1. Approche GUM
0. Introduction à l’approche GUM
Aujourd’hui, les entreprises sont amenées à contrôler la qualité des produits qu’elles
mettent à disposition de leurs clients. Ce contrôle se fait souvent par des appareils de
mesures. Les mesures données par un appareil de mesure sont toujours accompagnées d’une
certaine incertitude qui a pour effet le non connaissance de la valeur vraie du mesurage.
Cette incertitude a pour source principale les erreurs commises lors du mesurage. Ces
erreurs peuvent être classées en trois catégories :
• Erreur systématique : cette erreur peut engendrer des interprétations erronées car
elle agit souvent dans le même sens. Dans certains cas, cette erreur peut être corrigée
compte tenu du fait que son effet est quantifié.
• Erreur grossière : elle est souvent appelée valeur aberrante. Cette erreur est
facilement identifiable et souvent due à une faute (erreur de lecture, procédure non
conforme, etc.)
• Erreur aléatoire : est la somme des erreurs dues à des facteurs non contrôlables
(bruit). Elle est évaluée et interprétée par des techniques statistiques (ANAVAR).
Il existe plusieurs méthodes pour déterminer cette incertitude dont l’approche GUM que nous
présentons dans cet article.
1. APPROCHE GUM
GUM est un guide d’expression de l’incertitude de mesure.
Elle est issue de la norme NF EN 13005. Cette approche permet d’exprimer l’incertitude
d’une mesure, en s’appuyant sur la modélisation du processus de mesure sous une écriture
mathématique reprenant toutes les informations dont dispose l’expérimentateur pour
déterminer le résultat de mesure ou d’essai.
Soit Y le mesurande,
X1, X2, Xn étant les grandeurs d’entrées ou informations dont dispose l’expérimentateur.
Ces grandeurs sont des variables aléatoires. Ce sont ces mêmes variables qui sont la source de
l’incertitude autour de la valeur vraie.
La valeur vraie, même si elle n’est jamais connue, on sait avec exactitude qu’elle est
contenue dans un intervalle donnée avec une probabilité déterminée.
Exemple 1: Longueur L=16,756 mm± 6µm.
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2. Approche GUM
Cette indication de mesure nous montre que la valeur vraie se trouve dans un intervalle
[16,75 ; 16,762] avec une probabilité qui est souvent de 99.73% (niveau de confiance
industriel).
uc
16,750 mm 16,762 mm
16,756 mm
L’incertitude globale U qui est dans cet exemple de ±6µm est obtenue par la formule
suivante :
U=k.uc
Avec
k : coefficient d’élargissement qui dépend du niveau de confiance uc : incertitude composée
Cette incertitude composée uc est la somme de plusieurs incertitudes uxi des grandeurs
d’entrées (X1, X2, ..., Xn). Ces incertitudes uxi doivent faire l’objet d’une détermination. Pour
estimer cette incertitude, l’approche GUM propose deux méthodes qui permettent d’estimer
les composantes u(xi) de cette incertitude.
1.2 Estimation de l’incertitude de type A
Cette méthode est utilisée pour estimer l’incertitude liée à la repétabilité d’un procédé de
mesure. L’expérimentateur effectue une répétition de mesures sur une caractéristique X, en
conservant au mieux les mêmes conditions (même instrument de mesure, même
environnement, courte période de temps…). Il obtient après n répétitions n valeurs
indépendantes xi.
La moyenne arithmétique de cette série est donnée par la relation :
L’estimation de l’écart-type est donné par :
∑ (x − x )
n
2
i
s= i =1
n −1
Cet écart-type s est l’estimation de la composante d’incertitude liée à la repétabilité.
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3. Approche GUM
Pour arriver à des bons résultats avec une erreur aléatoire faible autour de la valeur vraie, le
nombre de mesures n doit être compris entre 6 (chiffre minimal) et 30 (chiffre idéal).
1.3 Estimation des incertitudes de type B
Cette méthode est utilisée pour estimer les incertitudes de différentes composantes
intervenant dans le processus de mesure : incertitude sur les corrections d’étalonnage,
incertitude, incertitude sur les corrections d’environnement, etc. Elle est utilisée lorsqu’il n’y
a pas répétitions de mesures.
L’estimation de ces incertitudes s’effectue sur un jugement scientifique fondé sur les
informations disponibles. On retrouve très souvent ces informations dans la notice du
constructeur de l’appareil de mesure ; elles peuvent provenir aussi des résultats antérieurs, des
données fournies par des certificats d’étalonnage, etc.
Ces incertitudes suivent différentes lois statistiques énumérées dans le paragraphe suivant.
a) Loi normale à 99.73%
a
-a a
3ᴕ
a =3ᴕ
L’écart-type est donné par :
N.B : il existe trois niveaux de confiance pour la loi normale, les coefficients d’élargissement
k en dépendent.
-Niveau de confiance à 68%, k=1 ;
-Niveau de confiance à 95%, k=2 (le plus utilisé dans le milieu industriel)
-Niveau de confiance à 99.73%, k=3, ce niveau de confiance commence à être très utilisé
surtout en Maîtrise statistique des procèdes (MSP)
Approche GUM Page 3
4. Approche GUM
Exemple 2 : soit un thermomètre de référence avec un certificat d’étalonnage indiquant une
correction de 0.015°C, avec une incertitude de 0,022°C à la température de test de 20°C, avec
une valeur de k=2.
Dans ce cas l’incertitude est distribuée selon une loi normale, 0,022°C est l’incertitude élargie
sur l’étalonnage.
En utilisant la formule de la loi normale et en prenant comme coefficient d’élargissement k=3,
l’incertitude ue liée à l’étalonnage sera égale à :
b) Loi uniforme
L’écart-type est donné par :
Cette loi est utilisée pour déterminer l’incertitude u sur la résolution d’un appareil de mesure.
Exemple 3: un thermomètre a une résolution de 0,1°C. La résolution de cet appareil suit une
loi rectangle.
Remarque : cette résolution de 0,1°C est équivalente à 2a ;
En appliquant la formule :
L’incertitude liée à la résolution de l’appareil sera égale ur=
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5. Approche GUM
c) Loi arc sinus
L’écart-type est donné par :
Cette loi est utilisée pour estimer l’incertitude d’une grandeur oscillant entre deux extremums
de façon sensiblement sinusoïdale.
Exemple : température d’un local climatisé, d’une enceinte (régulation).
d) Loi triangle isocèle
-a a
L’écart-type est donné par :
Les quatre lois présentées ci-dessus sont des lois de distribution symétriques. Il existe aussi
des lois de distribution asymétriques qui peuvent être utilisés dans les cas suivants :
• Transvasement de liquide à partir d’une fiole jaugée. La quantité de liquide versée est
toujours inférieure à la quantité contenue, à cause des gouttes restant fixées aux parois.
• Evaporation d’un produit volatil, si l’on veut déterminer la quantité d’un produit par
pesée. Entre l’opération de pesée et l’utilisation du produit, une certaine proportion va
s’évaporer et sera donc source d’incertitude.
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6. Approche GUM
Pour modéliser ces phénomènes, nous utilisons la loi triangle rectangle.
1/a
-2a/3 4a/3
L’écart type est donné par :
Exemple 4: un produit volatil est mis à peser dans un bêcher. On connaît la valeur de
l’évaporation dans les conditions de mesure : 1mg par minute. Sachant que le délai entre le
versement du produit dans le bêcher, et le relevé de la pesée, est de 30 secondes, l’incertitude
d’évaporation sera la suivante : a étant égal ici à 0,5 mg :
u²(Ce)=
1.4 Calcul de l’incertitude composée uc
Les incertitudes uxi sur les grandeurs d’entrée du processus de mesure, ayant été
déterminées par les méthodes A et B de l’approche GUM, l’incertitude composée uc peut être
à son tour déterminée.
L’incertitude composée s’obtient par la formule suivante :
uc = (u x1 )2 + (u x 2 )
2
+ ... + (u xn )
2
Comme cette formule le montre, l’incertitude composée est la somme des carrées des
incertitudes sur les grandeurs d’entrées.
Exemple 5 :
On désire vérifier la distance entre deux plans nominalement parallèles cotés à 123,5±0,1 mm.
Dans ce but, on réalise un empilage de trois cales étalons (100+20+3) et on effectue le zéro du
comparateur sur l’empilage.
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7. Approche GUM
Le comparateur a été étalonné et a une résolution de 0.001 mm. Ses caractéristiques
métrologiques sont les suivantes :
- Justesse=2,6 µm (écart entre le point le plus haut et le point le plus bas de la
courbe d’étalonnage)
- Fidélité=0,1
- Incertitude d’étalonnage=±0,7µm (k=2)
- L’écart type de l’incertitude due aux cales étalons.
Par ailleurs, on estime un écart de ±0,2 °C entre l’empilage de cales et la pièce à mesurer. Le
coefficient de dilatation est égale à =11,5 10-6/°C
On réalise une série de 10 mesurages.
N° 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Valeur 123,502 123,501 123,502 123,499 123,498 123,500 123,501 123,500 123,501 123,499 123,500
1. Selon la méthode A, déterminer l’écart type de répétabilité
2. Selon la méthode déterminer :
a) l’incertitude d’étalonnage
b) l’incertitude de résolution
c) l’incertitude de température
3. Déterminer l’incertitude composée.
Correction :
1. Détermination par la méthode A de l’écart-type (incertitude) de repétabilité .
L’écart-type de repétabilité ur s’obtient par la formule :
∑ (x − x )
n
2
i
= 1,3165 10-3 mm Xi : valeur du tableau
s = ur = i =1
n −1
Avec
2. Détermination des incertitudes par la méthode B :
a. Calcul de l’incertitude ue d’étalonnage
Hypothèse : l’incertitude d’étalonnage introduit des erreurs qui suivent une loi normale.
Ue= k.ue
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8. Approche GUM
Avec
Ue : incertitude élargie sur l’étalonnage ue :: incertitude d’étalonnage
En appliquant cette formule, avec k=2,
ue= Ue /2=0,35µm
b.Calcul de l’incertitude urés de résolution de l’appareil de mesure :
Hypothèse : l’incertitude de résolution introduit des erreurs qui suivent une loi uniforme.
Soit 2a l’étendue de la résolution=0,001mm
En appliquant la formule :
On obtient urés=0,28µm
c. Calcul de l’incertitude de température u∆t
La variation de la longueur d’un corps soumis à température est donnée par la relation :
∆L=±11,5 10-6x0, 2x123, 5 = ±0,28µm
Hypothèse : les écarts de température entrainent des erreurs qui suivent une loi normale.
∆L=k. u∆t
u∆t=∆L/2= 0,14µm
2. Calcul de l’incertitude composée uc.
Après ces calculs nous disposons de 4 incertitudes pour ce mesurage à savoir :
- l’incertitude de repétabilité ur= 1,3165 10-3 mm
- l’incertitude d’étalonnage ue= 0,35µm
- l’incertitude de résolution urés= 0,28µm
- l’incertitude de température u∆t= 0,14µm
Sans oublier l’écart-type de l’incertitude due aux cales étalons= 0,7µm
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9. Approche GUM
L’incertitude composée s’obtient par la formule :
u c = 1,322 + 0,352 + 0,282 + .0,14 2 + 0,1662
En appliquant cette formule on :
u c = 1,32 2 + 0,352 + 0,282 + .0,14 2 + 0,1662
uc= 1,41µm
L’incertitude composée pour cette opération est de 1,41µm
1.5 Loi de propagation des incertitudes
Ayant montré précédemment que le processus de mesure pouvait se mettre sous le modèle :
Cette fonction met en relation le mesurande et les grandeurs d’entrées (X1, X2,…, Xn).
Chacune de ces grandeurs d’entrée suit une loi de probabilité déterminée. La loi de
propagation d’incertitude s’appuyant sur cette fonction qui par la suite est développée en série
de Taylor, nous permet d’en déduire l’incertitude composée uc du mesurage :
2
N N
∂f ∂f N
∂f N −1 N
∂f ∂f
= ∑∑ u ( x i , x j ) = ∑ u 2 ( x i ) + 2∑ ∑
2
uc u ( xi , x j )
i =1 j =1 ∂xi ∂x j i =1 ∂x1 i =1 j =i +1∂xi ∂x j
avec u(xi, xj) covariance entre les différentes grandeurs d’entrées. Cette covariance est nulle
quand les grandeurs d’entrées ne sont pas corrélées entre elles ou autrement dit indépendants,
ce qui implique un coefficient de corrélation nul.
u( x , x )
i j
r( x , x ) =
xi j u ( x )u ( x )
i j
r (xi, xj) varie de -1 à +1.
Exemple 6 :
cas n°1 : absence de corrélation
Soit un montage de deux résistances R1 et R2 en parallèle, déterminons la résistance Req
et l’incertitude composée connaissant celles sur R1 et R2 :
R1= (125±2)
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10. Approche GUM
R2= (243±5)
La résistance équivalente est donnée par la relation suivante :
1 1 1
= +
Req R1 R2
Soit :
R1 R2
Req =
R1 + R2
L’estimateur de la résistance équivalente est égal à :
R1 R2 125 × 243
Req = = = 82,54Ω
R1 + R2 125 + 243
L’incertitude, par la loi de propagation des incertitudes est donnée par la variance :
2 2
R1 R2 R1 R2
∂ ∂
R1 + R2 2 R1 + R2 σ 2 R
u c2 = σ 2 Re q = σ R1 +
∂R1 ∂R2 2
Soit
2 2
R (R + R ) − R1R2 2 R1 (R1 + R2 ) − R1R2 2
uc2 = σ 2 Req = 2 1 2 σ R1 + σ R2
(R1 + R2 ) (R1 + R2 )
Pour déterminer les variances sur les résistances R1 et R2, on considère qu’elles sont
décrites par des lois normales et que les incertitudes correspondent au niveau de confiance
95% (alors k=2). Ainsi, les variances se calculent de la manière suivante :
∆R 2
2 2
σ = 1 = =1Ω
2
R
2 2
1
∆R2
2 2
5
σ 2
= = = 6 , 25 Ω
2
R2
2
On obtient finalement l’incertitude composée uc :
uc = σ 2
R eq = 0 , 27 = 0 , 52 Ω
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11. Approche GUM
Exemple 7 :
Cas n°2 : présence de corrélation
Dix résistances, chacune de valeur nominale Ri=1000 , sont étalonnées avec une incertitude
négligeable lors de leur comparaison à la même résistance Rs de 1000 caractérisée par une
incertitude-type u(Rs)=100m donnée dans son certificat d’étalonnage. Les résistances sont
connectées en série avec des fils de référence Rref de valeur nominale de 10k . Alors
Rref = f ( Ri ) = ∑i=1 Ri
10
Puisque r (xi, xj)=+1 pour chaque paire de résistance. Comme on a pour chaque résistance
∂f ∂Rref
= =1
∂xi ∂Ri
et u(xi)=u(Ri)=u(Rs), l’équation
2
N N
∂f ∂f N
∂f N −1 N
∂f ∂f
= ∑∑ u ( x i , x j ) = ∑ u 2 ( x i ) + 2∑ ∑
2
uc u ( xi , x j )
i =1 j =1 ∂xi ∂x j i =1 ∂x1 i =1 j =i +1∂x i ∂x j
donne pour l’incertitude-type composée de Rref, u c ( Rref ) = ∑i =1 u ( Rs ) = 10 × (100mΩ) = 1Ω
10
Le résultat qu’on aurait obtenu en ne tenant pas compte de la corrélation serait
uc = [∑ u (R )] = 0,32Ω
10
i=1
2
s
On voit bien que l’écart entre ces deux résultats est non négligeable, d’où l’importance de
tenir compte de la corrélation entre les résistances.
1.5 Détermination de l’incertitude élargie U et expression du résultat de mesure.
Après avoir calculé l’incertitude composée uc, il paraît imminent de déterminer
l’incertitude élargie U. cette incertitude élargie U représente l’intervalle autour du résultat
de mesure, intervalle dans laquelle se trouve une large partie de la distribution des valeurs
qui peuvent être attribuées au mesurande et notamment la valeur vraie qui baigne dans
cette intervalle.
L’incertitude élargie U s’obtient en multipliant l’incertitude composée uc par le
facteur d’élargissement k, facteur qui dépend du niveau de confiance.
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12. Approche GUM
U = k ×uc
Le tableau suivant représente les coefficients d’élargissements k et les niveaux de confiance
correspondants :
Facteur d’élargissement Niveau de confiance en %
1 68,27
2 95
3 99,73
Les deux derniers facteurs d’élargissement sont les plus utilisés, car on est plus sûr de ne pas
ignorer certaines valeurs du mesurande à tort.
Une fois que l’incertitude élargie U est déterminée, nous pouvons indiquer le résultat de
mesure sous la forme :
y = y ±U
Avec
Y estimateur de y
Pour conclure, on peut voir que l’approche GUM comprend 4 étapes essentielles à savoir :
1. Modélisation du processus de mesure sous une écriture mathématique
2. Calcul des composantes d’incertitude composée uxi par les méthodes A et B
3. Calcul de l’incertitude composée par :
a) En faisant la somme des carrés des composantes d’incertitude composée uxi
uc = (u x1 )2 + (u x 2 )
2
+ ... + (u xn )
2
b) En utilisant la loi de propagation des incertitudes
2
N N
∂f ∂f N
∂f 2 N −1 N
∂f ∂f
= ∑∑ u ( x i , x j ) = ∑ u ( x i ) + 2∑ ∑
2
uc u ( xi , x j )
i =1 j =1 ∂xi ∂x j i =1 ∂x1 i =1 j =i +1∂xi ∂x j
4. Détermination de l’incertitude élargie U et expression du résultat de mesure.
U = k ×uc
y = y ±U
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13. Approche GUM
DOCUMENTS DE REFERENCE
1. Guide pour l’expression de l’incertitude de mesure. 1995
2. La qualité (démarches, méthodes et outils) Zhora CHERFI, chapitre 9 : métrologie.
3. Estimer l’incertitude, mesures et essais, auteurs :Christophe Perruchet et Marc Priel.
4. …
Auteur :
René Christian TUYISHIME
Ingénieur en Qualité et Sûreté de fonctionnement (ISTIA 2011)
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