plusieurs de ces théologiens —le baron Friedrich von Hügel, le Britannique
George Tyrrell et les Français Alfred Firmin Loisy et Édouard Le Roy— furent l’ob-
jet de successifs rappels à l’ordre. Il y eut d’abord une condamnation diocésaine par
l’archevêque de Paris, puis, une réprobation de soixante-cinq propositions par le
Saint-Office dans son décret Lamentabili (juillet 1907), et finalement une promul-
gation doctrinale et disciplinaire par Pie X dans son encyclique Pascendi gregis
(septembre 1907), avant de frapper d’excommunication majeure plusieurs de ces
théologiens.
Juan Ramón Jiménez a parlé à plusieurs reprises du modernisme théologique
afin de mieux expliquer l’essence du modernisme littéraire. Celui-ci lui apparaît
comme un humanisme nouveau qui, à l’instar de la querelle ecclésiastique, s’effor-
ce pour supprimer certains dogmes conçus comme une entrave au développement
de la conscience humaine:
La Renaissance, influencée par l’humanisme gréco-latin, cesse d’être mystique.
Le modernisme est une nouvelle Renaissance qui unit le côté sensoriel avec le côté
métaphysique, le dogme avec l’homme. (1962: 80)
José Manuel Losada Modernisme: Questions de théorie
152 Thélème. Revista Complutense de Estudios Franceses
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MODERNISME LITTÉRAIRE
Le modernisme littéraire est polyvalent. Il y a dans le modernisme littéraire un
mélange assez étrange d’érotisme et de mysticisme vague. Cet aspect non matériel
exprime l’opposition nette et claire du modernisme au positivisme et à l’empirisme
qui avaient pris le dessus aux décennies précédentes. Mais le penchant spirituel du
modernisme n’en finit pas là. Son héritage symboliste le rend fuyant à souhait; par
là même, le mysticisme moderniste ne se laisse pas saisir aisément; dès qu’on essaie
de s’en emparer, il se volatilise entre nos propres mains: voilà une preuve des pro-
blèmes méthodologiques énoncés plus haut. Federico de Onís, compilateur d’an-
thologies modernistes, éprouvait lui-même ces difficultés à préciser les lignes maî-
tresses de certains écrivains modernistes. Il ne fit mouche que lorsqu’il en vint à dire
que le modernisme ne pouvait être défini que par l’unité de sa propre individualité.
En effet, s’agit-il de mélancolie ou de nostalgie ? Est-ce tout simplement le résultat
d’un scepticisme et du mécontentement face à la réalité qui entoure l’écrivain ? Est-
il question d’un sentimentalisme qui n’est pas sans nous rappeler les réminiscences
romantiques du modernisme ?
Mais si le modernisme a ici un point de contact avec la modernité, c’est égale-
ment ici qu’il prend ces distances. En effet, dans la mesure où l’on peut définir le
paradoxe de la modernité comme une tradition de la rupture, le problème qui se
cachait derrière le rideau revient sur la scène. Face à la modernité, contradictoire en
soi, qui affirme et nie l’art simultanément, le modernisme rejette le caractère con-
tradictoire et autodestructif de la tradition. Les modernistes ne refusent pas d’ad-
mettre la naissance du nouveau comme valeur. En cela ils reprennent la salutation
que Baudelaire adressait en conclusion du Salon de 1845 à l’«avènement du neuf»,
ainsi que la célèbre proclamation d’Ezra Pound: «Make it new !»; mais ils parient
décidément pour la beauté. Ajoutant celle-ci à la spécificité de la modernité, les
modernistes vont plus loin et rendent possible la symbiose d’une tendance idéolo-
gique avec une doctrine et une attitude littéraire.
Le modernisme ne fut pas seulement une tendance littéraire: le modernisme fut
une tendance générale. Il attei[gnit] tout. […] Les gens nous donnèrent le nom de
modernistes à cause de notre attitude. Car ce que l’on appelle modernisme n’est pas
une question d’école ni de forme, mais d’attitude. C’était une nouvelle rencontre
avec la beauté qui avait été ensevelie pendant le XIXe siècle sous un ton général de
poésie bourgeoise. Voilà le modernisme: c’est un grand mouvement d’enthousiasme
et de liberté vers la beauté. (Jiménez, 1962: 17)
D’où découle la naissance d’une volonté artistique autonome, sans doute l’un
des points cruciaux du modernisme. C’est précisément là que se situe la ligne de
démarcation entre le phénomène de la modernité et le modernisme littéraire. La
modernité, sans nier la beauté, ne la considère pas comme le point principal de son
programme. Le modernisme, quant à lui, adopte comme point indiscutable le raffi-
nement des sensations et se donne pour but d’être le garant de la beauté au cœur de
la tendance générale de la modernité.
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Thélème. Revista Complutense de Estudios Franceses 153
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Le premier écrivain qui utilisa le terme dans son acception littéraire, ce fut
Rubén Darío lors d’un article consacré à Ricardo Palma. Mais quels sont les bases
de ce modernisme littéraire ? Nettement distinct du modernisme théologique et de
la modernité, le modernisme littéraire tel qu’il est conçu par la critique commence
à faire ses premiers pas dès qu’un groupe assez considérable d’auteurs du tournant
du siècle et du début du XXe décident de prendre leurs distances par rapport à leurs
prédécesseurs du XIXe. C’est là qu’il convient d’insérer les différentes avant-gardes
et autres apports de la même période. Butler précise:
Modernist artists at the beginning of the century were to a large degree moved to
this unprecedented freedom and confidence in stylistic experiment by what they saw
as radically new ideas, current in that periods, concerning consciousness, time, and
the nature of knowledge, which were to be found in the work of Nietzsche, Bergson,
Freud, Einstein, Croce, Weber, and others. And these ideas contested in a dramatic
manner the beliefs of the older generation. (1990: 259)
Il était prévisible que les idées des nouveaux artistes, étayées par celles des phi-
losophes, allaient provoquer un transvasement des valeurs. En effet, nous sommes
ici face à une véritable révolution dont il faut chercher la force propulsive dans le
scepticisme relativiste. On la trouvera, parmi d’autres, chez Joyce, Ibsen, Shaw,
Marinetti, Kraus, Tzara, Joyce et un long et cetera. D’après cette attitude sceptique,
ces écrivains se donnent pour but de supprimer tout un système d’institutions, dog-
mes, faits, habitudes et normes qui ne leur étaient propres en rien.
La culture, conçue comme «esprit moderne», a pour tendance de remplacer la
religion et de lui substituer un nouvel ordre métaphysique. C’est dans ce contexte
que l’on peut mieux comprendre la production de Robert Musil, d’André Gide, de
Thomas Mann ou de Valle-Inclán. Il faut préciser que ce scepticisme prend souvent
des formes protéiques qu’il faut déceler: subjectivisme extrême, individualisme exa-
cerbé, hantise de liberté illimitée, intimité du poète…, mais en fait ce ne sont que
diverses manifestations du même phénomène: la prééminence accordée au moi inté-
rieur par rapport au monde extérieur. En cela, le modernisme renoue les liens avec la
tendance de l’homme vers l’immanence. Ce qui est curieux en l’occurrence, c’est
que le modernisme ne rejette pas d’une manière radicale la transcendance; or, le mot
«transcendance» risque de devenir équivoque. Face à la transcendance de l’au-delà,
d’un Dieu et d’une vie après celle-ci, le moderniste prend parti pour un paradoxe
frappant: la transcendance dès ici bas —c’est là son lien avec le mysticisme— et seu-
lement pour ici bas. À tout prendre, il ne manque pas des modernistes qui acceptent
volontiers certaines issues foncièrement anti-matérialistes: c’est là que se trouve l’ac-
quiescement de certains auteurs face à la métempsycose et, surtout, au panthéisme.
«MODERNISME»
On peut à juste titre s’étonner de l’absence d’un «modernisme» dans la critique
française. La France n’a connu ni le mouvement anglo-américain du Modernism ni
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154 Thélème. Revista Complutense de Estudios Franceses
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l’attitude du Modernismo hispanique. Pour ce qui est de la critique on a souligné
«that French criticism has not developed a period concept equivalent to the Anglo-
American term» (Fernández-Morera, 1985: 276); Yves Vadé est encore plus précis:
Le français ne connaît guère, en fait de modernismes répertoriés, que le moder-
nisme théologique […] et le modernisme architectural qui se réfère à la Charte d’A-
thènes signée en 1933. (1995: 53)
Ce dernier critique explique comment le système de la langue française paraît
s’opposer au terme «modernisme» utilisé en tant que terminologie de synthèse.
D’autres, comme Calinescu, ont allégué le positivisme de la critique française: il
aurait empêché l’étude de certains mouvements autres que ceux que l’on peut cer-
ner positivement (les mouvements symboliste ou parnassien, par exemple). Cette
dernière raison, quelque peu faible, est contestée par Fernández-Morera: «French
literature, much more than that of other nations, seems characterized by the dis-
tinctness of its artistic currents» (ibid.). Il est vrai que le terme d’avant-garde cou-
vre un nombre trop large de mouvements de l’art moderne: dadaïsme, futurisme,
surréalisme, unanimisme, etc. Mais cela arrive aussi bien en France qu’en Italie, un
autre pays dont la critique n’a pas non plus développé le terme de modernisme en
littérature: on y trouve des essais sur les mouvements d’avanguardia, sur le deca-
dentismo, sur le simbolismo, sur les écrivains crepuscolari, etc., pour désigner les
différents courants artistiques depuis le tournant du siècle.
Le terme «modernisme» existe, certes, mais dans certains pays il indique la
modernité plutôt qu’une doctrine ou une attitude littéraires. C’est seulement à la
suite de la critique étrangère que la critique francophone a adopté le terme moder-
nisme pour désigner ces mouvements survenus dès le tournant du siècle. C’est un
fait fort révélateur que le modernisme soit étudié comme doctrine ou comme attitu-
de seulement dans les pays qui ne connurent pas un grand développement des mou-
vements littéraires de la fin de siècle mais qui, en revanche, éprouvèrent un vérita-
ble bouleversement des esprits comme résultat d’un renouveau romantique
(peut-être même leur premier véritable romantisme; nous parlons du Modernism
anglo-américain et du Modernismo hispanique.
Modernism
Il est un modernisme littéraire né de la conscience de modernité (les concepts
allemand Die Moderne et anglais Modernism désignent cet art paru autour de 1880).
Ce modernisme est caractérisé par la puissance que lui accorde la sensation de nou-
veauté: il est vigoureux, optimiste et sûr du progrès social dans presque tous les
domaines. Arno Holz (pour les Allemands) et Matthew Arnold (pour les anglopho-
nes) peuvent être insérés dans ce modernisme. Mais les premières décennies du
vingtième siècle sont caractérisées par une hypersensibilité et par un esthétisme qui
n’ont pas hésité à condamner les modernistes précédents. C’est la floraison des
décadents et du culte de la forme très fin-de-siècle.
José Manuel Losada Modernisme: Questions de théorie
Thélème. Revista Complutense de Estudios Franceses 155
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La critique utilise le terme Modernism pour désigner plusieurs notions différen-
tes. Il existe d’abord le Modernism qui étudie l’ensemble de mouvements littéraires
et artistiques anglophones parus vers le début du XXe siècle (Paz, 1991: 105). Nom-
bre d’auteurs y sont inclus même si certains (comme par exemple Ezra Pound et
T.S. Eliot) n’utilisèrent jamais ce terme pour se qualifier eux-mêmes de modernis-
tes. C’est, si l’on veut, le versant des tendances françaises, espagnoles et italiennes
au Royaume-Uni et aux Etats-Unis; la critique insère ici certaines doctrines comme
l’Imagism d’Ezra Pound ou d’Amy Lowell et le Vorticism de Wyndham Lewis et,
plus tard, du même Pound.
Mais il existe une part non négligeable de la critique qui utilise également le
terme Modernism pour indiquer la modernité. Cette deuxième critique, née aux
États-Unis,
fixes the great artistic shift to a skepticism toward language and form in the middle
of the nineteenth century, which becomes the important demarcation point in recent
art history — the beginning of the phase usually referred to as modernism. (Schulte-
Sasse, 1992: xii)
Cette acception a son côté positif et son côté négatif. Elle est positive dans le
sens où le lecteur sait à tout moment le centre d’intérêt visé par tel ou tel critique;
il n’est autre que la modernité (Modernity). Mais elle est négative à cause de la con-
fusion produite du fait d’avoir mis le tout à la même enseigne: l’on en vient à per-
dre de vue la distinction nette des différents mouvements qui interviennent dès l’au-
be de la modernité jusqu’au milieu du XXe siècle.
Il existe enfin une autre acception du terme Modernism. C’est l’ensemble des
manifestations artistiques occidentales parues entre 1890 et 1930; ce regroupement
contient toutes tendances confondues (symbolisme, futurisme, expressionnisme,
surréalisme, etc.) avec l’exclusion des œuvres dites réalistes et naturalistes (vid.
Fernández-Morera, 1985: 272-275).
Modernismo
La véritable trouvaille du romantisme a été la redécouverte des traditions poéti-
ques nationales. C’est le résultat d’un long processus opéré dans un certain nombre
de pays où le romantisme parvint à son épanouissement: le romantisme allemand et
le romantisme anglais en témoignent. Il n’en fut pas de même en France, et beaucoup
moins encore en Espagne ou en Amérique latine. Le Romantisme en France suppo-
sa une idéologie, un style et une rébellion contre la tradition poétique; mais il man-
qua d’esprit romantique. Le cas de l’Espagne fut encore plus marqué: les romanti-
ques espagnols excellèrent pour la plupart dans le subjectivisme sentimental et dans
l’usage des topiques; mais (sauf rares exceptions) ils manquèrent et d’idéologie et
d’esprit. Quant aux écrivains de l’Amérique latine, ils imitèrent les Espagnols. Peut-
être Blanco White a-t-il été l’un des seuls esprits lucides qui se rendit compte du
défaut des Lyriques du Sud. Il n’hésita pas à décrier la manie hispanique de reprendre
José Manuel Losada Modernisme: Questions de théorie
156 Thélème. Revista Complutense de Estudios Franceses
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sans cesse l’esthétique de la Renaissance et l’omniprésence de la versification régu-
lière syllabique; le remède qu’il proposait coïncidait avec celui de Wordsworth: le
renoncement à un langage poétique au profit d’un langage commun, le seul qui per-
mette de penser selon l’identité du poète. En Espagne, ce mysticisme a été bien
compris par certains auteurs espagnols, notamment Valle-Inclán, les frères Macha-
do et Juan Ramón Jiménez.
Les modernistes espagnols se montrèrent très réceptifs envers les idées que
certains poètes, comme Rubén Darío, apportaient de l’Amérique latine; et pour
cause: quoique l’origine des maux ait été différente, la situation était très sembla-
ble. Rubén Darío s’imprégna des classiques espagnols et des romances insérés
dans les Cancioneros; en échange, il apporta une bouffée d’air frais poétique tein-
tée, il est vrai, de réminiscences parnassiennes et symbolistes (Jiménez, 1962: 78-
79). L’empreinte de Rubén Darío en Espagne a été profonde au point que, comme
disait García-Girón en 1955, elle sert à délimiter les modernistes de ceux qui ne
le sont pas (1991: 122). Autrement dit, c’est la transposition artistique vers d’au-
tres horizons: «It grafted, so to speak, European tendencies onto the Hispanic tra-
dition» (Fernández-Morera, 1985: 271). Cette affirmation et d’autres semblables
ont été réfutées par Gullón qui soutient le caractère foncièrement idéologique du
modernisme (1968: 268). Le modernisme hispanique se sent marginal ou maudit,
mais surtout il cherche l’évasion dans deux directions: celle du passé (indigénis-
me) et celle de la rêverie (exotisme). Quoique le modernisme hispanique soit
aussi tributaire de certains courants de pensée européens, l’apport du Vieux Con-
tinent est en l’occurrence beaucoup moins marquant. Mais il y a aussi celui d’
outre-Atlantique; qu’on songe aux Transcendantalistes des États-Unis et notam-
ment à leur influence sur les modernistes de l’Amérique latine dont Octavio Paz
soulignait:
Pour eux l’art est une passion, dans le sens religieux du mot, qui exige un sacri-
fice. […] Leur refus de l’utilitarisme et leur exaltation de l’art comme bien suprême
sont quelque chose de plus que l’hédonisme d’un grand propriétaire: ce sont la rébe-
llion contre la pression sociale et une critique de l’actualité abjecte de l’Amérique
latine. (1965: 20)
Le modernisme hispanique, extraordinairement fructueux, a été défini comme la
forme hispanique de la crise universelle des lettres et de l’esprit, qui se manifeste
dans tous les aspects de la vie et notamment dans la littérature. Le résultat, à la suite
des influences venues d’abord de France, ensuite du reste des littératures occidenta-
les et anciennes, a été la découverte faite par l’Espagne et par l’Amérique latine de
leur propre originalité et de leur propre identité (Onís, 1962: 273-274). On pourrait
résumer encore ceci en disant qu’en Amérique latine le modernisme était plutôt une
croyance qu’une méthode. On n’est pas loin des bases signalées par Juan Ramón
Jiménez le définissant comme une attitude plutôt que comme un mouvement litté-
raire… Il est licite de pousser encore plus loin la réflexion. Faute d’un véritable
romantisme hispanique, faute aussi d’être entrée en temps voulu dans la modernité
José Manuel Losada Modernisme: Questions de théorie
Thélème. Revista Complutense de Estudios Franceses 157
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européenne, on n’est pas étonné de voir que la modernité hispanique se soit enfin
frayé un chemin différent de celui qui s’est tracé dans le reste de l’Europe.
Ce qui vient d’être dit montre à l’évidence que le modernisme hispanique n’est
ni l’équivalent du Parnasse, ni du symbolisme français, ni leur succédané. Octavio
Paz l’indique assez justement:
Le modernisme [hispanique] fut la réponse au positivisme, la critique de la sen-
sibilité et du cœur —et des nerfs— à l’empirisme et au scientisme positiviste. Dans
ce sens sa fonction historique fut semblable à celle de la réaction romantique à l’au-
be du XIXe siècle. Le modernisme fut notre vrai romantisme, et, tout comme pour le
symbolisme français, sa version ne fut pas une répétition, mais une métaphore: un
autre romantisme. (1991: 105)
Cette conception du modernisme hispanique ne manque pas de fondement. Cer-
tes, comme le romantisme, le modernisme hispanique a un goût spécial pour l’indi-
vidualisme, la mélancolie, l’exotisme, le scepticisme… Mais il est certain que le
temps du romantisme n’est plus et qu’on n’est pas impunément à la fin du XIXe siè-
cle. Le modernisme, comme l’a très bien montré García-Girón, diffère du roman-
tisme et dans le fond et dans la forme. Le modernisme diffère dans le fond. La révo-
lution technique ayant permis une disparition relative des distances, le modernisme
est cosmopolite. Mais ce rapprochement des nations qui permet de voir les ressem-
blances et les différences entre les nations, rend possible le constat de la propre
identité: c’est l’essor de l’indigénisme. Une espèce de fierté prend naissance en
Amérique latine (vid. l’ode «A Roosevelt» de Rubén Darío) et en Espagne (vid. le
poème «Castilla» de Manuel Machado). Le modernisme diffère aussi dans la forme.
Un nouvel esthétisme a été instauré; il est le résultat du mélange du sentiment spi-
rituel, des formes du Parnasse, du symbolisme et de la bouffée d’air frais apportée
par le renouveau de Rubén Darío. Le vocabulaire n’est plus le même; mieux, il est
polyvalent. Les associations par synesthésie sont osées, chargées de couleur et de
force: les accents sont déplacés et les proparoxytons prennent le dessus. Enfin, la
littérature hispanophone emprunte son art à la musique. C’est une trace symboliste:
l’on excelle dans l’art de suggérer les idées et de nuancer les motifs.
Juste un mot pour un autre Modernismo: le modernisme brésilien, né au ving-
tième siècle lors de la réception des futuristes italiens et des surréalistes français
après la Première Guerre Mondiale. Ce mouvement se poursuivrait jusqu’aux anné-
es quarante. Oswaldo de Andrade et Manuel Bandeira se trouvent parmi les princi-
paux représentants.
SOURCES ET CARACTÈRE DU MODERNISME LITTÉRAIRE
Je tiens à souligner l’adjectif «littéraire», ce qui nous met en mesure de mieux
comprendre le modernisme et d’expliquer un malentendu qui n’a pas été sans pro-
José Manuel Losada Modernisme: Questions de théorie
158 Thélème. Revista Complutense de Estudios Franceses
2005, 20, 149-162
voquer une certaine confusion dans la critique littéraire. Lorsque des spécialistes
comme Gullón assuraient que le modernisme fut une époque —un phénomène epo-
cal— plutôt qu’un mouvement, ils ne se trompaient pas. Tout simplement, ils adop-
taient sans le savoir une confusion terminologique, très compréhensible d’ailleurs:
ce qu’ils appelaient modernisme littéraire était, de fait, l’esprit de la modernité sous
forme de littérature. Ainsi, quand Juan Ramón Jiménez —et avec lui José Nogales
en 1907— disait que le modernisme est une «atmosphère», une manifestation de
quelque chose de vivant et de vibrant, il ne faisait que contrer la conception de mou-
vement. Cette opinion n’a pas été sans provoquer une interprétation peu heureuse:
à force de trop réfuter la classification de mouvement, cet écrivain et de nombreux
critiques à sa suite sont tombés de Scylla en Charibdis et ont fini par estomper la
spécificité propre du modernisme dans le vaste domaine de la modernité. Non, le
modernisme, outre l’attitude de la modernité dont il est imprégné, a des caractéris-
tiques qui le rendent susceptible d’être considéré comme un véritable mouvement:
accès à une spiritualité non exempte d’un certain mysticisme, opposition au passé
révolu, à l’utilitarisme destructif et à la médiocrité bourgeoise, élan vers la beauté,
adaptation à outrance de la subjectivité et du scepticisme relativiste, voici les prin-
cipaux éléments qui composent le modernisme littéraire.
Une conséquence directe de ces caractéristiques agglutinantes de modernisme
est l’apparition des thèmes et des formes qui en découlent. Ainsi, les usages rhéto-
riques, quoique très variés, ne négligent pas le retour au sonnet et à l’alexandrin
français — pas plus que les vers de neuf, onze et treize syllabes: que l’on songe
par exemple à Rubén Darío. On constate aussi une prédilection pour les mots rares,
les rimes difficiles et la musicalité interne des vers. Du point de vue sémantique,
dans le jardin botanique du modernisme poussent des fleurs orientales —le lotus,
le thé, le chrysanthème—, espagnoles —les roses, les glaïeuls—, françaises —le
lys— et d’autres fleurs dont les couleurs se combinent avec les noms exotiques:
le nénuphar, la violette, le magnolia, etc. Parmi les arbres, le peuplier, le sapin et le
tilleul. L’univers zoologique est plus sélectif: si le cygne est le roi, l’ibis égyptien,
le bulbul et le papemor —le condor et le quetzal chez les Américains— prennent
plus de place que d’autres animaux considérés trop banals. Puis, il y a un monde
minéral de la gemmologie: diamants, rubis, saphirs, topazes, émeraudes sont très
usités pour les métaphores. Or, les plantes et les pierres précieuses n’ont ici qu’une
valeur purement esthétique et ne peuvent rien contre les maladies; d’ailleurs, leur
connotation éclectique est passée sous silence. Rien d’étonnant, par conséquence,
que les écrivains modernistes aient recours à des villes aux noms sonores de l’O-
rient: Ormuz, Bassra, Bagdad… Voici donc l’univers symbolique du modernisme
où est située la tour d’ivoire du poète, celle qui lui permet de conserver son aristo-
cratie intérieure. Or depuis cette tour, le paysage n’est pas un simple panorama: il
renferme et signifie les profondeurs de l’âme du poète; sans doute pense-t-il à se
rapprocher ainsi de la tour de la divinité, nouveau symbole implicite qui met l’é-
crivain à l’abri du vulgaire, de la jalousie et de la laideur. On ne sera pas étonné
que ce culte pour la forme remette en valeur certains motifs comme le nu féminin,
presque ignoré du Romantisme.
José Manuel Losada Modernisme: Questions de théorie
Thélème. Revista Complutense de Estudios Franceses 159
2005, 20, 149-162
Après ces quelques appréciations, on est en mesure de mieux saisir le phénomè-
ne du modernisme littéraire et de s’attaquer à l’un des problèmes les plus épineux
de la critique, à savoir, le rapport qu’entretient le modernisme littéraire avec d’au-
tres mouvements.
Il importe de relever les innombrables paradoxes renfermés dans le modernisme
pris en considération avec les autres mouvements littéraires. Il ne pouvait pas en être
autrement: imbu du paradoxe de la modernité, il devient à son tour paradoxal. On
ne sera donc pas étonné de constater certaines équivoques qui, contrairement à ce
qu’on pourrait croire, ne font que renforcer la nature même du modernisme.
Ainsi, sa conception de la spiritualité explique ses rapports avec le romantisme.
De prime abord, il le toise avec un certain dédain; c’est seulement à la dérobée qu’il
lui emprunte certains aspects. En effet, contrairement au romantisme, le modernis-
me ne verse pas son moi vers l’extérieur: il se détache du monde qui l’entoure et
rentre en soi, reclus en soi-même comme un penseur qui écoute dans le silence de
sa vie intérieure. Mais cette attitude n’empêche le modernisme de se nourrir de l’in-
timisme romantique. Par ailleurs, l’élan vers la beauté hérité du romantisme expli-
que l’opposition des écrivains modernistes face à la vulgarité et à la médiocrité, leur
refus de l’hypocrisie et de la morale bourgeoises —d’où leur désir inavoué du voya-
ge, de l’évasion réelle ou imaginaire, exotique ou indigéniste— pour échapper à la
société corrompue: c’est bien à l’école des romantiques que les modernistes ont
appris à devenir les rebelles —raros ou extravagants— du tournant du siècle.
Mais la tendance vers un mysticisme vague issu du versant spiritualiste n’est pas
clôturée dans les marges du romantisme; il y a, entre autres mouvements, le trans-
cendantalisme né aux Etats-Unis: Ralph Waldo Emerson, Frederic Henry Hedge,
Henry David Thoreau, Walt Whitman. Il y a dans le transcendantalisme un sens inné
de l’individualisme et, surtout une certaine mystique, précisément celle qui attira les
invectives d’Edgar Poe lorsqu’il définissait ce mouvement comme mysticisme pour
l’amour du mysticisme. Peu importent ces diatribes: l’union directe entre l’homme
et Dieu, l’émerveillement face au cosmos, la défense d’une nature encore innocen-
te et non corrompue et un certain messianisme démocratique réunissaient un ensem-
ble d’appâts qui allaient prendre force chez les modernistes, notamment ceux de
l’Amérique latine qui y voient l’ampleur nécessaire pour le développement de leur
propre paysage intérieur. D’après Horia, il faut faire une mention spéciale de Whit-
man (1819-1892), dont l’œuvre est un échange parfait entre deux paysages: le pay-
sage géographique de son pays et le paysage spirituel de son âme (1976: 443-468).
Il n’est pas inutile de rappeler que, lors de sa Préface à l’édition française de Lea-
ves of Grass en 1930, Valéry Larbaud dévoilait entre autres, une influence philoso-
phique particulièrement importante: celle de l’idéalisme hégélien.
Le dégoût que le modernisme affiche face au matérialisme explique son refus de
tout positivisme. Or, le modernisme lui-même est aussi teinté non seulement d’un
réalisme qui mettait un frein au trop-plein de mythologie romantique, mais aussi
d’un naturalisme qui permettait d’accéder à des mondes jusqu’alors considérés
comme inabordables: nouveau paradoxe. Cependant il suffit de piocher un peu pour
comprendre que le modernisme sait faire la part des choses: tout en rejetant le côté
José Manuel Losada Modernisme: Questions de théorie
160 Thélème. Revista Complutense de Estudios Franceses
2005, 20, 149-162
scientiste du naturalisme, il n’a pas de scrupule à s’inspirer de lui dans son accès
aux mondes jugés interdits, seuil qu’il lui fallait traverser avant de parvenir à l’exo-
tisme et au cosmopolitisme.
Il en est de même pour ce qui concerne son élan vers la beauté. Le modernisme
prend sans ambiguïtés ses distances par rapport aux mouvements qui accordent une
grande valeur à la laideur, par exemple, le naturalisme. Il y a pourtant une exception
digne d’être mentionnée: l’attention que le modernisme prête au grotesque, hybride
fort ancien mais remis à l’honneur depuis la Préface de Cromwell et les actualisa-
tions de la théorie sur l’harmonie des contraires. Sans doute la raison de cet attrait
inattendu se trouve-t-elle dans le goût d’une dissonance où l’écrivain moderniste
cherche à renouer avec la symbiose simultanée de l’étrange et du sublime, parado-
xe porteur d’indiscutables valeurs poétiques dont il devra user. C’est ce même parti
pris pour la beauté qui explique un autre paradoxe qu’il faut remarquer: le rappro-
chement du modernisme des suites de la poésie postromantique. En effet, cette der-
nière bifurque en deux tendances, l’emphase rhétorique et la description coloriste
d’un côté et la poésie subjective, sentimentale et idéaliste d’un autre. C’est ainsi que
le modernisme jette un pont vers deux mouvements qui chantent la beauté: le Par-
nasse et le symbolisme. Or, ces deux mouvements coexistent à l’intérieur du moder-
nisme: si en France Leconte de Lisle et Rimbaud paraissent demeurer en vase clos,
il n’en va pas de même avec des modernistes comme Rubén Darío, les frères
Machado ou José Asunción Silva: c’est là encore une preuve du caractère hybride
du modernisme.
Précision dans la terminologie, essais de définition, sources et caractère du
modernisme, relevé des manifestations poétiques et rapports avec d’autres mouve-
ments: voici donc quelques points de repère qui aideront, je l’espère, à mieux appro-
fondir tel ou tel ouvrage ayant trait au modernisme littéraire.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
BAUDELAIRE (1968): Œuvres complètes, Marcel A. Ruff éd., Paris, Éditions du Seuil.
BAUDRILLARD, J. (1992): «Modernité», Encyclopædia universalis, t. XV, 552-554.
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José Manuel Losada Modernisme: Questions de théorie
Thélème. Revista Complutense de Estudios Franceses 161
2005, 20, 149-162
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José Manuel Losada Modernisme: Questions de théorie
162 Thélème. Revista Complutense de Estudios Franceses
2005, 20, 149-162

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  • 1. Modernisme: Questions de théorie José Manuel LOSADA Universidad Complutense Departamento de Filología Francesa josemanuellosada@wanadoo.es RÉSUMÉ Cet article expose une série d’idées autour de la modernité et du modernisme. Le modernisme litté- raire, contesté selon les lieux et les époques, n’est pas un terme univoque; son interprétation dépend en grande partie de la perspective adoptée, et la critique peut parler tantôt d’une attitude moderniste, tantôt d’un mouvement moderniste qui comprend plusieurs littératures fin-de-siècle. Mots clés: Modernisme, modernité, modernismo, Modernism Modernismo: Cuestiones de teoría RESUMEN Este artículo expone una serie de ideas en torno a la modernidad y el modernismo. El modernismo lite- rario, término polémico según los lugares y las épocas, no es unívoco; su interpretación depende de la perspectiva adoptada: la crítica puede hablar así de una actitud modernista o de un movimiento moder- nista que engloba variadas literaturas en el paso del siglo XIX al siglo XX. Palabras clave: Modernismo, modernidad, Modernism Modernism: Questions of theory ABSTRACT This article puts forward some ideas about modernity and modernism. Literary modernism is a con- troversial term in academic research; its interpretation depends on perspective, and so critics can speak either of a modernist attitude or of a modernist movement which ranges many literatures at the end of the 19th century and the beginning of the 20th century. Key words: Modernism, modernity, modernismo SUMARIO: Modernité. Modernisme théologique. Modernisme littéraire. «Modernisme». Modernism. Modernismo. Sources et caractère du modernisme littéraire. Références bibliographiques. Tout chercheur intéressé par le modernisme se trouve de prime abord confronté à une série de questions: quand le modernisme littéraire commence-t-il à s’imposer dans la sphère des lettres et quand se montre-t-il à bout de forces? Ces questions en Thélème. Revista Complutense de Estudios Franceses ISSN: 1139-9368 2005, 20, 149-162
  • 2. emmènent une autre encore plus profonde: pourquoi le modernisme prend-il nais- sance? Le chercheur voudra encore savoir quels sont les auteurs et les ouvrages que l’on peut appeler modernistes, quels sont les pays où le modernisme s’est dévelop- pé et quelle est l’ampleur de ce développement. Toutes ces questions confluent vers une seule, la clef de voûte: qu’est-ce que le modernisme? Pour y répondre, il est indispensable de préciser, même sommairement, les divergences des terminologies utilisées. MODERNITÉ Ce mode de civilisation caractéristique qui s’oppose au mode de la tradition est né vers le milieu du XIXe siècle et restera tenace jusqu’à une étape très avancée du XXe. Certes, la modernité paraît, en ce qui concerne son essence, une et homogène et, en ce qui concerne son origine, occidentale. «Pourtant elle demeure une notion confuse, qui connote globalement toute une évolution historique et un changement de mentalité» (Baudrillard: 552). Le refus que la modernité oppose à toute sorte de culture et de canon définitifs explique que l’on ne puisse qu’énumérer plusieurs caractères qui lui sont propres: quotidienneté, mouvance dans les formes, dans les contenus, dans l’espace et dans le temps… Pour ce qui est du modernisme face à la modernité, un bref historique nous aide- ra à mieux cerner la question. Si le substantif de modernité, au sens de caractère de ce qui est moderne, apparaît chez Balzac en 1823, avant de s’identifier véritable- ment à Baudelaire, et si celui de modernisme, au sens de goût, le plus souvent jugé excessif, de ce qui est moderne, apparaît chez Huysmans, dans le Salon de 1879, l’adjectif moderne, lui, est beaucoup plus ancien, selon Hans Robert Jauss qui a retracé son histoire (1998: 173-229). Modernus apparaît en bas latin à la fin du Ve siècle, et vient de modo: «tout juste, à l’instant», mais aussi «maintenant, à l’heure actuelle». Modernus désigne non pas ce qui est nouveau, mais ce qui est présent, actuel, contemporain de celui qui parle. Au siècle suivant, chez Cassiodore, on per- çoit pour la première fois l’opposition conceptuelle entre présent «moderne» et Antiquité classique: dans le couple antiqui et moderni, il voit déjà Rome et la civi- lisation antique dans la perspective historique d’un passé révolu. Les moderni con- tre les antiqui, voilà l’opposition initiale, celle du présent contre le passé. Toute l’histoire du mot et de son évolution sémantique sera, ainsi que Jauss le suggère, celle du raccourcissement du laps de temps qui sépare le présent du passé, autre- ment dit celle de l’accélération de l’histoire (vid. Jauss, 1998: 179-80 et Compag- non, 1990: 17-18). Ce changement de perspective est à la source de la quête conti- nuelle chez les écrivains modernistes et, par la suite, d’une originalité dans le choix des formes et des thèmes. C’est grâce à cet apport de la modernité que le moder- nisme part toujours à la recherche de l’inattendu, du mot surprenant et choquant, source inépuisable, au moins pendant plusieurs décennies, d’originalité et d’exotis- me — d’où le motif oriental, de finesse aristocratique et l’abondance des pierreries, laques, ivoires, porcelaines, velours, soies… que l’on reconnaît dans certaines manifestations du Jugendstil, de l’Art Nouveau et du Modern Style. José Manuel Losada Modernisme: Questions de théorie 150 Thélème. Revista Complutense de Estudios Franceses 2005, 20, 149-162
  • 3. On se souvient des mots de Baudelaire: «La modernité, c’est le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l’art, dont l’autre moitié est l’éternel et l’immua- ble» (1968: 553). À sa suite, on pense une modernité penchée vers le particulier plu- tôt que vers l’universel. Ainsi conçue, la modernité d’un Baudelaire, d’un Dos- toïevski ou d’un Whitman apparaît comme le résultat d’une décadence qu’il faut transformer et même spiritualiser au moyen de l’alchimie de l’art. L’importance de ces postulats (dont on trouverait la semence, entre autres, chez Swedenborg et Ballanche) n’a pas besoin d’être soulignée. Pourtant nous ne sommes que dans une modernité en germe qui prend conscience d’elle-même. La transition faite par Rim- baud marque un pas en avant. Dans son œuvre on peut reconnaître les germes de tendances qui caractérisent la littérature du XXe siècle: Élargissement de la conscience, exploration des possibilités humaines jusqu’à une distorsion voulue, ce désir d’aller jusqu’au bout qui semble en effet être un des refrains de la modernité. (Davies, 1975: 11) Le terme, continue Davies, est la constatation d’un monde moderne sans Dieu, où la seule vérité se trouve dans l’homme lui-même. Contrairement aux accents plu- tôt angoissants de Rimbaud dans Une Saison en enfer, Nietzsche célèbre de façon triomphale la mort de Dieu dans Also sprach Zarathustra. D’autres courants de pen- sée viendraient se joindre à ceux-ci: la conscience d’une décadence, le désir de gar- der l’esprit chrétien qui avait imprégné l’Occident depuis longtemps, la nostalgie des uns et la crainte des autres. Pour la majeure partie de l’Occident, cette transformation est de poids et ne va pas sans malaise. Cela explique qu’on ait vu la crise des temps modernes comme un symptôme que la modernité elle-même est incapable de cerner. Elle n’analyse pas cette crise, elle l’exprime de façon ambiguë, dans une fuite en avant continuelle. Voici l’un des éléments constitutifs de la modernité: le paradoxe. La destruction et le changement sont partout, mais aussi l’ambiguïté et l’amalgame. C’est ce parado- xe qui nous empêche de préciser des concepts d’analyse, des lois et, somme toute, une théorie de la modernité. Toutefois la modernité est informée par une logique et par une idéologie. La première découle de la domination humaine sur la nature; cette véritable révolution continuelle instaure une mutation profonde d’une généra- tion à celle qui la précède et perpétue sans cesse un lieu de conflits. La deuxième suit la dynamique de la mobilité (sociale, professionnelle, géographique, de mode, etc.), de l’intrusion (implication de la révolution technologique dans la vie privée) et de la discontinuité (les cycles de la rupture et de l’immanence sont substitués à ceux de la continuité et de la transcendance). Il s’ensuit que la modernité n’est pas conçue comme la transmutation de toutes les valeurs: elle est plutôt «la destructu- ration de toutes les valeurs anciennes sans leur dépassement, c’est l’ambiguïté de toutes les valeurs sous le signe d’une combinatoire généralisée» (Baudrillard: 554), où l’homme se croit au-delà du bien et du mal. Cependant l’essentiel demeure la prise de conscience qu’avec l’avènement du tournant du siècle, une espèce de sentiment moderne est en train de se frayer un che- José Manuel Losada Modernisme: Questions de théorie Thélème. Revista Complutense de Estudios Franceses 151 2005, 20, 149-162
  • 4. min. Les artistes n’hésitent pas à marcher sur ces sentiers tantôt balisés par la con- fiance dans le domaine scientifique, tantôt hantés par le soupçon que d’autres tra- vailleurs sont en train de dévoiler des vérités nouvelles. D’où le désir, qui va croissant et quelquefois jusqu’à une sorte de frénésie, d’in- venter du nouveau, de créer de toutes pièces, de donner des preuves du pouvoir auto- nome de l’art. (Davies, 1975: 14). Il faut souligner cependant que la modalité autonome de l’art n’atteint pas sa majorité d’âge ni d’une façon universelle ni à une date précise. Si les Lumières et le romantisme supposèrent un premier pas en avant, la réalité bourgeoise du XIXe siècle ralentit quelque peu l’allure de cette revendication. Si les différentes tendan- ces modernistes et les mouvements d’avant-garde signifièrent un pas décisif dans cette démarche, il n’en demeure pas moins qu’il faut s’avancer à pas de loup: l’a- llure de la modernité diffère considérablement selon les pays concernés. MODERNISME THÉOLOGIQUE L’acception théologique du mot est loin de rendre compte de tous les aléas du modernisme. Il est pourtant hors de doute qu’une brève incursion dans le versant ecclésiastique de la question peut aider à mieux comprendre tous les tenants et les aboutissants du problème. Né en Allemagne, le modernisme religieux fut promu par certains théologiens catholiques, protestants et juifs dans le but de concilier le dogme avec la critique moderne de la Bible et, plus précisément, imposer une révision profonde des idées reçues et, corrélativement, du «régime intellectuel dans l’Église». On se souviendra que plusieurs de ces théologiens —le baron Friedrich von Hügel, le Britannique George Tyrrell et les Français Alfred Firmin Loisy et Édouard Le Roy— furent l’ob- jet de successifs rappels à l’ordre. Il y eut d’abord une condamnation diocésaine par l’archevêque de Paris, puis, une réprobation de soixante-cinq propositions par le Saint-Office dans son décret Lamentabili (juillet 1907), et finalement une promul- gation doctrinale et disciplinaire par Pie X dans son encyclique Pascendi gregis (septembre 1907), avant de frapper d’excommunication majeure plusieurs de ces théologiens. Juan Ramón Jiménez a parlé à plusieurs reprises du modernisme théologique afin de mieux expliquer l’essence du modernisme littéraire. Celui-ci lui apparaît comme un humanisme nouveau qui, à l’instar de la querelle ecclésiastique, s’effor- ce pour supprimer certains dogmes conçus comme une entrave au développement de la conscience humaine: La Renaissance, influencée par l’humanisme gréco-latin, cesse d’être mystique. Le modernisme est une nouvelle Renaissance qui unit le côté sensoriel avec le côté métaphysique, le dogme avec l’homme. (1962: 80) José Manuel Losada Modernisme: Questions de théorie 152 Thélème. Revista Complutense de Estudios Franceses 2005, 20, 149-162
  • 5. MODERNISME LITTÉRAIRE Le modernisme littéraire est polyvalent. Il y a dans le modernisme littéraire un mélange assez étrange d’érotisme et de mysticisme vague. Cet aspect non matériel exprime l’opposition nette et claire du modernisme au positivisme et à l’empirisme qui avaient pris le dessus aux décennies précédentes. Mais le penchant spirituel du modernisme n’en finit pas là. Son héritage symboliste le rend fuyant à souhait; par là même, le mysticisme moderniste ne se laisse pas saisir aisément; dès qu’on essaie de s’en emparer, il se volatilise entre nos propres mains: voilà une preuve des pro- blèmes méthodologiques énoncés plus haut. Federico de Onís, compilateur d’an- thologies modernistes, éprouvait lui-même ces difficultés à préciser les lignes maî- tresses de certains écrivains modernistes. Il ne fit mouche que lorsqu’il en vint à dire que le modernisme ne pouvait être défini que par l’unité de sa propre individualité. En effet, s’agit-il de mélancolie ou de nostalgie ? Est-ce tout simplement le résultat d’un scepticisme et du mécontentement face à la réalité qui entoure l’écrivain ? Est- il question d’un sentimentalisme qui n’est pas sans nous rappeler les réminiscences romantiques du modernisme ? Mais si le modernisme a ici un point de contact avec la modernité, c’est égale- ment ici qu’il prend ces distances. En effet, dans la mesure où l’on peut définir le paradoxe de la modernité comme une tradition de la rupture, le problème qui se cachait derrière le rideau revient sur la scène. Face à la modernité, contradictoire en soi, qui affirme et nie l’art simultanément, le modernisme rejette le caractère con- tradictoire et autodestructif de la tradition. Les modernistes ne refusent pas d’ad- mettre la naissance du nouveau comme valeur. En cela ils reprennent la salutation que Baudelaire adressait en conclusion du Salon de 1845 à l’«avènement du neuf», ainsi que la célèbre proclamation d’Ezra Pound: «Make it new !»; mais ils parient décidément pour la beauté. Ajoutant celle-ci à la spécificité de la modernité, les modernistes vont plus loin et rendent possible la symbiose d’une tendance idéolo- gique avec une doctrine et une attitude littéraire. Le modernisme ne fut pas seulement une tendance littéraire: le modernisme fut une tendance générale. Il attei[gnit] tout. […] Les gens nous donnèrent le nom de modernistes à cause de notre attitude. Car ce que l’on appelle modernisme n’est pas une question d’école ni de forme, mais d’attitude. C’était une nouvelle rencontre avec la beauté qui avait été ensevelie pendant le XIXe siècle sous un ton général de poésie bourgeoise. Voilà le modernisme: c’est un grand mouvement d’enthousiasme et de liberté vers la beauté. (Jiménez, 1962: 17) D’où découle la naissance d’une volonté artistique autonome, sans doute l’un des points cruciaux du modernisme. C’est précisément là que se situe la ligne de démarcation entre le phénomène de la modernité et le modernisme littéraire. La modernité, sans nier la beauté, ne la considère pas comme le point principal de son programme. Le modernisme, quant à lui, adopte comme point indiscutable le raffi- nement des sensations et se donne pour but d’être le garant de la beauté au cœur de la tendance générale de la modernité. José Manuel Losada Modernisme: Questions de théorie Thélème. Revista Complutense de Estudios Franceses 153 2005, 20, 149-162
  • 6. Le premier écrivain qui utilisa le terme dans son acception littéraire, ce fut Rubén Darío lors d’un article consacré à Ricardo Palma. Mais quels sont les bases de ce modernisme littéraire ? Nettement distinct du modernisme théologique et de la modernité, le modernisme littéraire tel qu’il est conçu par la critique commence à faire ses premiers pas dès qu’un groupe assez considérable d’auteurs du tournant du siècle et du début du XXe décident de prendre leurs distances par rapport à leurs prédécesseurs du XIXe. C’est là qu’il convient d’insérer les différentes avant-gardes et autres apports de la même période. Butler précise: Modernist artists at the beginning of the century were to a large degree moved to this unprecedented freedom and confidence in stylistic experiment by what they saw as radically new ideas, current in that periods, concerning consciousness, time, and the nature of knowledge, which were to be found in the work of Nietzsche, Bergson, Freud, Einstein, Croce, Weber, and others. And these ideas contested in a dramatic manner the beliefs of the older generation. (1990: 259) Il était prévisible que les idées des nouveaux artistes, étayées par celles des phi- losophes, allaient provoquer un transvasement des valeurs. En effet, nous sommes ici face à une véritable révolution dont il faut chercher la force propulsive dans le scepticisme relativiste. On la trouvera, parmi d’autres, chez Joyce, Ibsen, Shaw, Marinetti, Kraus, Tzara, Joyce et un long et cetera. D’après cette attitude sceptique, ces écrivains se donnent pour but de supprimer tout un système d’institutions, dog- mes, faits, habitudes et normes qui ne leur étaient propres en rien. La culture, conçue comme «esprit moderne», a pour tendance de remplacer la religion et de lui substituer un nouvel ordre métaphysique. C’est dans ce contexte que l’on peut mieux comprendre la production de Robert Musil, d’André Gide, de Thomas Mann ou de Valle-Inclán. Il faut préciser que ce scepticisme prend souvent des formes protéiques qu’il faut déceler: subjectivisme extrême, individualisme exa- cerbé, hantise de liberté illimitée, intimité du poète…, mais en fait ce ne sont que diverses manifestations du même phénomène: la prééminence accordée au moi inté- rieur par rapport au monde extérieur. En cela, le modernisme renoue les liens avec la tendance de l’homme vers l’immanence. Ce qui est curieux en l’occurrence, c’est que le modernisme ne rejette pas d’une manière radicale la transcendance; or, le mot «transcendance» risque de devenir équivoque. Face à la transcendance de l’au-delà, d’un Dieu et d’une vie après celle-ci, le moderniste prend parti pour un paradoxe frappant: la transcendance dès ici bas —c’est là son lien avec le mysticisme— et seu- lement pour ici bas. À tout prendre, il ne manque pas des modernistes qui acceptent volontiers certaines issues foncièrement anti-matérialistes: c’est là que se trouve l’ac- quiescement de certains auteurs face à la métempsycose et, surtout, au panthéisme. «MODERNISME» On peut à juste titre s’étonner de l’absence d’un «modernisme» dans la critique française. La France n’a connu ni le mouvement anglo-américain du Modernism ni José Manuel Losada Modernisme: Questions de théorie 154 Thélème. Revista Complutense de Estudios Franceses 2005, 20, 149-162
  • 7. l’attitude du Modernismo hispanique. Pour ce qui est de la critique on a souligné «that French criticism has not developed a period concept equivalent to the Anglo- American term» (Fernández-Morera, 1985: 276); Yves Vadé est encore plus précis: Le français ne connaît guère, en fait de modernismes répertoriés, que le moder- nisme théologique […] et le modernisme architectural qui se réfère à la Charte d’A- thènes signée en 1933. (1995: 53) Ce dernier critique explique comment le système de la langue française paraît s’opposer au terme «modernisme» utilisé en tant que terminologie de synthèse. D’autres, comme Calinescu, ont allégué le positivisme de la critique française: il aurait empêché l’étude de certains mouvements autres que ceux que l’on peut cer- ner positivement (les mouvements symboliste ou parnassien, par exemple). Cette dernière raison, quelque peu faible, est contestée par Fernández-Morera: «French literature, much more than that of other nations, seems characterized by the dis- tinctness of its artistic currents» (ibid.). Il est vrai que le terme d’avant-garde cou- vre un nombre trop large de mouvements de l’art moderne: dadaïsme, futurisme, surréalisme, unanimisme, etc. Mais cela arrive aussi bien en France qu’en Italie, un autre pays dont la critique n’a pas non plus développé le terme de modernisme en littérature: on y trouve des essais sur les mouvements d’avanguardia, sur le deca- dentismo, sur le simbolismo, sur les écrivains crepuscolari, etc., pour désigner les différents courants artistiques depuis le tournant du siècle. Le terme «modernisme» existe, certes, mais dans certains pays il indique la modernité plutôt qu’une doctrine ou une attitude littéraires. C’est seulement à la suite de la critique étrangère que la critique francophone a adopté le terme moder- nisme pour désigner ces mouvements survenus dès le tournant du siècle. C’est un fait fort révélateur que le modernisme soit étudié comme doctrine ou comme attitu- de seulement dans les pays qui ne connurent pas un grand développement des mou- vements littéraires de la fin de siècle mais qui, en revanche, éprouvèrent un vérita- ble bouleversement des esprits comme résultat d’un renouveau romantique (peut-être même leur premier véritable romantisme; nous parlons du Modernism anglo-américain et du Modernismo hispanique. Modernism Il est un modernisme littéraire né de la conscience de modernité (les concepts allemand Die Moderne et anglais Modernism désignent cet art paru autour de 1880). Ce modernisme est caractérisé par la puissance que lui accorde la sensation de nou- veauté: il est vigoureux, optimiste et sûr du progrès social dans presque tous les domaines. Arno Holz (pour les Allemands) et Matthew Arnold (pour les anglopho- nes) peuvent être insérés dans ce modernisme. Mais les premières décennies du vingtième siècle sont caractérisées par une hypersensibilité et par un esthétisme qui n’ont pas hésité à condamner les modernistes précédents. C’est la floraison des décadents et du culte de la forme très fin-de-siècle. José Manuel Losada Modernisme: Questions de théorie Thélème. Revista Complutense de Estudios Franceses 155 2005, 20, 149-162
  • 8. La critique utilise le terme Modernism pour désigner plusieurs notions différen- tes. Il existe d’abord le Modernism qui étudie l’ensemble de mouvements littéraires et artistiques anglophones parus vers le début du XXe siècle (Paz, 1991: 105). Nom- bre d’auteurs y sont inclus même si certains (comme par exemple Ezra Pound et T.S. Eliot) n’utilisèrent jamais ce terme pour se qualifier eux-mêmes de modernis- tes. C’est, si l’on veut, le versant des tendances françaises, espagnoles et italiennes au Royaume-Uni et aux Etats-Unis; la critique insère ici certaines doctrines comme l’Imagism d’Ezra Pound ou d’Amy Lowell et le Vorticism de Wyndham Lewis et, plus tard, du même Pound. Mais il existe une part non négligeable de la critique qui utilise également le terme Modernism pour indiquer la modernité. Cette deuxième critique, née aux États-Unis, fixes the great artistic shift to a skepticism toward language and form in the middle of the nineteenth century, which becomes the important demarcation point in recent art history — the beginning of the phase usually referred to as modernism. (Schulte- Sasse, 1992: xii) Cette acception a son côté positif et son côté négatif. Elle est positive dans le sens où le lecteur sait à tout moment le centre d’intérêt visé par tel ou tel critique; il n’est autre que la modernité (Modernity). Mais elle est négative à cause de la con- fusion produite du fait d’avoir mis le tout à la même enseigne: l’on en vient à per- dre de vue la distinction nette des différents mouvements qui interviennent dès l’au- be de la modernité jusqu’au milieu du XXe siècle. Il existe enfin une autre acception du terme Modernism. C’est l’ensemble des manifestations artistiques occidentales parues entre 1890 et 1930; ce regroupement contient toutes tendances confondues (symbolisme, futurisme, expressionnisme, surréalisme, etc.) avec l’exclusion des œuvres dites réalistes et naturalistes (vid. Fernández-Morera, 1985: 272-275). Modernismo La véritable trouvaille du romantisme a été la redécouverte des traditions poéti- ques nationales. C’est le résultat d’un long processus opéré dans un certain nombre de pays où le romantisme parvint à son épanouissement: le romantisme allemand et le romantisme anglais en témoignent. Il n’en fut pas de même en France, et beaucoup moins encore en Espagne ou en Amérique latine. Le Romantisme en France suppo- sa une idéologie, un style et une rébellion contre la tradition poétique; mais il man- qua d’esprit romantique. Le cas de l’Espagne fut encore plus marqué: les romanti- ques espagnols excellèrent pour la plupart dans le subjectivisme sentimental et dans l’usage des topiques; mais (sauf rares exceptions) ils manquèrent et d’idéologie et d’esprit. Quant aux écrivains de l’Amérique latine, ils imitèrent les Espagnols. Peut- être Blanco White a-t-il été l’un des seuls esprits lucides qui se rendit compte du défaut des Lyriques du Sud. Il n’hésita pas à décrier la manie hispanique de reprendre José Manuel Losada Modernisme: Questions de théorie 156 Thélème. Revista Complutense de Estudios Franceses 2005, 20, 149-162
  • 9. sans cesse l’esthétique de la Renaissance et l’omniprésence de la versification régu- lière syllabique; le remède qu’il proposait coïncidait avec celui de Wordsworth: le renoncement à un langage poétique au profit d’un langage commun, le seul qui per- mette de penser selon l’identité du poète. En Espagne, ce mysticisme a été bien compris par certains auteurs espagnols, notamment Valle-Inclán, les frères Macha- do et Juan Ramón Jiménez. Les modernistes espagnols se montrèrent très réceptifs envers les idées que certains poètes, comme Rubén Darío, apportaient de l’Amérique latine; et pour cause: quoique l’origine des maux ait été différente, la situation était très sembla- ble. Rubén Darío s’imprégna des classiques espagnols et des romances insérés dans les Cancioneros; en échange, il apporta une bouffée d’air frais poétique tein- tée, il est vrai, de réminiscences parnassiennes et symbolistes (Jiménez, 1962: 78- 79). L’empreinte de Rubén Darío en Espagne a été profonde au point que, comme disait García-Girón en 1955, elle sert à délimiter les modernistes de ceux qui ne le sont pas (1991: 122). Autrement dit, c’est la transposition artistique vers d’au- tres horizons: «It grafted, so to speak, European tendencies onto the Hispanic tra- dition» (Fernández-Morera, 1985: 271). Cette affirmation et d’autres semblables ont été réfutées par Gullón qui soutient le caractère foncièrement idéologique du modernisme (1968: 268). Le modernisme hispanique se sent marginal ou maudit, mais surtout il cherche l’évasion dans deux directions: celle du passé (indigénis- me) et celle de la rêverie (exotisme). Quoique le modernisme hispanique soit aussi tributaire de certains courants de pensée européens, l’apport du Vieux Con- tinent est en l’occurrence beaucoup moins marquant. Mais il y a aussi celui d’ outre-Atlantique; qu’on songe aux Transcendantalistes des États-Unis et notam- ment à leur influence sur les modernistes de l’Amérique latine dont Octavio Paz soulignait: Pour eux l’art est une passion, dans le sens religieux du mot, qui exige un sacri- fice. […] Leur refus de l’utilitarisme et leur exaltation de l’art comme bien suprême sont quelque chose de plus que l’hédonisme d’un grand propriétaire: ce sont la rébe- llion contre la pression sociale et une critique de l’actualité abjecte de l’Amérique latine. (1965: 20) Le modernisme hispanique, extraordinairement fructueux, a été défini comme la forme hispanique de la crise universelle des lettres et de l’esprit, qui se manifeste dans tous les aspects de la vie et notamment dans la littérature. Le résultat, à la suite des influences venues d’abord de France, ensuite du reste des littératures occidenta- les et anciennes, a été la découverte faite par l’Espagne et par l’Amérique latine de leur propre originalité et de leur propre identité (Onís, 1962: 273-274). On pourrait résumer encore ceci en disant qu’en Amérique latine le modernisme était plutôt une croyance qu’une méthode. On n’est pas loin des bases signalées par Juan Ramón Jiménez le définissant comme une attitude plutôt que comme un mouvement litté- raire… Il est licite de pousser encore plus loin la réflexion. Faute d’un véritable romantisme hispanique, faute aussi d’être entrée en temps voulu dans la modernité José Manuel Losada Modernisme: Questions de théorie Thélème. Revista Complutense de Estudios Franceses 157 2005, 20, 149-162
  • 10. européenne, on n’est pas étonné de voir que la modernité hispanique se soit enfin frayé un chemin différent de celui qui s’est tracé dans le reste de l’Europe. Ce qui vient d’être dit montre à l’évidence que le modernisme hispanique n’est ni l’équivalent du Parnasse, ni du symbolisme français, ni leur succédané. Octavio Paz l’indique assez justement: Le modernisme [hispanique] fut la réponse au positivisme, la critique de la sen- sibilité et du cœur —et des nerfs— à l’empirisme et au scientisme positiviste. Dans ce sens sa fonction historique fut semblable à celle de la réaction romantique à l’au- be du XIXe siècle. Le modernisme fut notre vrai romantisme, et, tout comme pour le symbolisme français, sa version ne fut pas une répétition, mais une métaphore: un autre romantisme. (1991: 105) Cette conception du modernisme hispanique ne manque pas de fondement. Cer- tes, comme le romantisme, le modernisme hispanique a un goût spécial pour l’indi- vidualisme, la mélancolie, l’exotisme, le scepticisme… Mais il est certain que le temps du romantisme n’est plus et qu’on n’est pas impunément à la fin du XIXe siè- cle. Le modernisme, comme l’a très bien montré García-Girón, diffère du roman- tisme et dans le fond et dans la forme. Le modernisme diffère dans le fond. La révo- lution technique ayant permis une disparition relative des distances, le modernisme est cosmopolite. Mais ce rapprochement des nations qui permet de voir les ressem- blances et les différences entre les nations, rend possible le constat de la propre identité: c’est l’essor de l’indigénisme. Une espèce de fierté prend naissance en Amérique latine (vid. l’ode «A Roosevelt» de Rubén Darío) et en Espagne (vid. le poème «Castilla» de Manuel Machado). Le modernisme diffère aussi dans la forme. Un nouvel esthétisme a été instauré; il est le résultat du mélange du sentiment spi- rituel, des formes du Parnasse, du symbolisme et de la bouffée d’air frais apportée par le renouveau de Rubén Darío. Le vocabulaire n’est plus le même; mieux, il est polyvalent. Les associations par synesthésie sont osées, chargées de couleur et de force: les accents sont déplacés et les proparoxytons prennent le dessus. Enfin, la littérature hispanophone emprunte son art à la musique. C’est une trace symboliste: l’on excelle dans l’art de suggérer les idées et de nuancer les motifs. Juste un mot pour un autre Modernismo: le modernisme brésilien, né au ving- tième siècle lors de la réception des futuristes italiens et des surréalistes français après la Première Guerre Mondiale. Ce mouvement se poursuivrait jusqu’aux anné- es quarante. Oswaldo de Andrade et Manuel Bandeira se trouvent parmi les princi- paux représentants. SOURCES ET CARACTÈRE DU MODERNISME LITTÉRAIRE Je tiens à souligner l’adjectif «littéraire», ce qui nous met en mesure de mieux comprendre le modernisme et d’expliquer un malentendu qui n’a pas été sans pro- José Manuel Losada Modernisme: Questions de théorie 158 Thélème. Revista Complutense de Estudios Franceses 2005, 20, 149-162
  • 11. voquer une certaine confusion dans la critique littéraire. Lorsque des spécialistes comme Gullón assuraient que le modernisme fut une époque —un phénomène epo- cal— plutôt qu’un mouvement, ils ne se trompaient pas. Tout simplement, ils adop- taient sans le savoir une confusion terminologique, très compréhensible d’ailleurs: ce qu’ils appelaient modernisme littéraire était, de fait, l’esprit de la modernité sous forme de littérature. Ainsi, quand Juan Ramón Jiménez —et avec lui José Nogales en 1907— disait que le modernisme est une «atmosphère», une manifestation de quelque chose de vivant et de vibrant, il ne faisait que contrer la conception de mou- vement. Cette opinion n’a pas été sans provoquer une interprétation peu heureuse: à force de trop réfuter la classification de mouvement, cet écrivain et de nombreux critiques à sa suite sont tombés de Scylla en Charibdis et ont fini par estomper la spécificité propre du modernisme dans le vaste domaine de la modernité. Non, le modernisme, outre l’attitude de la modernité dont il est imprégné, a des caractéris- tiques qui le rendent susceptible d’être considéré comme un véritable mouvement: accès à une spiritualité non exempte d’un certain mysticisme, opposition au passé révolu, à l’utilitarisme destructif et à la médiocrité bourgeoise, élan vers la beauté, adaptation à outrance de la subjectivité et du scepticisme relativiste, voici les prin- cipaux éléments qui composent le modernisme littéraire. Une conséquence directe de ces caractéristiques agglutinantes de modernisme est l’apparition des thèmes et des formes qui en découlent. Ainsi, les usages rhéto- riques, quoique très variés, ne négligent pas le retour au sonnet et à l’alexandrin français — pas plus que les vers de neuf, onze et treize syllabes: que l’on songe par exemple à Rubén Darío. On constate aussi une prédilection pour les mots rares, les rimes difficiles et la musicalité interne des vers. Du point de vue sémantique, dans le jardin botanique du modernisme poussent des fleurs orientales —le lotus, le thé, le chrysanthème—, espagnoles —les roses, les glaïeuls—, françaises —le lys— et d’autres fleurs dont les couleurs se combinent avec les noms exotiques: le nénuphar, la violette, le magnolia, etc. Parmi les arbres, le peuplier, le sapin et le tilleul. L’univers zoologique est plus sélectif: si le cygne est le roi, l’ibis égyptien, le bulbul et le papemor —le condor et le quetzal chez les Américains— prennent plus de place que d’autres animaux considérés trop banals. Puis, il y a un monde minéral de la gemmologie: diamants, rubis, saphirs, topazes, émeraudes sont très usités pour les métaphores. Or, les plantes et les pierres précieuses n’ont ici qu’une valeur purement esthétique et ne peuvent rien contre les maladies; d’ailleurs, leur connotation éclectique est passée sous silence. Rien d’étonnant, par conséquence, que les écrivains modernistes aient recours à des villes aux noms sonores de l’O- rient: Ormuz, Bassra, Bagdad… Voici donc l’univers symbolique du modernisme où est située la tour d’ivoire du poète, celle qui lui permet de conserver son aristo- cratie intérieure. Or depuis cette tour, le paysage n’est pas un simple panorama: il renferme et signifie les profondeurs de l’âme du poète; sans doute pense-t-il à se rapprocher ainsi de la tour de la divinité, nouveau symbole implicite qui met l’é- crivain à l’abri du vulgaire, de la jalousie et de la laideur. On ne sera pas étonné que ce culte pour la forme remette en valeur certains motifs comme le nu féminin, presque ignoré du Romantisme. José Manuel Losada Modernisme: Questions de théorie Thélème. Revista Complutense de Estudios Franceses 159 2005, 20, 149-162
  • 12. Après ces quelques appréciations, on est en mesure de mieux saisir le phénomè- ne du modernisme littéraire et de s’attaquer à l’un des problèmes les plus épineux de la critique, à savoir, le rapport qu’entretient le modernisme littéraire avec d’au- tres mouvements. Il importe de relever les innombrables paradoxes renfermés dans le modernisme pris en considération avec les autres mouvements littéraires. Il ne pouvait pas en être autrement: imbu du paradoxe de la modernité, il devient à son tour paradoxal. On ne sera donc pas étonné de constater certaines équivoques qui, contrairement à ce qu’on pourrait croire, ne font que renforcer la nature même du modernisme. Ainsi, sa conception de la spiritualité explique ses rapports avec le romantisme. De prime abord, il le toise avec un certain dédain; c’est seulement à la dérobée qu’il lui emprunte certains aspects. En effet, contrairement au romantisme, le modernis- me ne verse pas son moi vers l’extérieur: il se détache du monde qui l’entoure et rentre en soi, reclus en soi-même comme un penseur qui écoute dans le silence de sa vie intérieure. Mais cette attitude n’empêche le modernisme de se nourrir de l’in- timisme romantique. Par ailleurs, l’élan vers la beauté hérité du romantisme expli- que l’opposition des écrivains modernistes face à la vulgarité et à la médiocrité, leur refus de l’hypocrisie et de la morale bourgeoises —d’où leur désir inavoué du voya- ge, de l’évasion réelle ou imaginaire, exotique ou indigéniste— pour échapper à la société corrompue: c’est bien à l’école des romantiques que les modernistes ont appris à devenir les rebelles —raros ou extravagants— du tournant du siècle. Mais la tendance vers un mysticisme vague issu du versant spiritualiste n’est pas clôturée dans les marges du romantisme; il y a, entre autres mouvements, le trans- cendantalisme né aux Etats-Unis: Ralph Waldo Emerson, Frederic Henry Hedge, Henry David Thoreau, Walt Whitman. Il y a dans le transcendantalisme un sens inné de l’individualisme et, surtout une certaine mystique, précisément celle qui attira les invectives d’Edgar Poe lorsqu’il définissait ce mouvement comme mysticisme pour l’amour du mysticisme. Peu importent ces diatribes: l’union directe entre l’homme et Dieu, l’émerveillement face au cosmos, la défense d’une nature encore innocen- te et non corrompue et un certain messianisme démocratique réunissaient un ensem- ble d’appâts qui allaient prendre force chez les modernistes, notamment ceux de l’Amérique latine qui y voient l’ampleur nécessaire pour le développement de leur propre paysage intérieur. D’après Horia, il faut faire une mention spéciale de Whit- man (1819-1892), dont l’œuvre est un échange parfait entre deux paysages: le pay- sage géographique de son pays et le paysage spirituel de son âme (1976: 443-468). Il n’est pas inutile de rappeler que, lors de sa Préface à l’édition française de Lea- ves of Grass en 1930, Valéry Larbaud dévoilait entre autres, une influence philoso- phique particulièrement importante: celle de l’idéalisme hégélien. Le dégoût que le modernisme affiche face au matérialisme explique son refus de tout positivisme. Or, le modernisme lui-même est aussi teinté non seulement d’un réalisme qui mettait un frein au trop-plein de mythologie romantique, mais aussi d’un naturalisme qui permettait d’accéder à des mondes jusqu’alors considérés comme inabordables: nouveau paradoxe. Cependant il suffit de piocher un peu pour comprendre que le modernisme sait faire la part des choses: tout en rejetant le côté José Manuel Losada Modernisme: Questions de théorie 160 Thélème. Revista Complutense de Estudios Franceses 2005, 20, 149-162
  • 13. scientiste du naturalisme, il n’a pas de scrupule à s’inspirer de lui dans son accès aux mondes jugés interdits, seuil qu’il lui fallait traverser avant de parvenir à l’exo- tisme et au cosmopolitisme. Il en est de même pour ce qui concerne son élan vers la beauté. Le modernisme prend sans ambiguïtés ses distances par rapport aux mouvements qui accordent une grande valeur à la laideur, par exemple, le naturalisme. Il y a pourtant une exception digne d’être mentionnée: l’attention que le modernisme prête au grotesque, hybride fort ancien mais remis à l’honneur depuis la Préface de Cromwell et les actualisa- tions de la théorie sur l’harmonie des contraires. Sans doute la raison de cet attrait inattendu se trouve-t-elle dans le goût d’une dissonance où l’écrivain moderniste cherche à renouer avec la symbiose simultanée de l’étrange et du sublime, parado- xe porteur d’indiscutables valeurs poétiques dont il devra user. C’est ce même parti pris pour la beauté qui explique un autre paradoxe qu’il faut remarquer: le rappro- chement du modernisme des suites de la poésie postromantique. En effet, cette der- nière bifurque en deux tendances, l’emphase rhétorique et la description coloriste d’un côté et la poésie subjective, sentimentale et idéaliste d’un autre. C’est ainsi que le modernisme jette un pont vers deux mouvements qui chantent la beauté: le Par- nasse et le symbolisme. Or, ces deux mouvements coexistent à l’intérieur du moder- nisme: si en France Leconte de Lisle et Rimbaud paraissent demeurer en vase clos, il n’en va pas de même avec des modernistes comme Rubén Darío, les frères Machado ou José Asunción Silva: c’est là encore une preuve du caractère hybride du modernisme. Précision dans la terminologie, essais de définition, sources et caractère du modernisme, relevé des manifestations poétiques et rapports avec d’autres mouve- ments: voici donc quelques points de repère qui aideront, je l’espère, à mieux appro- fondir tel ou tel ouvrage ayant trait au modernisme littéraire. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES BAUDELAIRE (1968): Œuvres complètes, Marcel A. Ruff éd., Paris, Éditions du Seuil. BAUDRILLARD, J. (1992): «Modernité», Encyclopædia universalis, t. XV, 552-554. BUTLER, Chr. (1990): «Joyce, modernism, and post-modernism», James Joyce, Derek Attridge éd., Cambridge University Press, 259-282. CALINESCU, M. (1977): Faces of Modernity: Avant Garde, Decadence, Kitsch, Blooming- ton, Indiana University Press, 1977. COMPAGNON, A. (1990): Les Cinq Paradoxes de la modernité, Paris, Éditions du Seuil. DAVIES, M. (1975): «La notion de modernité», La Modernité, nº monographique des Cahiers du 20e Siècle (Paris, Klincksieck), Michel Décaudin & Georges Raillard éds, 5, 8-30. FERNÁNDEZ-MORERA, D. (1985): «The Term Modernism in Literary History», Proceedings of the Xth Congress of the International Comparative Literature Association (New-York, 1982), Anna Balakian & James J. Wilhelm éds, New-York & London, Garland, 271-279. GARCÍA-GIRÓN, E. (1991 [1975]): «La azul sonrisa. Disquisición sobre la adjetivación modernista», El modernismo, Lily Litvak éd., coll. «El escritor y la crítica», Madrid, Taurus, 121-141. José Manuel Losada Modernisme: Questions de théorie Thélème. Revista Complutense de Estudios Franceses 161 2005, 20, 149-162
  • 14. GULLÓN, R. (1963): Direcciones del modernismo, Madrid, Gredos, coll. «Campo abierto». — (1968): «Indigenismo y modernismo», Estudios críticos sobre el modernismo, Homero Castillo éd., Madrid, Gredos, coll. «Biblioteca Románica Hispánica». HORIA, V. (1976): Introducción a la literatura del siglo XX, Madrid, Gredos. JAUSS, H. R. (1998): «La modernité dans la tradition littéraire et la conscience d’aujourd’- hui», Pour une esthétique de la réception, trad. Claude Maillard, préf. Jean Starobinski, Gallimard. JIMÉNEZ, J. R. (1962): El modernismo. Notas de un curso (1953), Ricardo Gullón & Euge- nio Fernández Méndez éds, México, Aguilar. ONÍS, F. de (1962): Introducción a la Antología de la poesía española e hispanoamericana, El modernismo. Notas de un curso (1953) [vid. Juan Ramón Jiménez], México, Aguilar, appendice 1, 281-282. RULL, E. (1984): El modernismo y la generación del 98, Madrid, Playor. PAZ, O. (1965): Cuadrivio: Darío, López Velarde, Pessoa, Cernuda, México, Joaquín Motriz. — (1991 [1975]): «Traducción y metáfora», El modernismo, Lily Litvak éd., coll. «El escri- tor y la crítica», Madrid, Taurus, 97-117. SCHULTE-SASSE, J. (1992 [1984, 1e éd. allemande: 1979]): «Theory of Modernism versus Theory of the Avant-Garde», préf. de Theory of the Avant-Garde de Peter Bürger, Min- neapolis, University of Minnesota Press. VADÉ, Y. (1995): «Modernisme ou Modernité ?», Le Tournant du siècle. Le modernisme et la modernité dans la littérature et les arts, Christian Berg, Frank Durieux & Geert Ler- nout éds, Berlin / New-York, Walter de Gruyter, 53-65. José Manuel Losada Modernisme: Questions de théorie 162 Thélème. Revista Complutense de Estudios Franceses 2005, 20, 149-162