Comment et pourquoi grandir collectivement ? Comme le dit le proverbe, « Seul on va vite, ensemble on va plus loin ». Au-delà de cette expression, œuvrer collectivement peut être un véritable levier pour rendre possible nos projets/entreprises et agir durablement sur notre société.
À l’occasion de notre conférence de clôture de saison, nous vous proposons de mettre la valeur du collectif au cœur des échanges.
À l’heure où les enjeux de transformation sont considérables, à toutes les échelles, les intervenants que nous avons réunis nous inspireront à partir de leurs propres domaines d’action. Que ce soit au niveau du rôle de la recherche, dans le maillage (inter)-sectoriel, pour la transformation du territoire ou au service d'une œuvre, chacun mettra en avant l’importance et les bienfaits du collectif pour atteindre une ambition commune.
Cette soirée sera aussi l’occasion de revenir sur la nouvelle et ambitieuse démarche collective du GRE-Liège, dénommée « Liège, Cap 2030 » qui propose à tous les acteurs liégeois de se mobiliser autour de 3 grands objectifs : l’emploi, l’attractivité et la transition vers une économie décarbonée.
Ensemble, nous explorerons les ressorts de l’action collective. Et si elle était la clé pour relever les défis complexes en créant de réelles opportunités de développement ?
2. 6
ENSEIGNEMENTS
• Un PIB qui contribue de manière
importante à la productivité
nationale et régionale
• Des investissements en R&D
significatifs, conformes aux
objectifs européens
• Un taux de diplômés de
l’enseignement supérieur en
évolution et à consolider
• Une taux d’emploi qui reste
inférieur à la moyenne belge
• Un niveau de revenu moyen
inférieur à la moyenne
• Des polarités urbaines qui
s’articule autour d’infrastructures
économiques et culturelles
3. LA MÉTROPOLE
« TRIPLE A »
Augmenter le taux d’emploi
de l’économie liégeoise
productive et présentielle
Accroître la notoriété,
l’attractivité et la
compétitivité du territoire
Accélérer la transition vers
une économie décarbonée
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OBJECTIFS
STRATÉGIQUES
5. Le collectif est une force.
Mais comment renforcer le collectif?
Réflexions au départ d’un partage d’expériences
dans le cadre de la conférence de clôture de Liège Créative 2023
Cédric Danse
c.danse@pragmagora.be
6. Pour se situer : un collectif? (1)
Pour Latour, un collectif est une
§ assemblée
§ d’êtres (humains et non humains)
§ capables de « parler ».
§ Moyennant un ensemble de dispositifs, de techniques, de « matérialité », de procédures,…
§ le collectif travaille progressivement
§ à unifier sa cohérence et son unité,
§ tendant vers une finalité suffisamment partagée
Voir notamment Latour (2004). Politiques de la nature. Comment faire entrer les sciences en démocratie.
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7. Pour se situer : un collectif? (2)
Pour Descola, un collectif est une
§ association d’humains et non humains
§ pouvant prendre des formes diverses
§ mais repérables car suffisamment stabilisées voire canonisées
§ et pouvant être décrites dans leur complexité et leur architecture.
§ Les humains qui en font partie peuvent alors en évoquer le principe de composition ,
§ évaluer leur contribution au collectif
§ et porter un regard réflexif sur leurs modes de relation aux autres membres humains et
non humains
§ et, de ce fait, se distinguer d’autres collectifs qui n’épousent pas ces caractéristiques
suffisamment partagées
Voir notamment Descola (2005). Par-delà nature et culture.
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8. Pour se situer : un collectif? (3)
§ Le collectif a une forme, mais pas forcément celle d’un groupe, d’une équipe, d’une
organisation et encore moins d’une société
§ Le collectif peut être vu comme un processus (construction progressive) et/ou comme
une entité (qui se distingue d’autres entité)
§ Le collectif met aux prises des éléments humains et non humains (artefacts, normes,
concepts, croyances, entités telles que les océans ou la nature,…)
§ Le collectif n’est pas régi par le droit et n’épouse pas des « compositions imposées »
(délimitations physiques, morales, institutionnelles, langagières,…), il se construit plutôt
par relations partagées, rapports, échanges, distorsions, traductions,…
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9. Des réalités de terrain…
§ Dans une institution de soins, un médecin prescrit un traitement et les infirmières
considèrent qu’elles ne sont pas entendues dans leur demande
§ Dans une équipe d’ouvriers, certains trouvent que le débriefing de fin de journée est
interminable alors que d’autres l’attendent avec impatience
§ Dans le secteur associatif, plusieurs coordinateurs ont des difficultés à se mettre
d’accord sur la priorité des projets à mener
§ Dans un cabinet du secteur tertiaire, des collaborateurs trouvent que la procédure mise
en place par leur manager est trop rigide
§ Dans un centre de recherche, les profils de chercheurs se confrontent aux profils des
laborantins et à ceux des « vendeurs de services »
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10. La question
Si la force du collectif un véritable levier d'action,
quel est le levier d’action pour la force du collectif ?
Et plus particulièrement :
comment concilier des sensibilités, des demandes, des besoins,
des approches, des enjeux différents au sein des collectifs ?
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11. Tout collectif a besoin de variété
- Variété de tâches
- Variété de compétences
- Variété de profils (techniques, cognitifs, relationnels,…)
- Variété d’objectifs
- Variété de maîtrises
- Variété de sensibilités
- …
Ce principe est au cœur de tout système :
- orchestre de musique
- permaculture
- smart city
- réseau d’innovation
- équipe sportive
- …
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12. La variété est source de tensions
La variété participe à l’équilibre du système… En même temps qu’elle crée son déséquilibre!
Dans le cas des collectifs humains, notamment :
- Concurrence entre les divers projets, finalités et enjeux au sein du collectif
- Besoins en ressources très différents voire antinomiques (financiers, temporels,
techniques,…)
- Inadéquation des démarches et procédures entre différents sous-systèmes du collectif
- Sensibilité singulière quant aux attentes relationnelles et managériales
- …
Si la variété est essentielle, elle est toujours emprunte de tensions, de logiques d’arbitrage
et d’équilibrages permanents. C’est un équilibre dynamique, pas un équilibre stationnaire
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13. Le constat
Ce qui fait problème dans les collectifs est en fait la solution :
Nourrir et gérer la variété du collectif
pour lui permettre de contribuer à ses objectifs
La question que tout le monde se pose : comment?
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14. Quelques pistes en vrac (1)
§ Piloter un collectif par sa finalité :
§ Définir l’utilité du collectif, sa contribution, des enjeux
§ Considérer que c’est la finalité qui doit déterminer les processus et structures (dispositifs, règles, démarches, outils,…),
non l’inverse
§ Privilégier les initiatives qui contribuent à cette finalité, limiter celles qui s’en éloignent
§ Rappeler sans cesse aux membres du collectif ce à quoi le collectif contribue dans son environnement
§ Permettre la réappropriation :
§ Accepter que chaque sous-système du collectif poursuit une finalité qui lui est propre, pour autant qu’elle participe
suffisamment aux finalités globales du collectif
§ Considérer le projet d’un collectif comme l’articulation d’une multitude de projets connexes, de natures et d’ampleurs
différentes
§ Toujours laisser un espace de traduction, de déclinaison, de personnalisation du travail par les membres d’un collectif
§ Assurer un lien suffisant entre les différentes traductions afin d’en harmoniser leur homogénéité
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15. Quelques pistes en vrac (2)
§ Offrir un espace dialogique :
§ Créer des dispositifs de rencontre et faciliter des échanges
§ Permettre la contradiction et favoriser la controverse, tout en soulignant les points de convergence et les accords
§ Echanger autour des critères d’un travail bien fait (qu’est-ce qui est « beau », qu’est-ce qui est « nécessaire », quelles
sont les règles, priorités ?)
§ Quelquefois, se limiter à écouter : qu’est-ce qui est important pour l’autre, quelle est sa logique, quel est son univers?
§ Considérer que toute contribution est signe d’intelligence :
§ Savoir reconnaître toute les formes de contribution : avis, idées, actions, soupirs, désinvolture,…
§ Rechercher le sens de ces manifestations tel un anthropologue : de qui et de quoi sont-elles porteuses, comment se
comprennent-elles si l’on postule que celles-ci sont dotées d’une certaine pertinence?
§ Apprécier à leur pleine portée toutes les contributions, peu importe qui les a exprimées, sous quelle forme et sans a
priori sur la validité de contenu : une connaissance experte et une sensation du terrain peuvent avoir la même valeur!
§ Chercher à comprendre la logique et les positions de celles et ceux qui se distancient de votre collectif
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16. Quelques pistes en vrac (3)
§ Rechercher l’information et le feedback :
§ Distinguer données et informations : seules les données qui se démarquent et font sens deviennent des informations
§ Considérer que l’information, c’est un changement qui crée du changement, on peut en faire quelque chose
§ Rechercher le feedback à l’intérieur du collectif (le climat, le moral, les formes d’implication, l’état du matériel,
l’avancée du travail,…) mais aussi à l’extérieur (les signaux faibles, les tendances, les autres instances,…)
§ (Se) demander ce que le feedback nous apprend et comment il invite à réguler notre collectif et son développement
§ Ritualiser :
§ Créer des espaces tiers, utiliser des artefacts, aménager un cadre, faire vivre des « moments »
§ Inscrire dans la durée et répéter dans le temps certaines pratiques, certaines dispositifs pour structurer et rythmer les
contributions du collectif et son évolution
§ Définir une gamme d’objectifs déterminés à des pratiques spécifiques récurrentes (revues, hackathons, rencontres
citoyennes,…)
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17. Quelques pistes en vrac (4)
§ S’appuyer sur des relais et enrôler :
§ Mettre de l’énergie à développer le réseau davantage qu’à trouver « la » bonne idée, « le » bon objectif, « la » bonne
démarche,…
§ Activer des diffuseurs (d’idées, de connaissances, d’influence,…) et des points d’appui pour développer le réseau
§ Renforcer la communication sur les finalités du collectif au fur et à mesure que le réseau s’allonge (puisqu’il y a de plus
en plus de réappropriation, d’objectifs divers,…)
§ Considérer que la réussite du collectif dépend de l’articulation d’une multitude de « projets latéraux »
§ Oser contraindre :
§ Affirmer le cadre, informer des limites, maintenir un cap, privilégier des codes qui peuvent être reconnus
§ Penser qu’agir dans un collectif, c’est aussi réprimer en partie des initiatives ou envies d’un sous-système (individus,
petits groupes, entités,…) au nom de ce collectif
§ S’assurer de la non-incompatibilité d’une action d’un sous-système. Tant que ça ne fait pas de tort au collectif, c’est ok!
§ Introduire la contrainte comme élément de créativité et d’innovation
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18. Quelques pistes en vrac (5)
§ Reconnaître pleinement les éléments non humains du collectif :
§ Mettre sur un même niveau les éléments humains et non humains : un objet, une constitution, un dispositif, un
aménagement, une infrastructure, une norme, une entité juridique ou morale, une valeur,…
§ Considérer que l’intelligence du collectif se distribue entre ces différents éléments (la fonction de mémorisation par
exemple est autant tributaire des individus que des artefacts qui se trouvent dans l’environnement)
§ Ecouter ce que ces éléments non humains ont à exprimer… voire se faire leur porte-parole (que dit un territoire, un
océan, un règlement,…)
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19. A y regarder de plus près…
On retrouve une combinaison de leadership transactionnel et de leadership transformationnel
§ Leadership transactionnel
§ Permettre la réappropriation
§ Offrir un espace dialogique
§ Rechercher l’information et le feedback
§ Ritualiser
§ Leadership transformationnel (leadership notamment
§ Piloter par les finalités
§ Oser contraindre
§ S’appuyer sur des relais et enrôler
§ Considérer que toute contribution est signe d’intelligence
§ Reconnaître pleinement les éléments non humains du collectif
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20. Vers une conclusion…
« Nous dirons d’un collectif qu’il est plus ou moins articulé, dans tous les sens du mot,
c’est-à-dire qu’il « parle » davantage, qu’il est plus fin, plus astucieux, qu’il comprend plus
d’articles, d’unités discrètes ou de parties prenantes, qu’il les mélange avec plus de
degrés de liberté, qu’il peut se composer de manières plus diverses, qu’il déploie de plus
longues listes d’actions. »
Latour (2004). Politiques de la nature. Comment faire entrer les sciences en démocratie.
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