5. COUPEZ !
De Michel Hazanavicius
Un tournage de film de zombies dans un bâtiment
désaffecté. Entre techniciens blasés et acteurs pas
vraiment concernés, seul le réalisateur semble
investi de l'énergie nécessaire pour donner vie à un
énième film d'horreur à petit budget. L'irruption
d'authentiques morts-vivants va perturber le
tournage…
« COUPEZ ! est un film high concept. C'est un film
qui commence de manière catastrophique, et dont le
concept se révèle à mesure que l'histoire avance,
pour finir de manière très inattendue. Se présentant
au départ comme un film de zombies de sous-
catégorie il va progressivement passer au
détournement de films de zombies, puis se
transformer en comédie de situations, pour finir
dans un genre nouveau, qui, en s'apparentant à un
faux making of, réunit toutes les facettes que le film
a explorées jusque-là dans un final explosif. C'est
un film où le spectateur commence par se demander
ce qu'il est en train de regarder, et où il finit en se
disant que c'est non seulement drole, mais aussi
malin, enfin je l'espère ! »
Michel Hazanavicius - Dossier de Presse
Film d'ouverture du Festival de Cannes
9. Le Jury du Festival de Cannes 2022
Le président sera Vincent Lindon
Il sera secondé par l'actrice
britannique Rebecca Hall, l'actrice
indienne Deepika, l'actrice suédoise
Noomi Rapace, l'actrice italienne
Jasmine Trinca, le réalisateur iranien
Asghar Farhadi, le réalisateur français
Ladj Ly , le réalisateur américain Jeff
Nichols et le réalisateur norvégien
Joachim Trier.
10. « La Femme de Tchaïkovski », de Kirill
Serebrennikov. Un film qui évoque
l’épouse du compositeur homosexuel
Russie, 19ème siècle.
Antonina Miliukova,
jeune femme aisée et
brillante, épouse le
compositeur Piotr
Tchaïkovski. Mais
l’amour qu’elle lui
porte tourne à
l’obsession et la jeune
femme est
violemment rejetée.
Consumée par ses
sentiments, Antonina
accepte de tout
endurer pour rester
auprès de lui.
11. «Armageddon Time», James Gray
S’il fallait prendre son titre au pied de la
lettre, on préciserait que le nouveau film de
James Gray se déroule sur la montagne de
Megiddo, à cet endroit historique du
royaume d’Israël où le livre de l’Apocalypse
situe la grande bataille finale entre le bien le
mal lors de la parousie du Christ.
Plus prosaïquement, le terme est emprunté à
un bref passage du film où le gouverneur
Ronald Reagan, à la veille d’être élu
président des Etats-Unis et de faire basculer
le pays dans une ère conservatrice, emploie
ce terme à des fins électorales.
Plus prosaïquement encore, c’est à l’aune de
ce bouleversement politique que se déroule
le roman de formation du jeune héros de ce
film, Paul Graff, préadolescent issu d’une
paisible famille juive du Queens dans les
années 1980.
Sa vision du monde va basculer en l’espace
des quelques mois décisifs que dure l’action
de ce récit d’inspiration autobiographique.
L’articulation du familial au social, du micro
au macro, constitue l’un des principaux paris
de ce film.
12. «Hi-Han», Jerzy Skolimowski
EO, la fable poétique et métaphorique
de Skolimowski.
Une narration chaotique pour un film
d’une grande beauté formelle sur les
pas d’un âne de cirque privé de scène.
Eo lorgne du côté de Godard et Malick
dans une expérimentation visuelle plus
ennuyeuse que fascinante.
Jerzy Skolimowski a beau ambitionner
de rendre hommage à Au hasard
Balthazar, de Robert Bresson, il
semble avoir avalé du Terrence Malick.
Très gros plans sur la nature et des
bouts de peau, des ralentis en veux-tu
en voilà, des travellings somptueux, un
rendu de l’image volontiers pictural, le
grand cinéaste polonais explore une
large palette de champs sensoriels.
13. Frère et soeur
Arnaud Desplechin
Le long-métrage, tourné
dans la région natale du
réalisateur, est une
plongée dans l'un de ses
sujets de prédilection : la
famille.
La haine et le pardon.
Dans son nouveau film,
Arnaud Desplechin
ausculte la fratrie et
l'hostilité qui oppose une
sœur à son frère. Le
réalisateur renoue ainsi
avec la veine de Rois et
Reine (2004) et Un conte
de Noël (2008) et
continue son exploration
de la famille. Secrets,
mensonges, trahisons et
autres blessures profondes
sont les ingrédients de
Frère et sœur.
14. Frère et soeur
Arnaud Desplechin
« Familles, je vous hais ! », on connaît la phrase d’André
Gide. Dans Frère et sœur, qu’il présente ce vendredi à
Cannes et qui sort dans la foulée, Arnaud Desplechin la
transforme en un simple : « Je crois que je te hais ». Des
mots qui, dans la bouche de Marion Cotillard à l’adresse
de Melvil Poupaud, font l’effet d’une détonation. Pourquoi
tant de haine entre la sœur, célèbre comédienne, et son
frère, prof et poète ? Nul ne le sait et « ce ne serait même
pas très moral d’en parler », concède Melvil Poupaud dans
le film.
Son meilleur ami psy (étonnant Timsit à contre-emploi)
ne peut que constater les dégâts, impuissant même à
soulager Marion Cotillard venue le consulter pour ce
ressentiment apparu le jour où la sœur a vu son frère si
fier de remporter un prix littéraire. Elle lui propose de lire
ses textes sur scène. Il refuse, prétexte la pudeur sans se
rendre compte à quel point il l’a vexée. « Plus sa notoriété
grandissait, plus j’étais déchirée », dira-t-elle
On ne dira rien des péripéties qui émaillent cette histoire,
sinon qu’elles sont particulièrement cruelles. Et que se
pose à un moment la question du pardon, « la fin de la
haine » comme l’appelle Desplechin soulignant, comme
peut le faire toute famille qui en souffre, « la haine est
toujours est une perte de temps ».
15. «Boy from heaven»
Tarik Saleh
Adam, simple fils de pêcheur,
intègre la prestigieuse université
Al-Azhar du Caire, épicentre du
pouvoir de l'Islam sunnite. Le
jour de la rentrée, le Grand Imam
à la tête de l'institution meurt
soudainement. Adam se retrouve
alors, à son insu, au cœur d'une
lutte de pouvoir implacable entre
les élites religieuse et politique du
pays.
Au final, Boy From Heaven
souffre sans doute de ses
énormes ambitions de
vouloir se positionner à la
fois comme un thriller
paranoïaque grand public,
un commentaire sur une
situation politico-religieuse
opaque et une réflexion
philosophique et
théologique sur
l’apprentissage de l’Islam. En
résulte un film forcément bancal
qui ne convainc jamais à 100%
sur l’un de ces tableaux et
navigue constamment entre des
sentiments
contradictoires : stimulant et
épuisant, profond et vain.
16. TRIANGLE OF SADNESS - SANS FILTRE
RUBEN ÖSTLUND
Après la Fashion Week, Carl
et Yaya, couple de
mannequins et influenceurs,
sont invités sur un yacht pour
une croisière de luxe. Tandis
que l’équipage est aux petits
soins avec les vacanciers, le
capitaine refuse de sortir de
sa cabine alors que le fameux
dîner de gala approche.
Les événements prennent une
tournure inattendue et les
rapports de force s'inversent
lorsqu'une tempête se lève et
met en danger le confort des
passagers.
17. R.M.N.
CRISTIAN
MUNGIU
Quelques jours avant Noël,
Matthias est de retour dans son
village natal, multiethnique, de
Transylvanie, après avoir quitté
son emploi en Allemagne. Il
s’inquiète pour son fils, Rudi,
qui grandit sans lui, pour son
père, Otto, resté seul et il
souhaite revoir Csilla, son ex-
petite amie. Il tente de
s'impliquer davantage dans
l'éducation du garçon qui est
resté trop longtemps à la charge
de sa mère, Ana, et veut l’aider
à surpasser ses angoisses
irrationnelles. Quand l’usine
que Csilla dirige décide de
recruter des employés
étrangers, la paix de la petite
communauté est troublée, les
angoisses gagnent aussi les
adultes. Les frustrations, les
conflits et les passions refont
surface, brisant le semblant de
paix dans la communauté.
18. Les Nuits de Mashhad (Holy
Spider)
Ali Abbasi
Thriller social fascinant
dénonçant la misogynie
de la société iranienne,
les Nuits de Mashhad
s’inspirent d’un fait
divers, l’assassinat de
seize prostituées par un
tueur en série.
On peut assassiner 16
femmes et être considéré
comme un héros. Prenez
l’Iran. À Mashhad, la
deuxième ville la plus
peuplée du pays, un
tueur en série, auteur de
16 féminicides, est
soutenu par une partie
de la population et des
autorités.
19. Il revendique de mener le djihad contre le vice dans ce lieu saint pour les chiites.
Terrible et pourtant bien réel. Cette affaire du début des années 2000 a inspiré Ali
Abbasi pour les Nuits de Mashhad, son deuxième long métrage. Le cinéaste,
originaire d’Iran et installé depuis près de vingt ans en Europe, a voulu braquer sa
caméra sur les lieux du crime. Faute d’autorisations, il a dû se retrancher en
Jordanie.
Le récit inclut un véritable personnage de
fiction, Rahimi (Zahra Amir Ebrahimi), une
journaliste de Téhéran, venue enquêter sur
ces meurtres. Car les investigations
policières sont au point mort, donnant
toute latitude au tueur en série pour
poursuivre son parcours criminel. À moto,
il choisit ses proies, qu’il attire dans sa toile
avant de les étouffer.
21. C’était quoi, l’école des Amandiers ? Une foudroyante
comète qui traversa le ciel du théâtre français, le temps
de deux promotions, au mitan des années 80.
Scintillant sous l’aura du metteur en scène Patrice
Chéreau, qui dirigeait le théâtre du même nom
l’abritant, elle essaima une pluie de futures vedettes
(Valeria Bruni-Tedeschi, Agnès Jaoui, Marianne
Denicourt, Vincent Perez, Bruno Todeschini, Thibault
de Montalembert…) dont le passé commun les lie,
encore aujourd’hui, «comme des anciens gagnants
d’une Coupe du monde» (ainsi que le résuma Laurent
Grévill au Monde en 2018). La légende a imprimé une
bande de jeunes filles et jeunes gens bénis des dieux,
vivant et respirant le théâtre, sous l’égide d’un exigeant
génie.
La comédienne et cinéaste Valeria Bruni-Tedeschi fut
de la partie, et, poursuivant son entreprise entêtée
d’autobiographie filmée et rêvée, la voilà qui décide de
raconter ce que ce fut, conservant et transformant,
comme à son habitude.
Fulgurance, coup de génie, tant c’est bien, les
Amandiers, de loin son meilleur film, apparaissant telle
la pièce manquante d’un puzzle dont on ne soupçonnait
pas l’existence, jusqu’à faire étrangement écho.
« Les Amandiers » de Valeria Bruni Tedeschi,
22. «Les Crimes du futur» Cronenberg
On entend des mouches dans la nuit. Est-ce
possible ? C’est un vieil homme qui revient, nous
reparler d’une ou deux choses. Il sort d’un silence qui
a duré plusieurs années. Le monde n’a jamais été
aussi prêt à l’entendre. Notre siècle, de toute
évidence, est terminalement cronenberguien. Ce
n’est plus à Cronenberg de le prouver, de nous en
«donner des nouvelles». Ses films l’avaient fait, en
leur temps, c’est réglé. Il revient nous parler de lui, il
nous fait son portrait du vieil homme en artiste, à
l’adresse d’un monde déserté. «J’aurais bien su te
parler/de moi et de mon cher corps/de la chaleur des
rochers/dommage que tu sois mort…» Nous sommes
morts – c’est mort pour nous – et il est vivant.
Tout ce qui l’intéresse, c’est l’avenir, et ça l’intéresse
encore plus au moment où il n’y en a plus du tout.
Qu’est-ce qu’il reste ? La pensée de l’avenir. Elle naît
dans un corps qui s’épuise. Cronenberg, c’est facile à
dire, est le cinéaste de la pensée, il n’a jamais filmé
que ça, la pensée comme prothèse du corps, comme
organe en plus ou en trop, le cerveau comme cet
organe qui produit sans cesse de l’inorganique. En
guise de pensée de l’avenir, voici donc les Crimes du
futur : un film érotique et abstrait. Tranchant,
irrespirable, incorporel. Presque pas un film, une
idée.
Libération
23. «Decision to Leave», Park Chan-wook
Bonne nouvelle, Park Chan-wook pense un
peu contre son cinéma, qui semblait à deux
doigts de s’enferrer dans une caricature de
maniérisme sadique. S’il reste tout de même
lardé d’habituelles irruptions de violence, le
mouvement général qui préside à Decision to
Leave n’est plus celui de l’entrechoquement
(des corps) mais le parallélisme. Une danse
de l’effleurement platonique plutôt qu’une
roucoulade vulgaire, comme le très raté
Mademoiselle, présenté à Cannes en 2016.
Le film débute autour d’une enquête sans
envergure. Obligé de lâcher sa chasse au
criminel endurci, le détective Hae-joon se
retrouve chargé de déterminer si c’est la
gravité et la faute à pas de chance qui ont tué
un riche homme d’affaires en plein trip
d’escalade ou si son épouse chinoise n’a pas
quelque chose à avoir avec la chute. A un
premier interrogatoire très pro succède deux,
puis trois, tête-à-tête de moins en moins dans
les clous. La parole se relâche et de petites
attentions laissent poindre la naissance d’une
affinité déplacée entre l’enquêteur et sa
suspecte.
24. LES HUIT MONTAGNES
Charlotte Vandermeersch, Felix
Van Groeningen
Pietro est un garçon de
la ville, Bruno est le
dernier enfant à vivre
dans un village oublié du
Val d’Aoste. Ils se lient
d’amitié dans ce coin
caché des Alpes qui leur
tient lieu de royaume. La
vie les éloigne sans
pouvoir les séparer
complètement. Alors que
Bruno reste fidèle à sa
montagne, Pietro
parcourt le monde. Cette
traversée leur fera
connaître l’amour et la
perte, leurs origines et
leurs destinées, mais
surtout une amitié à la
vie à la mort.
25. «Tori et Lokita»
Frères Dardenne
L’histoire déchirante de deux jeunes exilés aux prises
avec un système d’accueil défaillant. Du Dardenne sec et
blessant de vérité.
Tori aime sa grande sœur, Lokita, Lokita aime son petit
frère, Tori, avec l’innocence des justes. C’est simple
comme bonjour, cela pourrait être une comptine qu’ils
se chanteraient pour dormir. Ils la chanteraient peut-
être en italien, car c’est en Sicile que les a d’abord
conduits leur exil avant l’arrivée en Belgique, et chaque
fois qu’ils fredonnent ensemble dans cette langue, c’est
comme la communion.
Lui, orphelin, a déjà obtenu ses papiers, ayant échappé
au destin qui menace les enfants accusés de sorcellerie
au Bénin. Elle, sur qui le film se focalise en premier,
peine en revanche à surmonter l’entretien de demande
d’asile, l’administration remettant en cause son lien de
parenté plus qu’incertain avec Tori.
On se persuade, pendant une heure trente écrite serrée,
que leur amour peut soulever des montagnes, peut-être
même sauver le monde. A la différence des frères
Dardene, qui savent bien que le film ne pourra rien
sauver du tout, pas même ses personnages, quand bien
même sont-ils vibrants de pureté toute crue dans une
réalité dégueulasse. Personne ici n’est le mal incarné,
mais on préférerait évidemment que Tori et Lokita ne
triment pas sous la coupe d’un restaurateur et trafiquant
italien, pour le compte duquel ils dealent un soir par
semaine, moyennant un pauvre billet et quelques parts
de foccacia.
26.
27. «Nostalgia» Mario Martone
Etymologiquement, la nostalgie est la
souffrance du retour. Le terme serait
apparu au XVIIe siècle au bon soin d’un
psychiatre alsacien, Johannes Hofer‚
confronté aux dépressions des soldats
envoyés à l’étranger, évoquant chez eux
un «dérèglement de l’imagination» qui
s’obnubile de tristesse par le mal (et le
manque) du pays d’origine, dominé par
l’impression que seul le remède «du
retour dans la patrie» peut les sortir
d’affaire. Dans le nouveau film de
Mario Martone, Felice Lasco s’est tenu
éloigné pendant quarante ans de sa
ville natale et de ses proches. Il a vécu
au Liban, en Afrique du Sud, avant de
se marier au Caire avec une médecin et
de créer une entreprise de bâtiment,
s’octroyant au passage, lui, l’enfant du
quartier populaire de la Sanità, fils
d’une couturière, une ascension sociale
d’autodidacte.
28. «Stars at Noon» Claire Denis
Le seizième long de Claire Denis,
miroitant objet aux influences
«eighties», immerge une journaliste
américaine paumée dans un Nicaragua
bordélique.
On vous a entendu soupirer, vous les
spectateurs (hommes), pendant les
scènes d’amour de Stars at Noon,
seizième long-métrage de la cinéaste
française Claire Denis, première
sélection en compète, inspiré du livre
de l’Américain Denis Johnson sur son
expérience malheureuse au Nicaragua
pendant la révolution sandiniste en
1984. Soupirez encore, jetez-nous une
tomate : on le défendra mordicus, cet
étrange objet à la sauce eighties, mais
avec une femme en personnage
principal.
C’est Margaret Qualley dégoulinante
idem, sexy idem, tête à claques et dans
la dèche, qui arpente les rues de la
capitale du Nicaragua de 2021 (un
décor comme un autre, qui signifie
bordel moite) en se drapant de son
américanité comme d’un passe-droit
qui ne sert à rien, et appelant les
barmen Luis, Miguel ou Roberto
jusqu’à trouver le bon prénom.
29. Leila et ses frères Saeed Roustaee
Leila a dédié toute sa vie à ses parents
et ses quatre frères. Très touchée par
une crise économique sans précédent,
la famille croule sous les dettes et se
déchire au fur et à mesure de leurs
désillusions personnelles. Afin de les
sortir de cette situation, Leila élabore
un plan : acheter une boutique pour
lancer une affaire avec ses frères.
Chacun y met toutes ses économies,
mais il leur manque un dernier soutien
financier. Au même moment et à la
surprise de tous, leur père Esmail
promet une importante somme
d’argent à sa communauté afin d’en
devenir le nouveau parrain, la plus
haute distinction de la tradition
persane.
Peu à peu, les actions de chacun de ses
membres entrainent la famille au bord
de l’implosion, alors que la santé du
patriarche se détériore.
30. «Close» Lukas Dhont
En 2018, Lukas Dhont présentait son
premier film dans la sélection Un certain
regard et décrochait la Caméra d’or. Girl
racontait la discipline que s’imposait une
jeune ado trans dans une école de danse
classique tout en étant accompagnée dans
son changement de sexe aussi bien par ses
parents que par diverses institutions
sociales toutes bienveillantes.
Il s’agissait d’emblée d’un récit
d’apprentissage comme l’est à nouveau
Close qui est propulsé en compétition, un
cursus rapide pour ce cinéaste belge de tout
juste 31 ans.
Cette fois, le film se concentre sur l’amitié
entre Léo et Remi, 13 ans, fusionnelle
jusqu’à ce qu’au collège, des questions de
camarades curieux et légèrement
malveillants sur leur niveau réel de
proximité (est-ce qu’ils sont en couple ?)
entament l’unité du duo, tout
particulièrement Léo qui décide de prendre
ses distances. Un drame qui confronte le
gamin à la culpabilité et à la perte.
32. « Tourment sur les
îles »
Albert Serra
Un cliché à la peau dure voudrait
que le cinéma ne serve qu’à
raconter des histoires. Il se peut
aussi qu’il soit là pour ne pas les
raconter, mais tourner autour et
laisser au spectateur le soin de
flairer que quelque chose de
louche se trame à l’écran. C’est
dans cette zone de flou entre la
fiction et son envers que se situe
le dernier et extraordinaire long-
métrage du dandy catalan Albert
Serra (La Mort de Louis
XIV, Liberté), ce bandit de grand
chemin, classe et impudent,
promu pour la première fois en
compétition. Il faut dire que le
film, ample de ses cent soixante-
trois minutes, a de quoi créer la
berlue par son alliage
d’ingrédients inattendus : soit la
star Benoît Magimel, plongée en
plein Pacifique, en Polynésie
française, dans une soupe obscure
de « thriller politique » qui
pourrait bien n’en avoir que le
nom.
33. « Tourment sur les îles », le
fascinant paradis perdu d’Albert
Serra
Avec un Benoît Magimel en
état de grâce, le nouveau
film du réalisateur catalan
est un magnifique thriller
paranoïaque sur fond de
politique-fiction.
A Tahiti, un dénommé De
Roller (Magimel en état de
grâce) se promène en
costume crème, chemises
bariolées et lunettes fumées
bleu curaçao, serrant les
pognes, recueillant les
doléances, exerçant à droite,
à gauche son tranquille
entregent.
Dans l’alliance de la nature
et du synthétique, c’est la
propre déliquescence du
personnage qui se joue.
34. « Les Bonnes Etoiles » Hirokazu Kore-eda
De l’abandon d’un nourrisson et de
la recherche de parents adoptifs, le
Japonais Hirokazu Kore-eda fait
un road-movie brinquebalant et
donne une véritable leçon d’amitié.
Il n’a pas beaucoup de sourcils.
Mais sinon, qu’il est mignon. Une
jeune prostituée dépose son
nouveau-né devant une «boîte à
bébés» où un organisme recueille
les nourrissons abandonnés. Il est
aisé de deviner ce qu’aurait donné
un film des Dardenne sur un sujet
pareil (ils l’ont d’ailleurs plus ou
moins déjà fait). Ici, le contraire
s’impose. Hirokazu Kore-eda a de
la justesse et de la fantaisie. Il
n’ignore pas que la vie, si
dramatique fût-elle, contient ses
moments d’apesanteur et
d’allégresse.
35. « Showing Up »
Kelly Reichardt
En suivant une
sculptrice quelques jours
avant l’ouverture de son
exposition, la réalisatrice
américaine interroge,
par le biais de l’intime et
l’infime, le statut de
l’artiste et les tourments
de la création.
De l’artiste, Kelly
Reichardt sape ici la
légende dorée, extirpe
toute conception
romantique.
Avant le vernissage de
son exposition, le
quotidien d'une artiste et
son rapport aux autres,
le chaos de sa vie va
devenir sa source
d'inspiration...
36. Showing Up, huitième long-métrage de
Kelly Reichardt, est aussi le premier à
s’inviter dans les rangs de la
compétition cannoise, reconnaissance
tardive pour cette œuvre de tout
premier ordre.
Il a fallu en effet du temps pour que ce
cinéma à décoction lente émerge du
brouillard de la production
indépendante américaine, aux
afféteries minimalistes de laquelle il a
souvent été assimilé.
Or, le terme « minimal » sied mal au
travail de Reichardt qui, il est vrai,
s’attache à des personnages modestes,
voire marginaux, pris dans des
situations infimes. A son échelle de
proximité, il apparaît au contraire
imbibé des matières et des
bruissements du monde, empli de
présences humaines et animales,
innervé de récits du quotidien, et donc
infiniment riche de toutes autres
choses.
37. « Un petit frère »Léonor Serraille
Fresque familiale sur une mère venue en France de Côte
d’Ivoire, le second long-métrage de Léonor Serraille touche
par son humanité et son exaltation de l’émancipation
individuelle.
38. Un petit frère évoque le destin d’une famille
originaire de Côte d’Ivoire qui s’installe en
France en 1989, jusqu’à nos jours. Un
fragment de famille serait un terme plus juste.
Rose, la mère, trentenaire. Et ses deux
enfants, Jean, l’aîné, et Ernest, le cadet. Deux
autres frères sont restés en Afrique. Du père,
on n’entend plus parler.
C’est, d’emblée, situer le dilemme de Rose, la
mère, superbement interprétée par Annabelle
Lengronne. Aspirer à devenir une femme
indépendante, socialement,
sentimentalement et sexuellement, qui
conduit fermement son destin.
Et élever dignement deux enfants dans des
conditions sociales très difficiles. C’est sur ce
fil funambulique que Léonor Serraille fait
avancer le film, distille trente ans d’une vie
farouche et précaire dans un triptyque d’une
sobriété et d’une finesse exemplaire.
39.
40. Tirailleurs
Mathieu Vadepied
1917. Bakary Diallo
s'enrôle dans l'armée
française pour rejoindre
Thierno, son fils de 17
ans, qui a été recruté de
force. Envoyés sur le
front, père et fils vont
devoir affronter la
guerre ensemble.
Galvanisé par la fougue
de son officier qui veut le
conduire au cœur de la
bataille, Thierno va
s'affranchir et apprendre
à devenir un homme,
tandis que Bakary va
tout faire pour l'arracher
aux combats et le
ramener sain et sauf.
41. Corsage
Marie Creuzer
Le cinquième long métrage de Marie
Kreutzer propose un portrait féministe,
sinon anachronique, de l’impératrice
d’Autriche jouée autrefois comme une
princesse de conte de fées par Romy
Schneider. Un film étrange mais
fascinant.
Un jour, Sissi a eu quarante
ans. Corsage, le cinquième film de
Marie Kreutzer, présenté à Un certain
regard, raconte ce début de la fin, soit
quelques mois dans la vie de
l’impératrice d’Autriche, en 1877, avant
qu’elle ne s’éclipse volontairement –
dans le scénario, du moins, qui prend
des libertés radicales avec les faits.
Corsage, en effet, n’émarge pas
vraiment au genre du biopic,
s’apparentant plutôt à un récit
d’émancipation fantasmé à l’aune du
féminisme contemporain. On doute que
la souveraine ait jamais quitté un dîner
officiel en faisant un doigt d’honneur ou
traité le valet de son époux de « gros
connard »… Mais la cinéaste
autrichienne a le droit, elle aussi, de
réécrire l’histoire par la magie du
cinéma.
42. Les Pires
Lise Akoka et Romane Gueret
Les Pires est un peu la
prolongation de Chasse Royale,
leur premier court-métrage, à la
différence que leur court-métrage
se concentre sur le moment du
casting, tandis que le long
raconte le tournage qui en
découle.
Elles sont toutes deux entrées
dans le secteur du cinéma par le
biais du casting sauvage, en
travaillant sur des films en tant
que directrices de casting et
coachs d’enfants, avant de
réaliser Chasse Royale, qui
s’inspire de nos expériences.
Pour préparer Les Pires elles sont
retournées dans ce quartier de
Valenciennes (le court métrage
porte son nom) qui leur avait
tant inspirées, avec l’envie de
continuer à faire dialoguer deux
milieux que tout semble opposer
: celui d’un quartier populaire et
celui du cinéma. Mais à la base
de ces deux films, il y a surtout
leur passion commune pour le
monde de l’enfance accidentée,
qui fait écho à des
préoccupations intimes pour
chacune d’elles
43. Les enfants du
silence
Agnieszka
Smoczynska
Au début des années 70,
au Pays de Galles, June et
Jennifer Gibbons, deux
sœurs jumelles
totalement fusionnelles,
ont peu à peu résolu de se
murer dans le silence vis-
à-vis de leur famille et du
monde extérieur. Tandis
que leur scolarité semble
de plus en plus
incertaine, elles
s’inventent, dans leur
chambre, un univers
parallèle où elles laissent
libre cours à leur
imagination
foisonnante…
44. Joyland, de
Saim Sadiq
“Au Pakistan, les femmes
trans sont très visibles et
très importantes”.
Un événement à plusieurs
titres. C’est la première fois
que le festival accueille un
film pakistanais en
sélection officielle. Avec,
comme héroïne, Biba
(Alina Khan), une
époustouflante femme
trans. Cette danseuse dans
un cabaret érotique va
bouleverser la vie de
Haider (Ali Junejo), un
homme qui peine à exister
dans sa famille à l’équilibre
étouffant, entre domination
masculine et désirs enfouis.
Avec Joyland, je pense, j’espère ! qu’on a fait du
bon boulot. À la fin de la projection, lundi, deux
jeunes garçons venus spécialement du Pakistan
m’ont pris dans leurs bras, ils étaient en larmes.
L’un d’entre eux n’arrivait plus à parler. Selon moi,
leur émotion allait bien au-delà de celle suscitée
par la fiction. Je pense qu’ils se sont reconnus à
l’écran. Enfin on les regardait…
45. «Godland»
Hlynur
Palmason
Suivant le chemin d’un prêtre sur les terres vierges de
l’Islande du XIXesiècle, Hlynur Palmason signe une ode
majeure à la nature et au cinéma.
Au neuvième jour du Festival, on avait presque oublié qu’on
en faisait encore des comme ça. Des films devant lesquels
tomber à genoux, des films qui nous sauvent et nous
guérissent de tous les faux-semblants déployés ailleurs – par
les films-formats, les films-formules, les films-frime, les
films-fardés… On découvre devant Godland combien cela
urgeait de respirer un autre air. Cet air est celui de la
redoutable Islande, dans les confins sauvages du monde où
Hlynur Palmason a tourné pendant plusieurs années.
Déjà à l’époque de son précédent film, Un jour si blanc, le
cinéaste expliquait à Libé avoir passé deux ans en amont du
tournage à enregistrer le passage des saisons autour de la
maison qui lui tenait de décor. Ici, un même recours au
timelapse capture les mille et uns visages d’une vue de
glacier, filmé pendant deux années.
Ou encore, déroule les étapes de la décomposition d’un
cheval gisant en pleine nature, pris dans une gangue de glace
en hiver, se dissolvant lentement avec les premières fontes
pour ne laisser que son squelette. Le stupéfiant rapport à la
durée de Palmason se pose là, comme celui d’un
collectionneur de l’infime.
46. «Le Bleu du caftan» Maryam Touzani
Broderie dans un film tout en délicatesse,
Maryam Touzani dépeint un triangle
d’amours contrariées.
Penché sur une généreuse pièce de tissu bleu
pétrole, un couturier tend une paire de
ciseaux à son apprenti en lui pointant la
petite marge qui sépare la ligne de découpe et
le patron du caftan qu’il devra assembler.
«C’est le centimètre du mâalem», dit le
maître artisan. C’est dans cette bande étroite
que Halim mène sa vie. Dans la médina de
Salé, au Maroc, ce sosie sexy d’Edwy Plenel
(le Palestinien Saleh Bakri) est le dernier
artisan à perpétuer un savoir-faire
traditionnel dans l’assemblage et la broderie
de tuniques. Tandis qu’il passe ses journées
affairé en silence dans l’arrière-boutique, sa
femme, Mina, douche avec splendeur les
petits caprices de la bourgeoisie marocaine
peu habituée aux délais qu’impose le travail
manuel. Tout irait pour le mieux si Halim
n’aimait pas les hommes et si Mina n’était
consumée par un cancer hors de contrôle. Si
le désir de Halim n’était pas déconnecté de
l’amour qu’il porte à Mina.
49. L'Envol réalisé par Pietro Marcello
avec Juliette Jouan, Louis Garrel,
Noémie Lvovsky, Yolande Moreau.
Adaptation libre du roman
Alye parusa d’Aleksandr
Grin.
Quelque part dans le Nord
de la France, Juliette
grandit seule avec son
père, Raphaël, un soldat
rescapé de la Première
Guerre mondiale.
Passionnée par le chant et
la musique, la jeune fille
solitaire fait un été la
rencontre d’une
magicienne qui lui promet
que des voiles écarlates
viendront un jour
l’emmener loin de son
village. Juliette ne cessera
jamais de croire en la
prophétie.
L'envol de Pietro Marcello
50. « El Agua »,
l’envoûtant cinéma
de légende d’Elena
Lopez Riera
Le cinéma espagnol se porte
bien, en témoigne la
prodigieuse récolte de films
émanant de jeunes
réalisateurs – Jonas Trueba,
Carla Simon, lauréate de
l’Ours d’or à la Berlinale, en
février, avec Alcarras.
On peut désormais ajouter le
nom d’Elena Lopez Riera,
dont le premier long-métrage,
El Agua, présenté à la
Quinzaine des réalisateurs,
provoque un véritable
envoûtement. Ce film, qui
concourt pour la Caméra d’or
– récompensant chaque
année une première œuvre –,
embrasse toute une région,
celle de Valence où a grandi la
cinéaste.
Personne ne prétend détenir la vérité de l’histoire, mais en voici
les grandes lignes : des femmes disparaîtraient au lendemain
d’inondations, l’eau entrant dans leur corps et les entraînant à
jamais. Cette croyance populaire habite les jeunes comédiens du
film, pour la plupart des non-professionnels, tandis que des
femmes des villages alentour témoignent face caméra, donnant
chacune sa version du récit, sur un mode documentaire.
51. Los que desean, «ceux qui désirent», c’était le titre d’un court-métrage d’Elena López
Riera, avant El Agua, son premier long, présenté à la Quinzaine des réalisateurs. Dans
son village natal d’Orihuela, dans la province espagnole de Valence, la cinéaste filmait le
rituel d’une course de pigeons, perpétué de père en fils par les hommes du coin, qui
peignent leurs ailes de vives couleurs pour les reconnaître en plein vol. El Agua –
«l’eau», tout simplement – revient au village, et passe des ébats du ciel au lit de la rivière,
menaçant dès le début de déborder. Des bruits courent dans la petite ville, rumeurs liées
à une ancienne légende. Le río, disent-elles, peut tomber amoureux, élire une jeune fille
des environs, et vouloir la garder pour lui, si d’aventure elle en aime un autre. Alors ça
déborde. Ça arrive, plusieurs fois par siècle. El Agua, pendant ce temps, a rendez-vous
avec Ana (Luna Pamies), son personnage, une fille de 17 ans, qui vit avec sa grand-mère
(Nieve de Medina) et sa mère (Bárbara Lennie), derrière le bar que tient celle-ci. Un
mythe prêt à revenir, une héroïne qui apparaît, ça fait deux personnages, autant de
forces, l’eau et Ana : un film va pouvoir commencer. Il s’écrira à leur rencontre.
52. Les Harkis de Philippe Faucon
. Les Harkis n’est pas un film de guerre, pas
non plus un film sur la guerre. Il y a plusieurs
raisons à cela. Avant tout, c’est un film sur la
guerre d’Algérie, une histoire singulière qu’il
n’universalise pas, ne prend pas de haut ni de
loin au nom de toute l’humanité.
Au contraire, il y va, il entre, et il précise. Son
sujet, dès son titre, il n’en fait pas mystère: à
la fois historique et brûlant, venu d’un passé
qui ne passe pas, de blessures mal refermées.
Comment elles furent ouvertes, et par qui, il
raconte.
On saura d’ailleurs, à chaque plan, de quoi il
parle, ce qu’il montre. Les Harkis, son titre
l’annonce, sera un portrait de groupe. C’est
un titre de tragédie grecque. On saura qui
compose ce groupe. On saura, dans chaque
cadre, tout de suite, où regarder, quoi voir,
qui entendre. On verra, pour chaque
personnage, chaque acteur, le plus fugace,
qui est là.
C’est à ça qu’on reconnaît encore le cinéma,
en Philippe Faucon, toujours, un cinéaste, en
les Harkis un grand film.
Théo Cholbi
53. Clara Sola de Nathalie Álvarez Mesén
Dans un village reculé du Costa-
Rica, une femme de 40 ans
renfermée sur elle-même,
entreprend de se libérer des
conventions religieuses et
sociales répressives qui ont
dominé sa vie, la menant à un
éveil sexuel et spirituel.
Nathalie Álvarez Mesén vient
d’une famille nombreuse
composée principalement de
femmes. Malgré cela, des normes
patriarcales qu'elle qualifie de
"malsaines" sur la façon dont une
femme devrait ou ne devrait pas
se comporter lui ont été
transmises.
54. « Un beau matin » Mia Hansen-Løve.
« Un beau matin », un conte à la Rohmer sur la fin
de vie
Dans le rôle d’un vieil homme placé en Ehpad, Pascal
Greggory illumine le film de Mia Hansen-Løve.
Sandra, traductrice et célibataire (Léa Seydoux), vit à
Paris avec sa fille, et rend visite dès qu’elle peut à
Georg, son père vieillissant (Pascal Greggory). Georg
vit dans un petit appartement, rempli de livres, c’est
sa vie. L’ancien professeur est un homme doux et ses
étudiants l’adorent. Atteint d’une maladie
neurodégénérative, il accepte sa défaite de vieux
monsieur qui perd la tête. Sandra, elle, veut profiter
de leurs derniers moments de complicité. Mais l’état
de Georg s’aggrave et elle se met en quête de trouver
un établissement d’accueil, correct, pas trop cher et
situé dans la capitale. Une mission difficile, qui va
mener la famille d’Ehpad en Ehpad, et le spectateur
avec, dans une veine réaliste, avec une attention pour
le travail des soignants.
Des résidants errent, se trompent de chambre, sont
reconduits gentiment. Autant d’images et de
questionnement devenus familiers ces dernières
années, que le cinéma commence à explorer – on
pense aussi au beau documentaire de Valeria Bruni
Tedeschi et Yann Coridian, Une jeune fille de 90 ans,
diffusé sur Arte en 2017.
55. «Les Années Super 8», la mémoire
de film d’Annie Ernaux
Formé par l’écrivaine et son fils
à partir d’images familiales, le
documentaire est une plongée
dans l’image figée d’une époque
et d’un milieu, et un regard sur
la construction d’une écrivaine.
«Saisir les choses», se situer
«dans la mémoire d’un présent
sans avenir» – ainsi Annie
Ernaux élucidait-elle son travail
d’écrivaine, lors d’un entretien
donné à Libération à la sortie de
Mémoire de fille en 2016. La
mémoire d’un présent qui n’a
pas encore d’avenir, c’est
justement ce qu’enregistrent les
films de famille, attrapant au
vol tout ce qui «n’arrivera pas
deux fois», les 10 ans du grand,
la première descente à ski du
cadet, sitôt vécus sitôt emportés
par le vent.
C’est ce à quoi Annie Ernaux a
décidé de se mesurer, en
signant avec son fils David
Ernaux-Briot les Années Super
8, film d’une heure présenté à la
Quinzaine des réalisateurs –
elle à la narration, lui à la
réalisation.
56. «Feu follet»
João Pedro Rodrigues
Cannes, sans le savoir, n’attendait que
ça, et iel n’était du tout prêt. Une heure
et sept minutes de rires incrédules –
joyeux, nerveux, irrépressibles –
allaient secouer les murs du théâtre
Croisette, caserne de la Quinzaine de
Réalisateurs, un soir de giboulée de
mai, soudain changée en pluie de foutre
et de neige carbonique.
Dès les premières scènes de Feu follet
le nouveau João Pedro Rodrigues,
cinéaste portugais qu’on ne présente
plus ou de moins en moins, ça se
frottait les yeux d’étonnement.
Les oreilles aussi, si Feu follet est bien
la «fantaisie musicale» annoncée par
son générique. C’est surtout une
comédie politique, et le meilleur film de
pompiers depuis Flammes d’Adolfo
Arrieta, en 1978.
57.
58. « Alma Viva », le
regard d’une enfant
sur le village de ses
ancêtres
Metteuse en scène de théâtre,
puis réalisatrice de
documentaires et de films
courts, Cristèle Alves Meira
– née à Montreuil (Seine-Saint-
Denis), en 1983 – signe un
premier long-métrage qui l’a
ramenée au pays. Celui de ses
origines, le Portugal. Un retour
gagnant qui lui vaut d’être en
compétition à la Semaine de la
critique pour une histoire
simple et âpre, dont le
déroulement nous retient dans
un village niché au creux des
montagnes. Un village que les
hommes ont quelque peu
déserté, mais où les femmes ont
du caractère, les croyances la vie
dure, le verbe de la truculence.
Ce que l’on ressent parfois de l’«
âme d’un lieu » – que la cinéaste
s’évertue à rendre légèrement
étrange, un brin décalée – nous
est offert ici par la grâce d’une
lumière, la vitalité du récit et la
magie d’une image pittoresque.
59.
60. Yamabuki, cette petite fleur jaune qui pousse
entre les pierres. Juichiro Yamasaki filme un
Japon inattendu, où l’on croise un ouvrier
coréen et une lycéenne qui manifestent pour
la paix. Un film délicat et puissant comme les
yamabuki.
L’action se déroule à
Maniwa, petite ville
minière dans les
montagnes de l’ouest du
Japon. Paysages gris,
poussiéreux, d’immenses
pelleteuses broient la
montagne dans un ballet
savamment orchestré. Les
pierres arrachées
s’engouffrent dans des
tapis qui sillonnent le
paysage jusqu’à être
concassées et devenir
gravier. Chang-Su est
ouvrier dans cette mine à
ciel ouvert. Coréen, il s‘est
exilé dans cet endroit
perdu pour rembourser
une dette familiale. Il
partage sa vie dans une
modeste bicoque avec
Minami et sa petite fille
qui ont fui un mari
violent.
61. «Grand Paris» Martin Jauvat
Ça dit quoi, la comédie
française ? Comme dans la
moitié des dialogues de
l’égayant Grand Paris, ça dirait
sûrement entre deux gorgées de
Capri-Sun : «On est là, hein !»
Vu de l’Acid, on serait tentée
d’affirmer que ça va même
plutôt très bien. Premier long
métrage d’un joyeux luron d’à
peine 26 ans, joueur de ping-
pong à la retraite (on ne fait que
se fier à la bio), détenteur de
moult fringues flashy et déjà
auteur de plusieurs courts,
Grand Paris n’aurait pas volé la
palme de la comédie la plus
sympatoche du festival. Voire la
mention «meilleure bromance»
– sans rancune, les Huit
montagnes ! Martin Jauvat,
présent des deux côtés de la
caméra, a écrit un film pastel
qui semble avoir sniffé trop de
colle Uhu, l’équivalent en fiction
d’une nuit de foncedalle,
croisement entre le Mandibules
de Quentin Dupieux et la série
Bloqués d’Orelsan.
63. «Don Juan» Serge Bozon
Le séducteur ne saurait vouloir se
marier car ce serait figer l’infinie
succession des rencontres dans
l’arbitraire d’un amour unique et
une manière artificielle de
prolonger l’intensité fugace de la
passion érotique dans le temps
long d’une règle sociale. Et
pourtant ici, c’est bien à la mairie
que l’on découvre le Don Juan de
Serge Bozon. Laurent (Tahar
Rahim) s’apprête à passer la bague
au doigt de Julie (Virginie Efira)
qui finalement ne viendra pas. Elle
était dans la rue, en bas, et l’a
simplement surpris en train de
poser un regard pénétrant sur une
passante.
L’homme immédiatement infidèle
au serment de fidélité que pourtant
il semblait vouloir endosser ou
simple surinterprétation d’un
regard vague et peut-être rêveur ?
Du moins, elle se casse, disparaît et
lui reste seul avec son chagrin, un
amour désemparé et errant qui lui
fait peu à peu croiser la même
évadée sous différents aspects,
d’autres personnages parfaitement
dissemblables (coiffures,
vêtements, manières de parler…)
mais interprétés par la même
actrice.
64. As Bestas
Rodrigo Sorogoyen
Le cinéaste espagnol,
Rodrigo Sorogoyen, auteur
des excellents El Reino ou
encore Madre, raconte la
fracture sociale dans un
petit village de Galice dans
un terrifiant et grandiose
thriller.
Le meilleur film de la
sélection cannoise n’est pas
en compétition. Dommage.
Présenté en section «
Cannes Premières »,
ovationné lors de sa
projection officielle, « As
Bestas », le nouveau thriller
politico-social du talentueux
Rodrigo Sorogoyen, a roulé
sur la Croisette.
Un couple de Français qu’on
devine embourgeoisés,
campés par Marina Foïs et
Denis Ménochet, s’est
installé dans un hameau
reculé et pauvre au coeur
des montagnes de Galice.
65.
66. Cordes
Estibaliz
Urresola
Le cinéma basque sera représenté au Festival de Cannes
avec « Cuerdas » (Cordes), réalisé par Estibaliz
Urresola, qui sera projeté à la Semaine de la Critique.
Ce projet, produit par Sirimiri Films en collaboration
avec Gariza Films et Katz Estudio, montre l'histoire d'un
chœur de femmes en danger de dissolution après avoir
perdu une subvention municipale leur permettant de
louer la salle de répétition. Pour y suppléer, il serait
tentant d’accepter l’offre de parrainage d'une des plus
grosses entreprises de la vallée, mais très polluante...
La jeune réalisatrice (38 ans) Estibaliz Urresola
Solaguren est diplômée en Communication
Audiovisuelle (UPV-Bilbao), en Théorie du Montage
(EICTV Cuba), et obtient deux masters, un en
Réalisation et un autre en Production
Cinématographique à l’ESCAC. Auteur de plusieurs
courts-métrages et du long-métrage documentaire «
Voix de papier » présenté au Festival de Saint-
Sébastien, ses films avaient été sélectionnés dans divers
festivals dont ceux de Guadalajara, Bruxelles et Malaga.
Elle produit actuellement son premier long métrage
20,000 Especies de abejas, sélectionné par le Berlinale
Coproduction Market, Premiers Plans et la Incubadora.
67. Le cinéma basque sera
également présent au
Marché du Film avec des
créations de María
Elorza et Ane
Berriotxoa réalisées par
Basque Audiovisual, en
particulier « A los libros
y a las mujeres canto »
qui participera aux
projections du marché
espagnol.
Produit par Txintxua
Films, cette réalisation
avait remporté les prix
FIDBA et Festival de
Málaga-WIP España.
Le Marché du
Film montrera également
le court
métrage « Bat » d'Ane
Berriotxoa et de l'Ecole
de Cinéma du Pays
Basque, qui fera partie du
catalogue 2Cool4School.
69. Riposte féministe
Marie Perennès, Simon Depardon
Élise à Brest, Alexia à Saint-Etienne,
Cécile à Compiègne ou encore Jill à
Marseille : elles sont des milliers de
jeunes femmes à dénoncer les
violences sexistes, le harcèlement de
rue et les remarques machistes
qu’elles subissent au quotidien. La
nuit, armées de feuilles blanches et
de peinture noire, elles collent des
messages de soutien aux victimes et
des slogans contre les féminicides.
Certaines sont féministes de longue
date, d’autres n’ont jamais milité,
mais toutes se révoltent contre ces
violences qui ont trop souvent
bouleversé leurs vies. Le sexisme est
partout, elles aussi !
Séance spéciale
72. Le Rail
d’Or
Créés par Jean Roy et
l’association des
cheminots cinéphiles ceux
du rail, ces récompenses
ont couronné deux
femmes cinéastes:
- Emmanuelle Nicot pour
Dalva, récit de la
reconstruction d’une jeune
fille victime d’inceste.
-Estíbaliz Urresola pour
Cuerdas. Elle y confronte
une chorale de femmes
après l’arrêt de
subventions municipales
73. Palm
Queer
La Queer Palm a été
décernée à "Joyland", du
Pakistanais Saim Sadiq.
Ce film raconte l'histoire
d'un jeune homme qui
rejoint un théâtre de
danse érotique et tombe
amoureux d'une
personne transgenre.
"C'est un film
extrêmement fort, qui
représente tout ce que
nous défendons", a
déclaré la réalisatrice
Catherine Corsini,
présidente de l'édition
2022 de la Queer Palm à
Cannes.
La Queer Palm revient au
film pakistanais
"Joyland"
74. Un Certain
Regard
Il s'agit d'une catégorie
qui récompense des
films, "un cinéma
d’auteur et de
découverte". Parmi les
20 films sélectionnés,
"Les Pires" de Lise
Akoka et Romane
Guéret a remporté le
prix Un Certain Regard.
Le film pakistanais
"Joyland" de Saim
Sadiq a reçu le prix du
Jury. C'est le premier
film pakistanais
sélectionné au Festival
de Cannes.
75. La Quinzaine
des
Réalisateurs
"Un beau matin" de
Mia Hansen-Løve a
reçu le Label Europa
Cinemas.
le Carrosse d'Or" a été
attribué à Kelly
Reichardt, la
réalisatrice de
« Showing Up »
Un beau matin
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